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DOSSIER | Pascal Le Dû | www.cielocean.fr OBJECTIF DE LA MISSION Cette quête méthodique a permis de repérer des objets très faibles, à peine visibles sur les images. Une table des candidates découvertes à ce jour par des Français est entretenue par Pascal Le Dû, en étroite collaboration avec Agnès Acker, astronome professionnelle à l’observatoire astronomique de Strasbourg, spécialiste internationale des nébuleuses planétaires. Cette table permet d’alimenter une nouvelle base de référence construite à l'université Macquarie à Sydney, en collaboration avec A. Acker, répertoriant toutes les nébuleuses planétaires probables et confirmées connues à ce jour, soit plus de 3000. C’est en particulier en consultant cette base (non ouverte au public à ce jour), qu’A. Acker peut affirmer qu’un objet est bien une nouvelle découverte, et le baptiser du nom de son découvreur. Une candidate nébuleuse planétaire reste à l’état de candidate tant qu’un spectre n’a pas été réalisé pour confirmer sa nature (lire l’Astronomie janvier 2014, p 43). Beaucoup de candidates peuvent s’avérer être des régions HII ou des galaxies très lointaines inconnues. Ce travail de validation spectrographique de candidates n’entre pas dans les priorités des programmes des grands télescopes professionnels ; pour combler cette lacune, A. Acker a initié une collaboration avec Olivier Garde et Astroqueyras, lors du colloque « pro-am » tenu à Meudon le 20 avril 2002. Une dizaine d’objets ont ainsi pu être validés comme NP dans ces dernières années. L’observatoire AstroQueyras du pic de Château-Renard, situé à 2 936 m d’altitude près de Saint- Véran, se prête bien à ce type d’observation (voir www.astroqueyras.com). Les deux clubs d’astronomie de Lyon, le CALA (Club d’astronomie de Lyon Ampère) et la SAL (Société astronomique de Lyon), ont été retenus pour utiliser l’observatoire en particulier du 03 au 18 octobre 2015 avec comme objectifs de mission, la validation de candidates nébuleuses planétaires par spectroscopie et par imagerie avec filtre [OIII]. Bien que résidant près de Brest, j'ai été invité à me joindre au groupe. Faute de disponibilité, je n'ai pu participer qu’à la première partie de mission, avec le CALA. Depuis quelques années, des astronomes amateurs scrutent des images acquises à l’aide de leurs propres matériels ou disponibles sur le Web, pour repérer d’éventuelles nébuleuses planétaires (NP) non répertoriées à ce jour dans les catalogues professionnels ( cf. articles parus dans l’Astronomie en 2014 et 2015). SPECTRES DE NÉBULEUSES À 2 936 M D'ALTITUDE vol.130 | 91 | 42 42 L’ASTRONOMIE – Février 2016

OBJECTIF DE LA MISSION SPECTRES DE - cielocean.fr · étroite collaboration avec Agnès Acker, ... Lyon, le CALA (Club d’astronomie ... v i so nrl af t du pc g h le ch am pét oirv

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DOSSIER | Pascal Le Dû | www.cielocean.fr

OBJECTIF DE LA MISSION Cette quête méthodique a permis derepérer des objets très faibles, à peinevisibles sur les images. Une table descandidates découvertes à ce jour par desFrançais est entretenue par Pascal Le Dû, enétroite collaboration avec Agnès Acker,astronome professionnelle à l’observatoireastronomique de Strasbourg, spécialisteinternationale des nébuleuses planétaires.Cette table permet d’alimenter une nouvellebase de référence construite à l'universitéMacquarie à Sydney, en collaboration avecA. Acker, répertoriant toutes les nébuleusesplanétaires probables et confirméesconnues à ce jour, soit plus de 3000. C’esten particulier en consultant cette base (nonouverte au public à ce jour), qu’A. Ackerpeut affirmer qu’un objet est bien unenouvelle découverte, et le baptiser du nomde son découvreur.

