9
N. Soubrier / Février 2015. Apologos.fr Page 1 Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours. Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, 1678. Séance n°1 : Qu’est-ce qu’un héros, aujourd’hui ? Le héros aux mille et un visages… 1. Document n°1 : Olivier Clairouin, Champ/Contrechamp, « Cinéma : la recette du héros parfait », 17.01.2014. Et si tous les héros n’étaient en fait qu’une seule et même personne ? Dans un livre écrit en 1949, l’anthropologue Joseph Campbell affirme être parvenu à identifier l’ossature commune à tous les mythes : chaque histoire mettant en scène un héros suivrait, selon lui, peu ou prou la même trajectoire. Prise en main à Hollywood, sa théorie du monomythe nourrit encore aujourd’hui bon nombre de scénarios, de Star Wars à Aladdin, en passant par Le Seigneur des Anneaux. 2. Document n°2 : Joseph Campbell, « Le voyage du héros », in Le Héros aux mille et un visages de, traduit en français chez OXUS, 2009. Séance n°2 : Une petite histoire du hérosQuestion : Quelles visions du héros les auteurs du corpus proposent-ils ? Document n°3 : La Chanson de Roland, XI e siècle, traduction Pierre Jonin, Gallimard, 1979. Document n°4 : Bédier, Le Roman de Tristan et Iseut, 1900. Adaptation d’un récit datant du XIIe siècle. Document n°5 : Rabelais, Gargantua, 1534, Chapitre 27 : « Comment un moine de Seuilly sauva le clos de l’abbaye du sac des ennemis ». Par vanité ou par goût, toutes les femmes souhaitent de vous attacher. Il y en a peu à qui vous ne plaisiez ; mon expérience me ferait croire qu’il n’y en a point à qui vous ne puissiez plaire. Je vous croirais toujours amoureux et aimé, et je ne me tromperais pas souvent. Dans cet état néanmoins, je n’aurais d’autre parti à prendre que celui de la souffrance ; je ne sais même si j’oserais me plaindre. On fait des reproches à un amant ; mais en fait-on à un mari, quand on n’a à lui reprocher que de n’avoir plus d’amour ?

Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle ... · PDF fileEt si tous les héros n’étaient en fait qu ... l’anthropologue Joseph Campbell affirme être

Embed Size (px)

Citation preview

N. Soubrier / Février 2015. Apologos.fr Page 1

Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours. Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, 1678.

Séance n°1 : Qu’est-ce qu’un héros, aujourd’hui ? Le héros aux mille et un visages…

1. Document n°1 : Olivier Clairouin, Champ/Contrechamp, « Cinéma : la recette du héros parfait », 17.01.2014. Et si tous les héros n’étaient en fait qu’une seule et même personne ? Dans un livre écrit en 1949, l’anthropologue Joseph Campbell affirme être parvenu à identifier l’ossature commune à tous les mythes : chaque histoire mettant en scène un héros suivrait, selon lui, peu ou prou la même trajectoire. Prise en main à Hollywood, sa théorie du monomythe nourrit encore aujourd’hui bon nombre de scénarios, de Star Wars à Aladdin, en passant par Le Seigneur des Anneaux.

2. Document n°2 : Joseph Campbell, « Le voyage du héros », in Le Héros aux mille et un visages de, traduit en français chez OXUS, 2009.

Séance n°2 : Une petite histoire du héros… Question : Quelles visions du héros les auteurs du corpus proposent-ils ?

Document n°3 : La Chanson de Roland, XI e siècle, traduction Pierre Jonin, Gallimard, 1979.

Document n°4 : Bédier, Le Roman de Tristan et Iseut, 1900. Adaptation d’un récit datant du XIIe siècle. Document n°5 : Rabelais, Gargantua, 1534, Chapitre 27 : « Comment un moine de Seuilly sauva le clos de l’abbaye du sac des ennemis ».

