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N O 2 JUIN 2007 LE MAGAZINE DE LA DDC SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION Eine Welt Un solo mondo Un seul monde www.ddc.admin.ch La culture, un facteur clé du développement Le Burundi au bord de l’abîme, malgré la paix Certains pays en développement et émergents deviennent à leur tour des bailleurs de fonds

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NO 2JUIN 2007LE MAGAZINE DE LA DDCSUR LE DÉVELOPPEMENTET LA COOPÉRATION

Eine WeltUn solo mondoUn seul monde www.ddc.admin.ch

La culture, un facteur clé du développement Le Burundi au bord de l’abîme, malgré la paix

Certains pays en développement et émergents deviennent à leur tour des bailleurs de fonds

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Sommaire

DOSSIER

DDC

HORIZONS

FORUM

Un seul monde No 2 / Juin 20072

CULTURE ET DÉVELOPPEMENT L’art de comprendre l’Autre Le respect des autres cultures et la promotion des formes d’expression culturelle sont indispensables au développement durable

6Quand la reconstruction est un acte de violence Entretien avec l’anthropologue Jennifer Duyne Barenstein

12Antigone, un mythe moderne à MostarEn participant à des spectacles de théâtre-éducation, des jeunes de Bosnie et Herzégovine parviennent à s’exprimer sur des thèmes sensibles

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Même le ciel est sans pitiéLe Burundi régresse à nouveau, entraîné dans une spirale dangereuse

16La solution n’est pas de partirMarguerite Barankitse souhaite que les Burundaisrassemblent leurs efforts pour reconstruire lescœurs et le pays

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La partie immergée de l’icebergLe directeur de la DDC Walter Fust évoque le concept de culture

21Feuille de route pour une aide plus efficace En signant la Déclaration de Paris, plus de 140 États etorganisations se sont engagés à œuvrer ensemble pouroptimiser la coopération au développement

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Les perspectives de la coopération Sud-Sud Des pays émergents, comme l’Inde, la Chine ou l’Afrique du Sud, allouent une aide au développement à des États plus pauvres qu’eux

26Comment accoucher sans se faire engueuler L’écrivaine vietnamienne Phan Thi Vang Anh décritl’accueil réservé aux patients dans les hôpitaux de son pays

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L’autre Afrique se construit dans les quartiers Aminata Traoré, ancienne ministre malienne de la culture, se bat pour l’émancipation de l’Afrique et contre l’ordre dominant du Nord

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Éditorial 3Périscope 4DDC interne 25Au fait, que sont les barrières douanières? 25Service 33Impressum 35

Un seul monde est édité par la Direction du développement et de lacoopération (DDC), agence de coopération internationale intégrée auDépartement fédéral des affaires étrangères (DFAE). Cette revue n’estcependant pas une publication officielle au sens strict. D’autres opinionsy sont également exprimées. C’est pourquoi les articles ne reflètent pasobligatoirement le point de vue de la DDC et des autorités fédérales.

CULTURE

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Non, la culture n’est pas un luxe ni un privilège réservé aux

pays prospères et aux nantis. C’est une richesse qui ap-

partient au patrimoine de l’humanité, au même titre que le

droit au savoir, le libre accès à la connaissance et la liberté

d’expression. Fustigeant le prêt-à-penser si pratique mais

réducteur, produit alléchant du politiquement correct, Ami-

nata Traoré, ex-ministre de la culture du Mali et fondatrice

du Forum social africain, n’y va pas par quatre chemins pour

défendre la diversité culturelle: «La pensée unique qui ca-

ractérise l’ordre économique dominant va de pair avec dé-

culturation et déshumanisation.»

Non, la culture n’est pas un luxe; c’est un besoin. Elle favo-

rise les échanges – donc la compréhension – entre les

peuples. Elle est le ciment qui lie les civilisations, au-delà des

distances et du temps. Elle reflète la richesse des femmes

et des hommes qui font toute l’explosive saveur de la natu-

re humaine. Elle fournit des repères. Elle est issue de notre

mémoire collective. Comme un breuvage vital, elle nourrit

notre présent et esquisse la voie de notre avenir.

Parce que la culture est un besoin vital, la DDC ne peut, ni

ne veut se permettre de l’ignorer. Parce que le débat cultu-

rel est un moteur du changement et du progrès, la DDC se

doit d’y participer et de l’encourager. La culture est partout.

Dans les pays en développement, dans les milieux les plus

défavorisés, elle est là. Elle rampe, elle s’insinue. Sans grand

tapage, qu’elle soit peinture, musique, théâtre, sculpture ou

vidéo, elle se répand dans toutes les strates de la société

comme les racines d’un arbre planétaire. Le monde est de-

venu un village global? La culture est la sève qui le fait gran-

dir et prospérer.

Pour les jeunes surtout, la culture prend une importance par-

ticulière. Avec le sport, en dehors du travail et des études,

elle occupe une grande partie de leur temps. Cinéma,

concerts, festivals en tous genres, plates-formes d’échan-

ges sur internet: c’est elle qui permet de partir à la décou-

verte de l’Autre, de percevoir les trésors et la diversité des

civilisations qui font notre monde.

Consciente du rôle que vont jouer les jeunes dans la

construction du monde de demain, la DDC a décidé, pour

la deuxième année consécutive, de les placer au cœur de

ses préoccupations. «Jeunesse et développement» est le

thème qui servira de fil rouge à ses activités. Pour reprendre

la magnifique formule d’Aragon «La femme est l’avenir de

l’homme», la jeunesse incarne le futur de l’humanité.

Parce que chacun peut s’y exprimer, la propager, en profi-

ter, la culture est un langage planétaire. Comme l’eau est

source de vie, elle est source d’échanges. Pour lutter contre

la violence, l’incompréhension, l’intolérance, la culture est

un outil de pacification qui doit être mis entre les mains de

la jeunesse du monde entier. Universelle, elle est un indis-

pensable carrefour d’échanges massifs.

Jean-Philippe Jutzi

Chef suppléant Médias et communication DDC

La culture, une sourced’échanges massifs

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Éditorial

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L’arbre du ciel( jls) Originaire de l’Inde, le moringa oleifera pousse dans toutesles régions tropicales. Cet arbre à croissance rapide et facile àmultiplier rend d’innombrablesservices : ses graines ont des ver-tus médicinales, elles sont utili-sées pour purifier l’eau potableet fournissent une huile alimen-taire de haute qualité. Ses feuilles,consommées fraîches ou séchées,sont plus riches en vitamines,minéraux et protéines que laplupart des autres légumes. EnAfrique, les initiatives se multi-plient pour valoriser en particu-lier les qualités nutritionnellesde « l’arbre du ciel», présent danspresque tous les pays où sévit lamalnutrition. En Guinée, desgroupes de femmes reçoiventune aide pour se lancer dans laproduction et la vente de mo-ringa en poudre.Au Bénin, descentres de santé administrentaux enfants mal nourris un trai-tement à base de moringa.AuNiger, une société de transfor-mation alimentaire envisage de l’introduire dans ses farinesinfantiles. Grâce à un finance-ment extérieur, 230 ménages duCongo Brazzaville vont produiredes feuilles séchées, qui serontensuite réduites en poudre etvendues.

La prochaine vague de mondialisation(bf ) La Banque mondiale an-

nonce une nouvelle vague demondialisation. D’ici à 2030, lacapacité de l’économie de laplanète va plus que doubler,estime-t-elle dans un récent rap-port. Selon les experts, cet élansera largement porté par lesclasses moyennes qui voient lejour dans les pays émergents,comme la Chine et l’Inde. «Lessolides performances des pays endéveloppement seront plus quejamais l’élément moteur de lacroissance mondiale», souligneRichard Newfarmer, auteur del’étude. Les pays en développe-ment connaîtront une croissancede plus de 6% au cours des an-nées à venir, soit plus du doublede celle prévue dans les pays in-dustrialisés. À l’horizon 2030,environ 1,2 milliard d’habitantsdes pays en développement fe-ront partie de la classe moyenne,contre 400 millions aujourd’hui.Les personnes de cette catégoriedisposeront d’un pouvoir

d’achat situé entre 4000 et 17000 dollars par an. Elles de-vraient également acquérir uncertain poids politique dans lespays concernés. La Banquemondiale avertit toutefois que le fossé entre riches et pauvresrisque de se creuser dans lesmarchés émergents.

Téléphoner à l’huile de palme (bf ) Dans les pays en développe-ment, nombre de régions ruralesne sont pas raccordées au réseaud’électricité. Elles sont doncaussi privées de lignes télépho-niques. Les téléphones mobilesconstituent dès lors le seulmoyen de communiquer avecl’extérieur. Dans ces régions, lecourant nécessaire provient degénératrices qui fonctionnent leplus souvent au diesel. Un projetpilote, mené dans une zone re-culée du Nigeria, entend ali-menter les stations de base grâceà du biocarburant renouvelable.Les génératrices utilisent surtoutde l’huile de palme et decourge. Soutenu par l’un desplus grands fournisseurs mon-diaux de téléphonie mobile, ceprojet permet également d’ac-croître la productivité des pay-sans, car l’énergie nécessaire serafournie par des huiles végétaleslocales. On attend beaucoup dece projet : le même système de-vrait être mis en place enOuganda, au Rwanda et auKenya. L’Inde et le Bangladeshs’y intéressent vivement.

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La tontine des chômeurs ( jls) Sortis de l’université oud’écoles professionnelles, lesjeunes diplômés nigériens vien-nent grossir les rangs des chô-meurs. Faute de trouver des em-plois stables, ils essaient de serabattre sur le secteur informel.Beaucoup de jeunes, scolarisésou non, font partie d’un fada.Dans les années 90, ces clubs de12 à 30 membres étaient perçuscomme des repaires de désœu-vrés sirotant du thé à longueurde journée.Avec le temps, ilssont devenus de véritablesbourses du travail, des lieuxd’entraide qui foisonnent d’idéeset d’initiatives pour échapper auchômage. Les membres des fadasconstituent des tontines, qui leurfourniront ensuite un petit capi-tal de départ pour lancer unemicroentreprise. Ils s’acquittentd’une modeste cotisation men-suelle, l’équivalent d’un francsuisse, par exemple.Tous les six

mois, l’un d’eux empoche la cagnotte. Moussa Hassane, undiplômé en marketing, a ainsitouché 50000 Fcfa (123 francssuisses), qui lui ont permis decréer sa propre affaire : il arpenteles rues de Niamey et proposeaux automobilistes des cartes téléphoniques prépayées.

Des villes à bout de souffle(bf ) Dès l’an prochain, plus de la

moitié de la population mon-diale (environ 3,2 milliards depersonnes) vivra dans des zonesurbaines. Ce sont surtout lesvilles des pays en développe-ment qui croissent à vue d’œil,en même temps que les difficul-tés inhérentes à cette expansion.Dans les grandes villes d’Afrique,jusqu’à 80% des habitants ne vivent pas dans des conditionsdignes d’un être humain.

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Échanges

L’extension des bidonvilles en-traîne de graves problèmes sani-taires et écologiques, elle sur-charge les services administratifset fait exploser les budgets desvilles. Beate Lohnert, professeureet directrice de recherches géo-graphiques sur le développe-ment à l’Université de Bayreuth,s’intéresse en particulier à l’im-possibilité croissante de gérer lesmégalopoles d’Afrique, d’Asie etd’Amérique latine. Son équipede recherche a notamment éta-bli que l’apparente absence degouvernance contraste avec uneorganisation interne au sein desquartiers pauvres. À Addis Abeba,par exemple, les habitants d’unlotissement informel ont décidéd’assumer eux-mêmes certainestâches de l’État.

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L’art de comprendre D

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La coopération au développement a longtemps considéré la culture comme unluxe. Elle a commis ainsi une erreur lourde de conséquences, qui a annihilénombre de ses efforts. Il est désormais admis que le respect des autres cultures,la promotion de cette diversité et des formes d’expression culturelle sont desconditions préalables au développement durable. De Maria Roselli.

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Culture et développement

l’Autre

Pourquoi mêler culture et coopération au déve-loppement? Selon un dicton africain, «quand unarbre meurt, ses branches meurent aussi ». End’autres termes, la survie des branches, des feuilleset des fruits dépend des échanges entre le tronc, lesracines et les substances nutritives qui proviennentde la terre. La culture est le terreau d’une sociétéprospère et pluraliste ; elle est la base de son systè-

me de valeurs, de ses traditions, de ses comporte-ments. Les valeurs, les conceptions et les orienta-tions culturelles contribuent au développementsocial, politique et économique d’un pays. C’estpourquoi la coopération tend à faire de la cultureun thème transversal qui exerce une influencecroissante sur tous les aspects du travail de déve-loppement.

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Indispensable au développementDans le contexte de la coopération au développe-ment, la notion de culture revêt deux acceptions.Prise dans un sens étroit, elle se réfère essentielle-ment aux activités artistiques. Les créations sontnombreuses – théâtre, musique, danse, photogra-phie, télévision, vidéo, etc. – et peuvent se dérou-ler dans des champs d’action également très variés,comme la santé, les droits de l’homme, l’égalité dessexes, l’environnement ou encore la bonne gou-vernance.Dans une perspective plus large, cette notion tra-duit, pour la coopération, le respect d’autres cul-tures. Les caractéristiques culturelles d’une popu-lation jouent en effet un rôle essentiel dans la réus-site d’un projet de développement et, en fin decompte, dans la réalisation des objectifs. Depuisquelques années, on admet que le fait de prendreen considération l’identité et la diversité culturellesest une condition nécessaire au dialogue intercul-turel et au développement durable.

L’art pour susciter une discussionL’exploitation croissante de jeunes femmes en pro-venance des pays de l’Est fait régulièrement les titresdes médias en Suisse. En revanche, ce sujet est ta-bou dans les pays directement concernés.Beaucoupde victimes ignorent donc qu’elles sont appâtées

par de fausses promesses. C’est pourquoi le do-maine Aide humanitaire de la DDC, en collabora-tion avec des organisations non gouvernementaleslocales,a recouru à un moyen de sensibilisation quia fait ses preuves : le théâtre.La troupe moldave Coliseum a monté une pièceintitulée Le septième bistrot, qui se base sur le par-cours réel de femmes livrées à la traite des êtres hu-mains. Après une tournée en 2001 dans toute laMoldova, les acteurs se sont produits au cours del’été 2003 dans plusieurs villes d’Ukraine et de Bié-lorussie.Les dates des représentations ont été fixéesexpressément durant les vacances universitaires : ils’agissait de toucher le principal groupe cible – lesjeunes femmes – pendant la «haute saison» du re-crutement. À ce jour, la pièce a été jouée plus de200 fois, entre autres dans huit villes russes. Le su-jet est en effet triplement d’actualité en Russie,quiest à la fois un pays d’origine, de transit et de des-tination pour les victimes de la traite.La culture,au sens de création artistique,a toujoursété un important instrument de sensibilisation etde formation de l’opinion. «En général, les socié-tés ne discutent pas dans un cadre abstrait de va-leurs telles que les droits humains, l’égalité entreles sexes ou la démocratie. Il faut un point d’ac-crochage, de cristallisation. L’art et la culture peu-vent fournir cet élément déclencheur. En Alle-

Le pour-cent culturel de la DDCDans son travail de coopé-ration avec l’Europe del’Est, la DDC a considéréd’emblée la culture commeun facteur déterminant etelle en a fait un secteurd’activité à part entière. Enrevanche, ses bureaux decoopération dans les paysdu Sud se sont longtempslimités sur ce plan à desinterventions ponctuelles,qui prenaient le plus sou-vent la forme d’appuis àdes manifestations locales.La raison principale, c’estqu’au Sud, il y avait tou-jours des mesures plus ur-gentes à mettre en œuvre.La DDC a donc décidé en2003 de promouvoir la cul-ture locale dans tous sespays prioritaires, en luiconsacrant au moins 1%de son budget bilatéral.

