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Les caractéristiques de la production La moitié des porcs est concentrée dans le quart nord-est du pays Cependant, aucune région n’apparaît marginale au plan de son cheptel por- cin. Il existe des spécialisations : les porcelets sont plutôt produits en Castille-Léon (21% des truies espa- gnoles), et engraissés en Catalogne où se trouve un tiers des porcs à l’en- grais du pays (pour seulement 21% des truies). C’est dans cette dernière Vol. 22, N O 5 - 1999 11 Organisation et développement de la production porcine en Espagne* Daniel DARIDAN Brigitte BADOUARD Pascal MARROCQ Au rythme actuel de développement de sa production porcine, l’Espagne accédera à la première place de l’Union européenne dans moins de cinq ans. Une progression qui n’est pas véritablement nou- velle puisque ce pays tient le record de la croissance depuis son adhésion à la CEE en 1986. Réservée au départ à la consommation intérieure (une des plus fortes d’Europe), celle-ci alimente depuis 1993 le développement des marchés extérieurs sur lesquels l’Espagne est de plus en plus présente. Si l’image des produits transformés l’emporte, les exportations sont de plus en plus constituées de car- casses et de pièces. Résumé O rganisée en régions autonomes dotées chacune d’un pouvoir législatif et d’un exécutif, l’Espagne est un pays difficile à appréhender. Ses diversités géographique, climatique, humaine, culturelle et éco- nomique créent autant de situations particulières qu’il est important de connaître pour mieux com- prendre l’insertion et la place du porc dans l’économie des régions. Pays jeune, en mouvement, l’Espagne a renoué il y a quinze ans avec la démocratie et s’affirme chaque jour davantage au rang des grandes puissances économiques. Son entrée dans l’euro au 1er janvier 1999 en est l’illustration, et ses perspectives de croissance pour les prochaines années, figurent parmi les plus fortes de l’Union européenne. Depuis dix ans, date de son adhésion à la CEE, l’Espagne s’est hissée parmi les majors de la production porcine. Longtemps absorbée par une très forte progression de sa consommation, la croissance de sa pro- duction alimente désormais les marchés extérieurs sur lesquels elle est de plus en plus présente. Avec un chiffres d’affaire de 630 milliards de pesetas (25 milliards de FF), la production porcine occu- pait en 1997 le premier rang des productions agricoles du pays (14% de la Production Agricole Finale), devançant même cette année là (conjoncture favorable oblige !), la production légumière. Sans contes- te, et quel que soit le niveau des prix, le porc est la première production animale d’Espagne, avec 45% du chiffre d’affaires des produits animaux, contre 21% pour les bovins et 15% chacun pour les volailles et les ovins/caprins. C’est dire son importance stratégique dans l’économie espagnole : - une activité créatrice d’emplois aux différents niveaux de la filière, alors que le taux de chômage national dépasse encore, début 1999, 18% de la population active, - une production qui n’est pas soumise aux aléas climatiques comme les végétaux, - dont les produits sont bien implantés dans les habitudes alimentaires de la population, - dont l’image et la qualité de la charcuterie-salaison se valorisent bien à l’extérieur, sur des marchés solvables. *rapport d’étude disponible à l’ITP. Editions Fax 01 40 04 53 77

Organisation et développement de la production … · Les caractéristiques de la production La moitié des porcs est concentrée dans le quart nord-est du pays Cependant, aucune

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Les caractéristiques de la production

La moitié des porcs estconcentrée dans le quartnord-est du pays

Cependant, aucune région n’apparaîtmarginale au plan de son cheptel por-cin. Il existe des spécialisations : lesporcelets sont plutôt produits enCastille-Léon (21% des truies espa-gnoles), et engraissés en Catalogneoù se trouve un tiers des porcs à l’en-grais du pays (pour seulement 21%des truies). C’est dans cette dernière

Vol. 22, NO5 - 1999 11

Organisation et développementde la production porcine

en Espagne*

Daniel DARIDANBrigitte BADOUARDPascal MARROCQ

Au rythme actuel de développement de sa production porcine,l’Espagne accédera à la première place de l’Union européenne dansmoins de cinq ans. Une progression qui n’est pas véritablement nou-velle puisque ce pays tient le record de la croissance depuis sonadhésion à la CEE en 1986. Réservée au départ à la consommationintérieure (une des plus fortes d’Europe), celle-ci alimente depuis1993 le développement des marchés extérieurs sur lesquels l’Espagneest de plus en plus présente. Si l’image des produits transformésl’emporte, les exportations sont de plus en plus constituées de car-casses et de pièces.

