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L’histoire et l’autorité du Codex d’Alep Yosef Ofer Le Codex d’Alep (Keter Aram Ẓova) est une des manuscrits anciens de la Bible les plus importants. Il fut écrit à Tibériade au début du X e siècle et, à cause de son grand prestige, le titre keter (couronne ; en arabe taj) lui a été attribué peu après son achèvement. Les mots Aram Ẓova furent ajoutés quelques siècles plus tard, quand le manuscrit trouva un nouveau foyer dans la communauté juive syrienne d’Alep, que les Juifs appelaient Aram Żova. Les vicissitudes de cet important manuscrit, tant au moyen âge qu’à une époque plus récente, seront discutés plus bas. Mais commençons avec la ville de Tibériade, où le Codex fut réalisé. Tibériade et son importance culturelle Au commencement du premier siècle de notre ère, Hérode Antipas construisit une polis administrative sur la rive occidentale de la Mer de Galilée et la nomma d’après son ami et bienfaiteur, l’empereur romain Tibère. À la période de la Mishnah et du Talmud, cette cité devint un centre majeur en Palestine, grâce à sa proximité des eaux fraîches de la Mer de Galilée, ses thermes thérapeutiques, ses savants de premier plan et ses nombreuses synagogues. Les tanna’im (sages du premier et deuxième siècles), rabbi Yosei Ha-Gelili, rabbi Shimon ben Ḥananyah, Shimon ben Azai, rabbi Meir et d’autres y vivaient. Les rabbins du Talmud identifièrent Tibériade à Rakkat,

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Lhistoire et lautorit du Codex dAlepYosef OferLe Codex dAlep (Keter Aram ova) est une des manuscrits anciens de la Bible les plus importants. Il fut crit Tibriade au dbut du xe sicle et, cause de son grand prestige, le titre keter (couronne; en arabe taj) lui a t attribu peu aprs son achvement. Les mots Aram ova furent ajouts quelques sicles plus tard, quand le manuscrit trouva un nouveau foyer dans la communaut juive syrienne dAlep, que les Juifs appelaient Aram ova. Les vicissitudes de cet important manuscrit, tant au moyen ge qu une poque plus rcente, seront discuts plus bas. Mais commenons avec la ville de Tibriade, o le Codex fut ralis.

Tibriade et son importance culturelleAu commencement du premier sicle de notre re, Hrode Antipas construisit une polis administrative sur la rive occidentale de la Mer de Galile et la nomma daprs son ami et bienfaiteur, lempereur romain Tibre. la priode de la Mishnah et du Talmud, cette cit devint un centre majeur en Palestine, grce sa proximit des eaux fraches de la Mer de Galile, ses thermes thrapeutiques, ses savants de premier plan et ses nombreuses synagogues. Les tannaim (sages du premier et deuxime sicles), rabbi Yosei Ha-Gelili, rabbi Shimon ben ananyah, Shimon ben Azai, rabbi Meir et dautres y vivaient. Les rabbins du Talmud identifirent Tibriade Rakkat, une ville fortifie mentionne en Jos19,35 comme faisant partie du territoire de Nephtali; pour des raisons halakiques, ils la considraient donc comme une cit ancienne enceinte dun mur lpoque de Josu. La cit fut aussi appele Maazyah, daprs un ancien prtre mentionn dans la Bible comme le premier de la dernire des vingt-quatre divisions de prtres qui servaient dans le Temple (1Chr24,18). Les noms Rakkat et Maazyah apparaissent dans diffrents piyyutim (pomes liturgiques) comme des appellations alternatives de la ville.Pendant de nombreuses gnrations, Tibriade fut un centre important du point de vue intellectuel et religieux. partir de 235, elle fut le sige du Sanhdrin et de ses chefs, les nesiim. Le Talmud mentionne dix lieux o le Sanhdrin fut exil aprs la destruction du Temple de Jrusalem par