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Servir Servir Service Jésuite des Réfugiés No. 38 – Septembre 2006 Dans ce numéro: articles de Thaïlande, Malte, Kenya, Ouganda et Guinée. Femmes et enfants réfugiés prévenir la violence, répondre aux besoins des rescapés

No. 38 – Septembre 2006 Servir - jrs.net · Mais si le Refuge Sûr fermait avant que ne soit trouvé un foyer ... de Jésus-Christ, le JRS est un signe ef- ... claré en remplissant

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SERVIR No. 38 – Septembre 2006 1

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Dans ce numéro: articles de Thaïlande, Malte,Kenya, Ouganda et Guinée.

Femmes et enfants réfugiés –prévenir la violence, répondre

aux besoins des rescapés

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Lluís Magriñà SJ, directeurinternational du JRS

ÉDITORIAL

La violence et le besoin de protec-tion sont des thèmes omniprésentschez ceux qui sont forcés à fuir

de chez eux. Un des principaux défisque le personnel JRS doit affronter estd’identifier enfants et femmes réfugiésqui souffrent ou pourraient souffrir deviolence et de négligence. Les victimessouffrent souvent en silence sans cher-cher de secours. Toutefois, comme leJRS est en contact étroit avec des réfu-giés au cours de son travail quotidien,nous reconnaissons régulièrement les si-gnes de la violence et de l’exploitation.

Le personnel du JRS Thaïlande avaitremarqué que Ah Wah venait souventà l’école affamé. Ils est intervenu etAh Wah a été ensuite arraché à unesituation de mauvais traitements. Si leJRS n’avait pas agi, la situation auraitpu devenir tragique.

Pourtant, identifier les victimes d’actesde violence n’est pas toujours possible.Beaucoup craignent des représailles;d’autres trouvent difficile d’avoir con-fiance dans le personnel des ONG etde l’ONU. C’est exactement ce qui estarrivé à Aimee, victime de trafiquantstandis qu’elle fuyait son pays. Malheu-reusement, sa demande d’asile avaitdéjà été refusée quand elle a décidé decontacter Katrina Camilleri du JRSMalte. Si Katrina avait su à temps tousles détails de son cas, Aimee aurait puobtenir le droit de rester à Malte.

C’est une situation similaire qu’a dû af-fronter Achuei dans le Nord du Kenya.Le JRS lui a trouvé un endroit pour vi-vre au Refuge Sûr où elle bénéficied’une aide psychologique tout en conti-nuant sa scolarité. Mais si le Refuge Sûrfermait avant que ne soit trouvé un foyerpermanent pour elle, si possible dans unpays tiers, sa vie pourrait être mise endanger par son mari et sa famille.

Lluís Magriñà SJ

Il est certes important d’offrir soutienpsychologique, éducation et possibilitésd’emploi aux réfugiées qui ont fui desmauvais traitements; mais, trop souvent,même dans ces pays d’accueil, ces per-sonnes ne sont pas en sécurité. Dansce cas, il faut persuader des pays tiersde les réinstaller, comme dans le casd’Emma en Ouganda. Maltraitée par unofficier de la police ougandais, elle s’estréinstallée avec sa famille en Australie.Tandis qu’elles attendent cette aide, despersonnes vulnérables victimes de vio-lences ne devraient pas être soumises àun autre traumatisme: la détention.

Nous devons aussi aider les réfugiés àne pas devenir des victimes. Dans cetteédition, María Irízar du JRS Guinée sedit frustrée de voir l’UNHCR (orga-nisme des Nations Unies pour les réfu-giés) retirer des fonds destinés aux éco-les secondaires sans consulter la popu-lation réfugiée. Ces jeunes réfugiées nedésiraient pas rentrer au pays et sontrestées dans des circonstances où ellessont à risque élevé d’exploitation. L’édu-cation, la formation et le travail ouvrentdes portes, mais s’ils sont refusés, la pro-babilité de la victimisation augmente.

