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Ann Pathol 2007 ; 27 : 227-30 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 227 Histoséminaire SFP Accepté pour publication le 30 mai 2007 Tirés à part : M. Devouas- soux-Shisheboran, voir adresse en début d’article. e-mail : mojgan.devouassoux@chu- lyon.fr Observation n° 7 Mojgan Devouassoux-Shisheboran (1) , Fabienne Allias (1) , Daniel Raudrant (2) (1) Service d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, Centre de Biologie et de Pathologie Nord, Hôpital de la Croix- Rousse, 103 Grande rue de la Croix-Rousse, 69317 Lyon Cedex 04. (2) Service de Gynécologie – Hôtel Dieu — Hospices Civils de Lyon. Renseignements cliniques Patiente de 31 ans chez qui des dou- leurs pelviennes ont fait découvrir une image pelvienne gauche, solide et kys- tique de 15 cm, hypervasculaire ayant fait l’objet d’une résection (ovariecto- mie gauche), un an auparavant. Actuel- lement, récidive avec une masse latéro utérine gauche persistante, hypervas- culaire et augmentant de volume mal- gré un traitement par analogue de LHRH. Diagnostic proposé Endométriose polypoïde pelvienne. Description macroscopique La résection pelvienne nous parvient sous la forme de deux masses de 3,5 et 5,5 cm de grand axe. À la coupe, il s’agit de masses solides contenant des foyers microkystiques (figure 1) et des projections papillaires jaunâtres dans des kystiques à contenu parfois hémorragique. Description microscopique Les masses sont formées d’un double contingent, épithélial et stromal (figure 2). Le contingent épithélial est composé de glandes de taille variable. Certaines sont dilatées et kystiques (figure 3). D’autres sont de plus petite taille. Ces glandes sont bordées par un épithélium cylindrique pseudo-stratifié, de type endométrial (figure 4). Quelques mitoses sont observées, mais il n’existe pas d’atypie nucléaire. Dans certaines glandes, le revêtement est en métaplasie ciliée ou éosinophile. Le contingent stro- mal est formé de cellules petites et baso- philes accompagnées de capillaires petits et ronds, évoquant le chorion cyto- gène de la muqueuse endométriale (figure 4). Focalement, on observe un aspect foliacé, avec des projections papillaires à l’intérieur de la lumière des glandes dilatées, donnant à l’ensemble une architecture « phyllode ». Ces papilles sont centrées par des cellules stromales. Dans ces zones, on note une discrète condensation des cellules du stroma dans la zone périglandulaire, avec quelques mitoses (figures 5 et 6). Cependant, l’index mitotique ne dépasse pas 2 mitoses par 10 champs au fort grossissement et il n’existe pas d’aty- pie nucléaire majeure du contingent stromal. Commentaires Le terme d’« endométriose poly- poïde » a été initialement utilisé par Mostoufizadeh et Scully [1] pour dési- gner une variante particulière d’endo- métriose simulant cliniquement une tumeur maligne, avec des récidives multiples et évoquant histologique- ment « un polype de l’endomètre ». Cette variante d’endométriose a été rapportée essentiellement sous la forme de cas isolés, avec récemment la description d’une série de 24 cas [2].

Observation n° 7

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A n n P a t h o l 2 0 0 7 ; 2 7 : 2 2 7 - 3 0

© 2 0 0 7 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s .

Histoséminaire SFP

Accepté pour publication le 30 mai 2007

Tirés à part : M. Devouas-soux-Shisheboran, voir adresse en début d’article.e-mail : [email protected]

Observation n° 7

Mojgan Devouassoux-Shisheboran(1), Fabienne Allias(1), Daniel Raudrant(2)

(1) Service d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, Centre de Biologie et de Pathologie Nord, Hôpital de la Croix-Rousse, 103 Grande rue de la Croix-Rousse, 69317 Lyon Cedex 04.

(2) Service de Gynécologie – Hôtel Dieu — Hospices Civils de Lyon.

Renseignements cliniques

Patiente de 31 ans chez qui des dou-leurs pelviennes ont fait découvrir uneimage pelvienne gauche, solide et kys-tique de 15 cm, hypervasculaire ayantfait l’objet d’une résection (ovariecto-mie gauche), un an auparavant. Actuel-lement, récidive avec une masse latéroutérine gauche persistante, hypervas-culaire et augmentant de volume mal-gré un traitement par analogue deLHRH.

Diagnostic proposé

Endométriose polypoïde pelvienne.

Description macroscopique

La résection pelvienne nous parvientsous la forme de deux masses de 3,5et 5,5 cm de grand axe. À la coupe, ils’agit de masses solides contenant desfoyers microkystiques (figure 1) et desprojections papillaires jaunâtres dansdes kystiques à contenu parfoishémorragique.