Titus, liste qui culmine avec Tibriade (TB, Rosh Hashanah 31a).Enfin, la cit devint le centre principal de peuplement juif en Palestine, et ce fut l que le Talmud de Jrusalem fut achev au quatrime sicle. Quand les plerinages Jrusalem furent interdits par les autorits byzantines, Tibriade devint une destination de plerinage pour les Juifs de la Diaspora.Au moyen ge, Tibriade tait la cit juive la plus importante de Palestine ainsi que de la Diaspora, dpassant mme la cit sainte de Jrusalem. Capitale de ladministration musulmane du nord de la Palestine, elle tait le noyau conomique de la rgion, entretenant des relations commerciales avec la Syrie au nord et Baghdad et la Perse lest. Au dixime sicle, la production agricole comprenait huile dolive, raisins et caroubes ainsi que coton et textiles. En fait, Tibriade tait renomme pour ses tissus, ses tissages. Le grand march juif de la ville offrait une riche varit de biens des prix imbattables. Tibriade fut prospre jusqu larrive des Croises, au tout dbut du douzime sicle. Dtruite pendant le conflit avec les Croiss, la cit fut presque entirement abandonne jusqu se reconstruction au seizime sicle. (Sur la Tibriade mdivale, voir aussi Allony19954; Assaf et Mayer 1994).Une des plus importantes activits associes Tibriade est linsertion des signes de vocalisations (nikkud) et les accents (teamim) dans le texte de la Bible et la prservation attentive du texte travers lensemble des notations appele Masorah. Dautres anciens systmes de vocalisation les systmes babylonien et palestinien nous sont connus, mais la tradition observe par les Masortes de Tibriade est reconnu comme la plus complte et la plus prcise. Les signes de vocalisation introduits Tibriade se rpandirent dans toutes les communauts juives travers le temps, et ils sont encore utiliss aujourdhui en hbreu. Abraham ibn Ezra crivit dans son trait grammatical aot (Puret) que les sages de Tibriade sont la premire autorit, parce quils comprennent les Masortes, de qui nous avons reu tout le systme de vocalisation (Lippmann 1827,7a). Ds le dixime sicle, un rudit karate, nomm Karkasani crivit que tous ses contemporains reconnaissaient lautorit de la tradition de lecture pratique en Palestinien (le systme tibrien): la grammaire devait tre explique seulement partir de lui, et non partir de la tradition babylonienne (Klar 1943, 37).Les crits dun historien arabe nous informent que Saadyah Gaon, considr comme le premier grammairien de lhbreu, a pass du temps Tibriade, inform de la tradition de lecture et dautres aspects de la langue dun savant nomm Abu Kathir Yeia ben Zekaharia (Dotran 1997, 18-19). Les noms de quelques-uns des grammairiens et des masortes qui vcurent et travaillrent Tibriade nous sont connus, parmi eux rabbi Pinhas, chef de la yeshivah, et Aiyyahu ha-Cohen he-aver (Baer et Strack 1879, 78-79).Une autre source nous fournit encore de surprenantes informations sur lusage de lhbreu par les habitants de Tibriade. Au dixime sicle, un grammairien hbreu de la ville crivit une uvre qui a t partiellement prserve dans la genizah du Caire. Il rapporte quil avait tudi les accents des gens de Tibriade, en particulier leur manire de prononcer la lettre resh lorsquils lisaient la Bible ou parlaient lhbreu. cette fin, il avait pass de longues heures dans les rues et les places de la ville, couter les gens ordinaires, en hbreu et en aramen (Allony 1970, 98-110). Cette description, crite en arabe, indique quau dixime sicle, lhbreu tait rellement parl Tibriade et non une simple langue littraire et liturgique.Le grammairien et Masorte issu de Tibriade le plus connu est Araon ben Asher, qui