Culture et développe-ment économique«À l’époque de mes étu-des, on pensait que ledéveloppement économi-que de l’Inde était entravépar l’hindouisme, et que leconfucianisme avait un ef-fet analogue en Asie orien-tale et en Chine. La cultureétait assimilée à la religionet cette dernière consi-dérée comme un frein audéveloppement. Les con-ceptions de ce temps-làtrouvaient leurs fonde-ments dans la thèse deMax Weber sur l’affinitéentre capitalisme et pro-testantisme. Il apparaissaitque ces religions étaientaxées sur le monde ex-térieur au lieu de s’orientervers l’intérieur, et l’on enconcluait qu’elles n’étaientpas de nature à stimuler ledéveloppement économi-que. Depuis que le taux de croissance économiqueatteint 10% en Inde et enChine, ces facteurs autre-fois négatifs sont tout àcoup perçus de manièrepositive.»Shalini Randeria, profes-seure d’ethnologie

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magne, par exemple, l’histoire du Troisième Reichn’aurait pas été traitée tellement en profondeur s’il n’y avait pas eu autant de livres, de photos, depièces de théâtre et de films sur ce sujet», expliqueToni Linder,conseiller à la DDC pour les questionsculturelles.

Après la culture d’État L’effondrement du communisme a déstabilisé delarges couches de la population dans les pays del’ex-bloc soviétique. Les systèmes traditionnels devaleurs ont été remis en question.La disparition dela culture étatique, dictée au niveau central, a radi-calement modifié la situation des intervenants dansle monde artistique.En Albanie, par exemple, on s’est posé notammentla question de savoir comment amener les habitantsà prendre davantage de responsabilités dans le dé-veloppement de leurs cités. C’est ainsi qu’un pro-jet culturel a été mis sur pied dans les villes de Shkodra et Pogradec:un forum de discussion a ré-uni des artistes, des responsables communaux, desjeunes, des architectes et d’autres acteurs de la so-ciété civile, dans le but de lancer des impulsionspour un développement urbain créatif.En Roumanie, chaque village avait sa «Maison dela culture» à l’époque du communisme. Après lechangement de régime, ces établissements ne sa-

vaient pas comment se repositionner. La plupartsont restés vides et l’argent manquait pour les ré-activer. «Dans le cadre du projet Phénix 05, nousavons aidé les responsables à élaborer de nouveauxmodèles pour leurs Maisons de la culture», indiqueToni Linder.Des référents culturels ont participé àdes cours spécifiques organisés à cet effet. Les cinqidées de projets les plus prometteuses ont finale-ment été couronnées et leur réalisation a bénéfi-cié d’un soutien financier. Il en est résulté, entreautres, une école de danse contemporaine, un stu-dio d’enregistrement, des cours de danse folklo-rique pour les communautés roms et hongroises,mais aussi des cours de langues assistés par ordina-teur, des soirées littéraires, des conférences cultu-relles et un club de seniors.Lorsqu’on parle de promotion de la culture, il nefaut pas sous-estimer l’aspect économique.La cul-ture crée littéralement des moyens d’existence.Aux États-Unis, la Mecque de l’industrie culturel-le, la musique génère à elle seule 40 milliards dedollars par année. Mais cette industrie revêt égale-ment une importance croissante dans les pays endéveloppement et émergents : le Brésil occupe lesixième rang sur le marché mondial de la musiqueet réalise ainsi un chiffre d’affaires annuel de 800millions de dollars par an. En Colombie, l’indus-trie de la culture représente 4 pour cent du pro-

La culture au cœur duchangementLa culture fait bouger leschoses. C’est ce qu’a illustré une étude indépen-dante commandée par Pro Helvetia et la DDC.Dans les pays en transition,l’action culturelle est un élé-ment clé du développementsocial. Cette étude a ana-lysé les expériences tiréesde projets de coopérationtechnique dans sept paysd’Europe de l’Est. Sesconclusions: l’action cultu-relle contribue à la diversitédes opinions et encourageun débat ouvert sur les su-jets importants pour la so-ciété ; elle favorise la créa-tion de structures et deréseaux alternatifs, libèredes énergies créatrices etdonne de nouvelles impul-sions. En résumé, elle ren-force la société civile et, in-directement, les institutionsdémocratiques. L’examen a porté sur onze projets duProgramme culturel suissepour l’Europe du Sud-Est et l’Ukraine (SCP), mis enœuvre par Pro Helvetia surmandat de la DDC.

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duit national brut, soit nettement plus que le café,principal produit agricole du pays. Enfin, l’expor-tation de logiciels rapporte à l’Inde 4 milliards dedollars par an.

Prévenir le sida par le théâtreCela fait maintenant plusieurs années que l’ap-proche culturelle au sens large a fait ses preuves, enparticulier dans le secteur de la santé.Même la mé-decine traditionnelle et les guérisseurs apparaissentaujourd’hui sous un jour nouveau.La culture d’unpeuple sert en effet de révélateur et permet demieux comprendre les comportements individuelset collectifs en la matière. C’est pourquoi il est essentiel de tenir compte du contexte culturel spécifique lorsque l’on conçoit des campagnes deprévention.En Afrique, par exemple, les actions de sensibilisa-tion sur le sida sont de plus en plus souvent orga-nisées en recourant au « théâtre pour le dévelop-pement» : des acteurs, spécialement formés, jouentdes pièces dans lesquels ils traitent des problèmesengendrés par ce fléau mortel. La troupe encoura-ge le public à approfondir le sujet. Une discussions’ouvre ainsi sur les divers aspects de la maladie etles moyens de s’en préserver.

Projets inadaptésTout le monde admet aujourd’hui que le respectdes cultures locales est un facteur déterminant dansla réalisation des objectifs de développement.Celan’a pas toujours été le cas. L’agence de coopéra-tion allemande (GTZ),par exemple,a publié au mi-lieu des années 80 sa première évaluation trans-versale de projets. «Le résultat a été une douchefroide», se souvient l’expert en développement

Michael Schönhuth, privat-docent à l’Universitéde Trèves.«Nous avons dû faire ce constat:nos pro-jets de développement marchaient très bien aussilongtemps que nous les financions,mais près de 40pour cent d’entre eux étaient abandonnés aprèsavoir été remis aux partenaires locaux.»L’agence allemande de développement s’est alorsinterrogée sur le degré d’acceptation de ses projetset leur durabilité. Elle est arrivée à la conclusionque ceux-ci n’étaient pas suffisamment adaptésaux véritables besoins et limites des partenaires lo-caux. «Nous avons découvert que les effets secon-daires négatifs des projets se manifestaient aprèsnotre départ seulement», relève l’expert.Ce problème est bien illustré par l’histoire d’unprojet allemand dédié aux enfants de la rue enGambie: la présence de petits mendiants dans lesgrandes villes du pays était préoccupante du pointde vue des droits humains et faisait du tort au tou-risme naissant.La question était de savoir commentsoustraire ces enfants à la rue. On savait qu’ils de-mandaient l’aumône pour le compte de maîtres co-raniques. L’idée est ainsi venue de chasser du paysces marabouts dont on pensait qu’ils ne faisaientqu’exploiter les enfants. Il était possible de les expulser, car beaucoup d’entre eux venaient du Sénégal.«C’est plus tard seulement que nous avonscompris deux choses, car il fallait pour cela uneconnaissance approfondie des aspects culturels»,explique Michael Schönhuth. «Premièrement, lamendicité a, dans les pays islamiques, une touteautre valeur que chez nous. Deuxièmement, sansles marabouts, les enfants des rues auraient été entièrement livrés à eux-mêmes. Ces raisons ontconduit les partenaires locaux à renoncer à ce pro-jet.»

Une série TV contre lespréjugésLa Macédoine est un payspluriethnique. Mais les dif-férents groupes de popula-tion – d’origine macédo-nienne, albanaise, turqueou rom – vivent les uns àcôté des autres plutôtqu’ensemble. Cette ségré-gation de fait engendrepeur et méfiance. Les mé-dias du pays ne font pasgrand-chose pour que celachange. La série téléviséeNashe Maalo (nos voisins)constitue toutefois une ex-ception. Elle est devenueune émission culte pourles enfants de 7 à 12 ans:environ 75% d’entre eux laregardent et l’apprécient. Le personnage central estKarmen, une maison per-sonnifiée dans laquelle vi-vent des jeunes des diffé-rentes ethnies. Karmenguide habilement les télé-spectateurs dans le mondeétranger des autres cul-tures. Comme l’a montréune étude scientifique, ilsuffit que les enfants aientvu quelques épisodes pourque leurs préjugés négatifsaillent en diminuant.

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partagées par tous les acteurs d’une société. Celaconduit souvent à prendre des contingences histo-riques pour des fondements culturels immuables.»Il faut donc toujours se demander qui définit la cul-ture et quels intérêts cela cache. Depuis que la co-opération lui accorde plus de poids, la culture sertà légitimer beaucoup de revendications. « Je suiscertaine que la sensibilité aux différences culturellesest en principe une bonne chose, mais la questionest de savoir comment la gérer», fait observer l’eth-nologue.En Inde et en Chine, beaucoup de familles consi-dèrent que les garçons sont plus importants que lesfilles. Les raisons en sont à la fois économiques etsocioculturelles. Mais comment tenir compte decette façon de penser dans des projets de dévelop-pement? «Des interventions financées de l’exté-rieur et contribuant à un changement social nepeuvent être élaborées et réalisées qu’avec une par-ticipation locale et avec la sensibilité requise», esti-me Shalini Randeria. Cela signifie concrètementque la coopération au développement doit s’en te-nir au principe de traiter garçons et filles sur unpied d’égalité, même si tel n’est pas l’usage dans lasociété concernée.L’ethnologue en est convaincue:«Prendre en considération les différences culturelleslocales est indispensable,quoique difficile.C’est unexercice de corde raide entre impérialisme cultu-rel et relativisme.» ■

(De l’allemand)

Risque de cécité culturelle Lorsqu’ils arrivent dans un pays nouveau poureux, les experts du développement ont souvent des dizaines d’années d’expérience. «Certains ontcontracté, précisément à cause de cela, une sortede cécité culturelle. Ils tendent à penser que lesstructures sont partout pareilles, que l’on soit enAsie ou en Afrique. En d’autres termes, ils acquiè-rent un certain professionnalisme dénué d’ouver-ture sur la spécificité culturelle d’une situation»,relève M. Schönhuth. Cela donne des gens rapi-dement opérationnels sur le terrain,mais qui n’ontplus suffisamment de sensibilité.Comme il y a beaucoup d’argent en jeu, il arrivesouvent que les partenaires locaux n’aient pas nonplus intérêt à mettre le doigt sur des points faiblesd’ordre culturel. «La pression financière ne facilitepas le dialogue interculturel», estime l’expert alle-mand. De surcroît, les experts craignent de passerpour peu professionnels s’ils abordent la problé-matique interculturelle avec leurs supérieurs hié-rarchiques. C’est pourquoi M. Schönhuth exhor-te les agences de développement à créer des uni-tés chargées de traiter ces questions.

Exercice de corde raideShalini Randeria, d’origine indienne, est profes-seure d’ethnologie à Zurich. Elle aussi estime quele débat interculturel peut être une entreprise se-mée d’embûches, surtout lorsque la culture d’unpays est perçue comme uniforme: «Si l’on a unevision homogène de la culture d’un pays, si l’onpart de l’idée que les anciens, les dignitaires ou lesleaders religieux en sont les porte-parole, il peutsembler naturel de considérer comme universellesdes normes et des attitudes qui ne sont en fait pas

Burkina: je ne paie pas!Depuis sa création en1975, le Théâtre de laFraternité, à Ouagadougou,pratique le « théâtre-débats», une sorte de forum explicitement axésur l’intervention sociale.La troupe cherche la dis-cussion avec son public ;elle soulève des problèmeset confronte les specta-teurs à des idées et desvaleurs nouvelles. Cela nepeut fonctionner que sil’auteur et les acteurss’adaptent aux préoccupa-tions et aux besoins du public. La pièce Je ne paie pas! a été réalisée sur mandat de la DDC. Elle vise à faire comprendrequ’il faut bien payer desimpôts si l’on veut pouvoirrecourir aux services so-ciaux. Pour traiter ce pro-blème, les auteurs ont prisl’exemple du grand marchéde Ouahigouya, où lestaxes sur les stands ontété pour les marchandsune pilule difficile à avaler.

Les visages ne reflètentpas seulement l’apparte-nance à des ethnies, ilsreprésentent aussi descultures extrêmement variées

1 République démocra-tique du Congo

2 Roumanie3 Sénégal4 Viêt-nam5 Inde6 Tchad7 Éthiopie8 Afghanistan9 Angola 10 Pérou

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UUnn sseeuull mmoonnddee :: LLaa ccuullttuurree eesstt uunn ffaacctteeuurrttoouujjoouurrss pplluuss iimmppoorrttaanntt ddaannss llaa ccooooppéérraattiioonnaauu ddéévveellooppppeemmeenntt.. PPoouurrqquuooii ??JJeennnniiffeerr DDuuyynnee BBaarreennsstteeiinn :: La culture est es-sentielle à la survie même d’une population. Cer-tains la considèrent d’ailleurs comme le quatrièmepilier de la durabilité,aux côtés des trois piliers quesont l’environnement, la société et l’économie.Dans le domaine de la coopération, on est de plusen plus sensible aux dimensions culturelles du dé-veloppement.En revanche,ce n’est pas encore suf-fisamment le cas dans le secteur humanitaire.Pour-tant, la culture s’avère encore plus cruciale aprèsune catastrophe, car elle offre alors à la populationles instruments nécessaires pour surmonter la cri-se et gérer le traumatisme. La continuité culturel-le dépend notamment de la préservation de l’en-vironnement construit. C’est un élément primor-dial si l’on veut préserver un lien entre le passé et

le présent.Hélas,beaucoup d’acteurs de l’humani-taire estiment que le respect de la culture locale estun luxe.

DDaannss qquueell sseennss ??C’est un phénomène qui pourrait être défini com-me la « tyrannie de l’urgence». On pense que faceà une catastrophe, il n’y a pas de temps à perdreavec des questions culturelles.Aujourd’hui encore,cela conduit à fournir des aides matérielles – nour-riture, vêtements, tentes et maisons – peu appro-priées au contexte culturel, alors que les personnesauraient justement besoin de se sentir rassurées àce moment-là. Souvent, il serait facile d’éviter cegenre d’erreurs, par exemple en apportant un ap-pui financier plutôt que matériel. Non seulementcette approche permettrait une plus grande auto-détermination, mais elle aurait également une in-cidence positive sur les économies locales.La DDC

Après une catastrophe comme celle du tsunami, la culture revêt une importance cruciale. Reconstruire une zone d’habi-tation sans respecter la culture locale comporte le risque d’undémembrement social et d’un appauvrissement économique.C’est ce qu’affirme l’anthropologue Jennifer Duyne Barensteindans un entretien avec Maria Roselli.

