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NOTES POUR UNE HISTOIRE DE LA TRADUCTION PHARMACEUTIQUE HENRY VAN HOOF Commission FIT pour l'Histoire de la traduction II n'existe aucune certitude sur les origines de la pharmacie. Certes, on peut imaginer que les hommes ont, depuis les temps les plus anciens, cherché des remèdes à leurs souffrances, souvent aidés en cela par l'observation des animaux. Vir- gile ne rappelle-t-il pas que ce sont les cerfs et les chèvres sauvages qui leur ont appris l'emploi de l'origan et des vulnéraires? Ces remèdes empiri- ques passèrent très vite aux mains de guérisseurs, dont l'emprise était d'autant plus grande qu'ils prétendaient tirer leurs recettes d'une source sur- naturelle. De ce fait, l'art de guérir fut bientôt as- socié aux divinités, a l'incantation magique, à la prière. Ce caractère théurgique se trouve confir- mé dans certains livres de l'Ancien Testament, notamment dans le Uvitique (14, 52-57), que l'exégèse place entre le X e et le VI e s. avant notre ère mais dont la substance remonterait a l'époque de Moïse (XIII e s. av. J.-C). On peut y lire: "Le sacrificateur prendra... deux oiseaux, du bois de cèdre, du cramoisi et de l'hysope. Il égorgera l'un des oiseaux sur un vase de terre, sur de l'eau vive. Il prendra le bois de cèdre, l'hysope, le cramoisi et l'oiseau vivant; il les trempera dans le sang de l'oiseau égorgé et dans l'eau vive, et il en fera sept fois l'aspersion sur la maison... Telle est la loi pour toute plaie de lèpre et pour la teigne... pour les tumeurs, les dartres et les taches". Et le Uvre des Rois (II, 20, 7), daté du VI e s. av. J.-C, relate que: "En ce temps-là, Ezéchias fut malade à la mort... Le prophète Isaïe dit: Prenez une masse de figues. On la prit et on l'appliqua sur l'ulcère. Et Ezéchias guérit". 1. LES TEMPS PRÉGALÉNIQUES Les versets bibliques ne sont pas les allusions les plus anciennes à l'art de guérir, bien qu'il soit difficile de décider à quel document attribuer la palme de l'ancienneté. On a cru longtemps qu'elle revenait au Pen-ts'ao (Traité de matière médicale) de l'empereur Chen Nong, qui l'aurait composé au XXXVI e s. avant notre ère. Mais Chen Nong est un empereur mythique et l'ouvrage, qui con- tient trois cent soixante-cinq drogues minérales, végétales ou animales, aurait en réalité été rédigé sous les Han (ca. I er s. av. J.-C.) par un auteur in- connu se cachant sous un pseudonyme légendaire et exploitant des sources antérieures ne remon- tant pas au delà du IV 1 ' s. av. J.-C. Par la suite, chaque grande époque se dota de son compen- dium de métière médicale: Chang Ching-ching (II e s.), Tangpen-ts'ao (VII e s.), Pen-ts'ao che-ji (VIII e s.), Kai-pao pen-ts'ao (X e s.), Chao-Hing pen-ts'ao (Xlle s.), etc. La plus vieille pharmacopée serait l'une des nombreuses tablettes cunéiformes découvertes à Nippour (Mésopotamie) au début siècle; gravée à la fin du III e millénaire avant notre ère, elle men- tionne une demi-douzaine de remèdes, la plupart tirés du règne végétal mais certains contenant des substances animales ou minérales. D'autres ta- blettes nous apprennent que, chez les peuples de la Mésopotamie ancienne, l'exercice de la théra- peutique était surtout de nature sacerdotale. En Egypte aussi, lorsqu'on étudie la période entre 1600 et 1200 av. J.-C, on constate que la science pharmaceutique étais étroitement liée à l'histoire du sacerdoce. Le culte d'Isis, particuliè- rement, était célèbre pour les traitements que la déesse révélait la nuit aux malades transportés dans ses temples. La préparation des remèdes s'effectuait à l'intérieur même des temples par des spécialistes préposés à cette tâche, les prêtres pastophores. Dans le papyrus découvert en 1873 pour l'égyptologue allemand Georg Ebers, do- cument classique de la pharmacologie égyptienne du début de la XVIII e dynastie (1580-1320 av. J.- C), se trouvent réunis plus de sept cents substan- ces médicinales —plantes, minéraux, sécrétions îeronymus Qomplutensis 27

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Page 1: Notes pour une histoire de la traduction pharmaceutique · Après la conquête de l'Egypte par les Grecs, la ville d'Alexandrie fondée par Alexandre le Grand devint rapidement le

NOTES POUR UNE HISTOIREDE LA TRADUCTION PHARMACEUTIQUE

HENRY VAN HOOFCommission FIT pour l'Histoire de la traduction

II n'existe aucune certitude sur les origines dela pharmacie. Certes, on peut imaginer que leshommes ont, depuis les temps les plus anciens,cherché des remèdes à leurs souffrances, souventaidés en cela par l'observation des animaux. Vir-gile ne rappelle-t-il pas que ce sont les cerfs et leschèvres sauvages qui leur ont appris l'emploi del'origan et des vulnéraires? Ces remèdes empiri-ques passèrent très vite aux mains de guérisseurs,dont l'emprise était d'autant plus grande qu'ilsprétendaient tirer leurs recettes d'une source sur-naturelle. De ce fait, l'art de guérir fut bientôt as-socié aux divinités, a l'incantation magique, à laprière. Ce caractère théurgique se trouve confir-mé dans certains livres de l'Ancien Testament,notamment dans le Uvitique (14, 52-57), quel'exégèse place entre le Xe et le VIe s. avant notreère mais dont la substance remonterait a l'époquede Moïse (XIIIe s. av. J.-C). On peut y lire: "Lesacrificateur prendra... deux oiseaux, du bois decèdre, du cramoisi et de l'hysope. Il égorgera l'undes oiseaux sur un vase de terre, sur de l'eau vive.Il prendra le bois de cèdre, l'hysope, le cramoisi etl'oiseau vivant; il les trempera dans le sang del'oiseau égorgé et dans l'eau vive, et il en fera septfois l'aspersion sur la maison... Telle est la loipour toute plaie de lèpre et pour la teigne... pourles tumeurs, les dartres et les taches". Et le Uvredes Rois (II, 20, 7), daté du VIe s. av. J.-C, relateque: "En ce temps-là, Ezéchias fut malade à lamort... Le prophète Isaïe dit: Prenez une massede figues. On la prit et on l'appliqua sur l'ulcère.Et Ezéchias guérit".

1. LES TEMPS PRÉGALÉNIQUES

Les versets bibliques ne sont pas les allusionsles plus anciennes à l'art de guérir, bien qu'il soitdifficile de décider à quel document attribuer lapalme de l'ancienneté. On a cru longtemps qu'elle

revenait au Pen-ts'ao (Traité de matière médicale)de l'empereur Chen Nong, qui l'aurait composéau XXXVIe s. avant notre ère. Mais Chen Nongest un empereur mythique et l'ouvrage, qui con-tient trois cent soixante-cinq drogues minérales,végétales ou animales, aurait en réalité été rédigésous les Han (ca. Ier s. av. J.-C.) par un auteur in-connu se cachant sous un pseudonyme légendaireet exploitant des sources antérieures ne remon-tant pas au delà du IV1' s. av. J.-C. Par la suite,chaque grande époque se dota de son compen-dium de métière médicale: Chang Ching-ching (IIe

s.), Tangpen-ts'ao (VIIe s.), Pen-ts'ao che-ji (VIIIe s.),Kai-pao pen-ts'ao (Xe s.), Chao-Hing pen-ts'ao (Xlles.), etc.

La plus vieille pharmacopée serait l'une desnombreuses tablettes cunéiformes découvertes àNippour (Mésopotamie) au début siècle; gravée àla fin du IIIe millénaire avant notre ère, elle men-tionne une demi-douzaine de remèdes, la pluparttirés du règne végétal mais certains contenant dessubstances animales ou minérales. D'autres ta-blettes nous apprennent que, chez les peuples dela Mésopotamie ancienne, l'exercice de la théra-peutique était surtout de nature sacerdotale.

En Egypte aussi, lorsqu'on étudie la périodeentre 1600 et 1200 av. J.-C, on constate que lascience pharmaceutique étais étroitement liée àl'histoire du sacerdoce. Le culte d'Isis, particuliè-rement, était célèbre pour les traitements que ladéesse révélait la nuit aux malades transportésdans ses temples. La préparation des remèdess'effectuait à l'intérieur même des temples par desspécialistes préposés à cette tâche, les prêtrespastophores. Dans le papyrus découvert en 1873pour l'égyptologue allemand Georg Ebers, do-cument classique de la pharmacologie égyptiennedu début de la XVIIIe dynastie (1580-1320 av. J.-C), se trouvent réunis plus de sept cents substan-ces médicinales —plantes, minéraux, sécrétions

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animales— et plus de huit cents recettes pour desaffections allant de la morsure de crocodile jus-qu'aux douleurs dans les ongles des orteils. Lepapyrus Hearst, découvert en 1899 et datant durègne de Thoutmosis III (1504-1450 av. J.-C),ainsi que le papyrus de Londres datant du règnede Toutankhamon (1352-1320 av. J.-C), sontdeux autres recueils de remèdes et de recettes quitrahissent la connaissance de formes pharmaceu-tiques déjà nombreuses et compliquées.

Parmi ces documents, mis au jour et traduitsseulement aux XIXe et XXe siècles, y en a-t-ilauxquels d'autres civilisations anciennes auraienteu accès? Y en a-t-il qui auraient pu faire l'objetde traductions en sumérien, en sanskrit? Si rienne permet de l'affirmer, on sait pourtant que lesthérapeutes de Mésopotamie avaient des contactsavec d'autres cultures. Vers 1300, par exemple leBabylonien Raba-sha- Mardouk donnait des con-sultations à la cour du roi hittite au milieu de mé-decins égyptiens. A l'inverse, l'Egypte, qui dès laIV- dynastie (2575-2465 av. J.-C.) et jusqu'à la VIe

(2325-2155 av. J.-C.) entretint des rapports suivisavec la Babylonie, aurait-elle pu connaître et tra-duire des pharmacopées de la langue akkadienne?Rien n'est moins sûr, même si Hérodote, quipour tant chantait l'Egypte comme la patrie del'art de guérir, assurait dans le même temps queles Assyriens, les Chaldéens et les Indiens furentles premiers à composer des remèdes.

