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Sommaire : Assemblée Générale du 16 novembre 2002 2 Assurance-annulation 5 Gisèle nous a quittés 6 La vie du langage… 7 LES ÉCOLIERS A L’ÉTOILE 8 Ultima verba 9 Souvenirs… 11 Théâtre 12 Le quatuor 13 La complainte de l’uro 14 Ajisme et culture 15 Un petit tour à la campagne 16 Comment l’esprit et la connaissance viennent aux gosses… 16 « Notre Amitié » n°94 Bulletin Anaaj Région Parisienne décembre 2002 page 1/17

Notre Amitié n°94 décembre 2002

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Journal trimestriel des anciens et amis des auberges de jeunesse de la Région parisienne. Reflète la vie de l'association, mais apporte aussi des témoignages sur les mouvements ajistes, et l'histoire des auberges de jeunesse en France et dans le monde, hier et aujourd'hui.

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Sommaire :

Assemblée Générale du 16 novembre 2002" 2

Assurance-annulation" 5

Gisèle nous a quittés " 6

La vie du langage…" 7

LES ÉCOLIERS A L’ÉTOILE" 8

Ultima verba" 9

Souvenirs… " 11

Théâtre " 12

Le quatuor" 13

La complainte de l’€uro" 14

Ajisme et culture " 15

Un petit tour à la campagne " 16

Comment l’esprit et la connaissance viennent aux gosses…" 16

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Assemblée Générale du 16 novembre 2002Nous étions 109 présents dans la salle,

109 au repas amical qui nous réunit au restaurant de l’AJ d’Artagnan,

171 votants si l’on compte les pouvoirs.

Rapport moral

Nous étions

220 en l’an 2000 230 en 2001 237 en 2002

Vous pouvez remarquer que nous progressons réguliè-rement et nous en sommes heureux. Cela ne compense pas malheureusement les camarades disparus. Cette année encore l’AnaAJ a été très éprouvée, de bons copains nous ont quittés bien trop tôt :Renée Allaiton, Paul Ducroux, Robert Cloche, Gisèle de La Villéon, Edgar Aixala, Jeanine Gousseau. Ayons une pensée émue pour eux.

Le CD s’est réuni huit fois, les réunions de mars, mai et juillet ayant été supprimées, mars et mai étant les mois les plus chargés de l’année en activités et, en juillet, beaucoup sont déjà partis en vacances. Je vous rappelle que les réunions du CD sont ouvertes à tous et que les dates du CD sont publiées dans Le Remue-AnaAJ.

La commission des fêtes s’est réunie plusieurs fois et a travaillé avec ardeur pour trouver des idées nouvelles pour intéresser les copains parfois quelque peu apathiques mais la tâche commence à être lourde. C’est toujours le même petit groupe de camarades qui s’investit et il nous faut déployer des trésors d’imagination. Ceux qui veulent nous aider seront les bienvenus.

Je passe maintenant au Remue-AnaAJ annuel :

Les randonnées : 17 randonnées pures. Longueur moyenne : 13,5 km. Deux randonnées secondaires (Vincienne et Gut) qui ont réuni 30 participants chaque fois. Les randonnées pures ont réuni environ 14 participants. Toujours le même cri de détresse : Il faudrait plus de « meneurs » pour remplacer les handicapés. Raymonde espère se reprogrammer. Projos : 9 séances, environ 303 participants, à peu près une trentaine à chaque réunion. Activité bien suivie dans l’ensemble. Sorties du lundi : toujours conduites par Mme Marteau. Une douzaine de personnes sont fidèles à cette activité. Les visites sont variées et intéressantes. Eliane demande que l’on s’inscrive en cas de changement de programme. Théâtre : On dit que les années se suivent et se ressemblent. Pour notre activité, c’est le contraire : 22 propositions contre 25 l’an dernier et 238 places contre 330 l’année dernière. Jeannette vous en fera l’analyse tout à l’heure dans son rapport et rappellera les changements intervenus dans la manière de gérer cette activité. Center Parc, 21 au 25 janvier : 23 copains se sont retrouvé à Center Parc, en Sologne et profité des jeux d’eau du centre. Logés dans trois chalets contigus, nous avons réussi à prendre nos repas tous ensemble dans l’un d’eux grâce à la participation de tous, avec bonne humeur. Bonne activité, appréciée de tous. Les Promenades dans Paris réunissent chaque mois 12 à 28 camarades qui découvrent ainsi le GR parisien Collines et villages de France. Le 1er mai, une trentaine de copains se sont retrouvés devant le Cirque d’Hiver pour la manif. Ils se sont joints au cortège sous une banderole au nom de l’AnaAJ.

