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Officiers, à vos plumes ! Conseils à un futur écrivain Général d’armée aérienne (CR). Jean Fleury P armi toutes les préoccupations des chefs d’état-major, il en est une qui leur tient particulièrement à cœur, celle de l’image de leurs armées dans l’opinion publique. Certes, ils disposent pour cela de leurs Sirpa (Service d’informa- tion et de relations publiques des armées) tandis que les associations d’anciens leur apportent également une utile contribution. Mais il est un domaine dans lequel ils n’ont que peu d’action et où les efforts sont bien insuffisants, c’est celui des ouvrages diffusés en librairie. Le rôle premier des militaires est certes de vaincre sur les champs de bataille mais écrire pour convaincre est aussi nécessaire. Or, les publications de nos officiers sont peu connues du grand public, ce qui est fort regrettable. Il s’en est fallu de peu que mon premier livre Faire face ne soit pas diffusé car il a été longtemps refusé par les éditeurs auxquels je le présentais. Et pourtant, tiré à 2 500 exemplaires, il est aujourd’hui épuisé et quand il est proposé d’occa- sion sur la toile, il ne reste pas longtemps à l’affiche. Ayant réussi depuis à faire paraître une demi-douzaine d’ouvrages, je pense qu’il n’est pas inutile que je dévoile à ceux qui seraient tentés par l’écriture la manière de franchir un certain nombre d’obstacles, car du manuscrit à l’étal du libraire, plusieurs étapes sont à franchir. Quelques bases Il faut d’abord avoir quelque chose à dire ou à raconter et encore mieux avoir envie de le faire. Si ce n’est pas le cas, il vaut mieux s’abstenir car le résultat serait illisible et inintéressant. Écrire en français représente la première difficulté. La grammaire française est compliquée et son non-respect ne peut que faire douter des talents littéraires du rédacteur. Pour les éditeurs, la mauvaise orthographe est souvent un sujet d’agace- ment voire de moqueries et de rebuts. Nous avons acquis de mauvaises habitudes en prenant des notes abrégées lors des cours en classe préparatoire ou en faculté. L’accord du verbe avec son sujet comporte d’innombrables cas particuliers. L’emploi des majuscules n’est pas plus simple. Ainsi pour parler de l’institution, l’Armée de l’air, il faut une majuscule à 116

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Officiers, à vos plumes !Conseils à un futur écrivain

Général d’armée aérienne (CR).Jean Fleury

Parmi toutes les préoccupations des chefs d’état-major, il en est une qui leurtient particulièrement à cœur, celle de l’image de leurs armées dans l’opinionpublique. Certes, ils disposent pour cela de leurs Sirpa (Service d’informa-

tion et de relations publiques des armées) tandis que les associations d’anciens leurapportent également une utile contribution. Mais il est un domaine dans lequel ilsn’ont que peu d’action et où les efforts sont bien insuffisants, c’est celui desouvrages diffusés en librairie. Le rôle premier des militaires est certes de vaincre surles champs de bataille mais écrire pour convaincre est aussi nécessaire. Or, lespublications de nos officiers sont peu connues du grand public, ce qui est fortregrettable.

Il s’en est fallu de peu que mon premier livre Faire face ne soit pas diffusécar il a été longtemps refusé par les éditeurs auxquels je le présentais. Et pourtant,tiré à 2 500 exemplaires, il est aujourd’hui épuisé et quand il est proposé d’occa-sion sur la toile, il ne reste pas longtemps à l’affiche. Ayant réussi depuis à faireparaître une demi-douzaine d’ouvrages, je pense qu’il n’est pas inutile que je dévoileà ceux qui seraient tentés par l’écriture la manière de franchir un certain nombred’obstacles, car du manuscrit à l’étal du libraire, plusieurs étapes sont à franchir.

Quelques bases

Il faut d’abord avoir quelque chose à dire ou à raconter et encore mieuxavoir envie de le faire. Si ce n’est pas le cas, il vaut mieux s’abstenir car le résultatserait illisible et inintéressant.

Écrire en français représente la première difficulté. La grammaire françaiseest compliquée et son non-respect ne peut que faire douter des talents littéraires durédacteur. Pour les éditeurs, la mauvaise orthographe est souvent un sujet d’agace-ment voire de moqueries et de rebuts.