Par vanité ou par goût, toutes les femmes souhaitent de vous attacher. Il y en a peu à qui vous ne plaisiez ; mon expérience me ferait croire qu’il n’y en a point à qui vous ne puissiez plaire. Je vous croirais toujours amoureux et aimé, et je ne me tromperais pas souvent. Dans cet état néanmoins, je n’aurais d’autre parti à prendre que celui de la souffrance ; je ne sais même si j’oserais me plaindre. On fait des reproches à un amant ; mais en fait-on à un mari, quand on n’a à lui reprocher que de n’avoir plus d’amour ?

N. Soubrier / Février 2015. Apologos.fr Page 2

Une simple querelle entre paysans - les vignerons de

Grandgousier agressent les fouaciers de Pichrocole - a

suffi pour déclencher une guerre, donnant ainsi au

belliqueux voisin de Grandgousier, Pichrocole,

l’occasion d’aller piller son territoire. Frère Jean des

Entommeurs repousse le premier assaut de

l’ambitieux mais ridicule despote qu’a pour voisin

Grandgousier.

Ce disant, il mit bas son grand habit et se saisit du bâton de la croix, qui était en cœur de cormier, long comme une lance, remplissant bien la main et quelque peu semé de fleurs de lys, presque toutes effacées. Il sortit ainsi, en beau sarrau, mis son froc en écharpe et, avec son bâton de croix, frappa si brutalement sur les ennemis qui vendangeaient à travers le clos, sans ordre, sans enseigne, sans trompette ni tambour : car les porte-drapeau et les porte-enseigne avaient laissé leurs drapeaux et leurs enseignes le long des murs, les tambours avaient défoncé leurs caisses d'un côté pour les emplir de raisin, les trompettes étaient chargés de pampres, c'était la débandade ; il les cogna donc si roidement, sans crier gare, qu'il les culbutait comme porcs, en frappant à tort et à travers, comme les anciens s'escrimaient. Aux uns, il écrabouillait la cervelle, à d'autres, il brisait bras et jambes, à d’autres, il démettait les vertèbres du cou, à d’autres, il disloquait les reins, effondrait le nez, pochait les yeux, fendait les mâchoires, enfonçait les dents dans la gueule, défonçait les omoplates, meurtrissait les jambes, déboîtait les fémurs, débezillait les fauciles. Si l'un d'eux cherchait à se cacher au plus épais des ceps, il lui froissait toute l’arête du dos et lui cassait les reins comme à un chien. Si un autre cherchait son salut en fuyant, il lui faisait voler la tête en morceaux en le frappant à la suture occipitopariétale. Si un autre grimpait à un arbre, croyant y être en sécurité, avec un bâton, il l'empalait par le fondement. Si quelque ancienne connaissance lui criait : « Ah ! Frère Jean, mon ami, Frère Jean je me rends ! Tu y es, disait t-il, bien forcé, mais tu rendras du même coup ton âme à tous les diables ! » Et sans attendre, il lui assenait une volée. Et si quelqu'un se trouvait suffisamment flambant de témérité pour vouloir lui résister en face, c'est alors qu'il montrait la force de ses muscles, car il lui transperçait la poitrine à travers le médiastin du cœur. A d'autres, qu'il frappait au défaut des côtes, il retournait l'estomac et ils en mourraient sur-le-champ. A d'autres, il crevait si violemment le nombril, qu'il leur faisait sortir les tripes. A d'autres il perçait le boyau du cul entre les couilles. Croyez bien que c'était le plus horrible spectacle qu'on ait jamais vu.

Séance n°3 : Lecture analytique n°1 : Rabelais,

Gargantua, 1534. Version modernisée par O.Gechter. CHAPITRE XLV, « Comment le moine amena les pèlerins et les bonnes paroles que leur dit Grandgousier. » [Séquence sur l’humanisme]

N. Soubrier / Février 2015. Apologos.fr Page 3

Séance n°4 : Lire la Princesse de Clèves.

