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Paestum: premières fresques grecques jamais …unesdoc.unesco.org/images/0007/000783/078378fo.pdf · Photos Unesco - J. Chevalier A Paestum, au sud de Naples, le grand temple dit

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Une fenêtre ouverte sur le monde I

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Avril 1970 (XXIIIe année) - France : 1,20 F - Belgique : 17 F - Suisse: 1,20 F

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TRÉSORS

DE L'ART

MON DIA1

our bien rire

préférez les oignons

Photo 0 R- et S. Michaud - Rapho, Paris

Il y a au Pakistan un personnage qui joue son rôle avec le même succès dans la vie des jeuneset des vieux, de l'homme de la rue et de l'érudit : c'est Mulla-le mangeur-d'oignons. Ce joyeuxbouffon, dont l'existence historique n'est pas absolument certaine, serait mort depuis près dequatre siècles, mais fait toujours rire le Pakistan.S'il devait son surnom à son goût pour lesassaisonnements très forts, il incarne à coup sûr l'éternel humour populaire qui excelle à fairejaillir une fine réflexion en jouant d'une narration absurde. Aussi sage qu'impertinent*Mulla-le-mangeur-d'oignons aurait eu toute licence de divertir le fameux Akbar, souverainmoghol du 16e siècle, qui régnait sur un immense empire. Sa rayonnante malice est évoquée danscette miniature moghole du 18e siècle (20 x 12,5 cm), aujourd'hui au Musée de Lahore.

Le CourrierAVRIL 1970

XXIIIe ANNÉE

PUBLIÉ EN 13 ÉDITIONS

Pages

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U. S. A.

Hindie

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HébraïquePersane

Mensuel publié par l'UNESCOOrganisation des Nations Uniespour l'Éducation,la Science et la Culture

Ventes et distributions :

Unesco, place de Fontenoy, Paris-7e

Belgique : Jean de Lannoy,112, rue du Trône, Bruxelles 5

ABONNEMENT ANNUEL : 12 francs fran¬

çais; 170 fr. belges; 12 fr. suisses; 20/-stg.POUR 2 ANS: 22 fr. français; 300 fr. belges;22 fr. suisses (en Suisse, seulement pour leséditions en français, en anglais et en espa¬gnol); 36/-stg. Envoyer les souscriptionspar mandat C. C. P. Paris 12598-48, LibrairieUnesco, place de Fontenoy, Paris.

Les articles et photos non copyright peuvent être reproduits

à condition d'être accompagnés du nom de l'auteur etde la mention «Reproduit du Courrier de l'Unesco», en

précisant la date du numéro. Trois justificatifs devront êtreenvoyés a la direction du Courrier. Les photos noncopyright seront fournies aux publications qui en feront lademande. Les manuscrits non sollicités par la Rédaction ne

sont renvoyés que s'ils sont accompagnés d'un coupon-réponse international. Les articles paraissant dans le Courrierde l'Unesco expriment l'opinion de leurs auteurs et non

pas nécessairement celles de l'Unesco ou de la Rédaction.

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PAESTUM

Premières fresques grecques de style classiquejamais découvertes

par Michel Conil Lacoste

LE CAIRE AU PASSÉ MILLÉNAIRE

par Abdel-Rahman Zaky

AL-AZHAR, LA RESPLENDISSANTE

L'une des plus vieilles universités du monde

8 000 ANS DE TRÉSORSDANS LES MUSÉES DU CAIRE

SAN AGUSTÍN

Vivantes énigmes de la préhistoire en Colombie

par Fernando Sanz

LEPENSKI VIR

Sur les bords du Danube, le plus ancien village d'Europe

par Jean Vidal

QUAND LES PROFANESDISSÈQUENT LA SCIENCE

NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT

LATITUDES ET LONGITUDES

TRÉSORS DE L'ART MONDIAL

Pour bien rire... (Pakistan)

Bureau de la Rédaction :

Unesco, place de Fontenoy, Paris-7e France

Directeur-Rédacteur en chef :

Sandy Koffler

Rédacteur en chef adjoint :René Caloz

Adjoint au Rédacteur en Chef :Lucio Attinelli

Secrétaires généraux de la rédaction :Édition française : Jane Albert Hesse (Paris)Édition anglaise : Ronald Fenton (Paris)Édition espagnole : Francisco Fernández-Santos (Paris)Édition russe : Georgi Stetsenko (Paris)Édition allemande : Hans Rieben (Berne)Édition arabe : Abdel Moneim El Sawi (Le Caire)Édition japonaise : Takao Uchida (Tokyo)Édition italienne : Maria Remiddi (Rome)Édition hindie : Annapuzha Chandrahasan (Delhi)Édition tamoule :T.P. Meenakshi Sundaran (Madras)Édition hébraïque : Alexander Peli (Jérusalem)Édition persane : Fereydoun Ardalan (Téhéran)Rédacteurs :

Édition anglaise: Howard BrabynÉdition espagnole: Simon Izquierdo Perez

Illustration et documentation : Olga Rodel

Maquettes : Robert Jacquemin

Toute la correspondance concernant la Rédaction doit êtreadressée au Rédacteur en Chef Photos Unesco. J. Chevalier

Notre couverture

C'est en Italie, aux abords du

grand temple de Paestum, provincede Lucanie, qu'une nécropoledécouverte au cours de l'été de 1968

a livré les premières fresquesgrecques de style classique qui soientparvenues jusqu'à nous (voir articlepage 4). Elles ont été peintes auxalentours de 480 avant notre ère.

En 1969, d'autres tombes ont étédécouvertes, ornées de nombreusesfresques, dans le même style grec,ou témoignant de l'apport direct del'influence grecque. La fresquereproduite dans la partie supérieurede notre couverture représente le retourdu guerrier. L'étendard montrequ'il s'agit d'une oeuvre lucanienne,car tes anciens Grecs ne portaientjamais d'étendard. Pour la fresquedu bas, voir légende page 8.

Photos Unesco - J. Chevalier

A Paestum, au sud de Naples, le grand temple dit de Neptune (ci-dessous) a été élevé vers lemilieu du 5e siècle avant notre ère sur le modèle du Parthenon d'Athènes. C'est l'un des derniers

témoignages de Poseidonia, colonie grecque fondée à la fin du 1" siècle avant notre èreet prise par les autochtones lucaniens vers la fin du 5* siècle avant notre ère. A proximitéon a découvert une vaste nécropole ; parmi un millier de tombes fouillées (photo du bas) unecinquantaine, peintes, ont révélé dans un état de conservation presque parfait les seules fresquesgrecques qui jusqu'ici soient parvenues jusqu'à nous.

PAESTUMles premières fresques

de style grec classique

jamais découvertes

par Michel Conti Lacoste

QUELQUES plaques de terre

cuite peinte, quelques traces de poly¬chromie sur des débris d'enduit, quel¬ques anecdotes sur Polygnote, Zeuxisou Euphranor, voilà tout ce qui nousétait parvenu de la magnifique floraisonde la peinture dans le monde helléni¬que des 5e et 4e siècles av. J.-C. dontnous parle Pline l'Ancien. La grandepeinture à fresques de l'époque classi¬que a fini dans les fours à chaux.

Les pillages romains ont ajouté leurseffets aux vandalismes guerriers et àla fragilité des supports pour nous pri-

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MICHEL CONIL LACOSTE, critique ethistorien d'art, collabore à diverses publi¬cations artistiques et littéraires. Il a notam¬ment publié ' La Sculpture européenned'aujourd'hui * (Editions Günther, Stuttgart,1966). Chef de la section de la campagneinternationale pour Florence et Venise(Unesco) de 1967 à J969, // est le co-auteuravec L.-J. Rollet-Andriane, du « Rapportde l'Unesco sur Venise * (Mondadori ed.,1969), à paraître prochainement chez RobertLaffont. Il appartient actuellement à laDivision de la diffusion internationale dela culture à l'Unesco.

Cette scène de banquet (ci-dessus) ornait les parois Intérieures de la plus ancienne des tombes peintesdécouvertes à Paestum, dite « tombe du plongeur » à cause du motif qui en décore (ci-dessous) lecouvercle. Exécuté aux alentours de 480 avant notre ère, le banquet funèbre est un reflet fidèle de lapeinture grecque archaïque que l'on ne connaissait, jusqu'en 1968, que par les vases peints d'Athènes.Ici, dix jeunes hommes écoutent de la musique, devisent et boivent. Le plongeur (¡ci un détail) sedétache sur un paysage de bord de mer suggéré avec une étonnante économie de moyens :colline à l'horizon, arbres stylisés qui contrastent avec la vigueur naturaliste du saut de l'athlète.

DANS LA FOULÉE GRECQUE

LES PEINTURES DE LUCANIE

Les Lucaniens du 4° siècle avant notre èredécorèrent de plaques peintes les tombesde la nécropole de Paestum. Les thèmesde lutte et de victoire abondent ;

fier guerrier à cheval (à gauche) ; victoireailée sur son char (en haut à droite) ;course de quadriges (en bas à droite).Dans la peinture de la victoire ailéeon aperçoit sur la gauche des brancheschargées de grenades, fruit qui symbolisela renaissance et la promesse d'une vie future.Les peintres lucaniens se sont inspirésdes vases grecs de Tárente (Italie du Sud),mais, à la différence des peintres grecs,recherchent surtout les oppositions originalesde couleurs. Ci-dessous, sépulturesdécouvertes à Paestum : ces cerceuils

de pierre ont environ 1,80 m de long et1 m de large. 150 parois peintes attestantl'art grec ou lucano-grec ont fait deces sépultures l'une des plusremarquables découvertes archéologiquesde ces dernières années.

Photos Unesco - J. Chevalier

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PAESTUM (Suite)

ver des tableaux de chevalet qu'onvoyait aux murs des Propylées et chezles particuliers de la métropole et descolonies.

Faute de contact direct avec les

oeuvres mêmes, force nous était de lesimaginer à travers le reflet que nousen livrent les vases peints ou, plusmédiocrement, certaines transpositionsaffadies sous les pinceaux romains.

Telle était du moins la situation anté¬

rieurement à ce jour de juin 1968où le soleil de Paestum pénétra dansla tombe N° 4 d'une nécropole siseà 1 500 mètres au sud des murs anti¬

ques de cette ancienne ville grecqueproche de Salerne (Italie), soumise cetété là à des fouilles méthodiques. Lesrecherches révélèrent des peinturespariétales d'une fraîcheur saisissantereprésentant des banquets funéraireset des offrandes rituelles typiquementgrecs, qui dormaient là presque intac¬tes depuis deux millénaires et demi.

Au premier coup d' les scènes

figurées se démarquaient nettement dudécor des rares tombes lucaniennes

peintes, mises au jour antérieurementdans les parages. Au contraire, elless'apparentaient de très près à cellesde la céramique grecque classique.

Rien de plus séduisant, sur les deuxparois longitudinales, que cette doublescène de banquet funèbre en rouge,noir, jaune et bleu, où dix convives,laurés et barbus, dressés sur le coude,torse nu, s'accordent la récréation de

la musique, jouent au kottabos (diver¬tissement antique consistant dans untransvasement acrobatique de coupesde vin), ou s'énamourent sur un litininterrompu, indiqué d'un seul traitde pinceau azur.

Aux dalles d'extrémité, plus étroites,un joueur de flûte précède le cortègedu défunt, un échanson offre du vin.

Pureté des attitudes, contrepoint déjàsavant du dessin et de la couleur

encore à peine modulée : ces fresquesnous content le premier enhardisse-ment de la peinture en même temps

qu'elles confirment les rites helléni¬ques de la vie et de la mort.

Motif plus insolite, à la face internede la dalle formant couvercle, unéphèbe planant entre ciel et mer n'enfinit pas de se jeter du haut d'un grêleplongeoir entre deux arbrisseaux incli¬nés : d'où le nom de tomba del tuffatore

(plongeur) bientôt donné à cette sépul¬ture, que certains indices stylistiquesprécis, tenant notamment à la repré¬sentation de l' et à l'interprétationgraphique des musculatures, et surtoutla forme d'un vase trouvé à l'intérieur,permirent au professeur Mario Napoli,surintendant aux Antiquités de la pro¬vince Salerne-Paestum, qui conduisaitles fouilles, de faire remonter aveccertitude aux environs de 480 av. J.-C.

A cette époque, Paestum s'appelaitencore Poseidonia. C'était, sur le golfede Salerne, à quelque 80 km au sudde l'actuelle ville de Naples, un desétablissements les plus importants dela Grande Grèce. Institutions, langue,cultes, arts, tout y est grec : les monta-

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gnards lucaniens ne sont pas encoredescendus de leurs hauteurs environ¬

nantes sur la côte pour chasser dupouvoir les représentants d'Athènes.

Les peintures de la tombe du Plon¬geur sont donc à la fois stylistique-ment, culturellement, et même politi¬quement grecques. Et il ne fait aucundoute que leur auteur est un Grec.

Trouvaille sans précédent, puisqu'onétait en présence, selon les termesmêmes du surintendant, « de la pre¬mière et unique peinture grecque del'âge archaïque et classique existantau monde ». Les meilleurs spécialistesfurent du même avis.

Dans sa contribution au volume « La

Grèce classique » de la fameuse col¬lection « L'univers des formes »,

M. François Villard, spécialiste françaisde l'art grec, a pu écrire : « Jus¬qu'à la toute récente découverte àPaestum (...) d'une tombe peinte desenvirons de 480, d'une si étonnantepuissance expressive, nous ne connais¬sions (...) aucun original de peinture

grecque, pas même d'un peintremineur. »

Découverte surprenante, aussi bien :il n'existe en effet aucune tradition de

peinture funéraire dans le monde grec.On ne trouve de tombes peintes qu'àpartir du 4« siècle, et seulement à sapériphérie : au Pont-Euxin, aux envi¬rons de Tarente, et dans les Pouilles,où d'ailleurs domine un style beaucoupplus géométrique.