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Organisée en régions autonomes dotées chacune d’un pouvoir législatif et d’un exécutif, l’Espagne estun pays difficile à appréhender. Ses diversités géographique, climatique, humaine, culturelle et éco-

nomique créent autant de situations particulières qu’il est important de connaître pour mieux com-prendre l’insertion et la place du porc dans l’économie des régions.

Pays jeune, en mouvement, l’Espagne a renoué il y a quinze ans avec la démocratie et s’affirme chaquejour davantage au rang des grandes puissances économiques. Son entrée dans l’euro au 1er janvier 1999en est l’illustration, et ses perspectives de croissance pour les prochaines années, figurent parmi les plusfortes de l’Union européenne.

Depuis dix ans, date de son adhésion à la CEE, l’Espagne s’est hissée parmi les majors de la productionporcine. Longtemps absorbée par une très forte progression de sa consommation, la croissance de sa pro-duction alimente désormais les marchés extérieurs sur lesquels elle est de plus en plus présente.

Avec un chiffres d’affaire de 630 milliards de pesetas (25 milliards de FF), la production porcine occu-pait en 1997 le premier rang des productions agricoles du pays (14% de la Production Agricole Finale),devançant même cette année là (conjoncture favorable oblige !), la production légumière. Sans contes-te, et quel que soit le niveau des prix, le porc est la première production animale d’Espagne, avec 45%du chiffre d’affaires des produits animaux, contre 21% pour les bovins et 15% chacun pour les volailleset les ovins/caprins.

C’est dire son importance stratégique dans l’économie espagnole :- une activité créatrice d’emplois aux différents niveaux de la filière, alors que le taux de

chômage national dépasse encore, début 1999, 18% de la population active,- une production qui n’est pas soumise aux aléas climatiques comme les végétaux,- dont les produits sont bien implantés dans les habitudes alimentaires de la population,- dont l’image et la qualité de la charcuterie-salaison se valorisent bien à l’extérieur, sur des

marchés solvables.

*rapport d’étude disponible à l’ITP. Editions Fax 01 40 04 53 77

région que les industries de l’alimen-tation animale et de l’abattage sont leplus développées. En élargissant auxrégions voisines, c’est à dire l’Aragonet le nord de la Communauté deValence, le quart nord-est du paysregroupe 46% des effectifs porcinstotaux

La “culture” de l’intégration

Estimée au plan national à 75% desporcs produits, elle concerne surtoutles porcs charcutiers, et donc lesgrandes régions d’engraissement(bassin nord et région de Murcie) oùelle peut atteindre 85% des effectifs.En Espagne, tout le monde peut inté-grer : un éleveur qui a des truies peutfaire engraisser les porcelets à façonpar un voisin. C’est un moyen dedéveloppement couramment prati-qué. Mais l’intégration est surtout lefait des grandes industries (Vall Com-panys en tête), d’amont ou d’aval. Lesgrandes coopératives pratiquent à lafois une intégration horizontale (adhé-rents) et verticale (clients). Le déve-loppement récent du naissage, desti-né à substituer une productionnationale de porcelets aux importa-

tions des dernières années, se réalisebeaucoup sous le régime de l’inté-gration.

La production porcine n’estpas seulement le fait desagriculteurs

Il existe en Espagne une très grandeliberté par rapport aux structures. Leséleveurs de porc peuvent venird’autres catégories socioprofession-nelles que l’agriculture. Des indus-triels (aliment du bétail) peuvent êtrepropriétaires de grosses unités, ouposséder de multiples petits élevages.

Les mâles sont rarement castrés et le poids d’abattage est plutôt léger(90-100 kg vif)

Cependant, ce constat est de moinsen moins vrai : l’ouverture del’Espagne aux marchés extérieursentraîne de plus en plus de change-ments des modes de production versun porc de type européen, plus lourd.Début 1999, le nombre de structuresqui pratiquent la castration des mâless’accroît de jour en jour. Ce phéno-

mène correspond aussi à une seg-mentation de la production intérieu-re, destinée à mieux répondre auxbesoins spécifiques de la salaisonsèche espagnole.

La plupart des ventes ont lieu en vif

Peu de carcasses sont classées et,lorsqu’elles le sont, le résultat duclassement ne sert pas pour autant àpayer l’éleveur. Les machines à clas-ser dont sont équipés les principauxabattoirs servent rarement. Desméthodes descriptives (E, 1, 2, 3, 4)selon l’appréciation visuelle de l’opé-rateur, sont préférentiellement prati-quées. Plus qu’au paiement, ce clas-sement subjectif sert davantage àtrier la matière première en vue de lacommercialisation à l’aval. Il est réa-lisé sous la responsabilité de l’abat-teur.

