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http://www.neur-one.fr [email protected] - 1 - 23/09/2009 1 NEUROBIOLOGIE DES ÉMOTIONS D’après le cours d’Alain Marty et d'après : http://psychobiologierouen.free.fr Introduction A – Définitions usuelles Qu’est-ce qu’une émotion ? C’est une sensation plus ou moins nette de plaisir ou de déplaisir que l’on peut reconnaître en soi ou prêter aux autres par extrapolation. C’est une notion complexe car elle comporte un aspect mental (ce qu’on ressent : joie, chagrin…) et un aspect physique (manifestations physiologiques). Les émotions ne restent pas purement cérébrales, on distingue des manifestations végétatives telles que le changement de rythme cardiaque, les défécations…. Autre définition de l'émotion : Lors d'une émotion, l'individu perçoit un ensemble d'informations qui sont susceptibles de conduire à une réponse biologique. Toute perception est susceptible de déclencher un sentiment émotionnel ; « cette prise de conscience émotionnelle, le sentiment qui en découle » s'accompagnent d'une motivation d'approche nécessaire à l'initiation par le sujet d'un comportement. Ainsi, l'activité émotionnelle dépend à la fois de l'environnement de la situation, et du contrôle cognitif comportemental. Ce contrôle peut être direct et dirigé vers le problème ou indirect et dirigé vers l'émotion. Enfin, l'activité émotionnelle dépend aussi de la réactivité individuelle c'est-à-dire de la personnalité et du tempérament du sujet. Toutes les réactions comportementales émotionnelles dépendent de deux composantes : 1-de l'expérience émotionnelle subjective ;2-de la réaction physiologique et comportementale individuelle déclenchée par l'expérience émotionnelle. Par exemple, la vue d'un serpent déclenche la peur puis la fuite puis une augmentation du rythme cardiaque. B – Expérience / expression Les émotions peuvent être ressenties comme des sensations positives si les conséquences sont gratifiantes. On parle alors d’émotions appétentes, réconfortantes Elles peuvent s’exprimer à travers le comportement : mimiques, mouvement, fight or flight. Elles peuvent s’exprimer par des réactions physiologiques : augmentation du rythme cardiaque, libération de glucocorticoïdes. Les émotions peuvent aussi être identifiées comme des sensations subjectives associées à des réactions comportementales et somato-végétatives que l'on qualifie d'expérience émotionnelle. Ce double aspects pose plusieurs problèmes techniques. L’aspect subjectif de l’expérience émotionnelle rend difficile l’étude objective des émotions chez l'homme. On ne peut donc mesurer que l’expression émotionnelle. On ne peut pas quantifier la peur. Chez les animaux, et dans une certaine mesure dans certains cas cliniques chez l'homme, on ne peut pas accéder à l'expression émotionnelle. Le deuxième aspect des problèmes est représenté par la difficulté à comprendre le rapport entre expérience et expression émotionnelles : c'est le problème de l'identification de la relation cause/conséquence. Est-ce ce qu'on libère de l'adrénaline parce qu'on a peur ou bien est-ce qu'on a peur parce que de l'adrénaline est libérée ?

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NEUROBIOLOGIE DES ÉMOTIONS D’après le cours d’Alain Marty

et d'après : http://psychobiologierouen.free.fr

Introduction

A – Définitions usuelles

Qu’est-ce qu’une émotion ? C’est une sensation plus ou moins nette de plaisir ou de déplaisir que l’on peut reconnaître en soi ou prêter aux autres par extrapolation. C’est une notion complexe car elle comporte un aspect mental (ce qu’on ressent : joie, chagrin…) et un aspect physique (manifestations physiologiques). Les émotions ne restent pas purement cérébrales, on distingue des manifestations végétatives telles que le changement de rythme cardiaque, les défécations….