En Inde, l'art pharmaceutique était aux mainsdes brahmanes, caste sacerdotale dépositaire de latradition védique. C'est VAtharva-véda (ca. 1500 av.J.-C), la quatrième et dernière des Védas, quitraite de la matière médicale. Elle contient deschapitres sur les toniques (Hasayanà), les aphrodi-siaques (Vajikarana tantrà) et la toxicologie {Agadatantrà). Moins anciens, les ouvrages les plus célè-bres de la médecine brahmanique sont attribués àdes auteurs de notre ère: Caraka (II- s.) et Susruta(IV- s.). La Sambitâ (Collection) de Caraka com-prend une première partie (Sutrasthanà) consacréeà la pharmacologie et répertorie plus de cinqcents remèdes; selon Ibn an-Nadim (X- s.), mé-decin de Bagdad, elle aurait été traduite d'aborden persan et, plus tard, en arabe par un certainAbd Allah ibn Ali. La Samhitâ de Susruta, quimentionne plus de sept cent-cinquante remèdes,

aurait été traduite en pehlvi sous les Sassanides(226-651) et en arabe au VIIIe s., par le mêmeauteur d'une version du Uvre des poisons de Câna-kya (ou Sânâq), médecin et ministre du roi indienCandragupta (315-291 av. J -G). Que l'art phar-maceutique indien ait franchi les frontières del'Inde on n'en peut douter. Une première preuveen est fournie par le Uvre des racines, le plus anciendes textes médicaux tibétains, traduit du sanskritau VIIIe s., découvert par le sinologue allemandFerdinand Lessing. Et, d'autre part, des remèdesindiens figurent dans les traités chinois de matièremédicale dès le début de notre ère.

Dans le Zend Avesta (VIe s. av. J.-C), livre sa-cré des anciens Perses, comme dans l'Atharva-Véda, la matière médicale avoisine la philosophieet l'enseignement religieux. Venant après les in-vocations et la théomédecine, elle décrit des pro-duits tirés des trois règnes. Une traduction offi-cielle du zend en pehlvi en fut faite sous les Sassa-nides déjà; des versions sanskrites ont suivi auxXIIe et XIIIe siècles.

Ce rapide survol des civilisations anciennes apermis de constater que les remèdes dont dispo-saient les premiers thérapeutes trouvaient leursubstance dans les règnes végétal, animal et miné-ral, mais qu'il est malaisé d'en déduire ce qui, danscette thérapeutique, est original ou emprunté à uneculture antérieure ou voisine soit par le transmis-sion orale soit par la traduction.

2. DU CORPUS HIPPOCRATIQUEA LA PHARMACIE GALENIQUE

A ses débuts, la thérapeutique grecque se res-sentit des influences mésopotamiennes et égyp-tiennes et la littérature homérique nous en décritquelques traits: pratiques magiques, breuvagesenchantés, poudres merveilleuses. C'est vers le Ve

s. avant notre ère qu'eue se sépare de l'emprisethéurgique: Hippocrate crée une médecine libéréede l'empirisme, fondée sur l'observation clinique.Médecin ambulant, il était amené aussi à dispen-ser des remèdes qu'il préparait parfois lui-même.Le Corpus bippocraticum compilé après sa mort —car il n'a pas laissé d'écrits de sa main— contientdes prescriptions médicamenteuses qui font appelaux matières des trois règnes et se présentent

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sous des formes pharmaceutiques déjà très élabo-rées. Les remèdes à usage interne sont soit liqui-des (potions, décoctions, infusions) soit solides(pilules, collyres, pastilles, suppositoires — héri-tage direct de la pharmacie égyptienne); les remè-des à usage externe comprennent des fumiga-tions, des gargarismes, des onguents, des cata-plasmes, des lavements.

Après la conquête de l'Egypte par les Grecs, laville d'Alexandrie fondée par Alexandre le Granddevint rapidement le nouveau centre du savoirsous Ptolémée I« Soter (360-280 av. J.-C). L'artmédico-pharmaceutique y connu un nouvel essoret donna naissance, d'abord à l'école dogmatique—représentée par Hérophile, créateur de la ma-tière médicale— puis à l'école empirique —illus-trée par Sérapion, inventeur de la théorie poly-pharmaque— et Heraclite de Tárente, promoteurde l'usage de l'opium, qui entra dès lors dans laconfection de tous les remèdes polipharmaques.Nicandre (IIe s. av. J.-C.) développa les théoriesde ses prédécesseurs et les consigna dans deuxpoèmes didactiques: la Theriaca, qui décrit les mé-dicaments à usage interne pour combattre lesempoisonnements par morsure animale, etl'Alexipharmaca qui décrit les toxiques des trois rè-gnes, les symptômes d'empoisonnement et lesmoyens pour les neutraliser. Les écolesd'Alexandrie ont encore enrichi l'arsenal pharma-ceutique de remèdes spéciaux, comme le soufredans le traitement de la teigne. C'est alors aussique, pour la première fois, la médecine se serait,selon Celse, divisée en trois branches la diététique(maladies et régimes), la chirurgie (interventiondu fer et du feu) et la pharmaceutique (médecinemédicamenteuse). Cette classification passa tellequelle à l'empire romain.

A l'origine, la médecine romaine fut elle aussithéurgique, mais, comme Alexandrie, Rome ac-cueillit par la suite une immigration de médecinsgrecs inaugurée par Aesclépiade de Bythinie, quiremit en honneur les principes hippocratiques etsimplifia la thérapeutique en privilégiant les re-mèdes externes pour réduire les abus de la poly-pharmacie. A leur suite s'installèrent des méde-cins égyptiens et juifs. Les conditions paraissaientainsi remplies pour voir éclore une activité de tra-duction, qui a fait défaut à la Grèce trop imbue de

la supériorité de sa langue. Mais, dans quelle me-sure le De re medica (Ier s.), dans lequel Celse ré-sume la médecine alexandrine, est-il une compi-lation, une adaptation ou une traduction libre?Dans le Ve et une partie du VIe livre, qui concer-nent la pharmacie, Celse fait la distinction entreles pratiquants de la pharmaceutique (pharma-ceutes), les marchands qui vendent des médica-ments tout préparés (pharmacopoles), les pileursde drogues (pharmaceutribes), les marchands deplantes communes (herbarii) et les droguistes (se-plasiarii). Pline le Naturaliste (23-79), dans sonHistoire naturelle, réserve quinze des trente-sept li-vres aux remèdes tirés des plantes. L'ouvrage leplus important, car entièrement consacré à la ma-tière médicale, est le Péri hules iatrikhès, rédigé sousNéron par le médecin et botaniste grec Diosco-ride (Ier s.). Ses cinq livres décrivent plus de sixcents matériaux végétaux (plantes, fleurs, feuilles,écorces, racines, sucs), mais aussi quelques miné-raux et produits chimiques (acétate de plomb,antimoine, sels de cuivre). Connu de l'Italie by-zantine, le texte grec fut traduit en latin vers leVIe s. en Italie du Sud ou en Afrique du Nord;une version arabe vit le jour à Bugead au IXe s. etse répandit dans l'Espagne mauresque dès le Xe s.Le point culminant de la médecine romaine futatteint avec Galiene médecin grec également, quipratiqua les diverses disciplines de l'art de guérir,y compris la pharmacie, préparant lui-même sesremèdes dans sa boutique de la Voie Sacrée. Au-teur de plus de cinq cents ouvrages, dont plu-sieurs traitant de remèdes et precriptions de mé-dicaments simples et composés, il est surtout lefondateur de la branche la plus spécifiquementpharmaceutique de l'art, celle qui s'occupe desformes d'administration —la pharmacie dite ga-lénique. Sans doute parce que tous les hommesde l'art savaient le grec, partie intégrante du ba-gage intellectuel de l'homme cultivé, Rome n'alaissé que peu de traductions médicales et aucunedans le domaine pharmaceutique. Après Galien(131-210), l'Empire romain entra en décadence.Le peuple versa dans la magie et le mysticisme, cequi favorisa l'implantation de religions nouvelleset, finalement, l'avènement du christianisme lors-que la liberté religieuse fut promulguée en 313 parl'empereur Constantin, qui fonda sur le site de

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l'antique Hyzancc la capitale d'un Empire romaind'Orient.

3. LE MONDE BYZANTINET L'INTERMÈDE NESTORIEN

Dans le monde byzantin, dominé par l'idéalchrétien, l'art de guérir redevint théurgique. Lamédecine galénique fut réprouvée et la littératuremédico-pharmaceutique byzantine n'a légué quedes compilations auxquelles s'attachent les nomsd'un Oribasc de Pergame (IVe s.), auteur d'unBuporista ou les Remèdes faciles à pré- parer, d'un Pauld'Egine (VIIe s.), auteur d'un ouvrage sur les Re-mèdes simples, d'un Alexandre de Tralles (VIe s.),etc.

Sous l'empereur Théodosc II se produisit unévénement dont les conséquences pour l'histoirede la traduction médicale, et pharmaceutique enparticulier, revêtent une importance capitale.Nestorius (380-451), patriarche de Constantino-ple, fut condamné pour hérésie par le conciled'Ephèse et exilé en 431. Avec ses adeptes, ils'installa d'abord à Edesse (l'actuelle Urfa, enTurquie), puis à Nisibe (actuellement Nizip, enTurquie), où ils créèrent des écoles de médecine.Chassés par les persécutions religieuses, ils se ré-fugièrent en Perse, dans le Khorassam, pour sefixer dans la ville de Gondashepur, qui attacherason nom à leur établissement d'enseignement leplus fameux. Connaissant les écrits d'I Iippocrate,de Galien, de Dioscoride, ils en recherchèrent desmanuscrits pour les traduire en syriaque, en per-san, en hébreu. Parmi les traducteurs on relève,pour le domaine pharmaceutique, le prêtre-médecin chrétien Sergius de Rhésine (VIIe s.), quia mis en syriaque les livres LXVII et LXVIII desMédicaments simples de Galien.

Lorsque les Arabes envahirent la Perse (651),ils découvrirent les manuscrits nestoriens, mais labarrière des langues s'opposa à ce premier con-tact avec la médecine grecque. Aussi, dès la se-cond moitié du VIIe siècle, les califes abassidesdécidèrent-ils de les faire traduire en arabe. Onpourrait dès lors considérer que l'hérésie nesto-rienne est à l'origine de la médecine et de lapharmacie arabes, et les traductions arabes à leur

tour assureront la liaison entre l'Antiquité et leMoyen âge occidental.