Le marché de Lérida est directeur pour l’ensemble du pays

Une fois par semaine (le jeudi ou levendredi), il cote le porc en vif, le por-celet et la truie de réforme. C’est unlieu d’observation et de synthèse detoutes les cotations européennes. Laqualité est peu rémunérée puisque,pour le porc charcutier, il existe seu-lement 4 pesetas d’écart entre lameilleure (selecto) et la moins bonne(grasso), soit moins de 20 centimespar kg vif. La cotation de Mercoléridaest très fortement influencée par VallCompanys qui est le premier opéra-teur en Espagne, avec plus de 2,7 mil-lions de porcs produits chaque année,en intégration. D’autres cotations semettent en place ailleurs, à l’initiatived’Associations d’éleveurs (commecelle d’Araporc en Andalousie). Maisquel que soit le lieu, le prix deMercolérida sert de référence, que lavente ait lieu en vif ou en carcasse,avec des grilles de prix spécifiquespour le classement lorsqu’il est prati-qué, et la gamme de poids.

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> 1 million500 000 à1 million

100 000 à500 000

> 100 000

Répartition par provinceCheptel tous porcs, décembre 1997 (en nombre de têtes)

Source : MAPA

La production porcine espagnole est répartie sur

un territoire de 500 000 km2, équivalent à 90%

de la superficie française. Première région, la Catalogne

représente à peine plus du quart des effectifs de porcs.

La forte densité provoque l'extension de l'élevage sur les régions

voisines. Le quart nord-est du pays concentre la moitié du cheptel.

D'autres noyaux se développent, au sud-est et au centre du pays, selon des

modalités différentes.

Filière du progrès : l’appui technique en panne

Jusqu’à une période récente,l’Administration a conservé un rôleactif en matière d’appui technique etde conseil aux productions agricoles,par le biais des Services agraires dedéveloppement du Ministère de l’agri-culture, ou au niveau des Com-munautés Autonomes. Mais le pro-gramme de convergence vers l’euro(objectif de diminuer les déficitspublics) a réduit les moyens dispo-nibles. D’autant plus que la gestiondes dossiers d’aides européennes àl’agriculture mobilise le temps desagents qui pouvaient encore menerdes actions techniques. Il existe unmalaise au niveau de ces techniciens,souvent parmi les plus anciens.Pratiquement, l’appui technique lié auproduit est désormais apporté par lestechniciens des firmes coopérativeset privées, qui sont souvent des vété-rinaires.

Il n’existe pas de référencestechnico économiques d’élevage disponibles auplan national

La seule source publiée disponibleest la gestion technique élaborée parl’IRTA (GTEP), selon des modalitéstout à fait comparables à celles denotre GTTT. Elle concerne 150 000truies, soit 7% du cheptel reproduc-teur national, pour 1 100 élevagesrépartis dans 8 Communautés. Laproductivité numérique moyenneespagnole est inférieure à la moyen-ne française de 1,7 porcelet sevré partruie productive et par an. C’est laconséquence des types génétiquesutilisés (variés et plus conformés),d’une part importante d’autorenou-vellement et d’une qualité moindredes bâtiments. Cependant, cettesituation n’est pas figée, et la pro-ductivité espagnole s’améliore régu-lièrement. L’écart s’est en effet réduitau cours des dernières années, saufen 1997 où la généralisation des

truies hyperprolifiques en France estcause d’une nouvelle relance desperformances techniques.

Le coût moyen de l’alimentation est plusélevé qu’en France

Les prix d’aliment relevés par leMinistère de l’agriculture sont plusélevés que les prix français mesuréspar l’enquête FNP (environ 15 ct/kg).Cependant, il existe des différencesrégionales, avec un aliment moinscher en Catalogne, favorisée parl’existence des ports d’importation, laproximité des céréales françaises etla densité de ses usines de fabricationd’aliment. Ainsi, les prix tarifs publiésdans le bulletin interne de laCoopérative de Guissona début mai1998, sont de 29,1 Pts/kg (1,15 FF),pour un aliment croissance en granu-lé. C’est le prix moyen relevé enBretagne à la même époque (enquê-te FNP), ce qui place cet opérateurcatalan un peu plus cher que les fabri-cants d’aliment bretons les mieux pla-cés.

