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Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 1984 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 14 juin 2021 00:30 Québec français Nouveautés Numéro 56, décembre 1984 URI : https://id.erudit.org/iderudit/47234ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Publications Québec français ISSN 0316-2052 (imprimé) 1923-5119 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu (1984). Compte rendu de [Nouveautés]. Québec français,(56), 6–15.

Nouveautés - ÉruditHorace MACCO Y Paris, Gallimard, 1955, 445 p. Folio n° 1541. [Caroline BARRETT] Comme plusieurs écrivains de sa génération, Horace MacCoy a parcouru l'Amérique

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    Document généré le 14 juin 2021 00:30

    Québec français

    Nouveautés

    Numéro 56, décembre 1984

    URI : https://id.erudit.org/iderudit/47234ac

    Aller au sommaire du numéro

    Éditeur(s)Les Publications Québec français

    ISSN0316-2052 (imprimé)1923-5119 (numérique)

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    Citer ce compte rendu(1984). Compte rendu de [Nouveautés]. Québec français,(56), 6–15.

    https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/https://www.erudit.org/fr/https://www.erudit.org/fr/https://www.erudit.org/fr/revues/qf/https://id.erudit.org/iderudit/47234achttps://www.erudit.org/fr/revues/qf/1984-n56-qf1216373/https://www.erudit.org/fr/revues/qf/

  • ROMANS

    l'itinérante Lise VEKEMAN La Presse, Montréal, 1984, 178 p.

    A la recherche de son identité, Dominique Harts, une libraire de trente-trois ans, retourne au lieu de sa naissance afin d'écrire ses «mémoires». Pour cette femme épuisée, désabusée, l'écriture représente alors un ultime moyen de« refaire surface», d'« échap-per à la folie», une dernière chance de com-prendre enfin ce passé « lourd, insupportable» qui la hante sans cesse. Le «pseudo journal», «livre du souvenir» qu'elle rédige un mois durant avec la rage de la nécessité, tend à reconstituer les scènes clefs de son existence. Remontant jusqu'au premier jour de sa vie, la narratrice traque l'enfant qu'elle a été pour comprendre l'adulte qu'elle est devenue. Son récit nous met en présence d'une fillette maladroite, impuissante, qui s'efforce sans relâche de plaire à un père complètement indifférent à son endroit. Incapable d'arriver à ses fins, Dominique grandit dans l'ombre du rejet paternel, devient l'incarnation même de cet échec premier. Si bien, d'ailleurs, que débusquant l'enfant de la disgrâce qui se terrait en elle, la jeune femme n'arrive pas pour autant à s'en libérer. A l'instar de sa quête d'amour initiale, sa quête finale de libération par l'écriture aboutit à l'échec et à la résignation. Malgré ses tentatives déses-pérées pour s'en sortir, Dominique demeure «une dérobée», une femme privée de toute volonté, à jamais livrée aux désirs des autres.

    D'un style simple, dépouillé, l'Itinérante présente néanmoins une symbolique très cohérente, d'une remarquable densité. Met-tant en scène une jeune femme incapable d'assumer son quotidien et sa destinée, le premier roman de Lise Vekeman fourmille d'images pour décrire l'état d'extrême anéan-tissement dans lequel se trouve l'héroïne. L'environnement où se vit la rédaction du journal (une maison et une plage qui se désagrègent lentement), le climat de suffo-cation régnant alors, la cicatrice au visage de Dominique (marque extérieure du drame intérieur) comme les bijoux qu'elle porte (un talisman enoraucoue tun bracelet de cuir à

    la cheville, rappels de sa dépendance et de sa soumission) évoquent avec force l'angoisse et la désolation que connaît le personnage. L'écriture, par un procédé de répétition, vient de même rappeler l'être obsédé qu'est Domi-nique, ce que soulignaient déjà, du reste, les thèmes récurrents du roman que sont le regard, l'eau, le père-dieu et le double. Ce sont là, me semble-t-il, des indices évidents que l'écrivain a su vivre, le temps d'un livre, au rythme de son Itinérante.

    [Jeanne TURCOTTE]

    le dernier recours Christine L'HEUREUX Libre Expression, Montréal, 1984, 215 p. (14,95)

    J'ai longuement hésité avant d'écrire ce commentaire. Le Dernier recours n'est pas un livre simple, il suscite à la fois agacement et intérêt, enthousiasme et lassitude.

    Un virus fait d'innombrables victimes dans la population féminine mondiale et celles qui ne meurent pas doivent subir une hystérec-tomie. Jacques, le médecin responsable de la prolifération du virus, décide, avec la com-plicité d'un collègue, de porter un enfant. La possibilité pour les hommes de donner la vie pourrait constituer la solution à la dénatalité causée par la stérilité des femmes. Au con-traire, la divulgation de cette nouvelle ne fait qu'aggraver le désordre social créé par la disparition progressive des femmes.

    Le propos est intéressant sans contredit, mais Christine L'Heureux a peut-être le tort d'avoir été trop ambitieuse. Son roman tient à la fois du thriller (qu'arrivera-t-il à notre héros?) et de la critique sociale. L'auteur écrit correctement mais son style est souvent teinté de lyrisme, lyrisme au demeurant qu'elle maîtrise fort mal et qui donne plutôt l'impres-sion d'un long bavardage inutile. Les per-sonnages sont peu convaincants, invraisem-blables. Le personnage de Grand'Mère m'est apparu particulièrement invraisemblable. J'ai toujours détesté ce genre de personnes (réelles ou fictives) qui, du haut de leur sagesse et de leur sérénité, ont l'air d'en savoir plus long que tout le monde. Mais c'est là mon problème.

    le scalpel Horace MAC COY Paris, Gallimard, 1955, 445 p.

    Folio n° 1541.

    [Caroline BARRETT]

    Comme plusieurs écrivains de sa génération, Horace MacCoy a parcouru l'Amérique en tous sens, à la recherche d'un job, d'une identité, d'un espace à occuper. Les person-nages de ses romans témoignent justement de cette quête d'un idéal trop souvent maté-rialiste. Si le désespoir a eu finalement raison de Gloria Beattie dans On achève bien les chevaux, il en ira tout autrement pour le héros du Scalpel qui saura — ou aura la chance — de se retourner à temps afin d'éviter les dégâts.

    Depuis les profondeurs de la mine jusqu'aux gratte-ciel lumineux de la ville de Pittsburgh, en passant par le purgatoire du champ de bataille, l'itinéraire de Tom Owen se dessinera sous le signe du succès, de la gloire et de la richesse. Si le contact d'une femme très belle et très riche, de même que la pratique de la médecine auprès de gens de la haute société lui ont bâti une confiance artificielle, le harcè-lement d'une mère fidèle à ses origines mo-destes et l'amour subit pour une jeune assis-tante viendront mettre fin à ce marathon aux grands honneurs. Plus tard, une opération de sauvetage dans une mine de son coin natal consacrera cette œuvre de rédemption: le docteur Owen redécouvrira, bien malgré lui, une dimension plus humaine à la médecine. Désormais, il servira les malades au lieu de vouloir toujours s'enrichir à leurs dépens. Pour ce faire, il abandonnera sa clientèle pittsburgeoise pour s'installer dans une petite ville anonyme.

    J'ai découvert, grâce au Scalpel, un autre Horace Mac Coy. J'ai découvert un message d'espoir, une possibilité de réconciliation avec soi certes trop rare dans son oeuvre.

    [Denis HAMELIN]

    quelle douleur! Monique LAROUCHE-THIBAULT Boréal Express, Montréal, 1984, 131 p.

