3
EASSE european association single-sex education NUMERO 4 - OCTOBRE 2010 NEWSLETTER A première vue, il paraît évident que la préfé- rence des filles pour les poupées et des garçons pour les camions est due à la société et à l’édu- cation. Comme le disent les spécialistes, cela fait partie de la construction sociale du genre. De nombreuses expériences ont été menées dans ce sens depuis les années 60. Quelle que soit la ma- nière de présenter le jouet à l’enfant, les garçons ma- nifestent toujours une préférence marquée pour les objets qui peuvent rouler. Les filles choisissent plus volontiers les poupées ou les peluches, mais elles sont moins radicales et acceptent aussi de jouer avec des jouets roulants. Ce qui est donc caractéristique, c’est le fort rejet des garçons pour les jouets dits « de filles ». Il peut y avoir des exceptions, car ces études sont de nature statistique. Il est bien connu que, de tout temps, certains garçons jouent à la poupée a . L’explication habituelle est la suivante : « Nous fai- sons comprendre aux filles qu’elles sont censées jouer à la poupée. Mais si une fille choisit un ca- mion, ce n’est pas une catastrophe. En revanche, le message à l’adresse des garçons est bien plus fort. Il est très gênant qu’un garçon joue à la poupée b . » Kim Wallen du Centre de Recherche National sur les Primates à Atlanta eut l’idée de refaire cette expérience avec des Macaques Rhésus. Comme en témoigne le graphique ci-contre, il constata les mêmes différences, bien qu’un peu moins mar - quées que chez les humains. Les chercheurs ont observé le comportement des singes et n’ont pas décelé de pression sociale qui orienterait le choix des individus vers un type de jouet. La conclusion des chercheurs est que c’est le sexe qui, en pre- mier lieu, rend compte du choix des singes comme de celui des enfants humains. Chez les enfants, la socialisation exercée par les parents, le marché du jouet, etc., viendraient se greffer sur ce fondement naturel et l’accentuerait. Les psychologues n’ont Ch. des Bouleaux 14, 1012 LAUSANNE, SUISSE Tél. +41 79 778 71 67 Fax +41 21 311 15 33 [email protected] www.easse.org Les singes mâles n’aiment pas jouer à la poupée. Jouets roulants Poupées ou peluches Garçons Filles Temps de jeu en secondes Le graphique ci-dessus, tiré d’une expérience réalisée en 1992 à Los Angeles, présente le nombre moyen de secondes passées à jouer avec l’un ou l’autre type de jouet. Ces enfants étaient âgés de trois à huit ans. Nombre total d’interactions Singes mâles Singes femelles

Newsletter 4 fr_octobre

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Newsletter 4 fr_octobre

EASSE

europeanassociationsingle-sexeducation

NUMERO 4 - OCTOBRE 2010

NEWSLETTER

A première vue, il paraît évident que la préfé-rence des filles pour les poupées et des garçons pour les camions est due à la société et à l’édu-cation. Comme le disent les spécialistes, cela fait partie de la construction sociale du genre.

De nombreuses expériences ont été menées dans ce sens depuis les années 60. Quelle que soit la ma-nière de présenter le jouet à l’enfant, les garçons ma-nifestent toujours une préférence marquée pour les objets qui peuvent rouler. Les filles choisissent plus volontiers les poupées ou les peluches, mais elles sont moins radicales et acceptent aussi de jouer avec des jouets roulants. Ce qui est donc caractéristique, c’est le fort rejet des garçons pour les jouets dits « de filles ». Il peut y avoir des exceptions, car ces études sont de nature statistique. Il est bien connu que, de tout temps, certains garçons jouent à la poupéea.

L’explication habituelle est la suivante : « Nous fai-sons comprendre aux filles qu’elles sont censées jouer à la poupée. Mais si une fille choisit un ca-mion, ce n’est pas une catastrophe. En revanche, le message à l’adresse des garçons est bien plus fort.