Ces histoires vraies racontent les souf-frances infligées à des réfugiés par

Reconstruire des vies!Protéger femmes et enfants réfugiés

Dessinsd’enfants,

camp deréfugiésde Mae

Hong Son,Thaïlande

“...trop souvent, même dans cespays d’accueil, ces personnes

ne sont pas en sécurité.”

d’autres êtres humains. Elles minentnotre foi et notre confiance en un Dieumiséricordieux et compatissant et, peut-être, dans la bonté de l’humanité. Enmême temps, l’expérience d’accompa-gner et de servir les réfugiés révèle laprésence de Dieu, même dans les épi-sodes les plus tragiques. En compagniede Jésus-Christ, le JRS est un signe ef-fectif de l’amour de Dieu, et de la ré-conciliation entre les êtres humains.

SERVIR No. 38 – Septembre 2006 3

THAÏLANDE

En quelque sorte, la vulnérabilité et le besoin de pro-tection définissent l’expérience du réfugié. C’est lavulnérabilité et le besoin de protection qui poussent

d’abord les gens à chercher refuge hors de chez eux. Etquelle que soit la raison de leur fuite, ce besoin de protectioncontinue après. En donnant une éducation aux enfants, ainsiqu’aux adultes, nous équipons les réfugiés d’outils dont ils ontbesoin pour mieux se protéger, eux-mêmes et d’autres per-sonnes, des dangers intrinsèques aux populations vulnérables.

L’éducation ouvre certainement des portes: en exposantles gens à de nouvelles idées et en les aidant à prendre plusde décisions réfléchies. En outre, quand les individus fontpartie d’un système plus large, comme une école, ils sontvisibles à plus de personnes. Une femme ou un enfant né-gligé ou maltraité seront remarqués par leur professeur.

Ce qui est arrivé à Ah Wah (ce n’est pas son vrai nom), ungarçon de 9 ans qui vit dans un des camps de la frontièrenord-ouest Thaïlande-Burma, près de la ville de Mae HongSon, illustre parfaitement comment l’éducation sert à pro-téger les plus vulnérables. Ah Wah est un orphelin du SIDAet est lui-même positif VIH. Il participe actuellement à unprogramme scolaire spécial dans une des écoles primairesdu camp. Techniquement, Ah Wah n’est pas ce qu’on ap-pelle «un élève ayant des besoins spéciaux», mais il y atellement de manque d’informations et de craintes concer-nant le VIH, que ce n’est que récemment qu’il a pu com-mencer l’école. S’il n’avait pas pu fréquenter ce coursspécial, il n’aurait sans doute pas pu aller à l’école du tout.

Quand Ah Wah a commencé à venir à l’école affamé,sale et avec des blessures ouvertes, son institutrice s’estinquiétée. Elle a voulu contrôler sa situation en lui rendantvisite à la maison, où il vivait avec ses grands-parents.Elle découvrit ainsi que ses grands-parents ne lui donnaientpas les rations alimentaires spéciales fournies pour lui parune ONG. Elle s’est rendue compte que Ah Wah ne rece-vait pas les soins dont il avait besoin et que ses grands-

parents le maltraitaient verbalement, le qualifiant de «stu-pide» et «paresseux» même devant elle. Comme la situa-tion ne s’améliorait pas, elle en discuta finalement avecdes collègues. Les chefs du camp, le personnel enseignantet les ONG de soutien se sont réunis pour discuter de lasituation de Ah Wah. Finalement, Ah Wah a été recueillipar une tante, très contente de l’avoir chez elle. Mainte-nant, il continue à fréquenter un cours spécial de l’écoleprimaire et il est bien suivi à la maison et à l’école. C’estdonc à travers l’école que Ah Wah a obtenu l’aide et laprotection dont il avait désespérément besoin.

Évidemment, le besoin de protection ne concerne pas seu-lement les camps de réfugiés ou les personnes qui viventavec eux. Cependant, le degré de vulnérabilité et le be-soin de protection sont différents. L’éducation fait partiedu cycle de protection. Elle unit les gens, les tient infor-més et impliqués dans quelque chose de positif.

Kelle Marin Rivers

SERVIR No. 38 – Septembre 2006

L’éducation commeenvironnement protecteur

Comment l’école peut être plus qu’un lieu d’apprentissage

“Quand Ah Wah a commencé à venir àl’école affamé, sale et avec des blessuresouvertes, son institutrice s’est inquiétée.”

Kelle Marin Rivers,coordinatrice du programmed’éducation, JRS Thaïlande

“L’éducation fait partie du cycle de protection.”

