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Daniel Picouly Nos Histoires de France

Nos Histoires de France

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Quand venait l’heure de la leçon d’Histoire dans les classes d’autrefois, l’instituteur accrochait sur les murs de la classe des « planches pédagogiques » et un cortège de héros surgissait alors sur de belles images en couleurs.

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Daniel PicoulyNos Histoires de France

À l’heure de la leçon d’histoire dans les écoles d’autrefois, l’instituteur accrochaitsur les murs de la classe des «planches pédagogiques» et un cortège de hérossurgissait alors sur de belles images en couleurs. Vercingétorix, chef des Gaulois,nos ancêtres barbares mais braves, Charlemagne à la barbe fleurie ou Napoléonexilé à Sainte-Hélène perdu dans la contemplation de ses conquêtes passées quise dessinaient dans le ciel.

Daniel Picouly, l’auteur du Champ de personne (Grand prix des lectrices de Elle,1996) et de L’Enfant léopard (prix Renaudot 1999), n’a pas oublié ce patrimoinepittoresque et exubérant. Il évoque ici les souvenirs d’un écolier de 10 ans «en l’an de grâce 1958» et les émotions que suscitent en lui les exploits de ces personnages stoïques.

Pour le romancier, les héros de l’histoire de France composent les figures d’ungrand roman, laissant les imaginaires vagabonder sur une iconographie hautementallégorique. Aidé de près de 160 affiches scolaires, Picouly raconte des épisodesd’une histoire de France qui disparaît aujourd’hui des manuels scolaires et dontles personnages constituent une sorte de panthéon perdu.

30!ISBN : 9782-84230-423-2

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Le temps des Gaulois, c’est le camping à la ferme de 150 à 1100 avant J.-C.Le camping deux mille ans avant le Front populaire!Dans ma famille, chaque été, pour les vacances, on fait les Gaulois.On part en vacances en camping.Le plus difficile c’est de faire entrer au chausse-pied dans notre Traction: parents, tentes,

enfants et matelas pneumatiques.Le coffre et la galerie sont chargés jusqu’à la gueule. Il pousse des valises dans le ciel !– Tiens, v’là les congés payés !Notre voisine, Madame Larget, n’est pas méchante. Elle est seule. Ses enfants ne viennent

pas la voir. C’est étrange d’oublier l’adresse de sa mère.Nous aussi, pendant un mois, on va oublier notre adresse. Adieu, le 93 avenue Meissonier,

vive le lac de Vassivière! C’est dans le Limousin. Pas loin de l’Auvergne: «Le pays des Arvernes»au temps des Gaulois.!J’aime bien les Gaulois. En ce moment, je suis gaulois à plein tempsdepuis que Picard m’a craché en plein cours: «Nos ancêtres les Gaulois! Ça te regarde pas, toi…Et pourquoi?… T’as vu ta tête?… Qu’est-ce qu’elle a ma tête?… On dirait un sésame… Tu veuxdire un Sarrasin. T’es comme le frère d’Ali Baba, tu t’es trompé de graine à Poitiers… Il n’a pascompris… Je vois pas pourquoi ta dégaine de Viking débarqué en drakkar te fait plus gaulois quemoi dont la mère est née à Toucy-Moulins et le père à Tarbes… N’empêche, avec ta tête tu peuxpas être gaulois.»

Donc, je suis devenu gaulois puisqu’on me refusait d’en être un.Pour préparer nos vacances en pays arverne, j’avais recopié sur une feuille la carte de «La

Gaule vers 60 avant J.-C.». Je l’avais pliée en accordéon façon carte routière, au 1/200000.Sur le rabat, j’avais collé un petit bonhomme Michelin avec un casque de Gaulois découpé surun paquet de cigarettes. Je venais de fabriquer la première carte Michelin de la Gaule. Je l’aibaptisée «Bibendum».

J’avais préparé notre itinéraire de Villemomblius jusqu’à Vassivierum. (Le latin c’est facile,en ajoutant «ius» et «um» on le parle couramment.) On sortait de Lutetia par la ported’Italie, puis la direction de Genabum, jusqu’à Avaricum. Là, on pouvait prendre par Augus-toritum ou Gergovie.

Ça avait quand même plus de gueule que Paris-Orléans-Bourges !– Ce serait plus joli par Augustoritum.Ma mère parlait latin comme une des élégantes «vaguement tristes et lasses» des cités gallo-

romaines, descendant de leur litière pour aller prendre le café chez une voisine.– Ce serait plus court par Gergovie.Mon père pensait à sa moyenne. Moi, à la bataille de Gergovie en 52 avant J.-C. où les

légions romaines avaient dû se replier devant Vercingétorix: chef des tribus arvernes, et premierà avoir réuni « les tribus indisciplinées de Gaule ». Monsieur Brulé nous avait prévenus :

Au temps des Gaulois

Le camping à la ferme

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Village gaulois.

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Roland à Roncevaux.

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Le château fort est attaqué.

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Le peuple construit sa cathédrale.

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J’étais déçu.C’était la première fois que Monsieur Brulé utilisait les vieux restes d’une phrase pour

introduire un chapitre.Surtout un chapitre si important.Le plus important : la Révolution française !Monsieur Brulé manquait de mots pour dire la période de l’histoire de France qui en

contient le plus !La Révolution française de 1789 est ma période préférée. La seule pour laquelle je n’accepte

pas de ne pas être le meilleur en classe. La Révolution, c’est comme le football à la récréation,la composition de rédaction et le grimper de corde : il faut être le premier.

