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OUTILS
DU CONTRÖLE
DE GESTION
2
LA CONSTRUCTION DE TABLEAUX DE BORD
La dénomination « tableaux de bord » est empruntée au vocabulaire
aéronautique et automobile. Cette analogie volontaire est retenue pour illustrer
ce cours constitué par un ensemble d’indicateurs synthétiques et présenté de
façon synoptique visant à aider le décideur à piloter l’entreprise à court terme.
Il est fréquents de rencontrer dans la pratique les tableaux de bord proprement
dits et les travaux de « reporting » dont les objectifs diffèrent et méritent d’être
précisés (1.).
La mise en place d’un tableau de bord est conditionnée par le respect de
principes de base et de construction (2.).
Un tableau de bord est constitué par une série d’indicateurs variés qui peuvent
être exposés (3).
La présentation d’un tableau de bord varie selon le destinataire, son niveau
hiérarchique et sa fonction ; néanmoins, elle obéit à certaines règles (4.).
Ces compteurs constituent des indicateurs de gestion précieux au décideur mais
comportent également des risques qu’il convient de préciser (5.).
1 Objectifs des tableaux de bord
La distinction entre « reporting » et tableaux de bord n’est pas toujours nette
dans l’entreprise et mérite d’être précisée car les finalités diffèrent.
1.1. Le « reporting » : mission de compte rendu
C’est une appellation très rencontrée dans la littérature de gestion et dans
l’entreprise qui correspond à la réalisation de documents synthétiques destinés à
la supervision de la délégation de responsabilités.il s’inscrit souvent dans des
entités organisées en centres de profit, en filiales et vise à faire remonter les
informations vers le sommet hiérarchique.
3
reporting
C’est une pratique de plus en plus fréquente permettant d’accompagner un
management décentralisé fondé sur la délégation de pouvoirs et de
responsabilités.
Les travaux de reporting se présentent alors comme une liste d’indicateurs
(volume de vente, part de marché, productivité, marges…) établis par les
responsables hiérarchiques, complétée selon une périodicité régulière par les
unités décentralisées et visant à rendre compte de l’activité et des résultats de
l’unité autonome.
Parfois, les tableaux de reporting sont constitués par de « simples » situations
intermédiaires des unités responsabilités.
1.2 Le tableau de bord : mission de pilotage
Le tableau de bord est affublé d’un objectif plus ambitieux : celui de constituer
une aide au pilotage de l’entreprise ou du service concerné.
Il est constitué par une liste synthétique d’indicateurs établis par un pour le
responsable dans le but de contrôler les variables dont il a la maîtrise. Il ne s’agit
plus de rendre compte à une antenne de supervision (information ascendante)
4
mais d’éclairer la prise de décision et l’étendue du contrôle (orientation de
l’éclairage vers l’aval).
Tableau de bord
L’analogie avec les tableaux de bord automobiles ou aéronautiques prend ici
toute sa mesure puisqu’ils fournissent visuellement au pilote une batterie
d’informations actualisées en permanence (compteur de vitesse, compte tours,
jauge à carburant, température extérieure…) lui permettant de corriger son
action grâce à différents instruments (accélérateur, freins, direction…).
Le décideur d’une entité économique a besoin également de tableaux de bord lui
procurant rapidement des indicateurs pertinents lui permettant de déclencher la
recherche d’informations complémentaires (rapport détaillé suite à la dérive
d’une variable d’état du système exemple : (baisse de la notoriété de la marque)
voire des actions immédiates (alignement des prix sur ceux de la concurrence).
Le tableau de bord peut faire apparaître des voyants c’est-à-dire des indicateurs
de dépassement d’un seuil critique préétabli qui vont constituer des déclencheurs
5
d’action (voyant de passage en réserve de carburant pour un automobiliste, taux
de rebut critique pour un responsable d’unité de production).
: des informations rapides mais éventuellement approximatives seront
préférées à des indicateurs précis mais tardifs. La mise en place d’un
tableau de bord s’inscrit donc dans une optique d’animation budgétaire
passant par la concertation et la responsabilisation des acteurs.
2. Elaboration des indicateurs de performance
La mise en place d’une mesure de performance visant à apprécier les résultats
d’une unité ou d’un responsable suppose le respect de certains principes (2.1.)
sous peine d’entacher le climat social de l’entreprise par une incompréhension
voire un refus des critères retenus.
Imprégnés de ces règles, le contrôleur de gestion peu alors procéder à
l’identification des indicateurs (2.2.)
2.1. Le respect de principes de base
L’instauration d’un système de mesure de performance afin de responsabiliser et
motiver les acteurs est ambitieuse et tentante mais doit être entourée de
précaution :
- Principe d’exhaustivité : dès lors que l’on introduit une mesure de
performance, elle doit porter sur tous les éléments d’activité qui peuvent
être contrôlés. Si des activités restent non éclairées par les indicateurs
choisis, elles seront naturellement délaissées par les acteurs au profit de
celles mesurées et éventuellement assorties de primes.
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le comportement des étudiants
issus de section de techniciens supérieurs à l’égard des enseignements de
l’épreuve du D.S.C.G., mathématiques et informatique dont ils sont
dispensés et qu’ils laissent de côté sans se soucier de l’apport pour le
contrôle de gestion.
Dans l’entreprise, un commercial intéressé uniquement au C.A. réalisé aura
tendance à négliger la rentabilité en sacrifiant les marges pour vendre plus
6
ou à laisser de côté la prospection de nouveaux clients qui réclame des
efforts peu payants à court terme :
- Principe de contrôlabilité : la mesure de performance ne doit porter que sur
les éléments sur lesquels le responsable peut agir. Il doit donc maîtriser
l’ensemble des variables à l’origine du couple coût/performance. Cela
suppose donc une délégation de pouvoirs et un contrôle fondé sur les
résultats dont les objectifs ont été fixés conjointement au préalable entre
les parties. La délimitation des attributions et des responsabilités doit être
sans ambigüité afin d’éviter des biais dans la mesure de performance ;
- Principe d’indépendance : la mesure de performance du centre de
responsabilité doit être indépendante de celle des autres centres. les
résultats d’un acteur doivent pouvoir être isolés des actions et décisions
d’autres membres de l’entité afin d’éviter des transferts de performance de
centre à centre. Pour ce faire, la mise en place de P.C.I. (prix de cession
interne) peut s’avérer judicieuse ;
- Principe de dualité : le contrôleur de gestion peut faire cohabiter un double
système de mesure de performance :
-un instrument officiel visant à responsabiliser l’acteur mesuré en le
sensibilisant à un indicateur flatteur : « votre unité est assimilée à une
micro entreprise que vous dirigez, par conséquent, vous dégagez un
profit ».