Salle de classe, camp de Mae Hong Son, Thaïlande

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J’ai rencontré Aimee (ce n’est pas sonvrai nom) deux ou trois fois, dans uncentre de détention de Malte: elle était

toujours polie, mais très réservée. Aimee agrandi dans une famille appauvrie d’un paysen développement. À l’âge de 15 ans, ellea quitté sa famille et a commencé à cher-cher des moyens de se suffire à elle-même.

C’est à cette époque qu’elle a rencontréJean qui s’occupa d’elle. Il planifiait de quit-ter le pays et demanda à Aimee de veniravec lui; il lui dit que son cousin «s’en sor-tait bien» en Italie et qu’il paierait le voyage.Leurrée par les promesses de «vie meilleure»et convaincue que Jean s’occupait sincère-ment d’elle, elle quitta le pays avec lui.

Une fois arrivés en Libye, Jean commença àse plaindre de «n’avoir plus d’argent». Il dit

à Aimee que son cousin en Italie ne pouvaitplus continuer à les aider, et donc qu’elle de-vrait «travailler» pour payer son voyage enItalie. Elle fut confiée à un homme qui géraitun bordel, où elle fut littéralement enferméependant des mois. Elle voyait souvent Jean –quand il venait encaisser son salaire. Il ne luia jamais donné d’argent et si elle demandaitquelque chose, il devenait furieux et violent.

«Je ne pouvais plus supporter cette vie, etau but de quelque temps, j’ai voulu m’échap-per. Mais ils m’ont prise et ont averti Jean.Il est venu et m’a battue si fort que je netenais plus sur mes jambes et mon visageétait défiguré. Après, je ne l’ai plus af-fronté... j’avais trop peur».

Après avoir passé environ un an en Libye,Jean arriva et lui dit qu’il leur avait trouvé

Katrine Camilleri

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Le système d’asile n’arrive pas à protéger les victimes de violence

Centre dedétention pourmigrants irrégulierset demandeursd’asile, Malte

À risque, même dans le centrede détention pour immigrés

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une place sur un bateau pour l’Italie. Ellesauta sur l’occasion: partir, espérer que leschoses iraient mieux en Italie. Le voyagefinit tragiquement. Ils dérivèrent pendantplusieurs jours avant d’être secourus et em-menés à Malte. Un grand nombre de per-sonnes, y compris Jean, se noyèrent en mer.

Alors qu’Aimee pensait que le pire étaitpassé, elle commença à recevoir des coupsde téléphone menaçants de la part du cou-sin de Jean, en Italie; il avait retrouvé sa traceà Malte. Il disait qu’il avait payé pour elle, etqu’elle devait donc le rejoindre en Italie.

Un jour, des mois après notre première ren-contre, elle m’appela pour que je l’aide. Ellem’expliqua qu’elle n’était pas du pays dé-claré en remplissant sa demande d’asile. Jelui ai demandé pourquoi elle ne me le disaitque maintenant. «Parce que je n’avais pasle choix» m’a-t-elle rétorqué. Les chefs(auto-désignés) du groupe avaient ordonnéà tous de déclarer le même pays d’où ilsavaient fui à cause de la guerre civile. Ils luiavaient aussi dit que si elle disait la véritésur sa nationalité, elle serait déportée; de plus,sa déclaration compromettrait le reste dugroupe. Refuser d’obéir n’était pas un choix;dans le centre de détention, personne ne ladéfendrait si les choses tournaient mal.

Au centre, les hommes et les femmes sontdétenus ensemble dans un environnementfortement dominé par les hommes; les fem-mes sont donc plus vulnérables aux pres-sions et aux mauvais traitements, non seule-ment de la part d’individus (d’habitude lesmaris et les partenaires) mais aussi de lacommunauté dans son ensemble ou deschefs du groupe. Cela empêche inévitable-ment de protéger efficacement les détenues.

Au cours des années, un certain nombre dedétenues ont été attaquées physiquement pard’autres détenus: violence familiale, mauvaistraitements de la part de l’époux, et, dans uncas au moins, un groupe de femmes non-accompagnées ont été brutalement battuespar des détenus. Il s’agissait probablementd’une punition pour avoir enfreint des «rè-

Centre dedétention pour

migrants irrégulierset demandeurs

d’asile, Malte

Katrine Camilleri,directrice adjointe, JRS Malte

gles du groupe» et s’être comportées demanière considérée comme inacceptable.