D'autre part, les peintures funérairesétrusques correspondent à une inspira¬tion ésotérique et rituelle sans grandrapport avec les thèmes si vivants dela tombe du Plongeur. Par contre, latradition de décoration funéraire est

très vivace en Lucanie. Confrontés

à ce dilemme, le surintendant Napoliet ses collaborateurs sont partagésentre deux interprétations : la premièresuppose qu'un habitant non grec dePaestum, sans doute un notable, auraitobtenu en pleine hégémonie grecquel'honneur d'être inhumé dans la tradi¬

tion de sa terre d'origine.

La seconde, incompatible avec laprécédente, fait intervenir une donnéeliée à la signification pythagoriciennedu « plongeon rituel ». Le mort serait,dans cette perspective, un affilié grecd'une loge pythagoricienne de Paestum.

Mais les . archéologues italiensn'étaient pas au bout de leurs surpri¬ses. Le 12 juillet 1969, le surintendantétait prévenu qu'un certain LuigiFranco, labourant un lopin de terredestiné à une plantation d'artichautsavec un soc creusant plus profond quecelui qu'il utilisait la saison précédente,avait buté sur une nouvelle tombe,dans un autre secteur situé cette foisà 300 mètres au nord des murs.

La tombe était vide et nue. Mais sur

les 83 sépultures en fosse trouvéesdans le même périmètre de 100 x70 mètres au cours des trois mois sui¬

vants, une cinquantaine étaient déco¬rées de fresques, dont plus de trentedans un bon état de conservation.

A l'exception de quatre ou cinq, ellesrenfermaient des vases, dont l'examen

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LE REVE ET LA VIE

QUOTIDIENNE

Les peintres lucaniens ont apportéà la peinture funéraire un accentnouveau, à la fois bucoliqueet fantastique. La paroi tombalepeinte, à gauche, témoignede cette double originalité. Le motifsupérieur, triangulaire, offre unefigure exceptionnelle ; Charon,le nautonier du Styx, personnagede la mythologie grecque, a ététransformé par le peintre lucanienen génie funéraire féminin.Il accueille la morte dans la barqueinfernale. Dans la partie inférieure(voir aussi notre couverture),un personnage emmène un jeuneveau qui va être sacrifiéen l'honneur de la morte. Une

matrone, un plateau d'offrandessur la tête, suit l'animal ; derrièreelle, une petite servante portant'également des pains et lessymboliques grenades de la viefuture. Une pleureuse ferme lecortège. Il s'agit de paysannestypiquement lucaniennes, commeon en rencontre encore de nos jours.En haut à droite, griffons ailés,animaux fabuleux qui apparaissentau 4e siècle sur les vases grecs.En bas, scène rurale : le chariotdu paysan lucanien se détachesur un fond d'arbres, notationnaturaliste assez rare dans

l'art grec du 4e siècle.

Photos Unesco - J. Chevalier

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PAESTUM (Suite)

permit de les dater du 4" siècle av.J.-C, autour de 340.

A raison de quatre parois décoréespour chaque tombe le couvercle,ici, n'étant pas peint on disposaitmaintenant d'un véritable cycle de 120à 140 parois peintes d'une haute anti¬quité, fournissant comme le prolonge¬ment inespéré de la tombe du Plongeur.

Prises ensemble, elles définissaient

un style, et ce style était sinon rigou¬reusement grec, du moins fortementempreint d'hellénisme, nuancé d'unesorte d'accent indigène local parti¬culièrement savoureux.

Comme celles du Plongeur, ces nou¬velles parois ont été transportées aumusée tout proche, où elles sèchentlentement. Sur certaines d'entre elles

on voit encore la trace laissée sur

l'enduit humide par les cordes qui ser¬virent à les installer. En matière d'anti¬

quités, certains indices technologiqueset traces de gestes valent presque cechimérique transport dans le temps quinous en rendrait contemporains et quele travail du savant tend à suppléer.

Outre de rares ossements, qu'a-t-ontrouvé dans ces tombes du 4e siècle ?

Des bijoux, des vases. Les paroisdécoupées à l'avance aux dimensionsvoulues (un ou deux mètres de long

sur 0,90 m de haut) étaient passées àl'enduit frais et décorées vraisembla¬

blement au dernier moment. Sur cha¬

cune d'elles la figure principale s'enca¬dre dans un décor marginal qui a laprestesse du badigeon et qui étaitpeut-être préparé par un aide : ban¬deroles, fleurs, semis d' et de gre¬nades symbole de résurrection.

Il arrive que cette ornementationmachinale constitue tout le sujet : unedes tombes n'est décorée, en son

milieu, que d'un entrelacs des fameuxrosiers de Paestum.

D'autres ne comportent qu'une vaguearabesque abstraite parcourant la dalleen diagonale ; c'est dans l'une d'ellesqu'on a trouvé le seul vase signé. Ony lit le nom de Python, le plus célèbredécorateur, avec Asteas, de ces am¬phores à anses torsadées qui ont faitle renom de la fabrique de Paestum.Il paraît exclu que l'une ou l'autrede ces gloires locales ait contribué auxpeintures elles-mêmes, mais rien jus¬qu'ici n'en a apporté la preuve.

Les figures proprement dites ont faitsouvent l'objet de plusieurs dessinsconsécutifs que révèle la lumièrerasante. Elles nous montrent des ran¬

gées de cavaliers, des combats depugilistes et d'hoplites, des scènes de

chasse au cerf, des taureaux, des grif¬fons, des oiseaux fabuleux.

Ailleurs, des femmes sont à leurtoilette sous un baldaquin, ou bienencore une armure et deux cnémides

ont paru assez intéressantes pourconstituer le seul thème. La mythologieest souveraine : Charon fait passer leStyx à l'ombre du mort, moyennantrémunération, Hermès est attelé auchar d'un enfant. Déjà les spécialistesdevinent dans ce séduisant répertoiretrois registres successifs caractériséspar l'emprise plus ou moins affirméedes archétypes grecs traduits dans unesprit plus ou moins archaïque, alter¬nant avec un accent local particulière¬ment vif.

Certains archéologues passent leurvie à reconstituer vingt mètres de murantique, ou à interroger des tessons :on ne trouve pas au moindre coup depioche une momie de pharaon ou letrésor des Templiers. Les archéologuesde Paestum ont eu la main heureuse :

il faudra des années pour exploiterscientifiquement leur moisson de sen¬sationnel. On peut les croire quand ilsaffirment que les 140 parois peintesde Paestum, s'ajoutant aux cinq dallesde la sépulture du 5e siècle, consti¬tuent véritablement un moment révéla¬

teur de la peinture grecque.

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¡ÉïTi** LE CAIRE

AU PASSE

MILLENAIRE

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Photo C Abdel Fattah Eid, Le Caire

ff Depuis que le Pharaon Menés a conquisle Delta et a réuni le nord et le sud, il

y a 5000 ans, l'Egypte est demeuréel'Egypte. Et Le Caire est le ctur del'Egypte. Egypte, en arabe, se traduitpar Misr, et depuis des siècles, Misr estle nom populaire donné à la capitale.Ainsi, les deux doivent être identifiées à

juste titre, car dans cette grande villeon peut trouver la synthèse du passéde l'Egypte. »

0 Sarwat OkashaMinistre de ia Culture

République Arabe Unie

par Abdel-Rahman Zaky

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ABDEL-RHAMAN ZAKY est l'un des grandsspécialistes égyptiens en matière d'histoireislamique, d'archéologie, et d'histoire mé¬diévale du Caire, domaines auxquels il aconsacré de nombreuses études. Il est l'au¬

teur de divers ouvrages, « la Citadelle deSaladm », « le Caire : de Gawhar à Jabarti »,« Encyclopédie du Caire * (tous ces ouvragesen arabe). Il donne des cours de muséogra¬phie à l'Institut d'archéologie islamique, auCaire, et appartient au Comité d'études descivilisations à l'Académie de la langue arabe.Il dirige la publication de « l'Encyclopédiearabe 1960-1963 ».

»^ civilisation islamique estcélèbre par les villes qu'elle a créées,et lorsqu'on l'évoque c'est d'abord àcelles-ci que l'on pense : Cordoue, LeCaire, Damas, Alep, Bagdad, Boukha¬ra, Samarkand. La liste en est iné¬

puisable, mais aucune d'entre ellesn'est aussi renommée que Le Caire.

Capitale de l'Egypte dès les débutsde l'islam, Le Caire a toujours été etreste encore, non seulement, le rem¬part, mais encore le trésor de l'Islam,car la ville renferme toute une série de

chefs-d' de l'art islamique.

Son histoire a commencé au moment

où Amr ibn al-As, venu d'Arabie,conquit l'Egypte pour le compte ducalife Umar en 641. Amr s'empara dela forteresse égypto-romaine de Baby

lone, dont les ruines donnent encorede la majesté au Vieux-Caire, juste aunord de laquelle il installa son camp,al-Foustat.

Plus tard, d'autres gouvernants cons¬truisirent, toujours vers le nord, denouveaux centres administratifs, maisFoustat a été le véritable berceau du

Caire, capitale située sur la rive est duNil, qui remplaça l'antique Memphis,bâtie sur la rive ouest. Au IXe siècle,par exemple, Ahmad ¡bn-Touloun, dontla grande mosquée est toujours debout,fit construire Al-Qataï, au nord-est deFoustat.

Toutefois le nom même de la villedu Caire et le commencement de sa

splendeur datent de l'époque des Fa-timides, dynastie chi'ite qui affirmait

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Photo ©

Paul Almaty Paris

descendre de Fatima; fille du prophèteMahomet.

Ubayd-Allah al-Mahdi, descendantde Fatima, s'était établi à Kairouan,Tunisie, en 910. L'Egypte fut conquiseen 969 par Djawhar, vizir et chef desarmées du calife fatimide Al-Mu'lzz.

La capitale de l'empire fatimide futaussitôt établie dans la nouvelle ville

fondée par Djawhar et nommée par luiAl-Qahira (la Victorieuse), devenu, enfrançais, Le Caire.

Djawhar était parti de Kairouan enfévrier 969, à la tête de cent millehommes bien équipés et abondammentapprovisionnés. Le 9 juillet, Foustatse rendait et l'armée fatimide campaitsur une plaine sablonneuse, au nord dela ville.

Le soir même fut tracée l'enceinte

d'une nouvelle cité, à la fois palais etforteresse, sous la forme d'un carréd'environ 1 300 mètres de côté. Le

côté nord regardait Foustat, le côtéest longeait un ancien canal connusous le nom de al-Khalig, le côté ouestfaisait face aux hauteurs du Mokattam,

tandis qu'au nord s'ouvrait en rasecampagne la route de l'Asie.

A l'origine, les murailles, percées desept portes, étaient en brique crue. Lestrois magnifiques portes de pierre etles restes de remparts qui subsistentencore faisaient partie de la grandiosereconstruction en pierre de cette en¬ceinte, sur un alignement légèrementdifférent, menée à bien un siècle plustard par le grand vizir Badr al-Djamali.

L'enceinte de Al-Qahira abritait une

cité royale interdite à quiconque n'yavait pas officiellement affaire. On yavait prévu la construction de deuxpalais pour le calife et sa famille, debureaux pour les services officiels, decasernes pour la garnison, de la Tréso¬rerie, d'un arsenal, d'écuries, etc.

Dès que les murailles commencèrentà sortir de terre, Djawhar s'occupad'ériger une grande mosquée. Le3 avril 970 fut fondée la mosquée Al-Azhar (la Resplendissante) qui fait en¬core l'orgueil de l'Islam.

Terminé le 24 juin 972, cet édificefut spécialement mis à la dispositiondes lettrés en 988. Il devint alors ce

qu'il est toujours resté, le siège del'une des plus grandes universitésislamiques. Alors, comme aujourd'hui,

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LE CAIRE (Suite)

des étudiants venus de tous les paysdu monde musulmans, se rassem¬blaient dans ses murs pour y recueillir,sur les lèvres des plus grands savants,un enseignement portant sur le Coran,la théologie, les traditions du Prophète,le droit, la grammaire, la logique, larhétorique, etc.

Après l'époque de Saladin, Al-Azhardevint le plus renommé des centresd'enseignement de l'orthodoxie islami¬que, une université de réputation mon¬diale et d'une distinction inégalée.

Quelques années seulement aprèssa fondation, la ville du Caire brillaitdéjà d'un tel éclat que le voyageurarabe Maqdisi pouvait écrire en 985 :« Bagdad était autrefois une ville

illustre, mais elle tombe maintenant enpoussière, et sa splendeur a disparu.Je n'y ai éprouvé aucun plaisir, ni rientrouvé qui mérite d'être admiré.

« Le Caire est aujourd'hui ce queBagdad était à ses débuts, et je neconnais aucune ville islamique d'uneplus grande splendeur. »

Le Caire, en effet, n'était plus àcette époque une simple ville provin¬ciale, résidence d'un gouverneur nom¬mé par le califat abbasside, mais lacapitale d'un vigoureux empire rivali¬sant sans peine avec celui des Abbas¬sides, et une puissance méditerra¬néenne qui tenait en échec tous sesrivaux, à l'est comme à l'ouest.

Grâce à la puissante marine et aux

nombreuses relations des Fatimides,

l'Egypte avait pris rang parmi les for¬ces politiques de la région. Ces fac¬teurs, joints à la sagesse politique desFatimides, avaient en outre permis auCaire de devenir un centre commercial

d'une importance jusqu'alors inégalée.

Les écrivains et les voyageursavaient de la peine à exprimer par desmots toute la splendeur de la ville,dont les deux palais étaient naturel¬lement les plus beaux fleurons.