4. LA PASSERELLE ARABE

Après que la foi guerrière des Arabes eût portél'islamisme en Asie jusqu'à l'Indus et en Europejusqu'aux rives de la Méditerranée et à l'Atlantique,le pouvoir arabe se concentra dans les califatsoriental de Bagdad (762) et occidental de Cordoue(756). Jamais, dans l'histoire, la traduction n'a joué-un rôle aussi important que celui qui lui fut dévoluau début de l'expansion islamique, et les médecinsnestoriens y tinrent encore une place prépondé-rante.

Dans le califat oriental

|urgis Bakhtishu, médecin-chef de l'hôpital deGondashepur, appelé à Bagdad par le calife al-Mansur (754-775), fut chargé par celui-ci de tra-duire de nombreux ouvrages grecs; il aurait ainsimis en syriaque les Remèdes correspondant aux mala-dies de Galien. Une école de traduction fut instal-lée à Bagdad par le calife al-Mamun (786-833)sous l'appellation de Bay/ alhikma (Maison de laSagesse) et confiée à la direction de Yuhanna ibnMasawaih (776-855), mieux connu sous le nomlatinisé de Jean Mésué ou Mésué l'Ancien et issu,lui aussi, d'une famille de médecins de Gon-dashepur. Mésué non seulement organisa la tra-duction en arabe d'ouvrages médicaux grecs, sy-riaques et persans, mais encore traduisit-il lui-même les versions syriaques de Galien réaliséespar Sergius de Rhésine. Il a de plus écrit des oeu-vres personnelles, parmi lesquelles un Traité sur lessubstances simples aromatiques et une Pharmacopée géné-rale, dont il n'existe qu'une traduction latine inti-tulée De consolatione medidnarum simplidum (XIe s.).

Le plus grand élève de Mésué fut sans con-teste Hunayn ibn Ishaq (dit Johannitius, 808-873), chrétien nestorien, médecin et philosophe.Fils d'apothicaire, il apprit le grec au cours denombreux voyages, alors qu'il savait déjà parfai-tement le syriaque et l'arabe. Revenu à Bagdad, ilse lança dans une prodigieuse activité de traduc-tion avec l'aide, notamment, de son fils Ishaq etde son neveu Hubaysh al-Asam. De cette colla-boration naquit une centaine d'oeuvres. Bien qu'il

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traduisît lui-même du grec ou du syriaque enarabe, Hunayn préférait le plus souvent laisserl'arabisation à ses assistants. Son inclination per-sonnelle allait à la traduction en syriaque, languedans laquelle on lui doit, du point de vue phar-maceutique, des versions du Corpus hippocraticum,des traités Les remèdes simples, Les médicaments jadíesà obtenir, Les remèdes correspondant aux maladies deGalien, de divers écrits de Paul d'Egine etd'Oribase, que son fils Ishaq et surtout Hubayshmirent ensuite en arabe, du Péri bulès iatrikhès(Matière médicale) de Dioscoride, dont la versionarabe de son collaborateur Istafan ibn Basil de-vint pour longtemps un livre de référence pour lemonde islamique. A l'actif de son neveu, on peutajouter encore la traduction du Péri khraseos khaidynameos to apleon pharmakhon de Galien, dont uneversion avait été donnée déjà au début du IX1- s.par al-Bitriq.

Parmi les autres traducteurs arabes qui se sontpenchés sur des textes pharmaceutiques, on peutciter Yahya ibn Ibrahim, membre de l'équiped'Hunayn, qui mit en arabe la version syriaqueétablie par Hunayn de La force des laxatifs de Ga-lien et celle des Remèdes correspondant aux maladiesdu même auteur faite par Bakhtishu; il y a aussian-Natili, qui se livra en 985 à une révision de latraduction de la Materia medica de Dioscoride parHunayn.

On traduisait aussi de l'arabe en persan,comme al-Kasani le fit en 1228 pour lui science desdrogues médicinales d'al-Biruni (973-1048) en don-nant les noms de plantes en grec, syriaque, indien,hébraïque, etc., ainsi que de l'arabe en syriaque,comme le médecin chrétien Abul Faradj (dit BarHebraeus, 1226-1286) —qui fut aussi l'interprètede Dioscoride— le fit pour le Uvre des drogues sim-ples du Cordouan al-Ghafiqi (XIIe s.) en donnantles synonymes ces plantes en arabe, berbère etespagnol. Ces glossaires multilingues mettent enlumière les innombrables difficultés rencontréespar les traducteurs.

Les Arabes, qui empruntèrent beaucoup auxautres, ne s'intéressaient pas qu'aux seuls auteursgrecs. Dès le VIIIe siècle, le calife Harun al-Rachid (766-809) invitait à sa Cour le médecinindien Mankah (en sanskrit Manikya) avec mis-sion de mettre en arabe des ouvrages de l'art thé-

rapeutique indien. Mankah traduisit ainsi la Sus-ruta-Samhitâ, le grand classique du IVe siècle, dontla pharmacognosie énumère plus de sept cent-cinquante remèdes, et le Livre des poisons de Sânâq(en sanskrit Cânakya); il aurait donné de ce der-nier une version persane, dont al-Gauhari (IXe s.)assura la version arabe à la demande d'al-Mamun.Un autre classique indien, la Caraka-Samhitâ du IIe

siècle, aurait également été traduite d'abord enpersan, puis en arabe par un certain Abd Allahibn Ali.

Le califat oriental a produit trois grands nomsde l'art médico-pharmaceutique: Rhazcs (ar-Rhazi, 865-925), Haly Abbas (al-Magusi, ?-994) etAvicenne (ibn Sina, 980-1037), tous persans. Acôté de son oeuvre maîtresse, le Kitab al-l laivi, en-cyclopédie médicale et pharmacologique quidonne des prescriptions préconisant les droguesdont il a vérifié l'efficacité, Rhazcs à laissé aussiun formulaire de médicaments composés (.'¡qra-bcidin al-kabii). Le Kitab al-Malaki (Livre royal del'art de la médecine) de Haly Abbas, qui sera lepremier ouvrage médical arabe traduit en latin,comprend un chapitre sur le traitement par lesdrogues simples et un autre sur les remèdes com-posés. Dans son Canon, Avicenne consacre denombreux chapitres à la description des simples,aux poisons, aux remèdes composés et à la prépa-ration des médicaments, inspirés en grande partiede la traduction du Péri syntheseon pharmakon deGaben, qui a conditionné toute la littératurepharmaceutique arabe.

C'est d'ailleurs par leurs pharmacologues quel'on peut le mieux juger le rôle des Arabes dans ledomaine pharmaceutique. Leurs livres portent lenom d'au raba din, rendu au Moyen âge par antidota-rium ou dispensatorium. Ishaq al-Kindi (?-870), au-teur d'un antidotaire de huit cents remèdes ara-bes, persans, indiens et égyptiens, a écrit aussi unKitab fil Marifat (Connaissance des propriétés desmédicaments composés) traduit en latin sous letitre De medicinarum compositorum gradibus investigan-dis libellus; Gabir ibn Haiyan (IX-Xe s.) est l'auteurd'un Kitab as-Sumum (Livre des poisons) ; un ou-vrage similaire de la première moitié du Xe siècleaurait été dicté en arabe à Ali az-Zayyat par ibnWahsiya, traduit d'un original nabatéen de Yar-buqa; le médecin et philosophe Abd al-Latif

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(1162-1231), de Bagdad, a composé un Kitab fiUsul (Traité de pharmacologie) avec un petit ré-pertoire de trente-et-une drogues; Aidamir al-Gildaki a signé un Kitab Durrat, compendium decinq cent-soixante-dix noms de drogues végéta-les, animales et minérales, avec les synonymes enpersan, syriaque et byzantin; le médecin et bota-niste ibn al-Baitar (1197-1248), né à Malaga, maisqui exerça en Egypte et en Syrie, s'est signalé parun commentaire sur la Materia medica de Diosco-ride et, surtout, par un monumental Kitab al-Djami, ouvrage le plus connu de la pharmacogno-sie arabe, où sont décrites quelque dix-huit centsdrogues végétales, cent-trente drogues animales etcent-quarante-cinq drogues minérales; son élèveas-Suwaidi (1204-1292), médecin à Damas et auCaire, est connu pour son Kitab at-Tadkira, recueilde quatre cents remèdes et recettes, et pour sonKitab as-Simat, compendium des noms de plantesmédicinales le plus complet de son époque, avecéquivalents en grec, syriaque, persan, berbère,castillan et, pour l'arabe, la distinction entrel'usage de Syrie, d'Egypte et d'Espagne.

Dans le califat occidental

Dans le califat de Cordoue également, l'artmédico-pharmaceutique a été dominé par troisgrands: Abulcasis (Abu 1-Qasim, 912-961) Aver-roès (Ibn Rushd, 1126-1198) et Maimonide (ibnMaimun, 1135-1204). Le Kitab at-Tasrif (Exposi-tion des matières) d'Abulcasis consacre unegrande partie aux extraits de plantes, aux remèdessimples et à la préparation des remèdes. Le Kitabal-Kulliyat (Oeuvres complètes) d'Averroès, que leMoyen âge occidental latinisera en Colliget, com-prend des chapitres sur la pharmacologie et lathérapeutique. Son disciple, le médecin judéo-espagnol et rabbin Maimonide, a traduit en hé-breu le Canon d'Avicenne et composé de nom-breux traités, parmi lesquels un Kitab as-Sunum(Livre des poisons) et un Kitab Sahr asma al-uqqar(Explication des noms de drogues) de quatre-cent-cinq rubriques avec équivalents arabes,grecs, syriaques, persans, berbères et andalous.Cette précaution reflète bien les immenses pro-blèmes de communication auxquels est confrontéle monde arabe. D'autres illustrations en sont le

Kitab al-Talhir d'ibn Djanah (?-ca. 1040), médecinjudéo-arabe de Saragosse, qui donne les noms dedrogues en six langues (arabe, persan, syriaque,grec, berbère, espagnol), le Kitab al-Mustaini(Traité de pharmnacologie) d'ibn Biklaris (XI-XIIU s.), médecin juif d'Almeria, où les noms desdrogues simples figurent en six ou sept langues(arabe, persan, syriaque, grec, latin, espagnol et,parfois, en dialecte de Saragosse), le Kitab al-Djami(Recueil des drogues simples) d'al-Idrisi (P-1166)qui cite les plantes avec leurs équivalents en six àdouze langues (dont le grec, l'hébreu, le turc, lekurde, l'indien, le castillan, etc.).