Autre définition de l'émotion :

Lors d'une émotion, l'individu perçoit un ensemble d'informations qui sont susceptibles de conduire à une réponse

biologique. Toute perception est susceptible de déclencher un sentiment émotionnel ; « cette prise de conscience émotionnelle, le sentiment qui en découle » s'accompagnent d'une motivation d'approche nécessaire à l'initiation par le sujet d'un comportement. Ainsi, l'activité émotionnelle dépend à la fois de l'environnement de la situation, et du contrôle cognitif comportemental. Ce contrôle peut être direct et dirigé vers le problème ou indirect et dirigé vers l'émotion. Enfin, l'activité émotionnelle dépend aussi de la réactivité individuelle c'est-à-dire de la personnalité et du tempérament du sujet.

Toutes les réactions comportementales émotionnelles dépendent de deux composantes : 1-de l'expérience émotionnelle subjective ;2-de la réaction physiologique et comportementale individuelle déclenchée par l'expérience émotionnelle. Par exemple, la vue d'un serpent déclenche la peur puis la fuite puis une augmentation du rythme cardiaque.

B – Expérience / expression

Les émotions peuvent être ressenties comme des sensations positives si les conséquences sont gratifiantes. On parle alors d’émotions appétentes, réconfortantes Elles peuvent s’exprimer à travers le comportement : mimiques, mouvement, fight or flight. Elles peuvent s’exprimer par des réactions physiologiques : augmentation du rythme cardiaque, libération de glucocorticoïdes.

Les émotions peuvent aussi être identifiées comme des sensations subjectives associées à des réactions comportementales et somato-végétatives que l'on qualifie d'expérience émotionnelle.

Ce double aspects pose plusieurs problèmes techniques. L’aspect subjectif de l’expérience émotionnelle rend difficile l’étude objective des émotions chez l'homme. On ne peut donc mesurer que l’expression émotionnelle. On ne peut pas quantifier la peur. Chez les animaux, et dans une certaine mesure dans certains cas cliniques chez l'homme, on ne peut pas accéder à l'expression émotionnelle. Le deuxième aspect des problèmes est représenté par la difficulté à comprendre le rapport entre expérience et expression émotionnelles : c'est le problème de l'identification de la relation cause/conséquence. Est-ce ce qu'on libère de l'adrénaline parce qu'on a peur ou bien est-ce qu'on a peur parce que de l'adrénaline est libérée ?

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De plus qu’elle est la spécificité de l'expérience émotionnelle? est-ce qu’il existe une activation physiologique pour chaque sensation subjective ou une activation pour plusieurs expression physiologique

Théories classiques des émotions

Au 19ème et 20ème siècles, plusieurs théories ont tentés de répondre à ces questions.

1) L'histoire de Phinéas Gage (1848)

Les fonctions du cortex frontal (dont leur participation aux fonctions émotionnelles) ont été suggéré pour la première fois, au XIXème siècle, par un dramatique accident survenu à un ouvrier des chemins de fer, du nom de Phinéas Gage, qui eut la région frontale traversée par une barre à mine. A l'étonnement général, Gage survécut et les perturbations de son comportements stimulèrent les premières réflexions sur les fonctions complexes du cerveau. L'illustration de la figure 1 est une reconstruction de la trajectoire de la barre à mine, d'après les restes du crâne de Gage, actuellement conservés au Warren Museum de Harvard Medical School. Nous rapporterons l'histoire de Phinéas Gage telle que la raconte Colin Blakemore.

Fig. 1 – Reconstitution de la trajectoire de la barre dans le crâne de Phinéas Gage

L'accident qui fut à l'origine du drame se produisit le 15 septembre 1848, à 4 heures et demie de l'après-midi, près de la

petite ville de Cavendish, dans le Vermont. Une équipe d'ouvriers, avec à leur tête Phineas P. Gage, sympathique et dynamique contremaître âgé de vingt cinq ans, travaillait à la construction d'une nouvelle ligne de chemin de fer entre Burlington et Rutland. Il s'agissait de faire sauter un rocher qui gênait l'avancée de la ligne. Phineas avait décidé d'effectuer lui-même la délicate opération consistant à bourrer de poudre un trou foré au préalable dans le roc. Il finissait de tasser la charge au fond du trou à l'aide d'un bâton métallique, quand, soudain, le frottement de ce dernier contre la pierre provoqua une étincelle qui mit le feu aux poudres. Le bâton de fer fut projeté par l'explosion comme un boulet de canon et traversa le front de Phineas, y laissant un vaste trou, avant d'atterrir quarante mètres plus loin.