Une candidate nébuleuse planétaire resteà l’état de candidate tant qu’un spectre n’apas été réalisé pour confirmer sa nature (lirel’Astronomie janvier 2014, p 43). Beaucoupde candidates peuvent s’avérer être desrégions HII ou des galaxies très lointainesinconnues. Ce travail de validationspectrographique de candidates n’entre pasdans les priorités des programmes desgrands télescopes professionnels ; pourcombler cette lacune, A. Acker a initié unecollaboration avec Olivier Garde etAstroqueyras, lors du colloque « pro-am »tenu à Meudon le 20 avril 2002. Une dizained’objets ont ainsi pu être validés comme NPdans ces dernières années. L’observatoireAstroQueyras du pic de Château-Renard,situé à 2 936 m d’altitude près de Saint-

Véran, se prête bien à ce typed’observation (voir

www.astroqueyras.com). Les deux clubs d’astronomie de

Lyon, le CALA (Club d’astronomiede Lyon Ampère) et la SAL(Société astronomique de Lyon),ont été retenus pour utiliserl’observatoire en particulier du03 au 18 octobre 2015 aveccomme objectifs de mission, la

validation de candidatesnébuleuses planétaires par

spectroscopie et par imagerie avecfiltre [OIII]. Bien que résidant près de

Brest, j'ai été invité à me joindre augroupe. Faute de disponibilité, je n'ai puparticiper qu’à la première partie demission, avec le CALA.

Depuis quelques années, desastronomes amateurs scrutentdes images acquises à l’aidede leurs propres matériels oudisponibles sur le Web, pour

repérer d’éventuellesnébuleuses planétaires (NP)non répertoriées à ce jour dansles catalogues professionnels (cf.articles parus dans l’Astronomie en

2014 et 2015).

SPECTRES DENÉBULEUSES À 2936 MD'ALTITUDE

vol.130 | 91 | 4242 L’ASTRONOMIE – Février 2016

PRÉPARATION AU DÉPARTEn ce jour du 3 octobre 2015, je ne prendspas l’avion avec enthousiasme. La veille,une dépression est passée dans les Hautes-Alpes, provoquant des chutes de neige àSaint-Véran. L’accès à l’observatoire estcompromis, car seule une piste noncarrossable permet de s’y rendre. Le travailde préparation étant fait, les billets d’aviondepuis Brest réservés de longue date,difficile de renoncer ! Arrivé à Lyon, uneréunion de crise est organisée par le CALA(fig. 1). La webcam installée àl’observatoire donne une situation de lamétéo sur zone. L’observatoire estpartiellement recouvert de neige. Sur lesquatorze participants, sept se désistent carla plupart ont du matériel lourd à monter àl’observatoire. La météo semble s’amélioreren semaine, le départ pour Saint-Véran estquand même programmé le lundi3 octobre avec un jour de retard, avec uneéquipe réduite et un minimum de matérielet de vivres à emporter. Olivier Garde, quiest principalement chargé de réaliser lesacquisitions de spectres avec sonspectrographe LISA ne peut plus venir pourdes raisons professionnelles. Qu’à cela netienne, profitant de la journée dudimanche, Olivier me forme à l’acquisitionde spectres. Par chance, Olivier disposedans son jardin de la réplique exacte de lamonture et du télescope disponibles àSaint-Véran, à une plus petite échelle toutde même (fig. 2) ! Le but principal est deréaliser de bonnes acquisitions àl’observatoire et de ramener des images

brutes correctes. Le traitement pourra sefaire en différé, au retour à Lyon. SergeGolovanow, le chef de station, qui a déjàréalisé des spectres de galaxies àl’observatoire, apportera son soutien.

SAINT-VÉRAN ET L'ASCENSIONÀ L'OBSERVATOIREDominique Menel, membre de l’associationAstroQueyras résidant à Saint-Véran, estsouvent chargé d’accompagner les équipesqui se rendent à l’observatoire. Il disposed’un 4x4 pour cette fonction. À notrearrivée, le véhicule est chargé d’une grandepartie des consommables et du matériel. Lereste regagne le véhicule d’Adrien Viciana,qui n’est pas un 4x4… Pour rejoindrel’observatoire, il faut parcourir 15 km depiste. Les conditions ne sont vraiment pasbonnes et très vite des congères de 40 cmrecouvrent la piste (fig. 3). Adrien est obligé

