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I N F O I N F O BELGIQUE - BELGÏE P.P. / P.B. 1099 BRUXELLES X BC 10838 Interview: L’éloge à la vie et à la Terre mère de Pierre Rabhi Editorial: Le 100 ème! Vivre autrement: Coup de projecteur sur les actions des partenaires Sud de Frères des Hommes Autorisation de fermeture BC 10838 Bureau de dépôt: Bruxelles X numéro d’agrément: P605065 T erre et V ie T erre et V ie Frères des Hommes - Belgique asbl Rue de Londres 18 - 1050 Bruxelles Tél: 02 512 97 94 - Fax: 02 511 47 61 CCP BE76 0000 7927 7995 TRIMESTRIEL - MAI 2011 - EDITION SPECIALE 100

O Terre et Vie - freresdeshommes.org · D’origine algérienne, Pierre Rabhi est un fervent défenseur de l’agriculture biologique en France. Fort de ses connais-sances en la matière

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BELGIQUE - BELGÏEP.P. / P.B.

1099 BRUXELLES XBC 10838

Interview:L’éloge à la vie et à la Terre mère dePierre Rabhi

Editorial: Le 100 ème!

Vivre autrement: Coup de projecteur sur les actions despartenaires Sud de Frères des Hommes

Autorisation de fermeture BC 10838Bureau de dépôt: Bruxelles Xnuméro d’agrément: P605065

Terre et VieTerre et Vie

Frères des Hommes - Belgique asblRue de Londres 18 - 1050 BruxellesTél: 02 512 97 94 - Fax: 02 511 47 61CCP BE76 0000 7927 7995

TR I M E STR I E L - MAI 2011 - E DIT ION S PECIA LE

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Le 100ème!Vous avez entre les mains le 100èmenuméro du bulletin de Frères desHommes! Enfin, pas tout à fait… En réa-lité, beaucoup plus de 100 numéros ontété édités depuis 1965, année de créationde notre association en Belgique. Audépart, cette publication périodique étaitrédigée par Frères des Hommes Franceet une de ses pages était invariablementconsacrée aux projets menés par le siègebruxellois. Changements dans le gra-phisme, évolutions dans le contenu: lebulletin a traversé les années en revêtantde multiples visages. Dans cette diver-sité, toutefois, une constante: la volontéde s’engager auprès des populations duSud et de réaliser un travail de sensibili-sation au Nord. En parcourant à nouveauces premiers bulletins, on retrouve déjàce même souci d’aborder le développe-ment de façon globale et de contribuer àl’émancipation des femmes bénéficiairesdes projets, par exemple. Les mots sontparfois différents, mais les idées fonda-mentales sont toujours là, même si ellesont évolué et ont été polies progressive-ment par l’expérience.

Pour ce «100ème», nous avons fait unchoix peu ordinaire: celui de consacrerl’essentiel de notre bulletin à l’interviewde Pierre Rabhi, défenseur connu del’agroécologie, de la vie et de la nature,mais aussi philosophe et auteur de plu-sieurs ouvrages1. Au départ, avouons-le,telle n’était pas notre intention. Mais unefois l’entretien bouclé, l’évidence estapparue: la sagesse ne s’accommodepas de résumés ou raccourcis. Nousdevions publier l’intégralité du texte,quitte à y consacrer la totalité de notre

bulletin. Ce choix était par ailleurs loind’être contradictoire avec le contenu denotre travail et de celui de nos partenairesSud. Lorsque Pierre Rabhi évoque l’im-portance de préserver l’environnement,l’injustice que constitue l’accaparementdes richesses par une minorité sur notreplanète, la beauté de la simplicité ouencore le rôle essentiel de la femme auxcôtés de l’homme dans la constructiond’une nouvelle société, ses propos rejoi-gnent l’objectif vers lequel nous tendonschez Frères des Hommes, de même queles desseins que s’appliquent à réalisernos partenaires Sud. Afin de rappelerl’engagement de ces derniers pour cer-tains de ces principes, nous avons choisid’illustrer cet article de divers encarts quimettent en valeur quelques-unes de leursactions, de même que leur ingéniosité,leur attachement aux racines culturelleset spirituelles, leur volonté de vivre enharmonie avec la nature.

Sur fond de crises économique, finan-cière, sociale et politique chez nous etdans nombre d’autres pays, ce 100èmenuméro témoigne de l’importance, voirede l’urgence qu’il y a pour les hommes etles femmes à envisager une nouvellefaçon de vivre. Les ressources de notreplanète ne sont pas inépuisables, faut-ille rappeler, et il est inacceptable et non-éthique qu’une minorité continue à s’enapproprier la plus grande part. Mais lecontenu de ce bulletin va encore plusloin: il démontre que c’est possible etque certains cheminent déjà vers desalternatives plus équitables et respec-tueuses de la vie sur terre.

