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Urgences(l995) XIV, 51-58 0 Elsevier, Paris Enseignement Organisation et fonctionnement de la thermor6gulation. Rappels* P Huguenard 47, rue de Falkirk, 94000 Cr&ei/, France La temperature centrale des oiseaux est de 39- 40%, celle des mammiferes de 37-4O”C, toujours superieure a la temperature ambiante. Chez I’ho- meotherme, la thermoregulation est une acquisi- tion recente de I’evolution (necessite de I’appari- tion du thalamus, qui conditionne la liberte de I’individu par rapport au milieu), contrairement au po’ikilotherme. DliFINITIONS La regulation thermique agit sur la temperature centrale ; c’est ce qu’en termes cybernetiques 1 on nomme I’effet (fig 1). La temperature (< centrale a’ est I’effecteur. En pratique courante, on considere comme (c cen- trale >’ la temperature colorectale ou sublinguale. Le perfectionnement des moyens d’investigation a mis en evidence le fait que la temperature du sang veineux mele representait mieux celle du <cnoyau bb central. Mais, selon les circonstances, le praticien pre- f&era s’interesser a d’autres temperatures : ethmo’idale (par sonde nasale) ou tympanique en neurologie et surtout en chirurgie cerebrale, ceso- phagienne (oreillette droite) en chirurgie cardia- que. La temperature du foyer thermogenetique est celle des veines sus-hepatiques (sonde cesopha- gienne sus-diaphragmatique). La temperature axillaire est saris valeur. Les facfeurs qui interviennent sur I’effecteur pour obtenir I’effet sont positifs (augmentation de I’effet, done production de chaleur ou thermoge- n&se) et nogatifs (pertes de chaleur, ou thermo- lyse, pour diminuer I’effet). Mais I’effet lui-meme agit en retour sur les fac- teurs : par exemple, la baisse de la temperature met en jeu un reflexe vasoconstricteur : diminution de la thermolyse, done du facteur negatif. C’est ce FiCTEURS EFFECTEUR EFFET Fig 1. Action de la regulation thermique sur la temperature centrale : I’effet qu’on nomme une r&oaction (dans ce cas, negative) ou feed-back. Enfin ce systeme est soumis a une commande exterieure, neuro- endocrinienne. C’est ce qu’on nomme un sewomBcani.sme. Si la regulation tend vers une va- leur maxima/e de I’effet, le systeme travaille en cctendance >‘. Les retro- actions sont alors de meme signe que les facteurs (I’hypothermie pro- fonde exagere I’atonie vasculaire, done la thermolyse) et il s’agit de physiopathologie. ‘D’aprks (( Thermoregulation ‘a, fncyc/opB- die M&ico-Chirurgicale, 1968, Anesthksio- logie, 36060 A, p l-7. 1De cubernaculum = gouvernail.

Organisation et fonctionnement de la thermorégulation. Rappels

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Urgences(l995) XIV, 51-58 0 Elsevier, Paris

Enseignement

Organisation et fonctionnement de la thermor6gulation.

Rappels*

P Huguenard

47, rue de Falkirk, 94000 Cr&ei/, France

La temperature centrale des oiseaux est de 39- 40%, celle des mammiferes de 37-4O”C, toujours superieure a la temperature ambiante. Chez I’ho- meotherme, la thermoregulation est une acquisi- tion recente de I’evolution (necessite de I’appari- tion du thalamus, qui conditionne la liberte de I’individu par rapport au milieu), contrairement au po’ikilotherme.

DliFINITIONS

La regulation thermique agit sur la temperature centrale ; c’est ce qu’en termes cybernetiques 1 on nomme I’effet (fig 1).

La temperature (< centrale a’ est I’effecteur. En pratique courante, on considere comme (c cen- trale >’ la temperature colorectale ou sublinguale. Le perfectionnement des moyens d’investigation a mis en evidence le fait que la temperature du

sang veineux mele representait mieux celle du <c noyau bb central.

Mais, selon les circonstances, le praticien pre- f&era s’interesser a d’autres temperatures : ethmo’idale (par sonde nasale) ou tympanique en neurologie et surtout en chirurgie cerebrale, ceso- phagienne (oreillette droite) en chirurgie cardia- que. La temperature du foyer thermogenetique est celle des veines sus-hepatiques (sonde cesopha- gienne sus-diaphragmatique). La temperature axillaire est saris valeur.

Les facfeurs qui interviennent sur I’effecteur pour obtenir I’effet sont positifs (augmentation de I’effet, done production de chaleur ou thermoge- n&se) et nogatifs (pertes de chaleur, ou thermo- lyse, pour diminuer I’effet).