de laisser son véhicule à un tiers du trajet.Nouveau transbordement entre lesvéhicules pour ne prendre que le minimumde matériel. Le C11, prévu pour effectuerdes images avec le filtre [OIII], est laissédans la voiture. Quelques lacets plus loin,c’est au tour du 4x4 de Dominique derenoncer. Nouveau transbordement mais,cette fois-ci, une partie des vivres et dumatériel est laissée sur le bord de la piste.Seul le matériel strictement utile estmonté, en l’occurrence le spectrographeLISA d’Olivier. L’observatoire est à un peuplus d’une heure de marche. Le manqued’oxygène lié à l’altitude se fait ressentir, ilpleut, il neige, les charges sont lourdes surles épaules, la montée est laborieuse. Enplus, un aller-retour est nécessaire. L’arrivéedéfinitive à l’observatoire se fait dans lanuit à 21 h 30, tout le monde estcomplètement trempé et a hâte de seréchauffer.

Le véhicule d’Adrien estremorqué… Vivementl’arrivée ! (J.-P. Roux)

Olivier Garde et sonmatériel dans sonjardin. (P. Le Dû)

vol.130 | 91 | 43 Février 2016 – L’ASTRONOMIE 43

DOSSIER | SPECTRES DE NÉBULEUSE À 2 936 M D'ALTITUDE

L'OBSERVATOIRE ASTROQUEYRAS DU PIC DE CHÂTEAU-RENARDComme précisé plus haut, l’observatoire disposemaintenant de tout le confort nécessaire à une équiped’une quinzaine de personnes (lire l'Astronomie, octobre2015). Il a été complètement rénové entre 2014 et août2015. Il est pourvu de deux cuisines équipées et deplusieurs chambres de 2 ou 4 personnes. Des panneauxsolaires assurent l’alimentation électrique et les réservesen eau sont importantes mais restent limitées. De ce fait,des précautions sont toujours nécessaires quant à laconsommation en électricité et en eau.

L’observatoire dispose de trois coupoles (fig. 4). Une de7,5 m qui abrite un télescope de 620 mm, une autre de5 m munie d’une chambre photographique, et unedernière, toute récente, de 4,4 m qui dispose d’untélescope de 508 mm. C’est dans cette coupole, qu’estréalisé l’essentiel des acquisitions spectroscopiques de lapremière semaine, avec le CALA. La deuxième semaine, laSAL préfère utiliser le télescope de 620 mm.

LE MATÉRIEL D'ACQUISITIONLa coupole du RC 500 mm est en alliagemétallique (fig. 5). Elle est très facile àmettre en œuvre grâce aux commandesdes moteurs qui contrôlent sa rotation etl’ouverture du cimier. Par contre, cettecoupole n’est pas asservie à la montureet le cimier semble un peu petit parrapport au diamètre du télescope. De cefait, en phase d’acquisition, il estnécessaire de tourner la coupolerégulièrement et assez fréquemmentpour éviter un masquage sur les prisesde vue.

� Le télescope est de la marque Astrosib(fig. 6). C’est une formule Ritchey-Chrétien composée d’un miroir principalde 508 mm de diamètre ouvert àF/D = 8. Son utilisation est assez aisée.Une première commande permetd’ouvrir les caches qui recouvrent lesmiroirs primaire et secondaire, et unedeuxième commande met en fonctionles ventilateurs du miroir primaire.Particularité : la mise au point se fait surle miroir secondaire à l’aide d’unsystème Robofocus. La monture, uneAstroPhysique AP 1600, supporteparfaitement le télescope qui nécessite120 kg de contrepoids ! Le tout estcommandé grâce à un PC muni dulogiciel Prism. Ce PC n’est pas déportédans une salle de commande commec’est le cas pour le télescope de 620 mm.Des précautions sont donc à prendrepour éviter d’apporter des lumièresparasites lors des acquisitions.

� Le spectrographe utilisé est unmodèle LISA de la société Shelyak(fig. 7). C’est un spectrographe à basserésolution (R1000) qui a déjà fait sespreuves. Cet appareil est optimisé pourtravailler à F/D = 5. En conséquence, unréducteur de focale est utilisé pouratteindre un rapport F/D de 5,5 sur letélescope. Grâce à l’aide de Serge, labague du télescope est adaptée pour lamise au point. C‘est celle de 22 mmd’épaisseur qui est choisie.