Certes, l’être humain est généralementréfractaire au changement. Il s’en accom-mode souvent difficilement et lui préfère

la routine quotidienne facile, voie toutetracée, même si elle ne lui apporte pastoujours entière satisfaction. Toutefois,l’évolution de notre monde ne nous laissemaintenant plus le choix: si l’homme per-siste dans cette volonté d’accaparer etd’épuiser les richesses de la planète sanségard pour ses semblables et pour la vieen général, il ira droit à l’impasse àmoyenne ou longue échéance. Chacunde nous porte une partie de la réponse àcette grave problématique: c’est de lasomme des convictions, efforts et enga-gements individuels que pourront naîtreprogressivement des politiques globalesnouvelles. De vraies politiques, sans faux-semblants ou discours creux, despolitiques proches des citoyens et de leurréalité quotidienne.

Milena Merlino

(1) Pierre Rabhi est auteur des livres suivants:«Du Sahara aux Cévennes», «Le Gardien du feu»,«L’offrande au crépuscule», «Parole de Terre»,«Le chant de la Terre» (avec Rachel Cartier),«Graines de possibles» (avec Nicolas Hulot),«Conscience et environnement»,«Terre-Mère, homicide volontaire»,«Vers la sobriété heureuse».

Pour plus d’informations sur Pierre Rabhi et ses actions,vous pouvez également consulter les sites suivants:http://www.pierrerabhi.org/blog/ ,http://www.terre-humanisme.org/,http://www.colibris-lemouvement.org/index.php/TH/Pierre-Rabhi

Frères des Hommes - Info.Le magazine d’information de Frères des Hommes Belgique asblRue de Londres, 18 - 1050 BruxellesTél: 02/512 97 94 - Fax: 02/511 47 61 - Courriel: [email protected] de la Poste BE76 0000 7927 7995 www.freresdeshommes.org

Ont collaboré à ce numéro: l’équipe des permanents de Frères des HommesCoordination générale: Milena MerlinoRédaction: Milena MerlinoCorrecteur: Arlette Lenotte, Yves BarillotÉditeur responsable: Yves Barillot – rue de Londres 18 – 1050 Bruxelles© Photos: Frères des Hommes, Fanny Dion, Patrick Lazic

Mise en page: ATELIER GRADE, Olivier LaroseFrères des Hommes-Info est imprimé chez Gillis à Bruxelles

Frères des Hommes en Europe est constitué de Frères des Hommes en France, Belgique et auLuxembourg ainsi que de Fratelli dell'Uomo (Italie) Avec le soutien de la DGD (Direction Générale au Développement)

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SommaireEditorial p.2

L’éloge à la vie et à la Terre mère

de Pierre Rabhi p.3-8

Brésil:les mandalas de l’agriculture

familiale p.3

Bolivie: cuisiner…grâce à la bouse

de vache! p.4

Bolivie: cultures sous serres

solaires dans l’Altiplano p.5

Bolivie: retrouver les cultures

traditionnelles p.6

Guatemala: retour aux racines

et à la spiritualité p.7

Sénégal: la terre nourrit l’animal

et l’animal nourrit la terre p.8

EDITO

Tous droits de reproduction par quelque procédé que ce soit de traduction et/ou d'adaptation,réservés pour tous pays sauf accord préalable écrit de l'éditeur.

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D’origine algérienne, PierreRabhi est un fervent défenseurde l’agriculture biologique enFrance. Fort de ses connais-sances en la matière et animéd’un respect inconditionnelpour la vie et la terre, il acontribué au développementde cultures dans certaineszones arides d’Afrique et aainsi permis à des populationsdémunies de retrouver leurautonomie alimentaire. Depuis1981, il n’a cessé de trans-mettre son savoir-faire dansplusieurs pays d’Europe etd’Afrique. Il est par ailleursdevenu expert international pour lasécurité alimentaire et a contribué àl’élaboration de la Convention desNations unies pour la lutte contre ladésertification. Agriculteur, mais aussiphilosophe et auteur de plusieursouvrages, il est également l’initiateurdu Mouvement pour la Terre etl’Humanisme qui a pour mission d’ins-pirer un profond changementécologique et humain à travers lacoopération entre citoyens, élus etautres acteurs de la société. Frèresdes Hommes a eu le plaisir de s’en-tretenir avec cet homme qui conjugueà la fois expertise et sagesse.

Frères des Hommes (FdH): L’agriculturebiologique peut-elle réellement nourrirle monde?