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Sortie à Provins, le dimanche 3 mars : 39 participants par une splendide journée pour une visite des souterrains et du musée et une promenade sur les remparts. Très intéressant. Ski, raquettes, balades, du 2 au 9 mars à Longeville-au-Mont-d’Or. 27 participants. Responsable Gigi D’Hoop aidée de Griffette. Centre de ski très agréable. Bonne ambiance, bonne nourriture, moniteurs compétents. Conférence Robineau, 19 mars. Le tour du monde en huit ans (l’Inde, le japon, la Bolivie, l’Australie…) 40 participants. Projection très intéressante, magnifiques photos. Discussion avec l’auteur du film. Déficit financier prévu. Fête de l’AnaAJ, 25 et 26 mars, comme l’an dernier au château de Bierville. 59 inscrits mais 10 annulations de dernière minute. Ensemble réussi. Beaux costumes. Bonnes prestations : sketches, chants, histoires, poèmes de Bébé Mercier. Le thème « Une veillée récréative » fut bien suivi. La commission des fêtes a sollicité un sondage auprès des camarades, résultat : une forte volonté de continuer la fête sur deux jours. La Corse, du 5 au 19 avril. 16 participants. Séjour organisé à Calvi par Denise Le Gall et Guy Brenier. C’est la Corse du nord, magnifique pays. Denise a fait visiter tout ce qui était à voir, plein de belles choses où le pays regorge de fleurs. Hélas, le séjour n’a pas toujours été ensoleillé.Sudel, 27 avril. 64 participants, très bonne ambiance. Le buffet était parfait. Nous maîtrisons les quantités : copieux mais sans gâchis. Pas suffisamment de gâteaux. Nos artistes peintres ont exposé leurs œuvres pour la remise du Pinceau d’Or. Annecy, 6 au 13 mai. 30 participants à l’Auberge de Jeunesse avec le groupe « Rhône-Alpes ». Découverte de la région en car avec de nombreuses visites et randonnées. Daniel Bret a animé nos soirées avec des chants et des diapos. Vosges, 25 au 31 mai. 16 participants. Bons gîtes, bons repas souvent régionaux. Bonne organisation avec en moyenne 5 heures de randonnée. Deux gîtes : Auberge de Jeunesse de Xonrupt puis la maison du club alpin Balades sur les crêtes. Beau temps au pied du Honeck. Réunion des organisateurs, le 3 juin, avant le CD. Au cours de cette réunion sont proposés les voyages, séjours et sorties pour 2003. Rassemblement de printemps, 13 juin. Il s’est tenu comme l’an dernier à Champigny-sur-Marne. 64 participants. Le repas fut meilleur que l’an passé à un prix correct. Balade pour les uns le long de la Marne sur l’agréable voie piétonnière, bavardages et retrouvailles pour d’autres. Bonne journée. Pays basque, du 17 au 24 juin. 38 copains à Anglet. Centre agréable, belle maison familiale. Nourriture variée et abondante. Balades en car : Biarritz, Saint-Jean-de-Luz et la côte espagnole. Visite des alentours : petit train de la Rhune. Beaux villages fleuris, magnifiques hortensias : Cambo, Ascain, St-Jean-Pied-de-Port, Espelette. Agréables soirées folkloriques, beau souvenir, superbe région que les randonneurs ont appréciée. Forez, du 24 août au 2 septembre, 13 participants. Très réussi. Belle région, surtout de magnifiques forêts, des champignons à foison. Bonne ambiance. Cinq gîtes, tous impeccables. Troyes, 12 septembre. Une journée dans la ville avec un guide. Belles maisons à colombages parfaitement restaurées. Repas au restaurant. Semaine vélos, du 7 au 14 septembre. La semaine s’est bien passée dans une bonne ambiance. 10 personnes dans un gîte, près du lac de la Forêt d’Orient, dans la forêt d’Orient. 40 km par jour. La forme est satisfaisante. Stage de dessin, 16 au 24 septembre. A Armeau, dans une maison familiale de la vallée de l’Yonne. Malheureusement, nous avons dû travailler sans professeur, Nelly étant absente pour des raisons de santé. L’ambiance était bonne et les soirées furent animées par deux jeunes attachés à la maison. Les œuvres ou chefs-d’œuvre seront exposés à Sudel. Rando à Montaigu (Vendée), 28 septembre au 5 octobre. 34 participants. Mi visites mi randonnées. Très apprécié par un très beau temps. Visites intéressantes : Montaigu, la Digue, Clisson. Beaucoup de « chouanneries ». Bruxelles, 17 au 20 octobre. Visites organisées par Jacqueline Marty et Paulette Aixala. 22 participants. Visite de la ville (art nouveau et musées), très intéressant. Musée des instruments de musique, remarquable. Hébergement à l’Auberge de Jeunesse.

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Journée des Ecrivains, jeudi 24 octobre. Responsable : Jeannette Skapowski. En 2001, on avait visité la datcha de Tourgueniev, aujourd’hui ce sont les demeures de Zola et de Maeterlinck, à Médan. Visite appréciée par 33 copains. C’est donc avec confiance que nous vous proposerons pour 2003 la maison d’Aragon et d’Elsa Triolet à Saint-Arnoult-en-Yvelines. Il n’y a pas eu de visites commentées comme l’an dernier. Guy Brenier en avait prévu deux qui ont été annulées en raison du plan « Vigie-Pirate ».

Je ne voudrais pas terminer mon rapport moral sans parler du bulletin, qui est bien construit, lisible. Nous participons à la mise sous pli depuis deux ans déjà, réunion très conviviale. Nous avons rédigé et diffusé 212 pages de Notre Amitié et son sup-plément Le Remue-AnaAJ. La diffusion est de 228 exemplaires par numéro. Par ailleurs, 26 pages de comptes rendus de CD ont été adressées à tous ses membres.

