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Note d’Analyse – N°9 Septembre 2015 Le retour russe en Afrique subsaharienne : enjeux, vecteurs et perspectives

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Note d’Analyse – N°9 Septembre 2015

Le retour russe en Afrique subsaharienne : enjeux, vecteurs et perspectives

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I Le retour russe en Afrique subsaharienne : enjeux, vecteurs et perspectives

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Résumé

Depuis les années 2000 la Russie cherche à reprendre pied en Afrique Subsaharienne. Si l’Union soviétique a été active dans la région, la jeune Russie des années 1990 a en effet dû s’en désengager dans un contexte de manque criant de ressources. Au plan politique, ce regain d’intérêt a vocation à démontrer la dimension mondiale de la puissance russe, Moscou souhaitant afficher sa capacité à projeter de l’influence dans « l’étranger lointain », bien au-delà de son seul « étranger proche ». Au plan économique, les entreprises russes cherchent quant à elles à étendre leurs positions dans les secteurs des matières premières et de la défense, où elles disposent d’avantages comparatifs, et à tirer profit de la croissance de certains leaders régionaux (Afrique du Sud, Nigéria). Pour ce faire, la diplomatie russe offre à l’Afrique subsaharienne un contrat de coopération sans affect ni ingérence, à l’opposé du partenariat idéologique par lequel l’Union soviétique avait tenté de s’y implanter. Elle capitalise notamment sur les liens hérités du passé soviétique avec les élites de la région et y défend son modèle politico-économique de « démocratie souveraine ». Toujours est-il que le réinvestissement russe reste modeste, tant par ses moyens que par les effets qu’il produit. En dépit de discours de façade, la Russie peine en effet à démontrer sa capacité d’entraînement politique tandis que le volume des échanges réalisés entre la Russie et l’Afrique subsaharienne reste dix fois inférieur à celui réalisé par la Chine dans la région.  

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I Le retour russe en Afrique subsaharienne : enjeux, vecteurs et perspectives

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Table des matières

1. Introduction………………………………………………………………………………………....4 2. La Russie, « nouvel acteur en Afrique »: mythes et réalités...…………...…………………4

2.1 L’Afrique subsaharienne, un territoire lointain pour la Russie pré-soviétique…......4 2.2 Le pari manqué de l’Union soviétique en Afrique subsaharienne..………………...5 2.3 La Russie post-soviétique…..………………………………………………………………..6

3. Sécurité et développement en Afrique: un investissement nécessaire pour une puissance aux ambitions mondiales………………………………………………………………7

3.1 Au niveau politique : une doctrine équivoque…………………………………….…..7 3.2 La Russie: auxiliaire de paix en Afrique subsaharienne ?……………………………..8 3.3 L’aide au développement : des ambitions de façade ?…………………………..9

4. Un partenariat économique géographiquement et sectoriellement limité.…………10

4.1 La diplomatie économique à la russe…………………………………………….........10 4.2 Les matières premières : priorité économique en Afrique subsaharienne………11 4.3 Le renouvellement du débouché africain pour le complexe militaro-industriel russe………………………………………………………………………………………………...14

5. Conclusion et recommandations………………………………………………………….….15 Bibliographie………………………………………………………………………………….....…...16

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I Le retour russe en Afrique subsaharienne : enjeux, vecteurs et perspectives

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1. Introduction    Alors qu’au cours de la Guerre Froide l’Afrique subsaharienne a constitué pour l’URSS un théâtre d’affrontements par procuration, la jeune Russie postsoviétique s’est vue contrainte à un repli brutal de la région au début des années 1990. Toutefois, la donne a changé dès lors que le retour de la croissance économique a permis à la Russie de ré-envisager sa projection dans « l’étranger lointain » – par opposition au seul « étranger proche » que constitue l’ancien espace soviétique – durant la décennie suivante et à mesure que les crispations avec Washington conduisaient Moscou à chercher des partenariats de substitution. Trois principales justifications nourrissent alors le renouveau de la politique africaine russe. Tout d’abord, vu de Moscou, l’implication sur les dossiers africains constitue le prix à payer pour retrouver son rang de puissance mondiale. L’Afrique subsaharienne représente ensuite un terrain d’opportunités économiques majeures, notamment en matière énergétique : la Banque Africaine de Développement rappelle en effet que le continent concentre 9,7 % des réserves mondiales prouvées de pétrole et 7,8 % des réserves en gaz 1 . Enfin, alors que certaines estimations lui prédisent un total de 4,2 milliards d’habitants en 2100, l’Afrique pourrait devenir un théâtre de rivalités géopolitiques duquel il importe pour Moscou de ne pas être absente.

Le retour de la Russie en Afrique subsaharienne semble donc davantage être une nécessité, à la fois économique et politique, qu’un projet à dimension culturelle ou idéologique. Pour Moscou, il ne s’agit plus de convertir l’Afrique subsaharienne à son modèle (comme ce fut le cas au temps de l’Union soviétique) mais bien de tirer le meilleur de son partenariat avec la région pour se

                                                                                                               1 African Development Bank, « Russia’s Economic Engagement with Africa », Africa Economic Brief, volume 2, issue 7, 11 mai 2011, p. 6, [En ligne]. Accessible sur le site de la Banque Africaine de Développement http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/Russia%27s_Economic_Engagement_with_Africa.pdf (page consultée le 23 février 2015).

positionner dans le processus concurrentiel de mondialisation.

Dans ce contexte, la présente note entend dresser une cartographie des intérêts russes en Afrique subsaharienne. Après avoir brièvement rappelé les contours historiques de la présence russe dans la région, elle y décrypte le réengagement de Moscou en matière politique, sécuritaire et de développement avant de proposer une analyse de la relation économique que la Fédération de Russie entretient avec l’Afrique subsaharienne. En tout état de cause, le renouveau de l’engagement russe conduit sous la bannière du pragmatisme et dénué d’affect, ne semble pas encore avoir permis à Moscou de retrouver l’acquis soviétique ni de rivaliser sérieusement avec ses concurrents directs, au premier rang desquels figurent les autres grands émergents tels que la Chine ou le Brésil.

2. La Russie, “nouvel acteur en Afrique subsaharienne ”: mythes et réalités    2.1 L’Afrique subsaharienne, un territoire lointain pour la Russie pré-soviétique  « A la différence de nos partenaires européens, la Russie n’a jamais été une puissance coloniale en Afrique. Nous n’avons jamais bombardé l’Afrique ni n’y avons jamais mené d’opérations punitives 2 » : c’est en ces termes que Mikhaïl Marguelov, représentant spécial du président de la Fédération de Russie pour les relations avec les chefs d’Etat africains, décrivait la légitimité du renouveau de l’implication russe en Afrique subsaharienne au moment de sa nomination en 2011.

L’affirmation de cette vertu reste toutefois à relativiser. Il est vrai que pour la Russie pré-soviétique, « l’Afrique est moins une fin

                                                                                                               2Vzgliad, « My Nikogda Ne Bombili Afriku », 21 mars 2011, [En ligne]. http://vzgliad.ru/politics/2011/3/21/477324.html (page consultée le 19 février 2015).

