"...on peut franchir le pas, faire un essai."

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Cette étude nous aide à « comprendre les enjeux véritables de l’actualité de la politique menée en matière de stupéfiants » et, « en jetant un éclairage scientifique sur les lieux de consommation à moindres risques », l’auteur « nous ramène au cœur de cette politique de réduction des risques que les professionnels du secteur connaissent bien, mais que le public français ignore faute de débat public ». Fabrice Olivet, ASUD-Journal Les structures d’accueil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues, peuvent réduire plusieurs des risques liés à l’utilisation de drogues. En France, les associations étudient la possibilité de mener un projet pilote. L’expérience des salles de consommation encadrées a été tentée au Canada, en Australie et dans plusieurs pays européens (Suisse, Allemagne, Hollande, Espagne, Norvège et en juillet 2005, le Luxembourg) et semble indiquer que des résultats favorables à la collectivité dépendent en bout de ligne de la polyvalence des installations et de leur adaptation aux besoins de leur principal groupe cible : les personnes qui consomment des drogues. Il est donc impératif de prendre en considération les facteurs et les conditions connus pour favoriser une bonne réaction des consommateurs de drogues à ces installations. La présente étude vise à évaluer l’acceptabilité des salles de consommation à moindre risque et à déterminer les facteurs associés à la volonté d’y recourir dans une ville qui songe à établir une telle installation. La consultation des utilisateurs est un élément essentiel lorsqu’on veut évaluer la pertinence des salles de consommation à moindre risque et planifier des installations acceptables aux yeux de la société.

Citation preview

  • 1. Bernard BERTRAND"on peut franchir le pas, faire un essai."Structures daccueil avec possibilit de consommer moindre risque des drogueswww.ludic-mulhouse.org04 septembre 2005

2. Ce document est dit par lassociation LUDIC sous la licence Crative Commons by-nc-sa. Il peut tre rutilis et modifi pour toute action non commerciale condition de citer lauteur et de ne pas changer les termes de la prsente licence : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/Bernard Bertrand, chercheur en science sociale et intervenant de rduction des risques, travaille depuis plusieurs annes dans une boutique. Il est notamment linitiative du Kit sniff et lauteur de Le tourisme dassistance des usagers de drogues. Vers louverture dune salle dinjection moindre risque (LHarmattan, 2003). 3. BERTR AND BernardSignature numrique de BERTRAND Bernard DN : cn=BERTRAND Bernard, c=FR, email=BertrandBobby@ hotmail.com Motif : Je suis l'auteur de ce document Lieu : Mulhouse, France Date : 2005.09.06 07:48:50 +02'00' 4. "...on peut franchir le pas, faire un essai." 5. Bernard BERTRAND"on peut franchir le pas, faire un essai." Structures daccueil avec possibilit de consommer moindre risque des droguesCette tude a comme rfrence un article crit par Ian Malkin au sujet de la ncessit de crer des structures daccueil avec possibilit de consommer moindre risque des drogues : Malkin I., Establishing supervised injecting facilities: A responsible way to help minimise, Melbourne University Law Review, 2001, Volume 25, n3, p. 680. 6. Du mme auteur Le tourisme dassistance des usagers de drogues. Vers louverture dune salle dinjection moindre risque, Paris, LHarmattan, 2003. 7. PrfaceD. comme drogue ! Un best-seller des annes 70, compilation de ragots vaguement scandaleux et de pseudo-statistiques, avait capt lanthropomorphisme bizarre relatif aux stupfiants. Dans le sillage dune prohibition sans faille, vieille de presque 100 ans, la Drogue existe comme un personnage de roman. On ne dit pas Sir Artur Conan Doyle fumait gnralement 0,8 gr de marijuana le matin aprs son th, puis il lui arrivait de sniffer entre 25 et 35 mg de cocane laprs midi et tous les soirs, il avalait 1/2 g dopium Afghan , on dit lauteur de Sherlock Holmes prenait de LA Drogue . Bref on ne dit rien. Quant aux pauvres consommateurs, ce ne sont ni des droguant ni des drogueurs mais des drogus, des participes passs, prsents pour exprimer labsence de participation. A linstar du zombie ou du possd, le drogu nest plus sujet mais objet. Sherlock Holmes nest plus ce fascinant personnage ayant su prserver lexquise excentricit de certains britanniques de lre victorienne. Non ! le mec qui a crit Sherlock Holmes tait un drogu !VII 8. Quest-ce-que la drogue et quest-ce quun drogu ? Pour la plupart des gens la drogue existe rellement en tant que puissance agissante. Cest une force malfique, matrialise dans un produit appel indiffremment selon les poques, marijuana, hrone crack ou ecstasy, mais surtout li un monde obscur, insondable, ou le dealer ctoie la prostitue, bref un monde de tnbres sur lequel on a peu de prise et o lon craint de voir englouti son enfant. Face la drogue, ltre humain nest que peu de chose, si une bande de drogus croise dans les parages, tt ou tard vous risquez la contamination, ce nest quune question de temps. Pour chapper ce gouffre : un remde, lapplication stricte du commandement : et drogues point ne prendra . Hlas, dissipons une illusion pralable. Tous les remdes, tous les traitements du monde ne sont que grimaces et contorsions face au dsir de drogues. Dans le cas de la Mthadone par exemple, cest le dsir de drogues qui fonctionne, qui permet davoir un patient sagement align tous les matins derrire son comptoir. Lhypocrite rituel du soin seffondre ds lors quun docteur naf ou incomptent sobstine baisser ou augmenter le dosage de Mthadone sans tenir compte du dsir de drogues de son patient. Et surtout, ce dsir de drogues nest ni malsain ni pathologique, il exprime une pulsion lgitime de ltre humain et nous renvoie mme la question du sacr. Selon une interprtation nominaliste de la question des drogues, livresse peut tre comprise comme lacte premier de la conscience humaine. Une dmarche toujours ritualise dans la plupart des cultures. En Occident, notre rationalisme sest construit contre la religion, mais nous avons subrepticement laiss la mdecine semparer du chemin qui mne au sacr. Le clerg moderne est form dans les facs o de jeunes sorciers en blouses blanches sont initis aux mystres de notre nouveau credo : lhygine du corps et le risque zro. Ce clerg, comme lancien, subit une longue initiation, puis forme une corporation soude, avec sa hirarchie, ses revenus, ses tribunaux, une confrrie puissante campe sur les souffrances du commun et les malheurs du temps. Dans la question des drogues, ce clerg, comme lancien, pointe linfinie faiblesse du pcheur, rebaptis patient, puis propose ses remdes. En dnonant la prise de stupfiants, ce clerg comme lancien tente dliminer la concurrence dloyale des sorciers et des hrtiques, dj grands amateurs de potions vendues sous le manteau.VIII 9. Face cette confessionnalisation nouvelle manire (certain appelle cette nouvelle religion du sanitaire : lhyginisme ), des esprits forts se rebellent. La drogue nexiste, disent-ils, que parce quun tre humain la consomme. Cest lacte de consommation qui est fondateur dun phnomne que lon peut qualifi de drogue . Certes ce phnomne peut tre destructeur, mais cette destruction est cause non par une force dmoniaque suprahumaine appele drogue, mais par le choix dlibr des individus dabuser de la consommation dune substance chimique appele crack , cannabis ou alcool . Ce qui est dterminant pour justifier toutes les politiques rpressives concernant lusage des drogues, cest le refus de considrer la volont humaine comme lment primordial du processus. Une volont voluptueuse, sans aucun doute ou plutt un dsir divresse. Cest le dsir qui fait le drogu et livresse qui fait la drogue. Mais le dsir divresse nest pas forcment une pulsion irrpressible et chaotique. Le dsir de drogues est lgitime, il rapproche la crature de son crateur en lui drobant les cls du bonheur sur terre. En utilisant les proprits euphorisantes de la vigne ou du pavot, lhomme saffranchit de la fatalit de la souffrance, il pose un acte de libert fondamentale. Hlas cette posture sent furieusement le souffre, les grands prtres de lhyginisme agitent lpouvantail de la dpendance, tout en proposant leurs incantations et leurs fioles. Lusage de drogues serait-il un acte de rsistance aux nouveaux inquisiteurs ? Qui dit rsistance dit transgression ! Dans lesprit du public, la violence est habituellement associe la question des drogues. Traditionnellement le thme de la scurit est inhrent la fameuse lutte contre la toxicomanie . Or cette violence nest pas structurellement lie lacte de consommer une substance illicite. Tout au moins il semble important de pouvoir dterminer exactement ce qui fait violence. Est-ce la drogue ? Est-ce linterdit ? Est-ce la transgression ? Ds lors que lon sort des reprsentations strotypes, quest-ce qui se cache derrire lamalgame entre drogues et criminalit ? Quest-ce qui ressort des contextes lgislatifs, psychologiques et culturels dans lesquels ces drogues sont consommes ? Pour sen tenir aux drogues illicites, on ne peut sempcher de rapprocher la violence des lieux de deal et celle qui affleure parfois dans les centres de soins. Or cette violence ne peut tre exempte de toutes rfrences au contexte lgal. En fait le soubassement de toute pense concernant les drogues nest-il pas dadmettre que la premire violence, celle qui enIX 10. quelque sorte est fondatrice de toutes les autres, est celle que fait peser sur lensemble des usagers la menace des 1 5 ans de prison fermes pour le dlit de simple usage ? Ce pralable ne prtend rien justifier, tout au plus il permet de relativiser certains comportements, non pour les excuser, mais pour mieux les apprhender et ventuellement les prvenir. La violence de la loi qui pnalise lusage de stupfiants se double de la violence inhrente linstitution du soin, ce cocktail indit entre violence institutionnelle et violence rpressive ne peut pas ne pas avoir de consquences sur la psychologie des usagers. Alors rsumons-nous. Lusage des drogues serait donc dlibre, et parfaitement intentionnelle, le tout dans une perspective hdoniste voire picurienne, rien voir avec la maladie grave que lon vend sous lappellation toxicomanie . De plus, labsence de lgalit qui environne toutes les tapes dacquisition et de consommation des produits serait les vritables facteurs de violence de lunivers de la consommation de drogues. Donc ni malades, ni dlinquants. Mais alors quoi ? En matire de drogues lEurope se dirige lentement vers la fondation dun modle de prise en charge alternatif la politique amricaine de rpression et de condamnation morale. Initie dans les annes 80 par les Pays-Bas et poursuivie un peu partout en Europe de lOuest et du Sud dans le sillage de lpidmie de sida, la politique de rduction des risques lis lusage des drogues (RDR), est un succs. Or, la RDR suppose que lon admette la lgitimit morale de lusage de drogues. Bien sr les discours officiels sont plus prudents. On nous explique que lusage doit continuer tre combattu, que la prvention primaire, celle destine aux jeunes nayant jamais consomm, doit tre maintenue comme priorit. Mais dans les faits, la seule chose que la RDR condamne clairement cest lirresponsabilit des consommateurs. Tous les maux vritables imputs LA Drogue en dcoulent. Labus, labsence