A part toutes ces nombreuses activités de notre groupe, certains participent aussi aux sorties des groupes de province : Rassemblement des copains de Loire-Atlantique en principe lors du week-end de la Pentecôte et celui des copains du Sud-Ouest les 8, 9 et 10 septembre.

Je ne voudrais pas terminer mon rapport moral sans rappeler combien tous ceux qui organisent nos voyages et sorties ont besoin d’être soutenus. Aidez-les dans la mesure de vos moyens en leur facilitant la tâche en toutes occasions. Remercions les chaleureusement pour leur travail et leur dévouement.

Merci encore de me faire confiance. La Présidente, Janine Cuesta.

Le bureau du nouveau CD est ainsi constitué :

Présidente : Janine CUESTAVice-présidente : Catherine BERNARDVice-président : Léon ESTROUMSASecrétaire : Denise SEYTORSecrétaire adjointe : Huguette ANDREOLETTITrésorière : Liliane FILIATRETrésorière adjointe : Jeanine NEVOUX

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Assurance-annulationappliquée aux activités AnaAJ

(organisation interne)Un petit rappel du système interne que nous avons institué, système basé (comme toute assurance) sur la solidarité.

Depuis déjà plusieurs années, un pourcentage de 1 % sur les activités alimente un compte assurance à hauteur de 1.830 € (12.000 F). Lorsque ce montant est atteint, on cesse ce prélèvement, que l’on rétablit lorsque le compte descend au-dessous de 915 € (6.000 F).

Mais nous constatons que les annulations atteignent ces derniers temps un rythme plus accéléré qui s’explique en grande partie par les « outrages de l’âge », mais peut-être aussi par l’inconscience ou la négligence de certains : dans la position confortable d’être intégralement remboursés, ils s’inscrivent peut-être inconsidérément, ou ils préviennent tardivement de leur intention d’annuler.

Le CD, après avoir délibéré de ce délicat problème, a pris les décisions suivantes :

1° Les remboursements seront accordés aux adhérents empêchés par un motif sérieux (1) ou si un de leurs très proches parents est gravement touché ;2° Les sommes remboursées seront les suivantes en cas d’annulation pour « motif de convenance » :

- 100 % si l’annulation a lieu 21 jours au moins avant la date du début de l’activité,- 50 % si c’est entre 7 et 20 jours,- 30 % si c’est moins d’une semaine ;

3° Le remboursement sera total :- en cas d’accident ou de maladie de l’intéressé lui-même et survenu au cours des trois dernières semaines,- ou, bien entendu, sans condition de délai si le pres-tataire de services n’a opéré aucune retenue, ce qui, heureusement, se produit assez souvent.

Nous ne doutons pas que vous comprendrez la justesse de ces nouvelles mesures.Le Comité directeur.

1) Toujours attachés à nos traditions ajistes de « discipline librement consentie », nous faisons confiance à chacun pour estimer le « sérieux » de sa demande, sans avoir besoin de demander un justificatif, sauf s’il est exigé par le prestataire de services.

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Gisèle nous a quittés

Malade depuis plusieurs mois, Gisèle de La Villéon est décédée mardi 10 septembre. Elle repose depuis vendredi aux côtés de Nono au cimetière parisien de Saint-Ouen. Pour les plus âgés d’entre nous, c’est Gisèle Becquerel, Ajiste depuis 1943, qui nous a quittés après avoir participé activement à la vie du Mouvement Ajiste. Comment oublier, ce samedi 19 août 1944 où, rue de Valois, en pleine insurrection, sous l’égide des anciens responsables des AJ, elle devait taper le « Manifeste », prélude à la création du M.U.A.J. (Mouvement Uni des Auberges de Jeunesse) dont, permanente, elle assurera le secrétariat plusieurs mois durant. Ensuite, en 1964, au sein d’un groupe d’anciens réunis au domicile de Madeleine et Léo Lagrange, est décidée la création des « Amis des AJ » dont elle assurera le secrétariat pendant plus de dix années. Organisatrice discrète et efficace, elle contribuera notamment à la réussite des réunions « Sudel », rue Corvisard, dont le nom se perpétue encore, 37 ans après, sans compter les rencontres et sorties en région parisienne. Une longue route pour aboutir l’AnaAJ… Gisèle Becquerel est partie discrètement. Adieu !

Jacques Leblond.

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La vie du langage… Les commissaires de l’Union européenne, dans leur grande sagesse, viennent d’annoncer qu’ils sont parvenus à un accord en vue d’adopter le français comme langue préférentielle dans les échanges européens. Au cours de négociations, le gouvernement de la République française a toutefois concédé que l’orthographe française laissait à désirer et il a accepté qu’un plan quinquennal instaure le futur langage, l’euro-français.

La première année, le s sera employé à la place du c doux : les servises sosiaux resevront sertainement sette nouvelle avec joie. Le c dur sera quant à lui remplacé par k. Non seulement sela eklairsira les konfusions mais les klaviers pourront kompter une touche de moins.

La sekonde année, l’enthousiasme publik ira kroissant quand le déroutant ph sera remplacé par f. Sela rendra les vokables comme fotografe ou filosofe 20 % plus kours.