Les charges de structure, fac-teur de compétitivité pour laproduction espagnole

L’absence de données publiques signi-ficatives, calculées selon une métho-de unique, empêche une approchecomparative rigoureuse des coûts derevient du porc en Espagne et enFrance. Il semble toutefois admisdébut 1999, que le coût de revient duporc produit en naissage engraisse-ment varie entre 140 et 155 pesetaspar kg vif (7,30 à 8,00 FF par kg decarcasse), variable selon l’élevage, lesperformances et la région. Sous toutesréserves, cette estimation situerait leprix espagnol 1 FF à 1,50 FF en des-sous du coût moyen français.

Le coût alimentaire étant supérieur dufait des prix unitaires plus élevés del’aliment et des moindres perfor-mances techniques, l’explication du

moindre coût de revient réside dansles charges de structure. La maind’œuvre espagnole est en effet 2,5fois moins chère qu’en France, malgréla très forte croissance qui s’est pro-duite au cours des dix dernièresannées : en 1997, le SMIC moyenétait de 2 700 FF par mois contre6 500 dans notre pays. Quant auxbâtiments, ils allient simplicité etmoindre coût, ce qui conduit à desvaleurs unitaires à la place de truie oude porc à l’engrais deux fois moindresque les prix habituellement pratiquésen France. Ils font la part belle à lamaçonnerie dans laquelle se concré-tise l’avantage main d’œuvre (50% ducoût), et souvent aux fabrications arti-sanales locales pour les équipementsintérieur (barreaudages et conten-tion). Souvent les bâtiments ont étéréalisés tout ou partie par l’agriculteurlui-même. Il y a cependant aussi enEspagne une tendance à la sophisti-cation des bâtiments qui peut allerjusqu’à doubler les coûts (isolation,refroidissement d’été, automa-tismes...). Parmi les facteurs de varia-tion, il faut aussi prendre en compteles économies d’échelle réalisées àl’occasion de la mise en œuvre de trèsgrandes unités d’élevages, pour les-quelles les références comparativessont inexistantes en France.

Quoiqu’il en soit, il ne faut pas oublierqu’à revenu du travail équivalent, lepouvoir d’achat sera beaucoup plusélevé en Espagne qu’en France. Ce quiexplique le fort développement passéet en cours de la production porcinedans la péninsule ibérique.

Les dernières années ont été très incitatives

Le rapport prix du porc/prix d’alimenta atteint un niveau record au coursdes années 1996 et 1997. Si le prixde référence du porc espagnol appa-raît peu différent de son homologuefrançais exprimé en francs français, iln’a jamais été aussi attractif expriméen pesetas. C’est là l’effet de la déva-

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luation de la monnaie espagnole quia perdu 20% de sa valeur entre 1992et 1994. La moyenne des prix du porcde 1996 et 1997 dépasse en effet de23% celle des années 1989 à 1992 enEspagne, alors qu’en France cettemême moyenne est inférieure de 6%aux prix moyen des années 1989 à1992 !

Quatre signes de qualité enétat de fonctionnement

Ils matérialisent, comme en Italie, uneavance du pays quant à la recon-naissance officielle des spécificitésdes produits qui en bénéficient. Troisconcernent le porc ibérique, quireprésente 5% des effectifs porcinsespagnols. Il est concentré au sud-ouest : Estrémadure, province deHuelva en Andalousie, et province deSalamanque en Castille-Léon. CesDenominación de origen (équivalentde nos AOC) sont reconnues parl’Union européenne pour les jam-bons issus de cette production trèsspécifique, en système extensif :Dehesa de Extremadura, Guijuelo etHuelva.

Il existe une quatrième DO enEspagne : celle du jambon de Téruelen Aragon, dont les produits sontissus d’une production de porcs“blancs”, aux caractéristiques tout àfait comparables à celles définies dansles cahiers des charges des jambonshaut de gamme du sud-ouest français(IGP jambon de Bayonne, ou AOCLacaune).

Le bilan production/consommation

Un grand pays porcin

Avec 19 millions de porcs présents endécembre 1997, l’Espagne est ledeuxième pays producteur de l’Unioneuropéenne dont il représente 16%des effectifs. Il est plus important quela France qui atteint 15 millions detête à la même date.