Difficile à croire, mais ce ne fut pas la fin de Phineas Gage, ou tout au moins pas la fin du corps qui portait ce nom. Phineas avait été projeté sur le sol par la violence du choc, et ses membres, pendant quelque temps, s'agitèrent convulsivement. Mais, cinq minutes plus tard, à peine sorti de la torpeur, il parlait à nouveau et se tenait sur ses jambes. Ses camarades le transportèrent dans un tombereau jusqu'à un hôtel de la ville. Phineas put descendre sans aide de la charrette et grimper l'escalier de la chambre, où il attendit l'arrivée des médecins. Ceux-ci eurent peine à croire ce qui était arrivé à Phineas avant d'examiner de leurs propres yeux la plaie béante au milieu du front.

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A 10 heures du soir, bien que la blessure saignât encore, Phineas avait retrouvé suffisamment ses esprits pour dire à ses ouvriers qu'il retournerait travailler dans quelques jours. Il ne faisait pourtant aucun doute qu'une barre à mine large de plusieurs centimètres avait transpercé la partie antérieure de son cerveau sans apparemment que ses sens, son langage et sa mémoire fussent aucunement perturbés. Les jours suivants furent difficiles. La plaie s'infecta; Phineas devint anémique et délira. Mais, grâce à de copieuses administrations de calomel, de rhubarbe et d'huile de castor, il se remit peu à peu. Trois semaines plus tard, il réclamait ses pantalons et avait hâte de quitter son lit. Vers le milieu de novembre, il flânait dans la ville et faisait des projets d'avenir. Ici se situe le tournant de l'histoire: Phineas avait un nouvel avenir, car il était devenu un homme différent. Le vaillant contremaître, apprécié de ses chefs et aimé par ses subordonnés, n'existait plus. Le Phineas Gage sympathique et courageux était mort; à sa place, tel un jeune phénix, un enfant doué d'une force de taureau et d'un caractère dépravé venait de naître. Quelques années plus tard, John Harlow, un des médecins qui avait examiné Phineas lors de l'accident, écrivait: « Il est en bonne santé, et je suis tenté de dire qu'il a récupéré [...] L'équilibre ou la balance, pour ainsi dire, entre ses facultés intellectuelles et ses propensions animales semble s'être rompu. Il est capricieux, irrespectueux et se complaît dans la grossièreté, ce qui n'était pas ses habitudes, sans égards pour ses compagnons, impatient quand on le contrarie, obstiné, mais changeant d'avis et de projets à tout bout de champ [ ... ] A ce point de vue, son esprit avait radicalement changé, au point que ses connaissances et amis disaient que " ce n'était plus Gage ". » Le nouveau Phineas, rejeté par ses employeurs, se mit à parcourir l'Amérique, s'exhibant comme attraction de foire, avec le bâton de métal responsable de sa métamorphose. Il mourut à San Francisco, mais son crâne et la barre à mine sont conservés au musée de l'École de médecine de Harvard. L'histoire de Phineas P. Gage eut un tel retentissement parce qu'elle se produisit dans le milieu du XIXème siècle où étaient de nouveau à la mode les théories de Gall selon lesquelles les différentes facultés de l'esprit étaient localisées en différentes régions du cerveau. Cette observation clinique exceptionnelle montrait, de plus, que le cerveau n'était pas seulement le maître de nos mouvements et de nos sensations, mais aussi celui de nos sentiments et de nos passions, en un mot, de notre personnalité. Après la description, par Broca (1865), d'une étroite région de l'hémisphère cérébral gauche, responsable du langage, et après les expériences de stimulation électrique et d'ablation de zones limitées du cortex cérébral réalisées chez le chien par Fritsch et Hitzig (l871) et chez le singe par Ferrier (l873), les recherches ont principalement porté sur la localisation cérébrale des fonctions sensorimotrices. Il fallut attendre les travaux de Papez (l 937) pour accepter l'hypothèse que certaines régions du cerveau, formant ce qui sera désigné plus tard sous le nom de « système limbique » (MacLean, 1949), avaient en charge les aspects émotionnels et affectifs de la vie.