Au kour de la troisième anné, l’akseptation par le publik de sette nouvelle ortografe permettra d’atteindre un point où des changements kompliqués seront possibles. Le gouvernement enkouragera la supresion des doubles letres qui ont toujours été une grande difikulté pour la présision de l’ortografe uzuel. De même, tous seront d’akor pour suprimer le e muet qui kré un oribl dézordr et rend la langu disgrasieuz. Il en sera de mêm pour le t é le s muè.

La katrièm ané, le peupl sera réseptif pour des étap tel que le remplasemen de qu par k é de em é en par an.

Enfin, duran la sinkièm ané, au ki n’é d’aukune nésésité sera ranplasé par o, é de semblabl changeman seron apliké o diférant konbinéson de letr. Apré sela nou auron un stil ékri vrèman raisonabl. Il ni ora alor plu de difikulté, chakun sapersevra kil é fasil de komprandr lé sotr.

Pierre Danac – Le Trait d’Union.

Extrait du Bulletin des Correcteurs.

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LES ÉCOLIERS A L’ÉTOILE(Paroles et musique de Soizik Moreau)

Rappelez-vous LéaVirginie ou Sarah,

Rappelez-vous Simon,Antoine ou bien Sacha.C’était le p’tit Momo,Lulu ou bien Paulo.

Souviens-toi, souviens-toiDe ces milliers d’enfantsFraîches vies d’autrefois

Consumées dans le tempsUne étoile à la poitrineComme un bouton d’orUne étoile à la poitrine, Une étoile pour la mort.

Les pères sont partisEt les mamans aussiLes enfants ont suivi,Même les tout-petits.

Leurs voix percent la nuitEt forcent notre oubli

Souviens-toi, souviens-toiDe ces milliers d’enfants…

C’étaient des écoliersCes enfants qu’on a pris

On les a arrêtés, Menés très loin d’ici.

Derrière de grands murs grisCernés de barbelés.

Souviens-toi, souviens-toiDe ces milliers d’enfants…

La peur ils ont connueEt la soif et la faim

Ils auraient tant vouluQu’on leur tienne la mainC’est la trique et les coups

Et c’est la chambre…au bout.

Souviens-toi, souviens-toiDe ces milliers d’enfants…

Ce chant a été composé pour les cérémonies 2000-2001-2002, pose des plaques dans les écoles parisiennes à la mémoire des enfants juifs déportés entre 1942 et 1944.

(Transmis par Solange Lehmann.)

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Ultima verbaLa conscience humaine est morte ; dans l’orgie,

Sur elle il s’accroupit ; ce cadavre lui plaît ;Par moments, gai, vainqueur, la prunelle rougie,

Il se retourne et donne à la morte un soufflet ;

La prostitution du juge est la ressourceLes prêtres font frémir l’honnête homme éperdu ;Dans le champ du potier ils déterrent la bourse ;

Sibour revend le Dieu que Judas a vendu.

Ils disent : César règne, et le Dieu des arméesL’a fait son élu. Peuple, obéis, tu le dois !

Pendant qu’ils vont chantant, tenant leurs mains fermées,On voit le sequin d’or qui passe entre leurs doigts.

Oh ! tant qu’on le verra trôner, ce gueux, ce prince, Par le pape bénit, monarque malandrin,

Dans une main le sceptre et dans l’autre la pince, Charlemagne taillé par Satan dans Mandrin ;

Tant qu’il se vautrera, broyant dans ses mâchoiresLe serment, la vertu, l’honneur religieux,

Ivre, affreux, vomissant sa honte sur nos gloires ;Tant qu’on verra cela sous le soleil des cieux ;

Quand même grandirait l’abjection publiqueA ce point d’exécrer l’adorable trompeur ;

Quand même l’Angleterre et même l’AmériqueDiraient à l’exilé : va-t-en ! nous avons peur !

Quand même nous serions comme la feuille morte ;Quand pour plaire à césar, on nous renîrait tous ;

Quand le proscrit devrait s’enfuir de porte en porte, Aux hommes déchirés comme un haillon aux clous ;

Quand le désert ou Dieu contre l’Homme protesteBannirait les bannis, chasserait les chassés ;

Quand même, infâme aussi, lâche comme le reste, Le tombeau jetterait les trépassés ;

Je ne fléchirais pas ! sans plainte dans la bouche,Calme, le deuil au cœur, dédaignant le troupeau,

Je vous embrasserai de mon exil farouche, Patrie, ô mon autel ! Liberté, mon drapeau !

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Mes nobles compagnons, je garde votre culte ;Bannis, la République est là qui nous unit ;

J’attacherai la gloire à tout ce qu’on insulte ;Je jetterai l’opprobre à tout ce qu’on bénit !

Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre, La voix qui dit : malheur ! la bouche qui dit : non !

Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,Moi, je te montrerai, césar, ton cabanon.

Devant les trahisons et les têtes courbées,Je croiserai les bras, indigné, mais serein.Sombre fidélité pour les choses tombées,

Sois ma force et ma joie et mon pilier d’airain !

Oui, tant qu’il sera là, qu’on cède ou qu’on persiste,O France ! France aimée et qu’on pleure toujours,

Je ne reverrai pas ta terre douce et triste, Tombeau de mes aïeux et nid de mes amours !

Je ne reverrai pas ta rive qui nous tente,France ! hors le devoir, hélas ! j’oublîrai tout.