L'empire musulman, de par son extension ter-ritoriale considérable, a introduit dans la théra-peutique des médicaments nouveaux provenantde divers pays d'Asie et d'Europe. Ses savants ontenrichi la science pharmaceutique par leur apportpersonnel sous la forme de préparations nouvel-les, d'opérations telles que la distillation et la per-colation et, surtout, par l'application de la chimieà la matière médicale. En cela, l'apport du califatoccidental ne le cède en rien à celui du califatoriental et, de même, la traduction n'est pasmoins présente à Cordoue qu'à Bagdad. En 951,par exemple, le médecin hispano-arabe Hasdayibn Schaprut (915-970), ministre du calife deCordoue Abd ar-Rahman III et fondateur del'académie des sciences de la ville, s'attaquait àune nouvelle version arabe de la Materia medica deDioscoride sur base d'un Codex grec offert parl'empereur de Byzance. Il fut aidé dans sa tâchepar le moine médecin byzantin Nikolaos, dépêchépar Constantin VII, et par un autre médecin cor-douan, al-Haitam. Au milieu du Xe siècle, ibnDjuldjul, médecin de Cordoue, entreprenait à sontour d'améliorer la traduction du traité deDioscoride, publiant même une Explication desnoms de remèdes simples figurant dans l'oeuvre de Diosco-ride (983); quelque deux cents ans plus tard,Dioscoride bénéficia d'une nouvelle version réali-sée par Mihran al-Masihi (XIIe s.) sur le syriaquede Hunayn ibn Ishaq, après l'échec d'une tenta-tive précédente d'un certain Salim al-Malati man-daté par Nadjm ad-Din Alpi (1154-1176), sei-gneur de Diyarbakir (Kurdistan).

Tous les classiques de la pharmacognosiearabe, mais aussi toutes les traductions arabes du

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patrimoine pharmaceutique grec, l'Occidentchrétien allait les découvrir lorsque la victoire surles Maures aurait ouvert l'accès aux riches bi-bliothèques qu'ils s'étaient constituées.

5. L'ÉVEILDE L'OCCIDENT CHRÉTIEN

L'Europe occidentale, après avoir joui de lapax romana pendant près de quatre siècles quil'ont éveillée à la civilisation, retomba dans la bar-barie avec la disparition de l'Empire romaind'Orient (476). Livrée au chaos des invasions, ellele fut aussi à celui de l'esprit. L'effort de Charle-magne (742-814), fondateur d'une cultured'inspiration latine d'essence chrétienne, ne brillaque brièvement. Le flambeau fut repris par lesmonastères, qui concentrèrent la puissance cultu-relle jusqu'à l'apparition des premières universitésau XIII1 siècle. Même les tenants de l'art de guérirétaient des moines et si la tradition pharmaceuti-que ne s'est pas éteinte pendant cette période,c'est parce qu'elle trouva asile dans les couvents,où le religieux préposé à la pharmacie s'appelacouramment apoleamus dès la fin du X1' siècle.Pendant plusieurs siècles, pratiquement du VI1' auXII1, l'art de guérir fut ainsi entre les mains duclergé et les quelques écrits pharmacologiqucs del'époque sont dus à des ecclésiastiques: au béné-dictin allemand Raban Maur (Rabanus,776-856)les trois volumes de la Physica consacrés aux ma-ladies et aux médicaments, à l'évêque de RennesMarbode (1035-1113) le lapidaire De gemmis quidécrit les vertus médicales de soixante pierres no-bles, à la mystique allemande Hildegard von Bin-gen (1098-1179) le IJber simplicis medidnae et le IJ-ber ivmpo.fi/cie medidnae, etc.

Au monastère de Monte Cassino, fondé parsaint Benoît en 529, les moines médecins pou-vaient puiser dans les collections d'écrits hippo-cratiqucs et galéniques conservés grâce au zèledes copistes byzantins et des traducteurs syrienset arabes. En ce qui concerne la pharmacie, ils secontentèrent au début de traduire en latin desformulaires de prescriptions. Dans le mêmetemps, l'homme d'Etat et écrivain romain Aure-lius Cassiodorus (480-575) se retirait de la vie pu-blique, entratt dans l'ordre des bénédictins et

installait en 540, dans sa propriété de Vivarium,une sorte d'académie monastique qu'il dota d'uneriche bibliothèque. Dans son De institutione divina-n/m, il incita les moines à traduire les meilleursouvrages de la littérature médico-pharmaceutiquegrecque. Ainsi naquit une première école de tra-duction en Occident. Ce n'est toutefois qu'au XIe

siècle, avec l'arrivée en Italie de Constantinl'Africain (1015-1087), que la traduction prit sonvéritable essor. Arrivé à Sáleme en 1065, aprèsavoir acquis un solide fonds scientifique au coursde voyages en Orient, ce Carthaginois se conver-tit au christianisme en 1070 et entra au MontCassin, où il passa le reste de sa vie à traduire. Sestraductions latines des oeuvres d'Hippocrate et deGalicn à partir des versions arabes restaurèrentl'étude de la science médicale grecque en Europe.Auteur lui-même d'un Glosario de hierbas y fármacos,il mit aussi en latin le Kitab al-ltimad (De la fiabilitédes drogues simples) d'Ibn al-Djazzar (P-1004)sous le titre Über de gradibus et, en collaborationavec son élève Johannes Afflacius ou Saracenus,le Kitab al-Malaki de Haly Abbas sous le titre ÜberPantegni (Tout l'art).

Avant de se retirer du monde, Constantinavait enseigné à l'Ecole de Salerne, créée au IX1

siècle, où les diverses disciplines médico-pharmaceutiques étaient exposées en grec, en la-tin, en arabe et en italien. Elle attirait des savantde toute l'Europe chrétienne et de l'Espagne juiveet musulmane. La pharmacie y était déjà indépen-dante de la médecine vers 1076 et sa renomméerepose en partie sur un traité de vulgarisation ré-digé en dialecte napolitain auquel on a donné lenom de Regimen sanitatis Salernitatum (XIe s.). Jeande Milan, médecin salernitain, le mit en vers latinspour Robert, duc de Normandie, sous le titre Deconservando valetudine (ca. 1100). Ce recueil de re-cettes se développa au fif des temps pour devenirYAntidotarium Nicolai, lequel ne doit pas être con-fondu avec le Dynameron (XIIIe s.), l'antidotaire deNicolas Myrepsos, qui comprenait plus de deuxmille cinq cents remèdes grecs, romains, arabes,juifs et chrétiens.

Les médecins juifs qui participèrent à la fon-dation de Salerne furent aussi parmi les premiersmaîtres des universités qui se créèrent à Bologne,Montpellier, Salamanque et ailleurs, dont

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l'enseignement put bénéficier de la masse deconnaissances libérée par les travaux du Colegiode Traductores de Tolède. Dernier foyer de laculture arabe en Europe, Tolède avait été recon-quise en 1085 par Alphonse IV de Castille et lesrichesses de ses bibliothèques attirèrent les éru-dits des quatre coins de l'Europe. En 1135,l'archevêque Raymond y fonda un collège de tra-ducteurs où, pendant plus d'un siècle et demi, desItaliens, des Français, des Anglais, des Juifs, desFlamands s'illustrèrent aux côtés des Espagnolsdans un gigantesque projet de traductions. Ledomaine médico-pharmaceutique eut la bonnefortune de trouver un interprète de qualité en lapersonne de Gérard de Crémone (1114-1187)qui, arrivé à Tolède en 1167, apprit l'arabe et con-sacra les vingt dernières années de sa vie à la tra-duction en langue latine. Dans son immense pro-duction (quelque soixante-quinze titres), la phar-macie est représentée par le Canon d'Avicenne,avec son deuxième livre sur les drogues simpleset le cinquième sur les médicaments composés,XAqrabadin al-kabir, formulaire de médicamentscomposés de Rhazès, le Kitab alAdwiya du méde-cin et vizir de Tolède Ibn Wafid al-Lahmi (999-1068) qu'il intitula De medicamentis simplidbus, le Kitabat-Tasrif du médecin cordouan Abu 1-Qasim az-Zahrawi (P-1009) dont les livres 27 et 28 traitentdes drogues simples et de leur préparation.

L'expérience collective de Tolède ne doit paséclipser l'effort de nombreux traducteurs quioeuvraient isolément. Stéphane d'Antioche (ditEtienne le Philosophe, XIIe s.), originaire de Pise,latinisa le Kitab al-Malaki de Haly Abbas sous letitre Liber Regius (ou Regalis disposition, 1127) en lecomplétant d'un glossaire grec-latin-arabe Medi-camentorum omnium breviarium. Abraham et Simonde Gênes traduisirent le vingt-huitième livre duKitab at-Tasrif à'Abulczsis, qui traite de la prépara-tion des drogues simples, en le baptisant Liber ser-vitoris. Le médecin et astronome Gérard de Sab-bionetta (XIIIe s.) s'est rendu célèbre par ses tra-ductions en italien de Galien. Stéphane de Sara-gosse retraduisit le Kitab al- Itimah d'Ibn al-Djazzar en le baptisant Adminiculum ou Liber fidu-dae de simpliàbus medidnis (1233). Le dominicainallemand Albertus Magnus (1193-1280), auteurlui-même d'une encyclopédie sur les vertus théra-

peutiques des plantes {Summa naturalium), fournitune nouvelle version latine du Canon d'Avicenne.En 1271, Moïse Farad) ibn Salim (latinisé Fara-gut), médecin juif au service de Charles d'Anjou,roi de Naples, traduisit le Kitab al-Hawi de Rhazès,qui sous le titre de Liber Continens connu une ex-traordinaire diffusion; une édition de 1486 y joi-gnit un glossaire arabe-latin des noms de drogues.En 1290, Abraham Tortuosiensis et Simon Ja-nuensis intitulèrent IJber de simplidbus medidnis leurtraduction de l'arabe d'un ouvrage de Sérapion(ibn Sararbiyun, IXe s.). Le XIIIe siècle vit aussiparaître des versions en catalan (IJbre de les média-nes particulars) et en hébreu du Kitab al-Adwiyad'Ibn Wafid. Au tournant du siècle, Biaise Er-mengaud (dit Biaise de Montpellier), médecin dePhilippe le Bel, signa des traductions latines duKitab as-Sumum (Livre des poisons) de Maimonideet du Alaqala fi t-Tiryaq (Traité de la thériaque)d'Averroès. A l'autre bout de l'Europe, le méde-cin turc Ishaq ibn Murad (XIVe s.), auteur d'unlivre sur les drogues simples (1390), mit dans salangue le Kitab Taqwim (Almanach de santé) d'Isaibn Djazla, médecin chrétien de Bagdad convertià l'Islam.

