1
I La Croix I MERCREDI 13 FÉVRIER 2008 I 11 I MONDE I L’économie pourrait décider des élections espagnoles Question basque, réformes de société et immigration animent le débat public avant les élections législatives du 9 mars A moins d’un mois des élections législatives espagnoles, le principal parti d’opposition, le Parti populaire (PP) a réduit son retard sur le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) qui dirige le pays depuis 2004. Le PSOE du premier ministre José Luis Rodriguez Zapa- tero, qui brigue un second mandat, est crédité de 41,7 % des intentions de vote contre 38,8 % pour le PP de Mariano Rajoy, selon un sondage réalisé pour El Pais. Quatre débats agitent le pays. La question basque Depuis que José Luis Zapatero s’est vu reprocher par le Parti po- pulaire, ainsi que par la Conférence épiscopale espagnole, d’avoir fait preuve de naïveté en engageant un dialogue avec l’ETA, il a multi- plié les gestes de fermeté. Dans le même temps, la justice espagnole maintient la pression. Dans la nuit de dimanche à lundi, un coup de filet a conduit à l’arrestation de 14 personnes, dirigeants présu- més du bras politique interdit de l’ETA, Batasuna. Le juge Baltasar Garzon de l’Audience nationale, haute instance pénale espagnole, s’est déplacé au Pays basque pour piloter l’opération. Et José Luis Za- patero a réaffirmé : « Il n’y a aucun espoir de réouverture d’un dialogue lors de la prochaine législature. » Les débats de société Mariage homosexuel, facilitation du divorce, suppression du carac- tère obligatoire de l’enseignement de la religion à l’école publique : les réformes du gouvernement Zapatero ont engagé la société espagnole, après les années de franquisme, dans une « movida » (changement) radicale. Au point de susciter les protestations de la Conférence épiscopale espagnole, dans une « note d’orientation mo- rale » publiée le 31 janvier, et de faire descendre dans la rue des catholi- ques concernés par l’ampleur et le rythme de ces réformes. L’Église a ainsi mobilisé plus de 150 000 personnes le 30 décembre 2007 pour fêter le « jour de la famille chrétienne ». Ce débat ancien entre tenants d’une société traditionnelle et partisans du changement avait resurgi en octobre 2007 avec l’adop- tion de la « loi de mémoire histori- que » visant à retirer les symboles du franquisme des espaces publics. Cette querelle épouse en fait les contours d’un paradoxe espagnol : les trois quarts des Espagnols se déclarent catholiques, mais moins d’un cinquième assistent régulière- ment à la messe. L’immigration La question de l’immigration est entrée de plain-pied dans la cam- pagne mercredi dernier quand Mariano Rajoy a annoncé qu’en cas de victoire, le 9 mars, son gouvernement fera signer aux im- migrés extra-communautaires un contrat par lequel ils s’engageront à « respecter les lois et les habitudes des Espagnols » et « à apprendre la langue ». Chaque immigré devra « travailler activement de manière à s’intégrer » et « rentrer dans son pays s’il n’a pas réussi à trouver un emploi au bout d’un certain temps » , selon le chef du PP, qui a salué la politique d’immigration du prési- dent Sarkozy. Le lendemain, un des responsables du PP, Ignacio Astarloa, promettait de réglementer le port du voile is- lamique, au motif qu’il fallait que le voile « ne soit pas un élément de discrimination, ni à l’école ni dans aucune autre situation ». À gauche, les réactions n’ont pas tardé. Le mi- nistre de l’intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, a protesté contre un « re- lent de xénophobie ». « En Espagne les immigrés ne sont pas un problème » , a ajouté la vice-présidente du gou- vernement, Maria Teresa Fernandez de la Vega. Le nombre d’étrangers dans le pays est de près de 10 % de la population espagnole. L’état de l’économie La question de l’économie arrive au premier rang des préoccupa- tions des Espagnols et pourrait décider de l’élection. Habituée à une croissance robuste de 3 ou 4 % l’an, l’économie ibérique pourrait ralentir. En décembre la produc- tion industrielle a sensiblement baissé, reculant de 2,4 % sur un an. L’activité immobilière se tasse. Le nombre de chômeurs a fortement progressé en janvier 2008, de 6,2 % par rapport à décembre 2007. Avec 2,261 millions de sans-em- ploi, l’Espagne affiche