Une croissance régulière etsoutenue

Démarrée bien avant l’adhésion à laCEE, la progression de la productionespagnole a été de 83% entre 1986 et

1997. Elle est plus forte que celles dela France (+ 49%) et du Danemark(+ 36%) sur la même période. Malgréun ralentissement dû au développe-ment de la Peste Porcine dans leszones les plus concentrées, l’année1997 témoigne d’une progression desabattages de 3,7%, et de 4,2% de laProduction Indigène Brute (PIB) quis’établit à 2,42 millions de tonnes(29,7 millions d’animaux, soit unehausse de 6,1% par rapport à l’annéeprécédente). Les premiers bilans de1998 (jusqu’en novembre) pointentsur la vigueur et la profondeur d’unmouvement qui devrait conduire àplus de 31,5 millions de têtes abat-tues cette même année, soit une nou-velle progression de + 6,3% par rap-port à 1997.

La plus forte consommationde viandes de l’UE

L’Espagnol n’aime pas les légumes :avec presque 113 kg équivalent car-casse toute viande consommés parhabitant, il se place au premier rangdes consommateurs européens en1997. Son menu se compose surtoutde viandes blanches, parmi lesquellesle porc figure aux avant-postes avec60 kg par habitant. Cette mêmeannée, l’Espagne dépasse même leDanemark qui jusqu’alors était leaderà 65 kg, et qui régresse à 57 kg parhabitant et par an. La structure de laconsommation ressemble fort à celledes autres pays, avec une part du horsfoyer comprise entre 10 et 15% selonqu’il s’agit de produits cuits ou deviande fraîche. Les produits secs sedistinguent, consommés pour 20 à25% en restauration commerciale(bars à tapas), chiffre qui témoigne deleur insertion dans la culture et la viesociale espagnole.

Le maintien pour l’avenir d’un telniveau de consommation paraît diffi-cile à pérenniser, sous l’effet d’unedouble décroissance : d’une part, lastagnation de la population et d’autrepart, la modification des habitudes ali-

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Prix du porc en Espagne (référence UE)en pesetas/kg carcasse

Comparaison à la Franceen francs par kg de carcasse

Prix du porc en Espagne (référence UE)en pesetas/kg carcasse

Comparaison à la Franceen francs par kg de carcasse

L'unicité du marché européen entraîne un même niveau de prix du porc en Francs,

entre l'Espagne et la France (aux différences de méthodes de

classement près). La chute de la peseta,

particulièrement importante entre 1992 et 1994 (- 25%),

avant la stabilisation qui a précédé l'euro,

se traduit en 1996 et 1997 par un prix record du porc

sur le marché espagnol, exprimé en monnaie nationale.

mentaires qui s’orientent vers unmodèle universel (restauration rapi-de...). De ce fait, l’exportation devientde plus en plus nécessaire.

L’Espagne est devenueexportatrice nette un anavant la France

Le bilan production/ consommationest excédentaire depuis 1993, avec untaux de couverture de la consomma-tion de 107% en 1996. Pour 1997, lacroissance des exportations deviandes et de produits transformés estcomprise entre 12 et 40%, selon lesproduits. Malgré une bonne tenue dela consommation qui gagnerait 2,8%en 1997, le taux d’autoapprovision-nement subit une nouvelle poussée à109%. Les entreprises espagnolessont de plus en plus présentes sur lesmarchés étrangers, ceux de l’Unioneuropéenne notamment. Les jambonssecs ont désormais leur ticket d’en-trée aux États-Unis. Plus globalement,ils visent le marché hispanique ducontinent américain (nord et sud). Audelà, le Japon (premier acheteur mon-dial) leur paraît un client accessible,culturellement familiarisé avec lesproduits crus.

Le commerce extérieur

Les importations de porcelets ont nourri la croissance de la productionjusqu’en 1996

Les importations espagnoles sontstables en tonnages depuis 10 ans.Elles témoignent d’une relation privi-légiée avec la France, fournisseurmajoritaire.

Les achats sont marqués par lesimportations massives d’animauxvivants, et en premier lieu de porce-lets : plus d’un million de ceux-ci ontété achetés chaque année jusqu’en1996 qui culmine avec 1,4 millionsde têtes. Plus de 80% venaient desPays-Bas. L’apparition de la peste por-

cine en 1997 a fait tomber de plus desdeux tiers ces achats et modifié lesorigines. Les ventes françaises se sontaccrues à cette occasion, avec 80 000porcelets fournis cette même année,contre moitié moins les années pré-cédentes.

Les achats de reproducteurs ont étéactifs aussi jusqu’en 1996 avec unrecord à 24 000 animaux. Les géné-tiques porcines des Pays-Bas et duRoyaume-Uni sont très présentes enEspagne. Si l’année 1997 voit égale-ment se développer une remontée dela fourniture française, le nombred’animaux livrés ne fait qu’égaler, cet-te année là, celui des Pays-Bas.