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I Le retour russe en Afrique subsaharienne : enjeux, vecteurs et perspectives

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en soi qu’un moyen3 » dans la lutte contre les empires ottoman et britannique. C’est en effet dans le contexte de la rivalité avec la Sublime Porte (actuelle Turquie) que s’inscrit le désir d’alliance avec l’Abyssinie au XVIIème siècle : nourri par le sentiment d’une communauté de foi, un rapprochement aurait surtout permis à Moscou de prendre à revers l’Empire Ottoman. De la même manière, Pierre le Grand envisage au siècle suivant l’installation d’une colonie russe à Madagascar, pièce stratégique pour le contrôle du sous-continent Indien, 4 objet de rivalité entre Londres et Saint-Pétersbourg. Restés sans suite, ces plans annoncent malgré tout celui de l’installation d’une colonie russe à Sagallo en 1889, date à laquelle 150 cosaques débarquent dans l’actuelle Djibouti pour y former la « Nouvelle Moscou »… sans toutefois parvenir à inscrire leur implantation dans la durée.5 Si bien qu’à la fin du XIXème siècle, la Russie impériale doit finalement se contenter d’une politique d’influence lointaine (via l’ouverture d’ambassades, comme en Ethiopie en 1898) et d’initiatives individuelles désordonnées, à l’instar de l’engagement de certains Russes auprès des Boers contre les forces britanniques dans la guerre d’Afrique du Sud à compter de 1899.6

2.2 Le pari manqué de l’Union soviétique en Afrique subsaharienne

L’Union soviétique, quant à elle, est autrement plus active. Alors que Staline est davantage préoccupé par la confrontation bloc contre bloc que par un Tiers Monde pas encore tout à fait advenu, la première vague de décolonisation des années 1950-1960 fournit à Nikita Khrouchtchev l’opportunité de prendre pied en Afrique

                                                                                                               3 Sergius YACOBSON, « Russia and Africa », The Slavonic and East European Review, Volume 17, N° 51 (avril 1939), p. 628-629. 4 Ibid. 5 Patrick J. ROLLINS, « Imperial Russia's African Colony », Russian Review, Volume 27, N° 4 (Octobre 1968), p. 432. 6 Sergius YACOBSON, « Russia and Africa (II) », The Slavonic and East European Review, Volume 19, N° 53/54, The Slavonic Year-Book (1939 - 1940), p. 167.

subsaharienne, d’y étendre la lutte contre « l’impérialisme » et de glaner des soutiens à l’Assemblée générale des Nations Unies.7 Les premières ambassades soviétiques ouvrent ainsi leurs portes en 1958 au Ghana et en Guinée, dont le président Sékou Touré refuse d’ailleurs d’intégrer la « Communauté française » du Général de Gaulle. Des lignes aériennes directes sont mises en place entre Moscou et les capitales amies et les premiers accords de coopération sont signés à compter de la fin des années 1950 : en 1989, l’URSS comptera 36 accords de ce type avec des pays de la région.8 Dans les années 1970, Moscou intensifie encore sa présence sur le continent, mettant à profit les vides de pouvoir engendrés par la deuxième vague de décolonisation initiée par la révolution portugaise des œillets en 1974. L’Union soviétique supervise alors l’intervention de 20 000 soldats Cubains au soutien du Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), appuyant dans le même temps le Front de Libération du Mozambique (FRELIMO) de Samora Machel. Dans les pays voisins, l’URSS soutenait déjà l’Union du peuple africain au Zimbabwe, le SWAPO namibien et l’African National Congress (ANC) sud-africain contre le leadership blanc. Parallèlement, dans la Corne de l’Afrique, l’Union soviétique décide en 1977 de soutenir l’Ethiopie de Mengistu dans sa guerre contre la Somalie : 16 000 Cubains sont alors déployés. 9 Ce changement d’alliance 10 permet à Moscou de faire advenir un « parti des travailleurs d’Ethiopie » en 1984 et d’obtenir des droits

                                                                                                               7 Joseph L. NOGEE et Robert H. DONALDSON, Soviet Foreign Policy Since World War II, Macmillan, 4th edition, 1992, p. 177. 8 Leonid FITUNI et Irina ABRAMOVA, Resource Potential of Africa and Russia’s National Interests in the XXI Century, Académie des Sciences de Russie, Moscou, 2010, p.133. Accessible sur le site de l’Académie des Sciences de Russie, http://www.inafran.ru/sites/default/files/page_file/fituni-abramova-afrik_resursnaya_baza.pdf (Page consultée le 12 février 2015). 9 Richard B. REMNEK, « Soviet Policy in the Horn of Africa : The Decision to Intervene », in Robert H. Donaldson, « The Soviet Union in the Third World : Successes and Failures », Westview Press, 1981, p. 126. 10 Initialement, l’Union soviétique avait en effet signé un traité d’amitié et de coopération avec la Somalie en 1974.

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sur les îles Daklak et sur des champs aériens près d’Addis-Abeba et d’Asmara.11

L’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev constitue toutefois une véritable rupture. Alors que l’URSS est exsangue sur le plan budgétaire, l’engagement dans le Tiers Monde n’est plus vu que comme une variable d’ajustement particulièrement coûteuse de la politique étrangère soviétique. Le désengagement du continent africain s’opère alors de manière précipitée : la jeune Russie postsoviétique ferme 9 ambassades, 3 consulats et 20 missions commerciales12 pour la seule année 1992 tandis qu’elle renonce brutalement à des projets en cours d’achèvement (tel que l’usine d’acier d’Ajaokuta au Nigéria13) et sacrifie ses échanges avec la région, qui sont divisés par quatre entre 1990 et 1994.14

2.3 La Russie post-soviétique

Malgré ses résultats décevants, ce legs fournit à la Russie postsoviétique trois enseignements dans la définition de sa politique africaine contemporaine. Au plan politique, d’abord, la Russie nourrit désormais une méfiance structurelle à l’égard des pays aux scènes politiques intérieures trop volatiles. L’élimination ou l’éviction de certains dirigeants africains fermement soutenus par l’Union soviétique (Kwame Nkrumah au Ghana en 1966, Keïta au Mali en 1968, Marien Ngouabi au Congo Brazzaville en 1977 etc.)15 ont en effet ancré la conviction selon laquelle les partenariats conclus par Moscou devaient rester non contraignants. Corollairement, le domaine régalien ne constitue plus le mode privilégié d’implantation dans la

                                                                                                               11 Nicolai N. PETRO et Alvin Z. RUBINSTEIN, Russian Foreign Policy, From Empire to Nation-State, Longman, 1997, p. 214. 12 Leonid FITUNI et Irina ABRAMOVA, op. cit. p.131. 13 Alexandra ARKHANGELSKAYA et Vladimir SHUBIN, « Russia’s Africa Policy », South African Institute of International Affairs, Occasional Paper n°157, septembre 2013, p. 7. 14 Nikolas K. GVOSDEV et Christopher MARSH, « Russian Foreign Policy: Interests, Vectors and Sectors », Sage / CQ Press, 2014, p. 368. 15 Joseph L. NOGEE et Robert H. DONALDSON, op. cit., pp. 225-226.