Cependant, il est rare que le responsable maîtrise toutes les variables
(produits et charges du centre) du fait de l’imbrication du centre dans
l’entreprise. Exemple : les quantités vendues peuvent dépendre d’un centre
situé en aval de l’unité étudiée ;
-une mesure officieuse mais davantage pertinente qui est basée
uniquement sur les variables réellement maîtrisées par le responsable du
centre : exemple : comparaison des coûts réels aux coûts standards.
- principe de permanence des indicateurs : un tableau de bord doit
présenter des indicateurs faisant l’objet de mesures périodiques mais qui
s’inscrivent dans une certaine longévité autorisant un suivi et une
interprétation des évolutions constatées ;
- principe de cohérence organisationnelle : la mesure de performance réalisée
doit permettre l’attribution des responsabilités aux acteurs. Cette possibilité est
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obtenue grâce à une superposition des périmètres de l’organigramme et des
tableaux de bord :
- principe de clarté et de sélection limitée d’indicateurs : le tableau de bord reste
un instrument visualisable rapidement et comprenant donc un nombre limité
d’informations dont la définition est connue et précise. Il est usuel qu’un tableau
de bord quel que soit le niveau hiérarchique du destinataire soit limité au recto
d’une feuille. Au-delà, ce n’est plus un tableau de bord mais un rapport doté
d’une finalité différente de celle du pilotage à court terme. La prise d’une
certaine valeur d’une variable de gestion (état de stocks, taux d’impayés) pourra
commander l’établissement d’une étude approfondie.
2.2. Détermination des indicateurs
Plusieurs étapes sont à observer pour l’identification des indicateurs :
- Répertorier toutes les composantes de l’activité à partir d’une
décomposition des objectifs globaux de l’entreprise ;
- Identifier les facteurs clefs de succès de l’entreprise et du service étudié ;
- Pour chaque élément clef, rechercher une liste d’indicateurs possibles en
prenant soin de définir :
Le critère retenu ;
Le niveau à atteindre ou le seuil critique ;
La modalité de calcul ;
Les sources d’information : internes ou externes ;
Les moyens de collecte des informations : collecte manuelle,
assistée, auto complétée… ;
La fréquence des mesures. Celle-ci peut différer selon la nature du
centre étudier : un centre de recherche et développement pourra
faire l’objet d’une mesure semestrielle tandis qu’un service
commercial sera évalué de façon hebdomadaire ;
Le mode de présentation : valeur absolue, relative, représentation
graphique ;
- Sélectionner une batterie d’indicateurs synthétiques, pertinents et les plus
représentatifs ;
- Exposer les indicateurs concernés afin de s’assurer de leur compréhension
et de leur caractère équitable.
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3. Typologie des indicateurs de mesure de performance.
La méthodologie étant acquise, les indicateurs potentiels peuvent être envisagés.
Il ne s’agit pas ici de dresser une liste exhaustive des indicateurs mais de donner
des pistes de réflexion pour l’élaboration d’un tableau de bord forcément
spécifique au contexte de sa mise en place.
Les indicateurs de performance peuvent être classés en trois catégories :
3.1 Les indicateurs quantitatifs monétaires
Ce sont des indicateurs exprimés en unités monétaires qui permettent
d’apprécier :
- Le coût de fonctionnement d’un service, de production d’un article… ;
- Les recettes liées à la vente de biens ou services en interne ou sur un
marché ;
- Le manque à gagner ou coût d’opportunité lié à une non production… ;
- La valeur d’une action….
: la précaution est de mise dans leur analyse du fait d’une éventuelle
variation des prix qu’il convient de neutraliser (année de référence) afin
d’autoriser des comparaisons temporelles pertinentes. Aujourd’hui, le
problème se pose avec moins d’acuité du fait de l’inflation maîtrisée.
3.2. Les indicateurs quantitatifs physiques
Ces indicateurs permettent d’affiner l’analyse en proposant une mesure
précise nette de variation de prix. Ce sont des témoins particulièrement
précieux aux gestionnaires. Selon l’activité du centre, ils sont différents :
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centre indicateurs De production Volume de production
Niveau de stocks Ratio de rendement Temps de fabrication Temps de marche Temps morts Délai de fabrication Taux de charge de l’outil de production Taux de rebut Taux de déchet Taux de panne
De distribution Volume de ventes Part de marché Taux de pénétration Taux de renouvellement de la clientèle Nombre réclamations Taux de frais de prospection Taux de concrétisation des contacts
Administratif Nombre de brevets déposés Délai moyen de réponse Taux d’erreur Effectif Absentéisme Délai règlement clients Délai règlement fournisseurs
Recherche et développement
Nombre de brevets déposés Nombre de nouveaux produits Retard moyen des projets Coût par projet Taux d’abandon d’idées
informatique Nombre de postes Nombre de lignes de programme Délai moyen de réponses Durée des indisponibilités Volume d’informations traitées Temps de connexion Nombre d’intervention Répartition du temps (études, programmation, maintenance)
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Ces indicateurs quantitatifs constituent de véritables voyants de pilotage à
court terme et présentent l’avantage de pouvoir être obtenus généralement
plus rapidement que des indicateurs monétaires nécessitant une phase de
collecte et de traitement comptable.
3.3. Les indicateurs qualitatifs
Plus les tableaux de bord visent à éclairer des actions de niveau hiérarchique
élevé et ou des tâches peu opérationnelles, plus les indicateurs quantitatifs
manquent et cèdent la place à une dimension qualitative dans le cadre d’une
appréciation nécessairement et inévitablement plus subjective.