Quand la reconstruction est un acte de violence

L’anthropologue JenniferDuyne Barenstein estchercheuse auprès del’Institut de la durabilité appliquée à l’environne-ment construit (ISAAC) del’École universitaire profes-sionnelle de la Suisse ita-lienne (SUPSI) et privat-docent auprès de l’Institutd’anthropologie sociale del’Université de Zurich. Ellea travaillé pendant plus dedix ans pour la coopéra-tion au développement auBangladesh, en Inde et auSri Lanka. Actuellement,elle dirige un projet de re-cherche sur la durabilitédes politiques et des pra-tiques de reconstructionaprès des catastrophes.Les travaux, qui se réalisenten Inde et au Nicaragua,sont financés par la DDCet le Fonds national suisse.

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l’a bien compris, contrairement à de nombreusesorganisations non gouvernementales (ONG), etelle a accompli de louables progrès dans cette direction. Malheureusement, beaucoup d’ONGcontinuent de travailler avec des entreprises deconstruction et se comportent en tant que telles.Cela a été le cas après le tsunami.

QQuueell iimmppaacctt cceettttee aattttiittuuddee ppeeuutt--eellllee aavvooiirr ssuurrllaa ccuullttuurree llooccaallee ??L’organisation spatiale d’une zone d’habitation re-flète profondément l’organisation socioécono-mique et culturelle d’un groupe. Si un projet n’entient pas compte, des dommages irréparables peu-vent être causés. En général, les entreprises deconstruction tendent à aligner des blocs uniformesde béton. Dans de tels lieux, les familles ne peu-vent pas réorganiser leur vie selon leurs propres besoins socioéconomiques et culturels.Les rapportsde voisinage, qui peuvent jouer un rôle fonda-mental pour le bien-être d’un groupe, sont égale-ment sacrifiés.Il existe alors un grand risque de per-te culturelle, de démembrement social et d’appau-vrissement économique.C’est un acte de violenceque de reconstruire un village, après une catas-trophe, sans prendre en considération la culture lo-cale.

VVoouuss sseemmbblleezz ttrrèèss ppeerrpplleexxee ssuurr llaa mmaanniièèrreeddoonntt llaa rreeccoonnssttrruuccttiioonn aa ééttéé mmeennééee aapprrèèss lleettssuunnaammii……Il est préoccupant de voir que l’on commet tou-jours les mêmes erreurs. Quelques années avant letsunami, l’État indien du Gujarat a été frappé parun terrible séisme qui a détruit plus de 300000maisons. L’afflux de fonds privés n’a pas été aussiabondant que dans le cas du tsunami. La popula-tion a reconstruit elle-même plus de 70 pour centdes bâtiments, avec l’aide financière et techniquedu gouvernement. Nous avons fait une étude surcette expérience,car c’est la première fois que l’ap-

Les mariages du tsunami«La distribution de maisonsgratuites à tous les couplesmariés a créé un autre pro-blème. Elle a engendré uneaugmentation massive desmariages. On a appelé cephénomène les tsunamimarriages. Des garçons etdes filles de 14 ou 15 ansse sont mariés dans l’es-poir d’obtenir une maisongratuite ! Le problème,c’est que la propriété d’unlogement en Inde est étroi-tement liée à un systèmeinformel de sécurité so-ciale, destiné à assurer laprise en charge des per-sonnes âgées: le fils cadetcontinue de vivre avec sesparents et en contrepartie,il sait qu’il héritera un jourde la maison familiale. Dèslors que les fils reçoiventune maison en dehors detoute obligation sociale, quiva s’occuper des per-sonnes âgées?»Jennifer Duyne Barenstein

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proche «cash» était appliquée à une aussi largeéchelle.L’évaluation a montré que ce fut une vraieréussite : les maisons étaient plus belles et de meil-leure qualité que celles érigées par les ONG avecl’aide d’entreprises de construction; et les gensétaient nettement plus satisfaits. Après le tsunamiaussi, il aurait été possible de respecter le principed’autodétermination et de donner aux gens uneaide financière pour qu’ils puissent rebâtir eux-mêmes leurs maisons.Cela aurait permis de conser-ver le style architectural, d’employer de la main-d’œuvre locale et d’utiliser des matériaux indigènescompatibles avec l’environnement.Mais la recons-truction, du moins en Inde, a été confiée à desONG, qui ont le plus souvent fait appel à des en-treprises de construction. Les conséquences sontcatastrophiques aussi bien au niveau socioculturelqu’environnemental.

PPoouurr qquueelllleess rraaiissoonnss ??Il a été décidé de construire des maisons neuvespour tous,que les gens aient perdu leur toit ou non.Mais cela demande de l’espace et le terrain est trèsrare dans les zones côtières. Par conséquent, dansbeaucoup de villages, toutes les maisons ont été ra-sées, y compris celles qui étaient intactes, belles etadaptées aux conditions climatiques du lieu.Mêmeles arbres, si importants pour la subsistance et com-me protection contre le soleil, ont été abattus par-ce qu’ils entravaient la construction. Les autoritéslocales informelles ont obligé de nombreux habi-tants à démolir leur maison pour faire de la placeaux nouvelles.En détruisant tout l’environnementconstruit qui existait avant le tsunami,on a non seu-lement causé de graves dommages écologiques etgaspillé de précieuses ressources,mais également ef-facé toute trace de l’histoire et de la culture descommunautés côtières. ■

(De l’italien)

Autrefois (ci-dessus) et aujourd’hui (à gauche) : quand des zones d’habitation doivent être reconstruites après unecatastrophe – ici des côtes indiennes ravagées par le tsunami –, le fait de ne pas tenir compte des besoins cultu-rels de la population peut causer des dégâts irréversibles

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L’arrivée de l’Igrobus est un événement très at-tendu à Gornja Dreznica.Dans ce village rural iso-lé, les jeunes ont rarement l’occasion de participerà une activité culturelle. Le bus s’immobilise de-vant l’école. À son bord: quatre comédiens et desaccessoires de théâtre. Mais la troupe ne vient pasprésenter un spectacle classique. Elle utilise lethéâtre comme un moyen de susciter un dialoguesur des thèmes comme la violence, la drogue oules divisions ethniques.Prisonniers des préjugés so-ciaux, privés de perspectives d’avenir, les jeunes deBosnie et Herzégovine se replient sur eux-mêmes.Ils n’osent pas aborder publiquement les questionsqui les préoccupent. Le théâtre les aide à extério-riser leurs sentiments.L’acquisition récente d’un «atelier multiculturelmobile» réjouit Sead Djulic, directeur du Centrepour le théâtre-éducation en Bosnie et Herzégo-vine (CDO):«Nous pouvons maintenant atteindre

des jeunes, mais aussi les groupes vulnérables de lapopulation, dans des régions où nous n’allions ja-mais auparavant.» Créé à Mostar en 1997, le CDOa entrepris l’an dernier de consolider ses structureset d’élargir ses activités. Il reçoit le soutien du Pro-gramme culturel suisse pour l’Europe du Sud-Estet l’Ukraine (SCP), mis en œuvre par Pro Helve-tia sur mandat de la DDC.

Un secret révélé sur scène Les spectacles interactifs du CDO se déroulent gé-néralement en deux temps. Les comédiens com-mencent par jouer une situation qui se termineplutôt mal. Puis ils la reprennent en invitant le public à monter sur scène et à proposer d’autresrépliques, qui feront évoluer l’histoire vers un dé-nouement heureux. «En se mettant dans la peaud’un personnage, les jeunes réalisent qu’un chan-gement est possible, qu’ils peuvent devenir acteurs

Dans une Bosnie et Herzégovine hantée par les antagonismesethniques et religieux, les jeunes craignent de s’exprimer surdes thèmes sensibles. Certains y parviennent, toutefois, enparticipant à des spectacles de théâtre-éducation. La Suissesoutient la consolidation et l’extension d’un centre spécialisédans cette méthodologie. De Jane-Lise Schneeberger.

Antigone, un mythe moderne à Mostar

Ville coupée en deux Trois communautés ethni-ques et religieuses ont coexisté pacifiquement àMostar depuis le 16e siècle:des Bosniaques (musul-mans), des Croates (ca-tholiques) et des Serbes(orthodoxes). Ce modèlede tolérance a volé enéclats durant la guerre civile, entre 1992 et 1995.Mostar a d’abord subi lesattaques serbes. Puis descombats meurtriers ontopposé les nationalistescroates et bosniaques.Depuis, les habitants ser-bes sont partis et les deuxautres communautés vivent dans des secteursrigoureusement définis :l’ouest de la ville est ré-servé aux Croates et l’estaux Bosniaques. La ségré-gation se traduit par ledoublement de nombreuxservices. Mostar comptedeux universités, deuxcorps de sapeurs-pompiers, deux entrepri-ses de ramassage des ordures ménagères, etc.Chaque école est soit croate, soit bosniaque.

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de leur propre vie», commente Christine Masse-rey, de Pro Helvetia.Parfois, ce changement intervient rapidement. Cefut le cas il y a quelques mois dans une école deMostar, où des adolescents abordaient le thème de la violence. «Grâce aux techniques du théâtre-éducation, ils ont révélé que l’un des professeursles maltraitait,parfois même physiquement.Jusque-

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décret, Antigone va ensevelir son frère, un actequ’elle paiera de sa vie.Ensuite, l’animateur a demandé aux élèves de ré-fléchir à la décision qu’ils auraient prise à la placed’Antigone et d’imaginer d’autres dénouements à ce drame. «Je les ai guidés vers une époque ré-cente qui leur a laissé des souvenirs douloureux.Ce mythe est l’histoire de notre ville. À Mostar

Le théâtre pour changerle mondeLe théâtre-éducation utiliseles techniques théâtralescomme outils d’enseigne-ment, mais aussi pour ai-der les jeunes à compren-dre la nature de l’êtrehumain et celle du mondedans lequel ils vivent. Ilpeut contribuer efficace-ment à la guérison destraumatismes dus à laguerre. Dans ses activitésen Bosnie et Herzégovine,le CDO recourt égalementau « théâtre de l’opprimé»,fondé dans les années 60par le Brésilien AugustoBoal. En faisant des spec-tateurs les protagonistesde l’action dramatique, cedernier entendait donner laparole aux populations desfavelas, les conscientiseret les inciter à agir. Selonlui, le théâtre est un moyende transformer la réalitésociale et de résoudre dessituations de conflit oud’oppression. Il libère lesêtres humains. Plusieursvariantes ont été déclinéessur le modèle du théâtrede l’opprimé: théâtre-forum, théâtre-action,théâtre d’intervention, etc.Elles sont fréquemmentutilisées auprès des popu-lations non alphabétiséesdans les pays du Sud.

Culture et développement

là, aucun d’eux n’avait osé dévoiler ces faits, parcrainte de représailles», relate Sead Djulic. Infor-mé, le directeur de l’école a immédiatement licen-cié le coupable. «Dans un contexte fictif, les jeunesse sentent en sécurité et ont le courage de parler.Ils réalisent que la solution s’impose alors naturelle-ment.»

De Thèbes à MostarPour créer une distance avec la réalité, les thèmessont abordés par la littérature, l’histoire ou la my-thologie. Sead Djulic se souvient ainsi d’avoir ani-mé une séance sur Antigone.Devant des élèves bos-niaques et croates de Mostar, il a d’abord racontéle mythe: les deux frères d’Antigone s’entretuenten luttant pour le contrôle de la ville de Thèbes ;le roi Créon accorde des funérailles solennelles àl’un des deux, mais refuse toute sépulture à l’autre,qu’il considère comme un traître ; enfreignant ce

aussi, des frères sont morts en combattant dans des armées différentes. Qui peut dire aujourd’huilesquels avaient raison: ceux de l’est ou ceux del’ouest?» Sead Djulic avoue avoir ressenti quelquescraintes : « Je me demandais si j’avais le droit de fai-re cela, si c’était encore du théâtre.Au fond,les per-sonnages étaient leurs cousins, leurs parents. Ce-pendant, je voulais confronter les élèves à cette vil-le qu’ils aiment sans en être satisfaits, les amener àclamer que les Antigone modernes veulent vivre.»

Ambitions internationalesLe CDO déploie de nombreuses activités pourpromouvoir le théâtre-éducation dans tout le pays.Il organise des ateliers, des conférences et desconcours à l’attention des acteurs, des auteurs dra-matiques ou des écoles. Il attache une grande im-portance à la formation du corps enseignant, qu’ilincite à adopter des méthodes plus participatives.Le système éducatif actuel n’encourage guère lacréativité ou l’esprit critique des élèves.Au fil desannées, le CDO a tissé un important réseau inter-national. Avec le soutien du SCP, il renforce cescontacts et compte devenir un centre de ressourcessur le théâtre-éducation en Europe du Sud-Est.Pour assurer la pérennité du CDO, la Suisse finan-ce également la formation du personnel, commel’explique Christine Masserey: «Les collaborateursdu CDO sont très compétents sur le plan artistique.Mais ils ont besoin de se perfectionner dans des domaines tels que la planification, le marketing, lesrelations publiques et la gestion du personnel.» ■

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Jusqu’à très récemment, tout semblait aller pour le mieux. LeBurundi avait enfin retrouvé la paix. En 2005, après des annéesde guerre civile, l’élection présidentielle s’est déroulée dans uncalme impressionnant. Mais entre-temps, le pays régresse ànouveau, entraîné dans une spirale dangereuse qui mêle sur-population, lutte pour le pouvoir, problème de réfugiés et pluiesdiluviennes. De Johannes Dieterich*.

Après les élections de 2005, les Burundais ont en-voyé leurs enfants gratuitement à l’école, pour lapremière fois dans l’histoire du pays. Ils ont enfinpu cultiver leurs champs sans craindre qu’un rebellene jaillisse des sous-bois pour les tuer ou enleverleurs enfants.Même le plus radical des groupes ar-més, les Forces nationales de libération (FNL),a finipar adhérer à l’accord de paix en 2006.«Rares sontles États qui ont mis fin à une guerre civile dansdes conditions aussi prometteuses», estime RenéLemarchand,spécialiste américain du Burundi.«Le

processus de transition a été exemplaire:aucun pré-sident africain n’a accédé au pouvoir avec un ca-pital de bonne volonté et de sympathie populaireaussi important que celui dont a bénéficié PierreNkurunziza.»

Dérive autoritaire Une année et demie après ce tournant exception-nel, celui qui incarnait l’espoir des Burundais a ce-pendant déjà perdu tout crédit. Diverses sources,dont l’organisation de défense des droits humains

Même le ciel est sans pitié

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un conflit entre la majorité hutue et la minoritétutsie. S’ils n’ont pas provoqué cette discorde, lescolonisateurs belges l’ont du moins attisée.Appli-quant le principe selon lequel il faut «diviser pourrégner», ils ont fait de la minorité tutsie une éliteet l’ont placée aux postes clés.

