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Pages de Bretagne Pajennoù Breizh Paij de Brtêgn Juin Miz Mezheven Mouâz d’juin 2016 #41 Revue semestrielle Kelaouenn c’hwec’hmiziek Gâzètt su siz mouâiz À la une : Laurence Vilaine Dossier : Le livre, c’est (aussi) un travail Portraits : Gaël Le Ny, Juliette Pinoteau Lire en Corée du Sud et en Guyane Rennes : Thérèse Bardaine en résidence à Maurepas Landujan : une médiathèque Arc-en-ciel Nantes : La vie devant soi, librairie de quartier Saint-Germain-sur-Ille : Les éditions du commun au service de l’intelligence collective Brest : Club de lecture à la maison d’arrêt Rennes : Écrire à l’hôpital, une bouffée d’oxygène ©Laurence Vilaine par Gaël Le Ny

Pages de Bretagne n°41

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Page 1: Pages de Bretagne n°41

Pages de BretagnePajennoù BreizhPaij de Brtêgn¶

JuinMiz MezhevenMouâz d’juin2016

#41Revue semestrielleKelaouenn c’hwec’hmiziek Gâzètt su siz mouâiz

À la une : Laurence VilaineDossier : Le livre, c’est (aussi) un travail

Portraits : Gaël Le Ny, Juliette Pinoteau Lire en Corée du Sud et en GuyaneRennes : Thérèse Bardaine en résidence à MaurepasLandujan : une médiathèque Arc-en-ciel Nantes : La vie devant soi, librairie de quartier Saint-Germain-sur-Ille : Les éditions du commun au service de l’intelligence collective Brest : Club de lecture à la maison d’arrêt Rennes : Écrire à l’hôpital, une bouffée d’oxygène

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NÉ DANS L’EST, BENOÎT BROYART EST DEPUIS LONGTEMPS À L’OUEST. ENFANT DE LA VILLE, IL VIT DANS LA CAMPAGNE BRETONNE. PETIT, IL VOULAIT DEVENIR GRAND.DEPUIS QU’IL EST GRAND, IL ÉCRIT POUR LES PETITS… MAIS PAS SEULE-MENT. GRAND LECTEUR, IL EST AUSSI DEVENU LECTEUR À VOIX HAUTE. ET IL ADORE ÇA.ÉCRIRE, LIRE, C’EST RACONTER.

Écrire… Un métier ?À la suite de la publication de la récente étude sur la situation économique et sociale des auteurs, la question est, au moins pour les affiliés : Écrire et publier des livres peut-il constituer un métier ? Pourtant, en nous affiliant à l’Agessa, nous nous déclarons bien comme auteur professionnel.Écrire et publier des livres peut-il constituer un métier ? Au bout de dix ans de pratique et d’une trentaine de livres publiés, principalement dans le secteur jeunesse, j’aurais envie de répondre « oui, si ».Oui, si vous acceptez de déployer vos talents dans de multiples activités (lectures, interventions scolaires, ateliers, etc.), c’est-à-dire qu’écrire ne suffit pas, à moins de sortir un best-seller. Soyez des performers hors-pair.Oui, si vous appréciez les supports multiples (romans, albums, bande dessinée, spec-tacle). Il est toujours bénéfique de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.Oui, si vous savez négocier vos contrats, au risque de passer pour un enquiquineur. Au moins serez-vous considéré comme un professionnel.Oui, si vous avancez à plusieurs pour déjouer les mauvais tours que ne manqueront pas de vous jouer certains éditeurs. Dans ce domaine, la Charte des auteurs et illus-trateurs jeunesse fait depuis des années un magnifique travail.L’auteur est depuis longtemps, malheureusement, la variable d’ajustement d’une très/trop longue chaîne du livre, alors qu’il est la racine sans quoi rien n’est possible. Sans auteur, pas de livre. Il semble utile de le rappeler. En effet, à la lecture de certains de nos contrats, on se demande si le message est bien passé.

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Skrivañ… Ur vicher ?