Mais I’effet lui-meme agit en retour sur les fac- teurs : par exemple, la baisse de la temperature met en jeu un reflexe vasoconstricteur : diminution de la thermolyse, done du facteur negatif. C’est ce

FiCTEURS EFFECTEUR EFFET

Fig 1. Action de la regulation thermique sur la temperature centrale : I’effet

qu’on nomme une r&oaction (dans ce cas, negative) ou feed-back.

Enfin ce systeme est soumis a une commande exterieure, neuro- endocrinienne. C’est ce qu’on nomme un sewomBcani.sme.

Si la regulation tend vers une va- leur maxima/e de I’effet, le systeme travaille en cc tendance >‘. Les retro- actions sont alors de meme signe que les facteurs (I’hypothermie pro- fonde exagere I’atonie vasculaire, done la thermolyse) et il s’agit de physiopathologie.

‘D’aprks (( Thermoregulation ‘a, fncyc/opB- die M&ico-Chirurgicale, 1968, Anesthksio- logie, 36060 A, p l-7. 1 De cubernaculum = gouvernail.

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Si le c( programme >) de la thermoregulation est de maintenir la temperature centrale cons&&e entre des limites homeostatiques relativement etroites (c’est le cas en physiologie normale), en respectant des <( consignes ba 2 telles que le sys- teme travaille en Constance, et que les retro- actions sont de signe oppose a celui des facteurs, comme dans un thermostat : toute variation de I’effet provoque sa correction, sinon le systeme est deregle. C’est le cas pour les homeothermes.

Le thermocouple

II est connu depuis 1821. Un courant electrique nait dans un circuit fait de deux metaux differents maintenus a des temperatures differentes, et la meme difference de temperature fait apparaitre la meme force electromotrice.

La mise en jeu d’une retroaction implique un certain retard entre la variation de I’effet et son retentissement sur le facteur : c’est I’hysteresis. De meme, la modification du facteur n’intervient sur I’effet qu’avec un retard d’efficacite.

Ainsi s’explique que, dans un systeme travail- lant en Constance, la valeur de I’effet ne soit pas rigoureusement stable, mais oscille autour dune position d’equilibre, en appliquant des (c consignes )a du type (c hypothermie = froid = vasoconstriction )).

MOYENS DE CONTRbLE [7]

Celle-ci peut etre mesuree directement par un voltmetre ou un galvanometre.

En clinique, les thermocouples sont constitues de fer-constantan ou cuivre-constantan.

Ces thermometres sont de realisation facile, bien qu’ils necessitent un equipement precis pour detecter la petite force electromotrice produite.

Leurs avantages pratiques sont importants : precision, fiabilite, fidelite, et interchangeabilite des sondes (sans etalonnage).

lls ont un inconvenient technique (necessite de maintenir I’une des soudures a temperature constante) aujourd’hui resolu et un inconvenient pratique non negligeable : la difficulte de miniatu- riser les sondes (les plus fines ont un diametre de 0,5 mm - 1 mm avec leur gaine), qui interdit de les introduire dans une aiguille par exemple.

Le thermomktre B mercure Les thermomktres & rtkistance

Le thermometre a mercure en verre reste le plus employe. II est constitue par un bulbe (contenant le mercure) et un tube capillaire. Le principe est fonde sur I’expansion du mercure lorsque la tem- perature augmente. Plus le volume du bulbe est grand par rapport au tube capillaire, plus I’appareil est precis.

Ils sont bases sur le fait que la resistance d’un conducteur varie avec sa temperature.

Cette modification de resistance est transfor- mee en force electromotrice a I’aide d’un pont de Wheatstone.

Les avantages de ce thermometre sont peu nombreux, mais importants : assez bonne fidelite, simplicite, modicite de prix, precision suffisante (O,O-2°C).

Le conducteur est, de preference, en platine (100 ohms a O’C), parce qu’alors un petit &art de temperature entraine une grande variation de re- sistance.

Les inconvenients sont peu importants pour la pratique courante, regrettables pour la re- cherche : fragilite, lenteur de reponse, impossibi- lite dune lecture a distance, rigidite et volume de I’instrument, qui en limitent I’usage.

Cet appareil est done tres precis ; il est aussi fidele et fiable.

Son seul inconvenient reside dans les dimen- sions de la sonde (2,5 mm de diametre saris gaine).

Les thermistances Le thermometre Bourdon

La jauge de Bourdon mesure les variations de pression liees aux changements de temperature. Elle comporte un ruban de metal creux en spirale, qui se deroule quand la pression augmente. Le mouvement amplifie est transmis a un index sur un ecran grad& en temperature. Cet appareil bon marche exige peu d’entretien ; il permet la lecture a distance, et le temps de reponse est bref.