région. En effet, compte tenu des difficultés à établir des partenariats durables au niveau politique et de la faiblesse du jeune Etat russe au sortir de la décennie 1990, « un consensus a émergé selon lequel le moteur des intérêts russes dans cette région du monde serait l’entreprise privée » 16 . La Russie contemporaine conduit donc ses relations avec l’Afrique subsaharienne via des sortes de délégations de service public consenties aux grandes entreprises. En conséquence, le ministère des Affaires étrangères ne joue plus qu’un rôle subsidiaire dans la définition des priorités régionales, éclipsé par le ministère en charge des ressources naturelles et celui en charge de l’industrie et du commerce.17

Au plan économique, ensuite, la Russie réalise désormais une sélection stricte des partenariats qu’elle conclut, dès lors que le facteur idéologique n’est plus prégnant. Cette sélection s’opère au regard d’une combinatoire de quatre principaux critères que sont la présence de matières premières, le positionnement géographique (accès à la mer, voies d’évacuation des hydrocarbures), le poids politique régional et la loyauté à l’égard des engagements pris. La question du règlement des dettes contractées par les Etats africains à l’Union soviétique a en effet empoisonné les relations entre la Russie postsoviétique et certains Etats de la région dans les années 1990.

Au plan des méthodes d’influence, enfin, la Russie postsoviétique continue en revanche de recourir aux pratiques de sa devancière ciblant prioritairement les élites et s’affichant comme un centre de formation pour les cadres africains. En 1991, 50 000 Africains avaient étudié dans des universités soviétiques et autres instituts militaires et technologiques, tandis qu’au moins 200 000 cadres avaient reçu une formation soviétique sur le sol africain.18 Les actuels présidents de l’Angola (José

                                                                                                               16 Igor S. IVANOV, « The New Russian Diplomacy », Brookings Institution Press, 2002, p. 140. 17 Nikolas K. GVOSDEV et Christopher MARSH, op. cit., p. 370. 18 J. Peter PHAM, « Russia’s Return to Africa », [En ligne], accessible à l’adresse suivante http://worlddefensereview.com/pham082108.shtml (page consultée le 10 février 2015).

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Eduardo dos Santos) ou encore d’Afrique du Sud (Jacob Zuma) 19 figurent, par exemple, au nombre de ces « soyouzniki ». A l’heure actuelle, 6 500 Africains étudieraient en Russie (notamment à l’Université de l’Amitié des peuples à Moscou, anciennement « Patrice Lumumba ») et la moitié bénéficierait d’une bourse fédérale. 20 De la même manière, Moscou a accueilli en août 2014 un forum inspiré du programme américain Young African Leaders Initiative (YALI) destiné à de jeunes cadres prometteurs.21 Les contacts entre populations restent pour autant délaissés compte tenu de l’intérêt limité des citoyens russes pour l’Afrique subsaharienne. Ce désintérêt résulte non seulement de la fermeture des représentations des sociétés d’amitié et des centres cultuels soviétiques22 mais aussi de la relocalisation d’un nombre important de bureaux de presse, qui ont eu pour effet de limiter l’information accessible « aux conflits armés, aux catastrophes naturelles ou, au mieux, aux sujets sur la nature et sur les safaris ». 23 Aussi, si des antennes du Centre pour la coopération internationale dans les domaines scientifique et culturel (Roszarubezhtsentr) ont bien rouvert récemment dans plusieurs capitales24, le soft power russe en Afrique subsaharienne, limité à « Russia Today sur le câble » ou aux tournées de « compagnies de ballet en Afrique du Sud » 25 reste particulièrement superficiel comparé à celui de l’Union soviétique en son temps.

                                                                                                               19 Alexandra ARKHANGELSKAYA et Vladimir SHUBIN, op. cit., p. 6. 20 Selon le site du Ministère des Affaires étrangères. http://mid.ru/brp_4.nsf/newsline/2796B0A54210B41C44257CDF004BB5D5 (Page consultée le 31 janvier 2015). 21 Patrick NDUNGIDI « USA et Russie Courtisent la Jeunesse Africaine », article publié le 5 septembre 2014 par le Huffington Post [En ligne]. http://www.huffingtonpost.fr/patrick-ndungidi/usa-et-russie-courtisent-jeunesse-africaine_b_5771978.html (Page consultée le 10 février 2015). 22 D.V. STRELTSOV dir., « Otnoshenija Rossii so stranami Afriki », in Rossiia i Strany Vostoka v Postbipoljarnyj period, Aspekt Press, Moscou, 2014, p. 14. 23 Alexandra ARKHANGELSKAYA et Vladimir SHUBIN, op. cit., 13. 24 J. Peter PHAM, op. cit. 25 Tom WHEELER, « Russia, Africa relations in flux », article publié par “The New Age”, [En ligne], http://www.thenewage.co.za/blogdetail.aspx?blog_id=2898&mid=186 (Page consultée le 9 février 2015).

3. La sécurité et le développement en Afrique subsaharienne: un investissement nécessaire pour une puissance aux ambitions mondiales  3.1 Au niveau politique : une doctrine équivoque Jusque dans les années 2000, Moscou ne maintient qu’une attention minimale aux dossiers africains : « les régions sous-développées de l’Afrique subsaharienne sont [alors] la priorité la plus faible dans l’agenda international de la Russie postsoviétique » 26 . A l’exception de Frederik Willem de Klerk en 1992, les autorités russes n’accueillent aucun chef d’Etat de la région au cours du premier mandat de Boris Eltsine. Pour autant, le rattrapage économique des années 2000, qui coïncide avec l’arrivée au Kremlin de Vladimir Poutine, permet par la suite à la Russie d’envisager son retour à la cogestion des dossiers africains, perçue comme le prix à acquitter pour réintégrer le cénacle des puissances de dimension mondiale.

Le retour de la Russie aux affaires africaines s’amorce avec son intégration du G8 en 1998 qui a pour conséquence son inclusion dans la gestion des grands équilibres mondiaux, parmi lesquels figurent les dossiers de maintien de la paix et de développement en Afrique. Certes, la Russie n’a pas été tout à fait absente des grandes crises africaines des années 1990, s’affichant notamment comme un pourvoyeur d’aide humanitaire d’urgence dans la crise rwandaise. 27 Ce n’est toutefois qu’au début des années 2000 que Moscou intensifie son implication politique en Afrique en se proposant de se faire le porte-voix des pays en développement dans les instances de gouvernance mondiale. La Russie offre en effet son modèle alternatif de développement aux Etats africains : elle oppose la souveraineté des Etats aux

                                                                                                               26 Nicolai N. PETRO et Alvin Z. RUBINSTEIN, op. cit., p. 227. 27 Selon le site du ministère des Affaires étrangères russe, [En ligne]. http://www.mid.ru/ns-rafr.nsf/89414576079db559432569d8002421fc/ccc03e11fedc1419c3256fb000492a27?OpenDocument (Page consultée le 15 février 2015).