Vers cette époque (1939), Phineas P. Gage eut des émules singes grâce aux talents chirurgicaux de H. Klüver et P.C. Bucy 1. Des singes dont les lobes temporaux du cerveau avaient été enlevés présentaient des modifications spectaculaires dans leur comportement affectif et social. Ces animaux, auparavant sauvages, étaient devenus doux. apprivoisés et ne s'effrayaient plus de la présence humaine Ils étaient soumis et supportaient sans broncher les agressions de leurs congénères. Enfin, ils présentaient des comportements sexuels et alimentaires caricaturaux, excessifs et inappropriés, cherchant à manger tout ce qui se présentait, mangeable ou non, et manifestant à l'égard d'objets les plus invraisemblables une inclination sexuelle incongrue. Ce syndrome fut appelé «cécité psychique», entendu par là que les singes étaient incapables de percevoir la signification des stimuli visuels qui s'offraient à eux. Le malheureux Phineas et les singes de Klüver et Bucy nous montrent qu'il est des régions du cerveau qui gèrent nos sentiments et nos rapports affectifs avec le monde, comme il en est d'autres où s'élaborent perceptions et mouvements. Si le système nerveux sensitivomoteur se prête aisément au démontage en voies et centres, il n'est cependant aucune raison de ne pas concevoir également des machines sentimentales, mécaniques nerveuses productrices de nos désirs et de nos peines.

J. D. Vincent, Biologie des passions, éd. Odile Jacob, 1986

2) Darwin (1872) : l'expression des émotions chez l'homme et chez l'animal

3) 1884 : théorie viscérale des émotions. James-Lange

L’expérience émotionnelle serait la conséquence des réactions physiologiques du corps C’est parce que l’on perçoit les réactions de notre corps que l’on a cette réaction (peur)

Pour chaque émotion il y aurait une réaction particulière :

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Quand les modifications physiologiques cessent, c’est la fin de la réaction.

Théorie très critiquée mais il apparaît que les 2 réactions peuvent dans certains cas, être indissociables (émotions fortes). Ne s’applique pas à toutes les émotions.

Ex1 : les techniques de relaxation. En essayant d’inhiber les réactions physiologiques et les comportements apparentés au stress : inhibition des réactions de stress.

Ex2 : béta-bloquants : Diminution du rythme cardiaque : diminution de la sensation de peur liée à une sensation de peur ou de stress

Ex3 : se forcer à sourire peut avoir un effet sur l’humeur (N. VII et V).

4) Théorie de Cannon-Bard (1927). Théorie centrale des émotions

L’expérience émotionnelle peut être indépendant de la physiologie. En effet, les émotions peuvent être perçues sans modification de la physiologie. Expérience : la séparation du TC et des 2 nerfs vagues chez le chat supprime l’accès à tous les viscères ;malgré cela, le chat présente des émotions. On peut observer des résultats similaires chez l'homme dont la moelle épinière a été sélectionnée accidentellement.

Par ailleurs il est facile de montrer qu'il il n'y a pas forcément corrélation fiable entre l'émotion ressentie et l'État physiologique du sujet. Par exemple, si une tachycardie est observée lors de la peur, elle peut être observée aussi, en l'absence de peur, dans bien d'autres situations.

L’injection de certaines drogues entraîne des modifications physiologiques mais pas d’émotion correspondante

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L’expérience émotionnelle précède l’expression émotionnelle.

Le thalamus et l’hypothalamus joueraient un rôle dans le ressenti émotionnel.

Chez des patients qui ont une lésion haute de la moelle épinière, on constate une diminution de l'intensité de la réaction

émotionnelle : donc la physiologie jouerait un rôle dans l'expérience émotionnelle. Première théorie : il existe une influence quantitative de l'expression sur l'expérience émotionnelle. Deuxième théorie : l'activation physiologique se produit toujours après ou pendant l'émotion.