Madame la Fayette, gravure de 1840, d'après Desrochers1. Document n°6 : Michel Butor, « Sur La Princesse de Clèves », in Répertoire I, Les éditions de Minuit, 1968, p. 74-78. On nous trompe sur La Princesse de Clèves, on nous trompe en brandissant cet admirable livre comme justification chaque fois qu'on veut défendre un de ces pâles petits récits d'amourette, écrit dans un style « limpide et glacé », avec juste assez de poivre au milieu de sa fadeur pour le rendre vendable, chaque fois qu'on nous déclare : « Voici un véritable roman français dans la tradition de Mme de La Fayette. » C'est un livre brûlant, c'est un livre qui offre à la lecture d'assez grandes difficultés, notamment dans les passages qui concernent les alliances entre les grands dans la cour d'Henri II, alliances qu'il est indispensable d'avoir présentes à l'esprit si l'on veut comprendre le récit dans toutes ses résonances et toute sa richesse ; bien loin de n'être qu'un pastel aux couleurs défraîchies, c'est une œuvre dont la construction est d'une force peu commune. Je me souviens de mon émerveillement lorsque j'ai eu, voici deux ans, à étudier ce livre pour des élèves ; je ne l'avais pas ouvert depuis longtemps, presque depuis le lycée, et je m'en tenais à mes impressions d'alors et à ces platitudes que l'on ressasse. Ce que je voudrais indiquer en quelques lignes, c'est l'importance extrême des images et de l'imagination dans cet ouvrage à propos duquel on ne parle, en général, que de « raisonnements ».

1 Etienne Jehandier Desrochers, Bibliothèque Nationale de

France, Paris.

Fontenelle répondait à l'enquête du Mercure Galant : « Un géomètre comme moi ; l'esprit tout rempli de mesures et de proportions, ne quitte point son Euclide pour lire quatre fois une nouvelle galante, à moins qu'elle n'ait des charmes assez forts pour se faire sentir à des mathématiciens. » On croirait, à la façon dont on en parle d'habitude, que ces charmes assez forts pour se faire sentir à des mathématiciens seraient seulement ses qualités négatives, la discrétion du ton, mais il est pourtant bien facile de voir que ce livre se compose d'une suite de scènes réunies par les explications nécessaires à les situer les unes par rapport aux autres, et qui sont comme des figures s'engendrant l'une l'autre et se répondant admirablement ; la gravité de la pensée s'exprime dans une construction imaginaire d'une merveilleuse rigueur.

Questions : Identifiez les idées clefs que développe Michel Butor dans ce texte.

DISSERTATION : Dans quelle mesure pouvons-nous affirmer que cette œuvre oscille entre « Raison » et « Sentiment » ?