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velléités interventionnistes, affiche une vision critique de l’ordre socio-économique des pays occidentaux et défend le droit des pays africains à la « démocratie souveraine » fondée sur leurs expériences historiques propres et les spécificités de leur culture nationale et de leur mentalité. 28 Néanmoins, comme l’illustre le positionnement de Moscou lors de la crise ivoirienne (2010 – 2011), cette doctrine africaine de la Russie reste difficile à mettre en œuvre sauf à risquer l’isolement pour des partenaires qui demeurent lointains : conformément à son approche non interventionniste, la diplomatie russe a initialement été rétive à adopter une position claire quant à la défaite électorale de Laurent Gbagbo 29 avant de devoir finalement se ranger aux termes de la résolution 1962 du Conseil de sécurité des Nations Unies.30

3.2 La Russie, auxiliaire de paix en Afrique subsaharienne ? Cependant, Moscou apparaît comme un partenaire relativement coopératif en matière de sécurité. La Russie participe par exemple à la coalition internationale en charge de la lutte contre la piraterie au large de la Somalie, et elle a récemment soutenu les efforts européens de stabilisation de la République centrafricaine en votant la résolution 2134 qui y autorise le déploiement d’une opération de maintien de la paix. 31 Cet engagement a par ailleurs été croissant à compter de 2008, date à laquelle la Russie

                                                                                                               28 Aleksei VASILYEV et Evgeny KORENDYASOV, « Russian-African relations in ten years: a new start », Russian International Affairs Council, 21 juin 2013, [En ligne]. http://russiancouncil.ru/en/inner/?id_4=2002#top (Page consultée le 13 février 2015). 29 BBC (version russe), « Rossiia ne Dala Sovbezu Priniat Zajavlenie po Kot-d’Ivuaru », 8 décembre 2010, [En ligne]. http://www.bbc.co.uk/russian/international/2010/12/101208_russia_un_ivory_coast.shtml (Page consultée le 12 février 2015). 30 Communiqué de presse des Nations Unies, 20 décembre 2010, [En ligne]. http://www.un.org/News/fr-press/docs/2010/CS10132.doc.htm (Page consultée le 25 janvier 2015). 31 Communiqué de presse des Nations Unies, 28 janvier 2014 [En ligne]. http://www.un.org/press/fr/2014/CS11264.doc.htm (Page consultée le 27 janvier 2015).

a fait part de son intention d’augmenter le niveau de sa participation aux opérations de maintien de la paix32. Un contingent de 200 hommes et 4 hélicoptères de transport MI8 33 ont ainsi été envoyés au Tchad et en République Centrafricaine en 2008 au soutien de l’opération EUFOR Tchad / RCA, tandis que le Soudan a accueilli jusqu’à 120 soldats russes au sein de la MINUAD (opération hybride Union Africaine-Nations Unies au Darfour). 34 Toutefois, compte tenu de l’augmentation de la demande et de la complexification des opérations 35 d’une part, et des tensions croissantes au tournant des années 2010 entre la Russie et certains pays occidentaux d’autre part, les autorités russes semblent aujourd’hui donner la priorité à l’appropriation par les Africains de leur propre sécurité. 36 C’est notamment à ce titre qu’en 2012 Vladimir Poutine a chargé l’ambassadeur russe pour l’Union africaine d’abonder de 2 millions de dollars le fonds pour la Paix de cette organisation.37

                                                                                                               32 Pravda, « Rossiia Rassjiriaet Uchastie v Mirotvorcheskikh Operatsiakh OON », 17 avril 2008, [En ligne]. http://www.pravda.ru/news/politics/17-04-2008/264086-mir-0/ (Page consultée le 12 février 2015). 33 Youri GAVRILOV, « Polgoda Chada », Rossiiskaïa Gazeta, 3 septembre 2008 [En ligne]. http://www.rg.ru/2008/09/03/chad.html (Page consultée le 22 février 2015). 34 Ria Novosti, « Rossiiskie Voennye v Sudane Nagrazhdeny Medalyami OON », 12 mai 2010, [En ligne]. http://ria.ru/world/20100512/233480931.html (Page consultée le 19 février 2015). 35 Service de presse des Nations Unies, « Rossiia Gotovit Predstavitelej Stran Afriki k Uchastiju v Mirotvorcheskix Operaciax OON », 28 février 2007, [En ligne]. http://www.un.org/russian/news/story.asp?newsID=7123#.VBlYF0iIU7A (Page consultée le 17 février 2015). 36 Sergueï LAVROV, « Rossiia i Afrika k Jugu ot Sakhary : Otnoshenija, Proverennye Vremenem », publié dans la révue « Russian View », [En ligne]. Accessible sur le site du Ministère des Affaires étrangères russe, http://mid.ru/brp_4.nsf/newsline/2796B0A54210B41C44257CDF004BB5D5 (Page consultée le 22 février 2015). 37 Ria Novosti, « Rossia Vneset $2 MLN na Provedenie Mirotvorcheskix operacij v Afrike », 17 avril 2012, [En ligne]. http://ria.ru/politics/20120417/628275439.html#ixzz3DZ4FB0aR (Page consultée le 18 février 2015).

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I Le retour russe en Afrique subsaharienne : enjeux, vecteurs et perspectives

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3.3 L’aide au développement : des ambitions de façade ? En matière d’aide au développement, la Russie a pu endosser le plan de Gènes pour l’Afrique (2001) une fois sa santé financière peu ou prou recouvrée.38 Entre 2001 et 2004, elle a signé à ce titre 37 accords techniques et d’assistance économique avec des pays africains et 42 accords commerciaux, outre l’annulation de plus de 20 milliards de dollars de dette entre 2001 et 2007.39 Des accords « dette contre développement » ont aujourd’hui été conclus avec des pays de la région subsaharienne pour un montant total de 552 millions de dollars. 40 De plus, en accueillant en 2006 le 7ème Forum du Partenariat Africain, instance chargée de coordonner l’aide au développement destinée au continent, 41 la Russie a cherché à affirmer sa capacité d’entraînement en matière d’aide au développement africain. Il reste que cet engagement volontariste, sans doute motivé par le souhait d’intégrer les derniers formats de gouvernance économique desquels la Russie était absente (formation finance du G7 et OCDE) 42 , semble aujourd’hui marquer le pas. L’objectif des 0,7% du RNB (soit près de 10 milliards de dollars par an43) paraît notamment hors de portée. Dans ce contexte, Moscou pourrait désormais chercher à privatiser la coopération et l’aide au développement dans un cadre plus restreint, celui des BRICS, susceptible de constituer à l’avenir un vecteur important de la politique africaine russe compte tenu de l’intégration de l’Afrique du Sud en 2011. La présidence russe de ce forum, prise au 1er avril 2015, a ainsi appelé de ses vœux le développement des formats BRICS-Union Africaine, BRICS-NEPAD (New Partnership

                                                                                                               38 Pamela A. JORDAN, : « A Bridge Between the Global North and Africa? Putin’s Russia and G8 Development Commitments », African Studies Quarterly, Volume 11, Issue 4, p. 91. 39 Ibid., p. 87-88. 40 Sergueï LAVROV, op. cit. 41 Pamela A. JORDAN, op. cit. p. 88. 42 Pamela A. JORDAN, ibid. p. 93. 43 Claire PROVOST, « The Rebirth of Russian Foreign Aid », The Guardian, 25 mai 2011, [En ligne]. http://www.theguardian.com/global-development/2011/may/25/russia-foreign-aid-report-influence-image (Page consultée le 18 février 2015).