un taux de chômage de 8,6 % de la population active. Et l’indice de confiance des consommateurs s’établit au plus bas depuis sa création en 2004. Vivement attaqué par Mariano Rajoy sur l’économie, José Zapatero vient d’affirmer que « l’économie es- pagnole a de solides perspectives de- vant elle et devrait continuer à croître de 3 % par an en moyenne au cours des quatre prochaines années ». Sa réélection dépendra de sa capacité à défendre son bilan économique. À moins qu’elle ne se joue sur les promesses de baisses d’impôts et de cadeaux fiscaux que les deux candidats ne cessent de faire aux Espagnols. NATHALIE LACUBE La forêt amazonienne continue de se réduire Malgré une hausse du rythme de déforestation, le président brésilien Luis Inacio Lula da Silva refuse tout alarmisme SÃO PAULO De notre correspondant L e Brésil n’assouplira pas le code forestier qui protège la forêt amazonienne, a affirmé lundi la ministre de l’environne- ment, Marina Silva. Elle a annoncé une série de mesures qui augmen- tent les sanctions pour les latifun- diaires et les exploitants forestiers désobéissants. Ses déclarations surviennent alors qu’un projet de loi approuvé en décembre par la commission d’agriculture de la Chambre des députés vise à assou- plir la législation. En outre, l’Institut national des études spatiales (INPE) a récem- ment tiré la sonnette d’alarme sur une augmentation impor- tante de la déforestation, d’août à décembre derniers. Durant cette période, 7 000 km 2 ont été dévastés, dont plus de la moitié en novembre-décembre, deux mois pluvieux durant lesquels on enregistre normalement moins de déboisements. Les observations sa- tellitaires montrent que les États du Mato Grosso, du Rondônia et du Para, dans le nord-ouest du pays, sont les plus touchés. Ces chiffres sont une mauvaise nouvelle pour le président Luis Inacio Lula da Silva, qui n’a pas caché son agacement en déclarant que « le problème de l’Amazonie est une simple tumeur présentée comme un cancer avant même le diagnostic final ». Si la déforestation s’est ra- lentie depuis son arrivée au pouvoir en 2003, 100 000 km 2 de forêt ont quand même été détruits. Désor- mais, l’Amazonie a perdu près de 20 % de sa surface originelle. Et rien ne semble pouvoir arrêter l’érosion. Lula répète à l’envi qu’il n’a besoin des conseils de personne – et sur- tout pas des pays européens – pour sauver le plus grand massif forestier du monde : 6,6 millions de kilomè- tres carrés sur neuf pays, dont 65 % de cette surface pour le seul Brésil. Il a mis en doute les données de l’INPE, lequel est sous tutelle du ministère de la science et de la technologie. Il a tancé sa ministre de l’environnement, jugeant son inquiétude exagérée. Il faut dire que Marina Silva désigne des coupables : les grands propriétaires terriens avides d’es- pace qui massacrent la forêt pour planter du soja ou faire paître des centaines de milliers de têtes de bétail. Or, le plus grand producteur de soja du monde est l’actuel gou- verneur de l’État du Mato Grosso, Blairo Maggi, un allié politique de taille du président Lula. Cette con- nivence souligne les liens forts qui existent au Brésil entre l’industrie agro-alimentaire et la politique. Le premier responsable de la défo- restation reste l’État, ou plutôt l’ab- sence d’État. « L’impunité demeure la règle en Amazonie, affirme Ro- berto Smeraldi, directeur de l’ONG Amigos da Terra. Le gouvernement a beau jeu de vouloir renforcer les patrouilles de police pour dresser des procès-verbaux. Actuellement, à peine 1 % des amendes sont payées. Punir ne sert à rien alors que l’État promeut la construction de routes, de scieries, d’usines de production et d’extraction de charbon, le tout au cœur de la forêt. » Certaines zones sont hors de contrôle. L’État du Para est même communément appelé « la terre de personne ». STEVE CARPENTIER José Luis Zapatero propose de renforcer la politique familiale d Alors qu’actuellement environ 600 000 foyers espagnols touchent des allocations familiales, le chef du gouvernement José Luis Zapatero, a promis hier de les étendre à près de 400 000 foyers supplémentaires, si sa majorité était reconduite le 9 mars, en relevant les plafonds de revenus permettant d’y avoir droit. Il a aussi promis de doubler la durée du congé paternité, de deux