Malheureusement, les détenus sont extrême-ment soupçonneux de tout le monde, mêmedu personnel ONG; ils croient souvent quenous travaillons pour les autorités et que nousconspirons pour les renvoyer chez eux. Lecas d’Aimee, et ce pourquoi elle cachait lavérité sur elle-même, me pousse à me de-mander: est-elle une exception? Je suis cer-taine que non. Pour divers motifs, cesfemmes choisissent de rester cachées. Sinous voulons affronter cette situation, laquestion que nous devons nous poser est: quoifaire et comment faire pour les aider?

Le défi, pour Malte, est de trouver les moyensd’identifier les femmes qui sont victimes detrafic humain et de répondre aux besoins deprotection, immédiats et à long terme, decette catégorie de migrants particulièrementvulnérables. À court terme, il est absolumentnécessaire d’améliorer drastiquement lesdispositifs d’accueil des demandeurs d’asile,de façon à s’assurer que les plus vulnéra-bles soient en mesure de parler et de de-mander d’être protégés. Il est aussi impéra-tif de mettre en place des politiques etstructures formelles qui protègent effective-ment celles et ceux qui en ont besoin.

MALTE

“Il est venu et m’a battue si fort... Après,je ne l’ai plus affronté... j’avais trop peur.”

“...les hommes et les femmessont détenus ensemble...”

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Quand la réinstallation est la

Achuei est une femme soudanaise de26 ans. Elle a quitté le Soudan en1992, après que sa maison ait été

attaquée et qu’elle ait été séparée du restede sa famille. Elle a été amenée au campde réfugiés de Kakuma, dans le Nord duKenya, où elle a commencé l’école pri-maire. Toutefois, en 1993 son père arrivadu Soudan à Kakuma. Il lui interdit de con-tinuer l’école et, l’année suivante, l’obligea,à l’âge de 14 ans, à se marier contre savolonté. Quand elle refusa, le jeune hommel’enleva et la battit presque à mort; plus tard,il la viola devant un groupe de parents.

Achuei fut ramenée au Soudan, son pre-mier enfant naquit en 1995 mais mourut en1996. Achuei fuit à Kakuma en 1996 et yresta tranquillement jusqu’en 1998, quandson mari revint du Soudan et la kidnappa.Elle tomba à nouveau enceinte, et commeelle était très malade, un médecin l’aida àaller à Lokkichoggio, d’où elle rentra à Ka-kuma. En décembre 1998, sa fille naquit.

En deux autres occasions, son mari revintau camp pour les emmener, elle et l’enfant,mais dans les deux cas Achuei réussit à secacher. Quand elle apprit, en 2005, qu’il étaitrevenu et avait donné de l’argent à des pa-rents pour la lui remettre, avec son enfant,elle courut au Bureau de la Fédération Mon-diale Luthérienne (FLM). Elle expliqua lasituation, et le personnel de ce Bureau l’en-voya au Refuge Sûr du JRS. C’était en sep-tembre 2005, et elle est là depuis lors.

Le cas d’Achuei illustre bien les nombreuxproblèmes liés à la violence sexuelle et augenre, à Kakuma. Bien qu’il y ait beaucoupde nationalités dans le camp (surtout desSoudanais mais aussi des Somaliens, Éthio-piens, Burundais, Rwandais, Congolais), lesexpériences vécues par celles qui viennentau Refuge Sûr sont similaires. Ce sont sou-vent des membres de la famille même dela femme qui causent l’insécurité. D’habi-tude, ils veulent enlever les femmes ou leurs

KENYA

Rebecca Horn

enfants, les obliger à se marier, les agres-ser, même les tuer. Pour les Soudanais, laquestion de la dot est cruciale, les famillesforcent souvent les jeunes filles très jeunesà se marier avec un homme qui peut payerune dot élevée.

Des organisations comme l’UNHCR (Or-ganisation des Nations Unies pour les ré-fugiés) et le FLM ont des unités qui négo-cient avec les familles et les communautéspour protéger les femmes qui subissent cesmauvais traitements, mais, dans certainscas, il n’est pas possible d’arriver rapide-

Refuge Sûrdu JRS,

camp deréfugiés de

Kakuma,Kenya

du Nord

C’est souvent un refuge sûr qu’il faut

Refuge Sûrdu JRS,

camp deréfugiés de

Kakuma,Kenya

du Nord

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“Il lui interditde continuerl’école et...

l’obligea... àse marier sansson accord.”