for Africa’s Development) et BRICS-Organisations régionales africaines.44

Le positionnement d’actionnaire responsable du système international revendiqué par Moscou n’a pas échappé à certains mouvements ou dirigeants africains en quête de reconnaissance. L’onction de Moscou est ainsi de nouveau recherchée. La crise malienne en fournit une illustration emblématique. La Russie a en effet successivement reçu l’actuel président malien Ibrahim Boubacar Keïta45, alors candidat, puis une délégation du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), suscitant au passage l’ire de Bamako.46 En retour de son soutien politique, Moscou entend obtenir des appuis à l’Assemblée générale des Nations unies : la Russie a ainsi pu compter sur l’abstention de 25 pays d’Afrique subsaharienne à l’occasion du vote de la résolution de l’Assemblée générale 68/262 du 27 mars 2014 condamnant le rattachement de la Crimée à la Russie (18 pays de la région ont voté pour et 2 contre, le Soudan et le Zimbabwe47). La diplomatie russe s’est par ailleurs félicitée, sans doute trop rapidement, des soutiens adressés à sa politique étrangère par l’ex-président du Ghana, Jerry Rawlings, et par le président Ougandais, Yoweri Museveni 48 : le Ghana s’est pourtant abstenu lors du vote auquel l’Ouganda n’a pas participé... et aucun pays africain n’a par ailleurs reconnu l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, sujets pourtant d’importance pour Vladimir Poutine. N’en déplaise donc à Moscou, les

                                                                                                               44 Sergueï LAVROV, op. cit. 45 Courrier international, « Mali. L’ambassadeur de Russie convoqué », 19 mars 2014, [En ligne]. http://www.courrierinternational.com/breve/2014/03/19/l-ambassadeur-de-russie-convoque (Page consultée le 18 février 2015). 46RFI, « A Moscou, le MLNA Tente de Faire Entendre sa Voix », 16 mars 2014, [En ligne]. http://www.rfi.fr/afrique/20140316-moscou-le-mnla-tente-faire-entendre-voix-bogdanov-ag-acherif-russie-mali-poutine-keita/ (Page consultée le 18 février 2015). 47 United Nations Bibliographic Information System, [En ligne]. http://unbisnet.un.org:8080/ipac20/ipac.jsp?profile=voting&index=.VM&term=ares68262 (Page consultée le 18 février 2015). 48 Ria Novosti, « Marguelov : Lidery Afrikanskix Stran Podderzhivajut Poziciju RF po Krymu », 20 mars 2014, [En ligne]. http://ria.ru/world/20140320/1000310862.html#ixzz3DUbZUDZS (Page consultée le 18 février 2015).

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efforts russes de réengagement avec la plupart des pays africains ne lui permettent aujourd’hui que de compter, au mieux, sur leur indifférence polie quant à sa politique étrangère.

4. Un partenariat économique géographiquement et sectoriellement limité Le partenariat commercial entre la Russie et l’Afrique a connu un réel décollage à compter des années 2000 : il croît depuis lors à une vitesse de près de 30% par an.49 Pour autant, cette vigueur ne fait que révéler le retard accumulé par rapport aux concurrents de la Russie. Le volume actuel des échanges réalisés entre la Russie et l’Afrique demeure inférieur à 10 milliards de dollars, soit dix fois moins que le volume du commerce sino-africain 50 tandis que l’Afrique sub-saharienne représente moins de 2% du commerce extérieur russe.51 Ainsi, d’après les données publiées par le service statistique des douanes52, la Russie exporte autant en Roumanie que dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne et importe autant de la région que de la seule Norvège. La présence russe en Afrique subsaharienne reste par ailleurs strictement cantonnée à certains marchés (énergie, matières premières minérales, agriculture et armement) et à certains pays. Le Nigéria et l’Afrique du Sud, représentent par exemple à eux seuls 35% des importations russes de la zone et la seule Afrique du Sud 49% des exportations qui y sont dirigées.

                                                                                                               49 Leonid FITUNI et Irina ABRAMOVA, op. cit. p.133-134. 50 Pamela A. JORDAN, op. cit., p. 87. 51 African Development Bank, op. cit., p.3. 52 Statistiques du service des douanes russes, [En ligne]. http://stat.customs.ru/apex/f?p=201:1:265815576000117 (Page consultée le 12 février 2015).

Graphique 1: Part des exportations russes (en valeur) vers l'Afrique subsaharienne selon les pays (2013)

Source: Base de données du service statistique des douanes russes.

 Graphique 2: Part des importations russes (en valeur) en provenance d'Afrique subsaharienne selon les pays (2013)

   

4.1 La diplomatie économique à la russe

Pour étendre la stratégie de déploiement russe en Afrique subsaharienne, les responsables politiques jouent désormais le rôle de catalyseurs des initiatives privées, mettant en œuvre une « diplomatie économique » à la russe : les deux grands déplacements de Vladimir Poutine (Afrique du Sud et Maroc en septembre 2006) puis de Dmitri Medvedev (Egypte,

Source: Base de données du service statistique des douanes russes.

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Angola, Nigéria et Namibie en juin 2009) ont ainsi associé d’importantes délégations d’hommes d’affaires.53 Mais le soutien public aux entreprises russes se joue également au niveau technique. En 2009 un Comité de coordination pour la coopération économique avec les pays africains (AFROCOM) a ainsi vu le jour. Réunissant sous l’égide du directeur de la banque publique pour le commerce extérieur (Vnesheconombank) les représentants des ministères et des agences publiques concernés, cette plateforme a vocation à dispenser conseils et appui aux entreprises russes désireuses d’étendre leurs activités en Afrique.54 Deux ans après la création de ce forum, la Vnesheconombank a en outre créé une « agence d’assurance des exportations de capitaux et des investissements » censée faciliter l’activité des entreprises russes, notamment en Afrique55, en les assurant contre les risques politiques. Ce soutien public semble toutefois manquer de suivi en bout de chaîne : les commissions bilatérales prévues par les accords commerciaux signés par la Russie avec ses partenaires Africains, supposées accompagner sur place l’intensification des échanges, peinent en effet à afficher des résultats concrets (à l’image du Conseil économique Russie – Afrique du Sud établi en septembre 2006).56

4.2 Les matières premières : priorité économique en Afrique subsaharienne

En dépit de l’émergence de marchés intérieurs dynamiques en Afrique , la

                                                                                                               53 Pavel BOUMISTROV, « Vtoraïa Kolonizatsia Afriki », 2 juillet 2009, [En ligne]. http://expert.ru/russian_reporter/2009/25/vizit/ (Page consultée le 15 février 2015). 54 Alexandra ARKHANGELSKAYA et Vladimir SHUBIN, op. cit., p. 18. 55 Voir la présentation qui lui est consacrée sur le site du Ministère du développement économique de la Fédération de Russie, [En ligne]. http://www.ved.gov.ru/eng/bank/export_insurance_agency_of_russia/ (Page consultée le 14 février 2015). 56 Alexandra ARKHANGELSKAYA et Vladimir SHUBIN, « Russia–South Africa Relations: Beyond Revival », South African Institute of International Affairs, Policy briefing n°75, octobre 2013, P.3.

structure des échanges commerciaux entre la Russie et les pays d’Afrique subsaharienne reste peu diversifiée et dominée par les matières premières énergétiques et minérales et le complexe militaro-industriel. Dans le contexte de l’augmentation du renchérissement des coûts de la production et des offres énergétiques non conventionnelles, les grands groupes énergétiques russes cherchent tout d’abord à préempter la ressource africaine afin de maintenir leur position dominante sur le marché mondial et européen. Cette obsession pour la ressource, qui découle de l’importance de la rente énergétique dans le modèle de développement de la Russie postsoviétique, a conduit les grandes entreprises du secteur à multiplier les investissements dans les hydrocarbures africains, particulièrement dans le golfe de Guinée et en Afrique Australe.