Ces deux édifices étaient séparéspar une place, Bayn al-Qasrayn (« en¬tre les deux palais »), nom qui survitencore dans celui d'une rue bordée de

plusieurs magnifiques mosquées deconstruction plus récente. C'est sur

L'ACCUEIL DES SULTANS

AU 13e SIÈCLE

Au 13e siècle, sous le règne des Mamelouks,l'Egypte développa rapidement ses relations avecd'autres pays. Bénéficiaire de fructueux échan¬ges commerciaux entre l'Orient et les ports médi¬terranéens, Le Caire devint l'une des plus richescités du monde.

Une telle civilisation ne pouvait être, comme

d'aucuns peuvent le penser, renfermée et isoléedu reste du monde. Les livres d'histoire nous rap¬

portent l'ordre donné par le sultan Qalaoun(1278-1290) à ses lieutenants dans les ports :bien traiter les voyageurs et commerçants depassage, leur être agréable, leur manifester del'amitié pour les inciter à prolonger leur séjour etfaire preuve d'équité dans les droits qu'ils ont àpayer, afin que rien ne soit perçu hors ce quiest prescrit par le sultan.

L'ordre disait entre autres : « Voyageurs etcommerçants sont les présents des mers et l'âmede nos ports. Les paroles qu'ils diront, les coeursles retiendront. Au bien qu'on leur fera (tel unsemis en bonne terre), ils étendront, pour enrépandre le bruit, les voiles de leurs embarca¬tions pareilles aux ailes des oiseaux. » Les sul¬tans ne s'en tinrent pas là ; ils envoyèrent desbulletins aux commerçants de l'Orient et de l'Oc¬

cident pour les encourager à se rendre en Egypte.Le style agréable et subtil de ces bulletins témoi¬gne de l'importance que l'on accordait aux rela¬tions avec le monde extérieur.

Que l'on en juge : « Celui qui a choisi de serendre dans nos royaumes, qu'il prenne la déci¬sion de celui à qui Dieu ne veut que du bien.Qu'il vienne dans un pays où nul n'a besoin deprovisions, car c'est un Eden pour ceux qui yséjournent et un divertissement pour qui est loinde sa patrie. Que les commerçants du Yemen, del'Inde, de la Chine, du Sind et d'ailleurs qui

prendront connaissance de notre décret se dispo¬sent à se mettre en route et à venir chez nous. Ils

verront que la réalité y dépasse nos paroles etque le bien qui les attend est au-delà de nospromesses. »

cette place que se déroulaient les défi¬lés militaires et les grandes cérémo¬nies.

A l'est s'élevait le palais de Al-Mu'izz, à l'ouest celui qu'avait cons¬truit son fils Al-Aziz ; ce dernier

palais dominait le jardin de Kafur(souverain plus ancien), qui s'étendaitalors jusqu'au canal Khalig.

Le topographe égyptien Maqrisi(mort en 1441) a consacré près dedeux cents pages à la description deces deux palais, avec leurs quatremille pièces, le somptueux Pavillond'or, où le calife, assis sur un trônedoré, tenait ses audiences entouréd'une brillante suite, le Pavillon d'éme-

raude, avec ses piliers de marbre, et

le Grand Diwan, où le calife venait

s'asseoir en grande pompe, les lundiset jeudis, devant une fenêtre surmon¬tée d'une coupole.

Le Caire des Fatimides était en fait

une ville neuve. Ces souverains au¬

raient pu dire, à l'imitation de l'empe¬reur Auguste, qu'ils avaient trouvé uneville de brique crue et l'avait laissée depierre. L'emploi de la pierre prenaitfigure d'innovation, car il avait disparudepuis l'époque classique. Commenous l'avons déjà dit, Badr al-Djamalireconstruisit en pierre une partie desremparts et des portes de la ville(1087-1091).

Ces constructions sont d'un travail

admirable. La mosquée funéraire de

Badr al-Djamali, sur le Mokattam, estégalement en pierre, ainsi que la mos¬quée d'AI-Akmar. Le minaret de lamosquée de Badr représente aussi uneinnovation dans l'architecture islami¬

que de l'Egypte.

Le plan de la ville subit une nou¬velle modification majeure à l'époquede Salah al-Din al-Ayyubi (Saladin)qui prit la place des Fatimides en 1169et régna jusqu'en 1193. Saladin voulutfaire édifier un nouveau mur réunis¬

sant Al-Qahira et Foustat dans l'en¬ceinte d'une même grande ville dixfois plus étendue que la capitale desFatimides.

C'est également à Saladin qu'estdue la construction de la citadelle qui

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A gauche, dessin d'une ruedu Caire en 1889. A droite,

scène de rue aujourd'huidans les souks. Bien

qu'il y ait maintenant auCaire des immeubles

modernes et des gratte-ciel,peu de choses ont changédans les vieux quartiers,où la foule se presse commejadis dans des ruellestortueuses bordées

d'échoppes. C'est àl'époque des Mamelouksque Le Caire devint unegrande ville commerciale etcosmopolite, la plus richeet la plus populeuse del'Islam. Dans les bazars, lesodeurs aromatiques rappellentle temps où Le Cairecommerçait avec l'ArabieHeureuse et l'Inde,pourvoyeurs d'épicescoûteuses et recherchées.

LE CAIRE (Suite)

Minarets, dômes et dentelles de pierre

Photo © René Burrl - Magnum

14

reste l'luvre architecturale la pluscaractéristique du Caire. Elle s'élèvesur les contreforts du Makattam, etc'est là que furent transférés les prin¬cipaux services gouvernementaux. Lecentre de gravité de la ville n'étaitdonc plus la cité des Fatimides.

Le résultat ne tarda pas à se fairesentir. Les anciens palais tombèrent enruine et de nouveaux bâtiments s'éle¬vèrent sur leur site. Rien ne subsiste

aujourd'hui de ces palais, sinon quel¬ques fragments de bois sculpté.

Saladin et ses successeurs, qui ré¬gnèrent jusqu'en 1250, introduisirentde nouveaux changements dans l'ar¬chitecture islamique de l'Egypte. Lamosquée-madrasa (établissement d'en¬seignement supérieur) fait son appa¬rition. Ces mosquées, comme les ma-drasas qui leur sont rattachées, sontbâties sur un plan cruciforme.

On se mit à construire des minarets

à bulbe, à employer des ornements dits« stalactites », à faire un large usagedes trompes et à décorer l'extérieurdes dômes.

Sous la domination des Mamelouks,

qui se prolongea sans interruptionjusqu'à la conquête ottomane de 1517,la prospérité commerciale amena LeCaire à se développer encore vers lesud, l'ouest et le nord. Au-delà des

portes nord d'AI-Qahira apparut unnouveau faubourg.

De nombreuses constructions datant

de l'époque des Mamelouks existenttoujours : mosquées funéraires, mos-quées-madrasas, écoles, auberges,fontaines publiques. En fait, le carac¬tère fascinant de l'architecture cairote

est surtout dû aux Mamelouks.

Malheureusement il ne reste à peuprès rien de leurs luxueux palais, misà part quelques énormes murs du pa¬lais de Bishtak, une jolie porte pro¬venant de la demeure de Yeshbek,

près de l'imposante mosquée du sultanHasan et la résidence mieux conser¬

vée, de l'émir, dite Bayt al-Qadi.

Seuls les récits des voyageurs etles objets d'une rare perfection dont

s'enorgueillissent nos musées nouspermettent d'en imaginer vaguementla somptueuse beauté. Il ne demeurequ'une partie des marchés protégésdu soleil par des auvents de pailletressée ou des toitures de bois, ainsi

que d'exquis moucharabieh dont lesdélicats entrelacs surplombent les rueset les cours intérieures.

Le reste ne survit que dans lespages de Maqrizi : rues animées, mar¬chés et auberges où se retrouvaientdes étrangers du monde entier, palaiset résidences particulières regorgeantde toutes les richesses que l'argentpeut procurer, bains publics, nombreuxjardins, pavillons et belvédères.

Gouverné par les Mamelouks, LeCaire resta pendant deux siècles etdemi la plus riche, la plus belle et laplus peuplée des villes de l'Islam. Sesmosquées et autres monuments témoi¬gnent du goût et du sens du bien pu¬blic dont firent preuve ses souverains.Son architecture est d'une variété et

d'une perfection extraordinaires.

La plus vieille des mosquéesdu Caire, avec son minaretspirale, ses piliers debriques et ses fines arabesques,demeure pratiquement tellequ'elle fut bâtie par AhmedIbn Touloun, en 879(à gauche). A l'horizon seprofile la masse imposantede la Citadelle, forteresse

construite par Saladin (12° s.).Saladin ne put voir songuvre achevée ; elle futcomplétée par son frère, lesultan El-Adel.

L'alimentation en eau de la

Citadelle était assurée par le« Puits de Joseph », creusédans le roc au niveau du Nil.

Dominant la Citadelle,resplendissent les dômes et lesminarets de la mosquéede Mohammad All, la plusgrande et la plus belledes mosquées de la périodeottomane. La photo, àl'extrême gauche, révèle unecour Intérieure de la mosquéed'Ibn Touloun, vue du minaret.

Les 12«, 13e et 14« siècles, ont cha¬cun produit des chefs-d'euvre carac¬téristiques.

Depuis Qala'oun, dont l'époque vitla fin des croisades, jusqu'à Qa'itbeyet Al-Ghouri, sous lesquels les Otto¬mans menaçaient déjà de submergerl'Egypte, au moment même où les Por¬tugais coupaient les précieuses routescommerciales vers l'Inde et l'Extrême-

Orient, de magnifiques édifices s'éle¬vèrent les uns après les autres.

Les façades, les minarets, la déco¬ration intérieure témoignent d'un goûtde plus en plus raffiné et d'une ima¬gination toujours plus grande.

Un chef-d' retient particulière¬ment l'attention, parce qu'il ne ressem¬ble à aucun autre : c'est la mosquée-madrasa du sultan Hasan, construiteentre 1356 et 1359, avec des pierresprovenant des Pyramides. On peutsupposer, sans trop s'aventurer, queson caractère exceptionnellement mas¬sif et monumental est dû en partie àl'inspiration de ces monuments.

Ses murs, d'une grande hauteur,sont couronnés par une magnifiquecorniche, aussi remarquablementconçue que celle dont Michel-Ange adoté le Palais Farnèse à Rome. Par¬

tout on est frappé par les dimensionsde l'édifice plutôt que par lesdétails architecturaux. La cour inté¬

rieure est entourée de quatre super¬bes arches.

L'ensemble était autrefois décoré

d'ornements de bronze et de verre

émaillé d'un travail exquis, dont leMusée d'art islamique conserve cer¬tains spécimens, tandis que la porte,recouverte de plaques de bronze, laplus belle du genre, orne aujourd'huila mosquée de Mu'ayyad, près duBab Zuwayla.

Les voyageurs et écrivains arabescélébraient à l'envi la splendeur dela ville. Ibn Battoula, le Marco Polo del'Islam, en a parlé avec émerveillementen 1326.

En 1383, l'historien Ibn Khaldoun, quitermina ses jours au Caire, l'appelait

« la métropole de l'univers, le jardin dumonde, la fourmilière de l'espèce hu¬maine » et la décrivait comme « une

ville ornée de palais et de somptueu¬ses résidences, de couvents, de mo¬

nastères et d'universités, illuminée parle rayonnement des plus célèbresérudits, et située dans un paradis sigénéreusement arrosé par le Nil que laterre semble y offrir gracieusement,aux hommes, en don de bienvenue,

des fruits que les laborieux fellahsn'auraient pas osé lui demander ».

Pendant toute cette période, LeCaire resta le c de l'Islam et de

la civilisation islamique. Bagdad futcapturée et mise à sac par les Mon¬gols en 1258, et ne s'en relevajamais. Le Caire fit bon accueil auxréfugiés.

L'Egypte des Mamelouks fut le seulpays du Proche-Orient qui se montracapable de résister avec succès auxfurieux assauts des Mongols. Troisfois elle les vainquit et les repoussa.La prospérité de l'Egypte s'accrut

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LE CAIRE (Suite)

même sous l'effet des conquêtes mon¬goles, et aussi parce que le commerceégyptien s'orienta de plus en plus versles marchés européens, alors enpleine expansion.

Le travail des artisans du Caire

atteignit des niveaux de perfection deplus en plus élevés. De nombreuses

de cette époque, exécutéesen métal, en bois ou en verre, ont sur¬vécu. On en trouve dans les mosquéesaussi bien que dans les musées.

En outre, la ville découpe sur le cielun harmonieux ensemble de dômes et

de minarets, qui en font, grâce auxefforts conjoints des architectes et desartisans, l'une des plus belles villesque l'homme ait jamais créées.

L'écrivain et voyageur français du19= siècle Joseph de Gobineau a cons¬taté qu'au Caire le souvenir des Ma¬melouks domine tout, tant ils ont

accompli, tant ils ont élevé de magni¬fiques et durables monuments. Euxseuls, dit-il, étaient capables de sculp¬ter dans la pierre le monde d'arabes¬ques qui orne si somptueusement lesconstructions dans toute l'Asie.

Et il ajoute qu'à peine sortis del'esclavage, les Mamelouks, dès qu'ilseurent déposé leur sabre et affermileur autorité, semblèrent ne rien pou¬voir produire de médiocre et que cequ'ils ont construit est sans égal danstoute l'architecture musulmane du

reste du monde ».

Conquise par les Ottomans en 1517,la ville se mit à décliner. Le jougdes Ottomans pesait lourdement surl'Egypte, et les échanges avec l'Orientdiminuèrent graduellement. Cependant,ces siècles ne sont pas totalementdénués d'importance en ce quiconcerne l'embellissement du Caire.

Ni le goût ni l'habileté n'atteignaitle niveau d'autrefois. Néanmoins, jus¬qu'au début du 19e siècle, la villes'enrichit de nombreux édifices quicomptent toujours dans l'attrait qu'elleexerce sur tous ses visiteurs.

En 1798, avec Bonaparte, la politiquede puissance et les nouvelles techni¬ques européennes firent irruption enEgypte. Bon gré mal gré, l'Egypte futentraînée dans le monde moderne. Les

changements qu'elle subit furent aussiprofonds que rapides.