SERVIR No. 38 – Septembre 2006 7

a seule solution à long termeKENYA

Rebecca Horn,coordinatrice des activitésde counselling, camp deréfugiés de Kakuma

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Le plus difficile est de trouver des solutionsdurables pour ces femmes. Les réfugiésdoivent quitter le Refuge Sûr dans les sixsemaines, mais dans de nombreux cas,comme celui d’Achuei, ce n’est pas possi-ble. Achuei ne peut pas retourner dans sacommunauté à Kakuma, parce que son maripourrait l’enlever, elle et/ou son enfant.

Bien que les réfugiés soudanais soient main-tenant encouragés à rentrer chez eux, il y ena beaucoup, comme Achuei, qui auraientdans ce cas leur sécurité menacée. La finde la guerre ne veut pas dire vivre en paix.Et il y a de bonnes raisons de croire que cesfemmes continueraient à être maltraitées, vio-lées et agressées si elle rentraient au Sou-dan où leurs familles ou la famille de leursmaris pourraient facilement les trouver.

Achuei a dit que, récemment, un ami deson mari est venu la voir au Refuge Sûr, etlui a offert une grosse somme d’argent sielle acceptait de retourner au Soudan. Il luia fait remarquer qu’elle n’avait pas d’ar-gent, que le JRS ne serait pas là éternelle-ment; donc, elle pourrait rentrer avec lui auSoudan où elle aurait beaucoup d’argent.Mais elle a refusé: “Si j’allais au Soudan, jeserais tuée, et ma fille enlevée” dit-elle.

Quand il n’est pas possible de vivre en sé-curité dans un camp pour réfugiés, et qu’iln’y a aucune chance de rentrer à la mai-son en sécurité, il faut prendre en considé-ration un pays tiers. Réinstaller des gensdans des pays occidentaux pose certesdes problèmes, mais dans des cas commeAchuei, il est difficile de trouver une autresolution.

ment à un accord, ou d’assurer la sécuritéde la personne. Dans ces cas, la femme etses enfants peuvent s’adresser au RefugeSûr du JRS en attendant qu’une solutionsoit trouvée.

Le Refuge Sûr (RS) offre une hospitalitésûre pour un maximum de 40 femmes et en-fants. Elles ne sont pas seulement protégées,mais elles reçoivent aussi un soutien émo-tionnel et psychologique de la part du JRS,ainsi que les unes des autres. Quand ellesquittent le RS elles ont plus de confiance enelles, sont plus fortes et pleines d’espoir.

“Si j’allaisau Soudan,

je serais tuée,et ma filleenlevée...”

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Janet Otte

Recommencer sa vie dans un paysétranger n’est jamais facile; lesfemmes et les jeunes filles réfugiées

qui arrivent à Kampala pour la première foiscomme demandeurs d’asile relatent souventdes histoires choquantes de viols, exploita-tions sexuelles et mariages forcés avant etaprès leur fuite. Les violences sexuelles etbasées sur le genre (VSBG) ont traumatisébeaucoup de femmes, qui vivent dans la ter-reur du VIH. Les stigmates culturels et com-munautaires liés à la violence sexuelleexacerbent cela; beaucoup de femmes sesentent isolées et refusent la terrible réalité.

Bien que le JRS Kampala ne procure aucunservice direct aux victimes de violencesexuelle, il peut jouer un rôle crucial dansla protection de ces personnes en travaillantavec d’autres pourvoyeurs de services. ÀKampala, le personnel du JRS s’est sou-vent rendu compte des problèmes de cesfemmes et jeunes filles quand celles-ci cher-chaient une aide légale, financière, scolaire.

En cas de besoin de services spécialisés, leJRS peut occasionnellement offrir une aidefinancière. Le personnel du JRS peut sur-tout se référer à des pourvoyeurs de servi-ces pouvant aider ces femmes et jeunesfilles à trouver une solution durable à leursproblèmes.