Les cibles recherchées sont pour laplupart très ténues. Une fente de 50micromètres est donc choisie au niveaudu spectrographe pour laisser passer plusde flux. Le capteur CCD utilisé est le SonyICX694 de l’ATIK 460EX, réputé pour satrès bonne sensibilité dans le bleu.

Le repérage des cibles étantprimordial, une CCD ATIK 314 L+ estemployée comme caméra de guidage.Cette caméra est la seule à pouvoirvisionner la fente du spectrographe dansle champ étoilé pour pouvoir lapositionner au bon endroit.

RC 500 dans sa coupole. (P. Le Dû)La coupole du RC 500.

Observatoire AstroQueyras et ses 3 coupoles.

Spectrographe LISA sur le RC 500.

��

vol.130 | 91 | 4444 L’ASTRONOMIE – Février 2016

CHOIX DES CIBLESÀ l’aide de la table des candidatesnébuleuses planétaires découvertes à cejour par les astronomes amateursfrançais, qui compte 110 objets (voirp. 30), et du logiciel Skytools qui permetde planifier des observations, une listedes objets observables en ce début du

mois d’octobre à Saint-Véran estconstituée. Sur les 79 objets répertoriés,une nouvelle sélection est réalisée. Cettedernière ne retient que les objets lesplus lumineux et pour la plupartponctuels et isolés des autres étoiles.Ainsi, 47 objets sont choisis commecibles potentielles pour cette mission.

Fort de mon expérience à l'OHP enjuillet 2014 (l'Astronomie févr. 2015), jesais que la principale difficulté est depositionner la fente du spectrographeexactement sur la cible. Pour éviter toutedéconvenue, des cartes de champ àdifférentes échelles sont réalisées à partirde l'outil Aladin du Centre de donnéesastronomiques de Strasbourg (CDS). Cescartes, qui s'appuient sur des imagesrouges du (DSS2 Red (F+R)), montrent lecadrage de la CCD de guidage représentépar un rectangle de 10' x 7,5' sur descartes de champs de 46' x 22' (fig. 8).

LES SÉANCES D'ACQUISITION Agnès Acker le précise souvent : « Lamétéo est souveraine », et cet adage nedéroge pas à la règle au pic de Château-Renard en cette première semained'octobre. Seules deux nuits et demiepermettent de faire des acquisitions.Comme en général pour toute nouvelleprise en main, la première nuit estessentiellement consacrée au réglage dumatériel et au paramétrage logiciel. Ainsi,le LISA est positionné sur le télescope etle champ de la caméra de guidageorienté de façon à situer le haut del'image au nord. Un faux contact estdétecté sur l'alimentation générale descaméras mais ce n'est qu’une cossedénudée, la réparation est rapidementeffectuée.

Le réglage des capteurs par rapport àla fente du LISA a été effectué aupréalable avec Olivier. Lors de ceréglage, il faut veiller à la bonneorientation horizontale et à la bonnenetteté de la fente sur la caméra deguidage. La caméra principale doit, elle,visualiser un spectre bien horizontal etbien orienté (bleu à gauche, rouge àdroite). La mise au point sur le spectredu néon est réalisée. Les temps de posepour effectuer les images de spectres dePLU* et de calibrage (néon) sontégalement déterminés pour gagner dutemps lors des séances de nuit.

LES IMAGES DE PRÉTRAITEMENTLes images de prétraitement sont

réalisées une nuit où la météorologie nepermet aucune observation. Latempérature extérieure est alors voisinede –5 °C, ce qui favorise lerefroidissement des caméras qui sonttoutes les deux réglées sur –20 °C. Il fautsavoir que la coupole métallique del'observatoire se réchauffe rapidementaux premiers rayons du Soleil. Desimages de dark et d'offset sont ainsiréalisées. Les images de PLU* sont,quant à elles, acquises en début et find'observation à l'aide de la lampe entungstène disponible sur le module decalibrage du LISA. Il faut veiller lors deces acquisitions à ne pas saturer l'image.