La fin du Moyen âge vit poindre les premièrestraductions en langue vulgaire. Outre la catalanedéjà citée, en Allemagne, Hildegard von Bingenavait dicté en latin ses deux livres sur les remèdessimples et composés à deux moines chargés deles mettre en allemand (ca. 1155); en France, leclerc augustin Jean Sauvage (XIVe s.) traduisit leThesaurus pauperum, recueil de recettes thérapeuti-ques attribué à Pietro di Giuliano (dit Petrus His-panus), médecin de Grégoire X, qui devint enfrançais Le Tresor des povres. Par ailleurs, des traduc-tions en arabe, comme celle de YAntidotarium Nico-lai dès avant la moitié du XIVe siècle, montrent quel'art médico-pharmaceutique arabe, après avoirnourri l'Occident médiéval pendant plus de troiscents ans, venait à son tour s'abreuver aux sourcesdu savoir occidental. Ses jours, cependant, étaientcomptés et il devait bientôt succomber aux forceshumanistes qui, à partir de 1400, allaient marquerprofondément tous les courants de pensée en Eu-rope.

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6. LE RENOUVEAU DES ESPRITS

Parti d'Italie, le mouvement humaniste gagnatrès vite toute l'Europe. La prise de Constantino-ple par les Turcs, en 1453, ne fit que l'accélérer etl'amplifier avec l'arrivée d'une foule de savantschassés des derniers bastions de l'hellénisme. Lamédecine humaniste devint universelle grâce auxliens scientifiques et culturels tissés entre les na-tions par les universités, grâce aux grandes dé-couvertes révélatrices de remèdes (gaïac, mecheo-can, etc.) venus du Nouveau Monde, grâce àl'invention de l'imprimerie qui favorisa la diffu-sion des écrits médico-pharmaceutiques. Domi-née par quelques grands noms —l'Italien Fra-castoro, le Flamand Vésale, le Français Paré et,pour la pharmacie, le Suisse Paracelse— elle remiten question les acquis de la science et s'employa àse dégager de l'emprise des Arabes. Paracelse(1493-1541), qui était médecin et alchimiste, op-posa sa théorie chimique —l'homme est uncomposé chimique et doit donc être soigné pardes composés chimiques— à la doctrine galéni-que. Il expérimenta les vertus de toutes les plan-tes pour découvrir la cause de leurs effets phar-macodynamiques; il introduisit dans la thérapeu-tique des remèdes tirés du règne minéral et géné-ralisa l'emploi de l'antimoine, dont les propriétésavaient été observées pour la première fois auXVe siècle par le bénédictin allemand Basile Va-lentin, médecin et chimiste, et exposées dans sonlivre Triumphwagen der Antimonii, traduit en latinsous le titre Currus triumphalis antimonii. A partir duXVIe siècle, la pharmacologie fut influencée par lemouvement chimique et l'effort porta sur la miseau point de traitements médicamenteux plusscientifiques. C'est alors que la thérapeutique dela syphilis abandonna les cures purgatives classi-ques pour les remplacer par le bois de gaïac, pré-conisé par le chevalier allemand Ulrich von Hüt-ten (1488-1523) dans son opuscule célèbre Deguaiaá medicina et morbo gallico (1519), puis par lescures mercurielles. En France, c'est le botaniste etmaître apothicaire Nicolas Houel (1520-1584),auteur d'un Traité de la thériaque et du mithridate(1573), qui dirigea la phar dans la voie scientifiqueen créant à Paris, en 1576, un véritable enseigne-ment de l'art d'apothicairerie.

Malgré les attaques dont ils étaient la cible desParacelse et autres Vésale, les auteurs grecs, latinset arabes confinèrent à attirer les traducteurs,parmi lesquels beaucoup usaient encore du latinresté la langue de prédilection des lettrés et dessavants de la Renaissance. En France, le médecinJean de Gorris traduisit 1 'Alexipharmaca de Nican-dre. Aux Pays-Bas, Johannes Guinterus (JanWinter) signa une version du De re medica de Pauld'Egine, qui fut révisée par le médecin et bota-niste malinois Rembert Dodoens (dit Dodonée,1517-1585) et publiée sous le titre Paulus Aeginataa Joanne Guintero latine conversus a Remberto Dodonaeoadgraecum textum accurate collatus et recensitus (1567).Une traduction latine des oeuvres de Paul d'Eginefut par ailleurs insérée par Henri Estienne dans sacollection Artis medicae principes (1567). Un autretraité de matière médicale très en faveur auprèsdes traducteurs fut celui de Dioscoride. ErmolaoBárbaro, patriarche de Venise et humaniste derenom et donna la première traduction latine lui,bien que faite entre 1481 et 1489, ne vit le jourqu'en 1516. La même année, Jean Ruelle (1471-1537), professeur à la Faculté de médecine de Pa-ris, publiait sa version Pedacii Dioscoridis Ana^arbeide medicinali materia libri quinqué. Deux ans plus tardparaissait une nouvelle traduction du médecinflorentin Marcello Adriani (1464-1521) intituléePedacii Dioscoridae de Medica materia LJbri Sex(1518), à laquelle succédèrent celle du médecin dePadoue Pietro-Andrea Mattioli (1501-1577) en1554, celle de l'Allemand Johannes Haynpol (ditJanus Cornarius) intitulée Pedacii Dioscoridae Ana-%arbensis de materia medica libri V (1557) et, en 1598,celle de Jean-Antoine Sarrasin (1547-1598), mé-decin à Montpellier, Pedacii Dioscoridis Ana^arbeiOpera quae extant omnia. Le médecin et orientalisteitalien Andrea Alpago (P-1520), qui travaillalongtemps au consulat de Venise à Damas, nonseulement révisa la version du Canon d'Avicenneréalisée par Gérard de Crémone mais, en outre,signa la traduction De limonibus d'un traité d'Ibnal-Baitar.

Des traductions latines se faisaient même àpartir de langues vulgaires. Le médecin et bota-niste français Charles de l'Escluse (dit Clusius,1526-1609), remarquable polyglotte qui maniaitavec aisance le latin, le grec, le flamand, l'anglais,

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l'allemand, l'italien, l'espagnol et le portugais, mità son actif de nombreuses traductions de ces troisdernières langues. Ainsi, de l'italien, YAntidotarium,sive de exacta componendorum miscendorumque medica-mentorum ratione libri tres (1561) est traduit d'unepharmacopée florentine, le Ricettario. Du portu-gais, la version qu'il donna des Coloquios dos simplesde Garcia de Orta sous le titre Atvmatum et simpli-dum aliquot medicamentorum apud Indios nascentiumHistoria (1567) fut le point de départ de multiplestraductions en italien et en français entre 1576 et1619. De l'espagnol, il traduisit Y Historia medidnalde las cosas que se traen de nuestras Indias occidentales,que sirven en mediana de Nicolas Monardès, qui de-vint De simplidbus medicamentis ex Ocdcentali Indiadelatis, quorum in mediana usus est (1574), et le Trac-tado de las drogas y medianas de Christoforo Acosta,qui devint Aromatum et medicamentorum in OrientaliIndia nascertium Über (1582). Comme pour témoi-gner du caractère universel ce l'art médico-pharmaceutique de la Renaissance, il se trouvamême un clerc mexicain, Juan Badiano, pourmettre en latin la matière médicale d'un codex in-dien sous le titre Ubellus de medidnalibus Indorumherbis (1552).

L'imprimerie, si elle favorisa la diffusion desconnaissances, engendra par ailleurs une nouvelleclasse de lecteurs qui n'entendaient plus le latin. Ils'ensuivit une demande accrue de traductions enlangue vulgaire. En France, les livres pharmaco-logiques de Galien trouvèrent ainsi des interprè-tes en Jean Canappe, médecin de François Ier,pour Deux livres des simples (V et IX) (1542), enJean Bauhin (1511-1582), médecin protestant ré-fugié à Bâle, pour Des simples, livre V (1544), enMartin Grégoire pour Les trois premiers livres sur lacomposition des médicaments en général (1545), en JeanBrèche (1514-1553), jurisconsulte, pour un Epi-tomé ou Abrégé des trois premiers livres De la Composi-tion des médicaments (1545), en Hervé Fayard, mé-decin, pour Galen sur la faculté des simples médicaments(1548). L'humaniste protestant Michel Cop tra-duisit sur le latin la Pharmada simplida (1532) dePaul d'Egine et le bénédictin François Mathée fitde même pour Les six livres de Pedadon DioscoridedAna^arbe de la matière médicale (1559), mis pour lapremière fois en français; dix ans plus tard, unenouvelle version d'un anonyme parut à Paris sous

le titre ljes propriétés des simples, contenues en six livresde Diosconde, rapportées aux accidents qui peuvent adve-nir à chaque partie du corps (1569). Le médecin etpoète |acqucs Grévin (1538-1570) mit en versfrançais Ijes Oeuvres de Nicandre (1567). AntoineDu Pinct (ca. 151Ü-1566) publia Y Histoire naturellede Pline traduite en français (1564). Sous la plume de1 Aicas Trembla}-, le De virtutibus (vel viribus) herba-mm, faussement attribué au poète Aemilius Macer(70-16 av. J.-C) et publié à Naples en 1477, de-vint Ijes 1-leurs du livre des vertus des herbes (1588).Une traduction anonyme de Mésué l'Ancien, réa-lisée non à partir de l'arabe mais sur le Commenta-rium J. I agautii de purgantibus medicamentis simplidbuslibri ¡I de Jean Tagaut (P-1546), doyen de la Fa-culté de médecine de Paris, parut sous le titre Ca-nons universels de Jean Mes ne des simples médicamentspurgeants.