vcut au dixime sicle. Le texte intitul Dikdukei ha-Teamim (Grammaire des Accents) lui est attribu et une note au commencement du livre affirme que rabbi Aaron ben Asher tait du lieu de Maazyah, qui est appel Tibriade sur le rivage occidental de la Mer de Galile (Baer et Strack 1879, 1). Une autre source dclare que rabbi Aaron appartenait une dynastie senorgueillissant de six gnrations de grands Masortes. En 895, son pre, Mose ben Asher, crivit le mazor [codex] de la Bible Maazyah, la fameuse ville de Tibriade, comme cela est attest la fin dun manuscrit dcouvert au Caire (Glatzer 1989, 251-52). Cest son fils, Aaron ben Mosh de la famille Ben Asher qui vrifia, vocalisa et ajouta les signes daccentuations et les notations massortiques du plus important de tous les manuscrits bibliques, le Codex dAlep.Lhistoire mouvemente du Keter Aram ovaLhistoire millnaire du Keter fut loin dtre calme. Parfois le Codex resta au mme endroit pendant seulement une ou deux gnrations; parfois il resta immobile pendant des sicles. Habituellement, il fut dplac de lieu en lieu linitiative de ses propritaires, mais une occasion au moins, il fut vol et emport ailleurs par un conqurant tranger.Une inscription ddicatoire la fin du Keter, dsormais disparue, fournit des informations propos du dplacement de Tibriade Jrusalem aprs la mort dAaron ben Asher: le Codex devint la possession dIsral ben Simah de Basra, qui lacheta, semble-t-il, aux hritiers dAaron et le confia aux responsables de la secte karate de Jrusalem, Yoshiyahu et Yeizkiyyahu, pour le mettre labri. cette poque, il imposa de nombreuses conditions pour sa prservation et sa protection. Tant les karates que les rabbanites navaient la permission de consulter le Codex dAlep que pour satisfaire leurs doutes concernant le texte biblique, et non pour le lire ou pour ltudier.Il apparait pourtant que ces clauses ne durrent pas. Le Codex arriva Jrusalem au milieu du onzime sicle et presque immdiatement aprs, il fut vol et emport en gypte soit en 1071 par les Seldjouks ou en 1099 par les Croiss. Sachant quils pourraient en exiger une grosse somme dargent de la part dautres communauts juives pour son retour, les conqurants nendommagrent pas leur butin. Des lettres dcouvertes dans la genizah mentionnent des manuscrits qui furent rachets aux Croiss Ashkelon, avec laide de Juifs gyptiens, et il est possible que le Codex dAlep en ait fait partie (Goitein 1980, 231-35). En tout cas, il fut mis la ranon par ses ravisseurs et atteignit la synagogue rabbanite de Fustat (Le Caire). Comme nous le verrons plus tard, Maimonide consulta le Codex lors de son sjour en gypte. De l, il fut emport Alep en Syrie, apparemment au cours du quatorzime sicle. (Sur lhistoire du Codex, cf.Ben-Zvi 1960.)Le Keter endommag atteint IsralPendant plus de quatre cents ans, le Codex fut prserv intgralement, demeurant intact malgr le passage du temps et son itinraire troubl: Tibriade, Jrusalem, gypte, Syrie. Pendant de nombreux sicles, la communaut juive dAlep sacquitta de sa tche de gardienne de manire exemplaire, et personne nendommagea le manuscrit. Ici et l, les signes du temps taient vidents: sur certaines pages, lencre avait disparue, ne laissant que des traces; quelques pages taient craques et dchires. la fin du dix-neuvime sicle, des taches rouge violac, rsultats de lapparition dun champignon, apparurent sur la plupart des pages dans le coin infrieur, ce qui causa la XXX de certaines lettres dans les notes massortiques (Glatzer 1989, 182-83). Le Codex dAlep tait pourtant toujours le plus ancien manuscrit complet de la Bible hbraque. Lintgralit de ses 480 pages taient