De plus en plus utilisees en thermometrie clinique, elles sont constituees d’oxydes de metaux lourds (nickel, fer, cobalt, zinc, manganese).

La resistance decroit de facon logarithmique quand la temperature augmente.

Leur principal avantage est qu’elles peuvent etre de tres petite taille (0,l mm) et que leur reponse est rapide.

Mais la taille de la sonde en limite I’emploi, et la calibration pour une temperature n’assure pas une lecture exacte a une autre temperature.

Mais elles c( vieillissent ‘) ; elles supportent mal les variations de temperature rapides et impor- tantes, et surtout chaque thermistance possede sa courbe de reponse, ce qui, en pratique, pose des problemes d’etalonnage.

2 Les consignes ont pour objet d’obtenir une valeur maximale Enfin, seuls, thermocouples et thermistances de I’effet : r&gulation en tendance - ou une valeur constante. permettent la transmission de I’energie electrique

La thermoregulation 53

par radio, done la telemesure, pour plusieurs pa- tients, a distance, sans fils.

LA RkGULATION THERMIQUE

Rdgulation en constance (physiologie normale)

(uree) contient encore de I’energie inutilisable. La valeur calorifique des proteines dans I’organisme est done inferieure a celle mesuree : - glucides : 4 kcal/g dans I’organisme ; - protides : 4 kcal/g dans I’organisme ; - lipides : 9 kcal/g dans I’organisme.

Facteurs positifs

En revanche, quand I’organisme utilise un ali- ment, la production de chaleur depasse cette va- leur calorifique.

Les facteurs positifs de la regulation thermique sont represent& par I’ensemble des processus thermogenetiques.

Ils constituent les moyens chimiques du main- tien de la temperature centrale.

Vingt-cinq grammes de protides fournissent 130 kcal (+ 30%) ; une quantite de glucides ou de protides, dont la valeur calorifique est de 100 kcal, en fournit respectivement 105 et 113.

Foyers thermog&Gtiques La (< regulation chimique au sens restreint )), thermogenese sans activite musculaire, peut s’exercer dans tous les tissus, muscle compris.

C’est I’action dynamique specifique (ADS) des aliments, attribuee generalement a I’activite des tissus qui metabolisent ces aliments.

Mais le muscle squelettique, ne serait-ce que par sa seule masse (40% du poids corporel), est le foyer le plus important, surtout en activite (sa consommation d’oxygene au repos, 20% de la consommation de I’organisme, peut alors etre multipliee par trois, et sa contribution a la thermo- genese atteindre 70 a 80%).

‘La curarisation diminue evidemment la thermo- genese musculaire.

Mais ces taux d’ADS ne sont valables que pour chaque substrat utilise isolement. Par exemple, en associant glucose et proteines, I’ADS totale est inferieure de 12,5% a la somme de leurs ADS.

En calculant les besoins energetiques quoti- diens, il suffit d’ajouter 10% au total calorifique requis, pour tenir compte de I’ADS (moins, si le regime est riche en lipides).

l L ‘u tilisa tion des subs tra ts Les sources de chaleur dans la cellule sont les fragments obtenus par hydrolyse des grosses mo- lecules alimentaires.

Le role du foie est important (30%), predomi- nant pour certains. La plus grande par-tie de I’ener- gie vient de I’oxydation de I’acetate dans le cycle de Krebs. Mais le foie travaille en symbiose avec le muscle squelettique, celui-ci produisant de I’a- tide lactique, utilise par le foie pour resynthetiser du glycogene.

Ils subissent des processus d’oxydoreduction caracterises par le transfer-t d’electrons d’un sys- teme a un autre, moins electronise. Ce transfer-t electronique s’accompagne d’un transfer-t d’H+.

Mkcanismes biologiques l L ‘apport de substrats

L’oxydation (au contraire de I’hydrolyse) lib&e de grandes quantites d’energie (et de chaleur), mais par &apes successives, catalysees chacune par une enzyme specifique.

C’est le catabolisme du glucose-6-phosphate dans la voie d’Embden-Meyerhoff-Krebs, qui - au moins (< en urgence ” - fournit les quantites de chaleur necessaires a la stabilite de la temperature centrale. Lorsque I’exposition au froid se prolonge, les pro- tides peuvent couvrir ce besoin, et, ulterieurement, I’organisme doit avoir recours aux reserves lipidi- ques (le quotient respiratoire s’abaisse).

L’energie fournie est mise en reserve dans des composes cc riches en energie )) (porteurs de liai- sons transferables) comme I’ATP, ou immediate- ment liberee sous forme de chaleur. (Finalement d’ailleurs toute I’energie organique sera liberee sous forme de chaleur).

