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30 31 Chéloniens 42 • 2017 Chéloniens 42 • 2017 • D epuis bientôt 20 ans, je suis passionné par la faune sauvage et les tortues en particulier. Je détiens et élève des tortues aquatiques et palustres, principalement des es- pèces asiatiques. Mon intérêt pour les tortues a été stimulé très tôt par des rencontres avec des éleveurs pionniers dans ce domaine, des natura- listes, herpétologues, responsables de zoo et de programmes de conservation… J’ai eu la chance, alors que je n’étais pas encore adulte, de pouvoir me nourrir de leur expérience, d’entendre leurs aventures. A ce moment là, j’étais loin de penser qu’un jour je me trouverais à mon tour au milieu de la jungle à chercher et observer des tortues par- mi les plus rares et dont on connait encore peu le mode de vie dans la nature. Mon projet d’observer des tortues sauvages au Vietnam est né il y a 6 ans lors d’échanges avec deux herpétologues bien connus, Hans-Dieter Philippen et Henk Zwartepoorte, alors tout deux responsables au sein de Turtle Survival Alliance Europe. Tous deux ont prématurément disparu en 2016 et c’est en pensant à ces deux amis et men- tors que je rédige cette petite note. J’ai d’abord effectué trois premiers voyages d’envi- rons un mois chacun, du Nord au Sud du Vietnam, durant les étés 2014, 2015 et 2016. Au cours de ces voyages j’ai pu faire des observations dans la nature (Platysternon megacephalum, Sacalia qua- driocellata, Manouria impressa, Cuora mouhoti, Malayemys subtrijuga, siebenrockiela crassicolis) et recueillir des témoignages au fil des rencontres. J’ai pu aussi me rendre compte de la difficulté à rencontrer des tortues sauvages, quelle que soit l’espèce, certainement à cause de leur discrétion naturelle mais aussi parce qu’elles sont presque toutes devenues rares. Les tortues du genre Cuora dans la nature Les tortues du genre Cuora sont parmi les plus difficiles à observer dans la nature car elles sont de longues date surexploitées en Asie du sud-est. Leur raréfaction a contribué à une augmentation considérable de leur valeur marchande. Elles sont particulièrement recherchées en Chine. Chez cer- taines espèces de Cuora vietnamiennes telle que C. cyclornata ssp., aujourd’hui pratiquement dis- parues dans la nature, un spécimen adulte sau- vage se négocie à plus de 30 000 euros (Toan Hoang Minh, 2016). Dans le contexte Vietnamien où le salaire mensuel moyen est de 250 euros envi- ron, voire moins pour des paysans travaillant dans les rizières, les chances de survie de ces tortues dans la nature sont nulles. Si elles n’ont heureusement pas atteint ce degré de rareté, les trois espèces du complexe Cuora galbinifrons n’échappent pas à ce phénomène. Il donc est important de comprendre leur mode de vie, leurs besoins, et de développer l’élevage des tortues déjà présentes en captivité. Les tortues du complexe Cuora galbinifrons D’après des témoignages, Cuora galbinifrons est, des trois espèces, la plus difficile à trouver, même avec l’aide de chiens entrainés. Son aire de réparti- tion couvre le Nord du Vietnam, elle se prolonge un peu à l’est et au nord dans le Guangxi et le Yunnan en Chine, ainsi qu’à l’ouest dans des zones fronta- lières avec le Laos. Pour le quatrième voyage, je ne disposais que d’une semaine, j’ai donc choisi de concentrer mes efforts sur l’observation de Cuora bourreti et Cuora picturata dont les territoires, dans les montagnes au centre et au sud du Vietnam sont géographi- quement voisins. D’après les témoignages, ces deux espèces semblaient plus faciles à rencontrer que Cuora galbinifrons. Nous sommes donc parti le 14 décembre de Da nang, ville côtière au centre du Vietnam, proche du territoire de Cuora bourreti. L’équipe était consti- tuée de mon correspondant vietnamien, naturaliste rencontré lors de mes précédents voyages, Hoang Minh Toan, d’un chauffeur, de deux habitants de la région, bons connaisseurs de la forêt locale ainsi qu’un membre de ma famille. A noter que nous avons subi une tempête inha- bituelle en cette saison, elle nous a fortement ra- lenti dans notre progression aussi bien sur la route qu’en montagne. En dépit du très bon état des routes dans cette partie du pays, il nous a fallu plus de 4 h de voiture vers l’ouest en direction du Cam- bodge depuis Da nang. Aucune donnée précise sur les localités visitées ne sont mentionnées dans cette note afin de ne pas faciliter le ramassage de ces tortues déjà très menacées. Observation de Cuora bourreti Pour commencer notre recherche de Cuora bour- reti, nous avons arrêté la voiture au pied d’une montagne dont la végétation dense commence au bord de la route. Les deux habitants de la ré- gion m’ont fait savoir que nous nous trouvions sur l’ancienne piste Ho Chi Minh. Malgré les millions de tonnes de bombes larguées par les américains 1 pendant plus d’une décennie dans cette région, les stigmates de ces bombardements ne sont pas forcément perceptibles pour un oeil non exercé à cause de la vigueur de la végétation tropicale. Nous sommes arrivés au point de départ à 10 h du matin pour terminer notre recherche à 19 h 30, la nuit tombe dans cette région vers 17 h 30 au mois de Décembre. Nous sommes monté à 1 200-1 300 mètres d’altitude sur des pentes à fort dénivelé et sous une pluie d’une intensité normalement obser- vée lors des moussons d’été. Notre progression en Du rêve à la réalité : observation de Cuora bourreti (Obst & Reimann, 1994) et Cuora picturata (Lehr et al., 1998) dans leur habitat Benjamin Leprince Aires de répartition de Cuora bourreti et Cuora picturata. C. picturata est endémique du Vietnam alors que C.bourreti est également présente au Laos et peut-être à l’extrémité nord-est du Cambodge. D’après le Turtle Taxonomy Working Group, 2014. 1 Les États-Unis ont largué plus de 7 millions de tonnes de bombes au Vietnam durant le conflit (Vietnam war statistics. http://www.landscaper.net/) et plus de 79 millions de litres de défoliant, majoritairement de l’agent orange, sur la moitié sud du pays (Stellman et al., 2003), ainsi que d’autres produits chimiques tels des substances et des gaz neurotoxiques et plus de 100 000 tonnes de napalm (Département de la Défense des USA), du phosphore blanc. L’impact sur la santé des populations et l’environnement se fait toujours sentir encore aujourd’hui.