Il est très gênant qu’un garçon joue à la poupéeb. »

Kim Wallen du Centre de Recherche National sur les Primates à Atlanta eut l’idée de refaire cette expérience avec des Macaques Rhésus. Comme en témoigne le graphique ci-contre, il constata les mêmes différences, bien qu’un peu moins mar-quées que chez les humains. Les chercheurs ont observé le comportement des singes et n’ont pas décelé de pression sociale qui orienterait le choix des individus vers un type de jouet. La conclusion des chercheurs est que c’est le sexe qui, en pre-mier lieu, rend compte du choix des singes comme de celui des enfants humains. Chez les enfants, la socialisation exercée par les parents, le marché du jouet, etc., viendraient se greffer sur ce fondement naturel et l’accentuerait. Les psychologues n’ont

Ch. des Bouleaux 14, 1012 LAUSANNE, SUISSE Tél. +41 79 778 71 67 Fax +41 21 311 15 33 [email protected] www.easse.org

Les singes mâles n’aiment pas jouer à la poupée.

Jouets roulants

Poupées ou peluches

Garçons Filles

Te

mps

de

jeu

en se

cond

es

Le graphique ci-dessus, tiré d’une expérience réalisée en 1992 à Los Angeles, présente le nombre moyen de secondes passées à jouer avec l’un ou l’autre type de jouet. Ces enfants étaient âgés de trois à huit ans.

Nom

bre

tota

l d’in

tera

ctio

ns

Singes mâles Singes femelles

Page 2: Newsletter 4 fr_octobre

EASSE

europeanassociationsingle-sexeducation

donc pas tort, il existe bien une certaine pres-sion sociale sur l’enfant, cependant cette pression n’expliquerait que 10% à 20% de cette tendance.

La découverte est surprenante et ouvre la porte à un questionnement : où se situent les fondements naturels de cette différence ? Il y a sûrement plu-sieurs causes et donc plusieurs explications pos-sibles. Leonard Sax, en se fondant sur de nombreux travaux de recherche, en fournit l’une des plus in-téressantes, qui fait appel à notre système visuel. Comme tous les mammifères, nous avons deux systèmes visuels qui fonctionnent en parallèle. L’un pour répondre à la question « qu’est-ce que c’est ? » est sensible à la forme et à la couleur, l’autre pour savoir « où cela va » analyse le mouvement. Dès la fin des années 90, les chercheurs ont décou-vert que, chez les mâles, le système visuel pour le mouvement présente une forte prédominance sur l’autre – c’est pour cela d’ailleurs que les rétines masculines sont plus épaisses –, tandis que chez les femelles le système sensible à la forme et à la cou-leur est légèrement plus développé. Cela semble expliquer les résultats de l’expérience : les garçons, tout comme les singes mâles, préféreraient les jouets avec des roues parce qu’ils bougent, tandis que les filles sont plus sensibles à des objets dont la forme et la couleur sont attractives. Cependant, elles ne dé-daignent pas complètement les objets qui bougentc.

Ce n’est sans doute pas l’unique facteur qui ex-plique cette préférence. Les différences de méta-bolisme, le besoin de bouger des garçons pour-raient y être aussi pour quelque chose. Cependant, ce serait une erreur de considérer cette différence visuelle comme anodine car, dans la construction de la personnalité et la perception du monde, la vue est sans doute l’un des sens les plus impor-tants. En l’occurrence, cette différence dans la ré-tine constitue une hypothèse valable pour expli-quer en partie - il ne s’agit pas de tomber dans le réductionnisme - diverses manières d’être chez les garçons et chez les filles. La prédilection des gar-çons pour l’action qui se remarque dans leur ma-nière de dessiner, d’écrire, dans leurs goûts à l’heure d’aborder l’histoire et la littérature pourrait trouver son fondement dans cette prédisposition pour le mouvement. Le goût des filles pour le détail, la mise en situation, les couleurs pourrait s’expliquer aussi

en partie en raison de leur système visuel. Cette constatation est très utile lorsqu’il s’agit d’adapter un enseignement aux filles ou aux garçons, que ce soit en situation de mixité ou de non-mixité.

Jean-David Ponci

EASSE NEWSLETTER NUMERO 4 OCTOBRE 2010 PAGE 2Ch. des Bouleaux 14, 1012 LAUSANNE, SUISSE Tél. + 41 79 778 71 67 Fax + 41 21 311 15 33 [email protected] www.easse.org

Les singes mâles n’aiment pas jouer à la poupée. (suite)

Les différents systèmes visuels semblent expliquer les résultats de l’expérience : les garçons, tout comme les singes mâles, préféreraient les jouets avec des roues parce qu’ils bougent, tan-dis que les filles sont plus sen-sibles à des objets dont la forme et la couleur sont attractives.