Da-heul ar studiadenn embannet nevez zo war stad ekonomikel ha sokial ar skriva-gnerien e teu an dud, d’an nebeutañ an izili, d’en em c’houlenn war gement-mañ : daoust ha skrivañ hag embann levrioù a c’hall mont d’ober ur vicher ? Koulskoude, pa emeze-lomp en Agessa e tisklêriomp splann ez omp skrivagnerien a vicher.Daoust ha skrivañ hag embann levrioù a c’hall mont d’ober ur vicher ? War-lerc’h bezañ graet kemend-all e-pad dek vloaz hag embannet un tregont levr bennak, dreist-holl lennegezh evit ar re yaouank, e vefen techet da respont « ya, gant ma... ».Ya, gant ma vezit kontant d’implijout ho tonezonoù evit oberoù a bep seurt (lenna-dennoù, labourat gant ar skolioù, atalieroù ha me ’oar), da lavaret eo, skrivañ n’eo ket trawalc’h, nemet hag embann a rafec’h ur best-seller. Ret eo deoc’h bezañ furlukined dispar.Ya, gant ma vo mat deoc’h ober gant doareoù a bep seurt (romantoù, albomoù, bannoù-treset, arvestoù). Emsavoc’h eo chom « hep lakaat e vioù tout er memes paner ».Ya, gant ma vezit gouest da varc’hata evit ho kevratoù, ha pa dremenfec’h evit un den chikanus. D’an nebeutañ e viot sellet evel un den a vicher.Ya, gant ma’z eot asambles gant tud all evit talañ ouzh an troioù-kamm a vo c’hoariet deoc’h, a-dra-sur, gant embannerien zo. War an dachenn-se e vez graet ul labour a-zoare, meur a vloaz zo, gant Karta an aozerien hag an dreserien evit ar yaouankiz.Pell zo, siwazh, pa vez ezhomm da grennañ en un tu bennak a-hed « chadenn al levrioù » (a zo hir-hir, pa n’eo ket re hir), eo lodenn an aozerien a vez krennet da gentañ-penn. Padal paneve an aozerien ne vefe levr ebet. N’eo ket fall degas da soñj eus se, war a seblant. Rak pa lenner lod eus hor c’hevra-toù e vez peadra d’en em c’houlenn ha sklaer eo d’an holl.

Benoît Broyart,Artiste-auteur, président du comité d’émergence de Livre et lecture en BretagneArzour-aozer, prezidant bodad-aliañ Levrioù ha lennadennoù e Breizh

Le point de vue de...

Benoît Broyart, artiste-auteur, président du comité d’émergence de Livre et lecture en Bretagne

Nous inaugurons dans ce numéro

un nouvel espace d’expression pour les

professionnels du livre et de la lecture

en Bretagne

« Le point de vue de… »

Le comité d’émergence de Livre et lecture en Bretagne

Livre et lecture en Bretagne intègre les professionnels dans la construction de ses projets par le biais d’un comité d’émergence constitué de 21 professionnels représentatifs de la filière du livre et de la lecture qui donnent leur avis sur les orientations et les activités de l’établissement.

> www.livrelecturebretagne.fr/livre-et-lecture-en-bretagne/qui-sommes-nous/

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Portrait d’un auteur / Poltred ur skrivagner / Portrèt d’un’ecrivou

APRÈS LE SILENCE NE SERA QU’UN SOUVENIR, UN PREMIER ROMAN MAGIQUE, LAURENCE VILAINE SORT UN NOUVEL OUVRAGE, PLUS COURT, PLUS RAMASSÉ, PLUS INTIME. ON Y RETROUVE UN THÈME QUI LUI EST CHER : LA QUÊTE DU SENS, AU-DELÀ DES NON-DITS.

La vie est une blessure. L’idiot est un génie. Son violon a beau rester muet, une mélodie s’échappe du cloaque. Chanson oubliée. Ressuscitée par un orchestre scintillant, elle se fait tourbillon pour mieux vous emporter. Vous envoûter. Le silence ne sera qu’un souvenir sonne comme une merveille de musique tzigane. « Ce roman est souvent présenté comme un ouvrage sur les Rroms. Moi, je n’avais pourtant rien décidé de tel.