Parmi les éprouvés je planterai ma tente. Je resterai proscrit, voulant rester debout.

J’accepte l’âpre exil, n’eût-il ni fin ni terme,Sans chercher à savoir et sans considérer

Si quelqu’un a plié qu’on aurait cru plus ferme, Et si plusieurs s’en vont qui devraient demeurer.

Si l’on n’est plus que mille, eh bien j’en suis ! Si mêmeIls ne sont plus que cent, je brave encore Sylla ;

S’il en demeure dix, je serai le dixième ; Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là !

14 décembre 1852 – Jersey.

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Souvenirs…En 1994, Michel Dufay nous avait concocté un séjour dans un gîte très confortable, à

Chambord-en-Vexin. Nous étions une dizaine et le séjour fut très agréable. En faisant avec Marc une petite promenade en voiture, je suis tombée sur une pancarte qui indiquait « Randonnai ». Alors les souvenirs me sont revenus en foule. Quand en 1937 je suis venue à Paris avec mes parents, Paulette, la fille d’un collègue de mon père, m’a parlé des Auberges et j’ai tout de suite adhéré au CLAJ. Puis j’ai repéré dans la classe du lycée où j’achevais mes études une fille qui avait le même petit insigne que moi. Elle s’appelait Andrée. On a commencé à sortir, à camper. Puis il y a eu la guerre et l’occupation. Nous nous sommes mises à travailler, chacune de notre côté.

En 1943, Andrée a convaincu une fille qui travaillait dans la même maison qu’elle de

venir au CLAJ. La période des vacances étant arrivée, un copain s’est découvert une vocation pour le bûcheronnage, il avait fui le STO et il nous indiqua un petit coin pour camper. Il avait contacté le propriétaire d’un petit château avec un parc, un étang et un petit bois. Cette personne avait accepté que nous montions notre tente dans le pré, en contrebas de l’étang dont le déversoir nous servait de douche.

Nous avons passé là quelques jours très agréables. En outre, ce copain nous avait indiqué un petit bistrot où la nourriture abondante nous

obligeait à pratiquer le « trou normand » pour achever le repas.

Les trois filles étaient Andrée Boulmier, Jacqueline Maillot (moi) et Gisèle Becquerel.

En 1994, avec Marc, j’ai tout retrouvé avec émotion : le petit bistrot, la prairie blottie au pied du château qui était devenue une réserve de biches et de cerfs.

Jacqueline Birmann.

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ThéâtreCantreri de Catherine Diverrès. Ballet avec douze danseurs des pays d’Europe. Dimanche 13 octobre. Salle Jean Vilar, Chaillot.

C’est l’eau à la bouche que je me dirige ce dimanche vers la place du Trocadéro. Peu de places ont été prises pour ce spectacle. Peut-être les difficultés d’accès à la salle Vilar, dans le quatrième dessous de la place du Trocadéro, avec des volées et des volées de marches, alors qu’autrefois un escalator faisait le service, ont-ils rebuté les Anaajistes balletomanes ? Pourquoi sur le programme distribué à l’entrée voit-on un mannequin de couturière, un peu particulier, très nettement féminin, poitrine 95 C, mamelons provoquants, nombril apparent ? Le ballet éclaircira ce mystère. Tout commence par de l’obscurité. Quelques personnages se mettent en place, genre pose familiale chez le photographe, puis plus rien. Et un projecteur à gauche, un autre au fond. Toujours la pénombre. Des gens vont, viennent, se rassemblent, se séparent, se croisent. Ils sont douze, six garçons et six filles. Leurs mouvements harmonieux, tantôt ensemble tantôt séparés sont silencieux, mais silencieux… Où donc est la musique ? L’orchestre serait-il en grève ? Mais non, c’est un ballet « contemporain ». Quelques soupirs, quelques « top », puis un bruit immense, de tous côtés, nous submerge. Je crois bien avoir baissé la tête et courbé le dos (hier a eu lieu l’explosion de la voiture piégée à Bali). Mais à Chaillot il n’y avait que le bruit. Si j’ai compris, c’était la « bombe », l’atomique, celle de 1945 (ou la future ?) qui détruit tous les danseurs. Ils s’affaissent dans des postures caricaturales. Ceux qui se réveillent sont complètement déboussolés. L’un marche sur la tête. L’autre, en équilibre sur le crâne, nous chante une mélodie. Comme dans des allures de pantins désarticulés les danseurs s’agitent. Certains marchent même à reculons. Jusqu’ici, il me semblait avoir saisi quelque chose mais maintenant tout se brouille avec la terre ou le sable répandu sur la scène, avec un nuage envahissant du jardin à la cour, qui s’étend aux premiers rangs de la salle, entraînant éternuement et toux, avec la flamme promenée sur un petit navire, le paradis avec l’ange descendu des cintres agitant ses ailes au-dessus des nuages, les lumières balisant la piste d’atterrissage, le bruit de l’hélice, la fille aux lumières bleues et rouges, celle de deux mètres de haut, les danseurs aux masques de trépassés, la projection des luttes, des fusillades, une descente de croix avec Jésus, de face, en chemise longue, de dos, en petit caleçon, une poupée de 20 cm, docile, tournant, levant le bras, se déplaçant – tout cela sans fils – entraî-nant quelques rires dans le public qui en avait bien besoin, un monde d’hommes et de femmes séparés, si bien qu’à la vue d’un spécimen féminin tous viennent avec une lumière inspecter le phénomène qui finit d’ailleurs tragiquement et encore, et encore…

Un repas trop riche qui vous reste sur l’estomac.Vivement un bon Labiche ou un truculent Feydeau !