Parallèlement se multipliaient les traductionsd'ouvrages néolatins. Après une première versionanonyme intitulée Ije Régime très utile et très profitablepour conserver et garder la santé du corps humain (ca.1495), le Regimen sanitatis de Salerne fut retraduiten vers par l'avocat Geoffroy Le Tellier, qui en fitle Retardement de la mort par bon régime ou conservationde santé, jadis envoyé par l'école de Salerne au roidAngleterre (1561). L'ouvrage Hortus sanitatis dumédecin et naturaliste allemand Joannes de Cuba(XVe s.) parut à Paris dans une traduction ano-nyme, he Jardin de Santé (1501). Parmi les ouvra-ges néo-latins français, les Formulae remediorum qui-bus vulgo medid utuntur (1560) de Pierre des Gorris(P-1560), médecin à Bourges, devinrent Les Formeset remèdes desquels les médedns usent en toutes maladies(1570) sous la plume de Jean Rivière; en 1574, laPharmacopoea du médecin humaniste JacquesDubois (dit Sylvius), professeur au Collège royal,fut mise en français par André Caillé (ca. 1515-1580), médecin-apothicaire à Lyon, qui mit aussià son actif Ije Jardin mediana/, enrichi de plusieurs etdivers remèdes et secrets (1577) traduit de YAlexikepus,seu auxiliaris hortus (1575) du médecin AntoineMizaud; la Pharmacopoea (1577) de Laurent Jou-bert, médecin du roi Henri II et chancelier del'université de Montpellier, fut traduite par Jean-Paul Zangmaistre sous le titre La Pharmacopée deM. L Joubert, ensemble les annotations de J. P.Zangmaisterus (1581).

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Parmi les oeuvres néo-latines étrangères, uneplace de choix revint à l'Italie où, au XVIe siècle,Padoue représentait le centre de la science médi-co-pharmaceutique. Les célèbres Commentarii in li-bros sex P. Dioscoridis de materia medica du médecinsiennois Pietro Andrea Mattioli connurent plu-sieurs interprètes, le premier n'étant autre que DuPinet, avec ses Commentaires de P. A. Matthiolus mé-decin Senois sur les six livres de Pedadus DioscoridesAna^arbéen de la matière médicale (1561); il fut suivides Commentaires de M. Pierre André Matthiole méde-cin senois sur les six livres de Ped. Dioscoride Ana^arbéende la matière médicinale... mis en français sur la dernièreédition latine par le médecin et botaniste Jean desMoulins (1530-1622) et d'une version partielle parGeoffroy Linocier dans son Histoire des plantes (se-lon Fuchs, Matthiolus, Gesneret al.) (1584). Le méde-cin Pierre Tolet, condisciple de Rabelais, traduisitl'ouvrage De radice purgante quam Mechioacan vocant(1569) de son confrère italien Marcello Donatisous le titre Traité de l'admirable vertu et accomplisse-ment des facultés pour la santé et la conservation du corpshumain de la racine nouvelle de l'Inde Mechiaacan pro-prement nommée Rhaindice (1572). Lazare Boet miten français le De Venenis eorumque remediis liber(Traité des venins, 1593) de Pierre d'Abano, mé-decin et alchimiste de Padoue, et Isaac Constans(1564-1630), professeur de médecine àl'Académie protestante de Montauban, fit demême pour l'Antidote des maladies pestilentielles(1595) de l'humaniste Marsilio Ficino. Le chirur-gien Joseph Du Chesne (dit Quercetanus, 1545-1609) traduisit d'un anonyme néo-latin le Traité dela cure générale et particulière des arebusades. Avecl'antidotaire spagirique pour préparer et composer les médi-caments (1576).

Les traducteurs s'intéressèrent aussi à plu-sieurs auteurs néo-latins allemands. C'est JeanChéradame (P-1543), médecin à Paris, qui sechargea de l'opuscule sur le gaïac d'Ulrich vonHütten, dont il fit L'Expérience et approbation... tou-chant la médecine du bois dit guaiacum (1520) un anseulement après la publication de l'original. Lesouvrages du médecin et botaniste LeonhartFuchs, professeur à l'université de Tübingen,tentèrent plusieurs traducteurs: son Historia stir-pium (1542), qui décrit une centaine de plantesmédicinales, passa par les mains de Guillaume

Guéroult (1507-1564) en 1548 (Histoire des plantes,mise en commentaire par LJonard Fuchs, médecin), deHervé Payard la même année (partielle, jointe à satraduction de Galien), d'Eloi de Maignan en 1549(Commentaires très excellents de l'histoire des plantescomposés premièrement en latin par h. Fousch, traduits enlangue française par un homme savant en 1a matière), deJean Belon en 1549 encore (Histoire des plantes deM. L Fuchs, avec les noms grecs, latins et français), deGeoffroy Linocier (P-1620) en 1584. Deux ver-sions du Dispensatorium, sive pharmacorum confuiendo-rum ratio du botaniste Valerius Eberwein (ditCordus) parurent à quelques années d'intervalle,l'une appelée Le Guidon des apoticaires, c'est-à-dire lavraie forme et manière de composer les médicaments(1572) par Pierre Coudemberg, médecin-apothicaire à Anvers et créateur du jardin botani-que de cette ville en 1548,1 l'autre par AndréCaillé, déjà cité, également intitulée Le Guidon desapoticaires en 1578. De Suisse vinrent des oeuvresde Theophrastus von Hohenheim (dit Paracelse)et de Conrad von Gesner (dit Evonymus Philia-tros). De ce dernier, le Thesaurus de remediis secretis(1552) fut traduit, pour la premiere partie, parl'érudit Barthélémy Aneau (P-1561) sous le titre'Trésor de Evonyme Philiatre de remèdes secrets (1555),pour la seconde par le docteur-régent de la Fa-culté de médecine de Paris Sean Iiébault (1534-1596), sous le titre Quatre livres des Secrets et de laphilosophie chimique (1573); une traduction par-tielle parut encore dans Y Histoire des plantes (1584)de Linocier. Paracelse trouva des interprètes enJean Boiron, marchand lyonnais, pour son Traitédu vitriol (1580) et en Lazare Boet pour son Traitédes vertus et propriétés merveilleuses des vers, serpens, arai-gnes, crapaux et cancres (1593).

Dans le même temps, d'autres traducteurs sepenchaient sur des originaux écrits en langue vul-gaire. Du néerlandais, Charles de l'Escluse tradui-sit le Cruydeboeck (1554) du médecin et botanisteflamand Rembert Dodoens sous le titre Histoiredes plantes, en laquelle est contenue la description entièredes herbes... qui viennent en usage en médecine (1557); duportugais, il donna l'Histoire des drogues, espiceries etcertains médicaments simples qui naissent es Indes et en

1 Celui de Paris ne fut créé qu'en 1576 par NicolasHouel.

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Amérique traduite des Coloquios dos simples de Gar-cia de Orta, qu'il avait précédemment déjà mis enlatin. Le Kreutter Buch du médecin et botaniste al-lemand Jérôme Bock devint le Nouvel herbier desplantes qui croissent en Allemagne dès 1559. Du mé-decin et botaniste espagnol Nicolas Monardes pa-rurent l'Histoire des simples médicaments nouvellementapportés des terres neuves, et, par les soins de l'éruditparisien Jacques Gohorry (1520-1576), le Brieftraité de la racine de mechoucan venue d'Espagne nouvelle(1572). De l'italien, Claude Rocard transposa LesCaprices de M. Léonard Fioravanti touchant la médecinesqui sont plusieurs et diverses médecines (1586) du mé-decin bolognais Leorardo Fioravanti, l'inventeurdu baume contre les rhumatismes qui porte sonnom.

Une activité de traduction similaire existaitdans les autre pays. En Italie, la matière médicalede Dioscoride fut traduite pour la première foissous le titre Dioscoride fatto di greco in italiano (1542)par da Longiano, de son vrai nom Fausto Sebas-tiano (1502-?) et retraduit ensuite par Mattioli, quititra Di Vedado Dioscoride Anasprbeo Ubri Cinque.Delia historia et materia medi anale tradotti in lingua vol-gare (1544), puis encore par Marcantonio Monti-giani, médecin à San Gimignano, qui l'appelaDioscoride Ana^arbeo délia materia medidnale tradottoin lingua florentina (1547). En Espagne, c'est An-drés Laguna (1499-1560), médecin du pape JulesIII, qui se chargea de la première traduction dePedacio Dioscorides Ana^arbeo. Acerca de la materiamedicinal. Traducido de lengua griega en la vulgar castel-lana (1555) et le médecin et philosophe Juan Jara-va publia une Historia de las yervos y plantas (1557)traduite de ^Historia stirpium de Leonhart Fuchs.En Grande Bretagne, Thomas Paynell traduisit en1533 le De guaiaá mediana d'Ulrich von Hütten;dans son Castel of Health (1539), le médecin et di-plomate Thomas Elyot (1490-1546) inséra unetraduction des prescriptions et remèdes de Galienet d'autres médecins de l'Antiquité; en 1577, JohnFrampton fit paraître Joyfull Newes out of the NeweFounds Worlde, traduit de la Historia medidnal de lascosas que se traen de nuestras Indias ocddentales de Ni-colas Monardes; Henry Lyte se servit de la ver-sion française de l'Escluse pour mettre en anglaisle Cruydeboeck de Dodonée, qu'il intitula A NieweHerball or Historie of Plantes by the learned K Rembert

Dodoens ard nowe first translated out of French into En-glish (1578). En Allemagne, l'humaniste ThomasMurner (1475-1537) traduisit le livre de son com-patriote Ulrich von Hütten en l'intitulant Von derwunderbaren Arznei des Hol^ Guaiacum genannt; dès1532-37, YHerbarum vivae eicones (1530-36) du mé-decin Otto Brunfels fut mis en allemand sous letitre Contrafeyt Kreiiterbuch in Teutscher Sprach;{'Historia stirpium (1542) de Fuchs connut le mêmesort des 1543 et la première version allemande dela Materia medica de Dioscoride parut en 1546.Aux Pays-Bas, une traduction flamande, la toutepremière de Dioscoride dans une langue vulgaire,avait vu le jour en 1520.

Du point de vue linguistique, la Renaissancedut composer entre son désir de cultiver les lan-gues anciennes et la nécessité d'utiliser les languesvulgaires voulue par la naissance des nationalis-mes. Cette confrontation permanente a engendréles premières entreprises lexicographiques, ycompris dans le domaine pharmaceutique. An-drea Alpaga annexa un glossaire arabe-latin à satraduction du Canon d'Avicenne; Charles del'Escluse, dans sa version de l'Histoire des plantes,ajouta le français au lexique latin-néerlandais ori-ginal du Cruydeboeck de Dodonée; en Allemagne,Lorenz Fries (dit Phrisius) publia des Synonymaund gerecht Usslegung der Wörter son man in derArt^ny— allen Krutern, Wurden, Blummen, Somen, Gesteinen,Saßen und anderen Dingen — %um schreiben ist(1519), latin-hébreu-arabe-grec et "mancherleiTütschen Zungen" (maint dialecte allemand).