Nous avons acquis de mauvaises habitudes en prenant des notes abrégéeslors des cours en classe préparatoire ou en faculté. L’accord du verbe avec son sujetcomporte d’innombrables cas particuliers. L’emploi des majuscules n’est pas plussimple. Ainsi pour parler de l’institution, l’Armée de l’air, il faut une majuscule à

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REPÈRES

Armée et pas à air. L’usage en la matière, tel qu’il est formulé par les dictionnairesdes pièges de la langue française (ouvrage indispensable), est formel : on écrit laCour des comptes, l’École des mines, l’Assemblée nationale. Des agrégés de lettresont approuvé ce point de vue : la règle veut que le général l’emporte sur le parti-culier, une opinion que les militaires ne peuvent que partager. Il y a cependant desexceptions : le ministère de la Défense ou le musée de la Marine ! Pour ceux quin’ont pas encore obtenu l’agrégation de lettres, une solide base de données est ainsinécessaire.

La pratique de l’anglais ne nous facilite pas non plus les choses. Franchir laManche – ou l’Atlantique – amène à avoir des conceptions totalement différentesen matière de doubles lettres et de majuscules : agresseur et aggressor, honneur ethonor, janvier et January, etc. C’est pourtant facile, les usages sont inverses mais lesséjours en Angleterre ou aux États-Unis ont vite fait de perturber les réflexes. Leslogiciels des ordinateurs facilitent le travail mais sont loin d’être infaillibles. Unbon dictionnaire, si possible en deux volumes, donne la vérité et de plus le sensexact des mots.

Faute d’avoir une association d’anciens à l’image de celle quel’Aéronautique navale a mis sur pied – l’Association pour la recherche de docu-mentation sur l’histoire de l’Aéronautique navale (ARDHAN) – pour venir en aideaux candidats à l’édition, il est bon d’avoir un ou deux amis qui, lisant le texte,n’hésiteront pas à faire les remarques nécessaires : répétitions, redites, passages peuclairs, etc. L’avis du conjoint est souvent utile… y compris pour la paix du ménage !Enfin, un autre ouvrage de référence est indispensable, le dictionnaire des syno-nymes. Il permet d’éviter relativement facilement l’utilisation régulière et abusived’un même mot.

La publication d’articles dans des périodiques, comme Le Casoar, La Baille,Le Piège ou la Revue Défense Nationale est une bonne mise en jambes. De plus,selon l’expression usuelle, elle met l’eau à la bouche.

Deuxième étape : l’édition

Plusieurs solutions s’offrent à l’écrivain en herbe. La première est celle de lapublication à compte d’auteur. Il faut fournir à l’imprimeur le texte sous formed’un prêt-à-clicher informatisé entrant directement dans ses imprimantes. Le for-mat des pages est arrêté en accord avec celui-ci ainsi que les marges, l’interlignageet la police. Le numéro obligatoire international normalisé du livre, l’ISBN ouInternational Standard Book Number, est fourni sur demande par la Bibliothèquenationale, à qui il faut ensuite envoyer deux exemplaires de l’ouvrage. Les cartes etles photographies sont également numérisées et incluses dans le prêt-à-clicher.Mais, attention, celles que l’on trouve sur la toile ne sont pas toutes exemptes dedroits (les copyrights) : la plupart doivent être achetées à leur auteur (ou fourniesgratuitement) conformément au code de la propriété intellectuelle. Il faut choisir

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l’illustration de la couverture et rédiger un texte pour le verso du livre : ce que l’onregarde en le retournant avant de l’acheter.

La diffusion de l’ouvrage est ensuite à la charge de l’auteur qui peut soitl’offrir soit le vendre dans des salons ou autres manifestations. J’ai mené une courteenquête sur ce mode de diffusion et il semble qu’il ne faille pas espérer dépasserquelques centaines d’exemplaires vendus.