L’expérience récente de l’exportation

Ce n’est que récemment quel’Espagne a été autorisée à exporterses produits porcins, du fait de la pré-sence, historique, du virus de la pes-te porcine africaine sur son territoi-re : depuis mai 1989 pour la majeurepartie des régions, et toutes originesà partir de novembre 1995, momentoù les régions du sud (partie ouest del’Andalousie et Estrémadure notam-ment) ont été déclarées indemnes.

Le développement des ventes a étéexponentiel. Les produits transformésreprésentent un tiers de la valeur des

exportations porcines espagnoles.Parmi ceux-ci, le jambon sec (appeléde manière générique jambon serra-no, sans qu’il émane pour autant duConsorcium du même nom) occupeune place emblématique. En 1997,ses ventes ont augmenté de 40% entonnage et de 60% en valeur. Ce n’estpas un produit bradé. Pour l’an 2000,il est prévu qu’elles atteignent 20 000tonnes/an, soit plus de 10% de la pro-duction de jambons secs du pays.

Les exportations de viande (fraîche etcongelée) constituent cependant lamajeure partie du commerce exté-rieur porcin espagnol. La progressiondes tonnages est rapide. Même la pes-te n’a pas empêché en 1997 que lesventes de cette année n’atteignent unnouveau record avec 173 000 tonnesexportées. Si les débouchés suiventun gradient de proximité (Portugal etFrance en tête), ils se diversifient deplus en plus avec l’augmentation destonnages.

Le développement des fournitures en provenancedes pays tiers en 1997

La perturbation occasionnée par lapeste a provoqué une hausse de 60%des achats espagnols de viande por-cine à l’extérieur en 1997. Derrièreles fournisseurs principaux tradition-nellement présents, Pays-Bas et

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Évolution récente du bilan porcin espagnol en 1000 tec

L'Espagne est excédentaire en viande et produits porcins depuis 1993. Son expérience d'exportateur est récente : depuis mai 1989 pour la majeure partie du territoire et fin 1995 pour la totalité. Ses ventes se développent rapidement, pour tous les produits et tous les continents, avec une mention particulière pour ses voisins proches, France et Portugal.

Source : EUROSTAT

France, la Hongrie fait son apparitioncette année là pour un quart desachats de viande congelée et, plussymbolique, les États-Unis pour 700tonnes (1% des tonnages importés).

Vers une première place en Europe ?Forces et faiblesses

Les atouts

Le faible coût de la main d’œuvre.C’est le principal avantage de la pro-duction et, au delà, des filières por-cines espagnoles. Il se traduit à deuxniveaux : sur les frais de personnel,et par la moindre valeur des investis-sements, généralement réalisés avecpragmatisme et selon des systèmessimples à base de main d’œuvre.

Le recours à l’intégration permet desajustements rapides. C’est un facteurde développement quantitatif de laproduction : il suffit en effet de mettreen place les truies, et de soutraiterl’engraissement, éventuellement dansdes régions différentes pour s’affran-chir des contraintes de saturationenvironnementales locales.

Le développement en cours de laproduction nationale de porcelets.

Catastrophique pour la filière au plansanitaire, la dépendance externe enporcelets devrait disparaître à moyenterme (sauf maintien d’une part rési-duelle spéculative et d’ajustement dela production aux besoins du mar-ché). La création de nouvelles unitésde naissage en substitution aux achatsexternes s’ajoute à la croissance abso-lue de la production, ce qui ne contri-bue pas à rendre lisible le développe-ment actuel des effectifs. Ledéveloppement de l’autofournitureest aussi un moyen de maîtriser latotalité du cycle de production, doncde pouvoir plus facilement garantir laqualité du produit.

Une très grande liberté par rapportaux structures. Celle-ci permet d’élar-gir le champ des initiatives à tous lesporteurs de projet, même non agri-culteurs. Cette liberté s’exerce aussivis à vis de la taille des élevages. Lestendances actuelles sont à la créationd’unités de grandes dimensions quipermettent des économies d’échelle(construction et fonctionnement).Elles résultent d’initiatives indivi-duelles ou de grandes sociétés (pri-vées, aussi bien que coopératives).Ces projets ont aussi permis deprendre place très rapidement, avantque ne se mettent en place des

contraintes plus strictes au plan del’environnement : il est plus en effetplus facile d’initier un gros projet quede mobiliser plusieurs initiatives detaille moyenne. Ainsi se développe larestructuration des élevages et l’aban-don des petites unités familiales.