à quatre semaines. V CE QUI VA MIEUX Le premier ministre australien Kevin Rudd présente les excuses officielles de la Nation à l’ensem- ble des populations aborigènes. BRISBANE (Australie) De notre correspondant Se réconcilier avec le peuple indigène d’Australie. Le chef du gouvernement travailliste, arrivé au pouvoir en novembre dernier, a eu le courage de franchir le pas. Dans un texte rendu public hier et qui devait être lu ce matin devant le Parlement, il a voulu rendre hommage « à la plus an- cienne culture de l’humanité » et s’excuser, au nom du Parlement fédéral et de son gouvernement, « des mauvais traitements qui lui ont été infligés par le passé ». Kevin Rudd insiste notamment sur « les souffrances et les peines » endurées par les familles victimes de la « génération volée ». Il s’agit de ces enfants enlevés de force à leurs parents par les autorités entre les années 1910 et 1970, un épisode tragique qualifié aujourd’hui de « chapitre honteux de l’histoire de notre pays » dans le discours du premier ministre. « Pardon pour les humiliations et les outrages exercés auprès des po- pulations et de leur culture », de- mande-t-il encore avant d’appeler le Parlement à veiller à ce que « de telles injustices ne puissent jamais se reproduire ». Décidé « à écrire une page nou- velle dans l’histoire du pays », le premier ministre conclut en demandant à « l’ensemble des Australiens, indigènes et non indigènes, de faire preuve de détermination pour réduire les inégalités qui persistent en ma- tière d’espérance de vie, de droit à l’éducation ou d’insertion écono- mique ». Un rapport fédéral pu- blié en mai 2007, montrait que la population aborigène disposait d’une espérance de vie de dix- sept ans inférieure à celle du reste de l’Australie (59 ans contre 76) et que le taux d’illettrisme chez les enfants y dépassait encore les 60 %. Kevin Rudd entend donc « voir l’écart disparaître » entre les deux communautés qui devront faire preuve « d’un sens mutuel du respect et des responsabilités ». C’est la première fois que le gouvernement fédéral australien reconnaît sa responsabilité dans les horreurs passées en présentant d’une manière aussi so- lennelle ses excuses aux Aborigènes, qui représentent aujourd’hui 500 000 personnes, soit 2,5 % de la population aus- tralienne. Hier, plusieurs milliers de personnes se sont rendues à Canberra pour assister à la pré- sentation de ce texte, retrans- mise en direct à travers tout le continent. Quatre anciens premiers minis- tres étaient également présents. « Il est important que les anciens responsables politiques du pays soutiennent par leur présence la démarche engagée aujourd’hui », explique Malcolm Fraser, chef conservateur du gouvernement fédéral à la fin des années 1970. Seul John Howard, premier mi- nistre battu en novembre par Kevin Rudd, manquait à l’appel. En poste lors de la publication en 1997 des travaux de la commis- sion d’enquête sur la « génération volée », il avait refusé d’en endos- ser les conclusions pour éviter d’avoir à présenter des excuses officielles aux victimes. « C’est un grand jour pour no- tre peuple et pour tout le pays », a déclaré Michael Mansell, porte- parole de l’Alliance nationale aborigène, qui s’est empressée d’accepter les excuses formu- lées par le gouvernement. Mais certaines voix demandent des compensations financières. Michael Lavarch, ancien président de la commission d’en- quête de 1997, estime ainsi « qu’une indem- nisation est nécessaire pour que le processus puisse être achevé ». Selon les estima- tions, de telles in- demnités pourraient coûter près de 50 mil- liards d’euros au gouvernement fédéral, qui refuse pour l’instant d’en entendre parler. Kevin Rudd a d’ailleurs évité de traiter de la question lors de son discours, « laissant la porte ouverte à de futures négociations », veut croire Michael Mansell. Une telle éven- tualité ne semble pourtant pas à l’ordre du jour, alors que le pre- mier ministre a déjà dû batailler pour faire accepter son texte à une opposition libérale très di- visée sur la question même du pardon et qui pourrait redonner rapidement de la voix. OLIVIER CASLIN L’Australie demande pardon aux populations aborigènes Les aborigènes disposent d’une espérance de vie de dix-sept ans inférieure à celle du reste du pays.

