18
Objet d’étude n°2 Comme pour les deux autres objets d’étude, on trouvera en fin de documents les mots-clés attendus, ainsi que certains objectifs de travail pour le jour de l’épreuve. L’œuvre globale de Barbara Kruger, et en particulier « I shop therefore I am » (1987) Barbara Kruger, née le 26 janvier 1945 aux États-Unis, est une artiste conceptuelle américaine. Elle vit entre New York et Los Angeles. Elle a été rendue célèbre grâce à ses photomontages de photographies de presse en noir et blanc juxtaposées avec des slogans brefs et « agressifs ». Ces slogans sont souvent rédigés en noir et blanc sur fond rouge, ou en rouge sur fond blanc, dans des polices (styles d’écriture) très simples, qui rappellent l’écriture des gros titres de la Presse. Son style s’explique par son parcours professionnel. Barbara Kruger a suivi une formation de graphiste, puis grimpe les échelons dans le monde publicitaire, pour devenir directrice artistique et éditrice d’image dans les départements d’art du magazine « Maison et jardin ». Elle abandonne ce métier en 1981 pour devenir artiste à temps plein, puis enseignante à l’Université de Californie à Los Angeles. Style et démarche artistique Lorsque l’on regarde l’ensemble de l’œuvre artistique de Barbara Kruger on constate de façon évidente l’influence de sa première carrière professionnelle dans la publicité et l’édition. Depuis 1981, année où Barbara Kruger a définitivement quitté le monde de la pub, l’artiste réalise des photomontages qui détournent ce monde de l’image publicitaire, qu’elle connait et maîtrise si bien, afin de le traiter justement sous un angle acide et critique. A travers l’utilisation détournée des codes et stéréotypes formels de la publicité, il s’agît évidemment pour elle de critiquer le monde de la société de consommation. Ces photomontages s’inscrivent dans la tradition des photomontages du début du 20 ème siècle, notamment ceux de Raoul Haussmann et John Heartfield (voir ci-dessous).

Objet d’étude n°2 - Collège Edgar QuinetObjet d’étude n 2 Comme pour les deux autres objets d’étude, on trouvera en fin de documents les mots-clés attendus, ainsi que certains

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • Objet d’étude n°2

    Comme pour les deux autres objets d’étude, on trouvera en fin de documents les mots-clés attendus, ainsi que certains objectifs de travail pour le jour de l’épreuve.

    L’œuvre globale de Barbara Kruger, et en particulier « I shop therefore I am » (1987)

    Barbara Kruger, née le 26 janvier 1945 aux États-Unis, est une artiste conceptuelle américaine. Elle vit entre New York et Los Angeles. Elle a été rendue célèbre grâce à ses photomontages de photographies de presse en noir et blanc juxtaposées avec des slogans brefs et « agressifs ».

    Ces slogans sont souvent rédigés en noir et blanc sur fond rouge, ou en rouge sur fond blanc, dans des polices (styles d’écriture) très simples, qui rappellent l’écriture des gros titres de la Presse.

    Son style s’explique par son parcours professionnel. Barbara Kruger a suivi une formation de graphiste, puis grimpe les échelons dans le monde publicitaire, pour devenir directrice artistique et éditrice d’image dans les départements d’art du magazine « Maison et jardin ». Elle abandonne ce métier en 1981 pour devenir artiste à temps plein, puis enseignante à l’Université de Californie à Los Angeles.

    Style et démarche artistique

    Lorsque l’on regarde l’ensemble de l’œuvre artistique de Barbara Kruger on constate de façon évidente l’influence de sa première carrière professionnelle dans la publicité et l’édition.

    Depuis 1981, année où Barbara Kruger a définitivement quitté le monde de la pub, l’artiste réalise des photomontages qui détournent ce monde de l’image publicitaire, qu’elle connait et maîtrise si bien, afin de le traiter justement sous un angle acide et critique.

    A travers l’utilisation détournée des codes et stéréotypes formels de la publicité, il s’agît évidemment pour elle de critiquer le monde de la société de consommation.