Le stockage d’energie dans des composes phosphor& (phosphorylations) se fait au tours meme des oxydations (fig 2)

L’alcool n’est pas utilisable pour la thermo- g&&e. II augmente, au contraire, la thermolyse par vasodilatation.

La valeur calorifique des aliments est mesures par calorimetric : - glucides : 4,l kcal/g ; - protides : 5,6 kcal/g ; - lipides : 9,4 kcal/g 3.

Mais si glucides et lipides sont completement oxydes en CO2 et H20, les protides ne sont pas degrades completement, puisque le produit final

II y a done un couplage entre oxydations et phos- phorylations. Son siege est dans la mitochondrie, riche en lipoproteines. L’une d’elles, de structure quinonique (coenzyme Q), accepte un electron d’un substrat et se trouve reduite en semi-quinone, qui reagit avec un phosphate inorganique pour donner un semi-quinone phosphate, lequel est a nouveau oxyde en quinone, lorsqu’il cede un P a I’ADP pour faire ATP et peut a nouveau participer a la phospho- rylation oxydative.

On peut etablir un rapport P/O entre la quantite de phosphate mineral fixee et la quantite d’oxy- gene consommee.

3 II serait plus correct de I’exprimer en Joules (1 kcal = 4,19 kJ). Ce rapport rend compte du couplage entre

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phosphorylations et oxydations necessaire pour la mise en reserve d’energie.

Lorsque P/O s’abaisse, le stockage d’energie diminue et la liberation de chaleur augmente.

Cette baisse est observee sous I’influence du froid.

II existe, en outre, des agents decouplants (et, par consequent, thermogenetiques) comme : les dinitrophenols, les salicylates, I’adrenochrome, la thyroxine, les antagonistes de la vitamine K, I’ion calcium (il s’oppose au mg++ indispensable aux phosphor-ylations).

Par ailleurs (voirsewomecanisme), I’adrenaline est calorigene, par activation de la glycogenolyse. Cet effet est renforce par la thyroxine. L’activite de la noradrenaline est moindre.

Facteurs nkgatifs (thermolyse) L’organisme homeotherme pour disperser de la chaleur dispose de deux echangeurs : la peau et les muqueuses respiratoires.

L’intensite des &changes depend : - des caracteres de la face interne des echan- geurs (irrigation, teneur en eau) ; - des caracteres de l’ambiance a leur face ex- terne (mouvement de I’air, degre hygrometrique) - et naturellement de la difference de tempera- ture entre les deux faces.

Face interne des bchangeurs La deperdition de calories augmente avec I’irriga- tion sanguine peripherique (vasodilatation, ouver- ture des sphincters precapillaires, qui elargissent la surface d’echange) et avec I’hydratation des tissus (qui augmente leur conductibilite thermi-

w4. Chez I’homme, la perfusion de la main, par

Embdon- Moy~rhof

Fig 2. Phosphorylation au tours des oxydations.

exemple, peut augmenter de 1 a 35, quand la temperature passe de 37°C B 45°C. Dans un environnement a 34”C, plus de 12% du debit cardiaque sont diriges vers la peau. Ce meca- nisme est efficace tant que la temperature am- biante ne depasse pas 32-33°C.

La dilution du sang (aux depens de I’eau intra- cellulaire) augmente sa conductance et tend a corriger le collapsus que pourrait provoquer le detournement de la masse circulante vers les plans peripheriques.

Inversement, la vasoconstriction et I’hemo- concentration (par reduction de la diurese) dimi- nuent la thermolyse.

Elles sont sous la dependance de la secretion d’adrenaline, dont nous connaissons I’effet calorigene.

Face externe des Bchangeurs A la face externe des echangeurs, la perte de chaleur se fait par conduction, convection, radia- tion et evaporation.

La conduction depend de la nature du fluide ambiant 4. Son role est faible. Toutefois le bain froid est plus refrigerant que I’air.

La convection joue un role plus important. La chaleur specifique de I’air (0,24 kcal/g) est faible (celle de I’eau prise pour unite est de 1 kcal/g). L’air se rechauffe vite au contact de la peau, sauf s’il est en mouvement. La convection intervient au niveau des voies aeriennes superieures. La tachy- pnee (sans hyperventilation alveolaire) augmente la thermolyse (surtout chez les mammiferes de- pourvus de glandes sudoripares).

Les pertes par radiation (proportionnelles a la surface du corps, a son pouvoir emetteur de rayons infrarouges, et a la difference de tempera- ture entre le radiant et I’irradie), representent plus

de 50% des pertes totales (bien que le corps humain n’irradie que par 70 a 80% de sa surface), car la peau est un c( corps noir >) presque parfait (elle absorbe 97% de I’energie radiante qu’elle recoit). D’ou I’interet des couvertures isothermes (me- tallines) qui reflechissent les infrarouges et diminuent les pertes par radiations.