prserves et il tait possible de lire depuis Au commencement jusqu ses derniers mots, mon Dieu, souviens-toi de moi pour mon bonheur (Ne13,31; dans le Keter, comme dans les autres manuscrits tibrien, les Chroniques sont places aux dbut des crits, et le dernier livre de la Bible hbraque est Esdras-Nhmie). En 1943, le Professeur Umberto (Moshe David) Cassuto voyagea de lUniversit Hbraque de Jrusalem Alep, examina le Keter, et le dcrivit en dtail. Il crivit quil tait conserv dans un coffret de bois couvert de cuir rouge. Ce coffret souvre, avec le livre attach lui comme aux deux parties dune reliure ordinaire (Ofer 1989a, 279).Cassuto fut lune des dernires personnes voir le Codex alors quil tait encore intact. Le 1er dcembre 1947, deux jours aprs que les Nations Unies eurent vot la partition de la Palestine, des meutes anti-juives clatrent Alep. Le destin du Codex dAlep est dcrit dans le compte-rendu du rabbin de la ville, Moshe Tawil:Ils semparrent de quarante rouleaux de la Torah et les brlrent lextrieur avec du krosne et de lessence. Les juifs avaient peur de sortir de leurs maisons car ils taient srs dtre tu. Le gouvernement demanda aux gens de ne pas tuer, bien quils fussent autoriss voler et dtruire ce moment, ils incendirent toutes les synagogues, la Grande en particulier Quatre jours plus tard, nous sommes entrs dans la Grande Synagogue et avons vu les cendres des livres et de petits fragments Le Keter fut dcouvert gisant dans les cendres, son coffret cass en mille morceaux. (Shamosh 1987, 43)La plus grande partie du Codex dAlep fut sauve des cendres et cache dans un endroit secret, dans le but de lenvoyer en Isral la premire occasion. Les vnements entourant le sauvetage du Codex et son transfert secret en Isral sont brivement raconts sur une page jointe lui:Ce Keter Torah a t remis par le grand rabbin dAlep, Rabbi Moshe Tawil, et le Dayan (Juge), Rabbin Shlomo Zaafrani, M. Mordecai ben Ezra ha-Cohen Faham en lan 1957 pour lemporter dans la ville sainte de Jrusalem. Ce privilge fut accord M. Faham, qui accepta de risquer sa vie pour sauver [le Keter], lapporter Jrusalem et le remettre Son Excellence le Prsident de ltat dIsral, M. Itzhak Ben-Zvi. (Shamosh 1987, 117)Le Keter a t dpos lInstitut Ben-Zvi Jrusalem, et un Comit dexperts fut nomm pour prendre la responsabilit de sa conservation. Le directeur de lInstitut Ben-Zvi est le prsident du Comit et le Rishon le-Zion, le grand rabbin sfarade dIsral en est membre.Prserver les parties restantes du KeterTout le Codex dAlep ne fut pas sauv de la destruction. Les premire et dernire parties manquent, ainsi que des pages isoles au milieu (Ofer 1989a, 280-82; Glatzer 1989, 170-71). Les cinq livres complets du Pentateuque ont t perdus, sauf la fin du Deutronome, partir du mot $traXmw (miarTeka; Dt28,17). Dsormais, le dernier mot du Codex est !wyci (ciyn; Ct3,11), et la plus grande partie des Cinq Rouleaux manque (la fin de Ct, Qo, Lm; Est). Les livres de Daniel et dEsdras sont galement perdus. Rabbi Mordechai Breuer a appliqu le verset tout ce qui reste en Sion [!wycb raXnh-hanniar Bciyn] et ce qui fut laiss Jrusalem, sera appel saint (Is4,3) au manuscrit partiellement prserv, en jouant sur les mots qui ouvrent et ferment le texte actuel, miarTeka et ciyn.En 1986, le Codex dAlep fut envoy au laboratoire de conservation du Muse dIsral, Jrusalem, pour restauration. Cette opration ncessita dix ans, au cours desquels des morceaux de bande et des tches qui avaient adhr au Keter furent enlev, et lencre fut renforc aux endroits o il avait commenc se dsintgrer (Schenhav et al. 1989). Un expert du Dpartement de Microbiologie