Certaines réactions sont spécifiques de l'émotion. Par exemple, la contraction des muscles faciaux. D'autres réactions ne le sont pas. Par exemple, l'augmentation du rythme cardiaque, la peur ou le stress.

Klüver) le circuit de Papez (1937)

6) Rôle de l'amygdale dans les émotions (Klüver et Bucy, 1937-1939)

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8) Le système limbique comme circuit de régulation des émotions (Mac Lean, 1952)

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Ce système a été mis en évidence par Mac Lean. Selon ce concept, le cerveau serait composé de trois couches formant un ensemble cohérent, c’est la théorie du cerveau triunitaire ou triunique (fig. 2).

Selon cette théorie, la couche la plus ancienne, du point de vue évolutif, et la plus profonde : il s'agit du cerveau reptilien. C'est le cerveau des poissons et des oiseaux qui sont des vertébrés inférieurs. Au niveau de structures cérébrales, on retrouve la moelle épinière, le tronc cérébral (le mésencéphale, le pont et le bulbe), le striatum (au niveau du télencéphale, pour la locomotion) et l'hypothalamus. La fonction du cerveau reptilien est d'assurer les mécanismes sensorimoteurs élémentaires et nécessaires à la survie de l'espèce : la respiration, les instincts, les réflexes vitaux, tous les comportements invariables et stéréotypés. Ce cerveau reptilien se caractérise donc par « sa rigidité fonctionnelle » : il gère tout ce qui n'est pas flexible.

Au-dessus, on trouve le cerveau paléomammalien qui englobe le cerveau reptilien chez certains oiseaux et des mammifères primitifs. Il comprend les noyaux amygdaliens (régulation des états affectifs, la peur, la préservation de l'individu), le septum (préservation de l'espèce : procréation), les noyaux accumbens, l'aire tegmentaire ventrale (désir), l'hippocampe, le cortex limbique (cortex cingulaire, cortex parahippocampique) et certains noyaux thalamiques. Pour MacLean, ce cerveau paléomammalien correspond au système limbique (extension du circuit de Papez) ; il a pour rôle d'assurer une flexibilité du comportement en fonction de la balance émotionnelle des stimuli et d'adapter les comportements en fonction des souvenirs, d'où son autre nom de cerveau affectif et mémorisant.

La couche la plus récente, au niveau évolutif, de ce cerveau tri unique, apparaît chez les mammifères les plus évolués et parmi eux les primates. C'est le cerveau « néomammalien », il se compose du cortex, avec un développement très important du néocortex. Il a une fonction de contrôle inhibiteur sur les deux autres couches, dispose d’une très grande plasticité et d’une adaptabilité comportementale. Il permet l’analyse sensorielle très fine de l’environnement et des capacités de langage, d’anticipation et de prévision . Il est aussi appelé « cerveau rationnel ».

Figure2 - Le cerveau triunitaire selon MacLean

9) La théorie de Schachler ou théorie cognitive de l’émotion (années 60)

Cette théorie est un compromis des théories précédentes dans la mesure où elle préconise que l'expérience émotionnelle ne peut pas être indépendant de la physiologie. Elle est en accord avec le fait que l'activation physiologique précède l'expérience émotionnelle mais que cette expérience n'est pas liée qu'à la physiologie. L'activation physiologique est nécessaire dans la mesure où elle doit être interprétée par le cerveau pour produire une motion.

Il y aurait 1) arousal c'est-à-dire éveil physiologique non spécifique lié à l'activation du sympathique ;2) une composante cognitive qui est l'interprétation que fait le cerveau de l'arousal.

Cette théorie permet de fabriquer une émotion dotée d'une étiquette cognitive (peur, joie...) en rapport avec une réaction physiologique non spécifique. La spécificité de l'émotion dépend du lien établi par le cerveau entre le contexte et l'activation physiologique.

Bases neurobiologiques des émotions

A –Généralités et résumé historique

Pour établir les bases neurobiologiques d'une fonction cérébrale, il faut déterminer les liens entre une structure et une fonction cérébrale.