Pierre Rabhi (PR): Elle peut nourrir la pla-nète, il n’y a aucun doute là-dessus. Nousavons fait des démonstrations dans leszones arides difficiles et nous arrivions àmultiplier les rendements d’une façonassez importante. Nous avons aussi faitintervenir des scientifiques de disciplinesdiverses et la conclusion globale a étéque l’agriculture biologique pouvait effec-tivement nourrir le monde sans aucunproblème. J’ai d’ailleurs écrit un ouvrageintitulé «L’offrande au crépuscule» quirelate ces expériences1.

FdH: A travers ces projets quevous menez, vous semblezrendre possibles des choses quidans notre société actuelleparaissent impossibles. Quel estl’aveuglement majeur quiempêche cette société de vivreautrement?

PR: Son aveuglement, c’est qu’ellea donné à l’argent tellement d’im-portance que l’argent est plusimportant que la vie. C’est pourl’argent que l’on détruit des forêts,que l’on pille les mers, que l’ondésorganise des sociétés entières.L’aveuglement de notre société,c’est que nous ne voyons pas la

planète comme un magnifique don dudestin ou de dieu -peu importe ce quel’on peut mettre derrière cela-, mais on laperçoit comme un gisement de res-sources qu’il faut épuiser jusqu’au dernierpoisson, jusqu’au dernier arbre. Et cettefrénésie, cette démence de l’humanitépour l’argent, c’est elle qui est au cœurdu problème du monde d’aujourd’hui! Sinous avions d’autres planètes, nous

L’éloge à la vie et à la Terre mèrepar Pierre Rabhi

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1) Cet ouvrage, qui a obtenu en 1989 le prix des SciencesSociales Agricoles Michel Auge-Laribé, décerné par le ministèrefrançais de l’Agriculture, relate l’expérience qui a conduit PierreRabhi au début des années ’80 au Burkina Faso où il a contri-bué à une large diffusion de l’agroécologie auprès des paysansles plus pauvres ainsi qu’à la lutte contre la désertification.

Brésil: Les mandalas de l’agriculturefamiliale

Dans l’Etat de Pernambouco, le Mouvement des Sans Terreépaule les paysans et les forme à une utilisation rationnellede l’espace pour développer une agriculture familiale bio-logique. Il utilise à cet effet le principe du mandala. Seloncelui-ci, le centre du lopin de terre est invariablement réservéau point d’eau où les familles pratiquent la pisciculture et

autour duquel un espace est réservé à la volaille et à l’hor-ticulture. C’est aussi à partir de ce centre qu’est pratiquéel’irrigation goutte à goutte qui se révèle bien utile pour lescultures périphériques. C’est également à la périphérie quepaisse le bétail et que se trouve notamment la maison fami-liale. L’objectif est d’amener les familles à combinerdifférents types de productions, tout en utilisant l’eau defaçon rationnelle.

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© Fanny Dion

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pourrions dire qu’une fois que celle-ciest épuisée, nous pourrions aller ailleurs.Mais nous n’avons que cette planète. Etsi l’on fait vraiment le bilan tous les ansde tout ce qui a disparu pour servir sim-plement le profit et l’avidité humaine, cetépuisement est quand même vraimentconsidérable!

« QUAND L’ARGENT NE REPRÉ-SENTE PLUS QUE LUI-MÊME,IL NOUS ENTRAÎNE DANSCETTE GABEGIE, CE NON-SENSDANS LEQUEL NOUS SOMMESAUJOURD’HUI»

FdH: Je crois savoir que vous n’aimezpas tellement l’expression «développe-ment durable»

PR: Non, pas tellement car cette expres-sion entretient quelque chose que jerécuse totalement qui est le développe-ment selon les principes que je viensd’énoncer. En fait, la mesure du déve-loppement d’un pays se fait selon sonproduit national brut ou son produit inté-rieur brut et cela signifie que l’indicateurprincipal de la prospérité, c’est encoreune fois l’argent. Par cet indicateur, onclasse ainsi les nations en «dévelop-pées», «sous-développées», «en voie dedéveloppement» ou carrémentexsangues…et l’indicateur pour tout cela,

ce ne sont pas les richesses réelles, c’estl’argent. On dit par exemple que le conti-nent africain est pauvre, c’est uneaberration! Le continent africain est

immensément riche. Il représente à peuprès 10 fois la superficie de l’Inde, avecmême pas un milliard d’individus. Il y a del’eau, de la terre, des forêts, et mêmecette ressource inutile que sont les dia-mants, etc. Je n’ai rien contre l’argentquand il intervient dans les échanges,c’est-à-dire dans une espèce de «trocrationalisé», quand il représente les vraiesrichesses. Mais quand l’argent ne repré-sente plus que lui-même, il nous entraînedans cette gabegie, dans ce non-sensdans lequel nous sommes aujourd’hui.

FdH: Il y a les adeptes de l’entre-deuxqui à l’agroécologie préfère l’agricul-ture intégrée. Qu’en pensez-vous?