Description microscopique

Les masses sont formées d’un doublecontingent, épithélial et stromal(figure 2). Le contingent épithélial estcomposé de glandes de taille variable.Certaines sont dilatées et kystiques(figure 3). D’autres sont de plus petite

taille. Ces glandes sont bordées par unépithélium cylindrique pseudo-stratifié,de type endométrial (figure 4). Quelquesmitoses sont observées, mais il n’existepas d’atypie nucléaire. Dans certainesglandes, le revêtement est en métaplasieciliée ou éosinophile. Le contingent stro-mal est formé de cellules petites et baso-philes accompagnées de capillairespetits et ronds, évoquant le chorion cyto-gène de la muqueuse endométriale(figure 4). Focalement, on observe unaspect foliacé, avec des projectionspapillaires à l’intérieur de la lumière desglandes dilatées, donnant à l’ensembleune architecture « phyllode ». Cespapilles sont centrées par des cellulesstromales. Dans ces zones, on note unediscrète condensation des cellules dustroma dans la zone périglandulaire,avec quelques mitoses (figures 5 et 6).Cependant, l’index mitotique nedépasse pas 2 mitoses par 10 champs aufort grossissement et il n’existe pas d’aty-pie nucléaire majeure du contingentstromal.

Commentaires

Le terme d’« endométriose poly-poïde » a été initialement utilisé parMostoufizadeh et Scully [1] pour dési-gner une variante particulière d’endo-métriose simulant cliniquement unetumeur maligne, avec des récidivesmultiples et évoquant histologique-ment « un polype de l’endomètre ».Cette variante d’endométriose a étérapportée essentiellement sous laforme de cas isolés, avec récemment ladescription d’une série de 24 cas [2].

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FIG. 1. — La masse pelvienne est charnue, jaunâtre, contenant quelques structures microkystiques.

FIG. 1. — The pelvic mass shows a solid yellow cut surface with few microcysts.

FIG. 2. — Formations bourgeonnantes et polypoïdes centrées par un axe vasculaire, se projetant à la surface du péritoine (HES × 12).

FIG. 2. — Polypoid masses with fibro-vascular cores protruding on peritoneal surfaces (HES×12).

FIG. 3. — La lésion est composée de structures glandulaires de taille variable, parfois kystiques, dispersées dans un stroma cellu-laire. De rares bourgeonnements intraglandulaires sont observés (flèche) (HES × 12).

FIG. 3. — The lesion is composed of glands sometimes dilated, in a background of cellular stroma. Focal intraglandular stromal pro-trusions are seen (arrow) (HES×12).

FIG. 4. — les glandes sont bordées par un épithélium cylindrique stratifié de type endométrial, sans atypies nucléaire. Le stroma présente les caractéristiques du chorion cytogène endométrial sans atypie nucléaire (HES × 200).

FIG. 4. — Glands are lined by a columnar stratified endometrial epithelium, without atypia. The stroma shows characteristics of endometrial stroma without nuclear atypia (HES×200).

FIG. 5. — Focalement, le stroma est plus abondant, bourgeonnant dans la lumière des glandes avec une hypercellularité sous le revê-tement épithélial (flèche) (HES × 100).

FIG. 5. — Intraglandular polypoid stromal protrusions with peri-glandular cuffs of increased stromal cellularity (arrow) (HES×100).

FIG. 6. — Atypies nucléaires modérées des cellules stromales et mitoses dans les zones d’hypercellularité sous épithéliales (HES × 400).

FIG. 6. — The stroma within these cuffs shows mild nuclear aty-pia and few mitoses (HES×400).

Observation n° 7

Clinique

À l’inverse de la forme classique qui toucheessentiellement les femmes en activité géni-tale, la variante polypoïde de l’endomé-triose est une lésion survenant à tout âge de23 à 80 ans [3] avec 60 % des femmes de plusde 50 ans (contre < 5 % pour l’endométrioseclassique) [2]. L’influence d’un traitementhormonal (traitement hormonal substitutif,tamoxifène, à l’arrêt des analogues de LHRH[4]) sur la genèse de cette variante d’endo-métriose a été soulignée par de nombreuxauteurs, expliquant notamment, sa surve-nue chez les patientes ménopausées.L’endométriose polypoïde touche le plusfréquemment l’ovaire (6 cas dans la sériede 24 cas), mais également la séreuse coli-que, le vagin, le col, le péritoine pelvien.Elle se présente en pré et per opératoirecomme une lésion tumorale, atteignant fré-quemment plusieurs sites avec des massesmultiples.

Macroscopie

Cette variante d’endométriose se présentemacroscopiquement, comme son noml’indique, sous la forme de polypes ou mas-ses polypoïdes, variant de 0,4 à 14 cm. Ils’agit de masses essentiellement solidesavec un degré variable de zones kystiqueset hémorragiques.