Pour obtenir une plus large diffusion, il faut s’adresser à un éditeur associéà un diffuseur disposant d’un réseau de vendeurs et de libraires. Le manuscrit estalors soumis à un comité de lecture. Il y a de bonnes chances que l’œuvre soit ren-voyée avec la mention « ne paraît pas entrer dans le cadre de nos collections » ou« ne correspond pas à notre ligne éditoriale ». Après quelques expériences malheu-reuses et la lecture d’ouvrages totalement insipides à l’exception du premier cha-pitre, j’en suis arrivé à la conclusion que ceux qui sont chargés d’examiner les textesproposés, submergés par l’avalanche des soumissions (en France, chaque annéeplus de 20 000 nouveaux titres sont mis en vente dans les librairies), se contententde lire les premières pages. Si elles suscitent leur intérêt, le livre est publié ; dans lecas contraire, il est retourné à son auteur. Dans les armées, nos chefs nous ont tou-jours demandé d’écrire de façon logique, c’est-à-dire de présenter les bases du rai-sonnement avant la conclusion ; or, les généralités n’ont souvent ni relief ni saveur.Le premier chapitre doit donc être une mise en appétit et non le début d’unelongue histoire !

De plus, les grandes maisons d’édition, les plus recherchées, ne connaissentpas l’importance du lectorat formé par les amateurs de questions militaires spéci-fiques. Elles préfèrent donc ne pas prendre de risques. D’autres ont appris que leslecteurs de ce type n’abondent pas mais savent estimer le nombre d’exemplairesqu’elles peuvent vendre. Parmi celles-ci on peut citer Vario, Altipresse, SEES pourles aviateurs. Économica a une collection « Stratégie et doctrines » et une autre« Guerres et guerriers ».

Une fois le texte accepté, un contrat est signé avec l’éditeur : les droitsd’exploitation de la propriété littéraire sur l’ouvrage sont cédés (mais il faut refuserl’exclusivité sur les œuvres ultérieures) et en contrepartie un certain pourcentage dumontant des ventes est versé, au mieux de l’ordre de 10 % du prix des exemplairesvendus, parfois un peu moins pour les premières centaines. Les charges socialescorrespondantes en sont usuellement déduites et payées directement à l’organismecollecteur. Au plan fiscal, le revenu ainsi obtenu est considéré comme un traite-ment. N’espérez cependant pas faire fortune : la moyenne des ventes des livrespubliés en France est d’environ 700 exemplaires. Avec 1 000, le résultat est hono-rable !

L’éditeur se charge de l’impression, y compris l’obtention du numéroISBN, et de la diffusion. Il arrête le prix de vente de chaque ouvrage en fonction

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REPÈRES

du prix de revient et de la chalandise espérée. Attention, certains gagnent simple-ment leur vie en vous imposant l’achat des cinquante premiers exemplaires etensuite ne se préoccupent que peu de la mise en librairie. D’autres au contraireaiment leur métier et sont d’excellent conseil. De surcroît, ils se chargent de lapublicité et envoient des exemplaires dédicacés par l’auteur aux journalistes.

Ce parcours d’obstacles et le faible niveau des ventes pourraient en décou-rager plus d’un. Ils ont tort, car être publié apporte une réelle satisfaction person-nelle. De plus, même si nous ne devons pas compter gagner notre vie par nos écrits,il restera toujours quelque chose de nos livres. Nous devons porter témoignage denotre métier, faire partager notre passion et convaincre du contraire ceux qui pen-sent que l’art militaire est inutile ou de peu d’intérêt. Et peu importe si le livre sevend peu, un jour ou l’autre, il finira par être lu. Alors, mesdames et messieurs lesofficiers, à vos plumes.

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JFK & L'INDICIBLEDÉCOUVREZ LES RAISONSPOUR LESQUELLES KENNEDYA ÉTÉ ASSASSINÉ,ET CE QUE CELA A CHANGÉ...

50 ANS SE SONT ÉCOULÉS DEPUIS L’ASSASSINAT DU PRÉSIDENT KENNEDY...SI VOUS CONTINUEZ DE PENSER QUE L’ON NE SAURA JAMAIS LA VÉRITÉ

SUR CET ÉVÉNEMENT, VOUS RISQUEZ D’ÊTRE SURPRIS.

« De loin le livre le plus important jamais écrit sur le sujet... »Gaeton FONZI, ancien membre de l’équipe d’enquête du Comité restreint de la Chambre des Représentants US sur les Assassinats.

« Probablement le livre le plus important jamais écrit sur unPrésident américain. (...) »

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