L’evaporation de 1 litre de sueur a 37°C absorbe 580 calories (chaleur latente de vaporisation). La sudation (a condition d’etre evaporee) est un mecanisme de thermolyse tres efficace 5. Elle peut attein- dre 1 a 2 litres par heure en atmosphere chaude et s&he.

4 La conductibilite thermique d’un corps est la quan- tite de calories transmise par seconde a la face opposee d’un cube de cette substance de 1 cm3 quand la difference de temperature entre les deux faces est de 1°C (0,00005 pour I’air, 0,0013 pour l’eau). 5 L’evaporation de 120 g de sueur abatsse d’un de- gre la temperature d’un homme de 70 kg.

La thermoregulation

tl Spino -thaiomique croish

r, Adrhnaline

JSE

Fig 3. Orgamsation. SR : substance r&icuk$e ; Th : thyro’ide ; V : veinule ; A : arteriole Sh : shunt ; Surr : surrtkales ; Sy : sympathique.

Lair expire est sature de vapeur d’eau a 37°C. -La quantite de chaleur perdue ainsi est fonction

de la surface d’evaporation, du deplacement d’air et de la difference entre la pression de vapeur d’eau saturante a la temperature de la peau et de la pression de vapeur d’eau de I’air. Elle est done moindre en atmosphere humide.

Transport de la chaleur centrale aux Bchangeurs pkriphbriques L’ecoulement de la chaleur depuis les foyers ther- mogenetiques jusqu’a la surface resulte de la difference de temperature entre ces deux terri- toires et depend de la conductibilite thermique des tissus (celle de la graisse est inferieure a celle du muscle).

Rdtroactions et servomkanisme neuroendocrinien

Organisation (fig 3) Les retroactions ont des origines thermosensibles ou sont percus les messages (chaud ou froid) qui agissent sur les facteurs pour maintenir I’effet constant.

Les rkcepteurs thermiques Repartis de facon non uniforme 6, ils sont doubles (la zone de transition se situant vers 33°C) : bulbes terminaux ou corpuscules de Krause pour le froid, reseau sous-papillaire de Ruffini pour le chaud. II existe aussi des thermorecepteurs pro- fonds (hypothalamus anterieur). Ils sont plus sen- sibles au chaud qu’au froid : la reaction au froid

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est, dans un premier temps, peripherique (pseudoreflexe d’axone) et aboutit, d’abord, a une vasoconstriction (puis a une vasodilatation preven- tive de la n&rose). La re- ponse au chaud est essen- tiellement centrale.

Les voies de conductions La sensibilite thermique em- prunte les faisceaux spino- thalamiques croises, avec des fibres non myelinisees.

Les voies centrifuges sont matrices (frisson 7, contrac- ture), vasomotrices (vaso- constriction, vasodilatation) et secretoires ; les nerfs su- doripares, issus de la moelle dorsolombaire, s’apparen- tent au sympathique, mais la fibre postganglionnaire est cholinergique et non adre- nergique (I’atropine reduit la

sudation). II eut ete anormal que I’adrenaline, thermogenetique et diminuant la thermolyse par vasoconstriction, provoque la sudation.

Les centres L’ecorce cerebrale a peu d’importance dans la regulation thermique chez I’animal. Elle semble avoir un role plus grand chez I’homme.

Les centres essentiels sont hypothalamiques. La thermoregulation est supprimee par la des-

truction de I’hypothalamus. La defense contre la chaleur (reaction parasympathique : polypnee thermique, vasodilatation supet-ficielle, sudation) est coordonnee par I’hypothalamus anterieur.

Le posterieur assure la coordination de la de- fense contre le froid (reaction sympathique : de- charge d’adrenaline, echanges energetiques).

Les centres thermoregulateurs semblent bien etre mis en jeu directement par la temperature du sang qui les irrigue, mais ils sont saris doute affect& aussi par des processus reflexes.

Enfin la substance reticulaire du tronc cerebral, en derivation sur les grandes voies afferentes, regulatrice de la secretion adrenalinique, pat-ticipe surement .$ la regulation chimique et vasomotrice de la temperature centrale, en liaison avec I’hypo- thalamus. D’ou I’action poi’kylothermisante des produits qui la depriment, comme les promazines 14, 51.

6 Par exemple, le territoire du trijumeau est plus sensible. 7 Le frisson est Gflexe (voie extrapyramidale), puis central (a 34°C).

56 P Huguenard

Les hormones L’activite thyroidienne augmente les combus- tions ; I’hypothyro’idie les reduit.