LE POINTAGE,PREMIÈRES DIFFICULTÉSTrop peu d'étoiles de référence ducatalogue GSC-ACT sont présentes dansle champ observé par la caméra deguidage pour qu'une astrométrie parlogiciel soit possible. Pourtant, unebonne précision de pointage estessentielle pour accéder aux cartes dechamps. Des pointages sur des étoilesde référence situées à proximité descibles sont donc nécessaires afin deréactualiser les encodeurs de la montureet de se diriger précisément vers lescibles. Hélas, la monture Astrophysicsutilisée ne dispose pas d'un catalogueétoffé d'étoiles. Seules les principalesétoiles, qui ont généralement un nompropre, sont disponibles. Ainsi, uneétoile de référence peut se situerbeaucoup trop loin d'une cible et laprécision de pointage se révélerinsuffisante pour accéder à sa carte dechamp. Pour pallier ce problème crucial,des petites nébuleuses planétairesprésentes dans le catalogue de lamonture et se trouvant à proximité descibles sont choisies comme « étoiles deréférence » pour réactualiser lesencodeurs de la monture. Ces objets sedistinguent généralement des autresétoiles par leur aspect flou et sont doncfacilement repérables.

Préparation du travail,consultation des cartesde champ. (P. Le Dû)

vol.130 | 91 | 45 Février 2016 – L’ASTRONOMIE 45

CIBLE, OÙ ES-TU ?Même en étant plusieurs à scruter l'écran, il est difficile derepérer la carte de champ parmi les étoiles. Adrien se révèle leplus fort dans cette discipline. Une fois le champ d'étoilesreconnu, une image de calibrage sur une lampe au néon estréalisée. Cette image sert à caler le spectre de la cible enlongueur d'onde. Comme pour l'image de PLU, il faut veiller àne pas trop saturer l'image. Ensuite, il est nécessaire de sepositionner sur une étoile brillante pour affiner la mise aupoint de la caméra principale en visualisant le continuum del’étoile. Cette opération permet de canaliser un maximum deflux dans la fente. Hélas, à cause de mon inexpérience en

acquisition spectrographique, j'ai omis d'effectuer cetteopération, pensant que la mise au point sur la camérad’autoguidage suffisait. Heureusement, les conséquences nesont pas aussi dramatiques qu'en imagerie. Si la mise au pointn'est pas optimale, il y a tout simplement moins de flux quientre dans la fente. La fente du spectrographe est enfincentrée sur la cible en actionnant les moteurs en ascensiondroite et en déclinaison de la monture (figure 9). La cible estgénéralement invisible sur l'image de la CCD d'autoguidage.Seules les étoiles situées à proximité de la cible permettentd'effectuer ce centrage. Pour l'affiner, il est nécessaired'allonger le temps de pose de la caméra de guidage.

LES IMAGES D'ACQUISITIONUne fois le centrage effectué,l'autoguidage est actionné à raison d'uneimage toutes les 2 secondes enchoisissant une étoile guide lumineusesituée à proximité de la cible. Le suivi dece télescope de 500 mm estremarquable, mais il est préférable de sesituer à 35° au-dessus de l'horizon pourqu'il soit optimum.

Le temps des poses d'acquisition estde 20 minutes et les acquisitions sontprévues sur 3 heures. Ce choix estarbitraire mais il permet « d'assurer »,on ne monte pas tous les jours faire desspectres à 3 000 m d’altitude !

Le bouton « Démarrer » du logicielPrism (fig. 10) est alors actionné, l'écrans'éteint, la voûte étoilée apparaît dans lecimier, c’est magnifique. Les moteursronronnent et la caméra tente de capterune très faible lumière d’une étoile peut-être en fin de vie, située à plusieursannées-lumière de la Terre… Momentfort pour un astronome amateur(fig. 11) !

Durant l'acquisition, la coupole esttournée régulièrement au cours de lanuit. En fin d'acquisition, une étoile detype A ou B qui se trouve le plus proche

de la cible est pointée et une nouvelleséance d'acquisition est réalisée. L'étoilechoisie étant lumineuse, les poses sontbeaucoup plus courtes et ne durent quequelques secondes. Cette étape permetde déterminer l'équation de dispersiondu spectrographe LISA et d’évaluer laréponse instrumentale qui inclut latransmission atmosphérique. Unnouveau spectre sur le néon est réaliséAinsi au traitement, le spectre de la cibleest déterminé avec une plus grandeprécision.

