NUMISMATIQUE DE LA GÉORGIE AU MOYEN AGE

NUMISMATIQUE DE LA GÉORGIE AU MOYEN AGEAuthor(s): Victor LangloisSource: Revue Archéologique, 12e Année, No. 2 (OCTOBRE 1855 A MARS 1856), pp. 717-723Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41746326 .

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NUMISMATIQUE

DE

LA GÉORGIE AU MOYEN AGE.

APPENDICE.

La numismatique de la Géorgie, dont on connaît aujourd'hui l'ensemble, grâce à l'importante pubfication dont le prince Bara- laïeffa enrichi la science dans ces derniers temps (1), offre encore

plusieurs lacunes importantes à combler. Les savants russes sont , plus que tous les autres, à même de consulter les trésors numismatiques qui leur arrivent de tous les points de la Géorgie, tandis qu'il est fort rare de voir en France un voyageur revenant des contrées du Caucase , et par conséquent plus rare encore de trouver des monnaies géorgiennes.

Lorsqu'en 1852 je publiai la Numismatique de la Géorgie au moyen âge (2), j'avais fait usage, pour les planches, des dessins que m'avait fournis l'ouvrage du prince Barataïefî, parce qu'il n'existe pas de monnaies géorgiennes dans les collections françaises. Je savais donc d'avance qu'il devait y avoir beaucoup de lacunes dans ma publication , mais l'impossibilité de les faire disparaître me faisait espérer que mon travail serait complété , en Russie surtout , par d'autres publications entreprises à l'aide des monuments nouveaux que l'on découvre fréquemment à Tiflis et aux environs.

Depuis quatre ans, rien que je sache n'a été composé sur ce sujet, et je viens aujourd'hui combler quelques-uns des desiderata de la numismatique de la Géorgie en publiant une série de pièces trou- vées , il y a quelques mois , près de Tiflis , par un Géorgien qui les a vendues h un sarraf arménien de Constantinople. Ces monnaies sont devenues, le jour même de leur acquisition par l'Arménien ,

(1) Documents numismatiques du royaume de Géorgie . Pétersbourg, 1844, in-4, avec planches.

(2) Revue archéologique , vin* année » el tirage à pari., in-4, 1852. Leleux. XII. 46



718 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. la propriété d'un amateur très-zélé de numismatique orientale, M. Henri Cayol, imprimeur français à Péra, qui, à son passage à Paris , m'en a obligeamment fait don.

Cette collection se compose de quarante-deux médailles d'argent et de billon frappées sous plusieurs méphés (1) bagratides, qui ré- gnaient dans le commencement du XIe siècle de notre ère : ce sont les rois Giorgi I", Bagrat IV et Giorgi II, qui gouvernèrent les Aphkhazes et les Karlhles de 1014 à 1089. Presque toutes les pièces dont se compose cette collection sont inédites, ainsi que leurs variétés. J'y ai trouvé, par exemple, des monnaies du méphé Bagrat IV, dont jusqu'à présent on n'avait point rencontré de médailles.

Un supplément à mon premier travail, publié dans la vin" année de ce recueil (2) , devenait donc indispensable, et c'est pour rem- plir plusieurs lacunes importantes et faire connaître des monuments nouveaux que je com'plète avec cet appendice la numismatique géorgienne sous les rois de la cinquième dynastie.

Avant d'expliquer et de décrire les médailles géorgiennes, dont je suis redevable à l'amitié de M. Henri Cayol , je vais tracer en quelques mots l'histoire de la succession des dynasties géorgiennes d'après une chronique de ce pays , afin que les lecteurs qui ne connaissent qu'imparfaitement cette question puissent embrasser d'un seul coup d'œil l'ensemble de l'histoire des races royales de la Géorgie.