    Ces photomontages s’inscrivent dans la tradition des photomontages du début du 20ème siècle, notamment ceux de Raoul Haussmann et John Heartfield (voir ci-dessous).

  • Quelques exemples de photomontages de John Heartfield dans les années 1930, dénonçant l’imposture du nazisme et la transformation des ouvriers en robots.

    Quelques exemples de photomontages de Raoul Haussmann dans les années 1930. Recherche de technique expérimentale qui permet de créer une forme de rêverie et d’étrangeté percutante.

    Définition du photomontage :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Photomontage

    John Heartfield :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Heartfield

    http://www.cutup.nl/history/john-heartfield/

    Raoul Haussmann :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Photomontagehttp://www.cutup.nl/history/john-heartfield/https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Heartfield

  • http://www.cutup.nl/history/raoul-hausmann/

    A l’image des grandes publicités qui parsèment les rues des villes des pays riches, les réalisations de Kruger sont souvent de grand format, accompagnées d’un slogan choc, écrit en caractère d’imprimerie. L’utilisation de la couleur est en général limitée à 3 : blanc, noir, rouge et différents tons de gris.

    Parfois montrées sous forme d’installations, ces affiches et slogans place le spectateur comme en immersion, au centre d’un monde de slogans criards combinés à des images « chocs ». Coincé entre ces messages du sol au plafond, en passant par les murs, le spectateur est étourdi et angoissé par cette saturation d’images et de mots qui lui ordonnent de penser, ressentir, vivre et de consommer de telle ou telle manière.

    Impression d’être « pris au piège », renforcée par des codes couleurs précis, par une écriture simple et directe dont la combinaison rappelle bien le système plastique et formel de la presse à scandales, des publicités bon marché ou encore des affiches de propagandes de dictatures.

    _____________________________________________________

    Exemples d’images de propagande fasciste (italienne), nazie (an français mais allemande) et soviétique (russe). (Ajoutons cependant que ces idéologies ne sont pas identiques):

    http://www.cutup.nl/history/raoul-hausmann/

  • ___________________________________________________

    Aussi, comme dans le système publicitaire en général, et donc aussi comme dans les affiches de propagandes les plus radicales, on retrouve souvent dans les œuvres de Barbara Kruger des slogans fréquemment composés de pronoms : « Vous, Votre, Je, Nous, Eux ... ».

    L’usage de ces pronoms participe d’une ambiance globale sur un ton « dictatorial», « donneur d’ordre », où l’individu finalement est nié, considéré juste comme un pion dans la masse.

    En effet, l’individu en tant que tel, n’est jamais vraiment pris en compte par « le monde de la consommation », qui fait pourtant tout pour lui faire croire, pour donner l’illusion qu’on s’intéresse à lui en particulier. Voilà sa ruse ! … Alors que le monde la marchandise ne s’adresse évidemment qu’au consommateur, et à son argent, à son rôle social, mais jamais à nous en tant que personnes uniques et singulières.

    - Notons aussi que dans les photomontages de Barbara Kruger le pronom « You » renvoie souvent au rapport de forces entre hommes et femmes.

    - Rajoutons enfin que souvent le message et l’image ne semblent avoir aucun rapport. Stratégie qui crée un trouble en premier, mais en fait donne le véritable message de l’œuvre.

    C’est le cas par exemple pour cette œuvre :

    “I Shop therefore I Am” (1987)

  • “I shop therefore I am » se présente sous la forme d’une affiche publicitaire de forme carrée.

    La photographie en noir et blanc est encadrée d’un liseré rouge. On y voit une main tenant une carte de visite rouge rectangulaire, sur laquelle est donc inscrit un slogan en lettres blanches : « I shop therefore I am », ce qui veut dire en français : « J’achète donc je suis ».