Clinique au Hadassah Medical Center examina les pages du Codex et identifia le champignon qui lavait attaqu comme appartenant au genre Aspergillus. Le champignon nest plus actif et il ny a aucune raison de craindre quil ne stende et endommage davantage le manuscript (Polachek 1988).Restauration et reconstruction des parties manquantesIl y eut de nombreuses tentatives pour localiser les pages manquantes du Codex dAlep, et de temps en temps, la rumeur courut que de telle pages avaient t retrouves dans le monde. Des individus prtendirent quils avaient vus le Keter aprs les meutes et que seules quelques pages manquaient alors; dautres dirent quils avaient trouv des pages et les avaient transmises dautres personnes. La question des pages manquantes a aussi impliqu lcrivain Amnon Shamosh, qui a propos une solution imaginaire au problme dans son roman, Michel Ezra Safra and Sons (Shamosh 1978). La srie tlvise tire de ce livre attira une grande attention en Isral. Dans lhistoire de Shamosh, les pages manquantes taient placs dans un coffre fort secret en France et disparaissaient finalement sans laisser de trace. Dans une uvre non ficitive, Ha-Keter: The Story of the Aleppo Codex (Shamosh 1987), le mme auteur consacra de nombreuses pages ce qui est exactement arriv aux parties manquantes du Codex, et en 1988, il entreprit mme un voyage sur ses traces (Shamosh 1988).En plus des 294 folios du Keter qui ont t apportes en Isral en 1957, un folio complet a t localis ce jour, ainsi quun petit fragment dun autre folio. Le folio entier, un de ceux perdus au milieu du Codex, contient un passage des Chroniques. Un membre de la communaut dAlep le trouva sur le sol de la Grande Synagogue aprs lincendie et le donna sa mre. Quelques temps plus tard, ils migrrent aux tats-Unis, o la page fut conserv dans un tiroir pendant de nombreuses annes, comme une amulette protectrice, jusqu ce quil soit apport Jrusalem en 1981, et runi au Keter (Beit-Ari 1982; Yeivin 1982).Un petit fragment dun folio de lExode est conserv dans le portefeuille dun natif dAlep qui vit New York. Il prtend tre la premire personne pntrer dans la Synagogue aprs les meutes, o il ramassa le petit morceau de parchemin sur le sol de ses propres mains. Une photographie du fragment a t publie en 1989 dans le journal Peamim (Ofer 1989b).Dautres folios et fragments du Codex dAlep seront-ils retrouvs. Seul lavenir le dira.Photographies du Codex dAlepAinsi, une grande partie du Codex demeure enveloppe de mystre mais des photographies des parties dsormais manquantes ont-elles jamais t faites?Il se trouve que deux photographies, contenant trois pages du Keter, ont t prises. Une page fut photographie la fin du xixe sicle, et deux autres furent photographies ensemble au dbut du xxe sicle. La page seule, contenant un passage de Gense27, a t publie dans un livre sur laccentuation du texte biblique crit par le savant anglais William Wickes (Wickes 1887). La deuxime photographie a t publie en 1910 dans le rcit de voyage dun missionnaire nomm Joseph Segall. Il montre les Dix Commandements tels quils apparaissent dans le Deutronome (cf.Goshen1966; les deux photographies furent aussi reproduites par Amnon Shamosh [Shamosh 1987, pl.A et p.54]).Le professeur Cassuto avait lintention de photographier le Keter ou, au moins, la premire partie du manuscrit mais aprs avoir explor plusieurs possibilits, il se rendit compte quil serait difficile dobtenir de la pellicule Alep, que les photographies seraient de pitre qualit, et quil nobtiendrait vraisemblablement pas laccord des responsables de la communaut juive. Il abandonna donc lide et sen