    Il n'est pas rare de voir écrivains et peintres faire tout d'abord entendre leur voix sur le mode de la parodie ou du pastiche, pour évacuer un héritage imaginatif trop lourd,

    lise vekeman

    l'itinérante

    , £ e dernier

    recours

    Horace Mac Coy

    Le scalpel

    6 Québec français DÉCEMBRE 1984

  • trop astreignant. C'est dans cette optique, je crois, que l'on peut accorder certaine recon-naissance à Monique Larouche-Thibault pour son roman intitulé Quelle douleur!

    Sous ce titre ironique, l'auteur propose une histoire aux mille rebondissements, une thématique digne de nos téléromans, avec comme cadre un coin de terre du Québec des années cinquante. D'une narration vive et efficace, le récit dépeint l'existence — ins-crite sous le signe de la fatalité — de Simone, dont le premier enfant meurt en bas âge, et de Rita, sa seconde fille, qu'elle rejette et qui s'enfonce dans la schizophrénie. Mais, tout au long du récit, le ton humoristique — par-fois ennuyeux, parfois mordant — vient adroi-tement subvertir cette histoire, cette théma-tique de la maternité, du viol, de la maladie, de l'amour et de la mort, en dénonçant son propre excès de représentation. Si le texte nous mène allègrement et sans trop de heurts au bout de son parcours narratif, c'est qu'il réussit assez bien à ramener à son mode de lecture/écriture nombre d'éléments qui, au-trement, agaceraient.

    Ce récit parodique se construit à même une langue riche, truculente, qui s'offre le plaisir de nombreuses déviations par rapport à l'attente syntaxique commune. Cédant une large part à l'oral, cette écriture s'enracine dans la tradition du conte, tout en ajoutant à cette esthétique une dimension de pastiche : l'imitation du style patoisant du roman de la terre. Néanmoins, le seul plaisir de l'imitation ne suffit pas et, une fois la lecture terminée, peu de choses subsistent. Si ce roman, qui laisse toutefois entrevoir un talent certain, risque de tomber dans l'oubli, c'est sans doute qu'il n'aura pas su se démarquer du simple exercice de style.

    [André LAMONTAGNE]

    érica Jean-Yves Soucy Libre expression, Montréal, 1984, 139 p. (11,95$)

    Jean-Yves Soucy est un écrivain singulier. Son premier roman, Un dieu chasseur (1976), a été acclamé par la critique et a retenu l'attention de deux jurys (prix de la revue

    Études françaises (1976) et prix la Presse (1978). Son deuxième roman, le Chevalier de la nuit (1980), et son recueil de contes, l'Étranger au ballon rouge (1981), ont séduit la critique et ont confirmé le talent du jeune auteur. Dernièrement on a attaqué son Parc Lafontaine (1983). Érica, son dernier-né, ne fera sûrement pas l'unanimité tant cette fable destinée aux enfants (et sans doute aux adultes) sent la facilité.

    Il s'agit d'un bestiaire, à classer donc dans les récits ou contes d'animaux du catalogue Aarne-Thompson. Car Érica — de son vrai nom Eulalie — est une taupe claustrophobe qui élit domicile chez le narrateur Thomas, alias Louis, un célibataire endurci à qui elle finit par rendre la vie insupportable. Mais Thomas — est-il l'image du parfait céliba-taire? — a un cœur d'or et est prêt à tout pour gagner l'estime de la bête qui est pour le moins accaparante. Il n'hésite pas à la transporter à la ville, à la nourrir de caviar et de vers congelés pendant la froide saison, voire à renoncer à tous ses amis (et amies surtout) pour satisfaire aux exigences de la bête jalouse qui prend toute la place et qui saura, à la fin, au grand soulagement de Thomas sans doute, se dénicher un mâle de sa race pour le dominer à son tour.

    L'œuvre, si elle est courte, n'est pas sans qualité toutefois. Jean-Yves Soucy écrit bien et maîtrise l'art du dialogue. Mais la fable manque, me semble-t-il, de consistance, de profondeur et d'intérêt aussi. Plusieurs anec-dotes sont facilement prévisibles. L'auteur a-t-il voulu mener une charge contre un certain type de femmes qui militent dans les rangs d'associations féministes et qui aspirent à dominer l'homme? J'en doute.

    [Aurélien BOIVIN]

    t'es beau en écœurant Stephen SCHECTER Nouvelle Optique, Montréal, 1984, 161 p. (Fiction).

    Stephen Schecter a choisi de nous livrer cette première œuvre de fiction dans une forme peu utilisée à notre époque : le roman épistolaire.

    Le prétexte qui préside à la rédaction de ces lettres est une promesse faite par Michael à son ex-amant Richard de lui écrire l'essen-tiel de ses réflexions afin que celles-ci résis-tent à la fugacité du temps. Du 12 mai au 6 août, il lui écrira les quinze lettres qui composent le roman et dans lesquelles il retrace leur relation amoureuse et ce qui en provoqua le terme.

    L'itinéraire amoureux de ces deux person-nages antithétiques jusque dans leurs espaces même se concentre autour de la fascination du double homosexuel, thématique privilégiée que complètent diverses interrogations sur le lien intime unissant amour et pouvoir, les rapports hommes-femmes et même celui à saveur psychanalytique de la recherche cons-tante du père. Le ton intimiste et le style sobre se prêtent fort bien à l'exploration de cette thématique.

    Malheureusement, la diversité et l'enchaî-nement des thèmes créent certaines lacunes dans l'organisation formelle.

    [Linda LAMARCHE]

    le bel amour Serge VIAU les Éditions Domino, Montréal, 1984, 147 p.

    Jack Dufour, riche marchand d'art en proie au désespoir depuis la mort de la femme qu'il aimait, médite sur sa propre déchéance tout en laissant libre cours à ses penchants exhibitionnistes. Bon, ce début peut intéres-ser. Mais très vite, le récit prend des allures de mauvais «polar»: la G R C . soupçonne notre homme d'être un important trafiquant de drogue, et lui met entre les pattes une jeune femme alliant charme et perversité, dans l'espoir de l'amener à trahir ses activités illicites. Cette dernière, bien qu'éprise de notre antihéros, le livrera aux autorités afin d'obtenir la remise d'une peine d'emprison-nement qui, antérieurement, lui avait été imposée pour trafic de drogue (eh oui !).

    La principale faiblesse du récit réside dans cette oscillation constante entre l'introspec-tion et une intrigue policière bâclée et sans intérêt. Le désir légitime de se démarquer du

    JEAN-YVES SOUCY R o" ' H —A B

    Stephen Schecter

    Nouvelle Optique

    DÉCEMBRE 1984 Québec français 7

  • roman de série B est bien là, perceptible, mais l'auteur eût mieux fait de mettre de côté l'aspect policier, plutôt que d'offrir le cata-logue de stéréotypes destiné à séduire le lecteur plus que moyen: le sexe, le fric, la gastronomie, la «coke», l'exotisme à rabais, les inévitables préjugés sexistes, le tout enrobé d'une pléthore de lieux communs sur la vie, l'amour et la sexualité. Inégal, le texte l'est également au niveau du style. Si, en de rares endroits, l'auteur démontre certaines qualités d'écriture, il retombe aussitôt dans l'emploi excessif d'expressions argotiques ou triviales sans véritable fonction esthétique ou transgressive.

    Par ses caractéristiques idéologique et littéraire, ce roman en dit long sur les mœurs éditoriales des Québécois, qui, comme l'écrit le narrateur, «se sont donnés un art de marchands de ketchup, qui nourrit leur sen-sibilité et leur spiritualité autant que le fast-food» (p. 100).

    [André LAMONTAGNE]

    le regard oblique Gilles ARCHAMBAULT Boréal Express, Montréal, 1984, 179 p.