DÉTAILS DES ACQUISITIONS ENTRE LES 7 ET 10 OCTOBRE 2015Dans la nuit du 7 octobre 2015, lescandidates nommées LDû 19 et Ra 9sont choisies comme cibles, mais lesspectres acquis ne permettent pas demettre en évidence une nébuleuseplanétaire. Le ciel reste couvert les nuitssuivantes.

La nuit du 10 octobre s’annonceexcellente. C’est la dernière nuit du CALAà l’observatoire. Il faut absolumentréaliser des spectres concluants. Agnès

Fentes en positionpour LDû 13 (à

gauche) et LDû 18.(© P. Le Dû)

DOSSIER | SPECTRES DE NÉBULEUSE À 2 936 M D'ALTITUDE

vol.130 | 91 | 4646 L’ASTRONOMIE – Février 2016

Acker est contactée dans la journée ; lescandidates LDû 18 et LDû 13 sont lesplus prometteuses. En effet, une imagede LDû 18, réalisée par le KPNO etfournie par Matthias Kronberger (lirel'Astronomie février 2015), montre unebelle morphologie de nébuleuseplanétaire en forme de bulle. LDû 13 aégalement un bon signal [OIII] et H�avecune forme ovale bien nette (fig. 12).

Ce sont des candidates nébuleusesplanétaires « probables », dernier stadeavant confirmation par un spectre. Endébut de soirée, des problèmestechniques compliquent le repérage dela première cible LDû 18. La montureoblige à effectuer un retournement auméridien pour pointer la cible après ré-actualisation de ses encodeurs. La

précision du pointage est alors dégradéeet insuffisante pour repérer LDû 18. Il estégalement nécessaire à un momentd’arrêter et de redémarrer la monture.Serge est à nouveau d’un précieuxsecours, mais les heures passent et, àmon grand regret, je ne participe pas audîner commun entre l’équipe du CALA etcelle de la SAL, qui est arrivée dans lajournée.

Enfin, la cible est repérée et lesacquisitions démarrent. Durant la nuit, lacoupole est tournée régulièrement.Adrien et Hubert ont lancé destimelapses depuis le coucher du Soleil.Après LDû 18, c’est au tour de LDû 13d’être choisie comme cible. Lesobservations se poursuivent jusqu’àl’aube. En me couchant, je suis satisfaitde ma nuit, le signal [OIII] est visible surles spectres bruts des deux candidates(figure 13).

Cette expéditiona été une belle

aventure humaineet un beau travail

d'équipe.

Images de LDû 13 (© Le Dû à gauche)et LDû 18. (KPNO)

La voûte étoilée à travers lecimier. (Crédit J.-P. Roux)

vol.130 | 91 | 47 Février 2016 – L’ASTRONOMIE 47

Réponses instrumentales des étoilesHD205314 (à gauche) et HD223385comparées à leurs profils de référence.(Crédit O. Garde)

LE TRAITEMENT DES DONNÉESAvec l’aide de Dominique qui est venu la veille avec l’équipe de la SAL, le retourà Saint-Véran s’effectue le dimanche 11 octobre. Arrivé au domicile d’Olivier, lesspectres les plus intéressants, en l’occurrence ceux de LDû 18 et LDû 13, sonttraités le soir même à l’aide d’IRIS, logiciel de Christian Buil. Olivier maîtriseparfaitement le traitement de spectres et effectue l’essentiel du travail. Commepour l’imagerie classique, les images de dark et d’offset permettent de soustraireau signal brut le signal d’obscurité et celui générépar le capteur. À l’instar du traitement effectué parThierry Lemoult sur Ra 1 en juillet 2014(l’Astronomie février 2015), comme les spectresacquis ont un signal sur bruit très faible, les

Détails prises de vue Ra 9 LDû 19 LDû 18 LDû 13Date 07/10/2015 07/10/2015 10/10/2015 10/10/2015Images brutes 4 9 12 8Température CCD –20 °C –20 °C –20 °C –20 °CBinning 2 x 2 2 x 2 2 x 2 2 x 2Temps de pose 80 min 180 min 240 min 160 minÉtoile de référence Néant HD183534 HD205314 HD223385Temps de pose Néant 10 x 10 s 10 x 20 s 10 x 20 sImage néon 1 x 15 s 1 x 15 s 4 x 15 s 2 x 15 sFlats sur lampe au tungstène 16 x 8 s 16 x 8 s 30 x 8 s 30 x 8 s

Images de prétraitement : 20 darks de 20 minutes, 20 offsets de 0,01seconde.