Cette évaluation porte sur l’appréciation des aptitudes de l’acteur considéré :
- Capacité à planifier et à tenir les délais ;
- Capacité d’écoute ;
- Capacité à diriger une réunion ;
- Capacité à animer une équipe ;
- Capacité à rester performant pendant les périodes de tension ou de
pression ;
- Aptitude à déléguer le travail ;
- Professionnalisme.
L’examen de ces qualités constitue souvent l’occasion de dresser un bilan
individuel et d’aborder les questions de potentiels de responsabilité et de plans
de carrière.
4. Présentation des tableaux de bord
La présentation des tableaux de bord n’est pas normative ; cependant certaines
consignes peuvent être indiquées :
- Le caractère synoptique de document doit être particulièrement affirmé :
clarté, lisibilité, nombre limité d’informations.
- Le recours à des présentations graphiques est envisageable d’autant que les
tableurs informatiques intègrent des outils graphiques performants
(histogramme, courbes, camembert…) ;
- La présence des seuils critiques (objectifs à atteindre, niveau minimum…)
est impérative.
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- L’identification des écarts est importante ;
- Les mesures cumulées permettent d’apprécier le caractère systématique ou
non d’une dérive d’un indicateur.
Exemple de présentation d’un tableau de bord pour un responsable
commercial
Rappel n-1
INDICATEURS Période observé
Cumule observé
Période objectif
Cumule objectif
Indicateurs économiques C.A net (total, par famille de produits, par client, par secteur) Marge (totale, par famille de produits, par client, par secteur) Taux de remise Part de marché (totale, par famille, par secteur), Frais commerciaux (par nature, par secteur), Indicateurs physiques Quantités vendues totales (tonnage ou unités), par secteur, par produit Nouveaux clients Commandes, carnet de commandes Nombre de réclamations reçues et traitées Délai d’attente, de livraison client Indicateurs contextuels Environnement (indices d’évolution d’achat, de ventes) Evolution du mix produit/client Suivi de la compétitivité Indicateurs humains Effectifs Embauches, démissions Primes versées
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5. Limite des tableaux de bord
- Tableaux de bord s’inscrivent souvent dans une vison analytique de
l’entreprise, c’est-à-dire sur une analyse cloisonnée des centres or la
dépendance des centres peut difficilement être niée et neutralisée par des
P.C.I II convient donc de tendre vers une perception systématique en
raisonnant par processus transversal inter-centres en identifiant des
responsables de processus. Ainsi, la satisfaction de la clientèle dépend de la
force de vente, de la qualité du produit mais aussi du service facturation,
du standard… ;
- Le recours aux tableaux de bord nécessite une remise en question des
instruments tout en respectant une certaine permanence des mesures ;
- La périodicité des tableaux de bord dépend de la nature de l’activité
mesurée ; or, il est fréquent de constater par commodité une fréquence
unique de reporting ne permettant pas l’exploitation de certaines
informations pour certains centres ;
- La mesure de performance se heurte souvent au comportement déviant
des acteurs cherchant naturellement à soigner les activités éclairées par les
indicateurs voire à recourir à des raisonnements pervers pour l’entreprise
mais dictés par une rationalité individuelle.
Il en était ainsi pour le responsable des achats d’un constructeur automobile
gérant des milliers de références. Le contrôleur de gestion et le service des
ressources humaines avaient institué un intéressement de la rémunération de cet
acteur en fonction de sa capacité à minimiser l’écart type des prix d’achat des
fournitures afin de l’inciter à acheter au meilleur prix. Le réflexe de l’acheteur à
consister à minimiser l’écart type en achetant les composants à un prix moyen et
non plus à chercher systématiquement à négocier âprement les prix au risque de
les voir grimper ensuite.
La mesure de performance s’inscrit donc dans une logique louable de
responsabilisation et d’animation des hommes mais se heurte à des difficultés
dans sa mise en œuvre.
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LES PRIX DE CESSION INTERNE
Les prix de cession interne (P.C.I.) sont les valeurs auxquelles s’effectuent les transactions entre les centres, les départements, les sites de production, les établissements ou encore les filiales d’un groupe. Il s’agit en fait de définir un système de prix régissant les transactions internes de l’entreprise.
Le recours aux P.C.I. vise à répondre à des objectifs qu’il convient de préciser (
1. les finalités des prix de transaction interne).
Plusieurs possibilités s’offrent au contrôleur de gestion pour établir les P.C.I. ; la
difficulté réside dans l’interdépendance des unités ( 2. les méthodes de
fixation des P.C.I.).
Après l’exploration détaillée des méthodes, nous tenterons de baliser le choix des
P.C.I.). ( 3. Les déterminants du choix des P.C.I.)
1. Les finalités des prix de transaction interne La dénomination P.C.I. constitue une expression générique parfois galvaudée. En fait, il est utile d’opérer la distinction entre :
- Les prix de transfert (1.1) : ce sont les prix de cession d’un bien ou service entre deux entités juridiques distinctes. Exemple : cession de sous produits d’une filiale à une autre ;
- Les P.C.I. (1.2) : le prix d’une cession d’un bien ou service entre deux unités d’une même entité juridique. Exemple : le centre entretien cède des prestations à un atelier.
1 .1. Le but des prix de transfert :
Répartir les résultats entre les filiales
L’utilisation des prix de transfert entre entités juridiques distinctes n’est pas neutre sur le résultat
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Bien ou service
Entité entité
Juridique juridique
A B
Prix de transfert
La détermination des prix de transfert doit donc être opérée avec précaution car ils conditionnent :
- Le résultat de chaque société : un prix de transfert élevé peut permettre de rapatrier de façon occulte des bénéfices dans une société profitant d’une fiscalité favorable (implantation à l’étranger, en zone franche sur le territoire, compensation d’un déficit…) ;
- La rémunération des actionnaires ; il est possible de privilégier les actionnaires d’une entité au sein du groupe en transférant via les prix de transfert les bénéfices vers l’entité souhaitée ;
- L’assiette de T.V.A. de chaque société ; - L’assiette des droits de douane.
Ces pratiques restent cependant étroitement surveillées par l’administration fiscale et ne relèvent plus du contrôleur de gestion mais davantage du fiscaliste.