    L'ironie corrosive et la satire virulente ne sont pas toujours les armes les plus efficaces contre l'injustice et la bêtise. Il arrive qu'au contraire un ton allusif, finement modulé, tout en nuances et en suggestions, atteigne sa cible plus sûrement que la plus acérée des flèches. C'est le cas des billets doux que Gilles Archambault a réunis en recueil sous le titre le Regard oblique. En effet, les maux et travers de la micro-comédie humaine qu'est le monde littéraire y apparaissent avec d'au-tant plus d'acuité qu'ils y sont vus de biais ou plutôt par le biais d'une fine ironie qui passe par des chemins de traverse et des raccour-cis astucieux.

    L'une des astuces de l'auteur consiste à citer, en guise de titre, avant chacune des sept parties qui composent le recueil, des paroles d'écrivains soulignant avec humour les revers et les dessous du métier des Lettres. Son œuvre s'inscrit alors d'emblée dans la même lignée, voulant simplement présenter quelques tours d'adresse venus s'ajouter au grand cirque littéraire. À la fois amusé et gêné, le lecteur apprend combien il est facile

    à un éditeur d'oublier de payer les droits d'auteur, que le hasard joue un grand rôle dans l'attribution des prix littéraires, que les critiques sont moins que consciencieux et objectifs et que le public, fidèle à lui-même, reste indifférent, sinon méprisant. Le « regard oblique» n'épargne pas les écrivains chez qui tout n'est pas vertu. Ils sont habilement postés de profil devant le miroir de la vérité qui leur renvoie la face cachée de leur âme : petites vanités, envies, ambition. Mais rien d'acerbe ni de fielleux dans ces instantanés car Gilles Archambault a su bien placer sa voix: malicieuse mais sans outrance, nar-quoise mais avec candeur. Il a recours à une phrase brève, sans complications ni fioritures, tout à fait appropriée au ton de la confidence qu'il adopte pour parler à son interlocuteur privilégié, son complice, le lecteur. Il lui confie en toute franchise et en toute naïveté — feintes comme il se doit — ses faiblesses, ses doutes, ses hantises et même ses bonnes idées. Ne faudrait-il pas, pour redorer l'image ternie de l'écrivain et, pour garnir sa bourse, imiter l'esprit mercantile et transformer les roulottes à hot dogs en roulottes de livres ou écouler ses invendus dans des ventes de garage ? La foule ne se précipiterait-elle pas pour assister à des camps d'entraînement pour écrivains comme elle le fait pour ses vedettes spor-tives? Mais, en fin de compte, l'écrivain, si incompris et si maltraité soit-il, est bien celui qui ici remporte les honneurs grâce à la verve de Gilles Archambault.

    [Nicole BOURBONNAIS]

    futurs intérieurs Une anthologie de Stéphane NICOT N° 34 de Fiction Spécial Paris, Opta, 1984, 208 p.

    Il y avait longtemps qu'une anthologie fran-cophone de la science-fiction n'avait vu le jour. Et celle-ci est vraiment francophone: douze récits dont sept français, trois québé-cois, un suisse et un belge. Une porte ouverte sur l'étranger pour les auteurs d'ici.

    Dans sa préface, Nicot précise qu'il n'a eu qu'un parti pris dans son choix: celui de la qualité. Et c'est ce qui a été fait. Il ajoute plus loin qu'il a favorisé « le récit au détriment de textes plus formalistes», soulignant que c'est un phénomène de plus en plus évident dans

    la SF francophone d'aujourd'hui. Il serait intéressant de connaître les textes «forma-listes» écartés pour cette raison: bien des textes de Vonarburg par exemple pourraient être qualifiés de tels, qui racontent pourtant explicitement une histoire.

    On doit reconnaître à Nicot un bon juge-ment: tous les textes présentés sont inté-ressants et révèlent une grande variété thé-matique et formelle. La réputation des Français Andrevon, Jeury et Walther n'est plus à faire: « Rien qu'un peu de cendre» du premiertient du fantastique: «Le vol de l'Hydre» du deuxième est un conte sur l'hydre-avion ; « L'avortement d'Ana Thaï » du dernier présente l'histoire troublante d'une société bouleversée par des luttes sexistes et racistes.

    Ceux qui avaient lu le premier numéro d'Espaces imaginaires retrouveront avec plai-sir Jacques Boireau avec « Inutile au monde» un autre récit à la limite de l'uchronie moyen-âgeuse; Pierre Giuliani avec «Taupe», ori-ginale narration sur les lendemains de la so-ciété de consommation, et Jean-Pol Rocquet avec « La conscience du monde», récit dense des migrations humaines de demain, en par-ticulier celles des peuples du tiers-monde.

    Le lecteur québécois découvrira le Français Richard Canal avec «Le passé comme une corde autour du cou», très belle histoire, poétique et toute intérieure d'un impossible amour ; le Belge Alain Darteville avec « L'astre aux idiots», récit ironique et décapant où surgit l'inquiétude; le Suisse Georges Pan-chard avec « Pâle-Soeil», terrible récit de haine.

    Le Québec n'a pas à pâlir de sa partici-pation. Ceux qui n'ont pas encore lu « Cana-dian Dream» de Jean-Pierre April sont priés de le faire dans les plus brefs délais; ils trouveront un maître de l'uchronie et de l'iro-nie; un récit construit avec une main de maître ; une réponse à ceux qui doutent qu'on puisse faire une science-fiction nationale; toute la vérité vraie sur la découverte du Canada par Jacques Cartier, laquelle se fit au Cameroun. Esther Rochon présente « La double jonction des ailes» ; seule femme du recueil (que faut-il en penser ?), Rochon signe un texte d'une grande beauté symbolique, intimiste, envoûtant,... et doucement fémi-niste. Les amateurs de Somcynsky ne seront pas déçus avec « Le jour de la lune» où se mêlent sensualité, goût de vivre et pouvoir, dans un récit rapide et mythique.

    LE R E G A R D

    O B L ï Q U E

    -43 i i

    8 Québec français DÉCEMBRE 1984

  • On peut regretter les nombreuses coqui l les et erreurs de langue de cette éd i t i on ; elles t roublent le plaisir du lecteur. On s'étonne du si lence de l 'anthologie sur la revue Solaris et sur la co l lec t ion «Chron iques du futur» des Édit ions du Préambule. Heureusement, elle fait sa place à Imagine : le lecteur francophone découvrira au moins une partie du petit monde de la SF québécoise.

    On peut se procurer la revue Fict ion à la l ibra i r ie Raff in de Mont réa l , Pantoute de Québec ou en écrivant à la revue Imagine.

    [Vital GADBOIS]

    l 'histoire détournée Jean MAZARIN

    les brûleurs de banquise G.J. ARNAUD

    la parole

    Daniel PIRET Fleuve Noir, «Ant ic ipat ion», n o s 1270, 1271, et 1278. Paris, 1984. 188 p., 184 p. et 186 p.

    Les amateurs de science-f ict ion connaissent la vieil le co l lect ion «Ant ic ipat ion» de Fleuve Noir. Elle a pendant longtemps porté seule le f lambeau de la SF en France. Devant la concurrence des dernières années, elle est apparue de moindre qual i té : auteurs secon-daires, producteurs en série, écri ture facile et imaginat ion l imitée.

    Les brûleurs de banquise nous raconte une guerre commercia le et pol i t ique se dé-roulant en 2348 ou 2351 sur une terre devenue glaciale. Marxisme primaire, capital isme car i-catural , anthropophagie, sexuali té banale. Il s'agit du seizième ti tre de la série « La com-pagnie des glaces». Une histoire de train qui ne fera pas grand bruit.

    L'histoire détournée aurait pu être un bon roman. Que se serait-i l passé si l 'Al lemagne nazie avait remporté la deuxième guerre mon-d ia le? Hélas! Ils auraient dominé le monde en s'appuyant sur la terreur, la violence et le racisme ; leurs partenaires Japonais auraient refait le coup de Pearl Harbour sur la côte cal i fornienne et tout se serait terminé en 1989 par un cataclysme nucléaire sino-ger-manique. Pas de réf lexion sur la civi l isat ion ; une humani té inchangée. Qu'i l est dif f ici le à l ' imaginat ion d 'échapper au passé et au présent!