Ni richesses souterraines ni accès à la merLes Hutus ont déclenché plusieurs soulèvementssanglants contre la minorité dominante. À chaquefois, celle-ci a réagi avec une violence plus bruta-le encore.De telles escalades ont secoué le Burundià cinq reprises depuis l’indépendance en 1962.Lespremières se sont achevées par des massacres. Maisaprès le renforcement de la majorité hutue dans lesannées 90, les affrontements ont débouché sur unevéritable guerre civile.Cette dynamique meurtrière a réduit à néant tou-te chance de développement économique.Pendantles dernières années du conflit,entre 1998 et 2003,le revenu par habitant a diminué de moitié,passantde 223 à 116 dollars. Environ 85 pour cent de lapopulation vit dans les zones rurales avec moinsd’un dollar par jour, ce qui fait du Burundi l’unedes nations les plus pauvres du monde. C’est éga-lement le deuxième pays le plus densément peu-plé d’Afrique.Dépourvu de grandes richesses sou-terraines, le Burundi n’a pas non plus un accès di-rect à la mer et aux marchés internationaux.Le caféreprésente 80 pour cent de ses exportations.

Human Rights Watch, reprochent aux services se-crets de Pierre Nkurunziza de pratiquer la tortu-re, voire de commettre des meurtres. Faussementaccusés d’avoir fomenté un coup d’État, l’ancienprésident Domitien Ndayizeye et son vice-prési-dent Alphonse Marie Kadege ont passé six mois en prison, avant qu’un tribunal ne finisse par or-donner leur libération au début de cette année,mettant ainsi fin à une ignominie.Trois journalistes,qui avaient relaté cette affaire,ontégalement fait un séjour derrière les barreaux.Même le chef de l’autorité anti-corruption, Ga-briel Rufyiri, a été privé de liberté pour des mo-tifs cousus de fil blanc, après avoir publiquementdéploré que le nombre de cas de corruption etd’enrichissement illicite avait quasiment doublél’année passée, pour atteindre presque 2000. Dansun récent rapport sur le Burundi, le groupe d’ex-perts International Crisis Group a lancé un aver-tissement: «S’il continue sur cette lancée autori-taire, le gouvernement risque de déclencher destroubles violents et de perdre les acquis du proces-sus de paix.»Rendons toutefois justice à Pierre Nkurunziza,unchrétien convaincu qui fut maître de sport et chefrebelle : sortir du marasme ce pays d’Afrique cen-trale complètement ruiné représente un défi quemême Hercule peinerait à relever. Le Burundi aderrière lui une histoire que seul le Rwanda pour-rait surpasser dans le registre de l’horreur sangui-naire.Tout comme ce pays voisin, il s’épuise dans

Burundi

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L’objet de tous lesjoursL’igisekeSorte de précurseur burun-dais du tupperware occi-dental, l’igiseke se prête àdes usages bien plus variésque son équivalent en plas-tique et il est nettementplus esthétique. Ce joli pa-nier au couvercle coniqueeffilé permet de conserverparfaitement des denréesalimentaires (au Burundi, il s’agit surtout de haricots).Il fait également d’excel-lentes tabatières et peutservir d’emballage-cadeau:les Burundais ont coutumed’offrir la dot de la jeunemariée dans un igiseke ri-chement décoré, du moinsquand il s’agit d’argent – cequi est usuel désormais – etnon pas d’une vache. Unigiseke ordinaire mesure de 30 à 40 centimètres dehaut. Comme tout ce quiest essentiel en Afrique, ce sont les femmes quiconfectionnent ces réci-pients en fibres de papyrusou en urwamfu (herbes deshauts plateaux). Elles lestressent pendant leur tempslibre, après les travaux deschamps, de sorte qu’il fautenviron un mois pour en fa-briquer un exemplaire. Maisles igiseke sont très résis-tants, ils peuvent accompa-gner leur propriétaire pen-dant la moitié de sa vie.

cesseurs. L’ancienne vice-présidente en doute: enseptembre 2006,Alice Nzomukunda a démission-né en invoquant les nombreux problèmes «de ges-tion des finances, de respect des lois, de sécurité etde justice» au sein de son parti.

Dans l’attente d’un tribunal spécialTous les experts conviennent que les progrès duBurundi sont extrêmement fragiles.Environ 50000ex-rebelles ne sont toujours pas véritablement ré-insérés dans la société et n’hésiteront pas à repren-dre les armes à la moindre occasion. L’armée resteaux mains des Tutsis,qui pourraient une fois de pluss’en servir pour renverser le pouvoir. Nombred’anciens membres du gouvernement et d’anciensrebelles vivent en liberté, alors qu’ils sont accusésde génocide et d’autres crimes contre l’humanité:le projet de créer une Commission Vérité et Ré-conciliation,sur le modèle sud-africain,n’a débou-ché sur rien de concret pour l’instant.Enfin, ce petit pays déjà surpeuplé doit encore ac-cueillir au moins 500000 réfugiés.Et même le cielest sans pitié : ces derniers mois, des pluies dilu-viennes ont détruit les récoltes, rendant un millionde Burundais tributaires de l’aide alimentaire. Enraison des erreurs politiques qu’il a commises, leprésident Pierre Nkurunziza obtient moins d’as-sistance internationale que son prédécesseur durantla phase de transition: une spirale dangereuse queseul l’ancien maître de sport est à même de briser. ■

* Johannes Dieterich est correspondant en Afrique pourplusieurs journaux germanophones, dont la «Frankfur-ter Rundschau» et «Der Bund»

(De l’allemand)

Bien que l’agriculture soit le pilier économique dupays, l’élite tutsie ne s’en est jamais préoccupée: lesrendements des champs, quasiment privés d’en-grais, et les prix des produits agricoles se situaientlargement en dessous des moyennes mondiales.Aux yeux des économistes Floribert Ngaruko etJanvier Nkurunziza, le Burundi est l’exemple fla-grant d’une société soumise au pillage bureaucra-tique,dans laquelle une petite élite urbaine s’est en-richie sur le dos de la majorité rurale.

Le conflit ethnique passe au second plan Pierre Nkurunziza a pu mettre fin à cette funestetradition. Si l’on excepte l’équipe du présidentMelchior Ndadaye,assassiné en 1993 peu après sonaccession au pouvoir, son gouvernement est lepremier à majorité hutue. Par ailleurs, la nouvelleConstitution, rédigée avec l’appui de l’Afrique duSud,protège les droits des minorités mieux qu’au-cune loi fondamentale dans le monde.Ce texte,demême que le parti du président, le CNDD/FDD,devraient veiller à ce que la minorité tutsie ne soitpas à nouveau tentée de recourir au coup d’Étatpar crainte de décliner.Du fait que le parti d’opposition Frodebu est luiaussi dominé par les Hutus, le climat politique duBurundi n’est plus marqué par le seul conflit in-terethnique.Voilà un progrès à ne pas sous-estimer.«En fait, notre problème ne relève pas des ethnies»,déclarait récemment le Hutu Pierre Nkurunziza àson homologue rwandais, le Tutsi Paul Kagame:«Nos prédécesseurs n’ont fait qu’exploiter l’eth-nicité pour dissimuler leur incapacité à gouverneret leur avidité.»Reste à savoir si l’actuel président burundais par-viendra effectivement à se distinguer de ses prédé-

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(bf) La coopération suisse au développement réa-lise des projets ponctuels au Burundi depuis le mi-lieu des années 60. Son action a été interrompueau début des années 90, lorsque les conflits se sontenvenimés dans la région des Grands Lacs.En 1994,la DDC est revenue sur place pour apporter uneaide humanitaire aux personnes touchées tant parle génocide au Rwanda que par les guerres au Bu-rundi et en République démocratique du Congo.Aujourd’hui, son programme humanitaire régionalporte sur l’aide aux victimes de la guerre, le retourdes réfugiés et des personnes déplacées, la sécuritéalimentaire et la reconstruction (voir aussi Un seulmonde 1/2007).Si la situation reste stable,cette aidesera progressivement réduite au profit de la coopé-ration au développement.En 2006, la Suisse a consacré au Burundi environ6,6 millions de francs, dont 4,4 millions pour l’ai-de humanitaire, 1,1 million pour la coopération audéveloppement et 1,1 million pour les mesures depromotion de la paix, mises en œuvre par la Divi-sion politique IV – Sécurité humaine du DFAE.Celle-ci appuie notamment le désarmement desmilices, la collecte des armes légères détenues par

des civils et la création d’une Commission Véritéet Réconciliation.L’aide humanitaire soutient en premier lieu les ré-fugiés, les personnes déplacées, les enfants touchéspar la guerre et les victimes de violences (en parti-culier les femmes et les filles). Elle contribue aussià la sécurité alimentaire,à la réhabilitation de l’agri-culture et au déminage.Quant à la coopération au développement, elle seconcentrera ces prochaines années sur trois do-maines: la santé de base, la gouvernance locale et ladémocratisation. Elle soutiendra des initiatives ré-gionales.La première étape du programme a débutéen août dernier, avec un appui aux soins médicauxde base dans la province de Ngozi,au nord du pays.Ce projet comprend la mise sur pied et l’équipe-ment de 45 dispensaires et de 4 hôpitaux. Depuisjanvier 2007, le gouvernement bénéficie en outrede conseils techniques pour mener sa politique dedécentralisation. Dans le domaine des médias, laDDC soutient la plate-forme d’information «SyfiaGrands Lacs» (www.syfia-grands-lacs.info),qui offreà la population des informations fiables et de qua-lité.

Faits et chiffres

NomRépublique du Burundi

CapitaleBujumbura(env. 0,5 million d’habitants)

Population7,8 millions d’habitants280 habitants / km2

Superficie27830 km2

LanguesKirundi et français (languesofficielles), swahili, twa (lan-gue des pygmées)

VégétationJadis, la forêt tropicale re-couvrait l’ensemble des col-lines qui forment le paysagegrandiose du Burundi. Maisil y a longtemps que mêmeles pentes les plus escar-pées ont été déboiséespour faire place aux culturesde café, thé, manioc, pata-tes douces ou bananes.

Groupes ethniquesHutus: 85%Tutsis : 14%Twas (pygmées) : 1%

ReligionCatholiques: 62%Protestants : 5%Musulmans: 10%Animistes: 23%

Biens d’exportationCafé (près de 80% des re-venus d’exportation), bana-nes. Le Burundi est un paysagricole classique. L’agricul-ture représente presque 60%du produit intérieur brut.

La Suisse et le BurundiAide humanitaire, promotion de la paix et démocratisation

Burundi

Repères historiques1177ee ssiièèccllee Fondation des royaumes du Rwanda etdu Burundi par les Tutsis.

11889999 L’Allemagne annexe le Burundi à sa colonied’Afrique orientale, la «Deutsch-Ostafrika».

11992200 La Société des Nations place le Burundi sousmandat belge.

11996611 Le prince Louis Rwagasore, chef d’un mou-vement de libération,est assassiné par un Européen.

11996622 L’indépendance porte au pouvoir le roiMwambutsa. En 1965, celui-ci s’enfuit en Suisseaprès une tentative de putsch.

11996666 Au terme d’une longue période de troubles,l’officier tutsi Michel Micombero met en place ungouvernement militaire et proclame la république.

11997722 Des Hutus se rebellent et tuent environ 1000Tutsis. Une répression massive fait jusqu’à 300000victimes parmi les Hutus.

11997766 Au cours d’un putsch, l’officier tutsi Jean-Baptiste Bagaza évince Michel Micombero.

11998877 Bagaza est à son tour renversé par le majorPierre Buyoya, également Tutsi.

11999922 Pierre Buyoya fait pour la première fois en-trer des Hutus dans le gouvernement.

11999933 Les premières élections démocratiques sontremportées par le parti hutu Frodebu. MelchiorNdadaye accède à la présidence, mais il est assassi-

Lac Tanganyika

Lac Victoria

Kenya

Burundi

Ouganda

Bujumbura

RD Congo

Tanzanie

né peu après par des officiers tutsis. Ce putsch dé-clenche de violents affrontements. Des milliers deTutsis et de Hutus sont tués.

11999933--22000033 Guerre civile.

11999966 L’ex-président Buyoya revient au pouvoir parles armes.Mais la communauté internationale im-pose des sanctions à son gouvernement.

11999999 L’ancien président sud-africain Nelson Man-dela est nommé médiateur du processus de paix auBurundi.

22000000 Les deux principaux groupes rebelles et legouvernement de Pierre Buyoya signent un accordde cessez-le-feu à Arusha, en Tanzanie.

22000011 Un gouvernement transitoire est mis en pla-ce. Il est présidé pendant deux ans par PierreBuyoya, puis pendant deux ans par DomitienNdayizeye, un Hutu.

22000055 Le parti CNDD/FDD (Conseil nationalpour la défense de la démocratie / Forces natio-nales pour la défense de la démocratie) sort nette-ment vainqueur d’une série d’élections commu-nales, parlementaires et présidentielles. Son candi-dat, Pierre Nkurunziza, accède à la présidence.

22000066 Dernier groupe rebelle encore actif, les Forcesnationales de libération (FNL) signent l’accord decessez-le-feu.

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Marguerite (Maggy)Barankitse, d’ethnie tut-sie, est née dans les col-lines de Ruyigi, au Burundi.Lorsque la guerre civile aéclaté, en 1993, elle tra-vaillait dans cette ville entant que secrétaire del’évêque. Des Tutsis ontpénétré dans l’évêchépour liquider des Hutus quis’y étaient réfugiés. Maggya tenté de s’interposer,mais les agresseurs ontmassacré 72 personnessous ses yeux. Elle a alorspris en charge 25 enfantsrescapés et a créé un pre-mier centre d’accueil, laMaison Shalom. Beaucoupd’autres orphelins, vic-times de la guerre et dusida, ont par la suite rejointce premier groupe. Maggya fait construire pour euxplus de 200 maisons à tra-vers le pays. Près de 20000 jeunes, des diffé-rentes ethnies, ont bénéfi-cié de façon directe ou indirecte des actions de laMaison Shalom. Ce réseauet sa fondatrice ont reçude nombreuses distinc-tions internationales.

La solution n’est pas de partir

Burundi

Au cours d’un vol entre Paris et Bujumbura, j’airencontré un compatriote, un pédiatre qui vit enFrance. Nous étions assis l’un à coté de l’autre.C’était la première fois en huit ans qu’il revenaitau pays. Il m’a expliqué qu’il avait décidé de resterdéfinitivement en France. Comme je lui en de-mandais la raison, il m’a raconté son histoire, encommençant par cette introduction: «Je reste enEurope pour assurer un avenir correct à mes en-fants.Tu sais, chère Maggy, notre mère patrie n’estplus celle qui nous a élevés. Regarde ce qu’est de-venu le système éducatif burundais. Comment unenseignant qui touche 25 euros par mois peut-ilêtre motivé pour travailler? Un professeur d’uni-versité gagne 80 euros,alors que le loyer d’une mai-son moyenne est d’au moins 100 euros par mois.Les effectifs des élèves ne peuvent en aucun cas per-mettre un encadrement correct. Les programmessont surchargés et non adaptés.»