Lorsqu'il longe le Nil ou se promèneau hasard des rues de la ville mo¬

derne, le visiteur peut ne pas sentirautour de lui la présence de si nom¬breux siècles d'histoire, à moins qu'ilne voie surgir à l'ouest les immuablespyramides ou, à l'est, l'orgueilleusecitadelle du sultan Saladin.

Mais dans les rues de la ville an¬

cienne, le passé ne se laisse jamaisoublier. Le Caire, comme tant d'au¬tres lieux dans l'extraordinaire vallée

du Nil, est un livre de pierre dont lespages témoignent clairement du carac¬tère perpétuel de l'effort humain.

Chacune invite le passant à s'inter¬roger et à essayer de mieux connaîtrela nature de ses semblables à d'autres

époques et en d'autres lieux. H

A gauche, deretour d'un

pèlerinage à LaMecque, unCairote, dans cedessin du

19e siècle, relate

par l'Image sonvoyage dans laville sainte de

l'Islam.

Ci-dessous et à

droite, deux vuesde l'Université

Al-Azhar.

Photos © Paul Almasy, Pans

AL-AZHAR, LA RESPLENDISSANTE

créai

Moins d'un an après la fondation du Caire, en 969, les Fati-

mides, nouveaux maîtres de l'Egypte, firent poser les fonda¬tions de la grande mosquée de Al-Azhar (La Resplendissante),

le premier des nombreux chefs-d'Puvre d'architecture qu'allaitériger la nouvelle dynastie.

A l'origine, la mosquée devait être un centre d'enseigne¬ment religieux destiné à assurer le rayonnement des idées

religieuses des Fatimides. Mais quelques années plus tard,en 988, le calife Al-Aziz décida que trente-cinq étudiants yferaient leurs études. Les califes fatimides prônèrent leslumières de la connaissance, et mirent tout en ouvre pourinciter à l'étude. Gouverneurs, ministres, citoyens fortunés firentdes dons à Al-Azhar, qui se changea en une université isla¬mique, dont le renom ne cessa de grandir. L'Egypte devenuedans le monde musulman nation entre les nations, Le Cairedevint La Mecque des érudits et des savants.

Depuis, Al-Azhar resta un centre de culture islamique oùthéologiens, érudits, professeurs viennent enseigner la théo¬logie, la linguistique arabe, la logique, la littérature, les mathé¬matiques, la médecine, l'astronomie, le droit et d'autres disci¬plines encore.

Sous le règne des Mamelouks (13M6* siècle), Al-Azhardemeura le bastion de la langue arabe, et assura la perma¬nence des doctrines religieuses.

Au début du 20e siècle, le cheik Mouhammad Abdou, l'un des

créateurs du mouvement intellectuel moderne en Egypte, intro

duisit de nouveaux programmes d'études à Al-Azhar, quiassuma un nouveau rôle scientifique et moderne.

Des transformations plus récentes ont donné à la vieilleuniversité un nouvel élan, et rendu son influence plus grandeencore. En plus de ses instituts d'études traditionnels arabes etislamiques, elle s'est adjoint aujourd'hui des facultés spéciali¬sées dans toutes les disciplines des sciences naturelles etsociales, de même dans l'agriculture, la médecine, le com¬merce, les langues et la technologie ; elle compte, de plus,un institut pédagogique.

Al-Azhar possède également un collège féminin, créé en1962, qui accueille actuellement deux mille élèves de toutesles parties du monde. C'est là le noyau d'une future universitéféminine, dans laquelle deviendront facultés les actuels dépar¬tements de médecines, de sciences, d'études islamiques etarabes, de sciences sociales, de langues, de commerce (ycompris comptabilité, administration et statistique).

Au cours des dernières années, le nombre des inscriptions

a rapidement grandi, pour atteindre aujourd'hui vingt mille.Aussi, un très grand ensemble universitaire a-t-il été construità la périphérie du Caire ; il comprend les bâtiments des nou¬velles facultés et une cité universitaire où peuvent loger étu¬

diants et professeurs. Mais les trois anciens collèges ceux,les plus anciens de tous, qui sont consacrés aux études isla¬miques resteront proches de la mosquée millénaire qui leura donné naissance.

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8000 ANS DE TRESORS

DANS LES MUSÉES DU CAIRE

Le Caire possède de remarquables musées, créés depuis leIS« siècle pour abriter les richesses que l'Egypte a accumuléesau cours de sa foisonnante histoire. Le plus riche du monde enantiquités pharaoniques, le Musée Egyptien, compte 150 000 objetsexposés, et des centaines de milliers d'autres classés dans sesdépôts. A elle seule, la fameuse collection de la tombe de Tou-

tankhamon (ci-dessus, son masque funéraire en or) représente1 700 pièces rares ; les salles de l'Ancien Empire (2900-3000 avantnotre ère), haute période de la civilisation égyptienne, compren¬nent, entre maintes statues, celle de Mykérlnos, fondateur de latroisième pyramide de Gizeh. Au Moyen Empire (2100-1750 avantnotre ère), la renaissance de la sculpture parait dans tout sonéclat, comme avec cette porteuse d'offrande (à droite), un exem¬ple entre bien d'autres. Vieilles de plus de 3 000 ans, 71 statuesde calcaire encore, dont celles de la reine Néfertiti, de légendairebeauté : une tête de Néfertiti en quartzite est l'un des plus mer¬veilleux chefs-d'auvre de l'antiquité. Le Musée Egyptien est unIncomparable centre d'études pour la civilisation en Egypte dusixième millénaire avant notre ère jusqu'à la conquête romaine.C'est à l'art copte, monuments et fragments architecturaux, des¬sins, tapisseries des 5e et 6e siècles de notre ère, qu'est dévolule Musée Copte, où l'on peut voir aussi des ¡cônes des 16« et17e siècles. Au Musée Copte, une peinture sur bols de stylehellénistique (page de droite) découverte dans la région du Fayoumoù, du 1er au 4e siècle de notre ère, des artistes grecs créèrentun style de portraits qui annonce l'art byzantin. 70 000 pièces, telleest l'étonnante collection du Musée d'art islamique ; spécimensarabes anciens, omeyyades et fatimides, égyptiens fatimides,mamelouks, Iraniens et turcs ; des céramiques, dont certainessont vieilles de huit siècles, des verreries, des armes incrustées

de pierres précieuses, des tapis, des poteries. L'ensemble artis¬tique le plus complet de l'époque ottomane fait le Musée deKasr-EI-Nil ; des uuvres de grands artistes européens, de Goyaà Delacroix, de Rubens à Van Gogh et de grands peintres égyp¬tiens comme Mahmoud Said et Mohammad Negui sont groupées auMusée Moukhtar.

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par Fernando Sam

SAN AGUSTÍNVivantes énigmes

de la préhistoire en Colombie

Sa *-[ES constructions mégalithi¬ques, près de 400 statues, dont certai¬nes ont plus de 4 mètres de haut, dessarcophages de pierre, tels sont lessaisissants vestiges, dans la Colombied'aujourd'hui, d'une culture préhistori¬que qui est demeurée ignorée jusqu'audébut de ce siècle.

Cette culture originale a reçu le nomde « culture de San Agustín », le nommême de la région où fut découvertce millénaire héritage de pierre ; elleest située dans le sud de la Colombie,

sur le versant oriental de la Cordillère

des Andes. Le grand fleuve Magdalenay prend sa source ; plusieurs autresfleuves la traversent, le Muíale, le

Ouinchana et le Bordones. Dans unpaysage de collines et de forêts quesurplombent quelques pics, le villagede San Augustin est situé à 1 700 mè¬tres au-dessus du niveau de la mer.

Aux alentours de San Agustín, destemples, des tombes, des statues attes¬tent l'existence, en des temps reculés,d'une population dont la civilisation,antérieure à celle des Incas, pose bien

des énigmes. Aujourd'hui parc natio¬nal, la zone archéologique de SanAgustín, qui s'étend sur plusieurs cen¬taines de kilomètres carrés, est loin

d'avoir livré encore tous ses secrets ;

il est probable que les forêts recèlentencore des trésors enfouis.

Tout s'est passé d'ailleurs comme siquelque malin génie s'était plu à déro¬ber aux hommes du monde moderne

les fascinantes images sculptées pardes hommes dont le souvenir même

s'était effacé. Les Conquistadors espa¬

gnols, qui avaient exploré et occupéla région, ne soupçonnèrent même pasla présence des monuments de pierre,car les grands historiens de laconquête, Fray Pedro Simon, PedroCieza de Léon, don Jaun de Cas¬

tellanos, n'en soufflent mot.

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Dans le sud de la Colombie, au flanc de la Cordillère des Andes, des dieux de pierre,souvent colossaux, hantent les collines et la forêt. Ils nous viennent d'une civilisationfort mal connue, qui apparut il y a 2 500 ans et dura 15 siècles. Les proportions des statues,la stylisation des formes présentent une certaine parenté avec l'art aztèque et zapotèque, etl'on peut supposer que cette mystérieuse culture, dite de San Agustín, circonscritedans quelques centaines de kilomètres carrés, a des liens avec des civilisations,mésoaméricaines qui se situaient dans le Mexique d'aujourd'hui.A gauche, longues canines saillantes donnant au visage quelque chose d'un félin,une divinité qui est peut-être un dieu solaire. Ci-dessus, autre divinité : bouche carrée,

en volute confèrent au personnage le fantastique d'une apparition.

Photos Michel Hétier, Paris

21

SAN AGUSTÍN (Suite)

Nombre de statues de la

région de San Agustín,en Colombie, représententdeux personnages, l'unjuché sur les épaules del'autre. Cet « alter ego »,ou ¡mage du dédoublement dumoi, relève peut-être dusymbolisme religieux. Ci-contre,l'une de ces curieuses

doubles figures de pierre : ellea près de deux mètres de haut.

0* jf&fKMmL

Photos © Michel Hétier, Paris

Haute d'un peu moins d'unmètre (ci-dessous),cette divinité aux dents de

félin déroule de sa bouche

un ruban terminé par une têted'animal. Ce singulier attributapparaît parfois dans lesstatues colombiennes de San

Agustin, mais on enignore la signification.

Le manuscrit oublié dans

Ce n'est qu'en 1757 que l'EspagnolFray Juan de San Gertrudis vit un prê¬tre de la ville de Popoyan creuserfébrilement des tombes et des mon¬

ticules dans l'espoir d'en exhumerquelque trésor. L'indication était d'im¬portance, mais la relation de Juan de

San Gertrudis ne fut éditée... qu'en1956, après avoir dormi pendant deuxsiècles dans un couvent de Palma de

Majorque.

En 1797 quarante ans après lereligieux espagnol le savant colom¬bien Francisco José de Caldas visita

la région et en publia une brève des¬cription dans une étude de géographielocale.

Au cours du 19' siècle, plu¬sieurs voyageurs, colombiens, français,anglais, italiens et allemands, visitèrentSan Agustin et en évoquèrent les mys¬térieux vestiges qui n'en sortirent paspour autant de l'ombre.

La révélation, on la doit à Konrad

Theodor Preuss, l'ethnologue alle¬mand ; il travailla dans la région en1913-1914 et rendit compte de sesdécouvertes dans son ouvrage « L'artmonumental préhistorique ».

Après que le ministère de l'Educa¬

tion de la Colombie eut fait l'acquisi¬tion des terrains et créé le « Parc

archéologique », en 1935, les travauxse firent systématiques.

En 1936-1937, l'archéologue JoséPérez de Barradas fut le premierColombien à effectuer des fouilles, etpublia en 1943 son étude sur les tré¬

sors de San Agustin, qui reste à cejour la plus complète et la plus détail¬lée. Luis Duque Gomez, autre archéolo¬gue colombien, fit plus tard d'autresfouilles et publia de nouvelles études.

Une trentaine de sites archéologi¬ques importants furent découverts,

dont « Las Mesitas » (les petits pla¬teaux) ; « el Alto de Lavapatas » (lieu-dit qui signifie à peu près « le montdes bains de pieds ») ; « el Alto deLavaderos » (le mont des lavoirs) ; « elAlto de los ídolos » (le mont des ido¬

les) ; « el Vegon » (le verger).

Selon Pérez de Barradas, la culture

de San Agustin, qui se serait étenduesur plus de 1 500 ans, peut être quali¬fiée de culture mégalithique septen¬trionale andine », formule qui indiqueà la fois le caractère de ses monu¬

ments, sa situation géographique, ainsique certaine parenté avec les culturesde Tiahuanaco en Bolivie, et de Chavin

au Pérou. Quant à son apparition, sonévolution, ses rapports avec le monde

extérieur, il n'est encore guère possi¬ble que d'avancer des hypothèses.

un couvent des Baléares

L'archéologue colombien Luis DuqueGomez pense que l'on peut discernertrois périodes. La première, de 555 ansenviron avant notre ère au 4* siècle

de notre ère, est caractérisée par destombes à chambres latérales, des cer¬

cueils de bois, la sculpture sur bois,l'apparition du travail de l'or.

La seconde période s'étendrait du4e siècle à la fin du 12° siècle; c'est

de cette seconde période que datentles urnes et monticules funéraires, les

sarcophages monolithiques, la créma¬tion et la statuaire. Enfin la troisième

période, qui prend fin à une date nondéterminée, semble se distinguer parla sculpture réaliste sur pierre, et lesmaisons circulaires.

On peut supposer que, cinq sièclesavant notre ère, un courant culturel

originaire d'Amérique centrale gagnal'actuelle région de San Agustin, etimprégna la culture locale à diversdegrés, et à diverses époques.