    Daniel Piret a fail l i réussir un excellent roman avec La parole. Grand connaisseur de la cabale, semble-t- i l , il nous présente un vieux rabbin ayant découvert la parole de Dieu, créatr ice du monde, ce qui le rend capable de détruire et de créer la vie. Un jeune savant juif de descendance polonaise et vivant en France se fera transmettre le terr ible secret afin de pouvoir faire revivre sa femme cryogénisée. Bon sujet mais classique lutte entre socialistes de l'est et capitalistes de l'ouest pour s'emparer de l'arme absolue, un long, très long voyage de noce en Israël dont les auteurs des guides Michelin devraient s' inspirer et une ardeur sexuelle du jeune couple qui suscite chez moi un sent iment complexe de scept ic isme et de mélanco l ie : autant d'éléments qui n'ont pas su me faire oubl ier les chaudes moiteurs de l'été.

    Malgré tout, il faut cont inuer à surveil ler cette col lect ion pour ses jeunes auteurs dont on fait si mal la promot ion. Brussolo, Jeury, Wal ther : retenez ces noms.

    [Vital GADBOIS]

    histoire d'une passion Marc-André POISSANT Libre Expression, Montréal, 1983, 233 p.

    Cette Histoire d'une passion s'avère être une bluette plutôt terne. L'ennui transpire de ces pages. Et même si « l 'amour ne vaut pas la peine qu 'on fasse des bêtises pour lui», les personnages ne s'élèvent guère au-delà de tels égarements.

    Comme le roman met en scène une jeune société parvenue et fort désabusée, l'histoire prend inlassablement le ton du spleen. Les protagonistes (amants et maîtresses) t iennent lieu de «f igurants» du plaisir. Il ne s'agit en fait que de «sédui re», af in de convaincre. Mais de quo i? C'est miser bien immodéré-ment sur les pouvoirs de la seule i l lus ion. On semble nous démontrer que l 'amour consiste en un état i r rémédiablment déf ic ient et ne peut atteindre l 'authenticité de l'amitié. Et pourquoi pas? Mais encore faut- i l rendre probante pareille démonstrat ion.

    Les personnages demeurent des êtres superf ic iels, tel lement désincarnés que leurs attraits physiques s'amenuisent et leur déses-poir paraît bien risible. Ils « n'ont pas d'âme». Et devant les manifestat ions d'une sensualité aussi mécanique, le lecteur devient certes le plus « malheureux» des participants de l'enjeu

    littéraire. « L'empêchement amoureux», auquel sont ici conf rontés les amants, aurait pu s' inscrire dans un cheminement affectif g lo-bal isant, par t ic iper à un quest ionnement humain pénétrant. Moyen ou obstacle, la passion conf inerai t alors au dépassement ou à l 'ampleur du tourment existent ie l . Mais après maintes ruptures et reprises, le couple central du roman part f inalement et preste-ment en voyage à l 'étranger: le «mélo» connaît au moins un «happy end» ... comme il se doit.

    [Daniel BÉLANGER]

    tour du monde en 80 jours Jean COCTEAU, Idées, Gal l imard, 1936, 246 p. (4,95$)

    Écrit en 1936 à la suite d 'un pari pour Paris-Soir, ce réci t - reportage d'un tour du monde suit l ' i t inéraire inventé par Jules Verne en 1876. Ce journal de bord est à la fois une haletante découpe du réel, une explorat ion enchantée de l ' inconnu et une incisive ré-f lex ion morale. Le ry thme du repor tage: brèves notat ions, phrases courtes, change-ment rapide des points de vue et des thèmes permet d'intégrer aux flashes qui créent l'effet du réel des réf lexions d'une grande justesse morale et sociale. I ta l ie: «La vil le (Rome) aveugle, sourde, la langue coupée, s 'exprime uniquement par les gr imaces lyr iques de Mussol in i». Egyp te : «Le Sphinx n'est pas une énigme (...) Il est une réponse.» États-Un is : «Har lem c'est la chaudière de la ma-chine et sa jeunesse noire qui t répigne, le charbon qui l 'alimente et qui impr ime le mouvement» . Cocteau est sensible aux êtres et aux choses. Disponible, il sait cuei l l i r le hasard comme cette rencontre du 11 mai avec Chapl in «enfant sage qui travaille en t irant la langue». Il sait extraire du détail la s igni f icat ion p ro fonde ; c'est pourquoi ce voyage de 1936 conserve toute l 'actualité du rêve.

    [Michel PAQUIN]

    De quoi t 'ennuies-tu, Ével ine? suivi de E ly ! E ly ! Ely! ,

    Gabrielle ROY, Montréal , Boréal Express, 1984, 122 p.

    Le 14e livre de Gabriel le Roy cont ient deux textes non inédits qui ont en commun de

    ANTICIPATION

    I HISTOIRE nÉTOlTtaMEi:

    ANTICIPATION DANIEL PIRET

    jean cocteau tour du monde en 80 jours mon premier voyage)

    I l idées/gallimard

    DÉCEMBRE 1984 Québec français 9

  • s'inscrire dans le cycle autobiographique de Rue Deschambault et de La Route d'Altamont, comme l'éditeur l'annonce justement d'ail-leurs. Mais ils sont fort inégaux quant à leur origine temporelle, leur intérêt et leur qualité d'écriture.

    De quoi t'ennuies-tu, Éveline ?, d'abord publié en édition limitée en 1982, a été «écrit au début des années soixante» (p. 7). Il raconte le long voyage de six jours d'Éveline, à 73 ans, en autobus, de Winnipeg à un petit village de Californie entre Los Angeles et San Diego, sur le nom duquel hésite du reste le narrateur (Bella Vista, p. 14?, ou Encinitas, p. 54, 62 ?). C'est là que demeure Majorique. «À la veille du grand départ» (p. 12), il mande sa sœur auprès de lui. Une fois rendue à destination, Éveline fait la découverte de la nombreuse et chaleureuse famille de son frère. Tous adoptent spontanément «Auntie dear».

    En 84 pages, le lecteur redécouvre ici la marque personnelle de Gabrielle Roy: souci du détail précis qui fait voir la situation décrite, utilisation d'une écriture des plus dépouillées et quasi synesthésique, où la vue et l'odorat s'unissent souvent, et surtout attention portée aux personnages qu'elle met en scène et dont elle s'applique à pénétrer l'intimité de la pensée, de l'être.

    Ely! Ely! Ely! est pour sa part un court texte de 23 pages écrit «à la fin de 1978 et au début de 1979» (p. 7) et appuyé sur les «souvenirs d'un voyage» que Gabrielle Roy «avait fait dans les Prairies, en 1942» (p. 7). On y décrit l'arrivée de l'auteur, en pleine nuit, à Ely, petit village situé à une trentaine de milles de Winnipeg. Journaliste, elle vient «étudier la colonie huttérite d'Iberville» p. 105), le village voisin. Elle doit d'abord vaincre la suspicion des habitants : « on était en temps de guerre (et) on voyait partout des espions» (p. 111). Une semaine plus tard, elle peut s'en retourner, «heureuse, en mouvement, disponible, toute à l'inconnu de (son) pays comme à tout l'avenir encore possible du monde» (p. 122).

    C'est la note sur laquelle se termine ce texte qui tourne un peu court, qui demeure plus ou moins satisfaisant au plan de la langue et que l'éditeur qualifie tantôt de «récit» (p. 5) et tantôt de «nouvelle» (p. 7). On y recherche et exploite à nouveau les sentiments de fraternité humaine.

    Les inconditionnels de Gabrielle Roy trouveront sans doute leur compte dans cet ensemble inégal; les autres garderont peut-être un léger arrière-goût de déjà vu et de déjà dit.