1.2 Le but des P.C.I. : améliorer le contrôle de gestion
Bien ou service
Centre Centre
Vendeur Client entité
A B
PCI
Marché marché
La pratique des P.C.I. a pour finalité :
- l’amélioration du contrôle de gestion et notamment de la mesure de performances de responsables ;
- l’incitation des acteurs à travailler dans l’intérêt général de l’entreprise et pas seulement dans leur intérêt ;
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- l’instauration d’un régime de concurrence intra-entreprise. La pratique des P.C.I. est neutre sur le résultat de l’entreprise sauf lorsque les éléments cédés sont en stocks ou sont incorporés à des produits en stock. Dans ce dernier cas, la valorisation des stocks doit être réajustée au coût réel.
Exemple : l’unité A dont le coût de revient unitaire des produits est de 120 € vend sur son marché principal 1 000 articles à 145 € et 250 à 150 € à B qui les écoule sur son marché à 170 € en supportant un coût unitaire de distribution de 10 € .
Centre A Centre B Ventes extérieures Cession interne
1 000 250
145 150
145 000 37 500
Ventes 250 170 42 500
Coût de revient 1 250 120 150 000 Coût d’achats Coût de distribution
250 250
150 10
37 500 2 500
Résultat du centre 1 250 26 32 500 Résultat du centre 250 10 2 500
Résultat de l’entité 35 000
Un prix de cession interne différent donnerait le même résultat après consolidation
Centre A Centre B Ventes extérieures Cession interne
1 000 250
145 150
145 000 37 500
Ventes 250 170 42 500
Coût de revient 1 250 120 150 000 Coût d’achats Coût de distribution
250 250
150 10
250 X PCI 2 500
Résultat du centre -5 000 + 250 x PCI Résultat du centre 40 000-250 X PCI
Résultat de l’entité 35 000
Par contre l’usage de P.C.I. génère des effets opposés sur la performance de chacun des centres. Pour le centre fournisseur, le P.C.I. est une recette tandis qu’il représente une charge pour le centre client.
Le P.C.I. Revêt donc une importance capitale dans la mesure de performance des deux centres.
La mise en place des P.C.I. Joue un rôle moteur dans le système d’animation budgétaire en laissant aux acteurs une autonomie dans les décisions. Ainsi, dans certaines entités, la liberté aux acteurs est donnée de travailler en interne, en externe ou en mixte selon la compétitivité des partenaires internes ou externes.
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Le cas est fréquent dans la maintenance, le développement informatique ou encore la publicité.
Toutefois, l’intérêt général doit toujours primer sur les intérêts particuliers des responsables.
Ainsi, le responsable du centre A peut avoir intérêt à développer uniquement son marché même si le P.C.I. offert par B est supérieur ou égal au prix du marché. En effet, il préfèrera réserver sa capacité de production pour augmenter sa part de marché.
Cependant, l’intérêt général peut différer et commander l’approvisionnement de B. Il conviendra alors d’établir un PC.I autorisant la convergence des intérêts.
De même, en cas de sous activité de A, la direction générale peut souhaiter que B s’approvisionne auprès de A alors que B pourrait avoir intérêt à acheter sur le marché. La convergence des intérêts ne doit pas être imposée au risque que la direction soit accusée d’immixtion dans la gestion des centres et donc que les responsables de centre rejettent la mesure de performance.
2. Les méthodes de détermination des P.C.I. Deux démarches peuvent être envisagées :
- La première consiste à s’appuyer sur les coûts (2.1.) ; - La seconde repose sur la valeur du marché (2.2).
La référence aux coûts semble la méthode la plus utilisée dans les entreprises françaises au contraire des entreprises anglo-saxonnes qui lui préfèrent l’approche par les prix du marché.
2.1. L’approche par les coûts
Le recours à cette démarche est justifiée lorsque :
- Le centre vendeur est un centre de coût ; - Le marché du produit ou du service n’existe pas du fait de son caractère
spécifique. Plusieurs références de coût peuvent être envisagées :
2.1.1. Le coût complet réel
Cette approche est peu utilisé car le coût complet réel est connu a posteriori et contraint donc le centre client à commander une prestation ou un bien sans en connaître le prix.
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Cette limite est en contradiction flagrante avec la volonté de rendre autonome et responsable les acteurs de l’entreprise.de plus, l’efficience ou l’inefficience du centre fournisseur est transférée au centre client par le biais des P.C.I. En effet, dans la première partie de l’ouvrage, l’instabilité du coût unitaire au regard du niveau d’activité a été démontrée. Ainsi, en cas de sous activité du centre vendeur, le coût unitaire est élevé et pénalise le centre client qui supporte un P.C.I plus fort.
2.1.2. Le coût complet standard
Il peut être rapidement établi et assure la stabilité du P.C.I. en effet, le coût standard est préétabli et calculé sur une base d’activité normale : ce qui lui confère sa stabilité. Toutefois, cette méthode ne constitue pas pour autant la panacée :
- La performance du centre vendeur dépend du volume d’activité induit par les commandes du centre client. Si le client interne fait le choix autorisé de s’approvisionner en externe, il pénalise le niveau d’activité du centre vendeur et donc sa performance. De même, la réduction des commandes passées par un centre client en difficulté est transmise au centre vendeur qui subit une sous activité induite ;
- Le PCI sera considéré comme un coût variable par le centre client. En effet, le P.C.I. est stable unitairement et assimilable à un coût d’achat variable dans la gestion du centre client. Cette perception peut donc conduire à des choix erronés au niveau de l’intérêt général car le centre vendeur et particulièrement sur son niveau d’activité ;
- La fixation du P.C.I. au coût standard peut rendre la transaction non attractive pour le centre client alors qu’elle le serait en coût complet en cas de sur activité du centre vendeur.
2.1.3. Le coût variable majorité d’un forfait
P.C.I. = Coût variable du centre vendeur + Contribution d’absorption budgétée des charges fixes
Cette approche apparemment complexe permet de se débarrasser des limites des méthodes précédentes.