DÉTAILS DES OBSERVATIONS

images de flat ne sont pas utilisées dansle prétraitement. Ces images génèrentdu bruit supplémentaire qui n’améliorepas la lisibilité des spectres finaux.

L’opération la plus délicate consiste àcalibrer les spectres obtenus à l’aide desimages acquises sur les étoiles deréférence et sur la lampe au néon. Ladispersion du spectrographe LISA et laréponse instrumentale qui inclut latransmission atmosphérique, autrephase délicate du traitement, sontdéterminées avec précision sur lesétoiles HD205314 et HD223385 (fig. 14).

Les spectres calibrés et corrigés de toutsignal parasite apparaissent enfin àl’écran. Le continuum des étoilescentrales des candidates est bienentendu invisible, mais le résultat estsans appel, nous sommes bien enprésence d’objets qui émettent des raiesprononcées en [OIII] et en Hα.

Spectres brutsde LDû 13 etLDû 18.(Crédit O. Garde)

DOSSIER | SPECTRES DE NÉBULEUSE À 2 936 M D'ALTITUDE

vol.130 | 91 | 4848 L’ASTRONOMIE – Février 2016

LE BILANAprès un nouveau travail sur letraitement pour réduire au minimum lebruit, les résultats complets desobservations sont transmis dans lasemaine à Agnès Acker (figure 15). Enretour, par un mail du 7 octobre 2015,Agnès écrit ces mots : «… Pour lesspectres (en 2D et tracés 1D) : ils sontdominés par les raies interstellaires(couvrant toute la hauteur de l’image 2D)et le bruit, mais les émissions en [OIII] etHalpha (+ raies de [NII] perdues dans lebruit) de LDÛ13 et LDÛ18 permettentd’affirmer que ce sont des NP (à noterdans les tables) : félicitations !»

C’est vraiment un soulagement pourl’équipe et un grand «YES» !

La mission de la semaine 41 àAstroQueyras, organisée par le CALA etcomposée essentiellement d’amateurs,n’a pas été vaine. Grâce aux travauxeffectués et aux performances dumatériel, en particulier celles duspectrographe LISA, les candidatesLDû 18 et LDû 13 sont maintenantclassées comme véritables nébuleusesplanétaires (figure 16). Les spectres descandidates Ra 9 et LDû 19 n’ont paspermis de statuer sur la nature de cesobjets. Des observations supplémentairessont nécessaires avec peut-être untélescope de plus grand diamètre.

Cette expédition, on peut employer ceterme, a également été une belleaventure humaine et un beau travaild'équipe. « Monter au pic », c'est déjàune aventure à part entière, le paysageest à couper le souffle, mais de seretrouver entre astronomes amateurspassionnés et coupés du monde à3 000 m d'altitude, c'est vraiment unplus. Ces confirmations de nébuleusesplanétaires sont une belle récompensepour l'ensemble de l'équipe. �

LDÛ 19

LDÛ 18

LDÛ 13

Ra 9

Spectres des 4 NP probables de lamission CALA Saint-Véran 2015. Laraie Hβ est ici visible pour LDû 18,alors que le tracé 1D est dominé parle bruit. (Crédit O. Garde)

Spectres calibrés de LDû 13 (à gauche) etLDû 18. Les raies de [NII] qui encadrent laraie Hα sont perdues dans le bruit, ainsi que la raie Hβ, dont l’intensité estinférieure au tiers de celle de Hα.

17. Observateurs de l’équipe du CALA en liesse ! (Serge Golovanow)

O. Garde

vol.130 | 91 | 49 Février 2016 – L’ASTRONOMIE 49