Depuis le milieu des années 2000, Lukoil (via sa filiale Lukoil Overseas) a ainsi significativement accru sa présence en Afrique subsaharienne, et ce avec d’autant plus de célérité qu’ont été découvertes des réserves d’hydrocarbures sur le plateau continental Ghanéen en février 2010.57 Depuis 2007, le groupe détient ainsi des participations majoritaires sur le permis « Cape Three Points Deep Water » au Ghana et sur trois blocs situés dans les eaux ivoiriennes 58 . En 2011, le groupe russe a en outre acquis 49% du projet « Savanah » au Sierra Leone59 où il a mené ses premiers forages en mai 2013.60 Si le caractère non concluant de ses explorations a conduit le groupe à abandonner des créances pour un montant de 277 millions de dollars au titre de son activité en Afrique de l’Ouest en

                                                                                                               57 Vladimir IGOREV, « Lukoil’s African Prospects », Oil of Russia – Lukoil International Magazine, n°3, 2010, [En ligne]. http://www.oilru.com/or/44/913/ (Page consultée le 15 février 2015). 58 Julia MIKHALEVA, « Afrika ne Otpuskaet Lukoïl », Kommersant, 24 novembre 2014, [En ligne]. http://www.kommersant.ru/doc/2617781 (Page consultée le 15 février 2015). 59 Fiche de présentation éditée par l’entreprise Lukoil, [En ligne]. http://www.lukoil.com/materials/doc/factbook/2012/part03eng.pdf (Page consultée le 15 février 2015). 60 Communiqué de presse de la présidence du Sierra Leone, 21 octobre 2013, [En ligne]. http://www.statehouse.gov.sl/index.php/useful-links/750-press-release- (Page consultée le 15 février 2015).

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201361, Lukoil n’a pas pour autant renoncé à sa politique d’implantation dans le Golfe de Guinée annonçant en juin 2014 avoir pris des participations de 37,5% d’un premier projet au large du Cameroun 62 puis de 45% d’un second sur le plateau nigérian au mois de novembre suivant63. Le groupe entend par ailleurs prendre une part active à la valorisation des champs angolais et ghanéens64 : Accra souhaite notamment multiplier par cinq sa production pétrolière à horizon dix ans, moyennant une enveloppe de 20 milliards de dollars.65

De son côté, Gazprom a signé en juin 2009 un accord de 2,5 milliards de dollars avec la compagnie nigériane NNPC (Nigeria's National Petroleum Company) portant sur la création d’une coentreprise (dont l’appellation « Nigaz » a suscité de vives critiques eu égard aux connotations racistes qu’elle évoque en anglais 66 ) destinée à la construction de raffineries et de gazoducs ainsi que de centrales au gaz. Avec la Guinée équatoriale, où Gazpromneft a obtenu 80% d’un projet d’exploration offshore en juin 2010 67 , et l’Angola, où la filiale pétrole de Gazprom est présente via l’entreprise serbe Nis, le Nigéria est ainsi le principal partenaire subsaharien du groupe russe. L’Afrique australe commence par ailleurs à

                                                                                                               61 Julia MIKHALEVA, op. cit. 62 Stephen BIERMAN, « Lukoil to Buy Into Cameroon Offshore Permit in $250 Million Deal », Bloomberg, Business, 24 juin 2014, [En ligne]. http://www.bloomberg.com/news/articles/2014-06-24/lukoil-to-buy-into-cameroon-offshore-permit-in-250-million-deal (Page consultée le 18 février 2015). 63 Julia MIKHALEVA, op. cit. 64 Mikhaïl SEROV et Galina STARINSKAÏA, « Angola Zovet Rossiju », Vedemosti, 29 octobre 2013, [En ligne]. http://www.vedomosti.ru/companies/news/18071621/angola-zovet-rossiyu (Page consultée le 18 février 2015). 65 Ekow DONTOH, « Lukoil Said to Discover Oil in Ghana’s Cape Three Points Block », Bloomberg Business, 2 septembre 2014 [En ligne]. http://www.bloomberg.com/news/articles/2014-09-02/lukoil-said-to-discover-oil-in-ghana-s-cape-three-points-block (Page consultée le 18 février 2015). 66 « Branding blunder gives Russia-Nigeria energy linkup a bad name », The Guardian, 30 juin 2009, [En ligne]. http://www.theguardian.com/world/2009/jun/30/russia-nigeria-gas-name-blunder (Page consultée le 17 février 2015). 67 Communiqué de presse de l’entreprise Gazprom Neft, 25 juin 2010, [En ligne]. http://www.gazprom-neft.ru/press-center/news/739/ (Page consultée le 18 février 2015).

intéresser d’autres grands pétroliers. Après plusieurs grandes découvertes au Mozambique en 2010 et 2011 68 , Rosneft (dont le président du Conseil d’administration, Igor Setchine, a été interprète en Angola et au Mozambique) et l’Empresa Nacional de Hidrocarbonetos (ENH) du Mozambique ont ainsi signé en juin 2014 un mémorandum d’entente sur la prospection et l’exploitation de gisements d’hydrocarbures ; en 2012, le groupe russe avait déjà fait état de son souhait de participer à la construction du tube destiné à acheminer le pétrole raffiné du port de Beira au Mozambique jusqu’à Harare au Zimbabwe.69

Comme l’illustre l’appel d’offres remporté en février 2015 par un consortium emmené par la holding Rostec et censé construire la première raffinerie d’Ouganda d’une capacité de 60 000 barils par jour70, les entreprises russes accordent par ailleurs un intérêt particulier aux marchés des infrastructures énergétiques. La Russie est également présente sur le marché hydroélectrique (les barrages angolais de Capanda et de Chicapa ont été construits grâce à des maîtrises d’œuvre de Technopromexport et d’Alrosa) et commence son implantation au plan nucléaire. Un accord a en effet été trouvé en 2013 avec l’Afrique du Sud, portant sur la livraison par Rosatom de réacteurs à horizon 2023. 71 Concernant les énergies renouvelables, enfin, Avelar, contrôlée par Renova, a annoncé en mai 2013 sa participation à des projets sud-africains

                                                                                                               68 « Russie-Afrique : Moscou élargit la coopération avec le Mozambique », Sputnik, 25 juillet 2014, [En ligne]. http://fr.ria.ru/world/20140725/201941785.html (Page consultée le 20 février 2015). 69 « Russia’s Rosneft to build refined products pipeline from Mozambique to Zimbabwe », Tass, 11 octobre 2012, [En ligne]. http://tass.ru/en/archive/683432 (Page consultée le 20 février 2015). 70 Ismail ZITOUNY, « Russia to build first oil refinery in Uganda », Reuters, 17 février 2015, [En ligne]. Accessible à l’adresse : http://rt.com/business/233159-russia-uganda-oil-tender/ (Page consultée le 20 février 2015). 71 Paul BURKHARDT, « South Africa Signs Agreement With Russia for Nuclear Power », Bloomberg Business, 22 septembre 2014, [En ligne]. http://www.bloomberg.com/news/articles/2014-09-22/russia-south-africa-sign-agreement-for-nuclear-power-plants (Page consultée le 22 février 2015).