L'ouvrage dont je viens de parler est connu sous le nom de Karthli' s tskhoureba, c'est-à-dire la vie du Karthli,

qui fut donné, au XII« siècle, à une histoire de la Géorgie, dont l'Arménien Stépanos Orpélian a fait usage dans son Histoire des Orpélians, (3). Cette Vie du Karthli a passé longtemps pour avoir été composée par le roi Wakhtang VI , fils de Léwan , roi de Géorgie ; mais on sait aujourd'hui , d'une manière certaine, que ce prince n'en est point l'auteur, mais simplement l'éditeur (4). L'ouvrage dont je viens de donner le titre est main-

(1) Mot géorgien qui signifie roi. (2) Pages 525, 605, 653. (3) Chap, i, p. 65 et p. 200, n»24 du t. II des Mémoires de Saint-Martin sur

l'Arménie. (4) Brossel, Histoire de la Géorgie , p. 15.



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tenant publié, et c'est un orientaliste français, M, Brosãet, secré- taire perpétuel de l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg, qui le premier en a donné une traduction accompagnée de notes fort nombreuses (1)» D'après cette chronique , qiťon pourrait appeler les grandes Annales de la Géorgie , on sait qu'il y eut dans ce royaume plusieurs dynasties de rois. La première race , connue sous lé nom de dynastie des Pharnawazides ou Karthlasides , a pour chef Phar- nawaz, qui en fut le fondateur quelque temps après le passage d'Alexandre, vers l'an 302 avant l'ère chrétienne, La deuxième race, qui porte le nom de dynastie des Nébrothides , commença à régner Tan 162 avant notre ère. La troisième race, appelée dynastie des Arsacides d'Arménie , commença à régner l'an 93 avant Jésus- Christ, et s'éteignit l'an 265 de notre ère. La quatrième race porta le nom de dynastie des Khosroïdes ; elle commença en 265 et finit en 570. Enfin , la cinquième race est désignée sous le nom de Ba- gratides et se subdivise en quatre branches qui sont : 1* les Ba- gratides purs ou primitifs ; 2° les Aphkhazo-Bagratides ; 3° les Bagratides du Cakheth qui ont régné sur le Karthli ; 4° les Bagra- tides-Moukhraniens .

On connaît quelques monnaies des premiers Bagratides : ce sont les médailles anonymes frappées par les Mthawars (2) , successeurs de Gouram ; celles de Stephanos II et de Djouanchir. Cette branche des Bagratides purs, comme on les appelle, commença à régner l'an 575, et s'éteignit en 994 en la personne de Bagrat ou Dawith, surnommé Regwen (le sot).

Sous le règne de ce dernier prince , la Géorgie se trouva divisée entre plusieurs rois. Un méphé , du nom de Bagrath III , régnait sul- le Karthli et l'Aphkhazie ; un autre prince, nommé Goric ou Gour- gen, possédait le Tao. Bagrat IH, qui avait en vue l'affranchisse- ment de son pays , parvint à réunir sous son autorité un grand nombre de provinces qui , jusqu'alors , avaient été gouvernées par des chefs différents , et créa pour ainsi dire l'unité de la Géorgie. En effet, à sa mort , son fils Giorgi 1" était roi des Aphkhazes et des Karthles, désignation qui devint pendant quelque temps le titre principal des rois géorgiens.

(1) Saint-Pétersbourg. 1849-50, tîi-4. (2) Les mthawars étaient les nobles de première classe qui gouvemateftt des

provinces de la Géorgie au nom des empereurs grecs de Constantinople.



720 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. La collection des monnaies géorgiennes que je vais décrire com-

mence, comme je l'ai dit, à Giorgi Ier, qui régna de 1014 à 1027 : elle comprend trois monnaies de ce prince ; autant de Bagrat IV son fils (1027-72) ; une de Giorgi II , fils du précédent , dont le règne commença en 1072 et finit en 1089 ; sept pièces anonymes portant, comme les précédentes, des caractères géorgiens majuscules, qui ont été probablement frappées par Giorgi II ou Dawith le Réparateur ; vingt-cinq autres pièces avec des légendes arabes frappées à la même époque; et enfin trois monnaies incertaines que leur mau- vaise conservation ne m'a pas permis d'expliquer. En tout , quarante-deux pièces.