Une petite fille dans une robe blanche trop grande pour elle. Une jeune femme dans la même robe blanche. Sous la pluie, la robe, la peau, l’âme, transparentes… »« J’aime ces pays de l’Est, où je me sens chez moi, mais si je suis allée en Slovaquie, je n’y ai pas fréquenté les Rroms. Il est vrai aussi que la question des non-dits, elle est très présente chez eux. Ce qui m’intéresse, c’est ça, ce qui reste en creux, qu’on ne peut trouver qu’en descendant très profon-dément. C’est à la fois une douleur et une joie, d’aller vers cette part d’inconnu, mais c’est ça qui me plaît : partir de ce qui est là, à peine perceptible et suivre le fil, partir en quête du sens, en quête de soi-même, en fait. Il faut que j’accepte que ça prenne du temps et de surmonter ma peur de descendre, de m’approcher du comble de la solitude. Tout ça n’est pas évident, mais quand on y arrive, quel bonheur ! Un bonheur qu’on ne peut pas partager sur le moment, parce qu’on sait qu’après avoir

marché des kilomètres, il faut parfois reve-nir sur ses pas. » Laurence a mis du temps à l’écrire, ce roman, et elle a encore attendu quatre ou cinq ans avant d’oser l’envoyer aux grandes maisons d’édition. « Leurs refus et leurs retours critiques ne m’ont pas découragée, au contraire, ils m’ont donné envie de me remettre à l’ou-vrage. Cela fait deux ans que j’ai arrêté d’être pigiste pour des guides de voyage. Je griffonnais des bouts de trucs sur des bouts de papier qui n’avaient rien à voir avec ça. Et puis, il y a eu ce roman… Depuis, j’ai commencé à en écrire un deuxième. Là, j’ai ressenti la pression. Parce que… c’est jamais pareil, c’est comme après toutes les autres premières fois de la vie. »Parfois, Laurence a besoin de s’écarter, de prendre l’air. Les ateliers, les résidences lui font du bien. À Alger, elle travaille avec un groupe de femmes. Au retour, elle apprend que son papa est gravement malade. Quelques mois plus tard, elle revient à la Grande Villa, ce lieu de résidence marseil-lais qui va l’aider à faire le deuil.« Il est sans aucun doute des lieux comme des personnes avec lesquels il y a “rencontre” d’emblée. La Grande Villa est de ceux-là. Je l’ai habitée, aussitôt le seuil franchi, comme si je l’avais toujours connue. Avec elle, impossible de faire semblant, ou j’aurais eu le sentiment de la trahir.

L’approche de la mort a fait émerger des mots enfouis. Des non-dits, encore, que la mort libère. Des douleurs qui habitaient en moi et n’étaient pas les miennes. »À la piscine toute proche, Laurence fait des lignes et des lignes. Lignes d’eau pour libérer la pensée. Lignes de papier pour libérer les mots. De la rencontre avec cette maison, rythmée par les séances de natation, est né un court roman intime qui porte son nom : La Grande Villa. Sortie prévue en août 2016.En attendant que se réveille celui qui devait être son deuxième roman, Laurence Vilaine est entrée fin avril dans une nouvelle résidence, à la maison d’arrêt et à la bibliothèque André Malraux de Saint-Brieuc, avec le soutien de Livre et lecture en Bretagne.

G.A.

Bibliographie

Le silence ne sera qu’un souvenir, éditions Gaïa, 2011.

La Grande Villa, éditions Gaïa, 2016.

Nantes

Laurence Vilaine entre les lignes

Alors, j’ai éteint mon ordinateur, j’ai laissé

reposer le roman que j’avais commencé et j’ai acheté

un cahier que j’ai rempli sans la moindre rature.

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Au départ, je voyais juste une image de début et une

image de fin.

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Portrait d’un photographe/ Poltred ul luc’hskeudenner / Portrèt d’un fotograf

BERCÉ PAR L’ENGAGEMENT POLITIQUE FAMILIAL, BOUSCULÉ PAR L’IDENTITÉ BRETONNE DE SES ANCÊTRES, GAËL LE NY A MIS SON ART AU SERVICE DE LA CAUSE KURDE. UN STATUT DE PHOTOGRAPHE ENGAGÉ CLAIREMENT ASSUMÉ.