PR: Ce sont des falsifications inutilesvisant à essayer de concilier l’inconci-liable. Aujourd’hui, il faut considérer laterre qui nous nourrit comme une Terremère à laquelle nous devons la vie. Il nefaut pas la polluer, il ne faut pas la dégra-der, il ne faut pas trouver des stratagèmesde fausse conciliation. La terre estvivante, il faut la respecter. C’est elle quinous permet de survivre et donc elle nedoit d’aucune façon être polluée. Les res-sources en eau, qui sont aussi nourriture,doivent être respectées; et le potentielglobal qui permet à notre espèce de sur-vivre ne doit pas être atteint par quoi quece soit. Par ailleurs, il ne faut pas sim-plement raisonner en termes d’espèce

humaine, il y a aussi toutes les autrescréatures qui ont le droit de vivre aussi;la vie les a fait advenir et elles ont aussile droit de survivre sans qu’un être

humain prédateur fou détruise tout. Il y alà une question profondément morale quise pose ou alors nous ne sommes quedes sortes «d’insectes perfectionnés»qui, par leur insatiabilité, sont capablesde détruire cette merveilleuse planète.Ce n’est pas notre vocation. Nous avonsoublié d’admirer les choses et nousconsidérons que tout doit être subor-donné au lucre.

«NOUS AVONS UNE PLANÈTETERRIBLEMENT INÉGALITAIREOÙ QUELQUES-UNS PRÉLÈVENTÉNORMÉMENT SUR LE BIENCOMMUN AU DÉTRIMENT DESAUTRES, CELA POSE UNEQUESTION MORALE ET ÉTHIQUEABSOLUMENT FONDAME-TALE… L’ARGENT NE DOITPAS DONNER LE POUVOIR DEFAIRE UN HOLD-UP SUR LESBIENS COMMUNS!»

FdH: Quelle place accordez-vous àl’élevage au côté de l’agriculture?

PR: L’animal a été longtemps le compa-gnon de l’être humain; il est relié à sondestin. L’être humain a commencé parêtre chasseur, comme le lion est chas-seur aussi. La nature elle-même et tousles écosystèmes mettent en évidence le

fait que des espèces vivent d’autresd’espèces. L’antilope vit de l’herbe quipousse et le lion vit de l’antilope, etc.Cette règle du jeu qui est déjà inscrite

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Bolivie: Cuisiner… grâceà la bouse de vache!

Près du lac Titicaca, plusieurs famillespaysannes ont recours à la bouse devache en tant que source d’énergie

pour cuisiner. C’est le principe dubiogaz qui leur a été enseigné par l’as-sociation AOPEB. Il est très simple: labouse de vache collectée par les pay-sans est disposée sous une sorte deserre faite de briques en terre et recou-

verte d’un plastique. Auséchage, ce processus dé-gage un gaz qui est amenépar un tuyau vers la cuisinefamiliale. On y adjoint un sys-tème tout simple à partird’une bouteille d’eau afin defaire baisser la pression sinécessaire. Une sourced’énergie qui ne coûte pas uncentime à ces familles pau-vres et isolées.

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dans l’ordre du monde, elle est ce qu’elleest. Un jour, alors qu’on interrogeait unmilliardaire satisfait de lui et qu’on luidemandait s’il ne se sentait pas préda-teur, il a dit: «oui, mais regardez lanature,…». Oui, sauf que dans la nature,la prédation n’est absolument pas desti-née à accumuler des richesses.Lorsqu’un lion mange une antilope, ildigère son antilope, il n’a pas de banquesd’antilopes, d’entrepôts d’antilopes pourles vendre aux amis. On voit même par-fois ces images magnifiques du lion, del’antilope et du buffle qui boivent dans lamême mare. Un lion, s’il n’a pas faim,voit passer l’antilope et ne l’attaque pas;il reste très pacifique. Le problème del’être humain, c’est qu’il veut accumuler.Il prend au-delà de ce qui lui est néces-saire. Et nous avons ainsi une planèteterriblement inégalitaire où quelques-unsprélèvent énormément sur le biencommun au détriment des autres, celapose une question morale et éthiqueabsolument fondamentale. La terre n’ap-partient pas au genre humain, elleappartient à tous et la morale voudraitque nous ne considérions pas la terrecomme un objet de transaction quipermet à ceux qui ont plus d’argent demettre la main sur les biens communs,que sont la terre, l’eau, la biodiversité,etc... L’argent ne doit pas donner le pou-voir de faire un hold-up sur les biens

communs. Ces biens communs doiventêtre moralement considérés comme lebien de tous, et non pas comme les biensde quelques-uns qui peuvent les acqué-rir uniquement parce qu’ils ont desdollars. C’est horrible, c’est terriblementinjuste que l’argent puisse donner unpouvoir pareil.