Sources :a. Hasset, J. M., Siebert, E. R., Wallen K. (2008). Sex differences in rhesus monkey toy

preferences parallel those of children, Hormones and Behavior, vol. 54, Issue 3, pp. 359-364 adapté de Berenbaum, S. A., Hines, M., (1992). Early androgens are related to chilhood sex types toy preferences, Psychological Science, Vol 3. N°3, pp. 203-206.

b. Sax, L. (2010). Girl on the edge, p. 135. Voir aussi Kane, E. W. (2006). No way my boys are going to be like that! Gender and Society, 20, pp. 149-176; Martin, C. L. (1990). Attitudes and Expectations About Children with Nontraditional and Traditional Gender-Roles, Sex Roles, 22, pp. 151-165.

c. Alexander, G., Wilcox, T., Woods, R. (2009). Sex differences in infants’ visual interest in toys, Archives of sexual Behavior, vol.38, pp. 427-433. Sax, L. (2004). Why Gender Matters, pp. 18-22.

Photos de la page 1 : Boys Love Cars, Even as Infants, http://blogs.cars.com/kickingti-res/2010/04/boys-love-cars-even-as-infants.html. http://www.prisonfellowship.org.uk/angel-tree.html

Photo de la page 2: http://www.emoryphotodb.com/hsc/main.php?g2_itemId=142&g2

Yerkes National Primate Research Center à Atlanta

Page 3: Newsletter 4 fr_octobre

EASSE

europeanassociationsingle-sexeducation

Ch. des Bouleaux 14, 1012 LAUSANNE, SUISSE Tél. + 41 79 778 71 67 Fax + 41 21 311 15 33 [email protected] www.easse.org

Conférences à travers le monde

EASSE NEWSLETTERNUMERO 4 OCTOBRE 2010 PAGE 3

9-10 octobre 20106ème conférence internationale de la NASSPE (Natio-nal Association For Single Sex Public Education), Las Vegas, Nevada, www.singlesexschools.org

15-17 novembre 2010 Conférence annuelle de la GSA (Girls’ Schools As-sociation), The Midland Hotel, Manchester, United Kingdom, www.gsa.uk.com

19-13 janvier 2001Conférence annuelle de la Alliance of Girls‘ Schools Australasia, Dunmore Lang College, 130 Herring Road, North Ryde NSW 2113, Australia, http://www.agsa.org.au/

1er juin 2011The Global Forum for Girls’ Education, NCGS (The National Coalition of Girls‘ Schools), Emma Willard School, 285 Pawling Ave. Troy, 12180 New York, USA, http://www.ncgs.org/

10-13 juillet 201118ème conférence annuelle de la IBSC (International Boys‘ Schools Coalition), The City of London School, London, Royaume Uni, http://www.theibsc.org/

7-8 octobre 20113ème congrès international de l’EASSE (European Asso-ciation Single Sex Education), Varsovie, Pologne

EASSE

europeanassociationsingle-sexeducation

Ch. des Bouleaux 14, 1012 LAUSANNE, SUISSE Tél. + 41 79 778 71 67 Fax + 41 21 311 15 33 [email protected] www.easse.org

Conférences à travers le monde

EASSE NEWSLETTERNUMERO 3 JUIN 2010 PAGE 3

9-10 octobre 20106ème conférence internationale de la NASSPE (National Association For Single Sex Public Education), Las Vegas, Ne-vada, www.singlesexschools.org

15-17 novembre 2010 Conférence annuelle de la GSA (Girls’ Schools Association), The Midland Hotel, Manchester, United Kingdom, www.gsa.uk.com

19-13 janvier 2001Conférence annuelle de la Alliance of Girls‘ Schools Aus-tralasia Dunmore Lang College, 130 Herring Road, North Ryde NSW 2113, Australia, http://www.agsa.org.au/

1er juin 2011The Global Forum for Girls’ Education, NCGS (The Natio-nal Coalition of Girls‘ Schools), Emma Willard School, 285 Pawling Ave. Troy, 12180 New York, USA, http://www.ncgs.org/

10-13 juillet 201118e conférence annuelle de la IBSC (International Boys‘ Schools Coalition), The City of London School, London, Royaume Uni, http://www.theibsc.org/

7-8 octobre 20113ème congrès international de l’EASSE (European Association Single Sex Education), Varsovie, Pologne

Congrès de l’EASSE à Rome, avril 2009