de prcautions sanitaires, les cures forces ncessairement rates. Le moteur du succs cest la reconnaissance du caractre dlibr de lusage, et en plus a marche. Dabord on ne sadresse plus aux parents , ou aux jeunes , ni mme aux drogus , mais aux vrais gens qui sont en train de consommer des substances illicites, ici et maintenant. Ensuite la RDR cest la confiance retrouve, cest enfin un peu despoir aprs 30 ans de morosit. On donne des conseils utiles qui servent ici et maintenant. Comment injecter telle ou telle drogue dans des conditions deX 11. scurit sanitaire minimale ? Quelles mthodes de consommation sont-elles mme de limiter les overdoses dhrone ? A quelle frquence doit-on boire pour ne pas se dshydrater sous MDMA ? A partir de quelle frquence de consommation doit-on se considrer comme dpendant du cannabis ? Bref la politique de rduction des risques sintresse au comment on se drogue, alors que la mthode traditionnelle sintresse au pourquoi . Le changement de perspective est total. Sur le comment, la science allie au bon sens et au respect de la dignit humaine, a mille rponses. Inversement, cent ans de questionnement douloureux sur le pourquoi ne semblent pas avoir vritablement fait bouger les choses. Hlas, le public reste ignorant de ce bouleversement idologique. En gnral il ne connat de la rduction des risques que les programmes de substitution utilisant la Mthadone ou mme lhrone mdicale en lieu et place de lhrone de rue. Mais le pilier central de cette politique nest pas dordre pharmacologique. Pour reprendre la phrase emblmatique des partisans de la prohibition, il ne suffit pas de donner une drogue la place dune autre pour rsoudre le problme . Cette longue introduction, pour souligner quel point ltude de Bernard Bobby Bertrand sur louverture de structures daccueil avec possibilit de consommer moindre risques est un document capital pour comprendre les enjeux vritables de lactualit de la politique mene en matire de stupfiants. En jetant un clairage scientifique sur les lieux de consommation moindres risques, Bobby nous ramne au cur de cette politique de rduction des risques que les professionnels du secteur connaissent bien, mais que le public franais ignore faute de dbat public. Or plus encore que lutilisation des traitements de substitution, les salles de shoot , de sniff ou de chasse au dragon , sont lillustration la plus emblmatique de cette place faite la responsabilit des consommateurs. Les SCMR, comme dit Bobby, sont des petites zones libres o lexprience, la prudence et la sagacit des usagers de drogues peuvent sexprimer. Paradoxe absolu, matrialisation schizophrne de la RDR, la recette du succs tient en deux phrases :XI 12. - Comment viter que les drogus ne se tuent en se "dfonant" ? - Amnager des petites bulles de lgalit, ou tout au moins des mini-espaces de tolrance, lintrieur desquelles ils auront le droit de consommer des drogues librement. Cest absurde et cependant cest une dfinition possible des SCMR. Ajoutons que, la diffrence des scnes ouvertes , les salles de consommation sont libres du rgne des dealers (relgus aux confins) et surtout du voisinage oppressant de la police qui nexercent donc plus cette suzerainet lointaine tellement prise par les mafias de tous bords. La salle de consommation cest la RDR ltat pur, sans compromission avec le pouvoir mdical. Ce nest pas un hasard si ASUD fut lorigine de la premire exprience franaise du genre. La salle de shoot de Montpellier fut un rsum du projet associatif dASUD : rduire les risques par la citoyennet plutt que par le mdical. Les risques sont dabord et avant tout les risques lis lusage de la prohibition (produits coups ou trop purs, "arnaques", vols, arrestations, absence dhygine, ignorance sanitaire, dnis, mensonges, culpabilit, etc.) plutt qu lusage des drogues. Dernire chose, comme toutes les ralits complexes, lusage des drogues mrite des approches diversifies, au moins paradoxales si ce nest contradictoires. Les salles de consommation ne font pas exception. Nous militons depuis toujours pour le maintien de lusage des drogues dans la sphre prive, nous jetons lanathme sur la logique prohibitionniste qui fait fi de la libert individuelle pour venir dicter nos sens quelles molcules seront licites pour senvoyer en lair. Et puis voil que dans le mme temps nous demandons lEtat des subventions pour organiser des lieux publics pour se droguer collectivement. Soyons honntes. Je me souviens trs prcisment de ma visite au Fixpunkt de Ble (Suisse), dirig par Robert Hammig, un authentique humaniste laccent suisse. Ma premire sensation en entrant fut tout de mme la violence. La violence de la coke quand elle est fixe des heures durant, la violence du biseness relgu 20 mtres du centre mais dont les remous viennent frapper la porte. Violence de la misre surtout. Cette misre omniprsente dans le lieu avec sa crasse qui affleure sous lodeur persistante du dtergent, misre de la vie massacre de ces femmes, de ces hommes souvent jeunes, rarement beaux, aux "chicots"XII 13. noirtres poursuivis par les "arnaques", le tapin et la tle. Car les salles de consommation sont aussi des hangars pauvres. Le riche ne sen approche que pour se ravitailler les soirs de dches. Cest pourquoi elles nont pas bonne presse la diffrence des programmes de substitution qui sadressent la classe moyenne toxico. La salle de consommation est donc une bquille, un correctif ncessaire pour pallier aux terribles ingalits sociales amplifies par le march sauvage de la drogue. Les salles de shoot, particulirement, sont un concentr ostensible de misre. Elles ne sont daucune utilit contre la crise conomique. Mais en autorisant la frange la plus dfavorise du corps social mettre nu lune de ses plaies le plus ignores, elle remplit un office pdagogique lgard des autres. Certes nous sommes tous ingaux devant les drogues, mais les plus pauvres dentre nous sont, selon la formule consacre par Coluche, moins gaux que les autres. Laissons le mot de la fin lun des usagers interrog (Entretien n14), des mots qui ressemblent tellement ceux que lon reoit au courrier du journal dASUD et qui mriteraient dtre plus souvent populariss par la presse : Dj euh, pour moi a, a paraissait ahurissant quoi, quils ont pu faire un endroit comme a pour euh, pour les toxicomanes, pour quils puissent shooter en, on va dire en toute scurit et puis en toute tranquillit [] . Pour eux, pour nous, pour vous, merci.Fabrice Olivet, ASUD-Journal.XIII 14. Mes remerciements pour leur prcieuse collaboration : LUniversit Marc Bloch, UFR des Sciences Sociales, Dpartement de Sociologie, Strasbourg ; M. le Dr Weibel, Chef de service, Psychiatrie gnrale secteur 7, Centre hospitalier de Mulhouse ; M. le Dr Leroy, Coordinateur, Centre spcialis de soins aux toxicomanes Alter native, Centre hospitalier de Mulhouse ; M. Buttner, Directeur, Association Le cap, Haut-Rhin ; Mme le Dr Berthet, Chef de service, Centre spcialis de soins aux toxicomanes, Le cap, Mulhouse ; M. Verger, Directeur, Association Argile, HautRhin ; Mme Dillmann, Infirmire, Coordinatrice, Boutique Bmol, Argile, Mulhouse ; M. Lego, Docteur en pharmacie, Pharmacie centrale Lego, Mulhouse ; M. Bichet, Coordinateur, Association AIDES dlgation dpartementale du Haut-Rhin ; M. Mani, Directeur, Association Premire ligne, Genve, Suisse ; Mme Baudin, Coordinatrice, Quai 9, Premire ligne, Genve, Suisse ; Toute lquipe de Quai 9, Premire ligne, Suisse ; ... et toutes celles et ceux qui mont soutenu et qui mont aid en compltant mes informations. Merci pour votre disponibilit. Je remercie lassociation LUDIC et plus particulirement John Milot et Florence Laruelle qui ont particip la ralisation de ce travail, aux consommateurs de drogues qui ont accept dy participer et au laboratoire Becton Dickinson pour son soutien financier. Pour terminer, je tiens remercier Fabrice Olivet (ASUD National) pour son introduction cette tude ; Gisle Boehm (Educatrice spcialise) et Christiane Dillmann (Infirmire D.E.) qui ont accept de la lire et de corriger mes imperfections de la langue franaise. 15. Table des abrviationsBHDBuprnorphine Haut Dosage.DGSDirection Gnrale de la Sant.ECIMUDEquipe de Coordination et dIntervention auprs des Malades Usagers de Drogues.InVSInstitut de Veille Sanitaire.JOJournal Officiel de la Rpublique franaise.MDMAMthylne-Dioxy-MtAmphtamine, molcule synthtique appartenant la famille des amphtamines.MILDTMission Interministrielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie.OEDTObservatoire Europen des Drogues et des Toxicomanies.OFDTObservatoire Franais des Drogues et des Toxicomanies.OMSOrganisation Mondiale de la Sant.ONUOrganisation des Nations Unies.ONUSIDAProgramme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA.PESProgramme dEchange de Seringues.RDRRduction Des Risques lis lusage de drogues.SCMRStructure daccueil avec possibilit de Consommer Moindre Risque des drogues psychoactives.SIDASyndrome dImmuno Dficience Acquise.UDUsagers de Drogues.VHCVirus de lHpatite C.VIHVirus de lImmunodficience Humaine.XVII 16. En aug me n tan t les fard eaux s an ita ire s, so c iaux, lg aux et cono miq ues lis lu sage de drogu e d ans le bu t d e min imiser le no mbr e d e personn es qui s y adonn en t, la base m me d e la proh ib ition cau se p lus de do mmag es n e ts aux ind iv idus et la s o c i t q u u n e ac c ep t a t io n d u c ar ac t r e inv i t ab l e d u n e ce r t a i n e conso mma tion [ ]. De p lus en p lus d e d ir ig e ants, au tour du mo nde, r econn aissen t qu e la p lup ar t d es prob lme s asso cis aux drogu es illgales rsu lten t d e la proh ib ition, p lu t t que dtre d es consquen ces in v itab les d e p ropr i ts ph ar maco log iques d es substances .Alex Wodak et Ron O wen s (1996 : 7). 17. IntroductionLa stratgie et les politiques sur la drogue en France : de la prohibition vers la rduction des risques 18. La stratgie et les politiques sur la drogue en France : de la prohibition vers la rduction des risques Il n'y a pas de socit sans drogues, il n'y en a jamais eu. Il n'y a pas non plus de solution miracle, ni en France, ni dans aucun pays. En revanche, il existe des rponses efficaces, afin d'viter les consommations dangereuses et rduire les risques lorsqu'il y a usage . Nicole Maestracci, Prsidente de la MILDT de 1998 2002, Drogues : savoir plus, risquer moins, p. 9.1. INTRODUCTION La France a connu partir dueXIXsicle, quatre vagues importantes de consommationde drogues que les mdecins hyginistes de cette poque ont appel "pidmie". La premire a eu lieu en 1880 avec la morphine, puis lopium, la cocane au dbut dueXXsicle et enfinlhrone partir des annes 1970. Cest en 1916, au moment de lpidmie de cocane que le lgislateur franais met en place le premier dispositif prohibitionniste et interdit en outre la consommation en public de drogues. 1 Le 31 dcembre 1970 2 , en sappuyant sur la convention unique de 1961 3 , la France devient le seul grand pays europen [] adopter une attitude aussi radicale dun interdit complet de la consommation de tous les produits classs comme stupfiants (C. Trautmann, 1990 : 22). Les sanctions encourues vont dune mesure de rappel la loi (article 41-1 du code de la procdure pnale) une peine correctionnelle dun an demprisonnement et dune amende de trois mille sept cents cinquante euros (article L.3421-1 du code de sant publique, ancien article L.628). Peu de temps aprs, elle interdit galement la vente libre des seringues 1Seule la consommation en public est rprime. Loi du 12 juillet 1916 sur l'importation, la dtention et l'usage des substances vnneuses et notamment l'opium, la morphine et la cocane, JO du 4 juillet 1916. 