« Je suis fier de dire que je viens des HLM de Kercado, à Vannes, fils de Roland et Rolande, prof et infirmière. » De son père prof d’histoire, Gaël hérite d’une bibliothèque orientée : Thermidor, la guerre civile espagnole, la Résistance, la Commune. « Ma grand-mère paternelle était bonne à Paris et déjà membre du Parti communiste dans les années 20. En fait, c’est plus compli-qué : son mari avait été élevé par les Pères blancs et ils sont partis aux colonies. » Un jour, c’est tout l’héritage familial de Gaël Le Ny qui lui apparaît sous la forme de deux valises de photos trouvées dans un grenier. « On faisait autant de photos du côté paternel que du côté maternel. J’ai passé des journées à examiner ces images et j’ai compris tout le pouvoir que peut avoir la photo, en un regard d’embrasser toute une époque.

Quand on est dans la peau du photographe et qu’on débarque, on traque des détails que personne ne regarde, on attire les gamins, on intrigue les adultes qui finissent par ouvrir leurs portes. C’est une façon de passer le réel à la moulinette pour mieux le questionner. Tiens ! J’ai vu ça et j’ai pas compris. Vous pouvez m’expliquer ? » Déjà, le petit Gaël se sent à l’étroit dans son lycée. Les portes, les couloirs, le mur d’enceinte lui donnent envie d’aller voir ailleurs. La rue lui offre un espace d’exploration. D’autant plus que la vie n’est pas toujours facile à la maison, la famille étant perturbée par les problèmes psychiques du grand frère. « Mais c’est aussi ce frérot qui m’a suggéré d’aller vers la photo au moment où je me demandais ce que j’allais faire de ma peau. » Gaël part au Canada pour la récolte du tabac, avec son premier appareil. Il découvre la joie de se faufiler partout, en quête d’une image, d’une rencontre. « Au retour, j’ai compris qu’il n’y aurait plus de retour en arrière possible. Avant, mon rapport à la photo restait un peu nombriliste. Même si j’étais titillé par ma conscience politique et aussi par la question des minorités. Ces grand-tantes en coiffe, du côté de Clohars-Carnoët, qui

parlaient une langue inconnue, étant petit, ça m’avait beaucoup marqué. J’avais demandé à ma mère : Et quand je serai grand, moi aussi j’aurai le droit de parler breton ? » Sur la place de la Mairie, à Rennes, des Kurdes manifestent et dansent en ligne. C’est le déclic. Suivront, en 2003, une première exposition, au Festival de cinéma de Douarnenez, et un premier livre sur les Kurdes exilés à Rennes. Pour gagner sa vie, Gaël Le Ny travaille alors comme photographe pour les collectivités territoriales. Depuis, il s’est éloigné des travaux de commande et donne des cours dans une école d’arts appliqués, à Rennes. Mais il n’a jamais lâché son Kurdistan. En 2015, avec son complice, le photographe François Legeait, et Elie Guillou pour les textes, il a sorti un livre sur le quartier de Ben U Sen, à Diyarbakir, au Kurdistan de Turquie. Gaël ne compte plus ses allers-retours là-bas. Un film en breton, clin d’œil de l’histoire, le montre même en action chez les combattants kurdes de Syrie. Bientôt, il retournera à Diyarbakir animer un atelier photo pour les gamins d’un camp de réfugiés yézidis. Un nouveau cycle commence, qui débouchera ou pas sur un nouveau livre. Peu importe. Ce qui compte avant tout, pour Gaël, c’est la fidélité des engagements et des amitiés.

G. A.

J’ai eu envie d’être cette sentinelle qui observe ce qui est en train d’arriver.

Rennes

Gaël Le Ny,photographe engagé

Bibliographie

Karapinar, textes d’André Métayer, éd. Délégation rennaise Kurdistan, 2003.

Ben U Sen, avec François Legeait et Elie Guillou, éd. de Juillet, 2015.

Film : Kurdistan, Huñvreal an Nevez-Amzer (Kurdistan, Rêve de printemps), de Mickaël Baudu, France 3 Bretagne, 2015.

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Juliette aime aussi le « bricolage », la fabrication

d’objets, de machines, de personnages en volume,

à partir de matériaux de récupération.

Bibliographie

Le Petit Homme gris, éd. Les oiseaux de papier, 2009.

Féeries et légendes de Brocéliande, éd. Au bord des continents, 2016.

Film : J’demande pas la lune, juste quelques étoiles, de Robert Coudray, Providence Films, 2012.