Le refroidissement provoque I’hyperactivite me- dullosurrenalienne (Cannon). La surrenalectomie reduit la thermoregulation chimique et la resi- stance au froid. L’adrenaline par voie intravei- neuse hate le rechauffement de I’animal hypother- mique (Malmejac) [8].

L’hypophyse, en dehors du controle de la secre- tion thyroidienne, n’intervient que par son role dans le metabolisme de I’eau.

Fonctionnement de la thermorkgula tion normale Dans les limites homeostatiques (approximative- ment de 35 a 40°C chez I’homme), la temperature centrale varie : - avec le nycthemere (maximum vers 18 h, mini- mum vers 3-5 heures si I’activite est diurne),face externe des echangeurs ; - avec I’age (instabilite du nouveau-n& indiffe- rence du vieillard) ; - avec le terrain (hypothermie de I’inanition, du myxcedeme, de I’insuffisance hypophysaire).

Mais les variations << normales >) de la tempera- ture ambiante ne doivent pas modifier sensible- ment la temperature centrale.

Les temperatures (hygrometrie 50%) dites <c de confort ‘> vont de 17 a 24°C pour le sujet nu.

La temperature de confort optimal est de 20 a 22°C pour le sujet habille.

La temperature maximale de confort au repos saris vetement est de 29”C, avec travail mod&e, peu v&r, de 26°C.

Hors de ces limites le froid provoque, dans I’ordre : - stimulation des corpuscules de Krause ; - reaction motrice (frisson thermique) et horripila- tion - bradypnee ; - augmentation de catabolisme - vasoconstriction peripherique8 ; - hemoconcentration et elevation de la diurese (avec hyperkaliurie).

Dans le sang : hyperviscosite, hyperglycemic, hyperkaliemie, hyperazotemie, acidose.

La chaleur provoque dans I’ordre : - stimulation directe des centres par le sang re- chauff e - tachypnee ; - vasodilatation peripherique ; - hemodilution ; - sudation ; - d’ou deshydratation et dechloruration.

Tous ces phenomenes montrent bien qu’en tout cas la thermoregulation ne saurait etre separee

8 Chez certaines espkes (pieds des pingouins) il existe une disposition anatomique circulatoire locale qui assure un contre-courant Bconomiseur de chaleur.

des autres regulations de I’organisme, comme celles : - du tonus musculaire ; - de la vasomotricite ; - de la ventilation ; - des &changes hydroelectrolytiques.

ReGULATION EN TENDANCE

Hypothermie [9]

Hypothermie pathologique Lorsqu’un froid intense est applique trop long- temps a un organisme possedant peu de reserves energetiques, la thermoregulation normale (cc en Constance ),) est vite <( debordee ” : apres le pas- sage par un (( metabolisme de sommet )l (le me- tabolisme de base est multiplie par 4) (Giaja) ; a partir de 30°C (Kramer), la tendance a I’entropie se poursuit, sauf traitement, jusqu’a la mot-t. C’est I’exemple classique de I’aviateur plonge brusque- ment dans une mer glacee, ou le refroidissement est mortel en moins de 1 heure.

Engourdissement, prostration, et a 30°C : in- conscience, bradycardie, stase, sludge, hypo- pnee, apnee (entre 20 et 25”C), collapsus, arret cardiaque (entre 16 et 25°C suivant les especes).

Au tours de cette evolution, plus la refrigeration augmente, moins I’organisme est capable de lut- ter. Les centres sont inhibes par I’hypothermie, et le servomecanisme n’intervient plus, la thermo- lyse augmente par atonie vasculaire, la thermoge- nese diminue par epuisement, les retroactions sont inefficaces, le systeme travaille (< en ten- dance )>. A 25°C le rechauffement spontane est impossible.

Mais la resistance tissulaire a I’ischemie aug- mente avec la baisse de la temperature. Par exemple, le cortex cerebral (qui ne resiste pas a un arret circulatoire de 3 a 5 minutes en normo- thermie) supporte une ischemie de 35 a 40 mi- nutes a 18-20°C.

D’ou I’interet, parfois, de provoquer I’hypother- mie, mais de facon reversible.

Hypothermie provoqube Plutot que d’avoir recours aux methodes a frigore, par refrigeration brutale et narcose classique, lais- sant subsister plus ou moins I’epuisant metabo- lisme de sommet, il est plus logique alors de faire appel a la stabilisation prealable de la thermore- gulation : - en bloquant le servomecanisme neuroendocri- nien par depression de la substance reticulaire (phenothiazines) ; - en accentuant les facteurs negatifs (thermo- lyse) avec des vasodilatateurs, I’hemodilution, la ventilation artificielle ; - en deprimant les facteurs positifs non par inhi- bition (difficile saris intoxication) de la thermoge-

La thermor&gulation 57

n&se, mais en interdisant les effets calorigknes de I’adrknaline (alpha-adr&olytiques), et en suppri- mant le frisson thermique (curarisation).