N. Soubrier / Février 2015. Apologos.fr Page 4

Annexe : Bande-annonce : Ang Lee, Raison et Sentiment, 1995. Séance n°5 : Lecture analytique n°2. Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, Depuis de début jusqu’à « de se trouver », 1678. L’incipit. Séance n°6 : Histoire littéraire : La figure de l’honnête homme / femme. Pour une approche du classicisme. Document n°7 : Encyclopédie Larousse, «Honnête homme »2, Février 2015. Homme du monde accompli, d'un esprit cultivé mais exempt de pédantisme, agréable et distingué tant dans son aspect physique que dans ses manières, idéal de l'époque classique (XVIIe-XVIIIe s.). Déjà présent chez Montaigne, la figure de l'honnête homme prit son expression définitive dans les œuvres classiques de la seconde moitié du XVIIe s. Il représentait l'idéal d'une société éprise d'ordre et d'équilibre, influencée par le cartésianisme, à l'époque de l'absolutisme monarchique et du classicisme. Doué d'intelligence, mais aussi de courage et de générosité, l'honnête homme devait rester maître de lui-même, ne pas faire étalage de son savoir et se conformer aux bienséances. Dans son Honnête Homme ou l'Art de plaire à la cour (1630), qui s'inspire du Courtisan (1528) de B. Castiglione, N. Faret en brosse le portrait exemplaire : l'homme de cour cherche à gagner la faveur d'un prince et le sert, manifeste de la prudence, est à la fois galant et élégant. Parmi les autres théoriciens de l'« honnêteté », citons Guez de Balzac ou encore le chevalier de Méré (De la conversation, 1677). Document n°8 : Anne Mounic, « L’honnêteté, ou la quintessence de toutes les vertus »3, 2009. Site consulté en février 2015. Dans sa Préface à ses six Conversations avec le Maréchal de Clérambault, Méré présente ainsi leur tournure générale : « A force de considérer les Conquerans, et mesme les Héros ; de chercher et d’examiner ce qui peut faire un grand homme, ou plûtost ce qui peut achever un honneste homme, car c’estoit-là son dessein, il arrivait que nous parlions de tout, et comme la parfaite honnesteté paroist à dire, et à faire, nous disions nos avis de l’un et de l’autre : et ce commerce dura jusqu’à son départ. » (p. 5) On apprend ainsi que l’honnête homme aime à plaire, mais avec délicatesse et sans démesure, montrant de l’esprit, sans l’afficher. Il ne se spécialise pas non plus, rejoignant ainsi Pascal (« Car il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose ; cette universalité est la plus belle. » Pensées, 37 – édition Brunschicg. Voir

2 http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/honn%C3%AAte_homme/58661 3 http://temporel.fr/Le-Chevalier-de-Mere

aussi 35 et 36) : « … un honneste homme n’a point de mestier. » (p. 11) Il s’attache à « une certaine justesse de langage » (p. 15) « qui consiste à se servir des meilleures façons de parler, pour mettre sa pensée dans l’esprit des gens comme on veut qu’elle y soit, ni plus ni moins. » Il se défie de l’obscurité et se garde de donner des préceptes (pp. 24-25). Il se garde aussi bien de la confiance excessive (p. 15) que de la vanité (p. 25). Il parle des choses savantes avec simplicité (p. 28). L’honnêteté ne se mesure pas à la richesse (p. 38), mais elle consiste en un art de vivre et de se rendre agréable à autrui pour « le plus grand bonheur de la vie » (p. 51). Document n°9 : Frontispice de l’édition originale de 1668.

Question : Définissez la figure de l’honnête homme, en prenant appui sur ces trois documents. Séance n°7 : Histoire littéraire : le classicisme et la naissance du roman d’analyse. Document n°10 : Jean Fabre, « Bienséance et sentiment chez Mme de La Fayette », in Congrès de l’association, 21 juillet 1958.

N. Soubrier / Février 2015. Apologos.fr Page 5

Montrez que cette œuvre illustre cette nouvelle définition du roman qui naît avec Mme de La Fayette : Le roman « contient des fictions qui représentent des aventures rares dans la vie et le développement entier des passions humaines. » (Dictionnaire de l’Académie, 1798) Thèse n°1 : §1 : §2 : Thèse n°2 : §1 : §2 : Séance n°8 : Lecture analytique n°3 : Madame de La

Fayette, La Princesse de Clèves, Depuis « Elle passa tout le jour » jusqu’à « Chevalier de Guise », 1678. La scène de bal. Séance n°9 : Analyse filmique : Jean Delannoy, La Princesse de Clèves, 1960. La scène de bal.

1. Commentez les premiers mots prononcés par la Princesse de Clèves ;

2. Quelle est la fonction symbolique du Bal ? 3. Pourquoi cette danse est-elle importante dans

le film ?

Séance n°10 : La tradition de l’amour courtois, du « fin amor ». Document n°11 : « L’amour courtois », Encyclopédie Larousse, Site consulté en février 2015.