Le XIXe siècle et le début du XXe sont les périodes du « localisationisme » cérébral. Franz Joseph Gall est à l'origine de la phrénologie : la personnalité d'un individu dépend de la forme de son crâne. De Broca et Brodman attribuent à des localisations cérébrales des fonctions précises.

D'une manière générale trois méthodes principales expérimentales sont utilisés :1) stimulation de régions cérébrales ;2) ablation de certaines régions cérébrales chez l'animal et, lors du traitement de maladies mentales, chez l'homme ; 3) études de cas clinique. Dans ce dernier cas, on part du principe que la destruction d'une structure supprime la fonction ; il faut signaler toutefois que des mécanismes de plasticité cérébrale permettent une certaine récupération de phénomènes de suppléance. Certes,

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le cerveau lésé ne fonctionne pas comme un cerveau intègre. Tout y est interconnecté et les différentes fonctions sont imbriquées les unes dans les autres...

Pour résumer :

1930 -- Cannon a conclu que le thalamus et surtout l'hypothalamus étaient des pièces centrales du cerveau des émotions.

1937 -- Papez pense que les émotions sont dues au fait des interconnexions entre l'hypothalamus et le cortex de médian : le circuit de Papez est toujours valable ; il est à l'origine de l'implication du cortex limbique dans les émotions.

1949 -- MacLean : le rhinencéphale, par ses connexions importantes avec l'hypothalamus, doit jouer un rôle central dans les émotions. Sa stimulation produit les mêmes émotions que les situations émotionnelles. À noter que le rhinencéphale est très développé chez l'homme alors que l'olfaction y est atrophiée. MacLean est aussi à l'origine de la notion de cerveau triunitaire. Le système limbique (amygdale, septum et cortex préfrontal) joue aussi un rôle dans les émotions ; c'est un système atrophié qui aurait permis la survie des individus grâce au contrôle des réactions viscérales et à l'adaptation des émotions. Actuellement, le concept de système limbique uniquement dédié au contrôle des émotions n'est plus valable. D'autres structures du tronc cérébral par exemple contribuent au contrôle des émotions. L'hippocampe est beaucoup plus impliqué dans la mémoire que dans l'émotion. Toutefois, on ne peut pas séparer émotions et mémoire.

Bases neurobiologique : données anatomiques et expérimentales

1) L’hypothalamus (figure 3)

Figure 3 - Vues latérale de l'hypothalamus (plancher du troisième particule, diencéphale)

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Walter Cannon, lors d'expérimentations animales, a pratiqué des sections à différents niveaux de l'hypothalamus. Il ressort de ces expériences que la partie postérieure de l'hypothalamus est à l'origine de l'agressivité et que le cortex cérébral exerce une inhibition sur cet hypothalamus postérieur.

Des expériences de stimulation électrique de l'hypothalamus à différents niveaux provoquent des réactions émotionnelles différentes : colère, peur, consentement. La stimulations latéro-postérieure provoque rage et agressivité. De façon concomitante ces stimulations peuvent déclencher des réactions végétatives : dilatation des pupilles, modification de la motricité digestive etc.

L'hypothalamus apparaît comme une structure très hétérogène : s'il contrôle l'homéostasie, il contrôle aussi l'expression de différents comportements émotionnels.

L'observation de cas cliniques de patients dont la région postéro-latérale de l'hypothalamus est lésée les révèle calmes et indifférents. La stimulation de l'hypothalamus postérieur déclenche chez eux l'anxiété.

2) Circuit de Papez (figure 4)

Figure 4 - Circuit de Papez (= circuit hypothalamo-mammilo-thalamo-cingulaire)

Les tubercules mammilaires forment la partie postérieure et ventrale de l'hypothalamus ; ils drainent les informations sensorielles qui proviennent de l'hypothalamus ; ils envoient les informations au gyrus cingulaire par l'intermédiaire du noyau antérieur du thalamus.