Quant à l’université,elle est devenue un endroit derevendications et non pas d’études, a-t-il ajouté.Suite aux grèves répétées, une année académiquese déroule en deux ans et demi.Des structures pré-vues pour 3000 étudiants en abritent 10000.L’ab-sence de tout entretien a des conséquences mul-tiples. Les services sanitaires débordent et coulenten surface.Les lits sont cassés.Le système électrique,excessivement sollicité, provoque parfois des acci-dents.L’exiguïté des salles oblige certains étudiantsà suivre les cours dehors, dans les corridors.

Après notre arrivée, nous avons fait un tour rapi-de dans la capitale, Bujumbura. À l’école primaireStella Matutina, une marée d’enfants sortent des

classes.Souvent,une classe compte jusqu’à 150 en-fants répartis en deux groupes. Au lycée ClartéNotre Dame, que j’ai fréquenté il y a trente ans, leconstat est amer et le chagrin me gagne. Certainesclasses, de même que l’ancienne cuisine, sont fer-mées, car elles menacent de s’écrouler. Pourtant,cette école formait l’élite féminine.Au Collège duSaint-Esprit, autrefois tenu par les jésuites, quelledésolation de voir la piscine desséchée. Ce fut lapremière du genre au Burundi ; les élèves d’autresécoles venaient y suivre des cours de natation. Àl’hôpital Roi Khaled, nous n’avons pas pu em-prunter certains escaliers, qui étaient en train des’écrouler.Des fentes béantes s’observent dans cer-tains murs. C’est le principal hôpital de premièreréférence au Burundi.Vu la dégradation des ser-vices, le manque de matériel et d’équipement ain-si que les bas salaires, la plupart des médecins sontpartis vers le secteur privé ou à l’étranger.

Malgré ce constat, j’ai essayé d’expliquer à mon amique la solution n’est pas de partir, mais qu’il fautplutôt rester et contribuer au changement. C’estgrâce à notre patrie que nous sommes ce que noussommes. Nous avons la responsabilité de l’aider.«Regarde toutes ces femmes qui meurent en cou-ches par manque d’assistance, toutes ces personnesqui gagnent leur vie difficilement à la sueur de leurfront», lui ai-je dit.«Regarde les 17 pour cent d’en-fants vulnérables,dont certains ont perdu leurs pa-rents pendant les dix ans de guerre civile ou à cau-se de maladies comme le paludisme et le sida. LeBurundi reste ta patrie, ton identité. Tu ne peux pas t’en défaire jusqu’à l’indifférence.» Le Burundin’est pas perdu.Tout au contraire, il a encore despotentialités à capitaliser. Les ressources humainessont suffisantes.En étant plus motivées, elles pour-raient rassembler leurs efforts pour reconstruire lescœurs et le pays, dans un esprit de consolidationde la paix.

Nous nous sommes séparés en rêvant à un Burundimeilleur où il fait bon vivre. Le médecin a telle-ment été marqué par ces constats qu’il a sponta-nément pris la décision de rentrer. Avec convic-tion, il a choisi de contribuer à rebâtir sa patrie. ■

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Le débat sur la mondialisation économique conduitsouvent à s’interroger sur la culture.Existe-t-il unesorte de culture globalisée? Question épineuse s’ilen est. Il est indéniable que la culture se vit au ni-veau local,mais qu’elle subit l’influence des modesinternationales. On peut la comparer à un iceberg:non seulement la partie émergée se voit mieux quela masse cachée par l’eau, mais elle se modifie aus-si plus rapidement. La langue, les habitudes ali-mentaires ou l’habillement se transforment plusvite que les normes de comportement, les contrôlessociaux ou les formes de vie.

C’est précisément cela que nous devons prendreen considération dans le cadre de notre travail avecdes cultures extrêmement diverses. De nombreuxprojets de coopération sont directement liés à deschangements du contexte culturel local ou bien ilsles provoquent indirectement.C’est pourquoi il estessentiel de connaître et d’être ouvert à la culturelocale. Sa promotion et son respect font partie dutravail de développement.Il ne s’agit pas ici de pra-tiquer des échanges culturels – aussi importantsceux-ci soient-ils –, mais de faire en sorte que laculture locale devienne un facteur de développe-ment pour le pays partenaire.

Motivation personnelle,estime de soi-même et res-ponsabilité individuelle trouvent leurs fondementsdans la culture locale, laquelle joue un rôle déter-minant dans l’identité d’une population.Ne confon-dons pas l’identité culturelle avec la nationalité, etencore moins avec le nationalisme. Cela risqueraitde freiner les processus de développement, au lieude les stimuler. Ces vecteurs de changement oud’immobilisme peuvent aussi être bien ou mal uti-lisés sur le plan politique, comme on le voit, parexemple,dans plusieurs pays partenaires de la DDC

en matière d’excision des filles, une coutume jus-tifiée par des arguments culturels.Toutes les tradi-tions ne sont pas nécessairement bonnes.Elles peu-vent et doivent être remises en question.Mais il estimportant que la modification d’anciennes cou-tumes s’opère à bon escient et avec le soutien lo-cal.Sinon,elle risque bien de toucher uniquementla pointe de l’iceberg, sans agir en profondeur surla réalité vécue au quotidien.

Beaucoup de cultures recèlent de véritables trésors.Leur richesse dépasse souvent la prospérité éco-nomique. C’est cette diversité qu’il s’agit de dé-couvrir. La plupart des êtres humains sont fiers deleur patrimoine culturel et disposés à le partageravec tout «étranger» qui s’y intéresse.

Il faut pouvoir faire connaître la culture. La com-munication elle-même est culture. Cela vaut pournous, acteurs professionnels du développement,pour nos interlocuteurs dans les pays partenaires,mais aussi pour la population suisse.La culture im-plique toujours une ouverture,une aptitude à exa-miner avec respect ce qui est différent. ■

Walter FustDirecteur de la DDC

(De l’allemand)

La partie immergée de l’iceberg

Opinion DDC

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La Bolivie compte parmi les plus gros producteursde châtaignes du monde. Les fruits sont cultivés,récoltés et conditionnés par des ouvriers agricolessouvent privés de leurs droits fondamentaux etcondamnés à une pauvreté extrême. Depuisquelques années, de nombreux projets – lancés,financés et réalisés par divers organismes de dé-veloppement – s’efforcent d’améliorer les condi-tions de vie de ces travailleurs.En 2006, les donateurs multilatéraux et bilatérauxse sont rendus sur le terrain avec des représentantsdu gouvernement bolivien. Ils ont visité les châ-taigneraies de la région de Riberalta, dans le norddu pays, afin d’évaluer les possibilités d’augmen-ter la qualité de ces projets. «Nous avons très vitepris conscience du manque de coordination entrenos activités et nos procédés. Ainsi, les ouvriersexploités recevaient exactement le même volumed’aide que ceux qui les exploitaient. Autreexemple : nous soutenions des projets visant à re-distribuer des terres aux villages indigènes, maisrien n’a été prévu pour résoudre les conflits en-

gendrés par cette redistribution», écrit Domi-nique Favre, coordinateur adjoint de la DDC enBolivie, dans son rapport de mission. «Chaque donateur était persuadé du bien-fondé de son action, mais sans avoir une vue d’ensemble de lasituation dans cette région reculée, où l’État etl’ordre juridique sont absents. »

Appropriation par les partenairesL’expédition entreprise dans les forêts de châ-taignes a été motivée par la Déclaration de Paris,un accord international qui vise à harmoniser lesefforts de développement et à améliorer ainsi laqualité de la coopération. Les constats dressés surplace ont prouvé aux responsables des agencesd’aide à quel point il importe d’élaborer conjoin-tement des projets, de mieux les coordonner etde superviser en permanence l’orientation des ac-tivités ainsi que leur impact. Des changementssont également en cours dans de nombreux autrespays en développement.La communauté internationale a réalisé que les

Feuille de route pour une aide plus efficace

En adhérant à la Déclaration de Paris, plus de 140 États et or-ganisations se sont engagés à œuvrer ensemble pour optimi-ser la coopération au développement. Cet accord internationalfixe des objectifs ambitieux, qui placent tous les acteursconcernés face à des défis de taille. De Gabriela Neuhaus.

La Déclaration de ParisÀ l’occasion du Forum dehaut niveau sur l’efficacitéde l’aide au développe-ment, tenu à Paris du 28 février au 2 mars 2005, les 90 États présents, ainsique quelques organisationsmultilatérales et de la so-ciété civile, ont adopté la Déclaration de Paris. De nouvelles normes ontété fixées à la politiquemondiale de développe-ment. Elles se fondent surles grands principes sui-vants : appropriation, har-monisation, alignement, résultats et responsabilitémutuelle. Pour que l’en-semble ne se limite pas àune déclaration d’intention,l’accord contient plus de 50engagements de partena-riat et 12 indicateurs spéci-fiques, ainsi que des objec-tifs à atteindre jusqu’en2010. Le prochain Forumde haut niveau sera orga-nisé au Ghana en 2008. Il dressera un premier bilanet décidera, au besoin, decorriger le cap.www.aidharmonisation.org

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re, dans la réalité, ambitieux et idéaliste. Nombrede gouvernements des pays en développementpeinent à assumer leur nouveau rôle.Certains fontfi des besoins de la population. Quant aux dona-teurs, l’aide qu’ils apportent aux plus pauvres estsouvent dictée par leurs propres intérêts écono-miques et géopolitiques.

Un gain indéniable de qualité Malgré les difficultés, rien ne peut arrêter désor-mais le processus enclenché par la Déclaration deParis. Les avantages de l’harmonisation sautentaux yeux :un cadre de développement clairementdéfini permet aux pays partenaires de concentrerl’aide sur leurs besoins les plus urgents ; et unemeilleure coordination empêche le gaspillage deressources dû aux doublons.Au lieu de se concur-rencer, les donateurs peuvent apporter leur savoir-faire spécifique et accroître ainsi la valeur des pres-tations offertes.Les premières expériences montrent cependantque l’amélioration de la qualité a aussi son prix.«Les négociations entre donateurs et pays parte-naires demandent du temps et des compétences.Nous avons besoin de davantage de représentantssur place, qui connaissent bien les secteurs danslesquels nous travaillons », explique Edita Vokral.«Les responsables des bureaux de coordinationdoivent être en mesure d’intervenir rapidement,sans devoir chaque fois en référer à la centrale àBerne. »

efforts prévalant actuellement en matière de dé-veloppement ne suffiront pas à atteindre les Ob-jectifs du Millénaire pour le développement.C’estpourquoi le Forum de haut niveau sur l’efficaci-té de l’aide, qui s’est tenu en mars 2005 à Paris,a adopté de nouvelles mesures : en 50 points, lesbailleurs de fonds et leurs partenaires, les pays ré-cipiendaires de l’aide, se sont engagés à prendredes mesures dont l’application sera régulièrementvérifiée.«L’appropriation» constitue un point central duprogramme: à l’avenir, chaque pays partenairedoit se doter d’une stratégie nationale de déve-loppement, qui aura une valeur contraignantepour tous les intervenants. Autrement dit, tout appui accordé par un donateur devra respecterl’agenda du pays partenaire et s’inscrire dans sonplan national de développement (principe de « l’alignement »). En même temps, les procéduresdes différents donateurs devront être harmonisées.Edita Vokral, cheffe suppléante du domaine Co-opération bilatérale au développement à la DDC,dirige le groupe de travail «Harmonisation» de laDDC et du SECO.À ses yeux, cette approche re-présente un changement fondamental : «Par lepassé, les pays donateurs définissaient pour l’es-sentiel le type d’appui qu’ils consentaient aux paysen développement. À présent, il appartient à cesderniers de formuler leurs besoins et de négocierla mise en œuvre de l’aide avec les bailleurs defonds. » Bien que très logique, ce concept s’avè-

Au Kirghizistan (page degauche), au Viêt-nam (ci-contre) ou en Amériquecentrale (page suivante),le bilan de l’aide est géné-ralement positif lorsque lepays récipiendaire définitlui-même ses besoins etque les donateurs unis-sent leurs efforts

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La Déclaration de Paris contribue ainsi à décen-traliser les structures des agences d’aide. Elle im-plique aussi une redéfinition des rôles des acteursétatiques et de la société civile. La DDC s’enga-gera davantage dans le dialogue politique avec lesgouvernements des pays bénéficiaires et les autresdonateurs. Quant aux ONG locales et interna-tionales, leur force réside dans le soutien à la so-ciété civile. Seule la mise en place de mécanismesde contrôle démocratique dans les pays partenairespermettra en effet aux populations d’exiger desgouvernements qu’ils consacrent véritablementl’aide à améliorer le sort des plus démunis.

Pas d’agenda géopolitiqueDans presque tous ses pays partenaires, la Suisse adéjà testé les obligations découlant de la Décla-ration de Paris. Ses expériences sont globalementpositives. L’investissement supplémentaire porteses fruits, comme le montre une enquête qualita-tive sur le processus d’harmonisation, menée parla DDC au Bangladesh, au Viêt-nam, au Kirghi-zistan, en Tanzanie et au Nicaragua. Certes, la si-tuation n’est pas partout la même, mais la coopé-ration entre donateurs s’est améliorée dans cescinq pays.En comparaison internationale, la Suisse fait figurede petit partenaire parmi les acteurs de l’aide audéveloppement. Grâce à son savoir-faire spéci-fique dans des domaines tels que la décentralisa-

tion ou le renforcement des capacités, elle peutnéanmoins jouer un rôle crucial en faveur del’harmonisation. Dans nombre de pays parte-naires, elle passe d’ailleurs pour le « courtier hon-nête » des plus démunis, car elle ne poursuit au-cun objectif géopolitique.«Malgré l’évolution positive qu’elle a enclen-chée, la Déclaration de Paris soulève une série de questions qui restent sans réponse », relativiseEdita Vokral. On ignore, par exemple, commentil sera possible de concilier une forte concentra-tion sur les activités au niveau d’États individuelsavec la mondialisation croissante et la tendance,en politique de développement, à privilégier lesprogrammes régionaux. Ou encore commentmieux intégrer les groupes-cibles dans le proces-sus et juguler les intérêts géopolitiques. Enfin, ilimporte de fixer des limites à l’harmonisation,ajoute Edita Vokral. Le but n’est pas, en effet,d’uniformiser totalement les efforts de dévelop-pement. ■

(De l’allemand)

«Nous n’avons pas besoind’analyse supplémentaire.Nous savons ce qu’il fautfaire. Avec la Déclarationde Paris, nous avons dé-sormais une feuille deroute pour y parvenir. » James Wolfensohn, ancienprésident de la Banquemondiale, lors du Forumde haut niveau, à Paris en2005

« Il est insensé de voir 35donateurs faire la mêmechose dans un mêmepays. Il faut déterminerquel est le nombre correctde donateurs pour chaquepays et dans chaque sec-teur d’activité. Sur cettebase, on accorde destickets d’entrée aux dona-teurs en fonction de leurvaleur ajoutée.» Simon Mizrahi, chargé del’harmonisation au CAD(OCDE)

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Le plurilinguisme à la DDC(soe) Franziska Sörensen Araujo,chargée du plurilinguisme à laDDC, dresse un bilan positif del’année 2006. La promotion duplurilinguisme est non seule-ment un objectif explicite de ladirection, mais aussi une volontépartagée par l’ensemble du per-sonnel. La DDC a élaboré à ceteffet – avec les autres directionsdu DFAE – un «Programmequadriennal 2004-2007 de pro-motion du plurilinguisme ausein du DFAE». Elle s’est fixépour objectifs de garantir unereprésentation équitable descommunautés linguistiques, derenforcer le plurilinguisme indi-viduel et institutionnel, et d’in-tégrer la diversité linguistiquedans sa gestion et sa culture institutionnelle. En ce quiconcerne la représentation desdifférents groupes, les propor-tions observées à la DDC sonttrès proches de celles prescritespar le Conseil fédéral (CF):

Germanophones : DDC 72,9% –CF 72,5% Francophones : DDC 20,9% –CF 21% Italophones : DDC 3,4% – CF4,3% Romanchophones : DDC 0,2%– CF 0,6% Autres : DDC 2,6% – CF 1,6%.Parmi les cadres, 69,9% sontgermanophones, 24,9% franco-phones, 2,3% italophones, aucunne parle romanche et 2,9% s’ex-priment dans une autre langue.Le plurilinguisme reste cette an-née un sujet d’actualité pour laDDC, qui met l’accent sur lesaspects suivants : prise en comptedes différents groupes linguis-tiques lors de l’engagement decollaborateurs et de rotations in-ternes ; participation de tous cesgroupes aux processus majeursde décision et de gestion; en-couragement des connaissanceslinguistiques du personnel ; in-formation de l’opinion publiquesuisse en allemand, en français et

en italien (sur internet), à côtéde l’anglais et de l’espagnol quisont aussi des langues de travailde la DDC.