(Obst & Reimann, 1994) territoire de Cuora bourreti. L’équipe était … · 2018-09-19 · sous une pluie d’une intensité normalement obser - vée lors des moussons d’été

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Page 1: (Obst & Reimann, 1994) territoire de Cuora bourreti. L’équipe était … · 2018-09-19 · sous une pluie d’une intensité normalement obser - vée lors des moussons d’été

30 31• Chéloniens 42 • 2017 Chéloniens 42 • 2017 •

Depuis bientôt 20 ans, je suis passionné par la faune sauvage et les tortues en particulier. Je détiens et élève des tortues

aquatiques et palustres, principalement des es-pèces asiatiques. Mon intérêt pour les tortues a été stimulé très tôt par des rencontres avec des éleveurs pionniers dans ce domaine, des natura-listes, herpétologues, responsables de zoo et de programmes de conservation… J’ai eu la chance, alors que je n’étais pas encore adulte, de pouvoir me nourrir de leur expérience, d’entendre leurs aventures. A ce moment là, j’étais loin de penser qu’un jour je me trouverais à mon tour au milieu de la jungle à chercher et observer des tortues par-mi les plus rares et dont on connait encore peu le mode de vie dans la nature.

Mon projet d’observer des tortues sauvages au Vietnam est né il y a 6 ans lors d’échanges avec deux herpétologues bien connus, Hans-Dieter Philippen et Henk Zwartepoorte, alors tout deux responsables au sein de Turtle Survival Alliance Europe. Tous deux ont prématurément disparu en 2016 et c’est en pensant à ces deux amis et men-tors que je rédige cette petite note.

J’ai d’abord effectué trois premiers voyages d’envi-rons un mois chacun, du Nord au Sud du Vietnam, durant les étés 2014, 2015 et 2016. Au cours de ces voyages j’ai pu faire des observations dans la nature (Platysternon megacephalum, Sacalia qua-driocellata, Manouria impressa, Cuora mouhoti, Malayemys subtrijuga, siebenrockiela crassicolis) et recueillir des témoignages au fil des rencontres. J’ai pu aussi me rendre compte de la difficulté à

rencontrer des tortues sauvages, quelle que soit l’espèce, certainement à cause de leur discrétion naturelle mais aussi parce qu’elles sont presque toutes devenues rares.