«RETROUVER UN VÉRITABLEART DE VIVRE QUI DONNE ÀLA MODÉRATION TOUTE SABEAUTÉ, LA BEAUTÉ DE LASIMPLICITÉ»

FdH: Votre intérêt pour la sobriété heu-reuse fait-il de vous un adepte de ladécroissance?

PR: Quand on m’a poussé à me propo-ser aux élections présidentielles de 2002en France, j’avais effectivement mis enavant le thème de la décroissance face àun système qui est dans le «toujoursplus» et qui par conséquent reste dans unprocessus d’épuisement des ressources.Donc, revenir à la décroissance, c’estrevenir à quelque chose d’optimisé, deraisonnable et ceci est relié évidemmentà l’indicateur économique que représentele PIB, etc. Mais la sobriété heureuse vabien au-delà de la décroissance. Ce queje propose par la sobriété, c’est de retrou-ver un véritable art de vivre qui donne à

la modération toute sa beauté. Il s’agitde la beauté de la simplicité. Noussommes dans un système d’une tellecomplexité que finalement, nous sommesdans une insatiabilité permanente qui estentretenue par la publicité. La publicitévous dit que vous n’avez jamais assez.C’est le schéma de la croissance éco-nomique: «consommons au maximumpour augmenter le produit national brut».Je trouve ça terriblement inintelligent etdangereux. Quand je parle de sobriétéheureuse, il ne s’agit pas de croissanceou de décroissance. C’est une attitudeque j’ai adoptée moi-même quand j’aifait mon retour à la terre avec ma famille.Si je suis dans la modération, je suislibéré de ce «toujours plus» qui aliènetout le monde. Aujourd’hui, tout le mondeest aliéné car finalement, comme on nemet aucun seuil à cet accaparement, il ya toujours des gens qui n’ont même pasce qui leur est nécessaire pour survivre.Il y a quand même un milliard de nossemblables, sœurs et frères sur cette pla-nète, qui n’ont même pas accès à lanourriture la plus élémentaire et il y a troismilliards d’humains qui sont dans lasous-alimentation, une situation qui nerépond pas à leurs besoins les plusbasiques. A l’heure actuelle, il s’agit sim-plement de savoir si nous pouvonsconstruire une magnifique civilisation dela modération qui nous libère de ce «tou-

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Bolivie: Cultures sous serres solairesdans l’Altiplano

L’Altiplano bolivien, ce sont des températures basses, unfaible indice de précipitations et des terres arides. Pas facile

pour les petits paysans d’Umanata, près de la frontière péru-vienne, de survivre et de développer une agriculture durabledans ces conditions! La plupart vivant de l’élevage, le pro-blème était particulièrement crucial sur le plan de laproduction de fourrage pour le bétail qui maigrissait à vued’oeil. Face à ces conditions climatiques extrêmes, l’orga-

nisation Orlipa promeut la culture hydroponique. Il s’agit decultures sous serres solaires qui ont pour avantages, d’unepart, de nécessiter des volumes d’eau réduits, cette res-source précieuse étant récupérée dans les serres, et d’autrepart, de permettre une production accrue de fourrage d’uneplus grande valeur nutritionnelle. Résultat: une améliorationde l’alimentation pour le bétail qui produit par ailleurs davan-tage de lait et donne une viande de meilleure qualité. Grâceaux formations d’Orlipa, les familles d’éleveurs améliorentainsi tout simplement leurs moyens de subsistance.

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jours plus» pour nous redonner un peuplus de joie de vivre. Quel est le biensuprême qui nous est donné sur cetteplanète? C’est la joie! Je pense qu’au-cun milliardaire sur cette planète ne peutacheter la joie. Les milliardaires peuventacheter du plaisir, mais pas de la joie. Etquand on est dans la joie, on est dansune sorte de plénitude intérieure qui nousfait aimer la vie au-delà de l’accumulationmatérielle. Nous sommes face à un choix:soit on choisit de compenser indéfini-ment des choses par les moyensmatériels et on n’y arrivera jamais, soiton décide d’être dans cette modérationqui nous permet d’être libéré de ce «tou-jours plus» qui aboutit à donner à l’argentencore un peu plus de puissance qu’iln’en a.

«L’ITINÉRAIRE D’UN ÊTREHUMAIN DANS LA MODERNITÉEST UN ITINÉRAIRE D’INCAR-CÉRATION»

FdH: C’est un peu la voie du milieu desbouddhistes?