Lutte contre la corruption: la DDC en première ligne(for) Le 6 février dernier, lorsd’une table ronde organisée àBerne par sa section Gouver-nance, la DDC a présenté sastratégie anti-corruption. PourRemo Gautschi, directeur ad-joint, la Suisse a un savoir-faireet une crédibilité à faire valoirsur la scène mondiale. La DDCa inscrit depuis 1998 une clauseanti-corruption contraignantedans ses contrats et mène uneaction de prévention auprès deson personnel.En 2006, elle a ouvert un «Com-pliance Office», qui recueilletoutes informations utiles visantà dénoncer des cas de corrup-tion interne.Au niveau de la coopération proprement dite, laDDC fait aussi une priorité de

la lutte contre la corruption.Active dans le rapatriement desfonds illégalement acquis, elleapporte surtout son soutien etses connaissances en matière degouvernance aux États qui ma-nifestent une volonté politiquede réformer leurs structures.Un travail long et difficile, maisessentiel pour assainir la gestiondes finances publiques, réformerla justice, introduire des méca-nismes de contrôle interne etrendre l’administration plustransparente. Du côté de la société civile, la DDC agit enappuyant les ONG dans leurmission de surveillance du gou-vernement, mais contribue aussipar ses réflexions à alimenterleurs forces de proposition.Pour des informations complé-mentaires, lire l’article «Corrup-tion: prendre le mal à la racine»sur www.ddc.admin.ch

DDC interne

(bf ) Les barrières douanières existent depuis le milieu du 19e

siècle. Ce terme désigne les taxes prélevées sur les marchandisesimportées afin de protéger l’industrie ou l’agriculture indigènes.On distingue le protectionnisme «éducateur», pratiqué tempo-rairement pour permettre à une industrie naissante de se déve-lopper, et les barrières qui ont pour but de sauvegarder à longterme une branche non compétitive. Les taxes sur les céréales,imposées par les nations industrialisées pour préserver leur agri-culture de la concurrence de pays moins développés, ont revê-tu historiquement une grande importance. Les barrières doua-nières ont toujours été un sujet de controverse, tant au Sud qu’auNord. Même les grandes puissances économiques, qui prêchentle libre-échange,appliquent simultanément des taxes visant à sou-tenir certains secteurs de leur industrie ou de leur agriculture.Depuis quelque temps,une approche pragmatique et stratégiquede l’accès au marché est en train de s’imposer – y compris ausein de l’Organisation mondiale du commerce.Elle favorise, sur-tout dans les pays en développement, le recours à des taxes tem-poraires jusqu’au moment où le secteur économique concernéest devenu compétitif sur le marché international. Mais il fau-drait que ces mesures s’inscrivent dans un cadre plus large, in-cluant par exemple la réforme agraire, la bonne gouvernance oul’éducation pour tous.La réduction générale des barrières doua-

Au fait, que sont les barrières douanières? nières s’accompagne d’un accroissement,actuellement vivementdébattu, des obstacles non tarifaires au commerce. Ceux-ci incluent les réglementations, normes et conditions spécifiquesqu’un pays impose aux marchandises importées afin de favori-ser la production indigène.

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réfèrent aussi aux multiples et généreux projetsd’infrastructure de la Chine, à ses appuis dans lesdomaines de la santé et de l’éducation, aux remisesde dettes et aux crédits qu’elle octroie à de nom-breux pays africains.En proposant de construire un «partenariat straté-gique basé sur l’égalité politique et la confiancemutuelle», les Chinois font figure – du moins aupremier abord – de partenaires plus commodes queles pays occidentaux. Ces derniers lient en effetleurs crédits et leur aide à certaines conditions,tellesque la lutte contre la corruption ou le respect desdroits de l’homme. Il n’est pas absurde de craindre

En novembre dernier, le gouvernement chinois aaccueilli en grande pompe à Pékin plus de 40 chefsd’État et de gouvernement africains. Ce sommetsino-africain constituait l’apogée médiatisée d’uneévolution en cours depuis assez longtemps déjà,et que l’Occident suit d’un œil passablement mé-fiant. Ainsi, les médias occidentaux parlent d’une «deuxième colonisation de l’Afrique» ou de «flirtsino-africain». Ce faisant, ils pensent essentielle-ment aux investissements de la Chine dans l’ex-ploitation de gisements pétroliers et d’autres res-sources naturelles, qui visent à assouvir son appé-tit croissant de matières premières. Mais ils se

Les perspectives dela coopération Sud-Sud Des pays émergents, comme l’Inde, la Chine ou l’Afrique duSud, allouent une aide au développement à leurs voisins ou àdes États plus lointains. Les «nouveaux donateurs» prennenttoujours plus de poids dans la coopération internationale, cequi confronte les bailleurs de fonds traditionnels à de nouveauxdéfis. De Gabriela Neuhaus.

Locomotives régionalesL’Institut allemand de dé-veloppement (IAD) utilisel’expression Ankerländer(pays pivots) pour désignerles nations qui occupentune position économiqueet politique prépondérantedans leur région. Il a établiune liste de quinze payspivots : Chine, Inde, Indo-nésie, Pakistan, Thaïlande,Égypte, Iran, Arabie saou-dite, Nigeria, Afrique duSud, Argentine, Brésil,Mexique, Russie etTurquie. Une grande partiede ces locomotives régio-nales, qui ont bénéficiéjusqu’ici d’aide au déve-loppement, enregistrentune croissance écono-mique supérieure à lamoyenne et peuvent deve-nir elles-mêmes activesdans la coopération au développement. Des payscomme la Chine, l’Inde, leBrésil et la Russie ont re-joint sur la scène interna-tionale le groupe desbailleurs de fonds. Onparle dans ce contexte de«nouveaux donateurs» oude «donateurs émergents».

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Nord. Pour ce qui est de la coopération bilatérale,le gouvernement indien a annoncé en 2003 qu’ilne travaillerait plus désormais qu’avec les six do-nateurs suivants : Japon, Grande-Bretagne, Alle-magne, États-Unis, Russie et Union européenne.Au cours des prochaines années, la DDC se retire-ra progressivement de l’Inde, où elle a été activedepuis 1961 et qui faisait partie jusqu’ici des paysprioritaires de la coopération suisse.Ce contexte soulève la question d’une redéfinitiondes relations à entretenir avec les pays émergents.La problématique a été abondamment discutéedurant les dernières années, surtout en Allemagneet au sein de l’Organisation de coopération et dedéveloppement économiques (OCDE). À cetégard,un rôle particulier est dévolu au Comité d’ai-de au développement (CAD) de l’OCDE, qui ré-

que la politique africaine de la Chine ne torpilleleurs efforts de développement en Afrique.

Donateurs et bénéficiairesL’engagement de la Chine dans les pays en déve-loppement d’Afrique, mais aussi d’Asie, n’est pasnouveau: dans les années 70, elle a construit no-tamment la ligne ferroviaire reliant la Tanzanie à laZambie et la route du Karakorum au Pakistan.Grâ-ce à son économie en pleine expansion, l’Empiredu Milieu exerce une influence croissante au ni-veau mondial dans tous les domaines – et pas seu-lement en ce qui concerne la politique de déve-loppement. D’autres pays, comme le Brésil, l’Inde,la Russie ou l’Afrique du Sud, suivent des évolu-tions analogues.Actuellement, tous ces pays (Chine comprise) sont

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à la fois bénéficiaires et donateurs d’aide au déve-loppement, tant sur le plan bilatéral que multilaté-ral.Ce phénomène n’est pas nouveau non plus.Dèsles années 50, l’Inde a soutenu le développementdu Népal, alors qu’elle était elle-même totalementtributaire d’appuis extérieurs. De nos jours, l’aideindienne est destinée principalement aux pays voi-sins et à l’Afrique.Cette manière de retransmettre indirectement l’ai-de au développement, sous la forme d’échangesSud-Sud, présente des avantages certains : la co-opération régionale a sa raison d’être et s’avère engénéral moins coûteuse que l’assistance venue du

unit actuellement 23 des 30 pays membres de l’or-ganisation, dont la Suisse.

Valeurs et objectifs«La question est de savoir dans quelle direction vaévoluer le processus de mondialisation», observeAnton Stadler,délégué de la Suisse auprès du CADà Paris.«L’OCDE continue d’exercer une fonctioncentrale dans l’aménagement et le façonnage de lafuture économie mondiale.» Sous la conduite deson nouveau secrétaire général Angel Gurría, l’or-ganisation a clairement opté pour une mondiali-sation qui devrait être profitable aux 180 pays du

La coopération Sud-Sudest particulièrement évi-dente en Afrique: pro-duits chinois sur le mar-ché (page de gauche) ;sommet sino-africain en2006 à Pékin (ci-contre) ;l’Afrique du Sud aide leMozambique voisin àdésamorcer des minesterrestres tandis que dusucre brésilien ou du rizdu Bangladesh sont dé-chargés dans le port deCotonou, au Bénin (pagesuivante)

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monde et à toutes les couches de la population,pré-cise M. Stadler.L’aide publique au développement (APD) a un rôleimportant à jouer dans ce cadre.Au cours des dixdernières années, les pays membres du CAD ontélaboré toute une série de normes et d’instrumentsaxés sur une politique de développement durable.Les Objectifs du Millénaire pour le développe-ment, fixés par l’ONU, sont au centre de ces ef-forts. L’éradication de la pauvreté extrême consti-tue la priorité absolue. Mais l’environnement oul’égalité entre les sexes sont également des critèresessentiels.En adoptant la Déclaration de Paris (voirpage 22), tant les donateurs que les bénéficiaires del’aide ont promis d’intensifier leur engagement enfaveur d’une coopération au développement effi-cace et de bonne qualité.Que va-t-il arriver si de nouveaux donateurs, nonliés par les directives du CAD,prennent de plus enplus d’importance au sein de la coopération inter-nationale au développement? Richard Manning,président du CAD,relève trois risques :dans la me-sure où elle ne respecte pas ces normes, l’aidepourrait conduire à un nouvel endettement despays pauvres,au non-respect des règles écologiquesou de la bonne gouvernance, ou encore à des in-vestissements dans des projets improductifs. MaisM. Manning souligne aussi que l’engagement des«donateurs émergents» est une source d’espoir. Ilse dit convaincu que ceux-ci participeront à uneharmonisation internationale de la coopération audéveloppement. La Déclaration de Paris constitueun pas dans cette direction,puisqu’elle a été signéeentre autres par la Chine et l’Inde.

L’argent et le marchéAvec l’essor économique des pays émergents, l’ai-de consentie jusqu’ici par exemple à l’Inde ou à la

Chine peut être redirigée vers des pays pluspauvres. Si l’on considère les augmentations del’APD annoncées par les pays membres du CADet les budgets croissants des nouveaux donateurs,il y a tout lieu de supposer que la coopération audéveloppement disposera ces prochaines années deplus d’argent que cela n’a jamais été le cas.Reste à savoir si cette «manne» améliorera vrai-ment les conditions de vie des plus pauvres. Il estpermis d’en douter, vu les rapports de force éco-nomiques et politiques qui existent actuellementtant dans les pays donateurs que dans les pays ré-cipiendaires. Ces derniers comptent encore tropd’élites et de fonctionnaires qui profitent de la cor-ruption et de situations antidémocratiques. Quantaux grands donateurs – en premier lieu les États-Unis et la Chine –, ils continuent de pratiquer unepolitique de développement axée essentiellementsur leurs propres intérêts économiques et géopo-litiques. C’est ainsi par exemple que Pékin a pro-mis à l’Angola une aide à la reconstruction d’unmontant de 5 milliards de dollars, à condition que70 pour cent des marchés soient octroyés à des en-treprises chinoises.Celles-ci amènent par avion enAfrique des milliers d’ouvriers chinois. Et lors-qu’elles emploient de la main-d’œuvre locale,ellessont de plus en plus souvent accusées de l’exploi-ter. Il apparaît ainsi qu’une offre croissante d’aideau développement ne profite pas automatique-ment à toutes les parties en cause. ■

(De l’allemand)

OCDE et BRICSLes pôles d’activité écono-mique sont en train de sedéplacer vers les paysémergents : les centres in-dustriels et commerciauxles plus dynamiques se situent de moins en moinsdans les pays industrielsclassiques. Cette évolutionse reflète également dansl’OCDE, l’organisation faî-tière des nations industriali-sées occidentales. L’OCDEest dirigée depuis juillet2006 par un représentantd’un pays émergent, en lapersonne du MexicainAngel Gurría. Les États ap-partenant au groupe dit duBRICS (Brésil, Russie, Inde,Chine et Afrique du Sud)devraient adhérer à l’OCDEces prochaines années. Onen espère notamment uneamélioration de la coopéra-tion dans le domaine éco-nomique et celui du déve-loppement.

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Dans deux mois, N. arrivera auterme de sa grossesse. Comme àchaque fois, la même questiondélicate se pose à cette mère cé-libataire: où va-t-elle accoucher?Dans sa ville, il y a peu de choix,surtout pour une femme quin’est plus dans sa première jeu-nesse. Les jeunes peuvent accou-cher dans n’importe quelle ma-ternité. Les «vieilles» ont intérêtà aller à l’hôpital. Mais lequel?

Le conseil de famille se réunit.Présidé par la mère de N., ilcomprend également ses quatrefrères et sœurs, ainsi que sesdeux belles-sœurs.Après la déli-bération, trois hôpitaux sont sé-lectionnés :

- L’hôpital n° 1, le meilleur, esttoujours bondé. Il arrive quetrois personnes doivent partagerdeux lits, couchées tête-bêche.Le personnel, débordé, est sou-vent de mauvaise humeur.- L’hôpital n° 2 est le plusconfortable et le plus onéreux;les médecins sont gentils, maispeu compétents. L’an dernier,une maman et son bébé sontmorts ; le procès est en cours.- L’hôpital n° 3 est tout proche.La famille de N. connaît certainsdes médecins. Les chambres sontspacieuses, les médecins sont debons accoucheurs, mais inca-pables de faire face aux urgencespédiatriques.