En effet, elle permet d’éviter de transférer les écarts d’activité et d’inscrire les acteurs dans un système d’animation budgétaire. Périodiquement (annuellement par exemple) le centre client s’engage sur un volume de commande (de biens ou de services) à partir duquel la redevance est calculée.
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Si le centre client commande plus que prévu, le boni d’activité pour le centre vendeur sera neutralisé par le paiement de la redevance fixe.
Cette approche neutralise donc les phénomènes de transferts de performance ou contre performance de centre à centre. De plus, le centre client n’assimile pas le P.C.I. à coût variable, c’est-à-dire à un coût unitairement fixe.
Si le service vendeur est qualifié centre de profit, il conviendra d’ajouter au P.C.I. une marge bénéficiaire correspondant par exemple au taux de marge observé sur le secteur.
P.C.I. = Coût variable + marge + contribution d’absorption
Une dernière méthode d’origine microéconomique peut être utilisée :
2.1.4. Le coût marginal
Cette référence constitue l’approche la plus rigoureuse d’un point de vue économique mais reste d’application difficile d’un point de vue organisationnel car elle remet en cause l’autonomie des responsables.
La principale difficulté de mise en œuvre tient dans la détermination du coût marginal de la cession interne (mathématiquement, c’est la dérivée de la fonction de coût total : encore faut-il la connaître… voir partie 1 titre 1 chapitre 4).
De plus, si la référence au coût marginal pour fixer un P.C.I. permet de tendre vers l’intérêt général de l’entreprise : le P.C.I. entre souvent en contradiction avec l’intérêt particulier du vendeur.
Exemple : un P.C.I. fondé sur le coût marginal correspondant pour exemple au coût variable ne satisfera pas un centre vendeur mesuré par le profit qui préférera un prix de marché ou un coût variable majoré d’une redevance.
L’approche en termes de coût marginal est souhaitable dans une organisation centralisée mais n’est pas compatible avec une forte délégation des pouvoirs et des responsabilités. Les acteurs s’insurgent alors contre l’ingérence du contrôleur de gestion dans leur service.
2.1.5. Le coût marginal augmenté du coût d’opportunité
Afin de ne pas nuire à la performance du centre vendeur, le P.C.I. peut être fixé au coût marginal majoré d’un coût d’opportunité correspondant à l’indemnisation du centre vendeur. En effet, le centre vendeur à qui on impose l’approvisionnement d’un centre client interne au détriment de ventes à des clients extérieurs subit un manque à gagner.
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Le choix entre celles-ci dépend de la nature des centres de responsabilité, de leur interdépendance et du degré de décentralisation.
U ne autre optique consiste à se référer aux prix du marché.
2.2. L’approche par les marchés
Elle est particulièrement adaptée aux transactions intervenant entre deux centres de profit ou d’investissement.
Cela permet d’instaurer un système de concurrence interne autorisant notamment les responsables à choisir entre transaction interne ou externe. Les responsables des centres ont véritablement l’impression de jouer un rôle de chef d’entreprise en maintenant l’adéquation de leur offre avec le marché.
Plusieurs modes d’évaluation des P.C.I. en fonction des conditions de marché sont envisageables.
2.2.1. Le prix de marché
Cette solution autorise la création d’une relation client/ fournisseur entre les unités d’une même entité, les incitant à l’efficience tout en préservant l’autonomie des acteurs.
Cependant, le prix observé sur le marché n’est pas forcément la traduction d’une concurrence vive. Aussi, se référer au prix sur les marchés oligopolistiques bien établis sur lesquels la concurrence n’est qu’apparente n’aura pas un effet incitatif sur la performance des centres.
La cession peut concerner un produit ou une prestation de service très spécifique pour lesquels un prix de référence n’est pas disponible sans coût (devis, appel d’offres…).
2.2.2. Le prix de marché diminué d’une commission
Cette précaution de réduction du prix du marché est indispensable lorsque la cession a lieu entre un service de production et un service commercial. La minoration du prix correspond alors aux frais de distribution que le service de production aurait du supporter pour un client externe.
20
Bien ou service
Service de Service
Production commercial
P.C.I. Marché
2.2.3. Le prix mondial le plus bas
Il s’agit de se référer au prix le plus bas observé dans le monde. On parle également de coût asymptote c’est-à-dire le coût vers lequel l’entreprise peut espérer tendre dans les meilleures conditions. Cette méthode connaît un engouement certain du fait de la mondialisation des échanges et des pratiques de délocalisation totale ou partielle des outils de production de biens ou de services.
2.2.4. Le double prix
La pratique du double prix est utilisée afin d’orienter les différentes unités vers l’intérêt général tout en préservant les intérêts particuliers. Le double prix est nécessaire lorsqu’il n’existe pas de zone d’accord possible sur le P.C.I. le plus intéressant entre Prix de marché et coût complet ; la différence étant prise en charge par le siège.
Exemple : le centre vendeur A peut écouler toute sa capacité de production sur un marché au prix unitaire de 1 200. Le coût de revient unitaire s’élève à 1000.
Le centre B souhaite s’approvisionner auprès de A et commercialiser ce même produit au même prix sur une autre zone géographique avec un taux de marge nette de 10 % et des frais de distribution de 5 %.
en
tité
21
en
tité
PCI 1200 SIEGE PCI 1000
Bien ou Service
Centre A Centre B
Px 1200 Px 1200
Marché marché
Le centre A proposera comme P.C.I. plancher 1 200, prix auquel il vend sans difficulté sa production.
Le centre B ne pourra accepter ce P.C.I. puisqu’il correspond au prix de vente.
Pour autant, l’intérêt général peut commander la cession de A vers B (pénétration stratégique d’un nouveau marché). La solution consiste à inciter’ les centres A et B à commercer grâce à un prix incitatif. La direction générale percevra 1 0201 de la part du centre B et versera 1 200 au centre A.
L’écart unitaire de 180 représente alors le coût d’organisation de la transaction entre les centres. Lors de consolidation des comptes des services appartenant à la même entité juridique, l’opération sera neutre.
3. Les critères de choix des P.C.I.
Des travaux ont été menés afin de conceptualiser les pratiques de P.C.I. observées dans l’entreprise.