Emma (ce n’est pas son vrai nom) est arri-vée à Kampala seule avec ses sept enfants.Elle avait été séparée de son mari au coursde la fuite de la République Démocratiquedu Congo. Elle a ensuite rencontré un poli-cier qui a offert de s’occuper d’elle enéchange de rapports sexuels. Par désespoir,elle a accepté l’offre. Cette situation s’estcompliquée lorsque, un an plus tard, son mariest arrivé. Elle a essayé d’expliquer au poli-cier que, comme son mari était revenu, leurrelation devait cesser, mais le policier estdevenu inflexible et a commencé à la mena-cer. Emma ne savait pas quoi faire, elle crai-gnait pour sa vie et sa famille, et, pire encore,elle n’osait rien dire à son mari, par crainte

OUGANDA

Femme etenfants

réfugiéssomaliens,Kampala,Ouganda

Unir les forces pourprotéger les femmesUne seule organisation ne peut pas tout procurer

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Janet Otte, ProgrammeUrbain de Kampala,JRS Ouganda

Au début de cette année, Leila nous a renduvisite. Cela nous a fait plaisir d’apprendrequ’elle fait maintenant des études dansl’installation; elle vit à l’intérieur du secteurdu chef de la communauté somalienne, quila soutient; le GTZ (l’agence d’aide del’État allemand) lui a construit une maison.C’est encore plus encourageant de savoirqu’elle a obtenu le statut de réfugiée. Leilaa appris à vivre avec sa peine, elle n’estplus prisonnière du passé, elle se sent ensécurité dans l’installation.

Les femmes et les jeunes filles victimes deviolence basée sur le genre ont beaucoupde besoins. Le JRS offre la scolarité et uneaide psychosociale et légale. Nous devonscoordonner notre travail avec d’autres ONGet des organismes d’État pour identifier etoffrir des solutions alternatives à ces fem-mes et jeunes filles à risque de violence.Ce n’est qu’ensemble, avec la juste for-mation et les ressources nécessaires, quenous pouvons trouver des solutions dura-bles pour que ces femmes cessent de souf-frir en silence, ne sachant pas quoi faire nien qui avoir confiance.

OUGANDA

d’être rejetée. C’est ainsi qu’Emma arrivaau JRS en larmes et craignant le pire.

Le JRS lui offrit un soutien légal et psycho-social de base; ensuite, grâce à son réseauavec le «Hope Counselling Centre», qui estspécialisé en viol, le JRS lui a assuré unservice de conseil psychologique. Plus tard,elle réussit à raconter la vérité à son mari:si pénible et choquante qu’elle soit, aidé parle service conseil, il comprit. Le JRS a parla suite aidé la famille à trouver un endroitsûr pour vivre, loin du policier. Finalement,grâce encore au réseau du «Projet légalpour Réfugiés», nous avons réussi à trou-ver une solution durable pour Emma et safamille, en Australie, à la fin de 2005.

Leila (ce n’est pas son vrai nom) est unejeune fille somalienne de 16 ans, victime deviolence sexuelle. Elle a été violée à l’âgede 13 ans et a eu un bébé. Elle s’occupaseule de l’enfant en Somalie malgré le stig-mate social attribué par sa communauté auxmères célibataires et aux victimes de viol.Ses problèmes ont été aggravés par la guerre:Leila fut séparée de son enfant et kidnap-pée par un groupe armé. N’étant plus ca-pable de répondre à leurs exigences sexuel-les et de travail, elle fut relâchée. Elle réussità atteindre Kampala à travers le Kenya surun camion, où elle vécut dans la rue.

Le JRS a trouvé un logement pour Leila àAgape (une maison paroissiale) où elle avécu pendant huit mois. Le JRS l’a suiviede près, lui offrant tout le soutien psycho-social possible; enfin, quand elle fut prêtepour cela, à travers les arts créatifs, com-mença le long processus de soutien et on apu noter des signes de guérison. Elle fré-quenta ensuite l’école d’anglais du JRS pourl’aider à développer ses capacités socialeset continuer le processus de guérison. Il aété difficile de trouver une solution durableaux problèmes de Leila, parce qu’elle n’avaitpas le statut de réfugiée. Par la suite, avecl’aide de l’UNHCR, elle a rejoint une ins-tallation pour réfugiés en Ouganda Occi-dental en tant que demandeur d’asile.

Réfugiéurbain deKampala,Ouganda

“Cette situation s’estcompliquée lorsque, un an

plus tard, son mari est arrivé.”