    [Jean-Guy HUDON]

    HUMOUR

    dix nouvelles humoristiques par dix auteurs québécois Quinze, Montréal, 1984, 221 p. (14,95$)

    Aussi bien avouer d'entrée de jeu que le titre de ce recueil collectif m'apparaît mal choisi. Des dix nouvelles supposément humoristiques du volume, la moitié tout au plus parviennent à faire sourire. Le projet que caressait André Carpentier, le maître d'œuvre de l'entreprise, était pourtant intéressant. Mais encore lui aurait-il fallu faire appel à des écrivains qui avaient le sens de l'humour, tels Bertrand B. Leblanc, Roger Fournier, Louis Landry ou Jean-Paul Filion... Quitte à céder sa place car lui-même n'est pas à la hauteur dans «le Genou de Gros-Menton», qui n'est sûrement pas son meilleur texte. Pas plus que Pauline Harvey d'ailleurs dont le monologue parisien « Un soir que je m'embêtais» m'a «embêté un autre soir...», tout comme l'aventure banale que raconte Madeleine Ferron autour de la grande Edwige Feuillère («les Vertus inces-tueuses de la mère patrie»). André Belleau obtient certes plus de succès avec une autre aventure amoureuse (« Des roses pour Candy Bar»). Le jeune héros, «rappeure» dans un Steinberg, est obsédé par l'effeuilleuse Candy Bar. Son travail en souffre: il met les boîtes de conserves sur les marshmallows et est viré pour grossièreté envers une caissière. Quand, un soir, il se trouve face à face avec son idole dans les coulisses du Roxy et lui lance des fleurs, elle lui crie: "What the fucking heel are you looking for?» Noël Audet («Qui trop embrase...») met en scène un pompier qui parvient à entraîner chez lui une jeune serveuse de snack bar. Mais à sa grande surprise, son boyau... est trop petit pour satisfaire la visiteuse. L'idée de François Barcelô est fort intéressante et sans doute la plus brillante du recueil: une terrible épi-démie, le sic (syndrome d'insuffisance céré-brale), s'attaque aux êtres intelligents, ce qui est fort gênant pour ceux qui ne sont pas

    atteints. Même succès pour Gilles Pellerin («On annonce la pluie»), qui reprend à sa façon l'histoire du déluge dans laquelle s'en-tremêlent passages de la Bible, parodies du système d'impôt, considérations sur le hockey et sur la rivalité entre les Canadiens et une autre équipe de la Vieille Capitale composée «de noms difficiles à prononcer d'athlètes achetés maints deniers dans des pays où la libre entreprise n'est pas libre» (p. 175). Le texte de Jean-Marie Poupart est lui aussi bien réussi mais quelque peu enchevêtré, tout comme celui de Yolande Villemaire. Quant à celui de VLB, il est certes tragique. Comme quoi l'humour... peut être sérieux et noir!

    [Aurélien BOIVIN]

    POÉSIE écrire ou la disparition Michel LECLERC L'Hexagone, Montréal, 1984, 49 p. [7,95$]

    Il y a dans le plus récent volume de Michel Leclerc, Écrire ou la disparition, une rigueur d'écriture et d'analyse fort particulières. Vingt poèmes brefs se dédoublent en autant de textes qui viennent circonscrire et approfondir l'élan premier. Il ne s'agit pas de superposer deux niveaux de discours dont l'un ne serait que le dépôt sédimentaire d'une matière brute : au contraire, i l y a ici existence colla-térale d'un texte où le sujet tente de dispa-raître et un second dans lequel le sujet dé-termine les marques de cette disparition. L'obsession du langage sature le livre et devient le nœud de cette écriture qui se dit à travers le corps et l'amour. Michel Leclerc réalise, avec Écrire ou la disparition, une synthèse particulièrement intelligente et ap-propriée de récriture mise en acte.

    [Roger CHAMBERLAND]

    transparole Alain ST-YVES Éditions éphémères improvisées, 1984,150 p.

    Œuvre orchestre d'un auteur (St-Yves), d'un photographe (Jacques Gratton), d'un illus-trateur (Marius Jomphe) et, semble-t-il, de

    DIX NOUVELLES HUMORISTIQUES

    PAR BIX AITKURS Ql ÉBÉCOIS NOt:i. A . m i , |-«AM,-UISBAMfl-.I.O'\tf7MH-t.ÈV> DISAI"UIsU •,MWJ- BMt. l U iM . ' k l ( IB IV^ I I IK .V IV lH .HWn. - .KKV.N XV.'IJNt". l.\KM-ï.'ial.....'iS.-l.ï.l... Ih \N-M,\«t l . « H I M » !

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    MICHEL LEOJEJRC ECRIRE

    OU LA DISPARITION

    10 Québec français DÉCEMBRE 1984

  • plus decent éditrices et éditeurs (noms de la page 147, probablement souscripteurs), Transparole reste un beau livre, dans les tons verts, auquel on ne demeure pas indifférent. Né de Gaspésie, l'œuvre voyage à travers les influences. Comme un territoire, les paysages varient, de la quotidienneté et du prosaïsme à l'insolite, au merveilleux, à l'ardeur. Bref, il faut le fréquenter: c'est un espace et une auberge. Et un objet/sujet modernes.

    [André GAULIN]

    l'amant gris Louise Warren Triptyque, Montréal, 1984, 81 p.

    Voilà un petit recueil précieux; des poèmes en prose qui disent la femme dans sa relation amoureuse, force d'un quotidien désaliénant. Cette poésie sait également dire la douceur des choses, la volupté des instants partagés avec cet «amant gris» et, sur un fond de nostalgie, les bons moments de l'enfance où l'un et l'autre, le père et la mère, sont présents à travers des souvenirs heureux. Les textes de Louise Warren font preuve d'une grande sensualité, et la limpidité de l'expression donne à imaginer des scènes impression-nantes fort réussies et renforce la puissance de représentation.

    [Roger CHAMBERLAND]

    HISTOIRE LITTÉRAIRE gilles vigneault, conteur et poète Donald SMITH Québec/Amérique. Montréal, 1984, 158 p.

    Ce livre comporte principalement une étude sur le chansonnier-poète, une interview, une bibliographie des œuvres de l'auteur ainsi qu'une discographie. S'y ajoutent un poème et un conte inédits de même que plusieurs photos. Voilà certes un ouvrage utile pour les professeurs qui veulent mieux faire connaître Gilles Vigneault. L'auteur, qui a longuement fréquenté l'œuvre, en parle d'abondance, et son essai se lit bien. Il rend simplement la genèse d'une longue intervention d'écrivains.

    [André GAULIN]

    yves thériault et l'Institution littéraire québécoise Hélène LAFRANCE IQRC, Québec, 1984, 169 p. (Coll. Edmond-de-Nevers, n°3).

    Voilà un ouvrage qui apporte un éclairage nouveau sur un écrivain et une œuvre, de même que sur ce qui les entoure et les conditionne et que l'on nomme \'institution littéraire. Il faut dire que ce dernier terme reste plus désigné que défini et que Hélène Lafrance s'en remet pour les diverses con-ceptualisations aux théoriciens de ce champ d'études, Pierre Bourdieu, Jacques Dubois, Robert Escarpit et d'autres.

    L'ouvrage se divise en trois parties qui correspondent aux trois pôles de la produc-tion et de la communication littéraire : l'auteur, le lecteur et le texte, chacun de ces pôles étant considéré non en lui-même mais par rapport au «champ littéraire», que Bourdieu divise en deux sphères, le champ de pro-duction restreinte et le champ de grande production, auxquels se rattache le champ des instances de reproduction et de conser-vation. Ainsi l'auteur, sujet et objet de la première partie du travail, dans le cas présent Yves Thériault, doit, de par sa situation per-sonnelle, sociale et intellectuelle, adopter diverses stratégies pour accéder au champ littéraire. Sa carrière le démontre tandis que ses conceptions littéraires et esthétiques sont une indication des types de stratégies qu'il adopte, selon les moments de sa carrière, pour parvenir à entrer dans le champ littéraire.