PR: C’est simplement l’appel à la grandelucidité. Je ne peux bien sûr pas mepasser de nourriture, de nourrir mesenfants, d’un toit, de soins lorsque masanté est atteinte... C’est ce qui doit êtreassuré à tout être humain sur cette pla-nète. Et on est loin du compte! A côté detout cela, il y a ce qui relève de l’esprit.Parce que nous ne vivons pas que depain, nous vivons aussi des choses intan-gibles, qui relèvent de notre esprit. Nousen avons vraiment besoin car l’êtrehumain n’a pas besoin que de nourriture,

il a besoin aussi de nour-rir son intériorité, son âmeet pour cela, il ne faut pasqu’il soit complètementaccaparé par la matière,ce qui ne lui permettraitplus d’être dans sona c c o m p l i s s e m e n t .L’itinéraire d’un êtrehumain dans la modernitéest quand même terrible!La modernité prétendnous libérer, mais ellenous incarcère. Noussommes incarcérés. De lamaternelle à l’université,on est enfermé. Ensuite,on va travailler dans desboîtes…des grandesboîtes, des petites boîtes,etc. Pour aller s’amuser,on va aussi en boîte…etbien sûr, dans sa caisse!Et puis, vous avez la boîteoù on met les vieux enattendant la dernièreboîte! Cela signifie quel’itinéraire d’un êtrehumain dans la modernitéest un itinéraire d’incar-cération. Et il n’a pas suffisammentl’espace de son accomplissementpropre, c’est-à-dire de l’accomplisse-ment de sa personne subjective et intime.Or, nous avons besoin d’une intérioritévivante. Et pourtant, aujourd’hui, noussommes surtout mobilisés à produire del’argent pour que la nation puisse inscrireun certain produit national brut. Et enoutre, cela se fait dans l’inéquité. On a

l’impression d’une espèce de féodalitémondialisée dans laquelle une minoritéhumaine accumule et tire parti de l’éner-gie de tout le reste. C’est ainsi que l’on ades gens qui sont dans la misère totale,des gens qui sont dans une certaine pau-vreté, des gens qui sont moyennementpourvus…et puis, il y a ceux qui sontpourvus plus que nécessaire et qui le fontsur l’énergie de tous ou sur les res-

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Bolivie: Retrouver lescultures traditionnellesDans la région du Nord Yungas, deplus en plus de familles se lancentdans la culture de la stévia, une plante

au pouvoir hautement sucrant et pré-sentant diverses vertus thérapeutiques.Notre partenaire Celccar leur apporteson soutien technique et les forme àune production biologique. Il met enoutre l’accent sur une utilisation ration-nelle des ressources naturelles et enparticulier de l’eau. Dans cette optique,il promeut entre autres l’irrigationgoutte à goutte. La culture de la stéviaest notamment prisée par les femmescar elle est moins lourde et requiertmoins de force physique. Elle permetactuellement à des centaines defamilles d’améliorer leurs revenus. Lesuccès croissant de la stévia parmi lesconsommateurs a encouragé de nom-breux paysans à se détourner de laculture de la coca.

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sources de la planète. Il y a là uneinéquité qui est abjecte et qui n’est pasdigne de consciences éveillées.

«L’HUMANITÉ N’A PAS ATTEINTDES NIVEAUX DE CONSCIENCEQUI POURRAIENT LUI PERMET-TRE DE BIEN COMPRENDREQUE LE FÉMININ ET LE MAS-CULIN SONT DEUX ÉLÉMENTSCOMPLÉMENTAIRES ET NONPAS ANTAGONISTES»

FdH: Dans cette nouvelle société quevous défendez, quelle est la place quela femme pourrait ou devrait tenir?

PR: L’un des arguments mis en avantquand on m’a poussé à me présenteraux élections présidentielles, c’était «leféminin au cœur du changement». Je suistotalement convaincu et blessé par laplace de la femme au plan planétaire.Vous comme moi, nous sommes nés durapport masculin et féminin. C’est le mas-culin et le féminin qui font la réalité, cen’est pas seulement le masculin, ni seu-lement le féminin. Notre réalité profonde,que l’on ne peut récuser, c’est que lemasculin et le féminin sont complémen-taires. Dans le langage, on parle de «sexeopposé». Mais, ce n’est pas opposé,c’est complémentaire! Cette complé-mentarité est très importante. On ne doitpas seulement la jouer au niveau de laprocréation, mais aussi au niveau de laconscience féminine et masculine qui,en convergeant, donnent l’équilibre. Or,aujourd’hui, je suis très blessé par lasubordination universelle des femmes,

comme si elles étaient nées uniquementpour être au service de l’homme. Quandon voit cette subordination, on se rendcompte que l’humanité n’a pas atteintdes niveaux de conscience qui pourraientlui permettre de bien comprendre que leféminin et le masculin sont deux élémentscomplémentaires et non pas antago-nistes. C’est important que la femmeaccepte son masculin et que l’hommeaccepte son féminin. Ainsi, tout est enharmonie. Cette subordination, cetteguerre permanente au détriment du fémi-nin est extrêmement préjudiciable à notrehistoire. Je pense que notre histoire seraitmoins violente si elle comportait un peuplus de féminin car la femme passe parune expérience que nous n’avons pas entant qu’homme: elle porte la vie en elle.Et en portant la vie en elle, elle a uneexpérience exceptionnelle, celle d’êtreau plus près de ce phénomène de vie.