2 Loi n70-1320 du 31 dcembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et la rpression du trafic et de lusage illicite des substances vnneuses, JO du 22 septembre 2000. Tous les textes de lois et les dcrets franais sont sur le Site Legifrance [en ligne]. [rf. du 29 mai 2005]. Format pdf ou htm. Disponible sur . 3 La France est signataire de quatre traits internationaux : La convention internationale de lopium de 1912, modifie par le protocole de 1946, toujours en vigueur avec les pays qui nont pas ratifi la convention unique de 1961 ; La convention unique sur les stupfiants de 1961, modifie par le protocole de 1972 ; La convention sur les substances psychotropes de 1971 et la convention contre le trafic illicite de stupfiants et de substances psychotropes de 1988.3 19. (dcret n72-200 du 13 mars 1972). A partir de ce moment, la rpression devient la rponse principale la consommation de stupfiants. Comme le note Aliou Sye (2000 : 29), lorsque les drogues sont identifies un "mal absolu" et que les usagers ne sont perus qu partir des substances toxiques quils utilisent, on se trouve en face dune assimilation et dune confusion grave entre lhomme et le produit [] : le produit est mauvais, par consquent ceux qui lutilisent sont aussi mauvais . Cest au dbut dueXXsicle, que le mot "toxicomane" fait son apparition. Faisantrfrence des notions de folie, de passions destructrices et dides obsdantes, sa dfinition change selon les priodes et les auteurs. Aujourdhui, il est employ avec assurance comme sil correspondait des choses bien connues et dfinies, alors quil ne rveille en nous que des notions confuses, mlanges indistincts dimpressions vagues, de prjugs et de passions (E. Durkheim, 2004 : 22). Labsence dhomognit dans les dfinitions adoptes mme dans les milieux mdicaux, amne invitablement une confusion dans le public y compris chez les personnes directement concernes. Lutilisation trs rpondue dun langage populaire est un obstacle supplmentaire la bonne comprhension de la toxicomanie (R.G. Newmann, 1995). Emile Durkheim (2004 : 37) ajoute que nous sommes tellement habitus nous servir de [ce mot], qui revien[t] tout instant dans le cours des conversations, quil semble inutile de prciser le sens dans lequel nous [le] prenons. On sen rfre simplement la notion commune. Or celle-ci est trs souvent ambigu. Cette ambigut fait quon runit sous un mme nom et dans une mme explication des choses, en ralit, trs diffrentes. De l proviennent dinextricables confusions . Ainsi pour le public, le toxicomane, "le tox", "le drogu", "le junkie" est celui qui fait usage de drogues "dures" et plus particulirement de lhrone par voie intraveineuse. Pour dautres, et notamment le lgislateur, le champ de la toxicomanie, dit aujourdhui des addictions , englobe les drogues illicites, mais galement depuis 1999, la prise incontrle de produits licites tels que le tabac et lalcool (MILDT, 1999). Le consommateur de drogues se retrouve alors assimil un malade ou un dlinquant et le plus souvent un dlinquant et un malade. Pourtant, entre lusage de drogues et la toxicomanie, il existe diffrentes formes dusages : occasionnels (festifs ou rcratifs), rguliers et abusifs. Toutes ces nuances sont rduites au seul terme de toxicomane, augmentant la confusion sur la perception que lon a du phnomne. Pour notre part, nous utiliserons les termes "usager de drogues" psychoactives et "consommateur de drogues"4 20. psychoactives non dans le sens de dpendance 4 mais au sens dune pratique pouvant entraner une conduite risque (D. Le Breton, 1995 : 94 ; 2000 : 112).4En 1969, lOMS dfinie la toxicomanie comme une dpendance (dpendance physique, dpendance psychique et tolrance). Cependant, les tres humains peuvent tre dpendants de bien autre chose que dun produit psychoactif et la dpendance est, dans une certaine mesure, aussi un lment auquel est assujetti ltre humain. Il est donc des dpendances dites normales, qui peuvent tre physiologiques (besoins primaires : manger, respirer), sociales (rgles de la socit), affectives et ducatives.5 21. 2. AUX PRISES AVEC DES EPIDEMIES Depuis plus de vingt ans, la consommation de drogues et plus particulirement linjection de drogues, constitue une cause importante de maladies graves. La pratique dinjection a provoqu plusieurs flambes pidmiques dinfections transmissibles par le sang, notamment celles dues au VIH (ONUSIDA, 2002) et au VHC (OMS, 1997). Aujourdhui, linjection de drogues constitue le mode prdominant de transmission du VIH dans de nombreux pays, notamment en Asie, en Amrique latine et du Nord, en Russie et en Europe de lEst. La nature cache et illgale de la consommation de drogues rend difficile lestimation du nombre de personnes touches. Selon lONUSIDA (2002), il y aurait jusqu dix millions de personnes qui sinjectent des drogues travers le monde. LOFDT (2002 : 38) estime quant lui, le nombre [d]usagers dopiacs ou de cocane franais problme 5 dans une fourchette allant de 150 000 180 000. Parmi les 40 millions de personnes infectes par le VIH dans le monde, environ 3,3 millions lont t par suite de linjection de drogues (ONUSIDA, 2001). En France, les taux dinfections par transmission sanguine ont connu une hausse alarmante pendant les annes 90. En 1993, ils correspondaient plus dun quart des nouveaux cas rapports dinfection VIH. Cest seulement en 1987, que les seringues seront remises en vente libre 6 et, au contraire des pays voisins tels que la Suisse, lAllemagne et lEspagne, aucune autre mesure ne sera prise face cette catastrophe sanitaire (B. Bertrand, 2003 : 15). Aujourdhui, on observe toujours une prvalence du VIH suprieur 20 % chez les usagers injecteurs (F.F. Hamer et A.M. Downs, 2004 : 87 ; M. Jauffret-Roustide et al., 2004).5LOFDT (2002 : 16) dsigne une consommation a problme comme une [] consommation qui implique, ou peut impliquer, des dommages de nature sanitaire (somatique ou psychique), sociale (incapacit de remplir des obligations : au travail, lcole, en famille, etc.) ou judiciaire . 6 Dcret n87-328 du 13 mai 1987 (Dcret Barzac), JO du 16 mai 1987 ; Dcret n88-894 du 24 aot 1988, JO du 27 aot 1988 et Dcret n89-560 du 11 aot 1989, JO du 12 aot 1989 modifiant le Dcret du 13 mars 1972, rglementant le commerce et limportation des seringues et des aiguilles destines aux injections parentrales en vue de lutter contre lextension de la toxicomanie.7 22. Lhpatite C est galement un problme important de sant li lusage de drogues injectes et/ou sniffes. Ces pratiques de consommation sont aujourdhui reconnues comme les causes principales de contamination par lhpatite C dans les pays dvelopps (OMS, 1997). Daprs ltude Coquelicot (M. Jauffret-Roustide et al., 2004), le taux de prvalence au VHC serait de 73 % en France et le nombre de nouvelles contaminations par anne est estim entre 2 700 et 4 400 personnes chez les injecteurs (J-C. Desenclos, 2003 : 85). LInVS (M. Jauffret-Roustide et al., 2004) note que [] la faible proportion des UD parmi les nouveaux diagnostics VIH et la diminution des cas de sida depuis plus de 5 ans confirment la rduction de la transmission du VIH dans cette population. Mais dautres indicateurs, comme la baisse des ventes des seringues depuis 1999 (suggrant une possible reprise du partage) et la prvalence de lhpatite C, conduisent rester vigilant dans cette population . Les consommateurs de drogues sexposent directement un risque de dcs, en raison de la toxicit des produits consomms, du mode de consommation pouvant entraner la transmission de certaines pathologies mais galement dun mode dexistence comportant des prises de risques plus levs et des troubles psychiatriques pouvant entraner des suicides. Malheureusement, le reprage actuel nous renseigne uniquement et avec peu de prcision sur le nombre de dcs par surdose dhrone 7 (120 dcs en 2000 contre 564 en 1994) et sur le nombre de dcs par sida des consommateurs ayant utilis la voie injectable. Dominique Lopez, Hlne Martinau et Christophe Palle (2004) montrent que la mortalit sur une cohorte de personnes interpelles pour usage de drogues (hrone, cocane ou crack) est cinq fois plus leve que celle des hommes de lensemble de la population franaise, et neuf fois plus leve pour les femmes. Le 14 avril 2005, lors du dbat de lAssemble nationale sur la lutte contre la toxicomanie, le dput Jean-Paul Garraud (2005 : 2 959) dclarait quune tude rcente du professeur Pierre Kopp dmontre que, sur les 165 000 hronomanes que comptait notre pays en 1996, environ 19 800 taient dcds en 2004 un ge compris entre trente et trentecinq ans, soit environ 2 500 personnes par an .7Les dcs causs par une overdose ne sont pas signifis de la mme manire suivant les pays europens. En France, un dcs est signifi comme overdose si celui-ci intervient directement et immdiatement aprs une consommation de drogues et est certifi comme tel aprs une autopsie, une analyse toxicologique et une signalisation auprs de lOffice central pour la rpression du trafic illicite des stupfiants (OEDT, 2001 : 17).8 23. Les nouvelles consommations (Crack, ecstasy), notamment les poly-consommations, la cocane (E. Wood et al., 2003), linjection du Subutex et laccroissement de lutilisation de la voie nasale augmentent les risques (infections, dgradation physique et psychique, prises de risques). Ercan Acar (2004 : 29), travailleur social en Alsace, fait remarquer que lintroduction des traitements de substitution a fait merger de nouvelles problmatiques avec des comportements risque, principalement en ce qui concerne le Subutex travers ses msusages et sa prescription sans proposition daccompagnement social ou psychologique. Les usagers sont souvent engags dans des conduites risques importantes, avec un dveloppement inquitant de la consommation des mdicaments psychoactifs [...]. Linjection rgulire de Subutex, en recrudescence, a entran chez les consommateurs des consquences somatiques et psychologiques importantes [...] .9 24. 