NF06

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Question basque, réformes de société et immigration animent le débat public avant les élections législatives du 9 mars Malgré une hausse du rythme de déforestation, le président brésilien Luis Inacio Lula da Silva refuse tout alarmisme Les aborigènes disposent d’une espérance de vie de dix-sept ans inférieure à celle du reste du pays.

Citation preview

Page 1: NF06

I La Croix I MERCREDI 13 FÉVRIER 2008 I 11I MONDE IL’économie pourrait décider des élections espagnolesQuestion basque,réformes de sociétéet immigration animentle débat public avantles élections législatives du 9 mars

A moins d’un mois des élections législatives espagnoles, le principal parti d’opposition,

le Parti populaire (PP) a réduit son retard sur le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) qui dirige le pays depuis 2004. Le PSOE du premier ministre José Luis Rodriguez Zapa-tero, qui brigue un second mandat, est crédité de 41,7 % des intentions de vote contre 38,8 % pour le PP de Mariano Rajoy, selon un sondage réalisé pour El Pais. Quatre débats agitent le pays.

La question basqueDepuis que José Luis Zapatero

s’est vu reprocher par le Parti po-pulaire, ainsi que par la Conférence épiscopale espagnole, d’avoir fait preuve de naïveté en engageant un dialogue avec l’ETA, il a multi-plié les gestes de fermeté. Dans le même temps, la justice espagnole maintient la pression. Dans la nuit de dimanche à lundi, un coup de filet a conduit à l’arrestation de

14 personnes, dirigeants présu-més du bras politique interdit de l’ETA, Batasuna. Le juge Baltasar Garzon de l’Audience nationale, haute instance pénale espagnole, s’est déplacé au Pays basque pour piloter l’opération. Et José Luis Za-patero a réaffirmé : « Il n’y a aucun espoir de réouverture d’un dialogue lors de la prochaine législature. »

Les débats de sociétéMariage homosexuel, facilitation

du divorce, suppression du carac-tère obligatoire de l’enseignement de la religion à l’école publique : les réformes du gouvernement Zapatero ont engagé la société espagnole, après les années de franquisme, dans une « movida » (changement) radicale. Au point de susciter les protestations de la Conférence épiscopale espagnole, dans une « note d’orientation mo-rale » publiée le 31 janvier, et de faire descendre dans la rue des catholi-ques concernés par l’ampleur et le rythme de ces réformes.

L’Église a ainsi mobilisé plus de 150 000 personnes le 30 décembre 2007 pour fêter le « jour de la famille chrétienne ». Ce débat ancien entre tenants d’une société traditionnelle et partisans du changement avait resurgi en octobre 2007 avec l’adop-

tion de la « loi de mémoire histori-que » visant à retirer les symboles du franquisme des espaces publics. Cette querelle épouse en fait les contours d’un paradoxe espagnol : les trois quarts des Espagnols se déclarent catholiques, mais moins d’un cinquième assistent régulière-ment à la messe.

L’immigrationLa question de l’immigration est

entrée de plain-pied dans la cam-pagne mercredi dernier quand Mariano Rajoy a annoncé qu’en cas de victoire, le 9 mars, son gouvernement fera signer aux im-migrés extra-communautaires un contrat par lequel ils s’engageront à « respecter les lois et les habitudes des Espagnols » et « à apprendre la langue ». Chaque immigré devra « travailler activement de manière à s’intégrer » et « rentrer dans son pays s’il n’a pas réussi à trouver un emploi au bout d’un certain temps », selon le chef du PP, qui a salué la politique d’immigration du prési-dent Sarkozy.

Le lendemain, un des responsables du PP, Ignacio Astarloa, promettait de réglementer le port du voile is-lamique, au motif qu’il fallait que le voile « ne soit pas un élément de discrimination, ni à l’école ni dans

aucune autre situation ». À gauche, les réactions n’ont pas tardé. Le mi-nistre de l’intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, a protesté contre un « re-lent de xénophobie ». « En Espagne les immigrés ne sont pas un problème », a ajouté la vice-présidente du gou-vernement, Maria Teresa Fernandez de la Vega. Le nombre d’étrangers dans le pays est de près de 10 % de la population espagnole.

L’état de l’économie

La question de l’économie arrive au premier rang des préoccupa-tions des Espagnols et pourrait décider de l’élection. Habituée à une croissance robuste de 3 ou 4 % l’an, l’économie ibérique pourrait ralentir. En décembre la produc-tion industrielle a sensiblement baissé, reculant de 2,4 % sur un an. L’activité immobilière se tasse.

Le nombre de chômeurs a fortement progressé en janvier 2008, de 6,2 % par rapport à décembre 2007.