Mais pourquoi le mannequin de l’affiche ? Andrée Ancel.

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Le quatuorAujourd’hui, 17 novembre, Jeannette nous a entraînés dans la rigolade et la

farce la plus délirante que nous ayons vues depuis longtemps. Du coup, Marc en a oublié ses douleurs sciatiques et autres nerfs coincés. Je riais tellement que j’ai tout de suite retiré mes lunettes pour pouvoir pleurer de rire pendant tout le spectacle. Je n’avais jamais vu autant d’Anaajistes (28) rigolant sans retenue et il faut dire que nous n’étions pas seuls, le théâtre des Bouffes Parisiens était bourré à craquer.

Merci Jeannette et merci à ces artistes complets qui, si j’en crois le

programme, n’en sont pas à leur coup d’essai. Ma fille Nicole m’a dit ce soir au téléphone que la troupe était attendue à New York et je lui ai recommandé d’aller les voir, les écouter et rire…

Jacqueline Birmann.

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La complainte de l’€uro Pour rester dans les affaires d’argent, sourions un peu, maintenant, avec cet article transmis par Daniel Viollet, signé d’un certain Dominique Vallat lequel, à l’entrée en usage de la nouvelle monnaie, a repris à son compte la querelle des anciens et des modernes pour dire à tous ces jeunes qu’ils ont vécu sans ordinateurs, sans télévision et sans portable et qu’il leur a bien fallu s’adapter. Comme ils se sont adaptés à l’euro.

Je m’adresse à vous, mes amis, qui êtes apparus en ce bas monde un peu avant la Seconde Guerre mondiale. Peut-être vous êtes-vous aperçu un jour que, subrepticement, vous aviez rejoint cette catégorie d’individus que les médias appellent avec un ton condescendant et protecteur « les personnes âgées » et d’autres fois, mais pudiquement « le troisième âge » . Il semblerait en effet que le seul fait d’avoir cessé notre activité professionnelle nous prive de notre identité, nous rende inaptes à suivre le rythme de ce monde dit moderne. Et pourtant, que n’avons-nous pas vécu et surmonté durant ces cinquante dernières années ! Nous sommes nés avant la télévision, les surgelés, les verres de contact, la pénicilline, la vidéo, le magnétoscope, la pilule, les OGM, la bronzette à l’infra-rouge, la mayonnaise en tube, l’horodateur, l’échographie, les sacs plastiques… Nous avons connu la « TSF » à lampes, les charrettes à bœufs, les petites voitures Solido, les barboteuses, les tickets de rationnement, la blouse grise obligatoire en classe, le chemin de fer en 3e classe et des chefs de train dans les rames et des chefs de station dans le métro, les bonbons vitaminés, les hannetons, les doryphores… Enfants, nous écrivions à l’école à l’encre violette avec une plume gauloise, nous allions faire les courses chez le crémier (Loiseau-Rousseau, la Coopé !), chez le droguiste ou le quincaillier, nous lisions Mickey ou Pierrot, La Semaine de Suzette, nos héros étaient Tarzan ou Guy l’Eclair, nous allions à l’école en galoches après avoir goûté une cuillerée d’huile de foie de morue. On était bien jeunes pour se souvenir de l’Exposition Coloniale mais on se rattraperait en 1937 en visitant l’Exposition Universelle. Nous avons écouté Viens le soir descend et Ça c’est Paris sur des 78 tours et nous avons risqué d’être collés pour avoir regardé la cour de l’école des filles par-dessus le mur.

Plus grands, nous avons traversé Paris en taxi G7 conduit par un Russe blanc et demandé un numéro à la demoiselle des PTT avant d’entendre la tonalité, on était tenu de traverser la rue dans les clous, il n’y a pas qu’aux Lilas qu’il y avait un poinçonneur et, dans l’autobus, le receveur estampillait notre billet avec un petit moulin qu’il portait sur le ventre. On tentait la chance en achetant un dixième de la Loterie Nationale.

Nous étions là avant le radar, le congélateur, le lave-vaisselle, le stylo à bille, la couverture chauffante, le yaourt, l’énergie électrique nucléaire… Nous avons devancé la carte de crédit, le rayon laser, le four à micro-ondes, la calculette, le fax, le téléphone numérique, le zappeur, la lampe halogène, le Polaroïd, le photocopieur, le magnétoscope, l’homme sur la Lune, le CD-ROM et Internet.

Nous avons vu arriver la « traction avant » et les autoroutes, les verres de contact, le Minitel, la montre à quartz, le nylon, le métro sur pneus, l’eau courante dans tous les foyers, l’électricité partout.