3. LAPPLICATION DUNE NOUVELLE APPROCHE Lanne 1993 a constitu, pour de nombreuses associations du champ de la toxicomanie et de la lutte contre le sida, une tape fondamentale dans la formalisation dune rponse la problmatique VIH et usage de drogues, en clarifiant les revendications formules et la rponse sociale mise en place. Nous assistons ainsi lmergence et lapplication dune nouvelle approche : la rduction des risques lis la consommation de drogues. Celle-ci se fonde sur deux principes : le pragmatisme et lhumanisme. Le postulat de base est que lusage des drogues est une ralit avec laquelle nous devons composer. Il convient donc de limiter, le plus possible, les risques sanitaires et sociaux lis la consommation de drogues sans ncessairement vouloir influencer celle-ci de manire directe. Anne Coppel ((a), 2002 : 21) fait remarquer [qu]il vaut mieux ne pas consommer de drogues mais si vous en consommez, il vaut mieux consommer les drogues les moins dangereuses et de faon la moins dangereuse possible ; il faut mieux ne pas sinjecter des drogues mais si vous persistez vous en injecter, alors il faut utiliser une seringue strile . Concrtement, lapproche de rduction des risques se traduit aussi par des actions de soutien dans le domaine de la sant, du social, du logement, du travail, etc. Celles-ci incluent notamment la mise disposition de moyens de prvention du sida et des hpatites comme des seringues, des cuillres, de leau, des kits sniff et dinhalation, des prservatifs, etc. Une telle politique de prvention a pour consquence de transformer la question sociale (R. Castel, 1995 : 530) en sinscrivant aux marges des cadres normatifs des politiques pnales ou sanitaires jusqualors seules lgitimes pour traiter des questions de toxicomanie. Elle modifie galement les modes dapprhension des populations usant de drogues psychoactives. Dans une dmarche base sur le principe dabstinence, le rapport des consommateurs de drogues au systme de prise en charge sinscrit dans une logique dappropriation dtourne de celui-ci et est considr comme inefficace et dangereux. Avec lavnement des interventions auprs des usagers actifs, cette conception du rapport des UD (Usagers de Drogues) au systme de prise en charge change radicalement. Lusage de "lespace public" leur est dsormais autoris puisque les interventions impliquent quils soient pris en charge quand bien mme ils se droguent. Intervenir au cur du milieu de la toxicomanie est considre comme une condition de lefficacit de la dite intervention. Toutefois, toute consommation de drogues reste11 25. aujourdhui clandestine et entrane une augmentation des risques sanitaires, notamment ceux lis aux conditions dasepsie qui ne sont pas toujours idales. La cration de nouveaux dispositifs dits bas seuil daccs, 8-9 partir des annes quatre-vingt-dix, a permis daccueillir les personnes consommatrices de drogues les moins insres, qui ne frquentaient pas ou peu des structures plus exigeantes daccs. Mais toute consommation de produit reste l aussi officiellement interdite dans ces lieux. Toutefois, comme la dit Malika Tagounit (2001 : 40) lors de la premire journe-dbat nationale organise sur les salles dinjection moindre risque, il existe une tolrance sous jacente dans les boutiques. Il sagit pour les usagers de drogues de le faire le plus discrtement possible, car sils se font surprendre, il y aura un manquement aux rgles . En 1993, le collectif de personnes et dassociations "Limiter la casse" 10 publie dans Le Monde et Libration (19 octobre 1993), un appel qui commenait par : Des toxicomanes meurent chaque jour du sida, dhpatites, de septicmie, par suicide ou par overdose. Ces morts peuvent tre vites, cest ce quon appelle la rduction des risques []. Lalternative entre incarcration ou obligation de soin est une impasse. La responsabilit des pouvoirs publics est engage comme elle le fut dans laffaire du sang contamin. Parce quune seule injection suffit pour devenir sropositif, parce que les toxicomanes sont nos enfants, nos conjoints, nos voisins, nos amis, parce quon ne gagnera pas contre le sida en oubliant les toxicomanes, limitons la casse ! . En mars 1995, le gouvernement franais rpond lappel du collectif "Limiter la casse" en mettant en vente dans les pharmacies le Stribox (kit adapt lusage de drogues injectables) et il autorise les associations menant une action de prvention du sida ou de rduction des risques chez les usagers de drogues distribuer gratuitement des seringues striles. 11 Comme le font remarquer Annie Mino et Sylvie Arsever (1996 : 75), il a fallu un 8 Le concept de bas seuil fait rfrence une approche daide destine aux usagers de drogues. Cette approche a pour principaux objectifs : laccueil et laccompagnement des usagers ainsi que la rduction des dommages lis lusage de drogues. Le concept de bas seuil implique que les offres soient faciles daccs et comportent peu dexigences. Il peut sappliquer aux diffrents aspects de la vie des usagers de drogues (F. Benninghoff, 1999). Voir galement (R. Vogt, 2002). 9 Daprs 2 enqutes, il existait, en 2004 : 154 structures RDR : 159 lieux daccueil dont 49 boutiques, 51 bus, 52 quipes de rue, 35 PES non identifis, 7 programmes dhbergement de type sleep in, 48 quipes dintervention en milieu festif dont 9 spcifiques (Enqute AFR), 241 distributeurs de seringues et 222 rcuprateurs de seringues sur 54 dpartement (Enqute SAFE). 10 La premire runion du collectif a eu lieu le 25 mars 1993 Paris. En 1998, le collectif "Limiter la casse" est devenu lAssociation Franaise pour la Rduction des risques lis lusage de drogues (AFR). 11 Dcret n95-255 du 7 mars 1995, JO du 9 mars 1995 modifiant le Dcret du 13 mars 1972, rglementant le12 26. mouvement dopinion dpassant le milieu mdical pour faire reconnatre le droit des toxicomanes la survie . Les traitements de substitution aux opiacs (Mthadone et Subutex) acquirent un cadre lgal. Lauto support 12 se dveloppe et prend une dimension nationale au travers, notamment de la multiplication des groupes ASUD 13 en province. Comme le note Elisabeth Jacob (1996 : 117), on peut se demander si, en palliant les dysfonctionnements et les insuffisances du systme traditionnel, la fonction de ces nouveaux dispositifs nest pas de venir masquer les ambiguts portes par la loi et faire lconomie dune rflexion et dun investissement suffisamment consquent pour donner lieu une vritable politique en matire de toxicomanie qui ne dpendrait pas du degr de tolrance des dcideurs politiques. Malgr la russite extraordinaire de la politique de rduction des risques sur lamlioration de ltat de sant des usagers de drogues pris en charge 14 et sur la diminution du nombre de nouvelles contaminations par le virus du sida, dans les quartiers dits sensibles des grandes villes, comme dans la plupart des rgions franaises, rien ne semble avoir chang. Un observateur alsacien (P.Y. Bello et al., 2004 : 52) fait remarquer que [] chez les jeunes de lespace urbain, on constate un dveloppement de linjection : "a se remet shooter". Cela dit le phnomne est difficile apprhender puisque lintervention des forces de lordre a contribu fermer un squat qui servait de "shooting room" et o 200 personnes venaient sinjecter. Aujourdhui, le phnomne est beaucoup plus dispers et diffus. Dans le milieu urbain, les injecteurs de Subutex se remettent consommer de lhrone. Ce phnomne concerne aussi bien les anciens usagers substitus la BHD que les jeunes injecteurs primodpendants au Subutex .commerce et limportation des seringues et des aiguilles destines aux injections parentrales en vue de lutter contre lextension de la toxicomanie. 12 Traduction de langlais self-help. Regroupement de volontaires, gnralement des toxicomanes, que runit un but commun dentraide, de satisfaction de besoins partags et de rsolution dun problme social, auquel le groupe rpond par ses propres ressources. [] Dans ce cadre, la communaut toxicomane prend conscience de son existence comme groupe identitaire. Elle met en uvre une stratgie ducative visant essentiellement changer les "normes de risques" en "normes de rduction des risques" (A. Toufik, 1999 : 55). Voir galement (M. Jauffret, 2000). 13 Association dauto-support et de prvention du VIH parmi les usagers de drogues (Supra, note n12). 14 Six patients sur dix dclarent tre trs satisfaits ou satisfaits de leur traitement de substitution (AIDES, 1998).13 27. La consommation de drogues affecte toute la communaut, et pas seulement les usagers de drogues. Elle gnre dans des lieux publics une grande quantit de dchets peu attrayants et qui cotent cher ramasser. 15 Les seringues jetes sur la voie publique posent un risque pour la sant, de piqres accidentelles, de transmission de pathognes par le sang, notamment pour les employs municipaux, les gardiens et les concierges qui ramassent ces ordures, puis pour les boueurs et les trieurs qui sen occupent. Mais, en plus du problme dordures ayant trait la drogue, les attroupements de consommateurs sont largement considrs par le public comme une nuisance et une menace. Pour Elisabeth Jacob, la rduction des risques est considre comme une rponse pragmatique aux risques lis la consommation de drogues. Elle fait remarquer (1996 : 117) que les intervenants sont la fois tenus de respecter et faire respecter la loi, tout en donnant aux usagers de drogues les moyens de droger cette dernire sans prendre de risques . Ils sont pour Pierre Bourdieu et Gabrielle Balazs (1993 : 384) une sorte davant-garde dune institution qui il[s] offre[nt] des services irremplaables mais qui est toujours prte le[s] dsavouer [...] . Lanne 2003 aurait d tre lanne du changement avec la rforme de la loi du 31 dcembre 1970 car comme le note Paul Benkimoun (2005), il [tait] devenu urgent de changer la loi . Mais lt 2004, le gouvernement se drobe car il est devenu urgent de ne pas la modifier , replongeant ainsi la politique franaise en matire de lutte contre la toxicomanie dans une totale incohrence puisque quau mme moment, la loi de sant publique 2004 est vote donnant un cadre lgal la rduction des risques. 16 Une des solutions partielles proposes la consommation de drogues illicites, dans le souci dune politique de rduction des risques pragmatique, consisterai tablir, tout dabord titre exprimental, des lieux daccueil bas seuil avec possibilit de consommer moindre15Il existe peu de donnes concernant la quantit de seringues ramasses sur la voie publique. Pour exemple, il a t ramass Mulhouse, 1 495 seringues en 2000 et 1 438 en 2001 par les quipes de rduction des risques sur des lieux publics et semi-publics. 16 Article 12 de la Loi n2004-806 du 9 aot 2004 relative la politique de sant publique. JO du 11 aot 2004 (Article L.3121-3 L.3121-5 du code de sant publique) et dcret n2005-347 du 14 avril 2005, JO du 15 avril 2005, approuvant le rfrentiel national des actions de rductions des risques en direction des usagers de drogue et compltant le code de la sant publique.14 28. risque des drogues psychoactives. 17 Cest ce que recommandent notamment le Conseil National du Sida (CNS, 2001 : 131) et lAgence Nationale de Recherches sur le Sida et les hpatites virales (ANRS) (M. Jauffret-Roustide, 2005 : 28). Huit pays ont dj opt pour cette stratgie de rduction des risques : la Suisse, lAllemagne, la Hollande, lEspagne, le Canada, lAustralie, la Norvge et lAfghanistan. Mme si la question des salles de consommation moindre risque nest pas prvue dans lagenda de la classe politique, elle constitue cependant une stratgie de rduction des risques et des dommages suscitant un attrait certain pour les associations, les professionnels du secteur sanitaire et social et les riverains. 18 Un intervenant de Mulhouse (B. Bertrand, 2003 : 19) fait remarquer que si nous donnons des seringues striles, cest bien parce quelles vont tre utilises et nos interventions ont pour but que les personnes qui vont sinjecter prennent le moins de risques possible. Alors pourquoi ne pas aller jusquau bout de la logique et viter quils aillent se cacher dans des lieux dpourvus de toute hygine pour faire leurs injections. [] . Toutefois, les consommateurs de drogues sont largement absents des dbats entourant leurs instaurations ventuelles. Certes, on les consulte au moyen de questionnaires mais ces pratiques sont interrogatives et trangres une dmarche comprhensive. Il sagit ici dtudier et danalyser quelques dispositifs trangers qui ont ax leurs interventions autour de la prise en compte des pratiques des consommateurs de drogues psychoactives les plus marginaliss. Trois dispositifs, ayant chacun opt pour un mode dapproche et de captation particulire, ont t tudis : 1. Quai 9 Genve (Suisse) ; 2. MSIC (Medically Supervised Injecting Centre) Sydney (Australie) et 3. Insite Vancouver (Canada). Au travers de ces expriences respectives et en analysant les points de vue des consommateurs de drogues sur louverture ventuelle dune SCMR en France, il sagit de saisir, au-del des spcificits des structures, la manire dont elles contribuent la construction de nouveaux modes dintervention pouvant bouleverser et mettre en cause les rfrentiels professionnels dans le champ de la toxicomanie tout en introduisant un dplacement du centre de gravit des logiques de travail social. 