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dans le domaine de l’énergie solaire pour un montant de 400 millions de dollars.72

La relation commerciale russo-africaine est également marquée par l’exploitation des matières premières minérales, secteur dans lequel opère une trentaine d’entreprises russes 73 . Plusieurs investissements récents sont à ce titre emblématiques. En 2007, le géant de l’aluminium Rusal a ainsi acquis 77,5% du sidérurgiste nigérian Alscon.74 Cet achat a permis au groupe de disposer d’un cycle complet de production en Afrique de l’Ouest compte tenu de sa présence en Guinée depuis 2002 75 d’abord à Fria, « monoville » adossée à une raffinerie d'aluminium construite par Péchiney en 1960, puis sur le site de Dian-Dian, considéré comme le plus grand gisement au monde de bauxite. 76 Alors que la réputation de Rusal s’est fortement dégradée en avril 2012 à la suite de la suspension de son activité à Fria, décision qui a fortement contribué au dépérissement de la ville 77 , le groupe multiplie aujourd’hui les gestes de « responsabilité sociale » à l’image de la construction début 2015 d’un hôpital destiné aux malades d’Ebola. 78 Pour sa part, Norilsk extrait depuis 2007 du nickel, du cuivre, du platine et du palladium au

                                                                                                               72 « Russia's Renova Invests $400 mn in African Solar Energy», Russia Today, 30 mai 2013, [En ligne]. http://rt.com/business/avelar-renova-solar-africa-994/ (Page consultée le 22 février 2015). 73 Aleksei VASILYEV et Evgeny KORENDYASOV, op. cit. 74Matthew GREEN, « Rusal Eyes Africa Move », Financial Times, 29 avril 2008, [En ligne]. http://www.ft.com/cms/s/0/681a118e-1607-11dd-880a-0000779fd2ac.html#axzz3SyfOVK9X (Page consultée le 22 février 2015). 75 Pour mémoire, le pays concentre le tiers des réserves mondiales de bauxite, matière première de l’aluminium. 76 Joël TE-LESSIA et Joan TILOUINE, « Guinée : Rusal démarre le projet de bauxite de Dian-Dian », Jeune Afrique, 11 juillet 2014, [En ligne]. http://economie.jeuneafrique.com/regions/afrique-subsaharienne/22579-guinee-rusal-demarre-le-projet-de-bauxite-de-dian-dian.html (Page consultée le 22 février 2015). 77 Joan TILOUINE, « Guinée : le cauchemar de Fria », Jeune Afrique, 24 février 2014, [En Ligne]. http://economie.jeuneafrique.com/regions/afrique-subsaharienne/21422-guinee-le-cauchemar-de-fria.html (Page consultée le 22 février 2015). 78 Ria Novosti, « Rusal Otkryl v Gvinee Gospital dlia Lechenia Bolnyx Likhoradkoj Ebola », 17 janvier 2015, [En ligne]. http://ria.ru/world/20150117/1043005297.html (Page consultée le 22 février 2015).

Botswana (mines de Phoenix et de Selkirk) où le groupe opère via la coentreprise Tati Nickel qu’il détient à 85%, et en Afrique du Sud où il contrôle 50% de la coentreprise en charge de l’exploitation de la mine de Nkomati. 79 En matière d’extraction diamantifère, le groupe Alrosa a quant à lui étendu sa présence en Afrique australe où il détient 32,8% de Catoca Ltd. Mining Co., coentreprise qui opère en Angola, où elle a notamment signé des accords de coopération avec le Botswana et le Zimbabwe en 2012 et 2013.80 Présente en Afrique du Sud, la holding Renova possède, quant à elle, la fonderie de manganèse de Transalloys à Mpumalanga ainsi que 49% de l’entreprise United Manganese of Kalahari (UMK), présente dans la province du Cap-du-Nord qui pourrait concentrer 80% des réserves mondiales de manganèse exploitable commercialement.81

Subsidiairement, il importe enfin de noter l’intérêt russe pour certaines productions agricoles, dont le Cacao de Côte d’Ivoire (où les « confiseurs réunis » russes ont acquis une plantation en 2011 82 ), la ressource halieutique mozambicaine 83 et sénégalaise 84 ou encore la production fruitière d’Afrique de l’Est, particulièrement dans le contexte de recherche de substitutions aux importations européennes, frappées d’embargo.

                                                                                                               79 Voir la présentation de l’entreprise Norilsk, [En ligne]. http://www.nornik.ru/en/about-norilsk-nickel/operations/norilsk-nickel-africa1 (Page consultée le 23 février 2015). 80 Voir la présentation de l’entreprise Alrosa, [En ligne]. http://eng.alrosa.ru/operations/african-projects/ (Page consultée le 23 81 Peter J. PHAM, op. cit. 82 Alexeï KUZYMENKO, « Obedinennye Konditery Kupili Plantatsii Kakao-bobov v Afrike », 9 mars 2011, [En ligne]. http://www.rbcdaily.ru/market/562949979822903 (Page consultée le 22 février 2015). 83 Ria Novosti, « Russie-Afrique : Moscou élargit la coopération avec le Mozambique », Sputnik, 25 juillet 2014, [En Ligne]. http://fr.ria.ru/world/20140725/201941785.html (Page consultée le 22 février 2015). 84L’arraisonnement en janvier 2014 par l’armée sénégalaise du chalutier « Oleg Naidenov », suspecté de pêche illégale, puis la rétention de son équipage illustrent toutefois les difficultés de la Russie à susciter la confiance en la matière.

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I Le retour russe en Afrique subsaharienne : enjeux, vecteurs et perspectives

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4.3 Le renouvellement du débouché africain pour le complexe militaro-industriel russe