Les corps mammilaires seraient la structure à partir de laquelle s'élaborerait l'expression émotionnelle. L'expérience émotionnelle se traduit au niveau du gyrus cingulaire. L'hippocampe enrichit l'émotion d'une expérience mnésique. La formation hippocampique est très importante non seulement dans la mémoire mais aussi dans les émotions. La partie antérieure du cortex cingulaire participe à la douleur et à la régulation du comportement agressif. Si on réalise une section du gyrus cingulaire, on observe une réduction de l'anxiété et de l'agressivité. L'amygdale serait importante dans les émotions positives.

3) Le système limbique

a. Origine du concept du système limbique

Ce système a été mis en évidence par Mac Lean. Selon ce concept, le cerveau serait composé de trois couches formant un ensemble cohérent, c’est la théorie du cerveau triunitaire ou triunique (fig. 2).

b. Les noyaux amygdaliens

Ces noyaux appartiennent au télencéphale. Le mot amygdale vient du grec « amande ». Celle-ci est située à la partie antérieure de l’hippocampe. Chez l’Homme, il existe 12 noyaux, ayant des connexions nerveuses propres et formant 3 ensembles fonctionnels (fig. 11) qui sont :

Les noyaux cortico-médians dans la partie supérieure, ayant un rôle dans l’olfaction,

Les noyaux baso–latéraux, dans la partie médiane et inférieure, connectés au cortex cérébral, au cortex limbique et à l’hippocampe. Ils sont impliqués dans la sensation subjective associée à l’émotion (expérience émotionnelle),

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Le noyau centra, connecté à l’hypothalamus et au TC, impliqué dans l’expression émotionnelle : c’est la réponse comportementale.

Au niveau des afférences : toutes les informations en provenance de tous les organes sensoriels convergent vers les noyaux baso-latéraux, excepté celles de l’olfaction. Ces informations olfactives arrivent au niveau des noyaux cortico-médians. L’amygdale est donc une interface entre l’expérience sensorielle et sa signification émotionnelle.

Effets des lésions amygdaliennes Chez l’animal, ces lésions (amygdalectomie bi latérale) entrainent une diminution des émotions, une réduction de

toutes les émotions négatives (peur, agressivité), ainsi que des perturbations profondes de la mémoire.

Chez l’Homme, il y a peu de cas de lésions sélectives de l’amygdale. Auparavant, l’amygdalectomie était pratiquée en traitement de l’épilepsie. Cela entrainant une diminution des réactions de peur et d’agressivité, et une indifférence émotionnelle (incapacité d’attribuer une signification affective aux informations extérieures). Une femme atteinte de calcification de l’amygdale s’était retrouvée incapable de reconnaître la tristesse ou la peur.

Effet de la stimulation électrique de l’amygdale Chez le chat, au niveau de la partie latérale, il y a exacerbation de la peur et de l’agressivité, chez l’Homme, une

augmentation du sentiment d’anxiété et de crainte, suivi des réactions somato-végétatives correspondantes (sueurs, …).

Conditionnement aversif classique Aussi appelé « peur apprise », il a été mis en place par Joseph Ledoux chez les rongeurs. Il s’agit d’une procédure

expérimentale en deux phases

1. Phase d’acquisition

On présente à un rat un stimulus neutre (SN) : son, lumière,… n’ayant aucune signification positive ou négative pour l’animal. On associe ce SN à un Stimulus Inconditionnel (SI) qui, lui, est aversif. Ce SI entraîne une réponse comportementale de peur (freezing), ainsi que des réactions physiologiques ( augmentation de la FC réponse comportementale de e SI entraine une s deux réactions constituent la Réponse Émotionnelle Conditionnée (REC). Cette phase est répétée de nombreuses fois.

2. Phase de test

Le SN seul produit la REC. On l’appelle donc Stimulus Conditionnel

Ce type d’expérience indique que l’animal a appris à donner grâce à son vécu une signification émotionnelle nouvelle à ce qui n'en avait pas auparavant.

Après amygdalectomie bi latérale, on remarque que ce conditionnement n’est plus possible. L’amygdale a donc un rôle clé dans la part apprise et dans la modélisation du circuit neuronal.