17Le dcret n2005-347 du 14 avril 2005 couvre la possibilit dexprimenter des SCMR. Lorsquen 1995, des habitants du Xe arrondissement de Paris dcouvrent quune Boutique va souvrir dans leur quartier, que cette Boutique va accueillir de drogus qui se droguent, lorsquils comprennent quil sagit dune politique publique, finance par le ministre de la sant, la question ne manque pas dtre pose : "Vous distribuez des seringues aux toxicomanes mais o vont-ils injecter leur drogue ?" (A. Coppel (a), 2002 : 11).1815 29. En axant lanalyse autour de ces trois expriences, nous sommes partis de lhypothse suivante. Lmergence dun terrain dintervention aux interstices des dispositifs classiques de rduction des risques, qui tolre la consommation de drogues illicites lintrieur de structures bas seuil, en offrant des conditions dhygine favorable, permet une meilleure prise en charge dune population au parcours chaotique, tout en rduisant la "menace" que reprsente la consommation de drogues pour lordre public, mais galement les dommages lis celle-ci. La partie 1 ( Apprendre de lexprience dautres pays : louverture de salles de consommation moindre risque ), examine les rsultats de la mise en place de SCMR en Suisse, en Australie et au Canada, en dcrivant brivement les modles adopts. Les donnes disponibles montrent que lintgration de SCMR en tant quoutil de rduction des risques et des dommages lis la consommation de drogues, est susceptible dentraner dimportants bnfices pour les utilisateurs et pour la communaut, et que de telles initiatives devraient au moins tre exprimentes. La partie 2 ( Approche sociologique de louverture de structures daccueil avec possibilit de consommer moindre risque des drogues ) porte sur les arguments invoqus frquemment pour et contre la mise en place de SCMR. Cette partie conduit la conclusion que les arguments cits contre louverture de SCMR sont non fonds ou exagrs. La partie 3 ( Points de vue des consommateurs sur la mise en place ventuelle de lieux de consommation moindre risque ) explique le sens que revt, pour les consommateurs de drogues, lventuelle ouverture dune SCMR Mulhouse, et comment ils laboreraient un tel projet si on leur en offrait la possibilit.16 30. 4. METHODOLOGIE Nous avons choisi trois mthodes de collecte de donnes (par triangulation) : la recherche documentaire, lobservation participative et les entretiens semi-directifs.Recherche documentaire Nous avons commenc la recherche par une revue et analyse de la littrature comprenant des ouvrages scientifiques (sociologiques, pidmiologiques, etc.) prsentant de manire diversifie le sujet tudi afin de prsenter une recherche "honnte". Puis nous avons poursuivi en tudiant des documents de terrain (livres, articles, revues spcialises, recherches, rapports dactivits, comptes rendus de runion, bilans dvaluation, etc.). Plusieurs voies ont t utilises pour trouver linformation crite : lInstitut universitaire de mdecine sociale et prventive de Lausanne et de Ble, les associations de lutte contre le sida et de rductions des risques, les centres spcialiss de soins aux toxicomanes, etc. Les rfrences de ces documents ont t soigneusement tudies pour trouver les informations complmentaires. Dautres sources ont t utilises, telles que internet et les articles de presse.Observation participative Lobservation participative suppose, quel que soit le lieu o elle se ralise, une immersion pralable pour crer les conditions de la confiance et engager des changes de qualit. Ce quil faut comprendre, cest la valeur du temps pass avec le groupe que lon tudie, le temps de comprendre o sont dans lunivers des enqutes les problmes et les enjeux, les codes culturels et sociaux selon lesquels ces personnes agissent, dcrivent et justifient leurs actes. Cest dans le temps que le sociologue pourra faire la preuve quil a, lui aussi, quelque chose donner en change du droit denqute quil sollicite. Il peut donner une attention, une coute, une capacit de comprendre. Sa "volont de savoir", mme dans ce quelle a dintrusif, enveloppe aussi une forme de reconnaissance de ses enqutes (O. Schwartz, 1993 : Postfast).17 31. Pour autant, le chercheur ne doit pas chercher tre consommateur part entire. Il est primordial en ce sens de se prsenter auprs des consommateurs en tant que scientifique, non seulement pour des raisons de dontologie (viter dtre dmasqu et den subir les consquences) mais aussi pour des raisons dobjectivit (vouloir trop ressembler aux consommateurs peut amener faire une tude engage, voir militante). Il sagira de comprendreetdanalyserlexpriencedetroisSCMR(Historique,description,fonctionnement, rglement, heures douverture, quipe dintervenants, etc.). Les SCMR de Genve (Quai 9), Ble (Kontakt- und Anlaufstelle I, II et III), Madrid (Dispositivo Asistencial de Venopuncion) et Saarbrcken (Drogenhilfezentrum) ont t visites plusieurs reprises. Sur les trois structures prsentes dans ce travail, seul Quai 9 en Suisse a fait lobjet dune observation participative (fvrier 2005). Le travail danalyse des deux autres structures (MSIC en Australie et Insite au Canada) sest fait partir dune base documentaire assez fournie, de participation des colloques internationaux et de lobservation des diffrentes structures visites.Entretiens semi-directif Afin de connatre les points de vue des consommateurs de drogues sur la mise en place ventuelle de SCMR, un guide thmatique dentretien a t labor aprs inventaire et analyse des tudes trangres du mme type. Il a t ensuite test auprs de cinq consommateurs de produits psychoactifs afin den valuer la pertinence, la lisibilit et la comprhension (cf. Annexe n2, p. 103). Par la suite, un chantillon de consommateurs de drogues psychoactives a t interrog sur une priode dun mois (janvier 2005). Dans sa forme finale, la grille dentretien tait compose de trois parties : 1. Points de vue concernant les salles de consommation moindre risque (Ce que pense la personne de louverture ventuelle dune SCMR ; Types de services offerts dans la SCMR ; Fonctionnement et amnagement de la SCMR ; Rglement de la SCMR ; Utilisation projete de la SCMR) ; 2. Histoire et produits (Anciennet dans lusage ; Produits consomms ; Lieu de consommation ; Exprience de surdose, etc.) et 3. Informations gnrales (Sexe ; Age ; Enfants ; Lieu dhabitation, etc.).18 32. Les entretiens ont t effectus par le chercheur avec la collaboration des membres de lassociation dauto-support LUDIC 19 car la connaissance et la proximit du milieu que lon interroge permet de plus grandes facilits pour entrer en contact avec celui-ci, avec la possibilit douvrir des interactions sur le registre de lchange social ordinaire. Comme le note Pierre Bourdieu (1993 : 1 395) propos du travail de recueil de donnes en sociologie : [], lorsque linterrogateur est socialement trs proche de celui quil interroge, il lui donne, par son interchangeabilit avec lui, des garanties contre la menace de voir ses raisons subjectives rduites des causes objectives [...] Dautre part, se trouve ainsi assur en ce cas un accord immdiat et continment confirm sur les prsupposs concernant les contenus et les formes de communication : cet accord saffirme dans lmission ajuste, toujours difficile produire de manire consciente et intentionnelle, de tous les signes non verbaux, coordonns aux signes verbaux, qui indiquent soit comment tel ou tel nonc doit tre interprt, soit comment il a t interprt par linterlocuteur . Pour cela, les volontaires de lassociation LUDIC ont particip deux sances de formation o dans un premier temps toutes les questions ont t relues afin den comprendre le sens. Puis dans un second temps, des mises en situation ont t effectues (un enquteur et un consommateur). Pour notre tude, nous avons rencontr 25 personnes (on trouvera en annexe n3, p. 111 118 une prsentation des consommateurs interrogs), soit 22 hommes et 3 femmes. Leurs ges varient entre 21 et 48 ans (moyenne : 32,5). Les personnes interroges ont t rencontres dans le cadre de programmes de rduction des risques (Trait dUnion/AIDES DD68 et boutique BEMOL/ARGILE), dune association dauto-support (LUDIC), de CSST (ALTER NATIVE et LE CAP) de Mulhouse et directement sur prise de contact par les consommateurs de drogues 20 afin de rpondre aux critres de diversit et dexhaustivit dune procdure dchantillonnage par contraste. Selon Alvaro Pires (1997 : 159), la reprsentativit ou la gnralisation sappuie alors dabord sur une hypothse thorique (empiriquement fonde) qui affirme que les individus ne sont pas tous interchangeables, puisquils noccupent pas la mme place dans la structure sociale et reprsentent un ou plusieurs groupes . Les entretiens ont donc t effectus dans les locaux de la boutique19Libres, Usagers de Drogues Informs et Citoyens : Association de sant communautaire pour la rduction des risques et des dommages lis la consommation de drogues (Supra, note n12). 20 Des flyers taient mis disposition et/ou distribus par diffrentes structures, par des associations, par des mdecins gnralistes et par un pharmacien afin que les personnes puissent contacter le chercheur.19 33. BEMOL/ARGILE, du CSST ALTER NATIVE, du CSST LE CAP, chez les consommateurs de drogues et dans des bars. Les entretiens ont dur entre 25 et 50 minutes. Dans un second temps, lchantillon a t invit participer un focus groupe (avril 2005) afin de mettre jour la logique interne des discours, den dgager la structure argumentative, plutt que de chercher en expliquer quelles sont les conditions sociales qui les structurent et les rendent possibles, car comme le note Ilja Maso (1989), la recherche qualitative oriente, par opposition la recherche quantitative, vise une comprhension en profondeur plutt que de prsenter des tendances de grande chelle [trad.] . Pour lanalyse des entretiens, il a t utilis les logiciels Modalisa (licence dutilisation accorde lassociation AIDES) et Tropez zoom (licence gratuite) sous Windows XP (PC).Question mthodologique : la (non) reprsentativit de lchantillon interrog ? Avant que des critiques de non-reprsentativit apparaissent sur les conclusions de cette recherche, nous allons y rpondre. Giovanni Busino (1993 : 21-45) donne une rponse cette question de reprsentativit. Il dmontre que la reprsentativit des tudes quantitatives en sciences sociales est revendique sans que lhypothse dune relation serre entre les variables de contrle (ge, sexe, catgories socio-professionnelles, etc.) et les rponses donnes soit vrifiable. Il note que [] nous navons aucun moyen pour valuer la variabilit de lestimation. Nous avons l, grce un emprunt la statistique, un outil important, mais dnu - en sociologie - de toute validit thorique et donc de lgitimit pratique (G. Busino, 1993 : 32). Plus clairement, nous pouvons affirmer que la prtention de re-prsenter les points de vue des consommateurs tout en structurant pour eux les possibilits discursives est en complte contradiction