On a récemment constaté, en effet,

que la culture de Chavin, au Pérou,dérive d'une source méso-américaine

située en pays olmèque, lequel corres¬pond dans le Mexique d'aujourd'hui,aux Etats de Veracruz, Tabasco et

Oaxaca. Les anciens navigateurs

d'Amérique centrale auraient longé lescôtes septentrionales de l'Amérique duSud et seraient parvenus jusqu'auPérou, où ils auraient introduit laculture du maïs, le culte du jaguar, etdiverses formes d'art. Il est probable

que ces contacts s'établirent quelquemille ans avant notre ère. C'est ainsi

que le culte du jaguar serait parvenujusqu'aux régions intérieures de laColombie actuelle, et jusqu'à SanAgustin.

Par ailleurs, il n'est pas douteux

qu'une influence s'exerça égalementdu sud au nord et que certains

éléments péruviens pénétrèrent enColombie.

Selon Konrad Th. Preuss, les carac¬

téristiques fondamentales de la culturede San Agustin tiennent aux construc¬tions mégalithiques, à la multiplicationdes statues, aux sarcophages depierre, enfermés parfois dans degrands tombeaux, et à certainesconstantes d'expression dans la sta¬tuaire : la bouche est garnie de cani¬nes saillantes, le personnage sculptéen porte sur ses épaules un autre à saressemblance (figuration du dédouble¬ment du moi), les rubans terminés pardes têtes sortent souvent de la bouche

des statues, etc.

L'architecture se limite aux temples

et aux sépulcres, les uns et les autres

SUITE PAGE 24

Photos © Michel Hétier, Paris

Cette massive statue

de plus de deux mètresde haut et de plus d'unmètre et demi de large(ci-dessus) est celle d'undieu solaire tenant un

sceptre dans chaquemain. Elle appartient à lapériode dite classiquede la culture

colombienne de

San Agustin, qu!s'étendit du A' au

12* siècle de notre ère.

Le diadème aux

ornements géométriquesoffre des similitudes

avec ceux que l'on voitsur les fresques deChanchan, au Pérou.Ce détail semble

indiquer qu'il y avaitalors des contacts entre

la culture chimu, auPérou, et la culture de

San Agustin, enColombie. A droite,

aigle dévorant unserpent.

Ci-dessous, la masse grandiose (près de 3 m de haut)d'une divinité et de son double réunit les caractéristiques

majeures de la statuaire américaine pré-hispanique.SAN AGUSTIN (Suite)

formés d'énormes dalles de pierre.

Chose curieuse, mais qui ne permet

cependant pas d'en inférer quoi quece soit, certains temples ressemblentde manière étonnante aux dolmens

européens.

L'art de San Agustin s'exprime sur¬tout dans la sculpture monumentale ;la variété et la richesse des statues

est extraordinaire. Formes et stylessont si divers que tout donne à penserque la sculpture s'est étalée sur unelongue période.

Selon Pérez de Barradas, la magiea joué un rôle déterminant, en dépitd'un traitement d'intention réaliste.

Telles les figures zapotèques du Mexi¬que, « certaines statues de San Agus¬tin montrent, en même temps qu'une

stylisation et une déformation quivisent au fantastique, une rare connais¬sance de l'anatomie ». Mais la repré¬sentation de la divinité obéit à des

canons précis (il en va de même pourles statues aztèques), d'où la dispro¬portion de la tête et du corps, l'invrai¬semblance des formes et des attitudes.

L'aspect est grandiose, souvent saisis¬sant : ainsi d'une tête triangulaire deprès de deux mètres de hauteur.

En général, les têtes sont énormes,le corps trapu et massif, les membrescourts et raides. L'artiste a surtout

travaillé le visage, avec une bouchetrès grande, longues canines ; parfois,le bas du visage est en forme demufle. Mi-hommes, mi-félins, ces sin¬

guliers personnages portent braceletset colliers, tiennent parfois dans leursmains des masses, des sceptres, ou

des trophées. Ils tirent souvent la lan¬gue ; or, ce détail de la langue tiréese retrouve dans beaucoup de cultu-

res des îles du Pacifique, en Chine,dans le Sud-Est asiatique et chez lesIndiens du nord-est du Canada.

L'til est curieusement représenté,tour à tour rond, carré, en amande,

ou suggéré par une simple fente.Peut-être s'agit-il dans certains cas depersonnages masqués. D'autres sta¬tues offrent le caractéristique dédou¬blement du moi, « l'alter ego » siparticulier de San Agustin : le petitpersonnage juché sur les épaules dela divinité.

Le symbolisme religieux est évident,encore qu'obscur, car l'on sait fort peude chose de la religion des premiershabitants de San Agustin. Les repré¬sentations anthropomorphes de divini¬

tés abondent, alors que des dieux

mineurs ont forme animale, serpent,

lézard, singe, aigle. La sculpture deSan Agustin, comme toute la sculptureaméricaine préhispanique se distinguepar la solennité de la masse, le laco¬nisme des formes, la rudesse du

modelé, la richesse du détail.

Quel était donc l'homme de SanAgustin ? Pour sa vie quotidienne,écrit Pérez Barradas, il se contentait

de huttes de paille. Mais pour sesdieux, il édifiait des temples de lourdespierres, qu'il amenait de la carrière ettravaillait au prix d'efforts titanesques.Pour lui, il fabriquait de grossiers outilsde pierre qu'il ne perfectionna pas aucours des âges ; mais inspiré parl'amour de ses dieux, il usa de ces

outils grossiers pour sculpter, avec unepatience infinie, au prix d'un labeuropiniâtre, les statues des divinitésdont nous surprennent l'aspect monu¬mental et l'expression d'un art qui tou¬che à la perfection. »

LES INDÉCHIFFRABLES TÉMOINS

D'UN MONDE DISPARU

Les populations qui habitaient la région de San Agustínn'ont laissé d'autres vestiges que leurs statues, leurstemples mégalithiques et leurs tombeaux. Elles vivaientsans doute dans des huttes de paille. C'est à l'Imagede leurs dieux qu'elles apportèrent tous leurs soins.Dans la forêt colombienne, celles-ci, parfois à demi ensevelies,restent énigmatiques. De gauche à droite : 1. colonneanthropomorphe ; 2. dieu au chapeau ; il porte sur le torseun ornement évoquant un visage ; 3. autre divinité ;4. joueur de fl-ite. Ci-dessous, mi-humain, mi-animal,un visage de pierre sculptée qu'encadrent de larges oreilles.

Photos © Michel Hétler, Paris

Vestiges d'un village préhistorique du sixième millénaire avant notre ère,sur les rives du Danube, près de la frontière qui séparela Yougoslavie et la Roumanie. C'est le plus ancien village découverten Europe. Il a été mis au jour par des archéologues yougoslaves,lors des travaux que nécessitait l'établissement d'un nouveau barragesur le Danube. De l'autre côté du fleuve, juste en face,le mont Treskavac dont le curieux volume trapézoïdal se dressesur la rive roumaine. Le sol des habitations (au premier plan)a également la forme d'un trapèze, ce qui a amené les archéologuesà penser que les habitants de Lepenski Vir s'étaient inspirés de la formegéométrique de la montagne dans leur architecture.

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par Jean Vidal

L'UNE des découvertes ar¬

chéologiques de ces dernières années,en Europe, reste nimbée de mystère ;c'est la mise au jour d'une ville vieillede 8 000 ans à Lepenski Vir (le tour¬billon de Lepena), sur la rive yougo¬slave du Danube, à quelque 280 kmde Belgrade. Lepenski Vir soulève eneffet nombre de questions sans répon¬ses. C'est à la construction d'un nou¬

veau barrage que l'on doit sa réappa¬rition lors de fouilles dans la régionque les eaux allaient recouvrir.

Au printemps 1964, les ministres de

Roumanie et de Yougoslavie posèrentconjointement la première pierre du

barrage de Djerdap que les deuxnations édifient en commun dans le

cadre fascinant des Portes de Fer.

Un lac d'accumulation allait donc

engloutir les rivages danubiens quirecelaient peut-être une civilisation

antérieure à celle de Starcevo, la ma¬

nifestation la plus ancienne du Néoli¬thique des Balkans, éclose au début

du Ve millénaire. Dragoslav Srejovic,jeune chargé de cours à la Faculté dePhilosophie de Belgrade, le craignait.

Il s'agissait de battre le flot devitesse, comme le firent les équipes

archéologiques pendant la campagnede l'Unesco pour la sauvegarde desmonuments de Nubie, encore que l'en¬treprise fut moins vaste. Une com¬

mission spéciale présidée par lePr. Lazar Trifunovic, directeur du Mu¬

sée National à Belgrade, désignaD. Srejovic pour tenter de ravir lessecrets des berges du Danube.

En juillet 1965, après divers sonda¬ges, D. Srejovic planta sa tente sur lesbords du fleuve, face au tourbillon

tumultueux de Lepenski Vir. L'archéolo¬gue savait que, depuis la lointaineAntiquité, l'homme et le fleuve étaientliés. D'un millénaire à l'autre, les

pêcheurs jetaient leurs filets dans lestourbillons.

JEAN VIDAL, cinéaste et journaliste, a colla¬boré à diverses revues de vulgarisation etréalisé pour la télévision plusieurs films surdes fouilles archéologiques.

LEPENSKI VIRsur les bords du Danube

le plus ancien village d'Europe

Le bouillonnement de Lepenski Viréveilla l'attention du savant sept ans

auparavant déjà, en 1958. De loin¬tains ancêtres n'auraient-ils pas songé,avant ceux de Starcevo, à s'établir en

ce lieu d'élection ?... Avec une équipe

restreinte, il mena une campagne enprofondeur dans les couches de Star¬cevo. Un jour, l'outil heurta un obstaclerougeâtre et l'archéologue procéda audéblaiement. La couleur persista sur

une surface en forme de trapèze.S'agissait-il du revêtement d'un soljadis foulé par les pères des hommesde Starcevo ?...

Onze trapèzes furent exhumés.L'épreuve du carbone 14 justifia lesespérances de D. Srejovic. La civilisa¬tion-maillon de Lepenski Vir remontaità près de 60 siècles avant notre ère...

Lepenski Vir est située dans l'est

de la Serbie à la frontière de la Yougo¬slavie et de la Roumanie, dahs un petitvallon trapézoïdal dont la longueur estde 170 m et la largeur de 50 m. Sa

superficie est donc celle d'un hameau.Mais comme nous allons le voir, l'im¬

portance d'une découverte ne semesure pas toujours aux dimensionsdu terrain.

L'agglomération, protégée par uneépaisse forêt et des escarpementsrocheux, a été bâtie sur une petiteplage-clairière dont le fleuve restalongtemps l'unique voie d'accès. Aconsidérer les alentours, Lepenski Virn'est qu'un détail dans le grand tableaudes Portes de Fer, site exceptionnel,monde à part.

Face à la cité, sur la rive gaucheroumaine, se dresse à 679 m d'altitude,

abrupt et dénudé, le mont Treskavac,

qui domine la région. Chose curieuse,il découpe sur le ciel sa masse en tra¬pèze, qui semble correspondre au

trapèze du vallon. Les habitations

dégagées, elles-mêmes trapézoïdales,peuvent faire supposer que l'architec¬ture des hommes de Lepenski Vir s'estinspirée de ces formes naturelles, et

que le trapèze est devenu un symbolede signification particulière.

Quatre couches d'une profondeur de3 m environ ont été dégagées. Cettesuperposition permet d'établir que

la civilisation de Lepenski Vir s'est

développée pendant plus d'un millé¬naire, de 5800 à 4700 avant notre ère.

La plus haute, qui est aussi la plusjeune (datée de 4850 à 4700 avantnotre ère) est une terre meuble d'unnoir cendré, à deux niveaux d'habita¬

tions A et B où s'entremêlent des

vestiges de Starcevo et ceux desniveaux inférieurs. Dans l'humus du

niveau B, on a trouvé des tombeaux

d'époques préhistorique et historiquequi donnent à penser que les plusrécentes générations avaient érigé leslieux en sanctuaire voué, dans sa

pérennité, au culte des morts. Par leurcouleur, leur structure et leurs vesti¬

ges, les couches plus profondes(datées respectivement de 4950, de5000 à 5600 et de 5800 avant notre

SUITE PAGE 28

Photos © Jean Vidal, Paris

Sur la berge, la zonede fouilles (quelque200 mètres sur 50).On a creusé à environ

trois mètres de

profondeur. Lespremiers vestiges misau jour datent de5 000 ans avant notre

ère. En dessous sont

apparues les basesd'habitations et divers

objets d'une cultureplus ancienne, dontnombre de sculptures,qui ne sont pas lesmoins étonnantes

des découvertes de

Lepenski Vir(voir pages suivantes).

Photos © Jean Vidal, Pans

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PREMIER

SCULPTEUR

LE DANUBE

Les sculpteurs de Lepenski Vir ont respecté la forme originelle du matériau, c'est-à-diredes galets du Danube. Ci-dessus et ci-dessous, quelques exemples : on peut trouverau modelé diverses interprétations : poisson, tête humaine. Il s'agit parfois d'Incisionsgéométriques analogues à celles qui furent faites sur os par les chasseurs de la périodepost-glaciaire quelques millénaires auparavant.

On a supposé que la population de Lepenski Vir neconnaissait pas la céramique, et l'on pense que les rarestessons de poterie trouvés lors des fouilles (ci-dessus)sont de la période de Starcevo, que l'on croyait, jusqu'àla découverte de Lepenski Vir, la plus ancienne culturenéolithique des Balkans. Cependant certains fragmentssemblent pouvoir être datés de 5 600 avant notre ère,et seraient donc antérieurs à Starcevo. Les motifs gravéssur une plaque de grès gris (ci-dessous)semblent représenter une scène de chasse.

LEPENSKI VIR (Suite)

ère) se distinguent nettement de cetteplus jeune couche. Lepenski Vircompte par conséquent deux sortes

de civilisations préhistoriques ; la plusrécente s'imbriquant dans celle de

Starcevo ; la plus ancienne représen¬tant le phénomène nouveau, la décou¬

verte inattendue de la préhistoire euro¬péenne.