On consulte alors la principaleintéressée: «Que choisis-tu, sœu-rette?» Réponse de N.: « Je vou-drais aller là où c’est le mieuxpour le bébé, où je ne me faispas engueuler et j’aimerais unechambre individuelle.» Ce n’estpas si simple de trouver un hô-pital qui remplisse ces trois cri-tères. Mais pour une famille quia traversé la guerre, rien n’estimpossible en temps de paix.

À peine trente secondes se sont-elles écoulées que tous s’écrientà l’unisson: «Ne t’en fais pas !»

Grâce à l’intervention de sadeuxième belle-sœur, N. par-vient à obtenir un rendez-vousavec un médecin très qualifié del’hôpital n° 1. D’un rire joyeux,le docteur balaie ses craintes : «Iln’y a pas à hésiter, venez accou-cher ici ! Si vous avez des rela-tions, vous pourrez même obte-nir une chambre individuelle.Pas d’engueulade? Mais on sefait engueuler partout, mabonne dame. Il n’y a qu’à l’hô-pital n° 2 où on ne se fait pasengueuler. Seulement, ça coûtedix fois plus cher. Rassurez-vouset d’ici là, soyez relax, pour lebien du bébé.»

Mais comment N. peut-elle êtrerelax alors que la menace desengueulades plane toujours au-dessus de sa tête? Sa premièrebelle-sœur est d’avis que ce sontplus généralement les infir-mières, et non les médecins, quirudoient les patients. Ellecontacte alors l’infirmière-cheffedu même hôpital. Cette femmevive et douce promet que N.aura une bonne chambre, qu’ellen’aura pas à faire la queue de-vant les toilettes collectives, ni àdormir tête-bêche en reniflantles chaussettes d’autres patientes.Protégée par elle, N. n’aura à su-bir les engueulades de personne.Vérification faite, le médecincompétent ne travaille malheu-reusement pas dans l’équipe del’infirmière-cheffe. Les deuxbelles-sœurs se regardent, em-barrassées. «Et si nous trouvionsla personne qui est leur chef àtous les deux?», propose le frèreaîné.

C’est ainsi qu’une semaine plustard, ce dernier annonce, tout

guilleret, qu’une «recommanda-tion» a été faite auprès de la directrice adjointe de l’hôpital,dont l’autorité coiffe à la fois lemédecin et l’infirmière-cheffe.Un ordre de sa part, et tout seraréglé. «L’as-tu rencontrée per-sonnellement?», s’enquiert sonépouse. «Non, c’est impossible.Si je me pointe comme ça, jeme ferai engueuler, c’est sûr.Mais un collègue a fait la de-mande en mon nom.» Safemme lui fait remarquer que cegenre de recommandation indi-recte est à la portée du premierimbécile et que le succès n’estabsolument pas garanti.

Homme d’expérience, le grandfrère se dépêche de battre en retraite à l’étage, pour éviter dese faire engueuler par sa femme.Il laisse N. affronter, avec sesbelles-sœurs, les incertitudes dufutur. ■

(Du vietnamien)

Comment accoucher sans se faire engueuler

Carte blanche

Phan Thi Vang Anh est néeà Hanoi en 1968. Après uneformation de cardiologue, elletravaille aujourd’hui commeécrivaine, lectrice dans unemaison d’édition et chroni-queuse pour divers journauxet magazines. Également réa-lisatrice de films documentai-res, elle vit entre Hanoi et Ho Chi Minh-Ville. Dans lesannées 90, son livre Quandon est jeune a marqué touteune génération et est devenuun best-seller au Viêt-nam.Cet ouvrage a été traduit enfrançais (éditions Picquier) eten suédois. Le plus grandsuccès récent de Phan ThiVang Anh est un recueil dechroniques, qui n’est pourl’heure disponible qu’en viet-namien.

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vons prendre soin de notre envi-ronnement immédiat : le quar-tier. En construisant ma maisondans ce quartier défavorisé et enaménageant ma rue, à mes frais,j’ai éprouvé le sentiment dem’accomplir et de me rappro-cher de mes voisins. Ces der-niers ont alors sollicité mon aidepour améliorer les autres rues.La principale force de l’initiativedécoule de cette demande despopulations, qui est le levier in-

dispensable à leur participation.Sa deuxième force réside dans lacréation d’emplois temporaires,notamment pour les jeunes, quia permis d’injecter une bonnepartie du financement dans lesménages, souvent démunis, duquartier. Les jeunes gens po-saient les pierres, tandis que lesjeunes filles, munies de truelles,remplissaient les joints avec duciment. Elles se chargeaient éga-lement d’arroser les plantes, ainsi

UUnn sseeuull mmoonnddee :: DDaannss lleeqquuaarrttiieerr ddee MMiissssiirraa,, ààBBaammaakkoo,, vvoouuss aavveezz rrééaalliisséé uunn pprroojjeett dd’’aamméénnaaggeemmeennttqquuii ppaassssee ppoouurr uunn mmooddèèlleeddee ddéévveellooppppeemmeenntt llooccaall..LLeess hhaabbiittaannttss ssee ssoonntt mmoobbiillii--ssééss ppoouurr ppaavveerr lleess rruueess,, ffeerr--mmeerr lleess ccaanniivveeaauuxx eett rrééhhaabbii--lliitteerr llee mmaarrcchhéé,, eenn uuttiilliissaannttddeess mmaattéérriiaauuxx llooccaauuxx.. IIllss oonnttccrréééé ddeess eessppaacceess vveerrttss eett ddeessppllaacceess ddee jjeeuuxx.. CCoommmmeenntt

eexxpplliiqquueezz--vvoouuss llee ssuuccccèèss ddeecceettttee iinniittiiaattiivvee ??AAmmiinnaattaa TTrraaoorréé :: Ce projet estbaptisé «Le soi, les voisins, lequartier». Il répond à un besoinprofond, mais rarement extério-risé, de reconstruire notre êtrede citoyens maliens et africains,souvent éclaté entre deux cul-tures et deux mondes. J’ai l’in-time conviction qu’en nous ré-conciliant avec nous-mêmes, etles uns avec les autres, nous pou-

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L’autre Afrique se construitdans les quartiers

Pour échapper à la pauvreté, les Africains doivent retrouver leur créativité et refuser l’ordre dominant du Nord, estime Aminata Traoré. L’émancipation ducontinent passe par l’éveil des consciences et le renforcement de la société civile. L’altermondialiste malienne concrétise sur le terrain sa vision d’une «autreAfrique». Entretien avec Jane-Lise Schneeberger.

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que les rues pour les solidifieraprès la pose des pavés.

CCeettttee eexxppéérriieennccee nnoovvaattrriicceeaa--tt--eellllee eennggeennddrréé ddeess ddyynnaa--mmiiqquueess ddee cchhaannggeemmeenntt ààuunnee pplluuss ggrraannddee éécchheellllee oouuiinnfflluuéé ssuurr lleess ppoolliittiiqquueess nnaa--ttiioonnaalleess ddee ddéévveellooppppeemmeenntt ??L’initiative de Missira a fait tâched’huile dans d’autres quartiersde la ville. Séduits par son im-pact, des hommes et des femmesse sont mobilisés, ils ont crééleurs propres associations et re-joint la nôtre. Ensemble, nousavons formé la Fédération desassociations maliennes pour l’as-sainissement et la protection del’environnement. La coopérationluxembourgeoise, notre princi-pal partenaire extérieur, vient de

mobiliser des moyens qui per-mettront, dans les mois à venir,de quadrupler la superficie assai-nie. Malheureusement, je n’aipas enregistré la même sollici-tude du côté des pouvoirs pu-blics. S’il en est ainsi, c’est parceque nos politiques de dévelop-pement urbain portent l’em-preinte de la Banque mondiale,dont les programmes d’ajuste-ment structurel ont considéra-blement nui à nos villes : sup-pression d’emplois, désenga-gement de l’État, privatisationdes services publics, etc.

LLee MMaallii ccoommppttee aauujjoouurrdd’’hhuuiiqquueellqquuee 44000000 aassssoocciiaattiioonnss eettoorrggaanniissaattiioonnss nnoonn ggoouuvveerrnnee--mmeennttaalleess.. CCoommppttee tteennuu ddee ssaa ddiissppeerrssiioonn,, llaa ssoocciiééttéé ccii--

vviillee eesstt--eellllee eenn mmeessuurree ddeess’’iimmpplliiqquueerr ddaannss llaa ggeessttiioonnddeess aaffffaaiirreess ppuubblliiqquueess ??Les associations continuent àproliférer, mais leur nombre im-porte peu. Le problème, c’estqu’elles manquent de vision, deconviction. Rares sont celles quipeuvent analyser les enjeux etproposer des alternatives. Unesociété civile digne de ce nom ale devoir d’être critique. Or, auMali comme dans les autres paysafricains, elle est souvent instru-mentalisée par l’État, les partispolitiques ou les donateurs. Àl’instar des pouvoirs publics, lasociété civile est piégée par lebesoin de financement exté-rieur. Les bailleurs de fonds ontencouragé son émergence, car ilsveulent avoir l’assurance qu’un

contrôle s’exerce sur le pouvoirlocal. Les Maliens ont bien com-pris cette démarche et créé unepléthore d’associations. Pour êtresûres d’obtenir des finance-ments, ces dernières conçoiventdes activités susceptibles deplaire aux donateurs, mais qui nereflètent pas nécessairement lademande de la population.

EEssttiimmeezz--vvoouuss qquuee lleess ddoonnaa--tteeuurrss ddeevvrraaiieenntt rreevvooiirr cceerr--ttaaiinneess ssttrraattééggiieess ppoouurr mmiieeuuxxrrééppoonnddrree aauuxx bbeessooiinnss ddee llaappooppuullaattiioonn ??Les initiatives identifiées par ouavec les populations mériteraientd’être plus soutenues qu’elles nele sont à l’heure actuelle. D’autrepart, les bailleurs de fonds fe-raient bien d’analyser objective-

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ment l’impact de leur soutienmassif à la décentralisation, parexemple. Contrairement aux apparences, ce processus profitesurtout aux élus locaux, qui veu-lent capter les fonds destinés auxpopulations.

«« UUnnee aauuttrree AAffrriiqquuee eesstt ppooss--ssiibbllee »» ,, tteell eesstt vvoottrree ccrreeddoo eettcceelluuii dduu FFoorruumm ssoocciiaall aaffrrii--ccaaiinn.. ÀÀ qquuooii rreesssseemmbbllee--tt--eellllee ??Cette autre Afrique est souve-raine, libérée du fardeau de ladette extérieure; elle ne se plieplus au diktat des nations richeset des institutions internationalesde financement. Ses populationspartagent la même vision des al-ternatives au modèle unipolaire.Elle est aux antipodes del’Afrique actuelle : pillée, suren-dettée, téléguidée, scindée pardes acteurs politiques et institu-tionnels qui ne rendent pas decomptes aux peuples.

OOnn ppoouurrrraaiitt aajjoouutteerr àà cceessoommbbrree ttaabblleeaauu llaa ccoorrrruupp--ttiioonn eett llaa mmaauuvvaaiissee ggoouuvveerr--nnaannccee.. QQuueellllee ppaarrtt ddee rreess--ppoonnssaabbiilliittéé lleeuurr iimmppuutteezz--vvoouuss ??La corruption, qui entache tantl’image de notre continent, n’estpas une spécificité africaine.

C’est une dimension intrinsèquedu capitalisme mondialisé quisous-entend que tout est mon-nayable. Il y aurait moins d’im-punité, donc de corruption, siles changements en cours éma-naient de nous et autorisaient le contrôle citoyen. Pour l’heure,ce n’est pas le cas. Le finance-ment par la communauté inter-nationale des politiques néo-libérales, non concertées etcontraires aux intérêts desAfricains, est la première formede corruption à combattre. Il y a incitation des élus à la trahisonet à la corruption financière,dans la mesure où l’avis desbailleurs de fonds importe plus que celui des populations.Du reste, celles-ci n’ont pas lesmoyens de contrôler la mise en œuvre de décisions macro-économiques qui viennentd’ailleurs. L’Afrique souffre également de l’aliénation de sesélites, qui sont vulnérables etsoumises. L’articulation de laculture et de l’économie, quinous aurait permis de juguler lapauvreté, en est compromise.

QQuueell rrôôllee ddooiitt jjoouueerr llaa ccuull--ttuurree ddaannss ll’’éémmaanncciippaattiioonn ddeell’’AAffrriiqquuee qquuee vvoouuss pprrééccoonnii--sseezz ??La pensée unique, qui caracté-

rise l’ordre économique domi-nant, va de pair avec décultura-tion et déshumanisation.L’Afrique doit avoir la volontépolitique de puiser dans sonpropre patrimoine pour se ré-concilier avec elle-même. La re-construction personnelle et celledu lien social – à l’image de cequi a été fait à Missira – est uneexigence éminemment cultu-relle qui rime avec liberté etcréativité politique. Chaquepeuple devrait pouvoir ques-tionner sa culture et ses repères,puis décider librement de les assumer, de les améliorer ou deles rejeter. Je souhaite que nousmenions un débat de fond surce qui nous aliène et nous ap-pauvrit.Au point où nous ensommes, il s’agit de sauverl’homme et son âme, face à l’argent roi. ■

Aminata Dramane Traoré, néeen 1947 à Bamako, a obtenu undoctorat en psychologie sociale àParis. Après avoir fait de la recher-che à l’Université d’Abidjan, elle adirigé un projet régional duProgramme des Nations Uniespour le développement (PNUD)sur la promotion des femmesdans la gestion de l’eau et de l’assainissement. De 1997 à 2000,elle a été ministre de la culture etdu tourisme du Mali. Membre fon-datrice du Forum social africain,elle a également mis sur pied leForum pour l’autre Mali, unespace de débat public sur lamondialisation. À Bamako,Aminata Traoré a créé un com-plexe culturel qui abrite un centrede recherche-action, un restau-rant-galerie et une auberge. Elle apublié trois ouvrages de plaidoyeren faveur de l’Afrique: L’Étau(1999), Le Viol de l’imaginaire(2002) et Lettre au président desFrançais à propos de la Côted’Ivoire et de l’Afrique (2005).