«L’UNITÉ DE L’HUMANITÉ ESTUNE ÉVIDENCE, DE MÊME QUEL’UNITÉ DE LA TERRE EST UNEÉVIDENCE. LORSQUE VOUSREGARDEZ LA TERRE DEPUIS LECOSMOS, VOUS NE POUVEZ PASLA PERCEVOIR COMME UN PÔLEOPPOSÉ À UN AUTRE PÔLE.VOUS VOYEZ BIEN CETTE UNITÉMAGNIFIQUE»FdH: Comment passer d’initiativescitoyennes individuelles et localisées àun nouveau modèle de société qui s’ins-crive dans des politiques nationales,voire internationales?

PR: Etant donné qu’il y aura des élec-tions présidentielles en France en 2012,nous aimerions, mes amis et moi, pouvoirnous organiser pour donner une tribuneà tous ceux qui ne savent pas où se pro-noncer. Il y a les différents partis, etfinalement, je ne suis satisfait par rien.Bien sûr, ma tendance serait de soutenirl’écologie, mais l’écologie politique estelle aussi amputée de cette approchespirituelle, d’une approche de la beauté.Il n’y a jamais l’argument de la beauté etde l’esprit dans le discours de l’écologiepolitique. Et pourtant, tout cela est impor-tant parce que nous sommes des êtresqui devraient comprendre que noussommes sur cette terre pour vivre, maisaussi pour nous accomplir et surtout pourl’admirer. L’admiration provoque en nouscette vibration la plus belle. Admirer, c’estextraordinaire! Or, admirer, prendre soin,respecter…tout cela ne figure pas telle-ment dans les discours politiques.

Ce qui détermine tout, c’est la vision. Parexemple, que faisaient les primitifs quej’admire beaucoup? Ils ne prétendaientpas être les propriétaires de la vie. Ils par-taient non pas du principe que «la viem’appartient», mais plutôt que «j’appar-tiens à la vie». Ils étaient doncnaturellement respectueux de la vie.Evidemment, il était hors de questionqu’ils exterminent la faune nécessaire àleur survie. Ils avaient des rituels de gra-titude, ils étaient dans cette attitude quine leur donnait pas un droit suprême surla vie. Mais avec l’évolution de l’huma-nité, avec la peur, l’homme a voulu êtredominateur et non pas «quelqu’un qui

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Guatemala: retour aux racines et àla spiritualité

Le CUC est un mouvement paysan qui défend le droit à laterre de communautés paysannes pauvres, souvent d’ori-gine maya. Outre cette lutte pour un partage équitable desressources, il participe, aux côtés d’autres organisations, à

la résurgence des coutumes et de la spiritualité mayas. Denombreuses réunions et formations du CUC débutent parun cérémonial. Ici, les bougies et pétales de fleurs symbo-lisent les 4 points cardinaux et les 4 éléments fondamentaux(feu, terre, air et eau). Tout autour ont été disposées desfeuilles de papier où figurent les mots «liberté», «jus-tice»…comme un écho aux aspirations profondes d’unpeuple dont la culture a été brimée des siècles durant.

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Page 8: O Terre et Vie - freresdeshommes.org · D’origine algérienne, Pierre Rabhi est un fervent défenseur de l’agriculture biologique en France. Fort de ses connais-sances en la matière

prend soin». La vision a alors changé etest devenue «la vie m’appartient» enoubliant que «j’appartiens à la vie». Apartir de ce moment-là, nous sommestombés dans une situation complètementopposée à ce qu’elle devrait être. Nous nesommes là que pour un temps éphémèreet, par ce caractère éphémère, il nousfaut comprendre que nous devonsprendre soin de la vie, l’admirer…Nousdevons éduquer nos enfants, dès qu’ilssont petits, non pas à cette compétitivitéqui déclenche un processus humain anta-goniste. Au fond, toutes nos relations sontfondées sur l’antagonisme: le plus fort/leplus faible, le plus riche/le plus pauvre,etc. Tout cela découle d’une vision erro-née au départ. Mais nous devonscomprendre que l’autre, c’est mon com-plément, que la femme est le complémentde l’homme, que la nature est à respec-ter et non pas à détruire, que je doism’accomplir non pas seulement en aug-mentant mon compte en banque, maisen augmentant mon humanité, en faisantéclore mon humanisme et passer ainsi del’hominisation à l’humanisation. C’est unevoie initiatique, de transformation de monêtre. Il s’agit de passer d’un simplehomme à la conscience la plus élevéepossible. On n’est pas sur cette terre uni-quement pour passer son temps àproduire et consommer en attendant demourir. Il est important de changer l’édu-cation des enfants. Dès l’école, il fautmettre en évidence la complémentaritédu petit garçon et de la petite fille. Il s’agi-rait d’un programme qui renoncerait àcette idée de domination, d’antagonismepermanent dans lequel nous sommes etqui mène aux guerres pour aller vers unprocessus mettant en évidence que noussommes une humanité une et indivisible.L’unité de l’humanité est une évidence,de même que l’unité de la terre est uneévidence. Lorsque vous regardez la terredepuis le cosmos, vous ne pouvez pasla percevoir comme un pôle qui seraitopposé à un autre pôle. Vous voyez bienune unité magnifique. Pourtant, leshumains la représentent comme unpuzzle dans lequel chaque nation estenfermée dans ses frontières, ce qui jus-tifie du coup les violences et les guerres.On a fragmenté la réalité unitaire et c’està cause de cette fragmentation que nousvivons les problèmes actuels.