    Le lecteur, dans ce cas-ci le lecteur spé-cialisé, est le critique littéraire qui constitue cette instance de légitimation des œuvres. La réception des œuvres de Thériault (de 1944 à 1964) «s'inspire des théories de Hans-Robert Jauss et utilise une grille d'analyse élaborée au Département d'études françaises de l'Uni-versité de Sherbrooke» (57). Dans un «coup d'œil sur l'appareil critique québécois», l'au-teurétablit huit critères dont les critiques des années cinquante se servent pour juger les œuvres; ces critères sont de nature linguis-tique, stylistique, morale, esthétique (méfiance de la littérature populaire, pratiquée par Thériault). Le critère qui les coiffe tous est la «référence aux modèles français». À partir de cet ensemble des normes, l'œuvre de Thériault résiste ou ne résiste pas, selon qu'elle entre ou non dans le cadre normatif,

    et évolue, étape par étape, vers une certaine consécration.

    C'est précisément par cette double possi-bilité, constamment entretenue, que l'œuvre de Thériault, le texte, est ambiguë. Elle appar-tient aux deux grandes « sphères», à la para-littérature et à la grande littérature. L'écrivain a simultanément et/ou successivement pro-duit ces deux types d'œuvres; il a même repris des œuvres appartenant à l'une des sphères (production radiophonique) pour les resituer dans l'autre (roman, voire roman traditionnel). Ce jeu de passage et de transfert fait de Thériault à la fois un «outsider» et un «insider». Il abolit les frontières entre les deux champs, mais non sans entraîner un rejet, en particulier de la part des critiques qui n'ont guère apprécié cette transgression des règles institutionnelles établies. Mais depuis que la littérature populaire et la para-littérature commencent à faire surface et même à envahir l'autre littérature, l'œuvre de Thériault «est de plus en plus étudiée» et « pourrait être réévaluée et redécouverte dans une nouvelle perspective».

    [Clément MOISAN]

    le québécois et sa littérature sous la direction de René DIONNE les Éditions Naaman et ACCT, Montréal, 1984, 492 p. (30$)

    En publiant ce fort volume de près de 500 pages, l'équipe de spécialistes dirigée par René Dionne, les Éditions Naaman et l'Agence de coopération culturelle et technique ont voulu présenter aux diverses communautés de la francophonie un portrait quelque peu exhaustif du Québécois et de sa littérature. De fait, on a complété ce portrait-robot par l'adjonction d'un texte sur la littérature orale, la chanson québécoise, la langue des fran-cophones du Québec, le cinéma et la bande dessinée. Un tel choix pratiqué dans le champ de la culture étonne et suscite de nombreuses questions. Pourquoi le cinéma et pas les arts visuels? Pourquoi la bande dessinée et pas l'architecture? Les plus sérieuses interroga-tions naissent pourtant à la lecture des articles.

    On note l'équivoque autour des appellations Québécois, Québécois francophones et Canadien français; aucune uniformisation

    I/Ouisc Wirren

    L'AMANT GRIS

    Triptyque

    Dona-lid Smith

    GILLES VIGNEAULT, H M i l ' « t l >*Ut"fC.

    OUtBrCAMfRllllir

    DÉCEMBRE 1984 Québec français 11

  • ne semble avoir été faite malgré toutes les précautions d'un René Dionne qui, en intro-duction, nous sert un « Qu'est-ce qu'un Qué-bécois?» (Essai de définition historique). Cette définition consiste à dire que sont Québécois ceux qui parlent français (ca 80%) ; mais que sont les autres alors? Au niveau des articles, on observe un flottement iden-tique, à savoir qu'un Québécois n'est Qué-bécois qu'à partir du début des années 60, qu'avant ces dates il est Canadien français et qu'originellement il est Canadien. Quoiqu'il en soit, les dix-neuf coauteurs (ici le féminin est réduit à l'unité) brossent un tableau hon-nête et juste des diverses composantes de la littérature québécoise. Le roman, la poésie, le théâtre, l'essai et la critique littéraire sont clairement examinés sous la loupe avertie de spécialistes qui, «tout en se gardant de la pure érudition», ont bien réussi à traduire la dynamique et la singularité de la littérature québécoise. La place accordée à chacun de ces intitulés est adéquate, quoique la poésie soit en position privilégiée avec ses 82 pages sans que l'on sache vraiment pourquoi. C'est dans cette même partie d'ailleurs que l'on consacre une section à « Quatre grands poètes québécois: Garneau. Hébert, Grandbois et Lasnier». Et Miron? Et Chamberland? Et pourquoi n'avons-nous pas l'équivalent en roman ? ou en théâtre ? Et pourquoi le silence complet sur le conte, la nouvelle, la science-fiction et le fantastique? Une abondante bibliographie ainsi qu'un index onomastique et un index des titres, complètent ce vaste panorama «littéraire». Il est regrettable que son prix soit si élevé (30,00 $), car ce facteur à lui seul nuira à sa diffusion.

    [Roger CHAMBERLAND]

    histoire de la littérature acadienne Marguerite MAILLET Éditions d'Acadie, Moncton, 1984, 262 p.

    Les Acadiens ont-ils véritablement une littéra-ture? Un pays? Peut-on évaluer jusqu'à quel point leur production littéraire épouse la courbe de leur histoire ? Depuis la fondation de Port-Royal jusqu'à nos jours (c'est-à-dire de Marc Lescarbot à Dyane Léger), comment l'écrivain exprime-t-il l'Acadie mythique, idéologique ou réelle ? Toutes ces questions

    trouvent réponse dans la première Histoire de la littérature acadienne. de Marguerite Maillet qui avait déjà publié en 1979, en collaboration avec Gérard Le Blanc et Bernard Emont, une volumineuse Anthologie des textes littéraires acadiens 1706-1975.

    Madame Maillet part d'un corpus relative-ment restreint (environ 155 ouvrages de 76 auteurs) et d'une tradition de lecture prati-quement inexistante en Acadie pour démon-trer comment les écrits littéraires (au sens large du terme) s'inscrivent dans un contexte historique qui met en relief trois grandes étapes : la dépossession territoriale, le dénue-ment culturel et, enfin, le climat d'affronte-ment. Cette Histoire chronologique présente successivement quatre mouvements dans l'é-volution de la société: «Du rêve à la réalité (1604-1866)» ; «Sur les chemins de l'histoire (1867-1928)»; «Sous le signe du souvenir (1929-1957)» ; « Regards sur la littérature aca-dienne depuis 1958». Bien que le ton et la manière fassent souvent penser au manuel, l'auteur évite de faire de son ouvrage une enumeration sèche de dates, de noms d'écri-vains et de titres de livres. Elle vise plutôt à faire connaître une tradition de pensée dans l'histoire de la collectivité acadienne. À cette fin, elle complète son étude d'une bibliogra-phie détaillée, d'un tableau chronologique des événements historiques et littéraires 1604-1980 et d'un index des noms de per-sonnes.

    La physionomie des lettres acadiennes se dessine plus nettement à la suite de ce premier déblaiement. La période contemporaine méri-terait d'être mieux connue, cependant. Les lecteurs et lectrices seront un peu surpris d'apprendre que, de tous les représentants de l'Acadie littéraire, « la désormais célèbre» Antonine Maillet n'occupe que deux pages.