Il n’y a pas d’opposition sociale audéveloppement de la productionporcine. Du fait de la nécessité d’êtreraccordé aux réseaux (eau, électricité)les Espagnols, agriculteurs compris,vivent dans les villes ou les bour-gades. De ce fait, les campagnes sontquasiment désertes, et la populationne ressent pas comme en France lesnuisances causées par les productionsintensives.

L’environnement n’est pas un freinau développement de la productionporcine, considérée globalement. Eneffet, les principaux bassins disposentà leur périphérie d’espaces nouveaux,susceptibles d’absorber la croissan-ce.

Il existe un grand potentiel à l’ex-portation. En moins de dix ans,l’Espagne a développé ses expéditionsde manière exponentielle, avec unepart importante de viande fraîche nontransformée. Le secteur de la charcu-terie-salaison n’a pas encore concré-tisé son potentiel, notamment à des-tination de l’Amérique hispanique.

Le dimensionnement de l’aval per-met d’absorber un supplément deproduction. Les investissements quiont eu lieu à la fin des années 80 ontcréé de la surcapacité chez les abat-teurs et les transformateurs. Dans lemême temps, ceux-ci ont fait l’effortde se mettre aux normes sanitaireseuropéennes. Confrontés aux diffi-cultés de s’approvisionner en 1997 etaux prix élevés de la matière premiè-re, les transformateurs se préoccu-pent de construire des partenariatsavec la production, pour ceux qui nemaîtrisaient pas déjà leur fourniturepar l’intégration.

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L'Espagne rassemble le quart du cheptel des truies de l'Union européenne

présentes dans des élevages de plus de 500 mères, cette catégorie représentant 25% des truies du pays.

Cependant, le nombre élevé de petits élevages entraîne une répartition

équilibrée entre les différentes strates. La part des unités intermédiaires est plus

faible que celle des autres pays : les 100 à 500 truies hébergent

40% du cheptel reproducteur espagnol,contre respectivement 60 et 50%

pour la France et l'ensemble de l'Union européenne.

Part du cheptel truies dans les plus grands élevages (1997)

Il existe des réserves financières ausein des entreprises. Moteurs dudéveloppement depuis les années 70,les agro-industriels ont généré desrésultats qu’ils ont réinvesti dans lesoutils et dans la croissance. Par leursaides à l’investissement, ils stimulentla progression du secteur.

L’Espagne dispose de compétences.Issus des facultés agronomiques ouvétérinaires, les jeunes diplômésvoient s’ouvrir devant eux un secteurmoderne, en expansion, créateur devaleur ajoutée, dont les réserves deproductivité peuvent amortir les coûtssupplémentaires liés à leur embau-che, ceci dans un marché de l’emploiqui est parmi les plus catastrophiquesd’Europe. Sans oublier la perspectivede s’installer en production, pourvuque leur soient donnés les moyensfinanciers de le faire. Que ce soit enreprise d’activités existantes ou encréation d’unités nouvelles, ce ne serapas dans le cadre de petites exploita-tions familiales.

La prochaine réforme de la PAC,risque d’entraîner des modificationspour l’agriculture espagnole. En éco-nomie de marché depuis l’origine, laproduction porcine ne devrait pasconnaître de tels bouleversements.Elle peut apparaître comme une acti-vité de redéploiement pour un certainnombre d’agriculteurs.

Les faiblesses

La dispersion des initiatives. Jusqu’àmaintenant, les intégrateurs repré-sentaient des filières à eux seuls et,concurrents, ne ressentaient pas lebesoin de se regrouper. La crise de lafin 1998 pose avec acuité le problèmed’une coordination du développe-ment tout autant que le soutien auxéleveurs les plus fragiles (ceux qui ontinvesti). Une prise de conscience sefait jour de la nécessité de mettre enplace des actions communes auniveau du secteur (communicationpour développer la consommation,

régulation de la production...). Auplan technique, il n’existe pas d’orga-nisme de recherche appliquée com-me l’ITP en Espagne. Il n’existe plusde réseau public de développement.Le progrès technique est véhiculé parles produits, les fournisseurs, les inté-grateurs ou les coopératives. En 1997,diverses initiatives aboutissent à lacréation de Centres Techniques(Murcie, Malaga).