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Scénario catastrophe ( jls) Les catastrophes sont aussivieilles que l’humanité. Mais lesincertitudes actuelles, liées no-tamment à l’environnement,leur donnent une ampleur in-édite. Dans une exposition ou-verte jusqu’à fin 2007, le Muséed’ethnographie de Genèvemontre que chaque société vitet interprète ces désastres diffé-remment, selon sa représentationdu monde, sa notion du temps,ses croyances et son modèlescientifique.Toute collectivitéhumaine s’organise pour tenterde maîtriser son destin. Quandle pire survient néanmoins, elleélabore des réponses culturellespour y faire face et donner dusens aux événements. Synonymede chaos, de désordre et de souf-france, la catastrophe est aussiune source de recommence-ment. En bouleversant les structures humaines, elle défieles capacités d’adaptation des so-ciétés et devient alors un facteuressentiel de changement.Exposition «Scénario catastrophe»,Musée d’ethnographie de Genève,du 28 mars au 31 décembre 2007

Pour un islam pacifiste(er) Ses métissages helvético-marocains lui ont déjà conféréune notoriété internationale.Mais Pat Jabbar ne s’arrête pas là : avec Abdelaziz Lamari etAbdelkader Belkacem, deux im-migrés algériens également éta-blis à Bâle, il vient de fonder letrio Maghrebika et d’enregistrerl’album Neftakhir (fierté) sousson propre label. Pour ce projet,il a fait intervenir d’autres ar-

tistes, dont ses collègues bâloisde Makale, un groupe de rapturc.Aux tonalités nasales de cesvoix masculines s’associe la forcevocale pénétrante des chanteusesmarocaines de B’Net Marrakech.Des sonorités de flûte, de violonet d’oud, mais aussi les cordestorturées d’une guitare concou-rent à la puissance hallucinantequi se dégage de ces quatorzemorceaux. Pour couronner letout, des textes engagés accom-pagnent ce mélange entre ra-cines marocaines et algériennes,trip hop, dub, electronica etrock. Les chansons condamnentla violence et la terreur, l’isla-mophobie et le néocolonialisme.Elles se réfèrent avec fierté auxracines culturelles des musicienspour plaider en faveur d’un is-lam pacifiste.Maghrebika: «Neftakhir» (BarrakaEl Farnatshi/RecRec)

Le Zoulou blanc est de retour(er) Johnny Clegg est une lé-gende vivante. En 1979, alorsque le régime d’apartheid sévis-sait encore en Afrique du Sud,il a réuni des artistes blancs etnoirs pour former le groupeJuluka. Malgré la censure et

l’exil, le musicien s’est imposédans le monde entier avec cetteformation et avec Savuka, quilui a succédé. Ses albums de popzouloue engagée se sont venduspar millions. Ensuite, on ne l’aplus entendu pendant dix ans.Aujourd’hui, le charismatique «Zoulou blanc», âgé de 54 ans,sort de son long silence.S’exprimant comme toujours enanglais, en français, en zoulou eten afrikaans, il aborde à nouveaudes thèmes très actuels. JohnnyClegg s’est aussi ouvert à desrythmes latino, hip hop et rock,comme en témoignent d’ambi-tieux riffs de guitare, encoresporadiques. Ceux-ci ne fontqu’ajouter à l’harmonie deschants sud-africains, portés parles guitares et les mandolinesaux sonorités cristallines zou-loues, les voix graves du chœurd’hommes et le concertina (petitaccordéon) de Johnny Clegg.Johnny Clegg : «One Life»(Marabi/Disques Office)

Pont musical entre deuxmondes(er) Une soul soufie méditative,combinant tablas, luth et chant pénétrant, s’allie à durhythm’n’soul pétillant, tout en saxophone, guitare, basse etpercussion: ce pont musical relie avec virtuosité l’Orient à l’Occident, la tradition à lamodernité, le sacré au profane.D’un côté, il y a le célèbrechanteur pakistanais Shafqat Ali Khan et ses musiciens. Sonœuvre est profondément enraci-née dans le chant soufi extatiqueclassique. De l’autre côté, ontrouve quatre musiciens connuspour leur aisance à franchir lesfrontières : le saxophoniste amé-ricain Chico Freeman et le bas-siste allemand Eberhard Weber,ainsi que deux Suisses, le guita-riste Christy Doran et le percus-sionniste Reto Weber. C’est laDDC qui a permis la réunionde ces artistes, qui se sont pro-

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duits en septembre dernier lorsde la Nuit biennoise des 1000questions. Pour marquer le 40e

anniversaire de la coopérationentre le Pakistan et la Suisse, laDDC a financé l’enregistrementlive de ce concert et la produc-tion d’un émouvant CD.Shafqat Ali Khan - Reto Weber :«Crossing The Bridges» (pourl’heure, commandes seulement sur lesite www.ddc.admin.ch / documen-tation disponible)

Apprendre à changer depoint de vue(bf ) Avec l’appui de la DDC,la Fondation Éducation etDéveloppement encourage depuis trois ans la conclusion de partenariats entre des hautesécoles pédagogiques (HEP)suisses et des institutions de for-mation des enseignants dans lespays du Sud et de l’Est. En per-mettant aux étudiants d’échan-ger leurs savoirs et leurs expé-riences, ces partenariats lesincitent à changer de point devue et à mieux comprendre lesrapports mondiaux. Ils ne vien-nent pas s’ajouter au cursus deformation, mais en font intégra-lement partie. Ils constituentmême un élément important duprogramme des HEP. Les parte-nariats comprennent notam-ment des échanges d’étudiants et de formateurs. En Suisse alé-manique et au Tessin, six HEP et une haute école supérieureparticipent depuis quelquetemps déjà à ce projet. UneHEP de Suisse romande vientd’y adhérer. La Fondation Édu-

cation et Développement cor-donne les programmes etconseille les institutions.Pour en savoir plus : www.globale-ducation.ch

Formation postgradeCet automne, l’EPFZ proposeles cours suivants de préparationau diplôme postgrade pour lespays en développement (NADEL):1.10.-5.10. Suivi dans la gestiondes projets et des programmesde la coopération au développe-ment29.10.-2.11. OE II : Promotionde la collaboration institution-nelle dans les projets et les pro-grammes de la coopération 12.11.-16.11. Planifications deprogrammes nationaux et d’acti-vités axées sur un programme 26.11.-30.11. Évaluer les dé-marches et les résultats de pro-jets et de programmes3.12.-7.12. Définition d’orienta-tions politiques dans la coopéra-tion au développement: le rôlede la société civile10.12.-13.12. Perspectives auxniveaux micro et macro dans la lutte contre la pauvreté.Délai d’inscription: un mois avant le début des cours.Langue de travail : allemand.Informations et inscriptions : EPFZurich, secrétariat du NADEL,VOB B 12, 8092 Zurich,tél. 044 632 42 40,www.nadel.ethz.ch,[email protected]

À qui appartient l’eau? (bf ) L’eau est-elle une marchan-dise commercialisable? Ou bienle libre accès à l’eau propre est-il un droit humain? Cesquestions sont au cœur du trèsbeau livre Wem gehört das Wasser?(à qui appartient l’eau?), écritpar Christian Rentsch etd’autres auteurs. Illustrés par desphotos superbement mises enscène, des textes fouillés abor-dent le sujet sous différents

points de vue. Présentant l’eaucomme un élément unique etphénoménal, les auteurs évo-quent aussi les rapports parfoisdifficiles que l’homme entretientavec elle. Ils traitent de son rôlepolitique dans les régions encrise et mettent en évidence sesaspects spirituels dans diversescultures. Disponible en allemandet en anglais, le livre s’achève parune prise de position sans équi-voque contre la privatisation del’eau. Convaincus que cette res-source appartient à tous, les au-teurs plaident pour que le libreaccès à l’eau propre soit reconnucomme un droit fondamental del’être humain.Christian Rentsch et al. : «Wemgehört das Wasser?» («Who ownsthe water?»), Lars Müller Verlag,Baden, 2006

La femme de l’explorateur(bf ) Florence Szasz, une orphe-line d’origine allemande, n’aguère plus de quatorze anslorsque l’explorateur SamuelBaker l’enlève sur un marchéd’esclaves ottoman en 1859. Peuaprès, ce couple insolite entre-prend un périlleux voyage enAfrique, à la recherche de l’en-droit où le Nil prend sa source.L’anthropologue américaine PatShipman a consacré un romanbiographique à l’épouse du cé-lèbre explorateur, une femmetrop souvent oubliée par les historiens. Son livre Les Amantsdu Nil ne se contente pas de décrire avec pertinence les rap-ports entre les sexes dans la so-ciété victorienne, il dépeint aussile commerce d’esclaves, encoreflorissant au 19e siècle, alors que

l’Angleterre l’avait interdit dès1807 dans ses colonies.Pat Shipman: «Les Amants du Nil», Presses de la Cité, Paris,2005

De la catastrophe à l’espoir(bf ) Depuis le 26 décembre2004, toute la planète sait cequ’est un tsunami. Ce jour-là,un séisme d’une magnitude de9,0 a déclenché dans l’océanIndien une vague gigantesquequi a dévasté les zones côtièresd’Asie du Sud et du Sud-Est,faisant quelque 300000 morts etprès de 1 million de sans-abris.Jusqu’à 5 millions de personnesn’étaient plus du tout approvi-sionnées en produits de base.La communauté internationale a réagi en lançant une actionhumanitaire à la mesure de lacatastrophe.Aujourd’hui, laChaîne du Bonheur et les édi-tions Weltbild publient un livrerichement illustré pour commé-morer ces événements. Des per-sonnalités connues ou moinsconnues racontent ce qu’ellesont vécu sur place: parmi elles,un ambassadeur, un pilote de lagarde aérienne de sauvetage ouencore la responsable d’un pro-jet de reconstruction. Cet ou-vrage a été conçu et rédigé parRoland Jeanneret. Il n’existequ’en version allemande.Chaîne du Bonheur et Weltbild :«Der Tsunami – Die Katastrophe– Die Hoffnung», éditions Weltbild,Olten, 2006

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Migration, intégration etdroits humains(bf ) Dans sa dernière édition, lemagazine semestriel alémaniqueWiderspruch prouve une fois deplus sa capacité à aborder lesthèmes d’actualité en laissant decôté esprit missionnaire, sloganspolitiques et superficialité, pourpréférer une approche en pro-fondeur, qui surprend et pousseà la réflexion. Le numéro 51,qui vient de paraître, est consa-cré aux migrations, à l’intégra-tion et aux droits de l’homme.Il présente les réflexions de 35auteurs sur des sujets très variés.Ainsi,Alicia Gamboa et Theo-dora Leite Stampfli abordentl’intégration en tant qu’instru-ment d’autonomisation. StellaJegher évoque la traite des êtreshumains, les droits de l’homme et la migration des femmes.Sissel Brodal s’intéresse à l’esclavage moderne dans l’agri-culture européenne, tandis que Vania Alleva analyse les positions des syndicats suisses sur les politiques de migration et d’intégration.«Widerspruch»: Migration,Integration und Menschenrechte,n° 51, en librairie ou chezWiderspruch, case postale, Zurich,tél./fax 044 273 03 01,www.widerspruch.ch

Lisandro veut travailler(bf ) Lisandro a 14 ans et vit dansun quartier pauvre de Lima, lacapitale péruvienne. Commebeaucoup d’enfants, il doit ga-gner sa vie.Trois fois par se-maine, il travaille dans une bou-langerie, où il emballe les petitspains fraîchement sortis du four.Les autres jours, il parcourt lesrues avec des copains, lave desvoitures et vend des friandises. Ilassume ainsi lui-même ses fraisde scolarité et contribue, depuisla disparition de son père, à l’en-tretien de toute la famille. Bonélève, Lisandro souhaite entre-prendre des études. Il maîtrised’ores et déjà le savoir-faire d’unfonctionnaire. Il est en effet unmembre actif de l’organisationNiños y adolescentes trabaja-dores, qui combat l’exploitationdes jeunes et défend un travaildes enfants régi par la loi. Pourcela, Lisandro et ses amis sontprêts à descendre dans la rue, carle travail compte beaucoup poureux. Il leur permet de s’affirmeret d’être respectés, de payer lestaxes scolaires et de garantirleurs chances de formation.Manuel Fenn: «Lisandro veut travailler», documentaire, D/Pérou2005, DVD, 30 min., dès 12 ans.

Distribution: Éducation et Déve-loppement, tél. 031 389 20 21,[email protected] : Films pour un seulmonde, tél. 031 398 20 88,www.filmeeinewelt.ch

Le plaisir de la narrationLe développement et laconscience culturelle sont étroi-tement liés. Lorsque les habitantsde la vallée de Javé, au Brésil,apprennent que la constructiond’un barrage va inonder leursterres, ils ne voient qu’une solu-tion: donner une importancehistorique à leur village. Ils déci-dent alors de recueillir toutes leshistoires et légendes dont ils sesouviennent et chargent l’ancienpostier de coucher sur papiercette résurrection culturelle.Paru sur DVD, le long métrageNarradores de Javé (les conteursde Javé) de la Brésilienne ElianeCaffé présente divers aspects del’art et de la passion du conte. Ilse situe lui-même dans la tradi-tion narrative latino-américaine,autour de laquelle il tournepresque imperceptiblement.Sans choisir entre la transmissionorale et l’écriture, le film re-trouve une dimension où lemerveilleux de la vie, la puis-sance du rêve et la poésie d’unehistoire collective se mêlent

inextricablement.Eliane Caffé : «Narradores de Javé», 102 minutes, 2003.Commandes et informations :tél. 056 430 12 30 ou www.trigon-film.org

Les spécialistes du DFAEviennent à vousSouhaitez-vous obtenir des in-formations de première main surla politique étrangère? Les spé-cialistes du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)sont à la disposition des écoles,des associations et des institu-tions, pour leur présenter desexposés et animer des débats surdivers sujets de la politiqueétrangère. Le service de confé-rences est gratuit. Il ne peut tou-tefois offrir ses services qu’enSuisse et 30 personnes au moinsdoivent participer à la manifesta-tion.Informations : Service de conférencesdu DFAE, Service d’information,Palais fédéral Ouest, 3003 Berne ;tél. 031 322 31 53 ou 031 322 35 80,fax 031 324 90 47/48,[email protected]

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ImpressumUn seul monde paraît quatre fois par année, en français, en allemand et en italien.

Editeur :Direction du développement et de la coopération (DDC) du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)

Comité de rédaction :Harry Sivec (responsable) Catherine Vuffray (coordination globale) (vuc) Joachim Ahrens (ahj) Thomas Jenatsch (jtm)Jean-Philippe Jutzi (juj)

Antonella Simonetti (sia)Andreas Stauffer (sfx)Beat Felber (bf)

Rédaction :Beat Felber (bf–production)Gabriela Neuhaus (gn) Maria Roselli (mr)Jane-Lise Schneeberger (jls) Ernst Rieben (er)

Graphisme : Laurent Cocchi, Lausanne

Photolitho : Mermod SA, Lausanne

Impression : Vogt-Schild Druck AG,Derendingen

Reproduction :Les articles peuvent être reproduits, avecmention de la source, à condition que la rédaction ait donné son accord. L’envoi d’unexemplaire à l’éditeur est souhaité.

Abonnements :Le magazine peut être obtenu gratuitement(en Suisse seulement) auprès de: DDC,Médias et communication, 3003 Berne,Tél. 031322 44 12Fax 031324 13 48E-mail : [email protected]

860167653

Imprimé sur papier blanchi sans chlore pourprotéger l’environnement

Tirage total : 56 000

Couverture :Hahn / laif, Westrich / laif, Kirchgessner / laif,Banning / laif, Verhoeve / laif, Kuenzig / laif,Krause / laif, Gartung / laif, Dreysse / laif

ISSN 1661-1675

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Dans le prochain numéro:

Environ 85% des jeunes de la planète vivent dans les pays en développement. Notre dossier décrit les dynamiques sociales, démographiques, culturelles et économiques qui découlent de l’intégration de la jeunesse dans les efforts de développement.