3.1. Les conclusions de John Dearden
Au travers d’un article publié en 1960 dans « Harvard Business Review », John Dearden classe les pratiques de P.C.I. selon la nature stratégique des biens échangés :
22
- Produits auxquels l’entreprise tient particulièrement à conserver la fabrication pour des raisons stratégiques. Ces produits constituent l’origine d’un facteur clé de succès (avance technologique, secret de fabrication) ou ne sont pas proposés par les fournisseurs extérieurs (biens ou services très spécifiques). Le contrôleur de gestion retiendra pour P.C.I. le coût standard majoré d’une marge si le centre vendeur est qualifié de centre de profit ;
- Produits pour lesquels les choix entre faire ou faire faire sont doués d’une forte inertie. La fabrication interne est possible mais réclame des investissements coûteux à amortir sur le long terme. Le centre acheteur ne pourra pas sans l’aval de la direction générale choisir de s’approvisionner à l’extérieur au risque de condamner la collaboration interne impérativement de long terme. Le P.C.I. s’inscrira donc dans un contrat pluriannuel basé sur un prix de marché ou un coût standard majoré d’une marge ;
- Produits faisant l’objet de spéculations répétées pour lesquels la direction générale entend préserver par sécurité une capacité interne de production. La direction peut donc contraindre les centres à s’approvisionner pour partie en interne. le P.C.I. sera alors établi sur la base du prix de marché ou du coût standard majoré d’une marge ;
- Produits pour lesquels le choix entre approvisionnement interne ou externe peut s’exercer sans inertie du fait de la nature standardisée des produits et de toute façon présent sur le marché extérieur et écoule des volumes plus importants que les éventuelles commandes internes. La direction générale délègue alors totalement la décision de s’approvisionner en interne ou en externe au centre client. Le P.C.I. retenu dans la négociation entre les centres correspond au prix du marché.
3.3 La contribution de Robert Eccles
Dans un article de la revue « Harvard l’Expansion » de 1985, Robert Eccles propose une matrice des P.C.I. construite à partir d’une enquête menée de 150 cadres.
Deux facteurs déterminants sont identifiés :
- L’interdépendance des centres résultant d’une intégration verticale plus ou moins prononcée. Les centres réalisant l’éventuelle cession interne s’inscrivent dans un processus d’amont en aval quasi incontournable lorsque l’intégration verticale est forte ;
- L’indépendance des centres correspondant à une diversification horizontale plus ou moins poussée. Le cas d’une diversification élevée correspond aux
23
conglomérats présents sur de nombreux marchés avec de nombreux produits.
Définition des prix de cessions internes selon la situation stratégique de l’entreprise
Faile
in
tégr
atio
n v
ert
ical
e
fort
e Style coopératif - Priorité à l’approvisionnement interne. - Si l’accent est mis sur l’interdépendance,
cession au coût complet réel. - Si l’accent est mis sur la mesure de la
performance des divisions, cession au coût complet standard plus une marge bénéficiaire fondée sur la rentabilité normale des investissements des unités amont.
Style participatif - Une part de
l’approvisionnement est interne.
- Cessions internes évaluées au prix de marché.
- L’évaluation des cessions est source de conflits.
- La gestion des conflits est un moyen de contrôle efficace pour la direction générale.
Style collectif - Concerne surtout la valorisation des
transferts des unités de production vers les départements commerciaux.
- Cession au coût standard de production départ usine.
Style concurrentiel - Délégation du choix de la
source d’approvisionnement.
- Prix de cession interne fondé sur le prix de marché
Faible diversification forte
La fixation des prix de cession interne revêt donc une importance capitale dans les entreprises car il conditionne la motivation des responsables des centres et la pertinence de leurs décisions et de leurs mesures de performances. Les prix de cession interne sont véritablement au cœur du dispositif du système budgétaire perçu comme instrument d’animation de l’organisation. Ils constituent des instruments de pilotage participant à la recherche de convergence entre les intérêts particuliers des responsables de centre et l’intérêt général identifié par la direction générale.
24
LES COUTS CACHES
La notion de coûts cachés a été développée par Henri Savall et les chercheurs de
l’I.S.E.O.R., Institut de Socio-Economie des Entreprises et Organisations. Les coûts
cachés sont des coûts visibles et invisibles dans le système comptable dus à
l’organisation et aux comportements humains.
Les outils traditionnels de comptabilité analytique et générale s’avèrent inadaptés
pour éclairer les coûts cachés et cèdent la place à des techniques spécifiques. Ils
peuvent représenter par individu et par an l’équivalent de sa masse salariale et
donc une source d’économie pour qui saura les identifier et les juguler.
1. L’origine des coûts cachés
L’existence des coûts cachés repose pour partie de la relation entre l’organisation
et les hommes (1.1.).
De cette relation complexe vont naître des dysfonctionnements à l’origine de
coûts cachés (1.2.).
1.1. Structure et comportements humains
La relation structure et comportement humain n’est pas naturelle et résulte
davantage d’un conflit permanent qu’il convient de gérer. En fait, ces deux
notions ont toujours été étudiées de façon séparée voire opposée ou du moins
perçues dans une relation de domination. Ainsi l’un des deux courants suivants
l’emporte sur l’autre :
- Structuralisme : courant de pensée (Cyert et March) qui prône la thèse
opposée et place les comportements humains comme le principal facteur
explicatif du résultat.
25
Selon Henri Savall, la vérité serait un mélange des deux faisant naître des dysfonctionnements
nécessitant des régulations et donc des coûts. Ceci est traduit sur le schéma suivant en forme
de trèfle à quatre feuilles :
Exemple de lecture : une règle trop rigide ne sera pas tolérée par le personnel qui la percevra
comme une atteinte aux conditions de travail. Le coût caché à supporter par l’entreprise pourra
être constitué par les coûts liés à l’absentéisme en résultant.