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La plupart des cultures, si ce n’est tou-tes, considèrent l’éducation commeun outil pour développer les talents

de chacun. Encore plus dans un camp deréfugiés réunissant des personnes qui ontfui des guerres, des désastres naturels etd’autres situations qui engendrent de pro-fondes souffrances et des traumas. Danscet environnement, la scolarité, surtout for-melle, donne aux gens de meilleures possi-bilités de subvenir dignement à leurs besoinset à ceux de leur famille.

À Lainé, un camp de réfugiés du Libériasitué en Guinée, plus de la moitié de la po-pulation, environ 16.000 personnes, a moinsde 18 ans. En mai de l’an dernier, la com-

María Irízar CCV

Cours deformationprofessionnelle,camp de réfugiésde Lainé, Guinée

L’éducation, un outilde protection essentielLes conséquences de n’avoir pas consulté les réfugiés

munauté du camp a appris par l’UNHCR(Organisation des Nations Unies pour lesréfugiés) que les écoles secondaires fer-meraient parce que les donateurs interna-tionaux avaient décidé de réduire leur aideaux Libériens en Guinée et d’attribuer desfonds à la reconstruction même du Libéria.Ils espéraient que les Libériens rentreraientchez eux et que les élèves commenceraientl’année scolaire dans leur pays.

Si les donateurs ont de valides motivationspour encourager le rapatriement des réfu-giés au Libéria, cette décision a été toute-fois prise sans consulter les réfugiés ni lesfaire participer à ce processus. Beaucoupont ressenti cette décision comme étant

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GUINEA

prématurée et ont plusieurs fois demandéde la réexaminer. À cette époque, les pre-mières élections démocratiques avaient lieuau Libéria et, même si la situation était con-sidérée comme sûre, beaucoup de réfugiésestimaient qu’un retour serait dangereux.Étant donnée leur expérience de 15 annéesd’exil et leurs multiples fuites du pays, beau-coup de réfugiés préféraient attendre quel-ques mois en observant le cours des évé-nements. De plus, peu d’écoles libériennespouvaient vraiment recevoir des rapatriés,et peu d’entre eux pouvaient payer la sco-larité et le matériel scolaire.

La décision de fermer les écoles a été main-tenue, mais peu de réfugiés de Lainé sontrentrés chez eux. Les réfugiés ont orga-nisé eux-mêmes des activités scolaires, horsdes camps. Beaucoup de familles ont faitl’effort d’assurer une scolarité à leurs en-fants dans ces écoles.

Nous nous rendons compte que des jeunesfilles ont recouru à de regrettables moyensd’obtenir de l’argent pour payer leur scola-rité, faire partie du système, être comme leurscamarades, acheter des uniformes et dumatériel, payer les frais de scolarité qui sontassez élevés, ici, par rapport au revenu. Quevous appeliez cela prostitution ou échangede rapports sexuels contre des biens maté-riels, c’est la même chose: le point est que,suite à la pauvreté et au manque d’occa-sions favorables, des jeunes femmes doiventaffronter l’avenir avec ce fléau social quis’étend aux coins les plus reculés de la terre.

En plus de la fermeture des écoles secon-daires, l’UNHCR a annoncé en avril la fer-meture, le 31 mai (avant la fin de l’annéescolaire), des écoles primaires, qui suiventles programmes libériens où l’enseignementse fait en anglais. À la rentrée, les enfantsdes familles qui ne désirent pas rentrer aupays devront suivre les cours du systèmeéducatif guinéen, en français, contrairementau système libérien des cours donnés aucamp, en langue anglaise.

Sans aucun doute, l’UNHCR doit encoura-ger le rapatriement, c’est-à-dire la «solutiondurable» la plus souhaitable pour les réfu-giés. Cependant, étant donné qu’un minimumde 15.000 personnes resteront dans le campde Lainé jusqu’à la fin de la saison des pluies,

MachineBraille pour

étudiants avechandicap,camp de

réfugiés deLainé, Guinée

María Irízar CCV,directrice du JRS Guinée

“La décisionde fermer lesécoles a étémaintenue,mais peu

de réfugiésde Lainé

sont rentréschez eux.”

en octobre, la décision de refuser aux en-fants du camp une scolarité primaire décenteest malencontreuse. Cela aurait plus de sensde fermer des classes selon le taux de rapa-triement; au moins jusqu’à une nette réduc-tion du nombre de réfugiés.