avec lobjet de recherche. Le dsir de prtendre la reprsentativit dun chantillon de personnes suppose, la prfabrication, qui, elle, ne conduit qu lanesthsie du sens. Le dsir de construire un chantillon reprsentatif sur le modle que lon prsente des sciences naturelles suppose donc limpossibilit de re-prsenter les points de vue diversifis des consommateurs en tenant compte de leurs nuances (F. Laplantine, 2002 : 67 69).20 34. Le choix daborder le sens par lintermdiaire des mots plutt que des chiffres a pour objectif de re-prsenter le sens que revt la mise en place ventuelle de SCMR pour les consommateurs de drogues, en considrant la prsentation que nous en faisons comme le fruit contingent de notre rencontre avec eux. Notre objectif est de donner la parole aux acteurs en demeurant prs de leurs mots. Cette parole est considre non comme une chose que la dmarche scientifique pourrait dcouvrir sans laltrer et la reprsenter objectivement, mais plutt comme le rsultat dun processus de construction discursive dialogique. Notons que rencontrer des consommateurs de drogues pour obtenir leurs points de vue sur les SCMR peut donner lieu, linterprtation suivant laquelle lenquteur croit que cest une bonne chose , ou quil joue un rle dans la rclamation de SCMR. Toutefois, les discours que nous allons prsenter nous laisse croire que nous avons rendu possible lnonciation de propos pouvant scarter de toute dsirabilit sociale, notamment des propos autres que ceux que les personnes interroges ont pu avoir limpression que lenquteur attendait deux ( je suis daccord avec votre projet ).21 35. Partie 1Apprendre de lexprience dautres pays : louverture de salles de consommation moindre risque 36. Apprendre de lexprience dautres pays : louverture de salles de consommation moindre risque Il est temps que nous cessions de faire la guerre la drogue et aux personnes qui en utilisent il est temps de plutt faire la paix avec les personnes qui prennent de la drogue. Nous devrions essayer, l o nous le pouvons, de limiter les dommages que les drogues font aux gens, et essayer de garder ces personnes en vie []. Les politiques en matire de drogue se dveloppent par une volution, et non par une rvolution. Nous devons abandonner la qute de solutions parfaites. Il nen existe pas . Alex Wodak et Ron Owens (1996 : 58).1. INTRODUCTION Dans les crits, les structures permettant une consommation "scurise" de drogues sont dsignes par : Local dinjection sous surveillance ; Pquerie 21 ; Shooting room ; Gassenzimmer ;Fixerstbli ;DrugInjectingroom ;Shootinggallery ;Fixpunkt ;Consumption rooms ; Salas de consumo higinico ; Supervised injecting centres ; Drogenkonsumraum ; Medically supervised injecting centre ; Safe Injection Facilities ; etc. Nous prfrons utiliser structure daccueil avec possibilit de consommer moindre risque des drogues psychoactives (SCMR) parce que la nature "scuritaire" de ces lieux est quivoque (est-il fait rfrence la violence ? la rpression policire ? aux risques de surdoses ?), parce que nous voulons insister sur le fait que la revendication de la mise en place de tels lieux ne saccompagne daucune mise en cause du rgime prohibitif et parce que les SCMR laissent la porte ouverte des modes de consommation alternatifs (par inhalation par exemple). En mai 2005, il y avait 77 SCMR dans 44 villes du monde : - 31 SCMR en Hollande : Amsterdam (9), Apeldoorn (1), Arnhem (1), Den Bosch (1), Breda (1), Eindhoven (1), Groningen (1), Heerlen (1), Maastricht (1), Nijmegen (1), Rotterdam (7), Tilburg (1), Utrecht (3), Venlo (1) et Zwolle (1) ;21Selon la littrature, une pquerie est une salle de consommation non autorise gre par les consommateurs de drogues.25 37. - 20 SCMR en Allemagne : Hamburg (8), Frankfurt (4), Hannover (1), Saarbrcken (1), Mnster (1), Wuppertal (1), Essen (1), Kln (1), Dortmund (1) et Aachen (1) ; - 17 SCMR en Suisse : Ble (3), Heerbrugg (1), Bern (1), Olten (2), Riehen (1), Schaffhausen (1), Solothum (1), Winterthur (1), Chur (1), Zurich (3), Bienne (1) et Genve (1) ; - 3 SCMR en Espagne : Madrid (1), Bilbao (1) et Barcelone (1 unit mobile) ; - 3 SCMR en Afghanistan Kaboul. Lassociation Nejat permet aux femmes consommatrices de [...] prendre de la drogue sur place [...] dans les trois centres de lassociation (E. De Lavarene et P. Zidi, 2004) ; - 1 SCMR en Australie Sydney ; - 1 SCMR au Canada Vancouver ; - 1 SCMR en Norvge Oslo ; - Dautres pays comme la Slovnie, le Luxembourg, le Portugal et la Belgique tudient la mise en place de SCMR. Les expriences trangres ont particip et participent aujourdhui encore lmergence dalternatives la prise en charge des usagers de drogues, en constituant une source dinspiration, un vivier exprimental au sein duquel certains vont aller rechercher des modles dintervention susceptibles dtre reproduits en France. Lavnement et lextension des SCMR dans plusieurs pays vont tre lorigine de transformation dans la manire de concevoir laction sociale et ouvrir une recomposition du systme de prise en charge traditionnelle, telle est en tout cas lhypothse qui a guid notre investigation.26 38. 2. DES EXPERIENCES FRANAISES DE SCMR Mme si les SCMR ne sont pas officiellement ouvertes en France, des expriences passes et prsentes existent.La "maison daccueil" dASUD Montpellier En mai 1994, lassociation ASUD Montpellier ouvre une salle dinjection de mdicaments prescrits par des mdecins et met les autorits dans lembarras (louverture officielle a eu lieu le 7 octobre 1994 en prsence du Maire de Montpellier et de nombreux mdecins et pharmaciens lors dune rception offerte par Bernard Kouchner). Situe dans une petite maison derrire la gare ferroviaire de Montpellier et en face dune usine gaz, rue du Pont-des-Lattes, ASUD Montpellier permettait une vingtaine de personnes de sinjecter moindre risque. A lentre, tait affich sur la porte, la liste des pharmaciens de garde. La salle dinjection tait une pice de dix mtres carrs avec une table, des chaises, un lavabo, des plantes vertes et un conteneur pour les seringues usages. Contre les murs, des affiches de prvention en plusieurs langues, des articles de presse, une affiche de Bob Marley et des tagres o taient stocks seringues, cuillres, tampons alcooliss, etc. Un rglement rappelait lutilisation de la salle : Casser les aiguilles de seringues aprs usage et les jeter dans la poubelle prvue cet effet ; Garder le lieu propre et ne pas y pntrer plus de deux . A ltage se trouvaient les bureaux dASUD Montpellier avec cinq salaris et des bnvoles. Dans la salle dinjection, pas de consommation dhrone, ni de cocane mais uniquement des traitements prescrits par des mdecins. Le premier dcembre 1994, le Prfet de lHrault Charles-Nol Hardy dclarait que la salle dinjection ntait pas illgale car si la substitution par injection est rprhensible aux yeux du code de la sant... elle ne lest pas ceux de la loi . Pour le commissaire de police Parat, lassociation ne troubl[ait] pas lordre public et nous nav[i]ons pas constat dinfraction, il ny a[vait] donc pas de raison dintervenir . Malgr le soutien de mdecins, de pharmaciens, dassociations telles que AIDES, Mdecins du monde, Ensemble contre le sida et de Georges Frche, le maire de Montpellier qui estimait que [...] cette salle [devait] continue[r] de fonctionner comme premier sas daccueil de toxicomanes candidats 27 39. la substitution , la DGS a mis fin la salle dinjection au courant de lt 1995 (Revue de presse ASUD, 1994-1995). Un bilan dauto valuation (C. Montaucieux, 1995 : 22) chiffre 594 le nombre de visites la "maison daccueil" dASUD Montpellier durant les trois derniers mois de 1994. Pendant cette priode, ont t dnombrs 364 injections de Temgsic, 32 dOrtnal et 57 de Monscontin dans la salle dinjection propre frquente par une vingtaine de personnes par jour.Amnagement dune SCMR dans un squat 22 Cette action a eu lieu pendant plus dun an entre 1999 et 2000 dans un btiment dsaffect dune ville moyenne. Celle-ci tait encadre par une quipe de rduction des risques intervenante en rue. Le btiment dsaffect, situ en centre ville, comportait plusieurs tages avec une multitude de salle. Ici, cest un lieu de fix, pas de deal []. Ya trois shootoirs : ici, l et l-haut expliquait un usager qui frquentait le lieu. Une des pices se trouvait au sous-sol du btiment, dune surface denviron soixante mtres carrs avec un carrelage marron au sol et au mur. La lumire extrieure clairait la pice par trois petites fentres situes en haut dun des murs. Le sol tait recouvert de morceaux de verre, de dtritus, de bouchons de seringues, de Stricup usags, de plaquettes de mdicaments vides, de botes de bire, de restes de nourriture, de papiers, etc. Les conditions sanitaires de consommation taient catastrophiques et lquipe de rue cest alors interroge sur ce quelle pouvait mettre en place pour les amliorer. Au dbut, lquipe de rue passait deux trois fois par semaine rencontrer la cinquantaine de consommateurs de drogues qui frquentait ce btiment, puis peu peu tous les jours. Lors de leur rflexion, lide damnager une SCMR a fait lunanimit au sein de lquipe. Cependant un problme se posait : le cadre juridique avec notamment larticle 222-37 alinas 2 du code pnal qui punit le fait de faciliter, par quelque moyen que ce soit, lusage illicite de stupfiants . Aprs une longue rflexion, lquipe a dcid de mettre disposition des usagers un bidon de javel dilue dans de leau, des balais et des serpillires. Suite cela, les usagers ont dcid de nettoyer la pice du sous-sol et de22Nous tiendrons secret le nom de la ville o sest droule cette action, lassociation qui la men et les rfrences documentaires.28 40. lamnager avec des matriaux trouvs sur place : une grande planche en bois et des parpaings trouvs sur place allaient servir de table et des cagettes de chaises. La salle de consommation tait prcaire mais le lieu tait propre. Plusieurs fois par jour, les usagers nettoyaient la pice leau de javel. Lquipe de rue passait tous les jours pour apporter et rcuprer le matriel (seringues, rcuprateurs de seringues, etc.) et travaillait avec les usagers autour dune ducation sur les pratiques safer use avant, pendant et aprs linjection. La SCMR pris fin avec la fermeture du btiment qui allait tre rhabilit. La documentation de cette action ne fait pas rfrence des donnes quantitatives. Dautres expriences de SCMR ont eu lieu sur diffrentes structures de rduction des risques (Boutiques, Bus, ftes techno, etc.) qui ont eu chacune des rsultats positifs en terme de frquentation, dducation et de counselling. 2323Le counselling est une technique daccompagnement de type psychologique issue des pays anglo-saxons. Il a pour but de permettre un individu de trouver en lui-mme les ressources pour faire face une situation donne. Il est plus gnralement utilis dans toutes les dmarches visant accompagner une annonce mettant en jeu lquilibre de la personne ou un changement de comportement.29 41. 3. DESCRIPTION DES DIFFERENTES STRUCTURES ETUDIEES (HISTOIRE, OBJECTIFS, FONCTIONNEMENT)Suisse La politique suisse en matire de lutte contre les toxicomanies est lgifre par la "LStup" du 3 octobre 1951. 24 La manire dont cette loi est applique travers la Suisse diffre considrablement dans toute la fdration car les cantons sont responsables de lapplication des lois fdrales. Daprs Marina Kroker (2003), le nombre de consommateurs de drogues dpendants est estim (valeur moyenne) 30 000 personnes soit 4,1 pour 1 000 habitants. 