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389 GEOBIOS 26-3, 1993 - Analyse d'ouvrage ORIGINE(S) DE LA BIP]~DIE CI-IEZ LES HOMINIDI~S. Y. COPPENS & B. S]~NUT (eds.) Cahiers de Paldoanthropologie, C.N.R.S., Paris 1991, 301 p. ISSN 0293-1176. ISBN 2-222-04602-5. Prix : 420 F. Parmi les Mammif~res, les Primates ont adoptd des modes de locomotion bien plus varids que les autres ordres et, en particulier l'Homme et ses anc~tres immddiats sont caractdrisds par une locomotion bip~de. Celle-ci a prdcddd le ddveloppement du cerveau et permet de ddfinir la famille des Hominidds. Les Australopithbques, premiers Hominidds, marchaientAls comme nous ? comme des enfants ? ou dbAne mani~re particuli~re ? Parmi les Homino~des du Miocene, peut-on percevoir les tendances qui aboutiront ~t la bipc~die ? Voil~t les principales questions d~battues lors d'un colloque international de la Fondation Singer-Poliguac dirig~ par Y. Ceppens et B. Sdnut. Ce colloque a regroupd 27 communications des grands t~nors de la Paldoanthrepologie des dldments osseux post-cr~dens, les dents, en effet ne sent d'aucun secours pour la comprehension des adaptations locomotrices. B. Knmmer, dans un article introductif, rappelle que chez tons les Tdtrapodes, la propulsion se fait fondamentalement par l'arri~re (queue puis queue et membres post~rieurs) tandis que le membre antdrieur dispose de potentialitds plus varides. I1 distingue ensuite les diffdrentes locomotions bip~les possibles en fonction de la position du centre de gravitY. H. Ishida montre que si les positions bipbdes sent occasiormelles chez de nombreux Primates, seul l~Iomme peut tenir cette posture longtemps grace ~ une ddpense minimale d'~nergie. J. Petter ~tudie la bipddie des Ldmuriens (Indris) qui se ddplacent le corps vertical, par bonds successifs. F. Jouffroy s'intdresse au r01e du pisiforme qui joue le rSle d'un talon pour le membre ant~rieur : cet os, atrophid chez l~omme actuel est encore allongd chez "Lucy". M.D. Rose ddfinit les processus ~ l'origine de la bipddie. La posture bil~ade qui a s0xement prdcddd la locomotion bip~de se rencontre chez de nombreux Primates arboricoles qui pratiquent conjointement le grimper vertical et la quadrupddie. L'auteur dresse l'inventaire de toutes les ddmarches bip~des connues chez les Tdtrapodes (corps vertical ou horizontal, utilisation ou non de la queue) ; il rappelle tous les agents de sdlection ayant pu favoriser l'apparition de la bipddie humaine. C. Tardieu prdsente une moddlisation tridimensionnelle de la marche chez l'Homme, l'enfant et le Chlmpanzd. Ce dernier marche en dquilibriste avec les genoux fldchis et le centre de gravitd tr~s bas ; l'auteur pense que les premiers Australopith~lues (contraircment aux Homo habilis) marchalent dgalement les genoux fl~chis. Des argmnents slmflaires sent ddveloppds par H. Preuschoff et H. White en comparant ia d6marche non humaine de Lucy ~ la bipddie moderne &Homo erectus. La communication de K.C. Beard, tr~s g~n~rale, propose la creation d'un Mirordre : les Primatomorphes regroupant les Euprimates, les Plesiadapiformes et les Dermopt~res. A.M. Bacon ~tudie la variabilitd d'un caract~re anatomique : la fosse intertmchant~rienne du f~mur chez les premiers Hominid~s, caract~re dont l'interpr~tation est d~licate. J.P. Stern et R.L. Susman s'~l~vent contre l'id~e d'un caract~re anatomique diagnostique de ta bipddie et consid~rent qu'il faut juger de la totalitd des caract~res morphologiques dkm fossile avant d'envisager son comportemennt locomoteur. Ces auteurs ~num~rent les principaux caract~res qui renseignent sur la possibilitd de locomotion bip~de : sillon de la face post~rieure du col du f~mur, variation de l'~paisseur de l'os cortical du col du f~mur, orientation de l'extr~mitd distale du tibia... C. Berge, comme teute l'~cole anthropologique fran~alse croit fi une.bipddie imparfaite de "Lucy". L'~tude du bassin et du f~mur l'am~ne ~ proposer un muscle grand fessier de type pongid~, malgr~ le bassin dlargi ; cet auteur est favorable ~ un rSle ~quilibrateur du membre ant~rieur gr~tce ~ la mobilit~ de l'~paule, compatible 6galement avec un comportement partiellement arboricole. R. Susman et J.T. Stern partagent cette opinion sur la bipddie imparfaite de "Lucy" ; ils critiquent les conclusions de Lovejoy tirdes de r~lectromyographie. Leur analyse montre un pmgr~s dans la locomotion bip~de chez les Australopithbques et ils estiment que A. robustus avait une d~marche parfaltement humaine.