Mécanisme : son associé à une douleur : le cortex auditif est connecté aux noyaux baso-latéraux ce qui induit 1-une réponse comportementale grâce aux connexions avec le TC, 2-une réaction physiologique autonome grâce aux connexions avec l’hypothalamus et 3-un ressenti de la sensation subjective (peur) grâce aux connexions de l’amygdale avec le cortex cérébral et l’hippocampe. Cela permet à l’individu d’apprendre à éviter les comportements douloureux, cet homme qui est nécessaire à sa survie. Attention, cependant, l’amygdale n’est pas uniquement impliquée dans les comportements .

c. Septum et structure de circuit de la récompense

Le septum appartient au système limbique également. Il est davantage impliqué dans les émotions positives. Le septum et le circuit de la récompense forment un tout. Il est situé sous le corps calleux (structure séparant les deux hémisphères, entre les deux ventricules latéraux). Sa destruction entraîne une hypersensibilité émotionnelle, une irritabilité et une agressivité sans raison valable. Sa stimulation électrique chez l’Homme entraîne une sensation agréable à connotation sexuelle (individu plus alerte, ressentant une sensation de satisfaction proche de l’orgasme). Le septum est un site d’auto-stimulation : expérience d’un rat dans le cerveau duquel on implante une électrode au niveau du septum. Ce rat est placé dans une boite de conditionnement opérant avec deux pédales : activation de la première lui donne une décharge intra-septale tandis que la seconde est inactive. Rapidement, le rat devient frénétique pour la première pédale ; il en arrive même à mettre en péril sa propre survie car il en oublie les conditionnements vitaux (manger, boire).

L’aire tegmentaire ventrale (ATV) qui se situe au niveau du mésencéphale, les noyaux accumbens, l’hypothalamus latéral, et certains noyaux amygdaliens sont également impliqués dans ce type de comportement : ce sont d’autres sites d’auto-stimulation reliés entre eux par des fibres nerveuses appelées Medial Forebrain Bundle (MFB). Ensemble, ils constituent le circuit de la récompense (60’s).

La dopamine est un neurotransmetteur essentiel à ce circuit. La voie dopaminergique méso-corticale est superposable au MFB : elle part de l’ATV, se projette sur le cortex et certaines structures limbiques. Cette voie est étudié pour les problèmes de toxicomanie et d’addiction car la plupart des drogues agissent au niveau de l’activité des neurones dopaminergiques du noyau accumbens en particulier. L’étude de l’addiction chez l’animal peut se faire selon deux modes:

1) Dérivé de l’auto-stimulation avec auto-administration de drogues (auto-injections). Plus l’animal appuie sur la pédale, plus la drogue est appétante (effets positifs).

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2) Procédure plus passive ; conditionnement de préférence de place (CPP). Boite divisée en deux compartiments totalement différents (l’un est blanc au sol lisse, l’autre noir a sol rugueux par exemple). Pendant la première phase d’acquisition, on injecte du sérum physiologique tous les matins dans le compartiment noir, puis l’après midi, on le place dans le compartiment blanc et on lui injecte de la drogue. Pendant la phase de test, on laisse communiquer les deux compartiments. Plus la drogue est renforçante, plus l'animal a tendance à retourner dans le compartiment où on la lui a injectée. C'est un comportement de recherche des effets positifs. Cela présente un intérêt avec les injections intracérébrales, grâce auxquelles on peut connaître les mécanismes neuronaux.

Le circuit de la récompense s’oppose au circuit de la punition (aussi appelé circuit de l’aversion, du déplaisir, ou PVS

pour Para Ventricular System) . Ce sont des structures pour lesquelles l’animal évite soigneusement toute stimulation, voire apprend à appuyer sur une pédale pour en arrêter la stimulation. Le PVS est constitué de la substance grise périaqueducale, de certains noyaux hypothalamiques et amygdaliens, du thalamus et de l’hippocampe. Anatomiquement il est décalé vers le haut par rapport au circuit de la récompense. Pour certains auteurs, ces deux circuits fourniraient la motivation nécessaire à la plupart de nos comportements: les stimuli qui activent le circuit de la récompenses sont responsables des situations d’approches tandis que ceux qui activent le circuit de la punition sont à ‘origine des réactions d’évitement.