Les tortues du genre Cuora dans la natureLes tortues du genre Cuora sont parmi les plus difficiles à observer dans la nature car elles sont de longues date surexploitées en Asie du sud-est. Leur raréfaction a contribué à une augmentation considérable de leur valeur marchande. Elles sont particulièrement recherchées en Chine. Chez cer-taines espèces de Cuora vietnamiennes telle que C. cyclornata ssp., aujourd’hui pratiquement dis-parues dans la nature, un spécimen adulte sau-vage se négocie à plus de 30 000 euros (Toan Hoang Minh, 2016). Dans le contexte Vietnamien où le salaire mensuel moyen est de 250 euros envi-ron, voire moins pour des paysans travaillant dans les rizières, les chances de survie de ces tortues dans la nature sont nulles.

Si elles n’ont heureusement pas atteint ce degré de rareté, les trois espèces du complexe Cuora galbinifrons n’échappent pas à ce phénomène. Il donc est important de comprendre leur mode de vie, leurs besoins, et de développer l’élevage des tortues déjà présentes en captivité.

Les tortues du complexe Cuora galbinifronsD’après des témoignages, Cuora galbinifrons est, des trois espèces, la plus difficile à trouver, même avec l’aide de chiens entrainés. Son aire de réparti-tion couvre le Nord du Vietnam, elle se prolonge un peu à l’est et au nord dans le Guangxi et le Yunnan en Chine, ainsi qu’à l’ouest dans des zones fronta-lières avec le Laos. Pour le quatrième voyage, je ne disposais que d’une semaine, j’ai donc choisi de concentrer mes efforts sur l’observation de Cuora bourreti et Cuora picturata dont les territoires, dans les montagnes au centre et au sud du Vietnam sont géographi-quement voisins. D’après les témoignages, ces deux espèces semblaient plus faciles à rencontrer que Cuora galbinifrons.Nous sommes donc parti le 14 décembre de Da

nang, ville côtière au centre du Vietnam, proche du territoire de Cuora bourreti. L’équipe était consti-tuée de mon correspondant vietnamien, naturaliste rencontré lors de mes précédents voyages, Hoang Minh Toan, d’un chauffeur, de deux habitants de la région, bons connaisseurs de la forêt locale ainsi qu’un membre de ma famille.A noter que nous avons subi une tempête inha-bituelle en cette saison, elle nous a fortement ra-lenti dans notre progression aussi bien sur la route qu’en montagne. En dépit du très bon état des routes dans cette partie du pays, il nous a fallu plus de 4 h de voiture vers l’ouest en direction du Cam-bodge depuis Da nang.Aucune donnée précise sur les localités visitées ne sont mentionnées dans cette note afin de ne pas faciliter le ramassage de ces tortues déjà très menacées.

Observation de Cuora bourretiPour commencer notre recherche de Cuora bour-reti, nous avons arrêté la voiture au pied d’une montagne dont la végétation dense commence au bord de la route. Les deux habitants de la ré-gion m’ont fait savoir que nous nous trouvions sur l’ancienne piste Ho Chi Minh. Malgré les millions de tonnes de bombes larguées par les américains1 pendant plus d’une décennie dans cette région, les stigmates de ces bombardements ne sont pas forcément perceptibles pour un oeil non exercé à cause de la vigueur de la végétation tropicale.Nous sommes arrivés au point de départ à 10 h du matin pour terminer notre recherche à 19 h 30, la nuit tombe dans cette région vers 17 h 30 au mois de Décembre. Nous sommes monté à 1 200-1 300 mètres d’altitude sur des pentes à fort dénivelé et sous une pluie d’une intensité normalement obser-vée lors des moussons d’été. Notre progression en

Du rêve à la réalité : observation de Cuora bourreti (Obst & Reimann, 1994) et Cuora picturata (Lehr et al., 1998) dans leur habitat Benjamin Leprince

Aires de répartition de Cuora bourreti et Cuora picturata. C. picturata est endémique du Vietnam alors que C.bourreti est également présente au Laos et peut-être à l’extrémité nord-est du Cambodge. D’après le Turtle Taxonomy Working Group, 2014.

1 Les États-Unis ont largué plus de 7 millions de tonnes de bombes au Vietnam durant le conflit (Vietnam war statistics. http://www.landscaper.net/) et plus de 79 millions de litres de défoliant, majoritairement de l’agent orange, sur la moitié sud du pays (Stellman et al., 2003), ainsi que d’autres produits chimiques tels des substances et des gaz neurotoxiques et plus de 100 000 tonnes de napalm (Département de la Défense des USA), du phosphore blanc. L’impact sur la santé des populations et l’environnement se fait toujours sentir encore aujourd’hui.