Microscopie

L’aspect morphologique est celui d’unemuqueuse endométriale ectopique présen-tant un aspect floride d’hyperplasie endo-métriale simple, plus ou moins glandulo-kystique, et de polype endométrial de typehyperplasique. En effet, les glandes sontnombreuses, de taille variable, bordées parun épithélium endométrial de type prolifé-ratif. Les foyers de métaplasie ciliée, éosino-phile, malpighienne ou mucineuse sont trèssouvent observés (75 % des cas). La métapla-sie épithéliale est en effet beaucoup plusfréquente que dans une endométriose clas-sique. L’endométriose peut revêtir l’aspectd’un véritable polype endométrial avec unaxe fibreux et un bouquet vasculaire central.Des papilles et des bourgeons composés decellules stromales se projetant dans les glan-des kystiques, peuvent s’observer de façonfocale. Dans ces zones, une condensationpériglandulaire peut être visible, mais il

n’existe pas d’atypie nucléaire du contin-geant stromal.

Diagnostic différentiel

L’architecture polypoïde et focalement folia-cée et « phyllode » peut en imposer pourune tumeur müllérienne mixte de type adé-nofibrome ou adénosarcome.L’adénofibrome peut être facilement écartécar dans l’endométriose polypoïde, le stromafibromateux de l’adénofibrome (équivalentdu stroma ovarien) n’est pas présent.L’adénosarcome pose beaucoup plus de pro-blème de diagnostic différentiel. En effet,l’endométriose polypoïde peut présenterfocalement une condensation périglandu-laire, des mitoses et des projections papillairesintra kystiques. Par ailleurs, l’adénosarcomeextra utérin survient essentiellement sur unterrain d’endométriose [5]. Cependant, dansl’endométriose, ces aspects restent localisés etne sont que très focalement observés, alorsque l’architecture « phyllode » et la condensa-tion périglandulaire sont les caractéristiquesde l’adénosarcome et sont évidentes et visi-bles sur l’ensemble des prélèvements dèsl’examen au faible grossissement. Par ailleurs,il n’existe pas d’atypie nucléaire du contingentstromal dans l’endomértriose polypoïde.

Pronostic

Le pronostic de cette variante d’endomé-triose ne diffère pas de celui de la formeclassique, sans décès imputable directe-ment à la lésion dans la série de Clement [2].La transformation maligne peut survenircomme dans toute endométriose dans 0,8 %des cas (1 % des cas d’endométriose ova-rienne). Il s’agit de carcinomes essentielle-ment de type endométrioïde ou à cellulesclaires ou d’un sarcome stromal de basgrade. Des tumeurs mucineuses de typeendocervical sont rapportées avec une fré-quence accrue (30 %) dans les endométrio-ses pelviennes. Des foyers d’hyperplasiecomplexe atypique sont également décritsdans l’endométriose polypoïde (3/24 cas).

Conclusion

L’endométriose polypoïde est une varianted’endométriose qui pose des problèmes dediagnostic. En effet, elle survient essentielle-ment (60 % des cas) chez des patientes

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ménopausées sous traitement hormonal etse présente comme une lésion tumoralepelvienne. Histologiquement, la lésion estfloride et peut en imposer pour une tumeurmaligne, notamment un adénosarcome.La connaissance d’une telle entité par lesgynécologues et les pathologistes permetd’éviter d’éventuelles sanctions thérapeuti-ques abusives. ■

Références

[1] Mostoufizadeh M, Scully RE. Malignant tumors ari-sing in endometriosis. Clin Obstet Gynecol 1980 ; 23 :951-63.

[2] Parker RL, Dadmanesh F, Young RH, Clement PB.Polypoid endometriosis: a clinicopathologic analysis of24 cases and a review of the literature. Am J SurgPathol 2004 ; 28 : 285-97.

[3] Laird LA, Hoffman JS, Omrani A. Multifocal poly-poid endometriosis presenting as huge pelvic massescausing deep vein thrombosis. Arch Pathol Lab Med2004 ; 128 : 561-4.

[4] Othman NH, Othman MS, Ismail AN, Moham-mad NZ, Ismail Z. Multiple polypoid endometriosis —a rare complication following withdrawal of gonado-trophin releasing hormone (GnRH) agonist for severeendometriosis: a case report. Aust N Z J ObstetGynaecol 1996 ; 36 : 216-8.

[5] Eichhorn JH, Young RH, Clement PB, Scully RE.Mesodermal (mullerian) adenosarcoma of the ovary: aclinicopathologic analysis of 40 cases and a review of theliterature. Am J Surg Pathol 2002 ; 26 : 1243-58.

Points importants à retenir

L’endométriose polypoïde :• peut toucher la femme ménopausée ;• se présente comme une lésion tumorale pelvienne

multifocale ;• a un aspect d’hyperplasie endométriale simple plus

ou moins complexe, ou d’un polype endométrial hyperplasique ;

• peut avoir focalement des projections papillaires dans la lumière des glandes et des foyers limités de condensation périglandulaire, mais sans atypie nucléaire des cellules stromales (ces aspects ne doi-vent pas en imposer pour un adénosarcome).