Origine(s) de la bipédie chez les Hominidés

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GEOBIOS 26-3, 1993 - Analyse d'ouvrage

ORIGINE(S) DE LA BIP]~DIE CI-IEZ LES HOMINIDI~S.

Y. COPPENS & B. S]~NUT (eds.)

Cahiers de Paldoanthropologie, C.N.R.S., Paris 1991, 301 p. ISSN 0293-1176. ISBN 2-222-04602-5. Prix : 420 F.

Parmi les Mammif~res, les Primates ont adoptd des modes de locomotion bien plus varids que les autres ordres et, en particulier l 'Homme et ses anc~tres immddiats sont caractdrisds par une locomotion bip~de. Celle-ci a prdcddd le ddveloppement du cerveau et permet de ddfinir la famille des Hominidds.

Les Australopithbques, premiers Hominidds, marchaientAls comme nous ? comme des enfants ? ou dbAne mani~re particuli~re ? Parmi les Homino~des du Miocene, peut-on percevoir les tendances qui aboutiront ~t la bipc~die ? Voil~t les principales questions d~battues lors d'un colloque international de la Fondation Singer-Poliguac dirig~ par Y. Ceppens et B. Sdnut. Ce colloque a regroupd 27 communications des grands t~nors de la Paldoanthrepologie des dldments osseux post-cr~dens, les dents, en effet ne sent d'aucun secours pour la comprehension des adaptations locomotrices.

B. Knmmer, dans un article introductif, rappelle que chez tons les Tdtrapodes, la propulsion se fait fondamentalement par l'arri~re (queue puis queue et membres post~rieurs) tandis que le membre antdrieur dispose de potentialitds plus varides. I1 distingue ensuite les diffdrentes locomotions bip~les possibles en fonction de la position du centre de gravitY.

H. Ishida montre que si les positions bipbdes sent occasiormelles chez de nombreux Primates, seul l~Iomme peut tenir cette posture longtemps grace ~ une ddpense minimale d'~nergie.

J. Petter ~tudie la bipddie des Ldmuriens (Indris) qui se ddplacent le corps vertical, par bonds successifs.

F. Jouffroy s'intdresse au r01e du pisiforme qui joue le rSle d'un talon pour le membre ant~rieur : cet os, atrophid chez l~omme actuel est encore allongd chez "Lucy".

M.D. Rose ddfinit les processus ~ l'origine de la bipddie. La posture bil~ade qui a s0xement prdcddd la locomotion bip~de se rencontre chez de nombreux Primates arboricoles qui pratiquent conjointement le grimper vertical et la quadrupddie. L'auteur dresse l 'inventaire de toutes les ddmarches bip~des connues chez les Tdtrapodes (corps vertical ou horizontal, utilisation ou non de la queue) ; il rappelle tous les agents de sdlection ayant pu favoriser l'apparition de la bipddie humaine.

C. Tardieu prdsente une moddlisation tridimensionnelle de la marche chez l'Homme, l 'enfant et le Chlmpanzd. Ce dernier marche en dquilibriste avec les genoux fldchis et le centre de gravitd tr~s bas ; l 'auteur pense que les premiers Australopith~lues (contraircment aux Homo habilis) marchalent dgalement les genoux fl~chis. Des argmnents slmflaires sent ddveloppds par H. Preuschoff et H. White en comparant ia d6marche non humaine de Lucy ~ la bipddie moderne &Homo erectus.