    [Kenneth LANDRY]

    LINGUISTIQUE

    le texte et son lecteur Michel DENTAN Coll. L'Aire critique, Éditions de l'Aire, Lausanne, 1983, 129 p. [21,85$]

    Professeur de littérature à l'Université de Lausanne, Michel Dentan réunit dans ce

    recueil six études sur des textes d'écrivains suisses et français. La première, qui est une réédition, porte sur Cécile de Benjamin Constant; deux autres sont des versions remaniées et développées d'articles récents sur Moravigine de Biaise Cendrars et sur l'œuvre de Bernanos ; les trois dernières sont inédites et portent sur les Contes de Villiers de l'Isle-Adam, Les Circonstances de la vie de Ramuz et Le Rivage des Syrtes de Gracq.

    Il ne s'agit pas d'un ouvrage sur l'acte de lecture, ni sur la « compréhension » des textes littéraires, mais plutôt d'analyses textuelles présentant des lectures interprétatives dans l'éclairage des travaux récents sur la récep-tion. Dentan s'inspire principalement du concept d'horizon d'attente développé par l'École de Constance (H. R Jauss. W. Iser et R. Warning), ainsi que des ouvrages de Michel Charles, de Philippe Lejeune et même de M. Riffaterre. Souvent intéressantes, par moment même palpitantes, ses analyses veulent contribuer davantage au renouvel-lement de l'interprétation qu'au développe-ment de la théorie; elles s'adressent par conséquent davantage à des lecteurs de «bonne critique» littéraire qu'à des cher-cheurs préoccupés de théorisation.

    [Jean-Claude GAGNON]

    CIVILISATION

    héritage francophone en amérique du nord en collaboration Québec français, 1984, 153 p. (8,95$)

    Vital Gadbois. dans sa présentation des actes du colloque de Vancouver (juin 83), invite le lecteur à mesurer encore une fois la richesse de cet «héritage francophone en Amérique du Nord». C'est l'impression très nette qui se dégage de ce volume de 150 pages qui re-prend la plupart des communications arti-culées autour de trois axes principaux: les textes du patrimoine francophone canadien jusqu'au XIXe siècle; la langue, la littérature et la culture françaises aux États-Unis et en Haïti ; la littérature québécoise et franco-ontarienne d'aujourd'hui. C'est donc à une promenade en bottes de sept lieues — dans l'espace et dans le temps — que nous convie la Commission Amérique du Nord de la

    MICHEL DENTAN

    LE TEXTE ET SON LECTEUR

    AaaaUaaat I * ' a n . aVaaWlaV. C

    L'AIRE CRITIQUE

    Héritage francophone

    en Amérique du Nord

    • S :

    Québec francak

    12 Québec français DÉCEMBRE 1984

  • Fédération internationale des professeurs de français.

    Les textes sont agréables à lire dans leur brièveté ; les auteurs semblent prendre plaisir à nous mettre au courant de leurs trouvailles et ne donnent à aucun moment dans le pédantisme si souvent repérable dans ce type de docte assemblée. Par la diversité d'origine des auteurs, il nous est donné une mosaïque d'informations parfois haute en couleurs comme ce «premier lexique de la langue française rédigé en Amérique du Nord». Pour ma part, j'ai savouré les quelques extraits de la charmante « nouvelle acadienne» de Madame de la Houssaye qui publiait en 1888 à la Nouvelle-Orléans «Pouponne et Baltazar». Le Nouvel-Ontario est plus près du Québec ; mais connaissons-nous bien la vita-lité de cette culture ontarienne qui s'enracine, entre autres, dans une maison d'édition et une coopérative d'artistes qui a donné nombre de disques, spectacles et pièces de théâtre ? C'est là un des textes riches en émotions de ce recueil qui compte aussi la communication de Claire Quintal, si attachante dans la des-cription des « Petits Canadas de la Nouvelle-Angleterre». En somme, c'est là une belle occasion de prendre la mesure de l'Amérique du Nord à partir du Québec d'hier et d'au-jourd'hui.

    [Françoise TÊTU de LABSADE]

    québec, une ville Bernard GILBERT, André GILBERT, Claudel HUOT Éditions de l'Empreinte, Québec, 1984, 123[4]p. (24,95$)

    Sous une couverture sobre et attrayante, dans un format qui se laisse aisément con-sulter, Québec, une ville propose un itinéraire tant historique, économique, politique, socio-logique que touristique et ce, dans une tra-duction juxtalinéaire avec l'anglais. Ce qui est remarquable dans cette monographie, c'est la justesse et la pertinence du propos: sans jamais tomber dans le discours dithy-rambique, Bernard Gilbert a su se faire l'ob-servateur sympathique de la vie québécoise et souligner les faits, dates et lieux essentiels à l'intelligence de l'évolution et de la situation de la ville. De la même façon, il donne des renseignements historiques sans la surcharge

    dont font preuve beaucoup d'essayistes. On doit cependant regretter un certain nombre de coquilles dans un volume d'une telle envergure.

    Divisé en sept chapitres, le livre traite tout aussi bien du Vieux-Québec, de son état privilégié comme berceau de la civilisation en Amérique du Nord, que des quartiers populaires de la Basse-Ville, de l'omnipré-sence du fleuve, de la vie quotidienne et de l'esprit de réjouissance des gens de Québec. Mais un tour de ville sur papier doit se compléter par une fête de l'œil. En ce sens, le travail de Claudel Huot est tout à fait exem-plaire: rarement est-il donné d'avoir de si belles photos de Québec. Le photographe a su jouer avec les ombres, les lumières et les surfaces réfléchissantes, —eau, miroir, façade d'édifice, capot et toit de voiture, — et a bien mis en évidence la luminosité des petites rues ou des saisons et la richesse architec-turale de la ville. Son apport photographique dépasse le cadre strict de l'illustration pour l'illustration mais contribue d'une façon ori-ginale à rendre la lecture des plus agréables. Cette symbiose du texte et de l'image a été rendue possible grâce au travail d'édition et de graphisme d'André Gilbert qui n'a pas lésiné pour aérer les parties écrites et donner aux photos les dimensions et l'espace adé-quats pour qu'elles ne soient pas écrasées par les mots. Québec, une ville : une mono-graphie qui fera date.

    [Roger CHAMBERLAND]

    l'Ile d'orléans, microcosme du québec André GAULIN et Norbert LATULIPPE A.Q.P.F., Québec, 1984, 137 p. (5$)

    Depuis plus de cent ans, l'île d'Orléans est racontée, chantée, expliquée. Lieu d'origine de tant d'arrivants au 17e siècle, elle est, à elle seule, tout un pays devenu. À la fois si proche et si lointaine, elle est restée sienne tout en nous appartenant tellement, isolée de la terre ferme, elle a développé pendant trois siècles ses caractéristiques insulaires que n'a pu faire vraiment disparaître un pont cinquantenaire; déversant son trop plein d'enfants au flot continu de dix générations, elle a étendu sa marée dans toutes les terres d'Amérique. Mystérieuse comme une île, cha-leureuse comme une appartenance.

    Conscients de l'envoûtement inévitable que produit l'île sur ses visiteurs, les auteurs ont choisi de nous livrer quelques-uns de ses mystères: son histoire, ses contes et ses légendes ; son grain, ses bois, ses oiseaux et ses fleurs; son panorama d'eau, d'îles et de rives parfois voisines, parfois lointaines ; sur-tout aussi ses hommes et ses femmes qui l'ont aménagée et modelée.

    André Gaulin et Norbert Latulippe ont puisé habilement dans l'importante documentation faite de monographies, de témoignages et de travaux universitaires de manière à produire un tableau fort bien fait, susceptible de donner une dimension toute nouvelle à la ballade du dimanche après-midi.

    Quant à ceux qui voudront en savoir plus, ils pourront ajouter à leurs découvertes de l'île aux sorciers celles qu'offrent les ouvrages publiés et distribués par la fondation Mimigo à différents points de l'île. Ouvrages qui parti-cipent à un mouvement déjà amorcé de mise en valeur du patrimoine fluvial.