Document iconographique : Miniature extraite du Codex Manesse (début du XIVe siècle), illustrant l'amour courtois. L'amant Robin utilise symboliquement une arbalète pour envoyer un message d'amour à sa dame. (Université de Heidelberg.) Ph. Coll. Archives Larousse Étymologiquement, le terme « courtois » fait référence à la cour (de l’ancien français cort). En vieux français, le mot corteis prend le sens d'« honnête », « loyal ». Par ailleurs, ce qui est courtois s'oppose à ce qui est « vilain », c'est-à-dire le monde rude et grossier du paysan. Enfin, la notion de courtoisie renvoie à un ensemble de valeurs, de règles de savoir-vivre et surtout à une conception bien particulière de l'amour, car nul ne peut être parfaitement courtois sans aimer. […]

N. Soubrier / Février 2015. Apologos.fr Page 6

Plus que le reflet fidèle d'une société qui, malgré l'affinement progressif de la vie de cour, reste assez fruste, la courtoisie représente son modèle idéal : profond sens de l'honneur, importance de la parole et du serment, noblesse des sentiments, conduite généreuse, politesse dans le langage et les manières, et surtout primauté de l'amour. En effet, « la courtoisie est une conception à la fois de la vie et de l'amour » (Michel Zink), et si l'amour courtois doit être distingué de la courtoisie au sens large du terme, il en constitue une dimension tellement importante que les termes d'amour courtois et de courtoisie ont souvent été employés indifféremment. […] L'amour courtois n'est ni libertinage, ni passion brutale, il est presque une ascèse pour le chevalier, qui doit, pour mériter la femme qu'il aime, se soumettre entièrement à elle. La dame est suzeraine, le chevalier est son vassal. Afin que l'amant ne puisse pas user de son pouvoir pour soumettre sa belle, celle-ci est souvent d'un rang social supérieur à celui du chevalier. La relation amoureuse est régie par un véritable code du « savoir aimer ». La dame est hautaine, méprisante et semble inaccessible. Le chevalier se doit de la vénérer, de s'humilier pour elle (tel le Lancelot de Chrétien de Troyes, qui, pour délivrer Guenièvre, doit monter sur l'infamante charrette des condamnés) ; il doit tout accepter, même le déshonneur, dans une discrétion totale, pour espérer obtenir enfin que la dame accepte ses hommages. […] L'amour courtois repose essentiellement sur la notion de désir qui, ici, se confond entièrement avec l'amour. Et, puisque le désir disparaît quand il est assouvi, l'amour, pour perdurer, doit être difficile à satisfaire. Cela explique la position de supériorité de la dame, qui doit toujours paraître insaisissable sans pour autant rester totalement inaccessible (car l'amour courtois n'est pas un amour platonique). Une telle conception implique qu'il n'y a pas d'amour possible dans le mariage puisque, dans la relation d'époux à épouse, le désir peut être sans cesse assouvi. Dans cette logique, la jalousie est souvent perçue comme une vertu dans la mesure où elle découle de cette insatisfaction fondamentale et stimule par là même le désir. L'importance accordée au désir explique encore que l'amour courtois se porte généralement vers un objet défendu et penche donc volontiers vers l'adultère, la dame convoitée étant bien souvent l'épouse d'un autre.

PARAGRAPHE DE DISSERTATION Cette conception de l’amour courtois a-t-elle influencé le travail de Mme de La Fayette, d’après vous ? Justifiez votre réponse.

Séance n°11 : Le coup de foudre ! Regards et Silence(s) dans La Princesse de Clèves.

1. La tradition de la naissance du sentiment amoureux grâce au regard.

Document n°12 : Baz Lurhmann, Roméo + Juliette, 1996. La scène de rencontre.