La communication de K.C. Beard, tr~s g~n~rale, propose la creation d'un Mirordre : les Primatomorphes regroupant les Euprimates, les Plesiadapiformes et les Dermopt~res.

A.M. Bacon ~tudie la variabilitd d'un caract~re anatomique : la fosse intertmchant~rienne du f~mur chez les premiers Hominid~s, caract~re dont l'interpr~tation est d~licate.

J.P. Stern et R.L. Susman s'~l~vent contre l'id~e d'un caract~re anatomique diagnostique de ta bipddie et consid~rent qu'il faut juger de la totalitd des caract~res morphologiques dkm fossile avant d'envisager son comportemennt locomoteur. Ces auteurs ~num~rent les principaux caract~res qui renseignent sur la possibilitd de locomotion bip~de : sillon de la face post~rieure du col du f~mur, variation de l'~paisseur de l'os cortical du col du f~mur, orientation de l'extr~mitd distale du tibia...

C. Berge, comme teute l'~cole anthropologique fran~alse croit fi une.bipddie imparfaite de "Lucy". L'~tude du bassin et du f~mur l'am~ne ~ proposer un muscle grand fessier de type pongid~, malgr~ le bassin dlargi ; cet auteur est favorable ~ un rSle ~quilibrateur du membre ant~rieur gr~tce ~ la mobilit~ de l'~paule, compatible 6galement avec un comportement partiellement arboricole.

R. Susman et J.T. Stern partagent cette opinion sur la bipddie imparfaite de "Lucy" ; ils critiquent les conclusions de Lovejoy tirdes de r~lectromyographie. Leur analyse montre un pmgr~s dans la locomotion bip~de chez les Australopithbques et ils estiment que A. robustus avait une d~marche parfaltement humaine.

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H.M. Mac He~'a-] trouve que le pied des Australo qu~s est ddjfi tr6s adapt6 ~ la bipddie ; iI ayae ta H o ~ a ~ C ~ n ~ a e soit plus ancienne que rage propos6 p ~ !es donn6es de la biolo~e mol6c~ake, ll dresse le ~ r a i t . r o ~ t de l'Hommidae-souche : petite taille, arboricole, avec un r d p e ~ i r e de posture i n c l u ~ t la possibilitd bil~de sur les grosses branches ou fi terre.

V. V ~ ~ t a ~ a ~ e 6galement l'Hominoide mioc6ne, d e ~ e r ~c~t re c o m m ~ a ~ GoriUinae et Hominin~ ; elle le voit arboncole, ~ m p e u r avec des ~ s s i b ~ s de ~ s t u r e bip6de.

Avec J.H. et ~ . dune part, B. Latimer d'autre part, on revient au probl~me de ia locomotion b ip~e des premiere Australopith~lues. Pour ces auteurs, la voftte piantaire 6tait parfaitement constitute doric la locomotion b ip~e ~tait bien fonctionneile et fls d o u t ~ t de !a ~ssibil i td dhan comportement partiellement arboricole.

La thdorie de la d6mamhe b i ~ e im_p~faite est mpr~e p ~ Y. Delomon qui volt sur les empreintes de Laetoli ~ haUux d ive r~n t donc pr6h~si le . Son argumentation c o n f o ~ par l'dtude des os du pied d 'Had~ est en accord avec les dormdes de W. Jungers d'apr6s la t~te f6morale et ceUes de P. Schmidt d'apr~s les v e ~ b r e s et le bassin.

R.H. Tutfle et ~. pr6sentent, s ~ le m~me d6bat, une solution ofigin~e " puisque ranatomie de Lucy p!mde piut~t pour ~ e d~marc~he diff6mnte et les empreLutes, seraient celles dkm Hominidae encore inconnu (Homo ?). I1 propo~ dgalement ~ les difrdrentes t~h6ories sur de !a b i ~ e une nomenclature savotu~euse : peek -a- boo is ; trench coat ...).

M. Day reUe les d o ~ 6 e s que l'on ~ u t ~ r m m de l'6tude d'empreintes ~ l ' e s t~a t ion de ia stature et de la vitesse de d6placement.