A cette époque, seules les filles portaient des boucles d’oreilles, une puce était un insecte insupportable et la souris était la nourriture du chat (parfois aussi une copine un peu plus jolie que les autres !), les hirondelles allaient par paires à vélo, revêtues d’une pèlerine, un joint servait à empêcher un robinet de couler, l’herbe était ce qu’alors les vaches mangeaient, il n’y avait pas de veau élevé sous la mère, ils l’étaient tous et l’on n’en faisait pas cas, le mot de prion n’était pas inventé, il se terminait par S et était d’usage dans les chapelles, pas chez le boucher, la purée n’était pas encore mousseline, rock, rap et tag ne figuraient pas dans le vocabulaire, clope désignait un mégot et était masculin, on disait une thune et ça valait cent sous, aujourd’hui, de la tune c’est de l’argent au sens général. Sortir avec une fille ne signifiait pas coucher. On sortait alors en pantalons de golf, la casquette se portait avec la visière devant et non sur la nuque. Les filles étaient en jupe et elles se faisaient elles-mêmes des « frisettes » à l’aide de bigoudis. Le mot brushing était inconnu.

Comment avons-nous donc fait pour nous adapter à tant de changements et survivre à autant d’innovations ? Le fait est que nous y avons pleinement réussi.

Alors, que les médias nous « lâchent les baskets » face à l’arrivée de l’euro, avec leurs bons conseils et leurs sentiments de compassion ! Nous n’en n’avons nul besoin. Après tout ce que nous avons vécu, ce n’est tout de même pas une petite division des prix (et de nos revenus !) par six et quelques décimales qui va nous faire peur, non ?

Dominique Vallat. (Transmis par Daniel Viollet).

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Ajisme et culture Le sociologue Joffre Dumazedier qui vient, hélas, de nous quitter était l’un des initiateurs de la civilisation du loisir. Son livre, Sociologie du loisir, est une référence reconnue dans le monde des sciences sociales.

A vingt ans, il est pionnier du mouvement d’éducation populaire des Auberges de Jeunesse. Toute sa vie il a milité pour que les couches ouvrières défavorisées aient accès à la culture. L’ajisme lui doit beaucoup. Il était l’interlocuteur rêvé pour comprendre les préoccupations des militants dans les foyers ajistes qui cherchaient des voies pour s’éduquer et ne pas rester en marge de la culture.

Il savait mieux que quiconque inculquer des idées novatrices, des principes judicieux pour que la jeunesse puisse accéder à la gestion et à l’animation culturelle dans les AJ en prenant des responsabilités dans des activités de loisirs, en dehors des circuits commerciaux mercantiles. De la confrontation des idées dans leurs diversités et des expériences sur le terrain est née une richesse dont chacun aux Auberges a su tirer profit.

L’ajisme, par l’esprit de liberté qu’il a entretenu, par la large place qu’il a accordée à l’initiative individuelle, par la souplesse de ses structures a su trouver une place importante et originale parmi les mouvements de jeunesse et contribué à ce qu’un maximum de jeunes découvrent, avec le goût de l’effort physique, avec un esprit de découverte – qu’il soit touristique, livresque, théâtral, musical ou social – un monde nouveau dans lequel ils sont acteurs actifs et ce, dans un climat d’amitié qui permettait à tout jeune d’aller au-devant de la vie.

Paul Wolf.

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Un petit tour à la campagne La guerre des boutons, vous connaissez ? Le roman de Louis Pergoud et le film d’Yves Robert, ça ne s’oublie pas ! Il était né le 22 janvier 1882 à Belmont, dans le Doubs. Militant pour l’école laïque, il fut instituteur à Dornes et à Landresse (dans le Doubs), puis en région parisienne, à Arcueil et à Maisons-Alfort. C’était un observateur avisé et un conteur savoureux de la vie animale mais aussi des comportements des gens de la campagne. Il disparut lors d’une attaque, dans la nuit du 7 au 8 avril 1915, à Marcheville-en-Woëvre (Meuse). Il était âgé de 33 ans. Quelle connerie, la guerre ! Il nous a laissé ce court récit naïf et truculent. Il n’est ni triste ni nostalgique, mais tant pis… Je vous le propose, disons… comme un conte de Noël.

Michel Dufay.

Comment l’esprit et la connaissance viennent aux gosses…

Dans le val clair inondé de soleil que le ruisseau de la Muraie partageait en deux manteaux de verdure de sa double rangée de peupliers, de saules, d’aulnes et de bouleaux, Paul et Victorine, qu’on appelait plus communément Popol et Torine avaient mêlé ; c’est-à-dire que, protégés par le rideau vert qui mettait sa housse frissonnante au filet d’eau susurrante du ruisselet, ils avaient oublié les bornes et les limites de leurs prés et laissé leurs vaches empiéter réciproquement sur les domaines respectifs afin de pouvoir charmer leur solitude par des jeux. Accroupis sur la terre humide et grasse, ils avaient d’abord joué aux osselets avec des morceaux d’écuelle, des tatots que la fille portait dans son tablier noué derrière et formant poche en avant, puis à pigeon vole et au couteau ; ensuite Popol déchaussé était allé grailler sous les racines des saules pour y chercher des grabeusses (1) qu’ils suçaient toutes vives après leur avoir cassé les pinces et arraché la queue. Mais on se lasse de tout et Popol et Torine désoeuvrés regardaient leurs vaches avancer en ligne, droit devant elles, chacune dans sa direction, d’un pas égal, en tondant méthodiquement l’herbe humide dont son sabot froissait ensuite la touffe déchirée. Popol tenait sa trique à la main et voilà qu’en s’appuyant dessus, il s’aperçut tout d’un coup qu’elle s’enfonçait dans le sol marneux. Quand il la retira grasse encore de terre l’eau claire monta dans le trou et le petit berger, comme s’il eût fait une grande découverte, poussa un grand cri de joie.