2. La cristallisation. a) Document n°13 : Stendhal, De l’amour, 1822.

La « cristallisation ». On se plaît à orner de mille perfections une femme de l’amour de laquelle on est sûr ; on se détaille tout son bonheur avec une complaisance infinie. Cela se réduit à exagérer une propriété superbe, qui vient de nous tomber du ciel, que l’on ne connaît pas, et de la possession de laquelle on est assuré. Laissez travailler la tête d’un amant pendant vingt-quatre heures et voici ce que vous trouverez : Aux mines de sel de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d’arbre effeuillé par l’hiver : deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes. Les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grandes que la patte d’une mésange, sont garnies d’une infinité de diamants mobiles et éblouissants. On ne peut plus reconnaître le rameau primitif. Ce que j’appelle cristallisation, c’est l’opération de l’esprit qui tire de tout ce qui se présente, la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections En un mot, il suffit de penser à une perfection pour la voir dans ce que l’on aime. Ce phénomène, que je me permets d’appeler la « cristallisation », vient de la nature qui nous commande d’avoir du plaisir et qui nous envoie le sang au cerveau, du sentiment que les plaisirs augmentent avec les perfections de l’objet aimé, et de l’idée qu’elle est à moi. [...] Le doute naît. [...] L’amant arrive à douter du bonheur qu’il se promettait, il devient sévère sur les raisons d’espérer qu’il a cru voir. Il veut se rabattre sur les autres plaisirs de la vie, il les trouve anéantis. La crainte d’un affreux malheur le saisit, et avec elle l’attention profonde. Alors commence la seconde cristallisation produisant pour diamants des confirmations de cette idée : Elle m’aime. A chaque quart d’heure de la nuit qui suit la naissance des doutes, après un moment de malheur affreux,

N. Soubrier / Février 2015. Apologos.fr Page 7

l’amant se dit : oui, elle m’aime ; et la cristallisation se tourne à découvrir de nouveaux charmes ; puis le doute à l’oeil hagard s’empare de lui et l’arrête en sursaut. Sa poitrine oublie de respirer ; il se dit : mais, est-ce qu’elle m’aime ? Au milieu de ces alternatives déchirantes et délicieuses, le pauvre amant sent vivement : elle me donnerait des plaisirs qu’elle seule au monde peut me donner. C’est l’évidence de cette vérité, c’est ce chemin sur l’extrême bord d’un précipice affreux, et touchant de l’autre main le bonheur parfait, qui donne tant de supériorité à la seconde cristallisation sur la première.

b) Document n°14 : Publicité Sony, 2014. La « cristallisation ».

Une nouvelle vidéo réalisée dans le cadre d’une campagne publicitaire pour Sony montre pour la première fois des bulles de savon geler au contact de l’air froid. Tournée dans les forêts près de la ville de Whistler, au Canada, la séquence capture au ralenti le phénomène de cristallisation du film d'eau savonneuse qui compose les bulles.4

3. Regards et Silences dans le roman de Mme de La Fayette.

Document n°15 : Montier Jean-Pierre. Arrêt sur image dans La Princesse de Clèves. In: Littérature, N°119, 2000. L'inscription. pp. 3-20.5

REFLEXION : Définissez le rôle que joue le regard dans La Princesse de Clèves. Vous rechercherez des idées, en prenant appui sur le texte ci-dessous : 1. 2.

4 http://www.maxisciences.com/bulle/admirez-des-bulles-de-

savon-se-couvrir-de-cristaux-de-glace_art33770.html 5 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/litt_0047-

4800_2000_num_119_3_1682

3. 4.

Séance n°12 : Analyse filmique : Wong Kar Wai, In the Mood for love, 2000.

Hongkong, en 1962. Su Li-Zhen, secrétaire, et son mari, cadre dans une société japonaise, s'installent dans un nouvel appartement. Le même jour, Chow Mo-Wan, journaliste, emménage au même étage avec son épouse, employée dans un hôtel. Délaissés par leurs conjoints respectifs, Su Li-Zhen et Chow Mo-Wan se rapprochent timidement et pudiquement. Leur vague complicité se renforce lorsqu'ils comprennent que leurs compagnons respectifs entretiennent une liaison l'un avec l'autre. Ils se retrouvent régulièrement pour évoquer leur infortune et tenter de comprendre. La réprobation manifeste du