T. Harrison 6tudie la on d'Oreopithecus, seul Ide du Mioc~a~e supdrieur dont on connaisse les ~ s t c r ~ e n s . I1 eonclut ~ une vie ~ r i c o l e avec, comane composantes pr:mcip~es, le ~ ~ r ve~ ic~ et la suspension brachiaie. Ce mode de locomotion aurait pu ~tre p ~ a g d par ~us les Hominoldes du Mioc6ne sup6rieur.

B. S6nut rappeHe !es dLff6rentes t h~ r i e s sur l'origh~e de la locomotion humahne ; ces theories ont potu ~ mod~tes des Homino~des a~uels qui sont t o ~ s p ~ i ~ s dans des voies dh~fdmntes. Apr~s avoir pass6 ~ revue les d o r m , s comnues sur les Homino[des mioc6nes et ce~es de la p~6o~ographie, erie rejoint l%ypoth~se de Y. Coptmns • la b i r d i e h ~ a i n e est ~ e r4ponse ~ un changement climatique.

D. Fa~ , ~ c i ~ s t e des empreintes du ~ e a u , s'intdresse ~ FL~rigation sanguine de ~ t organe. La ~sttu~e bip6de n6~ss i tan t une pression art~rieile plus 61ev~, il a fallu ~ e plus ~ p o r t a n t e vascularJsation de !a t~te. Chez les Australopith&tues mbustes, on no~ l ' a p p ~ t i o n de sinus v e m e ~ ~ c i p i t a u x - m ~ a u x . Chez A. africanus et Homo habi!~, ~ r d ~ a u de petites veines fait son apparition. L'auteur imagine que ce syst~me veineux cr~t.-,.ien a-urait eu ~ m m e fonction s~ondaire, la rdgulation de la tempdrature (le cerveau d u n b ip~e ~ Afrique dquatoH~e doit ~tre ~Hgu6 par du sang plus ~ s pour 6viter l'c~.ahauffement) et, par la suite, a

~O ° ° pu atm a I n ~ e du d6veloppement de la m ~ s e ~rdbrale d'Homo erectus et &Homo sapiens ( th~r ie du radiateur).

B.A. S que !a b ip~e cachant les o rganes des f~nelles a entrain6 de l nts darts les compo~ment s (th6se d~veloppde par Szalay et Costello 1991).

M. ~ c k f o ~ propose urm ~ r i e orig~male pour expliquer les c.hangements c'~Lmatiques du Miocene supdrieur qui ont jou6 ~ r~le p dans la gen6se des Hominh-~ae. La cause serait ~ changement de aison de Faxe de rotation de la ~rre . Ce ddpla~ment sur l'Ancien Monde ~ 6 n e r m t les latitudes env~on 20" plus au Sud ; en revanche, en ~ 6 r i q u e , on aurait

d6pla~ment vers le Nord. Son argumentation est fond6e sur l'~tude de la distribution actuelle et fossile de diffdrents groupes zoo s s, Girafes, tortnaes, s) ahasi q~ae sur le des zones clim .

Pour clore l 'ouvra~ Y. Coppens d6velop~ le th~me qui lui tient ~ ~ u r de l"East Side Story". C'est la r6activation du afficain veto 7,5 ~ l i o n s d'anndes qui a sd.par6 en deux r ~ e de r d p ~ i t i o n des Homino~des. L ' a s s ~ e m e n t de la r6gion Est, vers 3 Ma entraLue une r des ~bres crdmut la ndcessitd de se ddplacer au sol. Par la suite, "l'(H)omo evenlY' : deux tentatives diffdrentes d'Ho~ae bip~des l'Australopith~que mbuste et l'Homo ~bilis ; se~ ce de~er au ~rveau mie~ irrigud et it l'alimentation plus varide r6uss~a.

Le p,~arra ~tre par les souvent prises par les • s stes. C'est que le pos6 est pa~icuJi6rement d ~ c i l e : fi s'agit d'dtudier l'apparition dkm comportement et celui-ci nes t s0xement pas une r6sultante simple de cara~6ristiques ~atomiques .

L'ou-~age pr6sente de nombreuses i s, ~ s i quean b p .

~ a l y s e ~ e r r e MEIN