25 15 000 auraient un traitement de substitution la Mthadone, 1 200 lhrone mdicalise ; 4 000 seraient en dsintoxication et 700 en traitement rsidentiel. Les SCMR autorises par le gouvernement fonctionnent sur une base relativement tendue depuis le milieu des annes quatre-vingts, avec le soutien financier de celui-ci et dorganismes non gouvernementaux. Lpidmie du sida chez les consommateurs de drogues par intraveineuse a stimul le dynamisme et la motivation ncessaires louverture de SCMR dans douze villes suisses. Bien que la Suisse interdise tout usage de drogues depuis 1975, larticle 19a de la "LStup" qui prvoit que : 1. Celui qui, sans droit, aura consomm intentionnellement des stupfiants ou celui qui aura commis une infraction lart. 19 pour assurer sa propre consommation est passible des arrts ou de lamende. 2.Dans les cas bnins, lautorit comptente pourra suspendre la procdure ou renoncer infliger une peine. Une rprimande peut tre prononce.3.Il est possible de renoncer la poursuite pnale lorsque lauteur de linfraction est dj soumis, pour avoir consomm des stupfiants, des mesures de protection, contrles par un mdecin, ou sil accepte de sy soumettre. La poursuite pnale sera engage, sil se soustrait ces mesures.24Loi fdrale sur les stupfiants et les substances psychotropes (LStup) n812.121 du 3 octobre 1951 (Etat le 26 octobre 2004). Site des autorits fdrales de la Confdration suisse [en ligne]. [rf. du 5 janvier 2005]. Format pdf. Disponible sur . 25 En 2003, la Suisse comptait 7,3 millions dhabitants (Office fdrale de la statistique Suisse).31 42. 4.Lorsque lauteur sera victime dune dpendance aux stupfiants, le juge pourra ordonner son renvoi dans une maison de sant. Lart. 44 du code pnal suisse est applicable par analogie. a permis de rendre possible louverture lgale des SCMR. La licit des SCMR a t examine dans un avis de droit formul par le Professeur Hans Schultz (1989) et nest actuellement pas remis en cause. Depuis 1991, la politique de sant publique mene par la confdration et les cantons, appele politique des quatre piliers : 1. Prvention ; 2. Thrapie et rintgration ; 3. Rduction des risques et aide la survie et 4. Rpression et contrle, a profondment transform la scne de la drogue. Cest cette transformation visible qui a convaincu les citoyens suisses de lutilit de ces nouvelles approches. En 1997, la politique de la confdration en matire de drogues, a t soutenue par 71 % de la population lors du rejet par le parlement de linitiative "Jeunesse sans drogue", qui rclamait le retour une politique fonde sur la seule abstinence. 26 Le processus qui a conduit louverture de structures lgales fut donc volutif et tal sur plusieurs annes. Il y eut dabord un certain degr de tolrance lgard de lieux publics de consommation de drogues tel que le Platzpitz puis le Letten Zurich (1989). Ces scnes ouvertes appeles galement par ces dtracteurs "toxicoland" et "sidaland", taient frquentes par plus de mille consommateurs de drogues gs entre 16 et 30 ans et il y tait distribu plus de 12 000 seringues par jour par la municipalit. Mais des pressions forcrent le gouvernement fermer ces lieux. Devant lchec de ce geste, des lieux autoriss ont t crs. Chaque SCMR comprend gnralement un comptoir de type bar (sans alcool), une salle de counselling, une infirmerie et un ou deux espaces de consommation moindre risque (un espace dinjection et pour quelques-unes, un espace dinhalation) 27 . Lespace dinjection comporte des tables en acier inoxydable sur lesquelles les usagers prparent leur propre drogue et se linjectent laide du matriel fourni (seringue strile, eau strile, cuillre strile, coton, pansement, bougie, garrot et rcuprateur de seringues). Lespace dinhalation est prsent comme une rponse lapparition de nouvelles populations de consommateurs de26Voir initiative populaire fdrale "Jeunesse sans drogue". Site des autorits fdrales de la Confdration suisse [en ligne]. [rf. du 26 juillet 2004]. Format html. Disponible sur . 27 Une dizaine de SCMR en Suisse possde galement un espace dinhalation moindre risque.32 43. drogue et un changement dans les pratiques de consommation (F. Zobel et F. DuboisArber, 2004 : 9). Anita Marxer (1998), directrice de la Low Threshold Agency Berne, insiste sur ce qui nest pas fourni et nest pas permis : Pas la drogue, bien sr, ils doivent apporter la leur. Nous avons aussi des rgles trs strictes ; Les usagers peuvent rester ici pendant une demi-heure et ils ne peuvent pas vendre ou acheter de drogues, ni mme en faire cadeau quelquun, dans la structure. Sils dsobissent ces rgles, ils reoivent une sanction et ne peuvent plus revenir durant deux jours [trad.] . Les intervenants ne peuvent pas aider les usagers sinjecter ; Un intervenant doit tre prsent dans la salle dinjection moindre risque en tout temps ; Des mdecins y travaillent quelques heures par semaine et la structure est ouverte sept heures par jour, de cinq six jours par semaine. 28 Tous les intervenants reoivent une formation en ranimation et sont en mesure dorienter les usagers vers des structures de traitement de la toxicomanie ou des services de counselling. Anita Marxer (1998) explique : Ici, nous acceptons les gens comme ils sont. Nous ne leur disons pas de devenir sobres, mais quand ils veulent le faire, nous les aidons franchir la prochaine tape. Mais nous les acceptons dabord comme ils sont ; aussi, ils doivent avoir plus de 16 ans. Et la premire injection nest pas permise ici. Cest trs important [...] cest tout fait interdit [trad.] . Carmen Ronco et al. (1994), Kate Dolan et al. (2000) et Frank Zobel et Franoise Dubois-Arber (2004) dcrivent le degr de succs des mesures suisses pour rduire les risques associs lusage de drogues. Par exemple, chaque jour, les SCMR de Zurich et celles de Ble reoivent environ 100 usagers chacun. Dans trois structures de Zurich, il a t compt prs de 68 000 injections en une anne ; 3 000 abcs ont t traits ; 22 personnes ont t ranimes ; et il y a eu 10 interventions des ambulanciers. Kate Dolan et al. (2000 : 341) soulignent [qu]aucun dcs nest survenu dans les salles dinjection suisses, jusquici ; des intervenants croient que cela aurait entran une diminution du nombre de dcs par surdose, 28Pour comparer les diffrents fonctionnements de SCMR, nous donnons ici, une synthse du fonctionnement des SCMR allemandes. Ralf Gerlach et Wolfgang Shneider (2003) expliquent dans un rapport que les usagers ont plus de 18 ans ; ils nen sont pas leur premire injection ; ils ne suivent pas un traitement de substitution ; ils ne dmontrent pas de tendance la violence ; ils ne dealent pas ou ne partagent pas de drogues sur le site ; ils ne font pas dinjection dautres usagers ; et ils peuvent rester sur le site environ 10 minutes pour les injecteurs et 20 minutes pour les fumeurs. Les usagers nont pas sinscrire, mais leur identit est vrifie. Le personnel se compose de travailleurs sociaux, dinfirmires, de mdecins et, dans certains cas, danciens usagers de drogues. Un intervenant supervise le lieu en tout temps et aucun intervenant ne peut offrir dassistance pour linjection . A Francfort, les rsultats dautopsie ont montr une baisse du taux dinfection VIH parmi les utilisateurs de drogues : Passant de 63 % - 65 % en 1985 12 % - 15 % en 1994. Cette baisse est attribue la stratgie intgre de rduction des risques de Francfort, qui comprend des SCMR et une varit dautres services daccueil bas seuil daccs des usagers de drogues (M. Franck, 2000).33 44. dans la communaut [trad.] . Les SCMR suisses ont eu un impact positif, au-del de lamlioration immdiate de la sant des consommateurs de drogues : elles ont attnu la nuisance publique en rduisant le nombre de seringues jetes la rue (C. Ward, 2000).Quai 9 (Genve) Historique Le canton de Genve est frontalier avec la ville franaise dAnnemasse et compte, au dernier recensement, 434 500 habitants. 29 Le nombre de personnes "toxico-dpendantes" aux opiacs est estim 2 500, soit 5,7 pour 1 000 habitants. 1 500 auraient un traitement de substitution la Mthadone, 50 lhrone mdicalise ; 300 seraient en dsintoxication et 66 seraient en traitement rsidentiel (M. Kroker, 2003). La cration de lespace daccueil avec possibilit dinjection moindre risque Quai 9 est une mesure qui entre dans le cadre de la politique suisse de rduction des risques lis la consommation de stupfiants. Cest dans ce cadre que le canton de Genve a mis en place en 1991 le premier programme dchange de seringues en Suisse romande : le BIPS (Bus Itinrant Prvention Sida). A cette poque, des SCMR taient dj ouvertes en Suisse allemande mais restaient proscrites Genve. Malgr une diminution de la contamination par le VIH, le besoin damliorer les conditions dhygine de linjection est trs vite apparu, au travers le travail du BIPS, avec notamment laugmentation de la consommation de cocane et dautres produits qui a aggrav la prcarit des consommateurs sur le plan social et sanitaire. Face ce constat, le Groupe Sida Genve a dpos en 1994, un projet de SCMR. En mars 2000, le Grand Conseil adopte une motion 30 demandant au Conseil dEtat louverture dune SCMR titre exprimental. Ce dernier confie le mandat en mai 2001, au Groupe Sida Genve.31 La structure ouvre ses portes 29Source : Etat de Genve, 2003. Motion M 1332 du 17 mars 2000 demandant louverture rapide de lieux daccueil en faveur des toxicomanes . 31 Rapport M 1332-A du 21 mai 2001 du Conseil dEtat au Grand Conseil sur la motion M 1332 du 17 mars 2000. 3034 45. le 26 dcembre 2001 avec pour objectifs de : 1- Rduire les consquences ngatives lies la consommation de drogues ; 2- Promouvoir la sant des usagers de drogues en renforant les comportements de prvention ; 3- Encourager le maintien du lien social, limiter les situations dexclusion ; 4- Amliorer la situation du voisinage ; 5- Favoriser laccs aux autres institutions. En septembre 2004, le Groupe Sida Genve a transfr toutes ses actions de rduction des risques lis lusage de drogues (BIPS, Boulevards, Travail de rue et Quai 9) une nouvelle association cre cette occasion, "Premire ligne" (cf. Annexe n4, p. 119).Description de Quai 9 En arrivant la gare ferroviaire Cornarin de Genve, nous avons demand, un quidam, la localisation de la SCMR. Sans en faire un problme, celui-ci nous a donn des informations prcises. Sur le chemin en direction de la structure, nous avons demand notre chemin un autre passant. Sans hsiter, il nous indique du doigt un btiment modulaire de couleur orange. Quai 9 est implant sur un terrain mis disposition par la ville de Genve. Sur la porte dentre, il y a plusieurs affiches informant les usagers de drogues que toutes les formes de deal entraineront une exclusion automatique dun mois de la structure (cf. Annexe n8, p. 131). Quai 9 est compose dun espace daccueil non fumeur 32 qui est le point central de la structure, avec un comptoir de type bar sur une musique dambiance o des boissons sans alcool et des en-cas (yoghourts, crales, fruits, etc.) sont vendus. Cette vente permet de rmunrer un usager intervenant quelques heures par jour derrire le bar (cf. Annexe n9, p. 133). A larrire du bar se trouve galement le matriel de ranimation mdical en cas32Afin de passer dun lieu daccueil fumeur non-fumeur, une campagne de prvention nomme 1 jour de plus, par semaine, jusquau lundi 11 avril 2005 a t mene. On pouvait lire sur des panneaux daffichage des messages du type : Stop la fume passive au Quai 9 ! Ds le lundi 28 