DYSFONCTIONNEMENTS
Hypertrophiés
- conditions de travail
- organisation du travail
-communication –coordination
- concertation
-gestion du temps
- formation intégrée
- mise en œuvre
stratégique
STRUCTURES COMPORTEMENTS
Atrophiees Atrophiees
- Physisiques - individuels - Technologiques - Organisationnelles - de groupes d’activité - Démographiques -catégoriels - Mentales - de groupes de pression
- colllectifs
- Absentéisme
- Accidents du travail
- Rotation du personnel
- Qualité des produits
- Productivité directe
- COUTS CAHES
- Hypertrophiés
SIOFHIS :
Systèmes d’information opérationnelles PERFORMANCE
Et fonctionnelles humainement ECONOMIQUE
Intégrées et stimulantes atrophiée
26
1.2. Les composants des coûts cachés
5 dysfonctionnements élémentaires sont recensés :
- Absentéisme ;
- Accident du travail ;
- Rotation du personnel ;
- Défauts de qualité des produits ;
- Ecarts de productivité.
Ces dysfonctionnements sont palliés grâce à des régulations qui engendrent des
coûts de deux natures :
- Coûts visibles en comptabilité générale mais dilués, c’est-à-dire bien
déboursés mais pas correctement analysés. Exemple : une secrétaire dont
les compétences orthographiques ne sont pas suffisantes réalise des
travaux qui doivent être relus par le cadre demandeur. Ce dernier perçoit
alors un sursalaire puisqu’il accomplit une tâche ne correspondant pas à sa
fonction ;
- Coûts invisibles, c’est-à-dire non pris en compte en comptabilité générale
correspondant aux non-produits. Exemple : un accident du travail ayant
occasionné un arrêt de production fait supporter à l’entreprise un coût
d’opportunité lié c’est-à-dire un manque à gagner. Cette notion de manque
à gagner est absente de la comptabilité générale qu’elle mérite d’être mise
en évidence.
27
Les modes d’évaluation des coûts cachés peuvent être résumés dans ce tableau
Coûts cachés
Total Des Coûts cachés
Surcharges
Non-produits
Sur salaires Sur temps
Sur consommation
Non-production
Non-création de potentiel
Absentéisme
Accident du travail
Rotation du personnel
Qualité des produits
Ecarts de productivité directe
TOTAL Sur-salaires Engendrés par les cinq indicateurs
Id.
Id.
Id.
Id.
Coûts cachés totaux
2. L’évaluation des coûts cachés
Deux phases sont à distinguer
2.1. La détection
La détection relève du diagnostic au sens médical du terme et repose donc sur
l’examen de symptômes (dysfonctionnements). Les effets financiers sont ensuite
28
appréciés par la valorisation des coûts cachés et laissent place à un travail sur les
causes des coûts cachés pour mieux les juguler.
Le contrôleur de gestion se heurte alors à des difficultés :
- La frontière entre fonctionnement et dysfonctionnement est souvent floue.
Les chercheurs de l’I.S.E.O.R. se réfèrent souvent à zéro défaut ;
- Les acteurs ont une réticence naturelle à la remise en cause ;
- Les coûts cachés sont constitués par une multitude de petites choses qui
par ajout peuvent représenter des montants faramineux. Exemple : coût de
« non réflexion » (perte de temps de travail) d’un cadre occupé à répondre
à une communication téléphonique pour laquelle la secrétaire aurait dû
faire barrage.
La démarche de détection est fondée sur :
- Les techniques d’observation directe sur le terrain ;
- Les techniques d’entretien avec les acteurs afin d’identifier les procédures
réellement suivies et d’en apprécier l’efficacité et l’efficience ;
- L’analyse de documents de contrôle : feuille de pointage horaire, bilan
social, relevé des indicateurs de productivité et de pannes ;
- L’examen des grilles de compétences : il est rare que l’adéquation de la
formation des hommes aux besoins soit parfaite. Fréquemment, des coûts
cachés naissent de ce décalage. Exemples : un manque de qualification
engendre des demandes d’explications, des défauts et des corrections. Une
surqualification entraîne un sentiment de frustration chez l’intéressé.
2.2. La valorisation des coûts cachés
Elle peut être établie à partir de trois éléments de coût :
- Taux horaire = frais de personnel + contribution aux charges fixes
_______________________________________ Nb d’heures
- L’intégration des charges fixes permet de prendre en compte la sous
activité résultant d’un dysfonctionnement. Ainsi, une absence non prévue
d’un individu à son poste de travail crée une absorption des charges fixes
sur un volume de travail moindre et donc représente un coût de sous
activité.
29
La contribution horaire à la marge sur coûts variables = MCV/nb d’heures.
Dans cette méthode, le travail humain est considéré comme générateur du
résultat de l’entreprise ;
- Coût de non création de potentiel : coût retenu pour apprécier la perte de
temps de réflexion des cadres à un projet. Valeur actuelle du projet/nb
d’heures estimées de gestation du projet.
Le montant des coûts cachés sera évalué par le produit des unités de temps
gaspillés et la valorisation horaire choisie.
Le tableau suivant permet d’illustrer l’emploi des types de
valorisations :
Composant Définition Exemple Chiffrage
Sur-salaires Salaire versé sans contrepartie d’une activité quelconque (titulaire absent et payé) Différentiel de salaire entre titulaire (absent et non payé) et son remplaçant
Salaire versé en cas d’accident du travail Recours à l’intérim pour faire face aux départs
Coût moyen d’indemnisation de l’absence Taux salariaux horaires moyens par catégorie
Sur-temps Pertes de temps engendrées par le dysfonctionnement et sa régulation
Temps consacré aux retouches ou au contrôle
Contribution horaire à la marge sur coût variable1
Surconsommation Consommations Supplémentaires de biens et services engendrées par le dysfonctionnement et sa régulation
Pertes de matières premières dues à la non qualité
Coût réel des pièces, de la matière, de l’énergie perdues
Non-production Absence de production provoquant la perte de la marge sur coût variable
Arrêts machines, sous-productivité des remplaçants
Contribution horaire à la marge sur coût variable
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Non création De potentiel
Actions d’investissements immatériels non engagées du fait du temps perdu à réguler les dysfonctionnements
Nouveaux marchés non prospectés programme d’entretien préventif non mené à bien
Difficile à évaluer, éventuellement valeur actuelle nette des projets en souffrance ou CHMSCV
3. La mesure du phénomène
Les chercheurs de l’I.S.E.O.R. ont entrepris des évaluations concrètes de coûts
cachés dans des entreprises et ont fait apparaître des montants exorbitants (3.1.)
mais qui, une fois détectés, représentent des sources importantes d’économies
(3.2.).
