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Notre environnement et le risque de cancer :
est-ce si grave, docteur ?
Denis Zmirou-NavierUniversité Henri Poincaré-Nancy 1
Inserm ERI n°11
Plan de l’exposé
Evolution récente de l’incidence du cancer en France
Estimer une fraction attribuable à un facteur « causal »
Quelle fraction attribuable aux agents environnementaux ?
La pollution atmosphérique : « un modèle »
Conclusions : voies pour la recherche et l’action
Augmentation du nombre de cas de cancers en France
25%
20%55% Vieillissement de la
population
Augmentation de l’incidence
Progrès du diagnostic et du dépistage
« Vraie » augmentation du risque
Augmentation de la population
1980 2000 Augmentation
Hommes 97 000 161 000 +66 %
Femmes 73 000 117 000 +60 %
Ensemble 170 000 278 000 +63 %
Une augmentation de l’incidence ?
Source: Remontet L, Buemi M, Velten M, Jougla E, Estève J. Évolution de l’incidence et de la mortalité par cancer en France de 1978 à 2000.
Éditions InVS, 2002
Des évolutions très variées selon la localisation
MélanomeMélanomeProstateProstate
FoieFoieMésothéliomeMésothéliome
Lymphomes MNHLymphomes MNHThyroïdeThyroïde
Myélomes multiplesMyélomes multiplesReinRein
Cerveau et SNCCerveau et SNCLeucémies aiguësLeucémies aiguës
PancréasPancréasVessieVessie
ColorectalColorectalTous cancersTous cancers
Hommes
%
+1,30%
+1%
+1,10%
+1,30%
+1,50%
+2,30%
+2,70%
+2,70%
+2,90%
+3,80%
+4,80%
+4,80%
+5,30%
+5,90%
0,00 1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
MélanomeProstate
FoieMésothéliome
Lymphomes MNHThyroïde
Myélomes multiplesRein
Cerveau et sncLeucémies aiguës
PancréasVessie
ColorectalTous cancers
MésothéliomeMésothéliome
ThyroïdeThyroïde
PoumonPoumon
MélanomeMélanomeReinRein
Lymphomes MNHLymphomes MNH
FoieFoie
Cerveau + SNCCerveau + SNC
SeinSein
PancréasPancréas
Myélomes multiplesMyélomes multiples
Leucémies aiguësLeucémies aiguës
Tous cancersTous cancers
Femmes
MésothéliomeThyroïdePoumon
MélanomeRein
Lymphomes MNHFoie
Cerveau et snc Sein
PancréasMyélomes multiples
Leucémies auguësTous cancers
+1,40%+1,00%
+2,00%+2,00%
+2,40%+3,00%
+3,40%+3,50%
+3,80%
+4,30%+4,40%
+4,80%
+6,80%
0,00 1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00 7,00 %
Taux annuel moyen d’augmentation des cancers en France (1978-2000) (>1 %)(standardisé sur l’âge)
?
Le cancer du poumon : « Un train peut en cacher un autre »
Méthodes/critères diagnostiques, dépistage, « pression étiologique » ?
La « fraction étiologique du risque »(FER; ou « risque attribuable »)
• Une condition : une causalité « solide »• Une fonction de la prévalence de l’exposition [P(E)] et
du risque relatif (RR) qui lui est associé: FER = [P(E)(RR–1)] / [1+ P(E)(RR-1] (« exposé/non exposé »)
Si l’exposition comporte k classes (fi=proportion de classe k) :
FER = [ fiP(Ei)(RRi–1)] / fi[1+ P(Ei)(RRi-1] i=0
k k
i=0
*Source: Bénichou J. In « Cancer. Approche méthodologique du lien avec l’environnement » Inserm 2005 (Coll. Expertises collectives)
Comment estimer la part attribuable à tel ou tel facteur de risque ?
Critères de causalité
• « Critères de Hill »*
• Classification du CIRC**; le « poids de l’évidence » (plus de 900 agents, mélanges ou circonstances d’exposition
depuis 1971) :– groupe 1 : substance cancérogène (n = 100);
– groupe 2A : substance probablement cancérogène (n = 68) ;
– groupe 2B : substance possiblement cancérogène (n = 246) ;
– groupe 3 : substance inclassifiable (n = 516);
– groupe 4 : substance probablement non cancérogène (n = 1).
• Autres classifications: US-EPA, UE … ** http://monographs.iarc.fr* Sir Austin Bradford Hill. The environment and disease :
association or causation ? 1965
« 80 % des cancers sont dus à l’environnement »
Palsembleu !