    Ce slogan détourne la célèbre formule philosophique française du philosophe du 17e siècle, René Descartes : « Je pense donc je suis » (Les élèves n’ont évidemment pas à connaître le philosophe Descartes pour l’épreuve d’histoire des arts, mais on peut quand même ici évoquer en simplifiant énormément le sens de cette formule « Je pense donc je suis ». Celle-ci veut dire que dans la vie on peut douter de tout mais pas de sa propre existence, et que le fait que l’on pense prouve bien qu’on est en train d’exister. De cela il n’y a pas à en douter).

    Le contrepied de cette pensée devient : « J’achète donc je suis », qui s’oppose donc au monde de la pensée, et semble faire bien au contraire la promotion du monde de la possession, de la marchandise. C’est-à-dire de la pulsion d’achat. La pulsion (posséder) contre la Raison (Penser).

    De fait, même si le slogan et l’image semblent d’abord n’avoir aucun rapport, le spectateur qui n’est pas bête, comprend tout de suite que ce photomontage est en fait une critique violente de la société de consommation. Barbara Kruger indique en fait d’une façon détournée, par métaphore, par juxtaposition étrange d’une image et d’un slogan qu’aujourd’hui l’existence humaine se juge plutôt à la capacité à acheter, ce qui du coup amène le spectateur à réfléchir à ce qu’il est lui-même…

  • Barbara Kruger fait ainsi partie d’une catégorie d’artistes que l’on nomme « artistes politiques », pratiquant une forme « d’art engagé » dans le milieu des années 1980.

    Ces artistes sont très marqués par l’industrie culturelle. Pour autant Kruger ne cherche pas, comme dans ses photomontages, à faire directement de la politique à proprement parler.

    En effet, elle dit : « Je cherche à questionner le langage dans toutes ses situations … J’essaie surtout d’introduire le doute dans l’esprit du spectateur, en luttant contre les certitudes établies telles que : J’ai raison et toi t’as tort, OK ? »

    Aussi , elle dit : « Je ne prétends pas que mon art a de l’effet sur autrui, mais je veux simplement faire prendre conscience que tous les jours, à Los Angeles où je vis, mais aussi à Paris ou Londres, à la télévision et dans la rue, tout le monde voit bien qu’il y a des images et des mots qui heurtent les gens, qui les influencent. Tous ces mots construisent des opinions toutes faites, des lieux communs, des modes. C’est une évidence. Du coup il faudrait être fou pour ne pas croire au pouvoir du langage. Nous en faisons tous l’expérience quotidienne».

    Enfin il faut comprendre que si cette artiste n’est pas à proprement parler une artiste « Féministe », son travail comporte une dimension féministe dans son combat pour l’émancipation de l’image de la femme et contre la culture machiste.

    Ces œuvres par exemple, de façon plus ou moins implicite, porte ce combat féministe:

    - “ I shop therefore I am” (1987): évoque donc la toute-puissance du monde de la consommation, mais plus particulièrement le stéréotype de la femme qui est forcément destinée à exister par le “shopping”. Stéréotype évidemment navrant.

  • - « Your body is a battleground » (1989): évoque l’image de la femme, et son corps, qui sont toujours un champ de combat politique, dans la mesure où il y a toujours une quantité d’hommes ou de politiciens qui rêvent de soumettre la femme à plusieurs interdits. La liberté de la Femme étant un combat continu à travers le monde, y compris aux USA.

    - « You are not yourself » (1982): montre le visage d’une femme comme dans un miroir brisé. Le miroir, symbole de l’image qu’on doit renvoyer aux autres, à la société, se brise certainement face à la réalité intérieure des individus, qui n’a souvent rien avoir avec l’image qu’ils sont contraints de donner d’eux-mêmes pour fonctionner en société. Et les femmes sont souvent soumises à ce genre de simulacre.

  • - “We don’t need another hero” (1982): malgré l’ambiance sympathique et apparemment innocente des deux enfants qui jouent à tâter du muscle, se profile déjà le culte de la force chez les adultes, et le partage des tâches entre les hommes et les femmes.