    [Pierre BOISSONNAULT]

    ACTUALITÉ

    tant qu'il y aura des profs Hervé HAMON et Patrick ROTMAN Paris, Seuil, 1984, 368 p.

    Depuis sa parution en France, cet ouvrage alimente les grands magazines en débats et dossiers sur l'école. Construit sur des entre-vues significatives, glanées dans tout le pays, il jette une lumière crue sur la situation actuelle de l'enseignement et sur le métier de prof.

    La complexité du système éducatif français, avec ses sigles de sf, ses filières multiples et ses différentes catégories de personnels et de salaires donneront au lecteur québécois l'impression de se trouver sur une planète étrangère. Impression qui se confirmera à la lecture des pages sur le «cérémonial de l'inspection» qui évoque ici un passé révolu. La place donnée à la théâtralité dans la relation pédagogique se rattache elle aussi au passé, pas trop lointain, du cours magistral qui semble encore solidement implanté chez nos cousins d'Outre-mer.

    L'ILE D'ORLÉANS

    microcosme du Québec

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    DÉCEMBRE 1984 Québec français 13

  • Mais, à côté de ces différences qui font mieux appréhender notre spécificité, on trou-vera dans l'ouvrage de Hamon et Rotman bien des pages éclairantes et chargées de vérité, Ainsi la fameuse «vocation» d'ensei-gnant se révèle un mythe qui ne résiste pas à l'accumulation des témoignages. Là-bas, comme ici. les élèves semblent de plus en plus décrochés vis-à-vis de l'école, et opposent à l'enseignant une attitude de totale indiffé-rence. Pour compenser, le prof joue de plus en plus de la séduction ouverte. Quand c'est possible. Car, dans certains établissements-dépotoirs, c'est la peur qui est souveraine, du moins pour une importante minorité de maîtres : peur de la violence verbale, ou de la violence tout court. Les plus fragiles, les plus impres-sionnables finissent par craquer et se re-trouvent dans cette curieuse institution fran-çaise que sont les hôpitaux psychiatriques réservés aux enseignants. Nos auteurs se sont promenés là aussi et ont enregistré des témoignages d'une lucidité accablante sur « l'aliénation de l'enseignant».

    La constante qui se dégage, c'est que l'école, loin d'être cet univers fermé où le bruit des mouvements sociaux arrivait amorti et feutré, est devenue le lieu où les affrontements éco-nomiques et culturels entre les différentes couches de la société se manifestent de façon de plus en plus ouverte. Et l'enseignant est au cœur de la mêlée.

    [Christian VANDENDORPE]

    DIVERS

    la typographie au tableau noir Fernand BAUDIN Retz, Paris, 1984, 162 p. (18,60$)

    Rien ne met plus en colère Fernand Baudin que le mépris dans lequel est tenue l'écriture aujourd'hui, particulièrement chez les ensei-gnants. Discipline de plus en plus négligée à l'école, voire en voie de disparition selon certains, l'écriture est pourtant un système qui, au cours des millénaires, est devenue presque aussi complexe que le langage.

    Amant de l'écriture, Fernand Baudin lui a consacré un livre hors norme, en grande partie manuscrit, d'une belle cursive racée. Il livre des réflexions sur la typographie, les

    pleins et les déliés, les empattements, le format journal, les familles de caractères, etc. Ses propos intéresseront ceux et celles qui s'occupent de communication écrite, de mise en page, de choix d'un lettrage en fonction du message et du type de lecture. Et, pour prendre plaisir à cet ouvrage, il n'est pas nécessaire d'adhérer au pessimisme de l'auteur envers l'ordinateur. En effet, pour peu que l'on suive les développements récents dans ce domaine, on constate que, de plus en plus, les ordinateurs individuels et les imprimantes mettent à la portée de chacun des choix typographiques jadis réservés à des ateliers spécialisés. L'art de la typo ne semble donc pas en voie de se perdre, mais de se populariser. Et c'est une chance !

    [Christian VANDENDORPE]

    la méthode SPRI pour organiser ses idées et bien rédiger Louis TIMBAL-DUCLAUX Retz, Paris, 1983, 191 p.

    Les difficultés d'apprentissage sont souvent l'effet d'un manque de méthode. Mais com-ment aider l'élève à construire sa pensée? Il faut l'aider à penser clair, «discerner préci-sément les faits, déduire correctement les propositions l'une de l'autre à écrire clair, à écrire « de manière à être clairement compris par le lecteur». Tels sont les objectifs de cet efficace manuel pratique. L'essentiel du pro-pos de Louis Timbal-Duclaux porte sur le plan. L'auteur distingue 5 étapes: décrire la situation (S), montrer où est le problème (P), exposer sa résolution (R), détailler cette solution en informations (I), et conclure. La méthode SPRI ou esprit est donc un discours de la Méthode qui enseigne l'art de faire un plan adapté au destinataire que l'on veut toucher, faire réfléchir, convaincre... Cette méthode fait l'objet d'un grand nombre d'ap-plications: la rédaction journalistique, le roman, la correspondance commerciale, les fiches documentaires. La justesse du choix qui fonde la méthode, l'abondance des con-seils pratiques, la diversité des applications, la richesse de la documentation expliquent qu'un tel livre trouve comme préfaciers Jean Fourastié et André Conquet.

    [Michel PAQUIN)

    le micro-ordinateur et vous Jerry WILLIS et Merl MILLER Les Éditions Héritage, Saint-Lambert, 1984, 272 p.

    Écrit pour être compris par Monsieur Tout-le-monde, le texte est agrémenté de photos et de caricatures et complété par l'index qui manque trop souvent à ce genre d'ouvrage et par un glossaire des termes les plus fréquents. Les thèmes sont d'intérêt général : survol et petite histoire de l'informatique, logiciels disponibles, conseils d'achat, ordinateur au foyer, réseaux et télécommunications, appli-cations pédagogiques, applications d'affaires, notions de «logiciel» et de «système» d'or-dinateur, revue du marché, périphériques et ressources documentaires.

    Malgré l'intérêt manifeste de tels thèmes pour toute personne qui veut s'initier à la micro-informatique, il faut signaler deux dé-fauts majeurs de l'ouvrage: le vieillissement de ses contenus et le manque d'adaptation au contexte francophone. L'éditeur indique qu'il s'agit d'une traduction de Computers for Everybody, «copyright 1983». Une ligne ren-contrée par hasard à la page 167, •< Depuis la parution de ce livre en 1981...», révèle ce-pendant qu'une bonne partie du texte original remonte à plus loin. Quand on sait avec quelle vitesse les informations perdent de leur actualité en ce domaine, faut-il s'étonner que l'éditeur ait omis d'indiquer la date de la première édition ? Le lecteur de langue fran-çaise doit non seulement souffrir le décalage imposé par la traduction, ce qui semble être son lot habituel dans le domaine de la micro-informatique, mais, en plus, le texte original ne semble pas avoir été suffisamment rajeuni entre 1981 et 1983: le choix des logiciels (chap. 2) en témoigne, ainsi que d'autres indications plus subtiles, telle la conservation de l'illustration (p. 160) d'un produit d'une compagnie déjà moribonde en 1981! Par ailleurs, le livre a été traduit, point: aucune adaptation au contexte francophone. Tous les exemples de logiciels et toutes les res-sources documentaires (chap. 12) cités dans le livre sont de langue anglaise.

    Pour s'initier à la micro-informatique, Le micro-ordinateur et vous demeure malgré tout un livre utile, bien écrit et dont certains chapitres (1, 4, 5, 7, 8, 9, 11 ) résistent encore tant bien que mal au vieillissement du con-tenu.

    [Christophe HOPPER]

    FERWANPBAUPIN

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    ^ i f f RETZ DÉCEMBRE 1984 Québec français 15