On sait déjà, par l'ouvrage du prince Barataïeff et par ma Numis- matique de la Géorgie , que la plupart des monnaies de ce pays sont très-mal frappées. Ces pièces consistent, en grande partie, en lin- gots de cuivre, informes, allongés, sur lesquels on appliquait une empreinte avant que le métal se fût entièrement refroidi. Les médailles que je vais essayer d'expliquer présentent le même carac- tère ; ce sont de petits morceaux d'argent et de billon qu'on a allongés avec le marteau, et sur lesquels les monnayeurs ont appli- qué les empreintes du droit et du revers. Les coins qui ont servi à imprimer les flans étaient ronds, et ďaprés les traces de la cir- conférence, visibles sur quelques-unes des pièces, on peut s'assurer que le coin était plus grand que le métal que l'on voulait frapper, d'où on peut induire qu'un même coin servait à frapper aussi bien les petites monnaies que celles des modules supérieurs. Une autre observation m'a encore été suggérée par l'étude des petites pièces dont je viens de parler : c'est que le monnayeur s'est appli- qué à faire paraître autant que possible sur le flan qu'il frappait le titre et le nom du roi , parce que les lois du pays exigeaient sans doute que les monnaies, pour avoir un cours légal, présentassent au moins en partie le nom et le titre royal. C'est surtout à l'aide des pièces anonymes à légendes géorgiennes et les monnaies avec des inscriptions arabes, qui composent la meilleure partie dela collection, que l'on peut faire cette remarque. En général les médailles dont je vais donner la description ont presque toutes la forme d'un petit lingot plat et large ; l'une des extrémités a été arrondie par l'effet du coup donné avec le marteau pour imprimer le type, tandis que l'autre a conservé la forme droite de la coupure faite avec le ciseau lors de la division du lingot en fragments carrés destinés à représenter autant de monnaies. J'ignore, quant à pré- sent, le nom et la valeur de ces petites monnaies, les documents



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géorgiens que j'ai consultés ne m'ayant fourni aucun renseigne- ment ; toutefois , je suppose que ce sont des subdivisions de la drachme, qui est le nom d'une monnaie géorgienne citée très-souvent dans les annales de cette nation (1).

Je passe maintenant à la description des médailles et des variétés qui composent la collection. Voy. la pl. 278, ci-jointe.

I. Giorgi I" (1014-1027.)

[ Imitation d'une monnaie de Phraate IV , roi arsacide de Parthie . ]

1. mm «li - Méphé Giorgi . - Le roi Georges. Tête barbue du roi tournée à gauche.

Lion passant à gauche ; grenetis au pourtour. Argent, bas titre. Pl. 278 , n° 1. Ma Numismatique de la Géorgie , p. 14, n° 7, pl. 1, 7. 2. Même médaille , mais frappée sur un flan plus petit. Argent fin. Pl. 278, n° 2.

[ Imitation d'une monnaie de Phraate III?]

3. Tête du roi vue de face, dans une couronne de feuillage.

B). [^9*1 -«LI- - Le roi Georges. La légende occupe le champ de la pièce. Argent fin. Pl. 278 , n° 3. Ma Numismatique de la Géorgie , p. 14 , n° 8 , pl. 1,8.

n. Bagrat IV (1027-1072.)

[Imitation des monnaies byzantines .]

4. Buste du roi vu de face, d'une exécution très-barbare; à sa gauche une croix. Filet au pourtour.

En deux lignes séparées par une ligne horizontale la légende • + . - Méphé Bagrat . - Le roi Bagrat. Grenetis

au pourtour. Argent. Pl. 278, n° 4.

(1) Sur le nom et la valeur des monnaies géorgiennes, voy. ma Numismatique de la Géorgie , p. 2 et suiv.