N. Soubrier / Février 2015. Apologos.fr Page 8

voisinage les oblige à se cacher, ce qui les rapproche encore un peu plus...6 Question : Quel rôle le regard joue-t-il dans cet extrait ? Séance n°13 : Lecture analytique n°3 : Madame de La

Fayette, La Princesse de Clèves, Depuis « Le gentilhomme » jusqu’à « nul autre aveu », Tome 4, 1678. L’aveu de Madame de Clèves. Pistes d’analyses : Proposez une première interprétation de cet extrait, puis lisez ce jugement de Michel Butor ! Document n°16 : Michel Butor, « Sur La Princesse de Clèves », in Répertoire I, Les éditions de Minuit, 1968, p. 74-78. Prenons le passage le plus connu : l'aveu ; je voudrais attirer l'attention sur son décor, ou plutôt sur sa « mise en scène ». On sait que M. de Nemours est amoureux de Mme de Clèves, il ne sait s'il en est aimé. Comme elle s'est retirée dans son château de Coulommiers, il est allé dans la région, chez sa sœur, dans l'espoir d'une rencontre. […]

Il se cache, il entend la fameuse conversation dans laquelle elle fait à son mari l'aveu de son amour pour un autre, et confirme sans s'en douter à M. de Nemours caché que c'est lui qu'elle aime. A cette première scène dans le pavillon en répond une seconde qui la reprend en la renversant, et en la faisant monter en quelque sorte à un degré supérieur ; c'est un second aveu beaucoup plus grave, qui se passe en pleine nuit : Mme de Clèves est seule dans le pavillon. Or, M. de Nemours, alors à Chambord, avec toute la cour, a appris qu'elle s'isolait souvent dans cet endroit et il a décidé de venir la voir. M. de Clèves a compris pourquoi son rival s'abstenait et il le fait suivre par un

6 http://www.telerama.fr/cinema/films/in-the-mood-for-

love,51873.php

espion. Nous entrons alors dans un domaine d'une qualité véritablement féérique, d'une densité poétique étonnante, où tous les détails sont nécessaires et ont les plus profondes résonances : « Le gentilhomme (l'espion du prince de Clèves) ... alla dans la forêt, à l'endroit par où il jugeait que M. de Nemours pouvait passer ; il ne se trompa point dans tout ce qu'il avait pensé. Sitôt que la nuit fut venue, il entendit marcher et, quoiqu'il fît obscur, il reconnut aisément M. de Nemours. Il le vit faire le tour du jardin, comme pour écouter s'il n'y entendrait personne et pour choisir le lieu par où il pourrait passer le plus aisément (comme c'est la nuit, la porte ouverte la fois précédente est maintenant fermée). Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière pour empêcher qu'on ne pût entrer ; en sorte qu'il était assez difficile de se faire passage. M. de Nemours en vint à bout néanmoins ; sitôt qu'il fut dans ce jardin, il n'eut pas beaucoup de peine à démêler où était Mme de Clèves. Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet ; toutes les fenêtres en étaient ouvertes ; et, en glissant le long des palissades, il s'en approcha avec un trouble et une émotion qu'il est aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres, qui servaient de porte pour voir ce que faisait Mme de Clèves. Il vit qu'elle était seule, mais il la vit d'une si admirable beauté qu'à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue. Il faisait chaud, et elle n'avait rien sur sa tête et sur sa gorge, que ses cheveux confusément rattachés. Elle était sur un lit de repos, avec une table devant elle, où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans ; elle en choisit quelques-uns, et M. de Nemours remarqua que c'étaient des mêmes couleurs qu'il avait portées au tournoi. » Il s'agit du tournoi dans lequel le roi de France, Henri II, est mort d'un éclat de lance dans l'œil. M. de Nemours était l'un des plus vaillants jouteurs. Chacun paraissait aux couleurs de sa dame, et il avait choisi, lui, du jaune et du noir. « On en chercha inutilement la raison. Mme de Clèves n'eut pas de peine à le deviner : elle se souvint d'avoir dit devant lui qu'elle aimait le jaune, et qu'elle était fâchée d'être blonde, parce qu'elle ne pouvait en mettre. » Dans la nuit, solitaire dans son pavillon, la princesse, observée à son insu par Nemours, lui-même observé à son insu par le représentant du prince de Clèves, n'a point de lance à sa disposition pour l'entourer de ses cheveux, mais elle a pris soin de s'en procurer l'équivalent : « Il vit qu'elle en faisait des nœuds à une canne des Indes fort extraordinaire, qu'il avait portée quelque temps, et qu'il avait donné à sa sœur, à qui Mme de Clèves l'avait prise sans faire semblant de la reconnaître pour avoir été à M. de Nemours. » Il n'est, certes, pas besoin d'un diplôme de psychanalyste pour percer et goûter le symbolisme de toute cette scène ; c'est exactement le même que celui des contes de fées rédigés en ce temps-là, et l'on sait que le contenu sexuel de ces contes est non seulement évident pour nous, mais qu'il était évident aussi pour les gens du XVIIe siècle, comme le prouvent les moralités avec lesquelles Perrault les a commentés. L'esprit de la princesse travaille à ce moment dans une zone très obscure pour elle-même ; c'est comme en rêve qu'elle noue ses rubans à cette canne, et son rêve