• Une définition généreuse de l’« environnement »• Cancers : des ‘causes’ variées (et non exclusives)
– liés aux comportements* (tabac, alcool, obésité …)– liés à des déterminants génétiques– liés à l’environnement (qualité** des milieux de vie/travail)– liés à on ne sait quoi (« idiopathiques »)
• Des choix (méthodologiques) aux sérieuses conséquences
* pour une part, socialement déterminés ** chimique, physique, microbiologique
« Une causalité solidement établie »Le rapport des Académies (2007) : seuls les cancérogènes de classe 1 du CIRC
« Les facteurs de risque non héréditaires totalisent 46 % des cancers chez l’homme et 32 % chez la femme »
Facteurs de risque Nombre de cas en
2002
Fraction attribuable+
(FER, 2 sexes)
Etendue de la FER selon
le sexeTabagisme actif 50 562 18.2 6-27
Alcool 22 670 8.1 5-11
Agents infectieux 9 077 3.3 3-4
Obésité et surpoids 6 229 2.2 1-3
Inactivité physique 5 838 2.1 1-4
Rayonnement UV 5 614 2.0 2-3
Traitement hormonal substitutif 5 159 1.9 - 4
Expositions professionnelles 4 375 1.6 0,3-3
Facteurs reproductifs 2 641 0.9 - 2
Polluants (tabac passif) 241 0.1 0.1
Exclus:- Radon* à domicile- Pollution atmosph.- Agents profession.classés 2A (14)- Dioxine*- autres
* classe 1
… et les facteursenvironnementaux,
moins de 5 %
+ % de tous les cancers
Tabac et pollution atmosphérique :« le nuage de fumée »
0
10
20
30
40
50
60
70
1950 1960 1970 1980 1990 2000
Taux pour 100 000, standard europ?en
Poumon
Colon & rectum
Estomac
Prostate
Vessie
Bouche, pharynx, larynx, oesophage
Foie
0
5
10
15
20
25
30
1950 1960 1970 1980 1990 2000
Taux pour 100 000, standard europ?en
Poumon
Colon & rectum
Ut?rus
Sein
EstomacOvaire
30
- Amiante (expo environ.) : 3 %- Tabac passif (dom. + travail): 1,6 %- Radon résidentiel : 4,5 %- Pollution atmo (PM2.5) : 10,7 %- [Carcinogènes professionnels: 9 % (Driscoll
et al, 2005)]
Fractions étiologiques :« environnementales » (Bofetta P*, 2006: UE à 15)
*Bofetta P. Human cancer from environmental pollutants: the epidemiological evidence. Mut Res. Gen Tox Env Mut
27 000morts/an
Homme
Femme
Réf., lieu, période RR [IC 95%] Sexe Contraste d’exposition Commentaires
Laden et al (2006) USA 1975-98 (suite de Dockery et al, 1993)
1.27 [.96-1.22] M+F 10 µg/m3 PM2.5 Baisse du risque avec la
diminution de la pollution
Résidence en 1975;Moyenne 1979-1988et modélisation après
Jerett et al (2005)Bassin Los Angeles
1.44 [.98-2.11] M+F 10 µg/m3 PM2.5 (2000)Hétérogénéité spatiale
Résidence en 1982;interpol. données de 23
capteurs locaux
Pope et al (2002)USA 1982-1998
1.08 [1.01-1.16]1.13 [1.04-1.22]
M+F 10 µg/m3 PM2.5 (79-83)10 µg/m3 PM2.5 (99-00)
Résidence en 1982; moy. 79-83 et 99-00
Beeson et al (1998)USA 1977-1992
3.56 [1.4-9.4]5.21 [1.4-9.4]2.66 [1.4-9.4]2.14 [1.4-9.4]
MMMF
556h/an > 200 µg/m3 O324 µg/m3 PM1011 µg/m3 SO211 µg/m3 SO2
Histoire résidence 73-92. Estimation expo
perso. moy par immissions locales
interpolées
Causalité ? Cohortes récentes avec mesure des « expositions » : 11
1- Etats-Unis
Réf., lieu, période RR [IC 95%]ou SIR*
Sexe Contraste d’exposition Commentaires
Hoek et al (2002)Pays-Bas* 1986-1994
1.06 [.4-2.6]1.25 [.4-3.7]
M+F 10 µg/m3 Fumées noires30 µg/m3 NO2
Histoire résidence et SIG (fond + trafic)
Nafstad et al (2003)Oslo, 1974-98
.9 [.7-1.15]1.06 [.81-1.38]
1.36 [1.01-1.83]1.01 [.94-1.08]
M NO2 10-20 vs <10 µg/m3
NO2 20-30 µg/m3 vs <10 NO2 30+ µg/m3 vs <10
SO2 par 10 µg/m3
Histoire résidence et modéle via émissions NO2 et mesures SO2
Visser** et al (2004)Amsterdam, 1989-97
1.10 [.97-1.26]1.29 [1.06-1.57]
MF
Indice trafic > 20 000 v/jvs < 10 000 (O/A)
Indice pondéré intensité trafic routier 50m domicile au décès
Filleul et al (2005)France, 1974-1998
1.48 [1.05-2.06]1.03 [.92-1.15]
M+F 10 µg/m3 NO210 µg/m3 Fumées noires
Résidence; immissions journ. moy 1974-1976
Naes et al (2007)Oslo, 1992-1998
1.07 (de 50 à1.27 70 ans)
HF
PM2.5(écart inter-quartile)
Résidence et modéle concentrat. NO2/PM2.5
2- Etudes de cohortes (suite : Europe)