722 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. 5. Même type que le n8 4.

- Le roi Bagrat. Filet au pourtour. Billon. Pl. 278, n° 5.

6. Même type. Le roi Bagrat. Filet au pourtour. Billon.

Pl. 278, n4 6.

III. GIORGI II (1072-1089.)

[Type particulier à la Géorgie.']

7. Dans un grenetis enfermé par un double filet, et en deux

lignes, la légende [Q~ * - Mépheth méphé. - Le roi des rois.

Même cordon au pourtour, ̂ nu - Giorgi , -

Georges. Argent, bas titre. Pl. 278 , n° 7.

IV. Monnaies anonymes avec des légendes géorgiennes.

Ces pièces, au nombre de sept, ressemblent beaucoup , pour la forme, le monnayage et les légendes, à la médaille précédente , sur

laquelle on lit le nom de Giorgi II ; aussi je ne doute pas qu'elles n'aient été frappées sous le règne de ce prince ou sous celui de son fils Dawith II , surnommé le Réparateur, qui régna de 1089 à 1125.

8. Le droit et le revers sont semblables, Grenetis enfermé dans un double filet.

r Mépheth Le roi

ÇiJ... ť r

méphé.... des rois....

Argent et billon. Pl. 278, nM 8 et 9.

V. Monnaies anonymes avec des légendes arabes.

La série de monnaies dont je vais m'oocuper appartient , sinon aux mêmes princes, du moins à la même époque que les précédentes. La forme et le monnayage de ces pièces sont semblables en tous points aux médailles précédentes, qui sont dessinées sous les n°' 7 à 9. La légende , qui est la même au droit et au revers , est placée sur un ornement fleuri qui occupe l'autre partie du champ de la



NUMISMATIQUE DB LA GÉORGIE AU MOYEN AGE. 723 médaille. Celte série de pièces esl nombreuse et parait se rapporter aux deux règnes de Giorgi II et de Drtwith II. Peut-être ces monnaies ont-elles été frappées pour acquitter le kfiaradj que les rois de Géorgie étaient tenus de payer aux musulmans leurs voisins. Si cette conjecture, que je propose avec une grande réserve, est admise, on né devra donc pas s'étonner d'y trouver une légende pieuse empruntée à la Religion de Maliomet.

9. Le droit et le revers sont semblables. Sur un ornement. Filet au pourtour. Billon. Pl. 278, n0' 10,

11 et 12. Je n'ose pas, avec le peu d'éléments qui restent de celle légende,

restituer loute l'inscription; cependant je pertSë qu'on peut y voir l'invocation habituelle : <*MI aMI ¿I! Il n'y a d'autre Dieu qu'Allah, et Mohammed est le prophète de Dieu. Cette lecture peut, il est vrai, être contestée; toutefois je dois dire que sur une monnaie d'argent du même genre (le n° 13 de la pl. 278), on lit parfaitement leá iridis AMI et qui entrent dans la

composition de l'invocation dont je viens de proposer la lecture.

VÍ. Monnaies incertaines.

Il reste encore trois autres médailles qui sont, jé cťois, dé là même époque que les précédentes : seulement, leur étal dé barbarie et de mutilation est tel , que je n'entreprendrai pas de les décriťé. Elles resteront donc à l'état d'énigmes jusqu'à ce qu'on puisse un jour en trouver l'explication. Je donne seulement (pl. 27Ô, ň* 14) le dessin de l'une d'elles qui me paraît avoir quelque analogie avec les monnaies de la reine Thamar et de son fils le roi Giorgi IV, surnommé Lacha. J'attendrai, pouť donner l'explication des dëilît autres pièces, que de nouveaux monuments me permettent dé l'aire des comparaisons qui m'amèneront peut-êlie un jour à dé- couvrir le mystère qui enveloppe encore ce point de la numismatique géorgienne.

Victor Langlois.