Lepenski Vir, à l'image d'un villagetraditionnel, avait une place centrale

point de ralliement et des rues

dont le tracé a pu varier suivant lesépoques. Les maisons, dont une cen¬taine ont été tirées de l'ombre, étaient

souvent construites les unes au-

dessus des autres, de siècle en siècle,

car la superficie habitable restait trèslimitée à cause de l'implantation géo¬graphique de l'agglomération.

Elles avaient un sol en dur mor¬

tier de calcaire rougeâtre recouvertd'un enduit rose ou blanc mais en

guise de murs des peaux tenduesentre des mâts de soutien et une pou¬tre supérieure. La maison se présentaitcomme un volume trapézoïdal, le toitétant fortement incliné vers la pluspetite base du trapèze, dont laplus grande dominait l'entrée de lademeure.

L'entrée de la maison se trouvait sur

le plus grand côté et deux pierres deseuil orientaient d'emblée l'occupantvers les parois latérales, évitant àcelui-ci de buter, dans la pénombre,contre le foyer central en blocs .decalcaire ou de grès.

Autour du foyer étaient disposés unautel de sacrifice, des sculpturesétranges ainsi qu'un gros galet sphéri-que en partie planté dans le sol. Peut-être s'agissait-il là d'un symbole solairecar il est souvent orné de motifs évo¬

quant le rayonnement de l'astre.

Plusieurs foyers étaient entourés defrises, minces dalles en forme de trian¬

gle isocèle, peut-être lien symboliqueentre l'homme et ses pères del'au-delà. On a trouvé dans plusieurslogis des outils, des armes, dont des

massues de 25 à 50 cm de longueur,et des parures (tous ces objets en osou en pierre), ainsi que des cérami¬ques remontant à 5000 ou 5600 avant

notre ère.

On suppose que les poteries datentde la période de Starcevo, puisque leschercheurs considèrent que la popula¬tion de Lepenski Vir ignorait la céra¬mique. Toutefois, si certaines poteriesattestent 5600 avant notre ère, elles

sont antérieures à Starcevo, et posentune nouvelle énigme pour les archéo¬logues. Autre surprise : les « pierresde contact » incurvées servant d'as¬

sise aux mâts de soutien, analoguesaux coupelles métalliques que lescampeurs utilisent aujourd'hui pourdresser leurs tentes.

Le peuple de Lepenski Virenterrait ses morts à

l'intérieur des maisons.

On a trouvé des

squelettes (à droite) dansla même position que« si l'homme s'était

endormi les mains sous la

tête », comme l'ont ditceux qui ont pris part auxfouilles. On a trouvé

soit des squelettessans crânes,soit des crânes sans

squelettes. Les crânesattestent une forte arcade

sourcilière. Des bois de

cerfs étaient placés dansles sépultures près ducadavre.

Les foyers rectangulaires(à droite) découvertsdans chaque habitationmesurent environ 1 mètre

sur 50 centimètres. Tout

autour, on voit des cavités

triangulaires, qui, seloncertains archéologues, *ont peut-être une significa¬tion symbolique. Selon *d'autres, il s'agit là d'undispositif utilitaire pourle matériel de cuisine.

Photos © Jean Vidal, Paris

SUITE PAGE 30

LEPENSKI VIR (Suite)

30

Toutes les maisons, sauf quatre, sontorientées vers l'Ouest, la plus grandebase tournée vers la montagne en

forme de trapèze, de telle façon quele vent d'est dominant ne frappe pas

l'entrée et glisse sur les côtés. Laconstruction réfléchie et planifiée, la

forme stéréotypée des ouvrages, lagéométrie appliquée, l'aisance desmouvements à l'intérieur de la maison

font de Lepenski Vir une « cité mo¬derne » de la préhistoire.

L'homme de Lepenski Vir vivait decueillette, de chasse et de pêche. Maisil n'est pas exclu qu'avant la fin decette civilisation il n'ait pratiqué uneforme rudimentaire d'agriculture et

d'élevage.

On ne peut reconstituer les ritespratiqués dans le sanctuaire domesti¬que. On sacrifiait le poisson, le cerf etle chien, seuls animaux représentésdans la sculpture et dont les restesont été exhumés près des autels.

Les hommes de Lepenski Vir étaientinhumés dans leur maison, près du

foyer « comme s'ils s'étaient endormisles mains sous la tête » a pu dire un

archéologue.

Dans la plus ancienne des agglomé¬rations, on a exhumé des ossementsd'adultes, mais uniquement des partiesdu crâne. Etant donné que les couchesdans lesquelles ces ossements res¬taient enfouis n'avaient jamais été

perturbées, il est probable que seule latête du mort était préservée. Les géné¬rations suivantes ont observé la même

coutume, tandis que les plus récentesont inhumé parfois tout le corps, et

parfois maintenu le « mythe de la tête,en enterrant des squelettes sans lescrânes, ou les crânes sans les sque¬

lettes. A côté des modestes objets

placés dans les tombes, on déposaitinvariablement les bois d'un cerf et

parfois le crâne entier de cet animal.

Les sculptures exhumées à LepenskiVir sont d'un intérêt considérable. La

plupart des têtes humaines et animalessont à l'échelle, chose d'autant plus

surprenante que toutes les sculpturesde la préhistoire jusqu'ici connues nedépassent pas la taille du bibelot. Lesculpteur de Lepenski Vir prenait pourmatériaux les grands cailloux fluviauxroulés et polis, qu'il douait de vie sansaffecter pour autant leur structurefondamentale. D. Srejovic pense quel'artiste se soumettait à une règlesévère, et ne devait pas troubler

l'ordre originel du caillou, objet deculte.

Lepenski Vir sera sauvé des eauxgrâce à l'aide consentie par le gou¬vernement yougoslave. Le transfert dela cité, maison par maison, aura lieusur une proche plate-forme, à l'abri dunouveau cours du Danube.

DES CAILLOUX ET DES HOMMES

A Lepenski Vir, il y ahuit mille ans, l'homme cherchaità reproduire son image ensculptant les cailloux de grèsjaune, roulés et polis par le flotdu Danube. On a retrouvé une

trentaine de ces sculptures,disposées au tour du foyer desdemeures trapézoïdales. La plusgrande (en bas à gauche) mesure57 cm de haut. La hauteur de

celles que l'on volt dans nospages est moindre. Les têtessont sculptées en grandeur nature.En haut, à gauche, une singulièrefigure : elle tient à la fois del'homme, et du poisson.

Photos © Jean Vidal, Paris

LES PROFANES

DISSÈQUENTLA SCIENCE

A

32

une époque où la recherche spatiale provoquede véhémentes critiques car elle apparaît parfois commeune entreprise ruineuse, il est particulièrement intéressantde souligner que nombre de personnes, dans les pays envoie de développement, tiennent la recherche spatiale (ycompris les expéditions sur la Lune) pour hautementvalable : c'est ce que l'on apprend dans le dernier numérod' « Impact Science et Société », revue trimestrielle publiéepar l'Unesco (1). Il y a là un élément qui donne une dimen¬sion nouvelle au dernier numéro du « Courrier de l'Unes¬co », « Les fruits de l'espace » (mars 1970).

Les réflexions favorables à la recherche spatiale et aux

voyages sur la lune interviennent à propos de nombreuxcommentaires sur la science et la technologie publiés par« Impact » dans un numéro entièrement construit sur lethème : « Les profanes dissèquent la science. »

L'enquête d' « Impact » expose l'opinion de « simplescitoyens » et de « non-scientifiques » éminents, au- nombredesquels le poète et romancier anglais Robert Graves, lepeintre espagnol Joan Miro, feu Tom M'boya, homme d'Etatkenyen, et le philosophe et homme d'Etat libanais CharlesHabib Mahk.

En ce qui concerne la recherche spatiale, Mochtar Lubis,directeur du quotidien indonésien « Indonesia Raya »,publié à Djakarta, déclare : « Je ne puis approuver ceuxqui regrettent les sommes énormes qui sont dépenséespour la recherche spatiale et nucléaire... Pour la premièrefois dans sa longue histoire, l'homme est en passe d'attein¬dre les étoiles... Cette liberté toute nouvelle, ce vaste élar¬

gissement de nos horizons va inévitablement influer trèsfortement sur nos habitudes de pensées et attitudes anté¬rieures et sur les relations internationales traditionnelles. »

Mme Geronima T. Pecson, animatrice d'action civique auxPhilippines, exprime le même point de vue : « L'explorationde l'espace a déjà fait des progrès considérables... Les volsfantastiques vers la Lune témoignent du pouvoir de lascience et de ses merveilleuses promesses pour l'avenir. »

L'enquête indique que c'est dans les pays industrielle¬ment développés que la conquête spatiale suscite les sen¬timents les plus hostiles. Ainsi Robert Graves s'en prendaux vols spatiaux dans lesquels il voit une manifestation« d'une science de parade ».

« Les vols vers la Lune, dit-il, me rappellent l'histoired'un homme qui laisse sa femme et ses enfants mourir defaim pour partir en guerre contre l'étranger. Tant que nousn'aurons pas mis un peu d'ordre dans ce monde, nousdevrions nous abstenir de sottises aussi coûteuses et aussi

dangereuses. »

Le fameux romancier met en accusation la science et la

technologie : « La science, dit-il, est maintenant dominée parl'esprit de lucre. Elle est progressivement tombée auxmains des trafiquants. » «...Les esprits qui ont une largevision des choses, les vrais créateurs, ont depuis longtemps

cessé de contrôler l'évolution de la science et de ses appli¬cations. »

Pour Robert Graves, la technologie a détruit la dignitéhumaine, l'individualisme, la chaleur du foyer en condam¬nant les gens à vivre dans des « terriers ». La technologieest responsable de l'énorme afflux de la population vers lesvilles : « La science et la technique ont créé elles-mêmesle problème que la science et la technique essaient vaine¬ment de résoudre. »

Tom M'boya, dont l'article est peut-être le dernier qu'ilécrivit avant d'être assassiné en juillet 1969, estime quel'on a fait trop peu, et souvent mal, pour octroyer auxpeuple d'Afrique les bienfaits de la science et de la techno¬logie. Il plaide pour une technologie apte à répondre auxbesoins des pays africains, alors qu'il ne s'agit trop souventque d'une exportation de technologie : « Or, lorsqu'onimporte de la technique sans qu'il y ait sur le plan local derecherches et de développement appropriés, on risqued'aboutir à une société fâcheusement déséquilibrée où lavie moderne sera concentrée dans quelques villes, tandisque les régions rurales resteront à peu près dans l'étatdans lequel elles ont toujours été. »

Miguel Angel Asturias, Prix Nobel de Littérature (1967)pense qu'il faut réduire l'écart entre les sciences et leshumanités ; scientifiques et non-scientifiques, intellectuelset techniciens, doivent conjuguer leurs efforts pour comblerle vide, « car la science reste espoir, possibilité de révolu¬tion humaine dans le tiers monde ».

Enfin Charles Habib Malik, ancien président de l'Assem¬blée générale des 'Nations Unies, aujourd'hui professeurde philosophie à l'Université américaine de Beyrouth, jugeque le plus grand danger est aujourd'hui le prestige, énormeet justifié, de la science et de la technologie, qui peut inci¬ter les hommes de science à croire qu'ils sont les maîtresabsolus de l'univers.

Le professeur Malik discerne trois menaces dans le pro¬grès scientifique :

« La première concerne la vie privée, que le progrèsmenace d'abolir totalement, car ce n'est pas seulementl'endroit où je me trouve et le travail que j'y fais, maisencore ce que je pense et ce que je ressens qui risquentde tomber sous le coup d'une inquisition permanente ; laseconde est la possibilité d'intervenir dans l'évolution géné¬tique de l'espèce humaine ; la troisième enfin est le risquede rompre quantité d'équilibres biologiques, au grand détri¬ment de notre milieu naturel. »

B

(1) « Impact Science et Société », vol. XIX (1969 - N" 4). Le numéro :3,50 F. Abonnement annuel : 12,50 F.

'EAUCOUP de nos lecteurs, surtout parmi lesscientifiques », peut-on lire dans l'éditorial d' « Impact »,« estimeront peut-être que certaines des critiques formuléespar les non-scientifiques à l'égard de la science et de latechnique sont injustes, illogiques, ou témoignent d'uneincompréhension de la démarche scientifique, des buts de lascience et de ses possibilités. Mais ce qui est significatif,c'est que de telles attitudes existent, quels qu'en soient lesmotifs, la justesse et la valeur sur le plan rationnel valeurqui, pour la plupart d'entre elles, ne peut être mise endoute. »

Le numéro d' « Impact » dévolu aux non-scientifiques estle second d'une série de trois numéros consacrés à la dis¬

sociation de la science et de la société. Le précédent « Lascience de l'humour, l'humour de la science » (N° 3, 1969)avait mis l'accent sur le rôle humaniste que joue l'humourdans la science en permettant à la science de s'insérerdans le grand courant de la vie culturelle de l'humanité.

En 1970, le numéro 2d'« Impact » permettra aux scien¬tifiques de répondre aux non-scientifiques. Neuf savants,dont Alfred Kastler, Prix Nobel, repoussent, mais quelque¬fois épousent les opinions exprimées par les non-scienti¬fiques, et expriment leur propre point de vue à propos del'influence de la technologie sur la vie humaine. Cette tri¬logie d" « Impact » vise à éclairer les rapports ambigus dela science et de la société c'est-à-dire l'une des épi¬neuses questions de notre temps.

Nos lecteurs nous écrivent

LES MALICES DE L'ARAIGNÉE

Abonné à votre revue, je suis inté¬ressé par les articles spéciaux que l'onne trouve pas ailleurs. J'ai lu l'articlede Hans Jenny, dans votre numéro dedécembre dernier, sur les images etles vibrations. C'est bien, mais une

source a été négligée, celle du cinémaparlant et sonore. Walt Disney l'avaitutilisé en projetant pendant l'entractede « Fantasia * tout simplement la pistesonore d'un film. C'était sensationnel

aussi. Autre remarque, naturaliste, j'aisauté sur la toile d'araignée « construc¬tion millénaire » (c'est bien court commeancienneté animale). Hélas, je n'ai pastrouvé la clef de l'énigme, et c'est laquestion que tout le monde se pose,que mes élèves me posent. Avant lapremière phase, comment l'araignéeenjambe-t-elle le vide pour aller de lacabane au noisetier? C'est le mystère.