** Calcul SIR à partir données du registredes cancers d’Amsterdam
*Seulement 60 cas cancer poumon;« vivre à prox. trafic »: RR=1·94 (1·08–3·48)
Réf., lieu, période OR [IC 95%] Sexe Contraste d’exposition Commentaires
Jöckel et al (1992), 5 villes RFA, 1984-1988
1.16 [.6-2. 1]
1.82
M Index ½ quantitatif binarisé
Idem avec lag 20 ans
Histoire résidence; mesures BaP, TSP, SO2; sources énergie; industrialisation
Barbone et al (1995)Trieste (Ital.) 1979-1981 et 1985-1986
1.4 [1.1-1.8] M Déposition particules > 294 µg/m2 /j vs < 175
Dernière résidence; déposition 1972-1977
Zaridze et al (1995),Moscou, 1991-1993
2.6 [1.2-5.6] F >200 µg/m3 SO2, 60 NO2, 2400 CO, 300 FN
vs < 50, 48, 1300, 60
Histoire résidence sur 20 ans. Moyenne immissions
1971-1975
Nyberg et al (2000)Stockholm, 1985-90
1.6 [1.1-2.4]
1.0 [0.7-1.4]
M NO2 >29.3 µg/m3 vs <12.8 (P90 vs P25)
SO2 78,20 µg/m3 (P90)
Histoire résidence 30 ans. Estimations modélisation et
histoire émissions
Vineis et al (2006)*
8 pays UE, 20 agglo.1993-1998
1.30 [1.02-1.66]1.46 [.89-2.40]
M+F
NO2 30+ µg/m3
“près de trafic intense”Résidence; trafic routier et
mesures réseaux surveillance
Etudes cas-témoins (7 plus récentes de 12)
* Etude cas-témoins nichée dans LGT
Tests comètes (moment)
Test des com?tes pour les PM2.5 (moment)
"Hyper Centre"n=32
R?sidentieln=17
Industrieln=17
T?moinsn=14
0
1
2
3
4
moment de la com?te
Genotox’ER : résultatsGénotoxicité des extraits organiques des particules « personnelles »
« Moment » de la comète, hiver, Ile de France (adultes + enfants)
zone m (e-t)
Hyper-centre 1,51 (0,60) ***
Résidentiel 0,96 (0,58)*
Industriel 0,68 (0,58) - Témoins 0,67 (0,24)
Comètes NO2 et HAP (ng/m3)
NO2 BaP B(ghi)P38,3 (8,64)*** 0,23 (0,09)** 0,61 (0,23)**
14,7 (8,44) 0,10 (0,09) 0,29 (0,18)
34,6 (13,45)*** 0,54 (0,38)*** 0,89 (0,49)***
*** : < 10-4 ; ** : < 10-2; * : < 5% ; - : > 50 %
^
3 µm
Cancer et pollution atmosphériqueEstimer un impact ?
Europe des 15 (Boffetta et Nyberg, 2003, Br Med Bul) Estimation minimaliste (FER : 3.6 %): 7000 cas de cancer du poumon par an
AFSSE 2003 (FER : 6,4 %) : 670 [90 – 1260] cas en 2002 (référence 4,5 µg/m3)
(France; pour une population adulte urbaine de 15 millions hbts; grandes villes)
InVS-APHEIS (juin 2005): Dans 23 villes d’Europe (23 millions hbts), 1 901 décès/an par cancer du poumon pourraient être évités, au long cours, par une réduction à 15 μg/m3 des immissions des PM2.5, par rapport aux valeurs 2000.
Etude européenne GenAir (2007): Fraction attribuable à la pollution atmosphérique = 5 % (habiter près voirie > 10 000 v/j) ou 7 % (NO2 > 30 µg/m3)
(Vineis et al, 2007, Environ Health)
Conclusions (1)
Expositions environnementales aux particules atmosphériques et risque sanitaire en milieu urbain :
un sujet toujours d'actualité
Des risques « faibles » (RR # 1,1-1,8), mais une prévalence élevée de l’exposition (urbanisation ; pays en développement +++) impact de santé publique
Une recherche nourrie et interdisciplinaire
Poursuivre les efforts (réglementaires, technologiques, aménagement urbain): des normes plus ambitieuses UE
Cohérence avec la réduction des gaz à effet de serre
Conclusions (2)
Risques environnementaux : améliorer les connaissances
- facteurs de susceptibilité
* l’âge à l’exposition (fenêtres « critiques »)* protection/fragilisation par le régime alimentaire* environnement et génétique
- inégalités de la répartition spatiale et sociale de l’exposition et des risques
Un discours raisonnable et rationnel
Quel est le degré de connaissance « suffisant » pour agir ?
« Tout travail scientifique est incomplet – qu’il soit d’observation ou d’expérimentation. Tout travail scientifique est susceptible d’être questionné ou modifié par un savoir qui change. Cela ne nous confère pas le droit d’ignorer le savoir que nous avons déjà, ni celui de différer une action que celui-ci semble requérir à un certain moment. »
Sir Austin Bradford Hill (1897-1991)The environment and disease :
association or causation ? Proc. R. Soc. Med, 1965, 58, 295-300