N. Soubrier / Février 2015. Apologos.fr Page 9

se précise peu à peu ; celui auquel elle pense se met à prendre visage, et elle part à la recherche de celui-ci. Question : D’après Michel Butor, qu’est-ce qui fait le charme de cette œuvre ? Séance n°14 : Le désespoir des êtres passionnés : L’idéal de « l’élégance » dans « l’affliction » ?

1. Lecture cursive de 2 extraits du roman portant sur la jalousie :

a) Extrait 1 : Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, Depuis « Madame de Clèves lut cette lettre » jusqu’à « avait pour ce prince. », Tome 2, 1678, pp. 88-89. L’affliction de Mme de Clèves.

b) Extrait 2 : Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, Depuis « Et Monsieur de Nemours » jusqu’à « malheureux homme du monde. », Tome 4, 1678, pp. 147-149. L’affliction de M. de Clèves.

2. L’élégance et la forme de la passion.

Document complémentaire n°17: Jean-Marc Sourdillon, « Donner forme à la passion dans In the mood for love de Wong Kar Wai », in Références, n°35, Octobre 2004. Annexe : Projection d’un clip vidéo : Oren Lavie, « Her morning elegance », 2009.

Séance n°15 : Lecture analytique n°5 : Madame de La

Fayette, La Princesse de Clèves, Depuis « A la première nouvelle » jusqu’à « exemples de vertu inimitables », Tome 4, 1678. L’excipit.

Séance n°16 : INVENTION AUTOUR DE L’ELEGANCE DE L’AFFLICATION ! Document complémentaire n°18 : Jean-Marc Sourdillon, « Donner forme à la passion dans In the mood for love de Wong Kar Wai », in Références, n°35, Octobre 2004.

« Cette forme […] est une conception que l’on peut se faire de la force ou de la liberté ; elle s’appelle « élégance ». »

SUJET : Pensez-vous qu’il faille « garder le désir sans le satisfaire dans la mesure où il stimule l’imagination créatrice » ? - Vous justifierez votre réponse en prenant appui sur deux exemples précis ; - Vous rédigerez un paragraphe argumentatif de dissertation ; - Vous pourrez prendre appui sur un exemple lié à l’actualité (à la vie de tel ou tel artiste7).

7 Amy Winehouse ou l’élégance dans l’affliction. Avec sa carrière météorique, Amy Winehouse a marqué l’histoire de la musique et intégré le panthéon des musiciens partis prématurément en pleine gloire. Avec ses deux albums produits durant cette courte carrière (Frank et Back To Black), Amy Winehouse s’est révélée comme une des chanteuses britanniques majeures des années 2000. [http://www.lehavre.fr/node/32170. Site consulté en février 2015]