Avec 2,261 millions de sans-em-ploi, l’Espagne affiche un taux de chômage de 8,6 % de la population active. Et l’indice de confiance des consommateurs s’établit au plus bas depuis sa création en 2004.

Vivement attaqué par Mariano Rajoy sur l’économie, José Zapatero vient d’affirmer que « l’économie es-pagnole a de solides perspectives de-vant elle et devrait continuer à croître de 3 % par an en moyenne au cours des quatre prochaines années ». Sa réélection dépendra de sa capacité à défendre son bilan économique. À moins qu’elle ne se joue sur les promesses de baisses d’impôts et de cadeaux fiscaux que les deux candidats ne cessent de faire aux Espagnols.

NATHALIE LACUBE

La forêt amazoniennecontinue de se réduireMalgré une hausse du rythme de déforestation, le président brésilienLuis Inacio Lula da Silva refuse tout alarmisme

SÃO PAULODe notre correspondant

Le Brésil n’assouplira pas le code forestier qui protège la forêt amazonienne, a affirmé

lundi la ministre de l’environne-ment, Marina Silva. Elle a annoncé une série de mesures qui augmen-tent les sanctions pour les latifun-diaires et les exploitants forestiers désobéissants. Ses déclarations surviennent alors qu’un projet de loi approuvé en décembre par la commission d’agriculture de la Chambre des députés vise à assou-plir la législation.

En outre, l’Institut national des études spatiales (INPE) a récem-ment tiré la sonnette d’alarme sur une augmentation impor-tante de la déforestation, d’août à décembre derniers. Durant cette période, 7 000 km2 ont été dévastés, dont plus de la moitié en novembre-décembre, deux mois pluvieux durant lesquels on enregistre normalement moins de déboisements. Les observations sa-tellitaires montrent que les États du Mato Grosso, du Rondônia et du Para, dans le nord-ouest du pays, sont les plus touchés.

Ces chiffres sont une mauvaise nouvelle pour le président Luis Inacio Lula da Silva, qui n’a pas caché son agacement en déclarant que « le problème de l’Amazonie est une simple tumeur présentée comme un cancer avant même le diagnostic final ». Si la déforestation s’est ra-lentie depuis son arrivée au pouvoir en 2003, 100 000 km2 de forêt ont

quand même été détruits. Désor-mais, l’Amazonie a perdu près de 20 % de sa surface originelle. Et rien ne semble pouvoir arrêter l’érosion. Lula répète à l’envi qu’il n’a besoin des conseils de personne – et sur-tout pas des pays européens – pour sauver le plus grand massif forestier du monde : 6,6 millions de kilomè-tres carrés sur neuf pays, dont 65 % de cette surface pour le seul Brésil. Il a mis en doute les données de l’INPE, lequel est sous tutelle du ministère de la science et de la technologie. Il a tancé sa ministre de l’environnement, jugeant son inquiétude exagérée.

Il faut dire que Marina Silva désigne des coupables : les grands propriétaires terriens avides d’es-pace qui massacrent la forêt pour planter du soja ou faire paître des centaines de milliers de têtes de bétail. Or, le plus grand producteur de soja du monde est l’actuel gou-verneur de l’État du Mato Grosso, Blairo Maggi, un allié politique de taille du président Lula. Cette con-nivence souligne les liens forts qui existent au Brésil entre l’industrie agro-alimentaire et la politique.

Le premier responsable de la défo-restation reste l’État, ou plutôt l’ab-sence d’État. « L’impunité demeure la règle en Amazonie, affirme Ro-berto Smeraldi, directeur de l’ONG Amigos da Terra. Le gouvernement a beau jeu de vouloir renforcer les patrouilles de police pour dresser des procès-verbaux. Actuellement, à peine 1 % des amendes sont payées. Punir ne sert à rien alors que l’État promeut la construction de routes, de scieries, d’usines de production et d’extraction de charbon, le tout au cœur de la forêt. » Certaines zones sont hors de contrôle. L’État du Para est même communément appelé « la terre de personne ».

STEVE CARPENTIER

José Luis Zapatero proposede renforcer la politique familiale

d Alors qu’actuellement environ 600 000 foyers espagnols touchent des allocations familiales, le chef du gouvernement José Luis Zapatero,

a promis hier de les étendre à près de 400 000 foyers supplémentaires, si sa majorité était reconduite le 9 mars, en relevant les plafonds de revenus permettant d’y avoir droit. Il a aussi promis de doubler la durée du congé paternité, de deux à quatre semaines.