Le rkhauffement est facilit6 : - par la kduction de la thermolyse (&vation de la temperature ambiante, atropinisation) ; - par &entuellement la stimulation de la thermo- genkse (thyroxine, calcium, adrenaline).

En somme, I’hypothermie par dysrkgulation << en tendance >a peut 6tre nuisible si elle est la con&quence, puis la cause d’une entropie pro- gressive irrkductible, utile si elle correspond 2 une orientation anabolique des substrats Bnergkti- ques.

L’hypothermie peranesthksique est la cons& quence : - de la relaxation musculaire ; - de la vasodilatation cutanke ; - de la ventilation de gaz dbtendus, done frais et sets (la perte de chaleur est naturellement moins importante en circuit ferm6) ; elle et alors sans inconvknient (hypothermie anabolique).

Sous anesthesie trop profonde avec un agent puissant, elle est plut6t la conskquence d’un blo- cage de la thermogenrke, par c< intoxication du cycle carboxylique a> ; elle devient alors dkfavora- ble (hypothermie entropique).

Hyperthermie (Guilmet) [l]

Certains distinguent les hyperthermies << f& briles >) (Btymologiquement accompagnkes de tremblement), dont le caractkre dominant est la << retention thermique >) (reduction de la thermo- genhse, Gglage du cc thermostat )) 2 un niveau sup&ieurg, et les <( autres hyperthermies >’ par excessive surcharge thermique extkrieure ou par thermognkse accrue.

L’accks de fikvre serait le type meme de la premiere catkgorie : a I’ascension thermique : fris- sons et vasoconstriction, & la defervescence : su- dation et vasodilatation, sans qu’il y ait, & propre- ment parler, dkfaillance de la rkgulation.

La pluparl de ces fikvres (hyperthermies fe- briles) seraient le fait de pyrogknes endogknes (d’origine cellulaire et notamment des polynu- cleaires) : - fikvres infectieuses (alteration des polynu- ckaires par les germes ou leurs toxines) ; - fi&res des tumeurs, infarctus, thromboses (py- rogknes granulocytaires des reactions inflamma- toires et pyrogknes des tissus n&ro&s) ; - fievres de certains 6tats allergiques (pyrogknes leucocytaires) ; - fikvres des perfusions veineuses (ec choc pyro- gene ,>) liees a des endotoxines bactkriennes thermostables.

Mais il existe d’autres fkvres : - endocriniennes (r6le pyrogene de stko’ides mbtabolites du pregnane) ;

- centrales (piqQre thermique de Richet dans I’hypothalamus antkieur du lapin, provoquant une ascension thermique de 2 & 3 jours ; analogie avec les hyperthermies neurochirurgicales).

Quoi qu’il en soit, les limites de resistance ZI I’hypetthermie sont plus etroites qu’g I’hypother- mie. a 41-42”C, se manifestent des altkations du systkme nerveux central avec agitation, d6lire. Le m&abolisme s’&&e de 10 $I 15% par degr6 et I’kpuisement survient vite. La mot-l se produit vers 43°C par apnee et dkfaillance cardiaque. Elle peut survenir dans le tableau dramatique du coup de chaleur : debut brutal, syncopal ou comateux, oti dominent la dkfaillance circulatoire et I’absence de sudation.

MBcanisme de I’hyperthermie

RBduction des fat teurs nbga tifs La reduction des facteurs rkgatifs (thermolyse) joue le r6le principal.

La baisse de la thermolyse prrkkde, d’ailleurs, g&Gralement I’augmentation de la thermoge- n&se ; & la face interne des kchangeurs, I’hbmo- concentration par dkshydratation (avec bilan sod6 positif) et la vasoconstriction (due aux catkchola- mines) diminuent la conductance du sang, son debit pkriphkrique et rkduisent la sudation. Elles participent souvent & la genkse des hyperther- mies postopfkatoires.

En tours d’anesthksie, un ex&s d’atropinisa- tion aboutit au meme r&ultat, de meme que tout ce qui favorise la liberation des catkcholamines (Btber, hypoxie, hypercapnie, acidose).

A la face externe des khangeurs, les pettes par radiation diminuent quand la temperature am- biante augmente. C’est le cas dans les pays chauds, dans les locaux surchauffks, pendant I’anesthksie en circuit ferm6 etanche, quand la chaux sodee lo est en activitk depuis quelque temps,

Les pertes par evaporation diminuent quand le degr6 hygrombtrique ambiant augmente. Dans le circuit ferm6 de I’appareil d’anesthksie, il atteint tr&s rapidement 100%.