Après une décrue liée à la restructuration de son appareil productif, le complexe militaro-industriel russe a rétabli sa part de marché en Afrique subsaharienne à un niveau avoisinant les 11%, selon les données du Stockholm International Peace Research Institute. 85 Le conglomérat russe Rosoboronexport a en particulier hérité de la coopération que l’Union soviétique entretenait avec plusieurs pays de la région en la matière, tout en se positionnant sur de nouveaux marchés. Depuis un accord de 1995, la coopération militaire avec l’Afrique du Sud est par exemple particulièrement profitable. Ayant récemment acquis des hélicoptères de combat MI-24 et de transport MI-28 86 ainsi que des chasseurs MIG 2987 pour faire face à l’instabilité de ses marges, le Soudan fait également figure de client régulier. De la même manière, le Mali demeure fidèle à l’expertise russe, ayant sollicité en 2012 puis 2013 la livraison d’hélicoptères MI-25 et MI-17, d’avions cargo et de combat, de véhicules blindés BTR-80, de systèmes radar de défense antiaérienne, d’armes légères et de munitions.88 L’Angola a par ailleurs fait part de son intention de renouveler sa flotte de Soukhoï SU-27 au profit de SU-3089, tandis que l’Ouganda a                                                                                                                85 Kester KENN KLOMEGAH, « Russia eyes Africa to boost arms sales », The Guardian, 4 avril 2013, [En ligne]. http://www.theguardian.com/world/2013/apr/04/arms-trade-africa (Page consultée le 26 février 2015). 86 The New York Times « China and Russia accused of breaking UN arms embargo in Sudan », 9 mai 2007, [En ligne]. http://www.nytimes.com/2007/05/09/world/africa/09iht-darfur.1.5635583.html?_r=0 (Page consultée le 21 janvier 2015). 87 Kommersant, « Sudan zakupil u Rossii 12 istrebitelej MIG-29 », 14 novembre 2008, [En ligne]. http://www.kommersant.ru/doc/1062516 (Page consultée le 20 janvier 2015). 88 « Le Mali demande des avions de combat à la Russie », Libération, 2 avril 2013, [En ligne]. http://www.liberation.fr/monde/2013/04/02/le-mali-demande-des-avions-de-combat-a-la-russie_893002 (Page consultée le 24 janvier 2015). 89 Olivier FOURT, « L’Angola veut de nouveaux avions de combat Sukhoi », RFI, 16 octobre 2013, [En ligne]. http://www.rfi.fr/afrique/20131016-angola-veut-nouveaux-avions-combat-sukhoi-russie-armement-

récemment acquis 6 chasseurs de ce dernier modèle.90 La présence russe sur le marché satellitaire africain est enfin croissante, ainsi qu’en attestent le lancement d’un satellite sud-africain par une fusée russe en septembre 2009 depuis le cosmodrome de Baïkonour 91 et, plus significativement, un accord de la même année entre le gouvernement angolais, Rosoboronexport et RSC Energia sur la conception et le lancement du satellite de télécommunication ANGOSAT.92

 Graphique 3: Origine des importations russes (en valeur) au niveau mondial (2013)

 

 

 

               

                                                                                                                                                                 defense-marche-militaire/ (Page consultée le 22 janvier 2015). 90 « Russia to Sell Fighter Jets to Algeria, Uganda, Vedomosti Says », Bloomberg Business, 5 avril 2010, [En ligne]. http://www.bloomberg.com/news/articles/2010-04-05/russia-agrees-to-sell-warplanes-to-algeria-uganda-vedomosti-reports (Page consultée le 19 janvier 2015). 91 Pamela A. JORDAN, op. cit., p. 89. 92 Ana Cristina ALVES, Alexandra ARKHANGELSKAYA et Vladimir SHUBIN, « Russia and Angola: The Rebirth of a Strategic Partnership? », South African Institute of International Affairs, occasional paper n° 154, octobre 2013, p. 14.

Source: Chiffres établis sur la base des données du service statistique des douanes russes.

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Graphique 4: Origine des importations russes (en valeur) au niveau mondial (2013)

           

   

 5. Conclusion et recommandations      Cherchant à mettre à profit le capital de sympathie dont bénéficiait l’Union soviétique auprès des pays issus de la décolonisation, Moscou voit désormais son implication en Afrique subsaharienne comme un moyen de regagner son statut de puissance mondiale tout en se positionnant sur des marchés qui revêtent un intérêt stratégique pour son propre modèle de développement. Le réinvestissement russe en Afrique subsaharienne se réalise donc à deux niveaux : intéressée, même de manière lointaine, à la gestion des grands dossiers ayant trait à la paix et au développement, la Russie opère au plan économique un engagement très sélectif sur quelques marchés avec certains pays du Golfe de Guinée et d’Afrique Australe, au premier rang desquels figurent le Nigéria et l’Afrique du Sud dont la Russie soutient d’ailleurs les candidatures au statut de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies.93

En dépit d’un certain activisme récent, la Russie reste malgré tout un partenaire secondaire pour l’Afrique subsaharienne. Les sociétés civiles se connaissent mal, l’investissement politique demeure lointain et le potentiel des échanges économiques est bridé par les caractéristiques des économies russe (prédominance des

                                                                                                               93 Leonid FITUNI et Irina ABRAMOVA, op. cit. p.189.

secteurs énergétiques et du complexe militaro-industriel à l’export) et africaines, comme par le manque de connaissance réciproque.

La Russie et l’Afrique subsaharienne gagneraient donc à développer les liens entre leurs populations civiles et à battre en brèche les stéréotypes et les préjugés qui restent vivaces. Le cadre des BRICS pourrait par ailleurs constituer une porte d’entrée intéressante pour le développement des échanges économiques et politiques, particulièrement depuis que l’Afrique du Sud est membre de ce format. Tout porte à croire, cependant, que les difficultés économiques que traverse aujourd’hui la Russie ne vont pas porter à l’intensification de la relation russo-africaine. Il reste que la Russie devra veiller à préserver son image de partenaire commercial bienveillant : la presse de certains pays africains relaie régulièrement des frustrations à l’encontre de certaines pratiques abusives d’opérateurs russes, lesquels portent un préjudice certain à l’image du pays (le cas d’un navire russe accusé de pêche illégale au large du Sénégal a par exemple marqué les esprits).

                                 

Source: Chiffres établis sur la base des données du service statistique des douanes russes.

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Jean-Robert JOUANNY Diplômé en affaires internationales de Sciences-Po Paris et de l’Institut d’Etat de Relations Internationales de Moscou (MGIMO).Admis à l’Ecole Nationale d’Administration en 2010, il enseigne aujourd’hui les questions internationales et la civilisation d’Europe orientale et d’Asie Centrale à Sciences-Po Paris, en parallèle de sa carrière dans la fonction publique.

Retrouvez l'ensemble de nos publications à l'adresse : www.terangaweb.com

L’Afrique des Idées est un think-tank indépendant. Sa vocation est de mener des analyses et d’élaborer des propositions novatrices sur des sujets économiques, politiques et culturels liés à l’Afrique. Fondée en 2011 sur une approche basée sur l’afro-responsabilité, L’Afrique des Idées a pour ambition de s’imposer parmi les cercles de réflexion leaders en Afrique et en particulier dans l’espace francophone. Un concept moteur : L’Afro-responsabilité Afin de favoriser une meilleure compréhension des problématiques africaines, une réappropriation par les jeunes africains du discours sur l’Afrique et un engagement socio-économique porteur de croissance inclusive et durable, L’Afrique des Idées promeut le concept fort et innovant d’afro-Responsabilité. Ni «afro-optimisme», ni «afro-pessimisme», l'«afro-responsabilité» répond à une logique différente: mieux comprendre les défis auxquels fait face le continent africain afin d'œuvrer à ce qu'il puisse les relever. L’afro-responsabilité est sous-tendue par une conviction forte : dans un environnement complexe et en pleine mutation, le continent africain a besoin d’espaces d’échanges d’idées avec des jeunes de divers horizons, capables d’exprimer des avis équilibrés et des recommandations concrètes, puis de les partager avec le plus grand nombre.

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Olivia GANDZION

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