VCE QUI VA MIEUX

Le premier ministre australien Kevin Rudd présente les excuses officielles de la Nation à l’ensem-ble des populations aborigènes.

BRISBANE (Australie)De notre correspondant

Se réconcilier avec le peuple indigène d’Australie. Le chef du gouvernement travailliste, arrivé au pouvoir en novembre dernier, a eu le courage de franchir le pas. Dans un texte rendu public hier et qui devait être lu ce matin devant le Parlement, il a voulu rendre hommage « à la plus an-cienne culture de l’humanité » et s’excuser, au nom du Parlement fédéral et de son gouvernement, « des mauvais traitements qui lui ont été infligés par le passé ».

Kevin Rudd insiste notamment sur « les souffrances et les peines » endurées par les familles victimes de la « génération volée ». Il s’agit de ces enfants enlevés de force à leurs parents par les autorités entre les années 1910 et 1970, un épisode tragique qualifié aujourd’hui de « chapitre honteux de l’histoire de notre pays » dans le discours du premier ministre. « Pardon pour les humiliations et les outrages exercés auprès des po-pulations et de leur culture », de-mande-t-il encore avant d’appeler le Parlement à veiller à ce que « de telles injustices ne puissent jamais se reproduire ».

Décidé « à écrire une page nou-velle dans l’histoire du pays », le premier ministre conclut en demandant à « l’ensemble des Australiens, indigènes et non indigènes, de faire preuve de détermination pour réduire les

inégalités qui persistent en ma-tière d’espérance de vie, de droit à l’éducation ou d’insertion écono-mique ». Un rapport fédéral pu-blié en mai 2007, montrait que la population aborigène disposait d’une espérance de vie de dix-sept ans inférieure à celle du reste de l’Australie (59 ans contre 76) et que le taux d’illettrisme chez les enfants y dépassait encore les 60 %. Kevin Rudd entend donc « voir l’écart disparaître » entre les deux communautés qui devront faire preuve « d’un sens mutuel du respect et des responsabilités ».

C’est la première fois que le gouvernement fédéral australien reconnaît sa responsabilité dans les horreurs passées en présentant d’une manière aussi so-lennelle ses excuses aux Aborigènes, qui représentent aujourd’hui 500 000 personnes, soit 2,5 % de la population aus-tralienne. Hier, plusieurs milliers de personnes se sont rendues à Canberra pour assister à la pré-sentation de ce texte, retrans-mise en direct à travers tout le continent.

Quatre anciens premiers minis-tres étaient également présents. « Il est important que les anciens responsables politiques du pays soutiennent par leur présence la démarche engagée aujourd’hui », explique Malcolm Fraser, chef conservateur du gouvernement fédéral à la fin des années 1970. Seul John Howard, premier mi-nistre battu en novembre par

Kevin Rudd, manquait à l’appel. En poste lors de la publication en 1997 des travaux de la commis-sion d’enquête sur la « génération volée », il avait refusé d’en endos-ser les conclusions pour éviter d’avoir à présenter des excuses officielles aux victimes.

« C’est un grand jour pour no-tre peuple et pour tout le pays », a déclaré Michael Mansell, porte-parole de l’Alliance nationale aborigène, qui s’est empressée d’accepter les excuses formu-lées par le gouvernement. Mais certaines voix demandent des compensations financières.

Michael Lavarch, ancien président de la commission d’en-quête de 1997, estime ainsi « qu’une indem-nisation est nécessaire pour que le processus puisse être achevé ».

Selon les estima-tions, de telles in-demnités pourraient coûter près de 50 mil-

liards d’euros au gouvernement fédéral, qui refuse pour l’instant d’en entendre parler. Kevin Rudd a d’ailleurs évité de traiter de la question lors de son discours, « laissant la porte ouverte à de futures négociations », veut croire Michael Mansell. Une telle éven-tualité ne semble pourtant pas à l’ordre du jour, alors que le pre-mier ministre a déjà dû batailler pour faire accepter son texte à une opposition libérale très di-visée sur la question même du pardon et qui pourrait redonner rapidement de la voix.

OLIVIER CASLIN

L’Australie demande pardonaux populations aborigènes

Les aborigènesdisposentd’une espérancede vie dedix-sept ansinférieure à celledu reste du pays.