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forêt a dû se faire avec prudence, les risques de glissement de terrain et de coulées de boue étant par endroits tout à fait réels.Nous n’avons rencontré qu’un seul serpent, non venimeux (Ahaetulla nasuta), alors que cette région est réputée pour ses nombreuses espèces. Il y a au Vietnam plus de 220 espèces de serpents dont plus de la moitié sont venimeuses. Je dois avouer que de tous les risques possibles en forêt, celui de tomber nez à nez avec un serpent venimeux ne me rassure pas lors de mon ascension.Après de plus de 5 h de recherche, nous avons en-fin trouvé une jeune femelle adulte Cuora bourreti

abritée des fortes pluies au creux du tronc d’un vieil arbre. A cet endroit, le sol de la forêt est très humide mais pauvre en humus, contrairement à ce que j’ai pu voir dans habitat naturel de C. galbinifrons et C. mouhotii au nord du Vietnam ou sur l’île de Hainan. L’habitat de C. bourreti est constitué d’une forêt basse et dense sur les premières centaines de mètres, qui s’éclaircit au-delà de 1000 m d’altitude pour laisser place à un environnement plus minéral, avec des blocs de roches disséminés et une végé-tation plus clairsemée. J’ai pu prendre avec moi des instruments de mesures de températures et hygro-métrie : en cette journée de décembre, il faisait en

Différents aspects du biotope de Cuora bourreti. Page de gauche : Ahaetulla nasuta, serpent au mimétisme efficace dans cet environnement végétal ; Escargot terrerestre ; Vers de terre ; Une vue de la forêt et de la vallée au fond, dans une atmosphère saturée d’humidité. Page de droite : Baies sur le sol, peut-être nourriture potentielle pour Cuora bourreti ; Le spécimen C. bourreti sur le lieu de sa découverte ; l’auteur et Hoang Minh Toan posent avec la tortue.

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début de matinée 18° C et 22° C en fin d’après midi. J’ai pu observer ce qui vraisemblablement peut servir de nourriture à Cuora bourreti, à savoir de petites baies et arbres fruitiers, des bananiers, des vers de terre ainsi que des escargots terrestres de belle taille.

On note la présence de ruisseaux et de petites cascades. Les locaux m’ont indiqué que lors de très fortes pluies, le volume et le débit des ruis-seaux et rivières augmentent très rapidement, il est assez fréquent de trouver en aval de ces cours d’eau, des tortues et différents animaux qui se sont laissés surprendre par le courant et empor-ter jusqu’en bas de la montagne. Ce phénomène a été plusieurs fois relaté dans la littérature (Blanck et al. 2006 ; Charles, 2012). Après avoir continué les recherches jusqu’à la nuit tombante, sans autre découverte de tortue, nous avons pris le chemin du retour, assez ralentis par l’obscurité.

Observation de Cuora picturataQuelques jours plus tard nous sommes descendus plus au sud à la recherche de Cuora picturata dans la région de Nha Trang. Il a été plus compliqué de trouver des montagnes préservées dans cette ré-gion, nous avons fait plus de trois heures de route pour rejoindre les environs de Da Lat et les hauts plateaux.

La végétation est très différente de celle rencontrée lors du jour précédent, à savoir une végétation de haute montagne très clairsemée sur un sol très rocheux comprenant de nombreuses petites cavi-tés et crevasses. Les conditions climatiques aus-si étaient sensiblement différentes de la veille, la température à environ 1 600 mètres d’altitude vers midi était de 25° C, avec un léger crachin. Nous n’avons observé aucune présence de serpent ou autres amphibiens ni même mammifères ou encore oiseaux. Il ne nous a pas fallu longtemps, seule-ment 2 h de recherche pour trouver 2 spécimens dans des cavités rocheuses. Nous étions à environ 1 600 mètres d’altitude, sur une pente abrupte à très fort dénivelé.

Aspects du biotope de Cuora picturata. Les deux spécimens Cuora picturata trouvés.