Une réflexion s’est mise en place,autour de l’idée d’une interprofessionen Catalogne. Si l’IRTA collabore avecles entreprises du secteur pour sesrecherches, certaines actions lourdesmériteraient de s’amortir à l’échellede la production du pays. Il est peu dedire que l’autonomie des régions nefacilite pas la mise en commun desmoyens à l’échelon national, quand ilne s’agit pas, parfois, de régiona-lismes exacerbés.

La nécessaire évolution du produit. Ilest paradoxal de constater quel’Espagne est un grand pays de salai-son sèche, mais que, jusqu’alors, seschoix techniques ont été guidés parle débouché en viande fraîche. D’oreset déjà une évolution est amorcée,avec l’alourdissement du poids descarcasses et le début de la castrationsystématique des mâles. Il devrait enrésulter un renchérissement des coûtsde revient, du fait des moindres per-formances des mâles castrés.

Une rémunération peu incitative dela qualité. Les grilles de prix actuelles,souvent basées sur le porc en vif,autant que le système de l’intégration,ne responsabilisent ni n’encouragentl’éleveur à améliorer la qualité descarcasses produites. Cette adaptationsera d’autant plus nécessaire si lescarcasses s’alourdissent.

La nécessaire prise en compte de lademande du consommateur euro-péen. Le bien-être des animaux et laréduction de l’emploi des antibiotiquessuscitent de sévères réticences dans lafilière porcine espagnole. Leur mise enœuvre nécessitera des aménagementsimportants au niveau des bâtiments etdes modalités d’approvisionnementdes porcelets. Il faudra égalementsatisfaire au besoin de traçabilité.Autant d’efforts à réaliser pour l’en-semble des partenaires impliqués, et lanécessité de mettre en place desactions intégrées. De ce point de vueles coopératives, comme les entre-prises privées qui gèrent l’ensemblede la chaîne sont mieux placées quecelles qui s’arbitrent sur le marché àchaque étape de la production.

Enfin, il ne faut pas oublier quel’Espagne est considérée comme latête de pont des produits américainsgénétiquement modifiés sur le conti-nent européen. Si cette préoccupa-tion continue à se développer auniveau du consommateur européen

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comme l’expriment les prises de posi-tion des grandes chaînes de distribu-tion, les produits espagnols auront dumal à certifier leurs produits dans cesens.

Le renchérissement des investisse-ments. La mise aux normes des por-cheries par rapport aux diversesréglementations de l’environnement,l’amélioration de la maîtrise de l’am-biance dans les bâtiments, notam-ment en période estivale (isolation,climatisation), le développement desautomatismes devraient provoquerun renchérissement des investisse-ments. Le problème de l’améliora-tion de la productivité va alors seposer, pour mieux amortir descharges fixes plus importantes. Il estdéjà posé dans l’état de crise de lafin 1998, pour résister à la concur-rence, d’autant plus que dans lecadre figé de l’euro le pays ne peutplus bénéficier de la variation desparités de sa monnaie.

La spécialisation des élevages est-elle compatible à terme avec lemaintien de l’intégration? L’étude desprincipaux bassins de productionconfirme la place prépondérantequ’occupe le régime de l’intégrationen Espagne. Au-delà des volumes trai-tés, c’est le dynamisme des intégra-teurs, privés ou coopératives, quiexplique l’essor de la production por-cine dans ce pays. Avec la spécialisa-tion et l’augmentation de la taille desélevages la relation entre l’éleveur,chef d’entreprise, et ses fournisseursou acheteurs risque de se modifier.D’autant plus que l’intégration n’a pasrésolu le problème du lisier en le lais-sant sous la responsabilité et à la char-ge de l’éleveur.

Conclusion

Les premières estimations révèlent quela production porcine espagnole auraencore progressé de 10 % en 1998, parrapport à 1997, et qu’elle devrait conti-

nuer à croître de manière plus rapide en1999. Ce développement se situe dansla tendance des années antérieures. Ilprouve, si besoin était, que les handi-caps dont souffre la production enEspagne sont mineurs, au regard desfacteurs favorables recensés.

C’est aussi l’analyse des fournisseurset prestataires de services des autrespays d’Europe qui développent actuel-lement leur présence et leur activitédans la péninsule ibérique.

C’est pourquoi, de plus en plus d’éle-veurs étrangers franchissent égale-ment les Pyrénées, pour s’installer enEspagne.

Au rythme actuel de développement,(6 % prévus en 1999), la productionporcine espagnole devrait jouer à éga-lité avec celle de l’Allemagne à partirde 2002, c’est à dire dans moins decinq ans. ■

Convention d’étude ITP - OFIVAL

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