Pour débuter ce chapitre, j’aurais préféré : « Mokarex sed lex ! »Les soldats Mokarex sont des figurines que je trouve dans les paquets de café du même

nom. Il y a Mirabeau, Danton, Robespierre, Marat (sans sa baignoire), Desmoulins (avec sachaise), Saint-Just (le plus beau nom de la Révolution), Axel de Fersen (le chéri de la reine),Louis XVI (le cocu de la reine), Marie-Antoinette (la reine et le dauphin), la princesse deLamballe (favorite de la reine), Bonaparte et Napoléon (comme deux frères dont l’un auraitgrossi) et Fouquier-Tinville (l’accusateur public), le plus beau, le plus gros. Il est deboutdevant sa table, coiffé de son chapeau à plumes. Dans les échanges, un Fouquier-Tinvillevaut facilement trois Bonaparte ou Napoléon. Mais quand on a un Fouquier-Tinville endouble, on le garde.

C’est le personnage le plus important de la Révolution. Celui qui décide qui aura la têtecoupée. Il en a fait tomber des milliers, mais lui, on ne l’a guillotiné qu’une fois. C’estinjuste.

Le choix des Mokarex, aussi, est injuste. Pourquoi tel personnage a droit à une figurineet pas tel autre ? Qui en décide ? L’histoire, comme la justice, devrait être représentée lesyeux bandés. Monsieur Brulé nous avait expliqué que l’histoire était racontée de façon diffé-rente selon les époques. « L’histoire est à géométrie variable. » Je lui rappellerai quand iltrouvera mes parallélogrammes pas très parallélogrammes.

« Pour bien apprendre, il faut apprendre à désapprendre ! » Phrase directement classéedans mon cahier sous la rubrique « Formules fumeuses ».

Dès que je trouve un Mokarex, je commence par regarder ses dates au dos du socle etensuite je monte dans notre cerisier et je cherche la vie du personnage dans mon dictionnaire.Je regarde qui étaient ses amis, ses ennemis de façon à raconter des histoires à peu près« plausibles » à mes deux petites sœurs. En fait, je leur raconte toujours la même avec desvariantes. Savoir qui détestait qui m’aide à ranger mes Mokarex, le soir, dans ma boîte àjouets. J’évite les risques de chamailles pendant la nuit.

La RévolutionLe pouvoir corrompt,

le pouvoir absolu corrompt absolument…surtout les révolutions.

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Pire! Les planches qu’on nous montre en classe sont des faux de faux, puisque MonsieurBrulé nous a expliqué que les dessinateurs les avaient réalisées à partir des tableaux. Et onvoudrait qu’on s’y retrouve!

Faux exemplaire: le pont d’Arcole. Le pont n’a jamais été franchi et Bonaparte s’est retrouvéle cul dans le fossé avant d’être peint, tout beau tout propre, en Jeanne d’Arc héroïque, parun certain Antoine-Jean Gros qui n’était pas là. Et comme Gros n’était pas là non plus pour«la bataille d’Aboukir», «le champ de bataille d’Eylau» ou «Bonaparte visitant les pestifé-rés de Jaffa», il en avait fait des tableaux.

Plus tard, Gros se suicidera en se jetant dans la Seine, mais personne n’était là pour pein-dre un faux de la scène.

Autre faux: le sacre de Napoléon, qui est en fait le sacre de Joséphine. Il mesure 10 mètressur 6 mètres. « Pas facile à caser chez soi ! » Ma mère a raison. David, premier peintre del’Empereur en titre, avait mis trois ans pour «oublier» des gens qui étaient présents et en ajou-ter d’autres qui étaient absents, comme Letizia, la mère de Napoléon fâchée avec son fils. Sansparler du pape Pie VII qu’il avait fallu amener de force tellement il avait honte de son nom.

Pourtant, c’est grâce à lui qu’il est passé à la postérité jusque dans les cafés, avec un coupinterdit au baby-foot: la Pie VII souvent mal orthographiée en «pissette».

– Ne te moque pas du pape!Pourtant, ma mère avait été la première à trouver ridicule qu’en l’an de grâce 1958, pour

rénover l’Église, on nomme un Jean XXIII de 77 ans! Celui-là, Napoléon n’aurait jamais osél’attraper par le col.

Bonaparte et Napoléon n’auront jamais 77 ans. Ils ont trop mal vieilli. Jeunes, ils ont faitla Révolution et vieux l’Empire. Avec tout le tralala: les titres, les costumes, les courbettes et leridicule qui va avec. «La cour de Napoléon, c’était Versailles Empire!» Monsieur Brulé avaitdû écrire son jeu de mots au tableau pour qu’on le comprenne.

Ma mère aimait bien «Madame Sans-Gêne», la femme du maréchal Lefebvre, duchesseblanchisseuse de Dantzig qui n’avait pas sa langue dans sa poche, même devant Napoléon. Ma mère avait vu la pièce de Victorien Sardou avec mes petites sœurs au Châtelet. Si mon pèreétait devenu duc de Villemomble après la bataille du Raincy, j’aurais aimé être une petite sourispour entendre ma mère discuter avec Napoléon. Je sais la première question qu’elle lui auraitposée: T’as mangé, mon gars?

Même si je ne les aime pas, Bonaparte et Napoléon sont de grands hommes: surtout pourle Code civil (par un militaire!), la Légion d’honneur (que mes parents mériteraient), les défi-lés militaires (pourquoi y a-t-il toujours un petit chien joyeux pour les regarder passer?) et…les batailles !

Il suffit de regarder la planche «L’empire de Napoléon» pour comprendre: on dirait le Guide bleu de la Route des batailles : Wagram, Austerlitz, Iéna, Leipzig, Eylau, Friedland,

À droite : Le couronnement de Napoléon Ier.

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À gauche : L’école à l’époque de Jules Ferry.

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Verdun : les nouvelles armes.

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