    - “Money can buy your love” (1985): encore une fois, sous couvert d’ambiance rigolote, le message juxtapose à l’image est particulièrement inquiétant. Un visage farceur dans une société de consommation qui est elle-même souvent une « farce », où tout peut s’acheter, même l’Amour.

    - “Super rich” (1997): évoque la condition de la femme qui réussit, avec un visage ferme, lisse, jeune et éternel. Les glaçons sont un produit de beauté et raffermissent la peau, mais à force de courir derrière la beauté les êtres deviennent de glace, se figent. La beauté et l’apparence deviennent tortures.

  • - “You are a very special person” (1995): évoque le narcissisme que la société de consommation encourage. Tout le monde est invité à se prendre pour quelqu’un d’important, un roi, un personnage de télé. Illusion, qui pousse en fait seulement à consommer.

  • En somme, tout le travail de Kruger pourrait se résumer dans cette production, « Do not be a jerk » (1984), c’est-à-dire « ne sois pas un « mouton » abruti ».

    Voyons maintenant l’œuvre de Barbara Kruger dans différents contextes de monstration ou lieux d’exposition (rues, musée, galerie, etc. ).

    Autant de situations qui visent à interpeller le spectateur, soit en le plaçant en immersion, soit en créant un effet de surprise (panneau publicitaire, alors que l’image n’a rien « à vendre »), soit en plaçant de façon provocatrice l’image à côté d’une autre image, ou dans un lieu ou un voisinage inattendus.

  • Quelques attentes et objectifs essentiels pour le jour de l’épreuve :

    Cet objet d’étude devrait te conduire à maîtriser certaines connaissances et certains termes (tous seront abordés en classe d’arts plastiques)

    - Photomontage

    - Message implicite/ explicite (métaphore)

    - Bichromie, lien art/texte, police (style d’écriture, formes des lettres)

    - Propagande (et critique de la propagande)

    - Œuvre à caractère social, politique, féministe.

    - Société de consommation.

    - Installation (œuvre plastique qui s’étale dans l’espace en plusieurs morceaux (contrairement à un tableau enfermé dans un cadre).

    - Œuvre hors musée.

    - Spectateur en immersion (plus devant l’œuvre, mais plongé dedans, au milieu)

    - Art conceptuel (Tu n’as qu’à comprendre une notion très simple. L’art conceptuel est une forme d’art qui privilégie le concept, c’est-à-dire l’idée. Dans cette forme d’art l’idée véhiculée compte bien plus qu’une « beauté » ou qu’un talent technique. Chez Kruger on voit bien que c’est l’idée et le message qui compte, la recherche d’une « beauté » étant pas le plus important ici).

    - Artiste engagée / art engagé.

  • Cet objet d’étude s’inscrit dans la grande thématique de l’HDA :

    « Art, Etats, Pouvoirs »

    - Cette thématique permet d’aborder, dans une perspective politique et sociale, le rapport que les œuvres d’art entretiennent avec le « pouvoir ».

    - La représentation et la mise en scène du pouvoir (propagande) ou œuvres conçues en opposition au pouvoir (œuvre engagée, contestatrice).

    Compétences à repérer dans l’évaluation globale :

    Ne pas oublier que tu seras aussi évalué en grande partie sur ta capacité à :

    - Tisser des liens entre ces œuvres et d’autres notions abordées dans d’autres disciplines.

    Et aussi :

    - à repérer toi-même, dans ton propre environnement culturel ou immédiat, dans tes propres centres d’intérêts, des artistes, des formes d’art (mode, cinéma, livre, clip, pub, etc.), qui fassent écho avec la démarche plastique ou intellectuelle de l’artiste ici étudiée.

    N’oublie pas enfin que tu pourras aussi construire ton analyse à partir de sujets réalisés en cours d’arts plastiques. Ces deux objets d’étude tissent évidemment des liens avec les sujets en classe qui ont fait appel à « l’engagement du spectateur »…pour une « cause engagée ».

  • Barbara Kruger