fvrier 2005... si vous faisiez une petite pause sans clop et sans alcool ?... Pour une injection moindre risque. Pour lire le journal. Pour un soin ou un conseil. Nous nous rjouissons de continuer vous accueillir dans un lieu sans fume ! .35 46. doverdose. On trouve galement dans lespace daccueil, une fontaine eau, un lavabo, un espace de parole formelle ou informelle avec deux grandes tables, un petit espace salon avec trois fauteuils et un PES situ au bar prs de lentre. Celui-ci fonctionne sous forme de consigne. Il y a galement une infirmerie avec du matriel de ranimation mdical et contre le mur, les diffrents protocoles de soins, une salle dinjection moindre risque qui peut recevoir six personnes la fois, une douche, un local de stockage, des toilettes et vestiaires pour le personnel et deux toilettes scurises pour les personnes accueillies afin dviter toutes possibilits doverdoses mortelles lintrieur. Le premier tage de la structure est rserv ladministratif et au travail dquipe. En dehors de la salle dinjection moindre risque, la structure ressemble une boutique franaise (cf. Annexe n11, p. 137).DoucheW C Homm eW C Femm ePlan dorganisation de Quai 9WC du personnelInfirmerie Salle dinjection moindre risqueBarEspace daccueilPice de stockage Accs tagePESA lentre de la salle dinjection moindre risque, on peut lire son rglement de fonctionnement (cf. Annexe n7, p. 129). Au-dessus de la porte est accroch un cran digital numro comme la poste (les tickets sont donns au PES). La salle est une petite pice rectangulaire, de couleur jaune, claire par des nons et par la lumire du jour passant travers des fentres situes en hauteur. A lentre, se trouve un lavabo avec du savon, du dsinfectant et un comptoir o se trouve lintervenant et o sont disposs des cuillres striles, le reste du matriel dinjection strile et le matriel de ranimation mdical. Derrire celui-ci, un autre lavabo. Sur les murs sont affichs des informations sur les diffrents points dinjection de lhomme et de la femme et ceux refuss Quai 9 (cf. Annexe n10, p. 135), les36 47. protocoles de dcontamination des cuillres 33 et du nettoyage du sol. Les six places dinjection moindre risque sont disposes face au mur tout autour de la pice. Deux paravents sont disposition pour les consommateurs qui dsirent un peu dintimit. Il y a une alarme lumineuse cot du comptoir afin de prvenir lquipe situe laccueil en cas de situation problmatique et une alarme sonore en cas doverdose.Fonctionnement de Quai 9 Quai 9 est ouvert tous les jours avec des plages horaires de 7 heures (lundi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 12h 19h, mercredi de 19h 21h louverture est rserve aux femmes et mardi et jeudi de 14h 21h). Un moment convivial homme allait tre mis en place quelque temps aprs notre visite (tous les 15 jours). Pour permettre le bon fonctionnement de la structure, certaines rgles doivent tre respectes. Ces rgles peuvent tre dclines en trois grand principes : 1- Les mineurs nont pas accs la salle dinjection moindre risque ; 2- Pas de trafic dans et autour des locaux et de consommation hors de la salle dinjection moindre risque et 3- Respect de la convivialit et des personnes prsentes. Il est galement rappel aux usagers que la consommation de drogues est un acte illgal. Lquipe est compose dun directeur, dune coordinatrice, de 4 infirmiers et de 8 travailleurs sociaux. Un mdecin est galement prsent trois fois par semaine. Le travail Quai 9 est divisible en quatre postes que chaque membre de lquipe occupe durant une journe avec une rotation toutes les heures : Poste 1 - Accueil : accueillir les usagers de drogues, valuation des situations, remettre un ticket aux personnes voulant utiliser la salle dinjection, PES, grer le bar et les toilettes ; Poste 2 - Salle dinjection : gestion des entres, observation des comportements, donner des conseils dhygine, distribution du matriel dinjection, alerter en cas doverdoses ou surdoses, relever les statistiques ;33Sur recommandations des Hpitaux universitaires de Genve.37 48. Poste 3 - Disponibilit accueil collectif : gestion de lespace daccueil et du primtre extrieur (deal, attroupement, violence). Disponibilit envers les usagers et faire respecter le rglement ; Poste 4 - Satellite : Renforcer et complter les autres ples. Le satellite passe trs rgulirement dans la salle dinjection. Dans ce type de structure, le premier contact est extrmement important. Cest ce moment que les choses vont se jouer. En situation normale o le degr daffluence est facilement grable par les intervenants, laccueil fait lobjet dune attention particulire. Chaque moment, chaque occasion sont investis de sens et utiliss comme autant de supports la construction dune relation. Julie Dalkiewicz (C. Mani et al., 2003 : 22), travailleuse sociale Quai 9 explique que [...] cest grce la place que nous avons tenu de rserver laccueil, que des liens peuvent se crer avec les personnes qui souhaitent bnficier du cadre de Quai 9 pour leur consommation de drogues. Cette dernire semble tre la motivation premire pour toute personne qui franchit les portes de Quai 9. La suite peut prendre un sens diffrent pour les utilisateurs et les utilisatrices du lieu, lorsque la confiance vis--vis de nous sest tablie, permettant ainsi des changes, des plaisanteries ou alors des conversations plus intimes [...] . Toutefois, en labsence dune cohsion interne et de limplication des usagers, la situation peut devenir rapidement critique. Plus laffluence est importante, plus le temps des intervenants pour essayer de crer une relation individualise est limit. Ces phnomnes sont clairants des paradoxes ports par les interventions auprs de ce public, quand elles ne sont pas relayes ou appuyes par dautres quipes ou lexistence dautres perspectives. Mme si comme lexplique Julie Dalkiewicz (C. Mani et al., 2003 : 22-23) [...] le lien se construit aussi travers les conflits. Lorsque les limites du cadre sont dpasses, il nous faut interdire pour une certaine dure laccs la salle dinjection, voire lintgralit de Quai 9. Malgr la difficult que cela peut reprsenter, la sanction permet dexprimer que lon se proccupe de la personne et quelle compte, au mme titre que les autres [...] , ce type de situation amne les intervenants focaliser toute leur attention sur les questions relatives au maintien de lordre et lvitement des transgressions, au dtriment dun travail relationnel auprs des usagers. A cela se rajoute la prsence quasi quotidienne dun policier en civil devant Quai 9, augmentant ainsi le phnomne de contrle social (A. Coppel et O. Doubre, 2004).38 49. Insertion dans le quartier Linsertion dans le quartier ne sest pas faite sans problme. A louverture et malgr la prsence dune scne de la drogue dans le quartier, la communaut na pas accept dtre mise sur le fait accompli, cela par lintermdiaire darticles de journaux. Dans un premier temps, le phnomne NIMBY (Not In My Backyard. Pas dans mon jardin) cest logiquement dvelopp dans le quartier dimplantation de Quai 9. Ce rflexe NIMBY de la communaut a permis Quai 9 de mettre en place une politique de concertation avec celui-ci (runions avec les habitants 34 , runions avec les autorits policires). Le journal Quoi de 9 au Quai 9 , publi 3 000 exemplaires et distribu dans le quartier, montre la volont de Quai 9 communiquer sur son travail et, la cration dune quipe de ramassage de seringues usages 35 , tmoigne galement dune volont de rduire les dommages et les nuisances dans le quartier. Pour Christophe Mani (2005 : 20) lintgration de Quai 9 dans le quartier dimplantation a pu tre effectue car certains lments ont t pris en considration : - Ladaptation du projet la ralit locale (ville pays) ; - La situation de lespace de prvention prs des lieux de march de la drogue et de consommation ; - Lintgration de lespace dans le tissu social (visible et non isol) ; - Prise en compte du voisinage en sachant que ce type de structure fait peur ; - Prise en compte des tensions entre les logiques de sant publique et les logiques dordre public (D. Kbler et al., 1997).Groupe de pilotage et valuation Le groupe de pilotage, prsid jusquen 2004, par Annie Mino, directrice gnrale de la sant est compos de dix membres provenant de diffrents services et structures concerns par le problme de la toxicomanie Genve et de cinq membres invits. Il a pour mission de sassurer que les moyens mis en place sont en adquation avec les objectifs fixs, de veiller au respect de lordre public, dassurer le suivi de lvaluation et de faire des recommandations. Le rapport dactivit 2002 (C. Mani et al., 2003) et le rapport dvaluation publi en 34Cinq runions avec le voisinage ont eu lieu en 2004, regroupant entre 20 et 30 personnes chaque fois. Cette quipe est compose de 6 usagers de drogues intervenant du lundi au samedi de 8h 30 10h 30 : 2 500 seringues usages ont t ramasses en 2004. 3539 50. avril 2003 (F. Benninghoff et al.) rvlent que dans la premire anne de fonctionnement de Quai 9 : - Plus de 700 personnes ont frquent la structure ; - 25 % taient des femmes et 75 % des hommes ; - Sur 162 nouvelles personnes pendant le troisime trimestre, 41 (25,3 %) taient franaises contre 23 sur 298 (7,7 %) pendant le premier trimestre ; - 30 417 injections ont t effectues (94 106 injections par jour) ; Environ un tiers des injections ont t effectues par des femmes. (40 177 injections en 2003 et 34 542 en 2004) ; - La cocane et lhrone taient les drogues les plus souvent injectes ; - 110 837 seringues ont t distribues (80 420 au PES et 30 417 seringues dans la salle dinjection) ; - 80 % des seringues ont t rcupres (100 % en ce qui concerne la salle dinjection) ; - 820 soins ont t dispenss : entre 50 et 63 % de soins somatiques, entre 17 et 36 % discussion et change dinformation, entre 11 et 22 % de soins somatiques, discussion et change dinformation, entre 10 et 18 % de relais mdicaux ; 2 040 prestations sociales individuelles et 74 collectives ; - 56 situations problmatiques (28 overdoses et 28 surdoses), 29 ont fait lobjet de lintervention des Urgences mdicales.Points de vue des consommateurs de Quai 9 La deuxime phase de lvaluation de Quai 9, mene en 2003 par lInstitut universitaire de mdecine sociale et prventive de Lausanne (S. Solai et al., 2004), sest intresse aux points de vue dun chantillon de 15 consommateurs utilisant la structure. Nous retiendrons ici, cinq des huit thmes abords dans lvaluation : Les tapes dinjection et la rptition des gestes lextrieur ; Les questions de sant ; Linfluence de Quai 9 sur la consommation ; Linfluence de Quai 9 sur le projet darrter la consommation et Quai 9 comme gnrateur de lien social. 1. Le travail dapprentissage sur lhygine dinjection semble avoir un impact positif. Une culture de lhygine dinjection commence se dvelopper parmi les consommateurs de drogues utilisant la SCMR et il y a une tendance reproduire lextrieur les gestes40 51. appris dans la SCMR malgr labsence de conditions dhygine de la rue. 2. La SCMR a une influence positive sur diffrents aspects de la sant des consommateurs de drogues. Toutefois, il semble difficile de dvelopper une responsabilit quant au maintien ou au dveloppement dune bonne sant et cela demande un travail quotidien de lquipe sur les questions de sant. 3. La SCMR na pas dimpact sur les variations de la consommation dun groupe dusagers majoritaire. Une meilleure gestion ou une diminution de la consommation sont en lien avec