Abbé Henri Debisschof

Lille, France

N.D.L.R. Lorsque l'araignée montesur une graminée ou une branche, elleémet un fil qu'elle laisse libre ; entraînépar le vent, il va se poser sur un végé¬tal à quelque distance, et y adhère.Quand il n'y a pas de vent (dans unecave, par exemple), elle fixe son fil àun point 'd'attache quelconque (végé¬tal à l'extérieur ou objet à l'intérieur),puis elle continue à le dévider en des¬cendant le long de la branche ou del'objet. Elle fait un certain chemin (20ou 30 cm) et grimpe sur une autrebranche (ou objet). Elle tire alors surle fil, et amorce sa construction m/7/é-naire ». (7/ va sans dire que cet adjectifne fait qu'image) Signalons un remar¬quable ouvrage : « Histoire naturelledes araignées », par Eugène Simon (ilreçut le Prix Cuvier en 1904) qui traitede questions qui n'ont pas été soule¬vées dans notre article.

Quant à la réalisation de Walt Disney,

il s'agit d'une interprétation graphiqueet visuelle des sons, à partir de cour¬bes d'enregistrement sonores. Mais nousavons affaire ici à une création pure¬ment visuelle, qui n'a aucun rapportavec des vibrations sonores produitesà partir de particules solides.

PAQUES

ET LE FACHEUX POISSON

Puis-je faire quelques remarques àpropos de l'article sur l'Ile de Pâques,publié dans votre anthologie numérospécial d'août-septembre 1969 ? En tantqu'ethnologue, j'ai moi-même travaillé,à l'île de Pâques, en 1934, avec l'au¬teur, Alfred Métraux ; nous apparte¬nions l'un et l'autre à une mission derecherches franco-belge organisée parle professeur Paul Rivet, du Musée del'Homme, à Paris.

J'ai une trop vive admiration pour letravail qu'accomplit votre revue pourne pas vous signaler quelques erreursqui déparent le sujet traité.

Le texte de Métraux est évidemment

parfait, mais les illustrations ne m'ensemblent pas dignes. Je sais que l'uned'entre elles, un poisson de bois char¬gé de signes graphiques avait déjà parulors de la première publication du textede Métraux en 1956. J'aurais dû alorsvous écrire, mais je perdis la chose

de vue, et je le regrette d'autant plusque l'erreur s'est reproduite en 1969.Ce poisson de bois est un faux gros¬sier, et les soi-disant caractères pas¬cuans sont de maladroites copies oudes inventions. Quant au dessin aqua¬relle de Pierre Loti, fait pour plaire àSarah Bernhardt, il n'a rien de commun

avec les beaux croquis exécutés surplace par Julien Viaud, officier de lafrégate « Flore » sur l'ordre de sonamiral. Relisez le poétique récit de« Reflets sur la sombre route » (pages251 à 338). Il n'est pas question deces statues dressées sur la plage (ellessont « toutes renversées et brisées »),ni de cette bande de sauvages entou¬rés de crânes, et que dominent desstatues qui ne ressemblent en rien auxvraies.

Loti a peint une belle image, absurdeau point de vue scientifique, pour plaireà une belle et célèbre dame, ce quil'excuse assez. Mais « le Courrier de

l'Unesco », messager de la vérité, nedoit pas s'y laisser prendre.

Henri LavacheryProfesseur d'Ethnologie et d'histoire

des Arts primitifsUniversité de Bruxelles, Belgique

N.D.L.R. Nous avons fait des re¬

cherches qui permettent de confirmerles déclarations du professeur Lava¬chery. Nous regrettons d'avoir été in¬duits en erreur à propos de l'authen¬ticité du poisson gravé. Selon le pro¬fesseur Kenneth P. Emory, président dudépartement d'Anthropologie au MuséeBernice P. Bishop, à Honololu, ce pois¬son « a été fabriqué pour être venduaux touristes, et porte de grossièrescopies des caractères scripturaires del'Ile de Pâques, devenus familiers auxPascuans d'aujourd'hui qui ont vu desphotographies d'anciennes tablettesgravées... * Le professeur Thomas Bar-thel, directeur de l'Institut d'ethnologiede l'université de Tubingen, Républiquefédérale d'Allemagne, auteur d'une étu¬de exhaustive sur les formes scriptu¬raires des tablettes de l'Ile de Pâques,nous a déclaré pour sa part que le pois¬son-tablette était un faux, probablementfabriqué entre 1900 et 1930.

CE REDOUTABLE DEUXIÈME SEXE

J'ai beaucoup aimé votre numéro dejuillet « Un milliard et demi de travail¬leurs ». Les problèmes de l'homme etdu travail nous concernent tous, et

j'étais content que vous ayez traité lesquestions délicates qu'ils comportent.

Mais l'article de Pierrette Sartin « La

femme au travail » ne me paraît pasau niveau des autres articles ; il n'aide

pas à comprendre le problème, car iln'est guère que polémique. L'auteurreproche aux hommes leur crainte dela femme qui travaille, et déclare qu'ilsne s'opposent à ce que les femmesfassent professionnellement carrière queparce qu'ils tiennent à « sauver leurpeau » et répugnent à la concurrence.En bref, Mme Sartin fustige l'homme,qui tient à rester maître du monde, alorsque la pauvre femme innocente seconsume d'être une opprimée qui nepeut donner la mesure de son intelli¬gence. Mais en fait la situation sembleun peu différente, et il me plait quecet article soit illustré de la pho¬tographie d'une souriante jeune femme

capitaine de vaisseau, ce qui me per¬met de conclure que vous n'êtes pastout à fait d'accord avec la combative

Pierrette Sartin.

Pour votre amusement et celui de vos

lecteurs, j'aimerais terminer sur une plai¬santerie qui éclaire quelque peu lespoints de vue respectifs des employeurset des employés. Le directeur d'unemanufacture est à sa fenêtre à l'heure

de la sortie des ouvriers, et dit à son

adjoint : « Voyez donc l'influence dutravail I Quand tous ces gens arriventle matin, ils ont i'air accablés, et ilssont tout joyeux quand ils partent lesoir I »

H. Haberli

Berne, Suisse

N.D.L.R. Les conclusions de notre

lecteur sont erronées. Nous sommes

d'accord avec Pierrette Sartin.

LA NATURE ET LA BELGIQUE

1970 a été décrétée Année européen¬ne de la conservation de la nature parles 18 Etats membres du Conseil de

l'Europe. A cette occasion, de nom¬breuses manifestations se dérouleront

pendant toute l'année 1970. En Bel¬gique notamment, deux expositions iti¬nérantes visiteront les principaux cen¬tres de la partie francophone du pays.Environ 50 villes seront ainsi choisies.

La première étape sera la Semaineinternationale agricole de Bruxelles oùun public minimum de 200 000 person¬nes visitera l'exposition consacrée à lanature et à sa sauvegarde. On peutestimer à 1 million de visiteurs l'assis¬

tance totale pour l'année 1970 si onajoute une troisième exposition bilinguequi se tiendra dans la région de Bruxel¬les. Qui plus est, on peut raisonnable¬ment penser que ces expositions tou¬cheront par priorité toutes les person¬nes s'intéressant à la nature et à ses

problèmes. Ce dernier point nous aamené à inclure au sein des expositionsitinérantes une bibliothèque « Nature »où les visiteurs pourront consulter àl'aise les ouvrages exposés, et d'autrepart une librairie où ils pourront se pro¬curer les mêmes ouvrages.

Enfin, dans le but d'assurer le pleinsuccès des expositions, nous avons missur pied un concours public (avec l'ai¬de de la radio et télévision belges) etnous souhaiterions partiellement doterce concours de livres « nature ».

J. FouargeComité belge pour l'Organisation

de l'année européennede la Conservation de la Nature

Ombret, Province de LiègeBelgique

UNE REVUE QUI DONNE

A APPRENDRE

« Le Courrier de l'Unesco » est un

excellent auxiliaire pour l'enseignement.

May PhilosofRochester, N.Y., Etats-Unis

J'ai toujours trouvé votre revue édu¬cative et bien informée. Professeurs et

étudiants l'empruntent souvent à labibliothèque où je l'envoie après lec¬ture. Continuez à faire du bon travail.

Fr. Gerard Rixhon

Jolo, Sulu, Philippines

RTC

34

2 491 dictionnaires

scientifiquesL'Unesco vient de publier la cinquième

édition, complétée et mise à jour, de la« Bibliographie de dictionnaires scientifi¬ques et techniques multilingues » (prix :24 F). Cet ouvrage ne signale pas moinsde 2 491 dictionnaires publiés dans le mon¬de entier et concernant 75 langues. Lenombre croissant des dictionnaires scienti¬

fiques et techniques témoigne non seule¬ment des progrès rapides des sciences etde la technologie, mais aussi d'une colla¬boration internationale accrue qui permetune diffusion efficace des connaissances

nouvelles.

Pour la protectiondes ours blancs

Totalement protégés en U.R.S.S., dansles réserves de la Terre du Roi Charles

(Norvège) comme dans celle de James Bay,au Canada, les ours blancs sont cepen¬dant chassés sans merci ; on estime actuel¬lement leur nombre à moins de 15 000.

L'Union internationale pour la conservationde la nature a réuni à Morges, en Suisse,des zoologues de cinq pays circumpolai¬res : Canada, Danemark, Norvège, Etats-Unis et U.R.S.S., afin qu'ils mettent aupoint des mesures de protection pour lesours blancs.

Etudes à l'étrangerLa 18e édition d' « Etudes à l'étranger »,

ouvrage publié par l'Unesco, est parue audébut de l'année. On y trouve la liste desbourses offertes par près de 1 850 servi¬ces gouvernementaux ou établissementsd'enseignement, fondations, organismesscientifiques, culturels ou professionnels de129 pays. Le nombre des bourses men¬tionnées est d'environ 250 000; pour cha¬que bourse sont indiqués la catégorie desbénéficiaires à laquelle elle est destinée,les pays et les disciplines dans lesquelsil est possible d'entreprendre des études,le montant et la durée. « Etudes à l'étran¬

ger ., vol. XVIII, 1970-71, 1971-72. Unesco,place de Fontenoy, Paris. Prix : 24 F.

1970

Année européennede la nature

Le Conseil de l'Europe a décidé quel'année 1970 serait l'Année européenne dela conservation de la nature. Les grandesassociations et fédérations pour la conser¬vation de la nature ont mis sur pied unevaste campagne d'information et d'action,à laquelle le grand public et notammentles jeunes pourront participer directementdans les différents pays. Pour tous ren¬seignements, s'adresser au Conseil de l'Eu¬rope, Strasbourg (Bas-Rhin), France. EnFrance, les opérations « Arche de Noé et« Messages de la mer » visent à la protec¬tion de la faune et à l'intensification de la

lutte contre la pollution. Maintes manifesta¬tions et des colloques y prendront place,depuis une exposition d'art animalier, desémissions philatéliques faites par le minis¬tère des -Postes et Télécommunications, desconférences, des opérations bénévoles de

nettoyage de forêts et de plages, desconcours de photos et de films, etc. LeComité français accordera le label « Annéeeuropéenne de la nature » à toutes lesopérations ou manifestations jugées utilesà la sauvegarde de l'environnement humain.Pour tous renseignements, s'adresser auService de conservation de la nature du

muséeum national d'histoire naturelle, 57,

rue Cuvier, Paris-56, ou à la Fédérationfrançaise des sociétés de protection de lanature, 57, rue Cuvier, Paris-56.

Les étangs de KatmandouUne équipe de la F.A.O. vient de créer

au Népal, à une centaine de kilomètres deKatmandou, un grand élevage de poissons,dans neuf étangs artificiels, qui produira40 tonnes de poissons par an. Une autreentreprise du même genre est en train.La ration de protéines de la population vaen être très sensiblement augmentée ; onenvisage par ailleurs de peupler les rizièresnépalaises de carpes chinoises, si bienque la même zone de culture donnera dou¬ble récolte.

Ecoles associées

de l'Unesco

La première rencontre européenne desEcoles associées de l'Unesco aura lieu du

15 au 19 juillet 1970 à Trogen, cantond'Appenzell, en Suisse. Organisée par laCommission nationale suisse pour l'Unesco,cette manifestation est placée sous le signede l'Année internationale de l'éducation.

Annuaire du B.I.T. 1969

L'annuaire du Bureau international du

travail publie pour 1969 des statistiquesd'où il ressort que la menace de chômages'est dissipée dans lès pays industrialisés,et que dans les pays en voie de dévelop¬pement, les travailleurs ont toujours unniveau de vie très bas. Les salaires nomi¬

naux dans les pays industrialisés ont suivile mouvement ascendant des prix de laconsommation. D'autres statistiques sontrelatives à la durée et la productivité dutravail, aux accidents du travail, aux conflitssociaux, etc., dans quelque 180 pays etterritoires.

En bref...

Les prises mondiales ont atteint, en1968, 64 millions de tonnes, soit 3 300 000tonnes de poisson de plus qu'en 1967,selon une récente estimation de la F.A.O.

Un institut de recherches éducatives

va être créé à Abidjan, en Côte-d'lvoire,avec l'aide conjointe du Programme desNations Unies pour le développement etde l'Unesco.

Six experts de l'Unesco vont aider leKoweit à établir un programme d'enseigne¬ment technique pour former 1 000 techni¬ciens dans les cinq prochaines années.

M Selon une récente enquête géophysiquedans la Mer de Chine et la Mer Jaune, lesol sous-marin entre le Japon et Taiwanrecèlerait l'un des plus riches réservoirsde pétrole du monde.