7. SE TRIOMPHE DES MODERNES

A l'admiration outrancière de la Renaissancepour les Anciens succédèrent des siècles de réac-tion qui marquèrent la religion, la politique et lascience. L'Antiquité n'intéresserait plus que dansla mesure où elle pouvait servir les aspirationsnationalistes. De nations devinrent protestantesde religion, républicaines de gouvernement. Lascience devint rationaliste et des académies scien-tifiques firent leur apparition un peu partout.Partout se développa l'idée de progrès, le méprisde la tradition, la confiance de l'individu en soi-même. Les Modernes sortirent vainqueurs duXVIIe siècle.

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Pour la pharmacie, ce XVIIe siècle constituaune étape de transition. Embarrassée encore parde nombreuses données empiriques, elle demeurastationnaire pendant toute la période, même si lathérapeutique alla puiser dans la science chimiquedes éléments nouveaux. Se médecin et chimistebelge Jean-Baptiste Van Helmont, disciple de Pa-racelse, fut le premier à utiliser le terme chimiquega% dans son ouvrage Ortus meditinae (1648). Lespartisans du latin étaient encore nombreux parmiles érudits et les savants. C'est d'ailleurs dans cettelangue que parut la première revue médicale, Mis-cellanea Curiosa Medico-Pbysica (Allemagne, 1670).

Même la traduction médico-pharmaceutiquese servait toujours du latin. C'est ainsi que FortunPlemp (dit Plempius), à Louvain, intitula sa versionde la partie du Canon d'Avicenne relative aux dro-gues simples Clarissima... Ibn Tsina... canon medici-nae, interprete et scholiaste Vopisco Fortunato Plempio(1658); c'est en latin aussi que l'orientaliste fran-çais Antoine Galland (1646-1715) traduisit le Ki-tab al-Diami, traité de pharmacosgnosie d'Ibn al-Baitar. A l'inverse, des oeuvres néo-latines étaientmises en langue vulgaire, telle YHistoria generalisplantarum du médecin lyonnais Jacques Da-lechamps, traduite en français par l'interprète deDioscoride Jean Des Moulins; tel encore le Ser-ment des apothicaires (1608) qu'aurait composé envers latins Jean de Renou, médecin du roi HenriIII, et que mit en français le médecin lyonnaisLouis de Serres en 1624.

S'il se trouvait encore des hellénistes pour tra-duire la matière médicale de Dioscoride en anglais— car, étrangement le traite ne fut pas mis danscette langue avant la moitié du XVIIe siècle c'esttoutefois vers les langues latines que les traduc-teurs se tournèrent de plus en plus, tel AntoineColin qui intitula Traité des drogues et des médicamentsqui naissent aux Indes (1619) la version qu'il donnadu Tratado de las drogas y medianas de las Indias orien-tales, con sus plantas (1578) du médecin et natura-liste Cristofor a Costa.

Dans un XVIIIe siècle où la vie intellectuelleétait régentée par les philosophes, où la philoso-phie dominante était celle de la raison, où seule lamarche du progrès basé sur la science importait,revirement complet s'effectua dans les usagesmédico-pharmaceutiques. Linné {Fundamenta botá-

nica) jetait les bases du système de classificationdes plantes; Lavoisier, Priestley et Scheele établis-saient la nomenclature chimique; en Allemagne,Samuel Hahneman inventait l'homéopathie. Lesconditions indispensables au véritable progrèsscientifique étant réunies, l'art médico-pharmaceutique se libéra définitivement du dog-matisme galénique, de l'alchimie, de l'empirismefantaisiste qui avait encore maintenu l'emploi mé-rapeutique des pierres tout au long du siècle pré-cédent. Les traducteurs commencèrent à se pen-cher sur des ouvrages contemporains, tel Hah-nemann (1755-1843), qui mit en allemand laPharmacology de Monroe et la Materia medica de W.MacCullen. Cela n'empêcha pas l'orientalisteAbraham Anquetil-Duperron (1731-1805) des'intéresser au 7.end A.vesta, dont il avait retrouvéun exemplaire complet en 1758, et d'en donner lapremière version complète établie sur l'originalzend en 1771. Une autre découverte importantepour l'Occident fut le Pen-ts'ao kang mou (Traité dematière médicale) de I i Che-tchen (1518-1593),médecin sous les Ming, dont une traduction par-tielle fut publiée en 1731 par le jésuite françaisJean-Baptiste du Halde (1574-1743).

Amorcée à la Renaissance, la compilation dedictionnaires s'est poursuivie et la pharlmacogno-sie se retrouve dans des ouvrages comme le Dic-tionnaire des plantes médicinales (1783-89) latin-russe-grec-francais-allemad-anglais du Russe N. Mak-simovitch ou Vylllgemeines Polytglotten-Ljexikon derNaturgeschichte (1793-98) allemand-néerlandais-danois-suédois-anglais-français-italien-espagnol-portugais de l'Allemand Ph. Nemnich.

8. AU SEUIL DES TEMPS NOUVEAUX

La pharmacologie du XIXe siècle, entièrementbouleversée par les acquisitions incessantes dessciences chimiques, vit s'accomplir en quelquesannées un véritable miracle dans le domaine dumédicament. Des pharmaciens —Davy, Kla-proth, Berzelius— n'hésitèrent pas à contribuer àla construction de l'édifice chimique. Ses recher-ches analytiques et l'étude des constituants chi-miques des plantes se développèrent rapidement.La chimie organique prit son essor vers 1830,entraînant le remplacement de la plupart des dro-

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gués végétales par leurs principes actifs et la créa-tion de composés organiques doués de propriétésmédicamenteuses. L'importance prise par lapharmacie put se mesurer à l'organisation despremiers congrès internationaux: Brunswick en1865, Paris en 1867, Vienne en 1869, Saint-Pétersbourg en 1874, Londres en 1881, Bruxellesen 1885. En France, la dénominationd'apothicaire, devenue péjorative, fut abandonnéeen faveur de celle de pharmacien.

L'avènement de la chimie pharmaceutiquen'effaça toutefois pas l'intérêt pour les pharma-cologies d'antan, que des découvertes récentesvinrent d'ailleurs raviver. Ainsi le papyrus Ebers,grand classique de la pharmacologie égyptienne,révélé en 1873 par l'égyptologue allemand GeorgEbers et édité par lui en 1875, fut-il traduit parJoachim sous le titre Papjrvs Ebers. Das älteste Buchüber Heilkunde (1890). Le Zend Avesta, découvertau siècle précédent par Anquetil-Du Perron, fitl'objet de plusieurs versions nouvelles en françaispar l'orientaliste Eugène Burnouf (1801-1852)sous le titre Avesta (1829-33), par l'orientalistebelge Charles de Harlez (1832-1899) sous le titreAvesta (1875-78) et par l'orientaliste James Dar-mesteter (1849-1894) sous le titre Le Zend Avesta,traduction nouvelle avec commentaire historique et philolo-gique (1892-93); en allemand, par l'orientalisteFriedrich von Spiegel (1820-1905) d'aprèsl'ancienne version pahlvie de l'époque sassanide,soue le titre Zend-Avesta (1852-63) et parl'indianiste Karl Geldner (1852-1929) sous le titreAvesta. Die heiligen Bücher der Parsen (1886-95); enanglais, par Geldner encore, sous le titre Avesta.The Sacred Books of the Parsi (1886-96). Le manus-crit de médecine indienne (ca. 400) découvert àKoutcha, dans le Turkestan chinois par le lieute-nant britannique A. Bower et contenant plusieurschapitres de recettes diverses (antiseptiques,aphrodisiaques, pommades oculaires, etc.) fut misen allemand par l'orientaliste August Hoernle(1841-1918). Le Pen-ts'ao kang mou, venu à la con-naissance de l'Occident au XVIIIe siècle, trouvade nouveaux interprètes en P. Dabry de Thiersant—traduction de la matière médicale végétale poursa Médecine chez les Chinois (1863)— en A. J. C.Geerts (1843-1883) —traduction partielle pourson ouvrages Les Mély (1851-1935)— traduction

de la matière médicale minérale dans son Lapidairechinois (1898) —pour le français, ainsi qu'en F.Porter Smith et E. Bretschneider pour une ver-sion partielle anglaise (1894). En 1873, le bota-niste français Paul Savatier traduisit les livresKwa-wi de la botanique japonaise avec l'aide deM. Saba.

Parmi les ouvrages de l'Antiquité gréco-romaine, le Corpus hippocraticum connut une nou-velle jeunesse sous la plume du médecin et phi-lologue Emile Iittré (1801-1881), qui publia sesOeuvres complètes d'Hippocrate de 1839 à 1853; enGrande-Bretagne, F. Adams retraduisit The SevenBooks of Paulus Aeginata (1844-47); le De re medicade Celse subit le même sort des mains du méde-cin français Félix Savart (1791-1841).

La pharmacologie persane et arabe égalementattirait toujours les traducteurs. Se Chah-name dupoète persan Firdousi (940-1020), influencé parY Avesta et dans lequel le "parmacologue" est,parmi les médecins, "celui qui soigne par lesplantes" fut mis en français (Le livre des rois, 1838-55) par l'orientaliste allemand naturalisé Juliusvon Mohl (1800-1876) et en allemand (Firdosi'sKönigsbuch (Schah-nane),1890) par l'orientalisteFriedrich Rückert (1788-1866). Le Kitab al-Abnija(ca. 970) d'Abu Mansur Muwaffaq, qui compteparmi les documents les plus anciens en néo-perse, devint en allemand Die pharmakologischeGrundsätze des Abu Mansur Muivaffaq bin Ali Harawi(1893) par les sois d'A. C. Achundow. Josephvon Sontheimer traduisit Avicenne dans Zusam-mengesetzte Heilmittel der Araber. Nach dem 5. Buchdes Canons von Ebn Sina (1845), après avoir donnédéjà le Kitab al-Djami d'Ibn al-Baitar, qu'il intitulaGrosse Zusammenstellung über die Kräfte der bekannteneinfachen Heil- und Nahrungsmittel (1840-42). Quel-ques années auparavant, ce même traité de phar-macognosie avait bénéficié d'une version partielleen latin de Friedrich Dietz, Eleuchus materiae medi-cae Ibn Beitharis Malacensis (Leipzig, 1833). Il futaussi mis en français sous le titre Traité des simplesd'Ibn el-Beithar (1877, 1881, 1883) par Lucien Le-clerc, auquel on doit en outre le Traité de matièremédicale arabe d'Abd er-Re^aq lAlgérien (1874), mé-decin du XVIIIe s. Le Kitab as-Sumum de Maimo-nide devint en français, traduit via la version hé-braïque par Michel Rabbinowicz, le Traité des poi-

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sons (1865) et, en allemand traduit également del'hébreu par Moritz Steinschneider, Gifte und ihreHeilung, eine Abhandlung des Moses Maimonides aufBefehl des aegyptischen Wesirs verfasst (1873).