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Visite d’un élevageLe lendemain, grâce au bouche à oreille, nous avons pu rendre visite à un habitant de la région de Da Nang qui élève des tortues dans sa propriété. Il maintient environ 200 tortues dans sa cour dans des conditions malheureusement pas optimales. Certaines tortues semblent être affectées de pa-rasitisme intestinal au vu de leur déjections. Cet homme nous raconte l’exploitation et le pillage des ressources naturelles de son pays pour alimenter le marché chinois, à travers des réseaux de reven-deurs et de passeurs. Une bonne partie de la faune et la flore sauvage est concernée.Il nous explique qu’il a ramassé lui-même des tor-tues dans la nature jusqu’au début des années 2000. Il pouvait en trouver jusqu’à 10 kg par jour, de toutes espèces dont des Cuora. Selon lui, 1 à 4 tortues pourraient-être récoltées par semaine de nos jours. En l’écoutant je me suis senti chanceux d’avoir pu observer 2 spécimens en seulement quelques heures et en même temps désolé de ce désastre. Il y a apparemment une volonté du gouvernement vietnamien de stopper le pillage de la faune et la flore de ce merveilleux pays, mais il semble que la corruption de certains fonctionnaires contribue encore à cette fuite des richesses vietnamienne.

J’ai donc eu la chance d’observer et comparer chez cette personne plus de 70 spécimens de Cuora bourreti, ce qui constitue un bon échantillon pour constater l’étendue de la variabilité chromatique dans cette espèce. Il me semble important de noter que, dans ce groupe, des phénotypes bien diffé-rents existent, sans formes intermédiaires.J’ai distingué 4 types chromatiques dans le groupe des C. bourreti et 2 dans celui de C. picturata (composé d’une vingtaine de spécimens).S’agit-il d’une simple variabilité individuelle ou de formes appartenant à différentes populations ?Etant donné l’étendue relativement limitée du terri-toire de ces deux espèces, l’existence de popula-tions présentant des phénotypes distincts semble peu probable, on peut donc être tenté de croire à l’hypothèse de la variabilité individuelle, mais sans certitude à ce stade. Avant que cette question soit tranchée, on ne peut totalement écarter le risque d’une production d’hybrides en élevage.

Je compte bien retourner au Vietnam pour les an-nées futures et prolonger mes observations en es-pérant fortement que ces animaux y vivront encore.

RemerciementsJe remercie les éleveurs et naturalistes rencon-trés autour de notre intérêt commun pour les tortues d’Asie : Herbert Becker, Hoang Minh Toan, Ron de Bruin, Harald Artner, François Charles. J’ai également une reconnaissance infinie envers mes amis disparus, Hans Dieter Philippen et Henk Zwartepoorte, qui m’ont honoré de leur amitié. ◗◗

AuteurBenjamin Leprince

Bibliographie• Blanck, T., W. P. McCord & Le Minh 2006. On the variability of Cuora trifasciata (Bell, 1825), the rediscovery of the type specimen, with descriptions of a new Cuora species and subspecies, and remarks on the distribution, habitat and vulnerability of these species. Frankfurt: Chimaira.152 pp.• Bourret, R. 1941. Les tortues de l’Indochine. Institut Océanographique l’Indochine 38:1-235• IUCN 2016. The IUCN Red List of Threatened Species. Version 2016-3. <http://www.iucnredlist.org>. Downloaded on 07 December 2016.• Iverson, J. B. & McCord, W. P. 1992. A new subspecies of Cuora galbinifrons (Testudines: Batagurinae). Proc. Biol. Soc. Washington 105: 433–439.• Sang, Nguyen Van; Ho Thu Cuc, Nguyen, Quang Truong 2009. Herpetofauna of Vietnam. Chimaira, Frankfurt, 768 pp.• Sterling, Eleanor Jane, Martha Maud Hurley and Le Duc Minh. Vietnam: A Natural History. 2006: Yale University Press.• Struijk, R. 2010. European Studbooks: Cuora bourreti, Cuora galbinifrons and Cuora picturata. Turtle Survival Alliance Magazine 10: 33-34.• Turtle Taxonomy Working Group [Van Dijk, P.P., Iverson, J.B., Rhodin, A.G.J., Shaffer, H.B., And Bour, R.]. 2014. Turtles of the world, 7th edition: annotated checklist of taxonomy, synonymy, distribution with maps, and conservation status. In: Rhodin, A.G.J., Pritchard, P.C.H., van Dijk, P.P., Saumure, R.A., Buhlmann, K.A., Iverson, J.B., and Mittermeier, R.A. (Eds.). Conservation Biol- ogy of Freshwater Turtles and Tortoises: A Compilation Project of the IUCN/SSC Tortoise and Freshwater Turtle Specialist Group. Chelonian Research Monographs 5(7):000.329–479, doi:10.3854/ crm.5.000.checklist.v7.2014.

Trois spécimens Cuora picturata.

Cuora bourreti. Cuora bourreti, C. picturata et C. mouhotii.