FdH: Allier une réflexion sur le politiqueau sens premier du terme à uneréflexion spirituelle sur le respect de lavie…

PR: Dans la campagne électorale paral-lèle que nous sommes en train depréparer en France pour 2012, mes amiset moi, il s’agit de faire de la politiquenon politicienne qui mette l’être humainet la nature au cœur de nos préoccupa-tions, d’organiser le monde autour de cescritères. Et non pas faire que l’humain etla nature soient subordonnés à la puis-sance du lucre, l’urgence étant là. Ceuxqui ne peuvent s’exprimer ni à droite ni àgauche comme moi ne savent pas tropcomment s’exprimer. Le bulletin blanc nesignifie rien, il n’est pas pris en compte.Le politique fait de l’acharnement théra-peutique sur un modèle moribond, voiredestructeur. Il faut donc maintenant nousrassembler sur des critères qui ne sontpas seulement dits politiques. Le premierd’entre eux, c’est qu’il faut changer deparadigme car le modèle lui-même n’estpas bon. Il faut s’en débarrasser. Unmodèle qui met l’argent au cœur de toutest un modèle destructeur, on ne peutpas l’accepter. Il faut par contre mettrel’humain et la nature au cœur de nos pré-occupations. Deuxième critère: il ne peutpas y avoir de changement de sociétésans changement humain puisque c’estl’humain lui-même qui détermine lasociété. C’est sa pensée, c’est lui quidétermine le cadre, le mode d’existence

qu’il s’est attribué à lui-même. Et commeil a mis le lucre au-dessus de tout, il n’estpas du tout étonnant que tout cela soitdestructeur. Troisième critère: je pensequ’il peut y avoir une magnifique optionsociale qui défendrait une civilisation dela modération, la modération en tant quepuissance et beauté. C’est pour ça quej’ai écrit un livre intitulé «Vers la sobriétéheureuse». L’intelligence humaine la plusperformante, c’est celle qui peutrépondre à nos besoins avec les moyensles plus simples et non pas avec lesmoyens complexes et compliqués danslesquels nous sommes. Et quatrième-ment, le paramètre transversal est deretrouver ou mettre en évidence le carac-tère sacré de la vie. Si nous avons unevision sacrée de la vie, cela va forcémentnous amener à la respecter et celadébouchera sur une civilisation spiritua-lisée. L’être humain, en retrouvant sadimension spirituelle, va en fait com-prendre que la vie est un immenseprivilège, qu’elle est immensément belleet qu’elle mérite non pas que noussoyons des prédateurs, mais que noussoyons des êtres respectueux prenantsoin de ce phénomène.

Propos recueillis par Milena Merlino,Frères des Hommes

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Sénégal: la terre nourritl’animal et l’animalnourrit la terreL’intégration de l’agriculture, de l’éle-vage et du reboisement: voilà la cléde la réussite de la ferme de Guelakh.Les déjections animales sont utiliséescomme fumier organique dans lecadre des cultures et du reboisementpréconisé dans cetterégion aride. Un engraisnaturel qui nourrit à lafois la plante et la terre,alors que les engrais chi-miques tuent la terre endétruisant les êtresvivants qui nourrissentles sols. Répondant à unprincipe de systèmecyclique, les déchets del’agriculture sont, à leurtour, valorisés en ali-mentation animale, aumême titre que lesgousses de certainsarbres replantés par les

paysans. De même, Guelakh produitde délicieux fromages et les déchetsdu lait des chèvres sont intégrés dansla nourriture des animaux, notammentpour les moutons. De cette façon, laterre nourrit l’animal et l’animal nour-rit la terre. Un circuit fermé qui, enoutre, garantit la sécurité alimentairedes habitants de la ferme.

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