tint copier des parties du Codex (Shamosh 1987, 105).Le travail des MassortesVoici donc lhistoire mouvemente du Codex dAlep, au cours de laquelle de nombreuses gnrations et communauts cherchrent protger le prcieux manuscrit. la fin, il souffrit de graves dommages, et des efforts furent entrepris pour localiser des pages manquantes et trouver un abri sr pour tout ce qui avait t prserv de la destruction. Pendant les longues annes o il survcut intact, un grand nombre de sages et de savants firent le voyage vers Alep afin dexaminer le Keter et enregistrer la tradition manuscrite quil prservait.Quest-ce qui rend le Codex dAlep si unique? quel point diffre-t-il dautres manuscrits de la Bible hbraque, et comment en est-il venu tre reconnu comme le manuscrit le plus autoris? Malgr son anciennet, le Keter nest pas le plus vieux manuscrit qui nous soit connu: les Manuscrits de la Mer Morte sont plus anciens dun millier dannes. Limportance unique du Codex dAlep provient du fait quil a t produit par un Massorte.Les Massortes projetrent de prserver et perptuer le texte de la Bible qui avait t transmis de gnration en gnration. cette fin, ils suivirent simultanment un bon nombre de chemin, et on doit reconnatre quils ont atteint leur but.Ils eurent le souci dtablir le texte biblique, ce quils firent en inventant la bonne manire de copier et lire la Bible hbraque. Quand ils arrivaient des traditions divergentes du point de vue de lcriture du texte et/ou la manire de le lire, ils dterminrent quelle opinion devait tre suivie. Leurs dcisions ne concernent pas seulement les versets et les mots, mais aussi chaque lettre. En se basant sur danciens livres et documents, les Massortes ont tudi attentivement la question des critures plene (pleine) et defective et ont dtermin comment chaque mot devait tre crit dans chaque cas. Par exemple, le mot twlwq (qlth; voix) est crit entirement de manire dfective en Ex9,28 (tlq). Pourtant, plusieurs versets plus tard, en 9,33, il est crit avec un wav, aprs le lamed (twlqh(), alors quen Ex20,15 (14) le wav apparat avant le lamed (tlwqh).En plus de dterminer le bon texte, les Massortes introduisirent aussi des signes de vocalisation et daccentuation entreprise dune inestimable importance pour la langue hbraque. Afin de prserver la tradition de lecture de la Bible, ils insrrent des signes de vocalisation en dessous, lintrieur et au dessus des lettres, aidant le lecteur prononcer correctement les mots. Jusqu lpoque des Massortes, il ny avait pas du tout de signes de vocalisation. Les anciens manuscrits dcouverts dans le dsert de Jude (comme les rouleaux de la Torah encore aujourdhui) ne contiennent pas de vocalisation et chaque verset le lecteur dpend de la Tradition orale. Par exemple, le mot rmayw (puis il dit) apparat frquemment dans la Bible, et chaque fois quon le rencontre, on doit savoir si laccent est sur la pnultime syllabe (rm,aYOw: wayymer) ou la dernire syllabe (rm;_aYOw: wayyomr) ou si le wav doit tre vocalis diffremment, ce qui induirait par l mme un changement de temps (rm;ayOw> weyomr, et il dira). Dans de nombreux cas, ni le contexte, ni les rgles de grammaire ne peuvent aider le lecteur, et il doit sappuyer sur la tradition reue en ce qui concerne la prononciation dun mot donn dans un verset donn.Les signes daccentuation (teamim) insrs par les Massortes indiquent la conjonction ou la disjonction des mots et la tradition mlodique pour chanter le texte. Certes, vocalisation et accentuation sont interconnectes, puisque la vocalisation de beaucoup de mots change selon laccentuation. Par exemple, le mot #ra (pays) est gnralement vocalis #r