Les difficultés que les réfugiés rencontrentpour accéder à leurs droits fondamentaux,comme l’éducation, ont de sérieuses con-séquences sur leur bien-être et peuvent sou-vent faire courir aux jeunes filles et auxjeunes femmes le risque d’exploitation. Lemanque de solutions alternatives force lesréfugiés vulnérables à prendre des mesu-res désespérées qu’ils éviteraient si celaétait possible. Des décisions importantes,comme la fermeture d’écoles, ne devraientêtre prises qu’après avoir consulté la com-munauté. Pour comprendre les besoins dela population réfugiée, il est essentiel queles réfugiés et les ONG qui travaillent aveceux soient inclus dans le projet et la miseen œuvre des programmes développés pourla protection et l’assistance aux réfugiés.

Seuls les efforts unis de tous ceux qui sontimpliqués porteront à des changementsstructurels permettant de respecter tous lesdroits de l’homme fondamentaux: nourriture,eau, abri, justice, éducation, une vie digne.Sans cela, nous continuerons à écrire desarticles comme celui-ci, dans lesquels nousrépétons les mêmes histoires, les mêmesarguments et les mêmes réflexions, maissans être capables d’assurer que ceux quise battent pour un présent et un futurmeilleurs ne soient la proie des dangers qu’ilsveulent fuir: la faim, toute forme de violence,la maladie, la guerre, la souffrance.

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www.jrs.net

• Aider un réfugié pendant un andans la zone urbaine de Kam-pala, Ouganda

$22 USA

• S’occuper pendant un an del’éducation d’un enfant dans lecamp de Lainé, Guinée

$40 USA

• Plaider pendant un an au nomd’un réfugié du camp de Kaku-ma, Kenya

$45 USA

• S’occuper pendant un an de l’édu-cation d’un enfant en Thaïlande

$55 USA

• S’occuper pendant un an de l’édu-cation d’un enfant en Côte d’Ivoire

$140 USA

• Procurer une gamme de servicessociaux à un réfugié d’AddisAbaba, Ethiopie, pendant un an

$500 USA

La mission du JRS estd’accompagner, de servir et

de défendre les droits desréfugiés et des personnesdéplacées de force, et plusparticulièrement celles qui sontoubliées et qui n’attirent pasl’attention internationale.Nous agissons par le biais denos projets qui se trouventdans plus de 50 pays et qui seconcentrent sur l’éducation, lasanté, le travail pastoral, lesformations, les activités quigénèrent des revenus etd’autres services qui sontofferts aux réfugiés.

Le JRS s’appuieprincipalement sur les donsde particuliers ainsi que sur lesoutien financier d’agences dedéveloppement et d’agencesdépendant de l’Église.

Voici quelques exemplesd’utilisation des fonds:

Comment aider une personne

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Servir est publié trois foispar an – mars, septembreet décembre – par le JesuitRefugee Service, instituépar le père PedroArrupe SJ en 1980.

Le JRS, une organisationcatholique internationale,accompagne, sert et plaidela cause des réfugiéset des déplacés.

Éditeur: Lluís Magriñà SJ

Rédacteur: James Stapleton

Production: Stefano Maero

Aide Production:Sara Pettinella

Servir est disponiblegratuitement en français,en anglais, en espagnolet en italien.

email: [email protected]

adresse: Jesuit Refugee ServiceC.P. 613900195 Roma PratiITALIE

tél: +39 06 6897 7386fax: +39 06 6880 6418

Dispatches est une publicationbimensuelle envoyée par email,contenant des nouvelles du JRS,des réflexions spirituelles, desinformations sur le recrutement;elle est disponible gratuitementen français, en anglais,en espagnol et en italien.

Pour s’abonner à Dispatches:http://www.jrs.net/lists/manage.php

Photo de couverture:Camp de réfugiés de Lainé, Guinée.Photo de Mark Harrington/JRS.

Crédits photos:JRS Thaïlande (pages 2 en haut, 3);Malta Today (pages 4, 5);Rebecca Horn/JRS (pages 6, 7);Stephen Kuteesa/JRS (page 8);JRS Ouganda (page 9);Mark Harrington/JRS (pages 10, 11);Mark Raper SJ/JRS (page 12).