La lexicographie pharmaceutique s'étoffa da-vantage avec le Dictionnaire pour pharmacies et drogue-ries (1843) russe-allemand-latin de H. A. Jenken,le Dictionnaire botanique (pour botanistes, médecins etpharmaciens) (1878) latin-russe-allemand-français-anglais de N. Annenkov, le Dictionnaire des termescourants de pharmaàe (1882) latin-russe-ukrainien-allemand-français de K. Kruze, le Lexicon synony-morurn pharmaceuticorum (1888) latin-polonais-russe-allemand-français-anglais de W. Wioro-gorski, etc.

9. SE SIÈCLE D'OR DE LA PHARMACIE?

Certains spécialistes n'ont pas hésité à écrireque le XXe siècle peut être considéré comme lesiècle d'or de la pharmacie. Il a vu la synthèsechimique s'organiser et s'industrialiser, donnantnaissance à quantité de médicaments synthéti-ques. Les théories nouvelles de la biochimie vé-gétale ont suseité de nombreux travaux de phyto-chimie. La découverte des sécrétions internes arelancé l'intérêt pour la zoothérapie. La mécani-sation a permis d'inonder le marché de formespharmaceutiques nouvelles. On imagine aisémentque, dans un tel climat de progrès, la littératurepharmaceutique a pris des proportions impres-sionnantes, entraînant à sa suite une activité detraduction non moins considérable. A un pointtel qu'il serait vain, sans doute, de vouloir donnerune idée de sa diversité autrement que par le biaisde quelques exemples, tels éléments de matière médi-cale et de thérapeutique traduits au début du siècle duneurologiste allemand Hermann Nothnagel, TheVitamin Hunters (1962) traduit par H. F. Bernaysde l'Allemand Albert Haller, Drugs Pollution (1974)traduit par O. Ordish du Hollandais W. J.Hausch, Pharmacology of Hormones (1975) traduitpar M. Abileah de l'Allemand M. Tansk, etc.

Une autre bonne mesure est fournie parl'expansion de la lexicographie pharmaceutique,tant monolingue que multilingue, qui n'a cessé des'amplifier jusqu'à nos jours: Dictionnaire des termespharmaceutiques (1903) latin-russe-allemand-

français d'A. G. Klinge, Dictionnaire botanique destermes pharmaceutiques (1909) latin-russe-polonais-allemand-français-anglais d'A. Snapir, Poliglotavade-mecum de internada farmacia (1911) espéranto-anglais-français-allemand-espagnol-italien-néerlandais-russe -suédois de C. Rousseau, Voca-bularium pharmaceuticum (1924) allemand-anglais-français-italien d'A. Graa, Pharmazeutisch-chemischesFremdwörterbuch (1927) de H. Apel, Dictionnaire desplantes médicinales les plus actives et les plus usuelles etleurs applications thérapeutiques (1935) unilingue fran-çais de P. P. Botan, Medical Drugs Terminology(1947) chinois-latin-allemand-anglais-français-japonais de H. Hua, Phar- ma^eutische Terminologie(1947) unilingue allemand d'O. Zekert, Pharma-zeutisches Wörterbuch (1950) unilingue allemand deC. Hunnius Diccionario alemán-español de terminologíaquímica, farmacéutica y bioquímica (1955) de J. Cha-bas-López, A Distionary of Practical Materia Medica(1955) unilingue anglais de J. H. Clarke, A Dictio-nary of Terms in Pharmacognosy (1955) unilingue an-glais de G. M. Hocking, Drug Guide of BotanicalDrugs and Spices Throughout the World (1959) an-glais-français-allemand d'E. F. Steinmietz, Diction-naire en sept langues à l'usage du pharmacien pratiquant(1963) allemand-français-anglais-italien-espagnol-grec-russe d'E. Steinbichler, Apotheker-lexikon(1966) unilingue allemand de S. Hahnemann,Dictionary of Pharmaceutical Science and Techniques.1 .Pharmaceutical Technology (1968) 2. Materia Medica(1980) anglais-français-italien-espagnol-allemand-latin d'A. Sliosberg, etc.

On aura remarqué que plusieurs des ouvragescités comportent encore le latin. Il en est un autrequi s'est même intéressé à la matière médicaleégyptienne, le Wörterbuch der ägyptisthen Drogenna-men (1959) de H. von Deines et H. Grapow. C'estque les traducteurs, en dépit des multiples orien-tations nouvelles qui les sollicitent, restent malgrétout attirés par l'art pharmaceutique des civilisa-tions antérieures. En Angleterre, P. Ebbell traduitThe Papyrus Ebers (1937); en Allemagne, W. Wre-zinski publie la traduction de deux recueils re re-mèdes et recettes, le premier du règne deThoutmosis III (dit paryrus Hearst, découvert en1899), le second du règne de Toutankhamon (ditpapyrus de Londres), sous le titre Der Londenermedizinischer Papyrus und der Papyrus Hearst (1912).

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En 1905, l'indianiste américain Charles Lanman(1850-1941) met en anglais le chapitre sur les to-niques (Hasayana) de YAtharva-Véda et K.Bhishagratna fait de même pour la Susruta-Samhitâ (1907-16). Une nouvelle version alle-mande du Zend Avesta. Die heiligen Bücher der Parsen(1910) paraît sous la signature de F. Wolff. Demême, le Chah-name de Firdousi trouve un nou-vel interprète en H. Kanus-Credé, qui publie Fir-dausi. Das Königsbuch (1967).

Quelques Grecs et Romains connaissent lamême fortune: la Theriaka et l'Alexipharmaka deNicandre sont mises en anglais par A. S. Gow etA. F. Scholfield; la matière médicale de Diosco-ride devient en allemand Pedíanos Dioskurides ausAnazprbos Arzneimittellehre in fünf Büchern (1902)par les soins de J. Berendes et, en anglais, TheGreek Herball of Dioscorides (1934) par ceux de R.T. Günther; le De re medica de Celse subit le mêmesort, une version allemande de Th. Meyer-Steinegen 1912 et une anglaise de W. G. Spencer de 1935à 1938; deux nouvelles versions françaises parais-sent de l'Histoire naturelle de Pline, l'une du lati-niste Jacques André (1910-), l'autre du latinisteAlfred Ernout (1879-1973) de 1947 à 1955.

La pharmacologie arabe n'est pas moins fré-quentée. Les chapitres sur les drogues du KitabFirdaus (Paradis de la sagesse) de Rabban at-Tabari (810-855) sont traduits par Alfred Siggelsous le titre Die indischen Bücher aus dem Paradies derWeisheit (1951). Siggel est aussi l'auteur d'une ver-sion du Kitab as-Sumum (Livre des poisons) deGabir ibn Haiyan intitulée Das Buch der Gifle desGabir ibn Hayyan. Arabischer Text in Faksimile, über-setzt und erläutert (1958). En Allemagne encore,Karl Garbers publie du Kitab Kimiya d'al-Kindi (?-870) la traduction Buch über die Chemie des Parfümsund die Destillationen von Yaqub b. Ishaq al-Kindi. EinBeitrag t^ur Geschichte der arabischen Parfümchemie undDrogenkunde aus dem 9. Jahrh. (1948). Al-Kindi estaussi traduit par l'arabisant anglais Martin Levey,qui en donne The Medical Formulary or Aqrabadhinof al-Kindi, translated with a study of its materia medica(1966) et qui signe la même année The Book of Poi-sons of Ibn Wahshija and its Relation to Indian andGreek Texts (1966) traduit du Kitab as-Sumumd'Ibn Wahsiya, lequel l'aurait lui-même dicté enarabe à Ali as Zayyat à partir d'un original en na-

batéen. La version syriaque abrégée que Barhe-braeus a donnée au XIIIe s. du Kitab al-Adwiya(Livre des drogues simples) du médecin cordouanAhmad al-Ghafiqi (XIIe s.) est mise en anglais parMax Meyerhof et G. P. Sobhy sous le titre TheAbridged Version of the Book of Simple Drugs of Ah-mad ibn Muhammad al-Ghafiqi by Gregorius abu l-Farag (Barhebraeus) (1932-38) avec un lexique grec-latin-turc-persan-anglais- français-allemand. Meye-rhof, orientaliste d'origine allemande, traduit aussien français le Kitab Sahr de Maimonide, qui de-vient l'Explication des noms de drogues. Un glossaire deMatière médicale composé par Maimonide, texte publiépour la première fois d'après le manuscrit unique, avec-commentaire et index (1940). Le Kitab at-Tasrifd'Abulcasis trouve des interprètes en S. K. Ha-marneh et G. Sonnedecker, qui publient con-jointement A Pharmaceutical View of Abulcasis al-Zahrawi in Moorish Spain (1963). L'antidotaire dumédecin cairiote Ibn abi 1-Bayan (1161-1240) estmis en français par Chr. Aviednos et P. Sbath eterronément attribué à Ibn Kaysan par l'intituléPrécis sur les médicaments employés dans la plupart desmaladies par Sabían ibn Kaysan (1953); Otto Spiesen donne une traduction partielle allemande en1962. En Allemagne encore, Albert Dietrich signeEin Arzneimittelverzeichnis des Abdul al-Latif ibnYusuf al-Bagdadi (1967) traduit du traité de phar-macologie d'Abd al-Latif (1162-1231), médecin etphilosophe à Bagdad.

Signalons pour terminer deux traductions duchinois: celle du Tchou-fan-tche, traité de matièremédicale exotique composé au XIIe s. par TchaoJou-koua, due à la collaboration des BritanniquesHirth et Rockhill en 1911, et celle du Kiu-Lou(Traité de l'orange, 1178) de Han Yen-che, le plusancien traité scientifique connu concernant lesvariétés de citrus, le seul de l'époque Song qui aitété traduit dans une langue occidentale (1923).

Comme son titre l'indique, ce survol de la tra-duction pharmaceutique au cours des âges n'avaitd'autre prétention que d'apporter sa modestecontribution à une facette particulière de l'histoirede la traduction. Il serait donc aisé de lui repro-

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cher son caractère fragmentaire. C'est le reproche bien donner aux esprits critiques le prétexte àhabituel adressé aux téméraires qui se lancent faire mieux,dans l'exploration de terres vierges. Mais il faut

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