Augmentation des facteurs positifs (thermogenbe) Cette augmentation intervient le plus souvent se- condairement : I’hyperactivitk musculaire (contractures de la succinylcholine, marathon) peut en 6tre responsable. Mais I’irritation sympa- thique et les catkholamines sont le facteur de-

g Dans cette hypothkse optimiste, il ne s’agirait pas d’une rkqulation ‘c en tendance )a mais d’une reaction coordonn6e de I’organisme et la fi&vre ne serait pas toujours pathologique. 10 CO2 + 2NaOH--- > COzNa2 + 2H20 (la production d’eau dans la circuit contribue $I diminuer la thkmblyse par Bvapo- ration.

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clenchant essentiel, avec leurs effets calorigeni- ques. On le retrouve, qu’il s’agisse : - du terrain (hypersympathicotonie Ii, anxiete) ; - de I’intervention (chirurgie du sympathique, pheochromocytome) ; - du mode d’anesthesie (l’ether deja cite, avec ses proprietes adrenergiques, I’atropine, les vaso- presseurs, I’hypoventilation).

Les perturbations du servomkcanisme neuroendrocrinien L’hypothalamus et les formations reticulaires du tronc cerebral sont les relais essentiels du reflexe thermoregulateur, d’ou pat-tent les influx moteurs (frisson), vasomoteurs et stimulants endocri- niens : sur I’hypophyse et indirectement la cortico- surrenale par I’ACTH, la thyro’ide par la TSH (la liberation de la thyroxine du moignon thyrdidien, sous I’influence de la TSH, est $t I’origine des hypet-thermies post-thyroi’dectomie)

Tout dysfonctionnement de ces structures s’ac- compagnera de modifications de la thermoregula- tion (ce servomecanisme est particulierement la- bile chez les anciens impaludes).

Les traumatismes diencephalobulbaires et les operations neurochirurgicales ont naturellement un effet direct sur la commande centrale de la thermoregulation. Mais des lesions plus basses (moelle dorsale haute) perturbent egalement les reponses vasomotrices, done la thermolyse, et vont avec une instabilite thermique parfois mar- quee.

II faut surtout souligner I’importance des a- noxies (anoxie anoxique, anoxie ischemique et anoxie histotoxique) sur les centres thermoregu- lateurs.

Enfin les mecanismes des hyperthermies sont le plus souvent intriques.

Par exemple, le syndrome paleur-hyperthermie des nouveau-n&, plus rare de nos jours, associe chez un sujet dont le systeme vegetatif est labile, une deshydratation et une vasoconstriction (en rapport souvent avec une anesthesie a V&her).

Pr&enfion et traitement des hyperthermies font appel B des moyens physiques (climatisation des locaux), et mkdicamenteux : - certaines hormones (insuline, qui, associee au glucose et au potassium, favorise une vasoplegie

l1 Ou, au moins, instabilite neurovegetative.

augmentant la thermolyse), dont il faut rapprocher les antithyro’idiens ; - cet-taines phenothiazines, dont I’action est me- tabolique (orientation des substrats dans la voie des pentoses, attenuation des processus catabo- liques), endocrinienne (inhibition de I’hypophyse et de la thyro’ide), nerveuse (diminution de I’exci- tabilite reticulaire) ; - les alcools (vasodilatation) ; - les anesthesiques generaux (blocage des oxy- dations phosphorylantes et de I’acetylation de la choline) ; - la reserpine (reduction des stocks de catecho- famines) ; ~ - des analgesiques antipyretiques, derives de la pvrazolone (ovramidon). de I’aniline (phenace- tine), de la q&oline, salicylates (hydroxylation ou dealkylation, avec oxydation de NAP.H2) ; - produits diaphoretiques (comme la pilocarpine, favorisant la sudation).

Cet-tains medicaments ont une action thermoly- tique peripherique (ganglioplegiques, sympatho- lytiques adrenolytiques, curarisants et depres- seurs medullaires, comme la mephenesine, et aussi le meprobamate).

Enfin certains produits ont des effets com- plexes, tels la proca’ine (inhibitrice centrale, gan- glioplegique, atonisante), la sparteine (gangliople- gique, depressive centrale, myoresolutive) le gamma-OH (vasodilatateur, atonisant, mais ne reduisant pas la reponse thermogenique).

L’association judicieuse de certains de ces pro- duits sous forme de (( cocktails lytiques >) permet de potentialiser leurs effets hypothermisants.

REFeRENCES

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