3.1. Des statistiques accablantes…
Ces coûts cachés peuvent constituer des montants pléthoriques, comme le
montre le tableau ci-après :
Les coûts cachés par individu peuvent représenter par an jusqu’à l’équivalent
d’une année de traitement du salarié. Cette analyse peut être rapprochée de
l’analyse en terme de surplus de productivité globale et ouvrir des perspectives
intéressantes de responsabilisation et de rémunération des acteurs.
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Résultats de coûts cachés par personne et par an dans cinq unités (en €) Secteur d’activité
Métallurgie
Verrerie
Métallurgie électroménager
Banque
Electronique
Unité concernés Par l’évaluation
Atelier d’usinage
Atelier de moulage et
d’attrempage
Chaîne de montage
Agence Atelier de finition et
de contrôle de tubes de télévision
Effectif de l’unité
35 111 390 22 67
Total des coûts cachés par personne
et par an
20.820 44 280 14 160 7 720 53 560
Absentéisme 2 460 5 340 4 600 5 640 7 940 Accident du
travail 1 600 480 480 480
Rotation du personnel
150 Non évalué 260 440 Prise en compte dans les
écarts de productivité
directe
Non-qualité 9 760 38 460 8 422 1 640 41 460 Ecarts de
productivité directe
6 850 Non évalué 320 3 680
3.2….et à la fois encourageantes
Identifier les coûts cachés va permettre d’évaluer les surcoûts et manque à
gagner et donc d’indiquer les axes de travail.
Pour autant, il serait vain de songer à les réduire à néant du fait de leur
incompressibilité partielle.
En effet, par exemple on peut chercher à réduire l’absentéisme excessif mais il
subsistera toujours un absentéisme « naturel » et incompressible. Certains
32
auteurs affirment d’ailleurs que des dysfonctionnements sont nécessaires et
inéluctables.
Aussi, même si on ne peut espérer raisonnablement les réduire à zéro ; les coûts
cachés constituent un enjeu économique énorme pour les organisations qui
savent les identifier.
De cette identification des coûts cachés doit naître un processus de recherche des
causes et de solutions.
La recherche des causes et leur élimination peut être entreprise au moyen
d’outils de type diagramme d’Ishikawa (diagramme en arrêtes de poisson) et
d’actions sur les conditions de travail, la gestion individuelle et collective du
temps, les dispositifs de communication / coordination / concertation, des
formations en adéquation parfaite avec les besoins.
Cette démarche peut être pilotée sous forme d’un projet dans lequel les
acteurs vont être impliqués et responsabilisés pour découvrir eux-mêmes les
changements à opérer.
Les résultats d’une telle démarche peuvent être probants :
33
Résultats de réduction des coûts cachés par personne et par an dans six unités (en € )
Secteur d’activité métallurgie verrerie métallurgie électronique Agro-alimentaire
banque
Unité concerné par l’évaluation
Equipe d’un atelier
d’usinage
Atelier d’un atelier de
moulage et attrempage
Atelier de chau-
dronnerie
Atelier de montage
Atelier de fabrication
de pâtisserie
Agence
Effectif de l’unité par l’action
4
95 45 22 115 16
Totale de réduction nette
des coûts cachés par personne et
par an
9 060
7 180
7 480
5 480
5 480
2 300
Coût de l’acytion par personne
6 140
1 040 1 160 2 720 700 820
Réduction de coûts cachés par personne et par
an avant amortissement
du coût de l’action
15 200
8 200
8 640
28 200
6 540
120
Absentéisme a 980 -2 360 180 8 200 2 440
Accident du travail
Non évalué b
-120 240 Non évalué b
Rotation du personnel à
Non évalué b
Non évalué b
2 240
Défauts de qualité a
4 200 10 700 Non évalué B
-1 020 6 540 Non évalué
b Ecarts de
productivité direct a
10 020
Non évalué
b
6 960
8 600
Non évalué
b
a : il s’agit ici des réductions de coûts par personne et par an, indépendamment du coût de l’action b: élément non évalué compte tenu du temps imparti à l’évaluation financière dans cette étude. Unités : €
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4. Enseignements et limites de la méthode
Cette analyse permet d’identifier les surcoûts et les manques à gagner. Elle a un
caractère novateur de par l’introduction de coûts « virtuels » absents jusqu’alors
dans les raisonnements classiques.
L’évaluation des coûts cachés peut conduire à l’identification de montants
pléthoriques qu’il convient toutefois de relativiser du fait de leur caractère
partiellement incompréhensible.
En effet, la démarche d’Henri Savall et de l’équipe de l’I.S.E.O.R. consiste à se
référer systématiquement à une situation hypothétique et utopique de « 0 »
défaut et conduit donc à surestimer les coûts cachés.
De plus, la démarche proposée consiste à placer les heures de travail au centre de
la création de richesse dans l’entreprise et des coûts cachés.
De plus, la démarche proposée consiste à placer les heures de travail au centre de
la création de richesse dans l’entreprise et de coûts cachés importants trouve une
explication dans la recherche de vente de prestations connexes basées sur des
programmes de réduction de coûts cachés. Ces missions de conseil sont alors
d’autant plus faciles à placer que les coûts cachés identifiés sont élevés.
Cependant, elle permet une prise de conscience ouvrant la voie à une quête
d’économies substantielles et de responsabilisation des acteurs, ces derniers
pouvant d’ailleurs être intéressés aux résultats. Elle peut entrer dans la base des
négociations salariales qui portent souvent sur quelques points d’augmentation
alors que les coûts cachés peuvent représenter une à deux fois le salaire annuel…
Cependant, elle permet une prise de conscience ouvrant la voie à une quête
d’économie substantielles et de responsabilisation des acteurs, ces derniers
pouvant d’ailleurs être intéressés aux résultats. Elle peut entrer dans la base des
négociations salariales qui portent souvent sur quelques points d’augmentation