LECTURES

La Flandre françaisede langue flamandepar Emile Coornaert,membre de l'Institut

Les Editions ouvrières, Paris, 1970Prix : 51 F.

L'action culturelle de la France

dans le monde

par Suzanne BalousPresses Universitaires de France,

Paris, 1970. Prix : 18 F.

Manuel de littérature néo-africaine

du 16a siècle à nos jours, de l'Afriqueà l'Amériquepar Janheinz JahnTraduit de l'allemand

par Gaston BaillyEditions Resma, Paris, 1969Prix : 29 F.

La bombe ou la vie

par Jean ToulatEditions Fayard, Paris, 1969Prix : 15 F.

Groupes et sociétéspar Michel CornatonEditions Privat, Paris, 1969Prix : 15 F.

Vivre ou mourir ensemble

par Dominique Pire,prix Nobel de la PaixPresses académiques européennes,Bruxelles, 1969.

Difficultés scolaires des anciens

dislexiques :français, calcul, mathématiquespar Raymond VelleEditions sociales françaises, Paris,1969. Prix : 22 F.

L'Europe rhénanepar Etienne JuillardEditions Armand Colin, Paris, 1969Prix : 36,10 F.

Cours programmé d'algèbreCentre de psychologie appliquée

Deux tomes

Editions Dunod, Paris, 1968Prix : 14,23 F - 12,12 F.

Le développement par la scienceEssai sur l'apparition et l'organisationde la politique scientifique des EtatsEditions Unesco, Paris. 1969Prix : 18 F.

Catalogue de films ethnographi¬ques sur la région du PacifiqueAvant-propos de Jean RouchEdition Unesco, Paris, 1969Prix : 32 F.

Union mondiale des organismespour la sauvegarde de l'enfanceet de l'adolescence :

Prévention et cure des troubles

de l'adolescence provoqués par lavie moderne

Palais des Congrès, Bruxelles, 1963Prix : 20 F.

Parents et jeunes face à l'inadap¬tation juvénilePalais des Festivités, Evian, 1966Prix : 20 F.

L'aide psychosociale à la familleen vue de l'adaptation des enfantset des jeunes dans les milieux enévolution rapideBourse du Travail, Tunis, 1969Prix : 20 F.

(Pour toute commande, s'adresser àl'U.M.O.S.E.A., 28, place Saint-Geor¬ges, Paris-9°.)

Vient de paraître

Catalogue de filmsd'intérêt archéologiqueethnographiqueou historique

Présente 687 films réalisés dans plus de 50 pays.Ces films ont été choisis pour l'intérêt des sites ou dumonument présenté, pour la qualité de l'image ou pourla valeur scientifique de l'exposé.Les films sélectionnés portent sur des sujets très divers :recherches archéologiques, civilisations disparues, villeshistoriques, monuments, iuvres d'art, etc.

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Trilingue

anglais

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549 pagesPrix : 34 F

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Catalogue de reproductions

de peinture de 1860 à 19693e édition, mise à Jour et augmentée

Présente 1 548 reproductions de chefs-d'euvreconstituant une vaste sélection internationale de lapeinture depuis plus d'un siècle.

Le choix des vuvres a été établi selon des critèresrigoureux : fidélité de la reproduction en couleur,importance de l'artiste, intérêt de l'suvre originale.

Chaque tableau figure au catalogue avec une illustrationen noir et blanc accompagnée de renseignementsdétaillés sur l'uuvre originale et sur la reproduction(format, prix, nom de l'éditeur).

Pour vouset commander

abonner, vous réabonnerd'autres publications de l'Unesco

Vous pouvez commander les publications del'Unesco chez tous les libraires ou en vous adressant

directement à l'agent général (voir liste ci-dessous).Vous pouvez vous procurer, sur simple demande,les noms des agents généraux non inclus dans la liste.Les paiements peuvent être effectués dans la mon¬naie du pays. Les prix de l'abonnement annuel au« COURRIER DE L'UNESCO » sont mentionnés

entre parenthèses, après les adresses des agents.

ALBANIE. N. Sh. Bocimeve, Nairn Frasheri, Tirana.ALGÉRIE. Institut Pédagogique National, 1 1, rue

AM-Haddad, Alger. Société nationale d'édition et dediffusion (SNED), 3, bd Zirout - Youcef, Alger.ALLEMAGNE. Toutes les publications : R. OldenbourgVerlag, Unesco-Vertrieb fur Deutschland, Rosenheim-erstrasse 145,8 Munich 80. Unesco Kurier (Editionallemande seulement) Bahrenfelder Chaussee 160,Hamburg-Bahrenfeld. CCP 276650 DM 12). AUTRI¬CHE. Verlag Georg Fromme et C*. Spengergasse 39,Vienne V. (AS 82). BELGIQUE. Toutes les publi¬cations : Editions «Labor», 342, rue Royale, Bruxelles3. Presse Universitaires de Bruxelles, 42 av. Paul

Héger, Bruxelles 5. Standaard. Wetenschappehjke Uitge-verrj, Belgielei 147, Antwerpen 1. Seulement pour « leCourrier » (1 70 FB) et les diapositives (488 FB) : Jean deLannoy, 112, rue du Trône, Bruxelles 5. CCP 3 380.00.

BRÉSIL. Librairie de la Fundaçao Getúlio Vargas,Caixa Postal 4081-ZC-05. Rio de Janeiro, Guanabara.BULGARIE. Raznoïznos 1, Tzar Assen, Sofia. CAM¬BODGE. Librairie Albert Portail, 14, avenue Boulloche,Phnom Penh. CAMEROUN. Papeterie Moderne,Maller & Cíe, B. P. 495, Yaounde. CANADA.Imprimeur de la Reine, Ottawa, Ont. (8 4.00).CHILI. Toutes les publications : Editorial UniversitariaS.A , casilla 10220, Santiago. « Le Courrier » seule¬ment : Comisión Nacional de la Unesco, Mac-lver764, dpto. 63, Santiago <E°). REP. DEM. DUCONGO. La Librairie, Institue politique congolais. B. P.23-07, Kinshasa. Commission nationale de la Républiquedémocratique du Congo pour l'Unesco, Ministère de l'ɬducation Nationale, Kinshasa. COTE-D'IVOIRE. Cen¬

tre d'Edition et de Diffusion Africaines. Boîte Postale 4541,Abidjan-Plateau. DANEMARK. Ejnar Munksgaard Ltd,6, Norregade 1 1 65 Copenhague K (D. Kr. 1 9). ESPA

GNE. Toutes les publications : Librería Científica Medina¬ceü, Duque de Medinaceü 4, Madrid, 14. Pour « leCourrier de l'Unesco» : Ediciones Iberoamericanas, S.A.,calle de Oñate 15 Madrid. (Pts 180). Ediciones Liber,Apartado de correos, 1 7, Ondarrao (Vizcaya). ÉTATS-UNIS. Unesco Publications Center, P.O. Box 433,New York N.Y. 10016 ($ 5). FINLANDE.Akateeminen Kirjakauppa, 2, Keskuskatu, Helsinki.(Fmk 1 1,90). FRANCE. Librairie Unesco, Place de Fon¬tenoy, Paris. C.C.P. 12.598-48. (F. 12). GRÈCE.Librairie H. Kauffmann, 28, rue du Stade, Athènes.Librairie Eleftheroudakis, Nikkis, 4. Athènes. HAITI.Librairie « A la Caravelle », 3 6, rue Roux, B.P. 111, Port-au-Prince. HONGRIE. Akademiai Konyvesbolt, VaciU 22, Budapest V., A.K.V. Kónyvtárosok Boltja, Nepkoz-társasag U. 1 6. Budapest VI. ILE MAURICE. NalandaCo. Ltd., 30, Bourbon Str. Port-Louis. INDE. Orient

Longmans Ltd. : 17 Chittaranjan Avenue, Calcutta 13.Nicol Road, Ballard Estate, Bombay 1 ; 36a. Mount Road,Madras 2. Kanson House, 3/5Asaf Ali Road, P.O.Box 386,Nouvelle-Delhi I.Indian National Commission for Unesco,att.The Librarian Ministry of Education, **C" Wing, Room214, Shastri Bhawan, Nouvelle-Delhi 1. Oxford Bookand Stationery Co., 1 7 Park Street, Calcutta 1 6. ScmdiaHouse, Nouvelle-Delhi. (R. 1 3. 50) IRAN. Commissionnationale iranienne pour l'Unesco, 1/154, Av. Roosevelt,B.P. 153 3, Téhéran. IRLANDE. The National Press. 2Wellington Road, Ballsbndge, Dublin 4. ISRAEL. Ema¬nuel Brown, formerly Blumstem's Bookstore : 3 5, AllenbyRoad and 48, Nahlat Beniamin Street, Tel-Aviv. I L. 1 2,50- ITALIE. Toutes les publications : Librería Commissiona-naSansoni, via Lamarmora, 45. Casella Postale 552, 50121Florence, et, sauf pour les périodiques : Bologne : LibreríaZanichelh, Piazza Galvani 1/h. Milan : Hoepli, via UlncoHoepli, 5. Rome : Librería Internazionale Rizzoli GalenaColonna, Largo Chigi. Diffusione Edizioni Anglo-Amen-cane, 28, via Lima, 00198, Rome. JAPON.Maruzen Co Ltd. P.O. Box 5050, Tokyo Interna¬tional, 100.31. LIBAN. Librairie Antoine,A. Naufal et Frères, B. P. 656, Beyrouth.LUXEMBOURG. Librairie Paul Brück, 22, Grand'Rue,Luxembourg. (170 F. L.). MADAGASCAR. Toutesles publications : Commission nationale de la Républiquemalgache. Ministère de l'Education nationale, Tananarive.« Le Courrier » seulement : Service des oeuvres post etpén-scotaires. Ministère de l'Education nationale, Tanana¬rive. MALI. Librairie Populaire du Mali, B. P 28,Bamako. MAROC. Librairie « Aux belles images »,

281, avenue Mohammed-V, Rabat. CCP 68-74. « Cour¬rier de l'Unesco » : Pour les membres du corps ensei¬gnant : Commission nationale marocaine pour l'Unesco20 Zenkat Mourabitine, Rabat (C.C.P. 324.45).TINIQUE. Librairie ). Bocage, rue Lavoir. B.P. 208,Fort-de-France MEXIQUE. Editorial Hermes, IgnacioMariscal 41 , Mexico D. F., Mexique (Ps. 30).MONACO. British Library, 30, bid des Moulins, Monte-Carlo. MOZAMBIQUE. Salema & Carvalho Ltda.,Caixa Postal 1 92, Beira. NORVÈGE. Toutes les publi¬cations : A.S. Bokhjornet, Akersgt 41 Oslo 1. Pour «leCourrier » seulement : A.S. Narvesens, LitteraturjenesteBox 6125 Oslo 6. (Kr 2.75) NOUV.-CALÉDONIE.Reprex. Av. de la Victoire, Immeuble Paimbouc. Nouméa.

PAYS-BAS. N.V. Martinus Nijhoff Lange Voorhout9. La Haye (fl. 1 0>. POLOGNE. Toutes les publica¬tions : ORWN PAN. Palac Kultury, Varsovie. Pour lespériodiques seulement : « RUCH » ul. Wronia 23 Varso¬vie 10. PORTUGAL. Dias & Andrade Lda, LivrariaPortugal, Rua do Carmo, 70, Lisbonne. RÉPU¬BLIQUE ARABE UNIE. Ubrairie Kasr El Nil 3, rueKasr El Nil, Le Caire, Sous-agent : la Renaissance d'Egypte,9 Tr. Adly Pasha, Le Caire. ROUMANIE. Cartimex,P.O.B. 134-135, 126 Calea Victoriei, Bucarest.

ROYAUME-UNI. H.M. Stationery Office. P.O. Box569, Londres S.E.I. (20/-). SÉNÉGAL. La Maisondu livre, 13, av. Roume, B.P. 20-60, Dakar. SUÈDE.Toutes les publications : A/BCE. Fntzes. Kungl. Hovbok-handel.fredsgatan 2, Box 1 6356, 1 0327 Stockholm, 1 6.Pour « le Courrier » seulement : Svenska FN- Forbundet,Vasaga-tan 15, IV 10123 Stockholm 1 - Postgiro1 84692 (Kr. 18) SUISSE. Toutes les publications :Europa Verlag, 5, Ramistrasse, Zurich. C.C.P. Zurich VIII

23383. Payot, 6, rue Grenus 1211 Genève, 11C.C.P. 1-236. SYRIE. Librairie Sayegh ImmeubleDiab, rue du Parlement. B P. 704. Damas.

TCHÉCOSLOVAQUIE. S.N.T.L., Spalena51, Prague 2.(Exposition permanente); Zahranicni Literatura, 11Soukenicka, 4, Prague 1. TUNISIE. Société tunisiennede diffusion, 5, avenue de Carthage, Tunis. TURQUIE.Librairie Hachette, 469, Istiklat Caddesi, Beyoglu, Istanbul.U.R.S.S. Mezhdunarodnaja Kniga, Moscou, G-200.URUGUAY. Editorial Losada Uruguaya, SA. LibreríaLosada, Maldonado, 1092, Colonia 1340, Montevideo.

VIETNAM. Librairie Papeterie Xuan Thu, 185.193, rue Tu-Do, B.P. 283. Saigon. YOUGO¬SLAVIE. Jugoslovenska-Knijga, Terazije 27, Belgrade.Drzavna Zaluzba Slovenije, Mestni Trg. 26, Ljubljana.

mßm

de l'Islam, le Caire, qui est aussi une grande cité moderne, garde d'innombrablestémoignages de ses mille ans d'existence (voir article page 10). Ici, le minaret de la célèbremosquée Al-Azhar (la Resplendissante), qui, bâtie en 970, est devenue l'une des plusgrandes universités islamiques.