Un autre trou creusé par le bâton s’emplit également et un troisième et toute une série à l’ébahissement joyeux des deux gosses si heureux de pouvoir gavouiller dans l’eau sans désobéir aux parents qui ne voulaient pas qu’ils s’approchassent de la raie. Popol eut une idée : « On va creuser un trou, proposa-t-il, et puis j’y mettrai les grabeusses qu’on prendra. Cette idée parut géniale à Torine qui y applaudit vivement et sans perdre de temps, du bâton et du coutau, et des mains, tous deux, à genoux ou à croupeton, se mirent à l’œuvre. Popol, chef de chantier et grand ingénieur, dessina avec son couteau une figure plus ou moins géométrique qui se voulait un cercle (car un trou ça doit être rond) et, du centre en allant vers les bords, il découpait des mottes qu’ils arrachaient ensuite de leurs mains en s’aidant parfois du bâton. Cela marchait bien et les deux mineurs enfiévrés creusaient et s’engluaient les mains sans trève ni plainte quand, petit à petit, l’eau montant au fur et à mesure qu’ils plongeaient et se troublant en même temps, ils travaillèrent dans l’eau sans voir d’ailleurs où ils en étaient et s’ils avançaient.

(1) Les écrevisses.

Cette considération ralentit leur enthousiasme et les amena en même temps à constater que leurs genoux étaient cuirassés de boue. La perspective de la fessée future amollit encore les courages. Pourtant, Popol réfléchissant émit l’idée qu’il faudrait peut-être creuser un autre trou

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pour que l’eau du premier y aille et qu’on pût ainsi continuer l’œuvre. Torine accroupie devant lui ne disait rien. Popol leva les yeux vers elle et comme elle avait les jupons relevés, les cuisses sur les jarrets et que, comme la petite amie de Rimbaud, elle ne portait jamais de pantalon, il aperçut une chose qui, si elle changea ses idées, n’ôta rien à sa perplexité profonde. « T’as un derrière de devant, fit-il en désignant l’ouverture qui avait si radicalement changé le cours de ses préoccupations. Torine baissa le nez jusqu’à ses genoux et regarda en riant la fente qui intriguait son camarade. « Et c’est par-là que tu pisses ? fit Popol qui voulait se renseigner.

« Bien sûr, fit Torine, savante. J’suis pas comme les poules, j’fais pas tout par le même trou, comme dit la Phémie.

« T’as pas d’ zizi, vraiment ? fit Popol qui doutait. « Mais si, c’est ça mon zizi.

« Ben ! ce que tu dois te pisser sur les jambes quand tu pisses ! Tu ne mets pas de tuyau ? « Bécile, va, j’écarte les cuisses. « Pisse voir, pour voir. Et Torine, devant Popol, lâcha un jet convainquant. « Tu pisses fort, fit le gars, presque aussi tant que moi. Mais je pisse plus loin que toi quand même. En déboutonnant sa braguette, bombant le ventre pour gagner le plus de terrain possible, Popol, comme le faisait Rimbaud après avoir, les soirs de liesse, bu trente ou quarante chopes, pissa « très haut et très loin » devant Torine admirative (il n’y a pas de petite supériorité). « Ce que c’est drôle, ton machin, fit Torine. « C’est pas le mien, c’est le tien qu’est drôle, répondit Popol. Mais d’où que ça peut bien venir ta pisse à toi ? « De mon ventre, pardine ! « Viens voir, que je regarde. Et, accroupi devant Torine debout, Popol examina avec un soin méticuleux ce zizi différent du sien. « On peut pas te le couper, à toi, fit-il en songeant aux menaces de leur voisin Barbet, et son doigt pour une exploration plus précise et plus ample va prudemment vers la fente. « C’est mouillé, fait-il en le retirant. Et aussitôt, pour compléter une observation déjà satisfaisante, il le porte à son nez et renifle. « C’est sale, fait-il en le secouant avec une moue. « Pas plus sale que le tien, fait Torine vexée. Viens voir un peu. A son tour, Torine s’agenouille et Popol se lève. La gosse prend dans ses doigts ce qui sort de la braguette et le roule, amusée et curieuse. Soudain elle tire en arrière et quelque chose de neuf apparaît : « Oh ! fait-elle, c’est tout rouge, comme à celui du Miraut du maréchal. « Mais Miraut, il se le lèche, son zizi. « Tu ne peux pas te le lécher, toi ? « Moi, non, j’ai pas encore essayé.

Et pendant que Torine roule et presse entre ses doigts ce zizi, un travail profond se fait dans le cerveau de Popol qui songe à la chienne du maire, au taureau de la ferme où il a mené la vache et qui en a un grand, grand comme le bras, et au ronsin (2) qui passe au printemps…

Alors, il fait part à Torine de ses idées à ce sujet ; et l’autre, qui l’admirait déjà instinctivement en tant que mâle et que creuseur de trous, se laissa persuader facilement et s’en alla avec lui derrière un buisson.

Louis Pergaud.

(2) L’étalon.

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