Portrait d’un illustrateur / Poltred un treser / Portrèt d’un’imaijou

TOMBÉE TOUTE PETITE DANS LE CHAUDRON DE LA BD, JULIETTE PINOTEAU CONTINUE À TRACER SON CHEMIN, AVEC SES PERSONNAGES ET SON UNIVERS PARTICULIER. UN NOUVEL ALBUM SORT EN JUIN 2016.

Elle a eu bien de la chance, la Juliette, de vivre entourée de BD, de cinéma, de littérature. Avec une maman prof d’arts plastiques, le chemin était déjà largement défriché. « J’ai vite fréquenté les musées et c’était jamais chiant. Ma mère devait choisir les bons trucs et elle m’expliquait, aussi. Mon frère dessinait. En fait, on dessi-nait tout le temps. » Pour autant, Juliette Pinoteau n’était pas décidée à en faire son métier. « Moi, je pensais plutôt devenir reporter animalier ou archéologue, et puis finalement… »Finalement, Juliette intègre en 2003 l’école Pivaut, à Nantes, où elle complète sa culture de la bande dessinée et de l’illustration. « La BD, à la maison, c’était Bretécher, Corto Maltese, Tintin, Astérix, les classiques, quoi. J’étais aussi nourrie de Tomi Ungerer, du cinéma d’aventures, de La Guerre des étoiles, de Dark Crystal. Pas mal de fantastique, mais une culture assez variée, en fait. Par exemple, Reiser me faisait beaucoup rire. » Trois ans après, elle sort de l’école avec les félicitations du jury. Et la Normande d’origine s’installe en Bretagne. En 2009, Juliette Pinoteau publie son

premier album, Le Petit Homme gris, aux Oiseaux de papier. « L’éditeur, Alain Gérardin, quand il a vu mes dessins, il a tout de suite pensé à l’un de ses textes qui traînait dans un tiroir depuis des années. Et maintenant, il y a d’autres projets. J’ai commencé à travailler sur L’île de Pharendole, qui raconte l’histoire d’une gardienne de phare et d’un gigantesque crabe mécanique qui attaque son île. C’est une métaphore du cancer du sein dont j’ai été atteinte il y a cinq ans. La trame est là ; il faut juste que je trouve le temps. »

En 2012, elle participe au long métrage J’demande pas la lune, juste quelques étoiles, réalisé par le poète-ferrailleur de Lizio Robert Coudray, où elle joue l’artiste amoureuse du héros du film. En juin 2016 sort un nouvel album jeunesse aux éditions Au bord des continents,

dans une collection de contes, Féeries et légendes de Brocéliande. Entre-temps, Juliette travaille avec l’association L’Art aux champs, qui réunit trente-cinq artistes, dans la région de Combourg, en binôme avec des artistes allemands. Elle intervient dans les établissements scolaires et les médiathèques, pour des expositions de son travail et des ateliers. Dans des collèges, par exemple, sur un thème qui lui est cher : les métamorphoses. Et elle a réalisé en début d’année la couverture du Guide des manifestations littéraires 2016 de Livre et lecture en Bretagne.

G. A.

Le Roc-Saint-André

Juliette Pinoteau en Pharendole

> http://minisites-charte.fr/sites/juliette-pinoteau/

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Page 6: Pages de Bretagne n°41

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Ailleurs c’est ici / Amañ hag ahont / Âyou s’ée issi

LA CORÉE DU SUD ÉTAIT L’INVITÉE DU SALON LIVRE PARIS, EN MARS DERNIER. CE FUT L’OCCASION DE DÉCOUVRIR UN PAYS À L’ESSOR ÉCONOMIQUE IMPRESSIONNANT, QUI A PLACÉ LE LIVRE ET LA LECTURE AU CŒUR DE SON SYSTÈME ÉDUCATIF.

La Corée du Sud est depuis 2010 dans le trio de tête mondial pour le niveau de ses étudiants. Un résultat que l’on pouvait diffi-cilement espérer après la guerre entre le Nord et le Sud, en 1950. La Corée était alors l’un des pays les plus pauvres du monde. Elle est aujourd’hui la douzième puissance économique de la planète. Disposant de peu de richesses naturelles, les Coréens sont persuadés qu’ils doivent cette réussite à l’at-tention particulière donnée à l’éducation et, en tout premier lieu, à la lecture. Dans ce pays où cohabitent tradition et compétitivité, d’ambitieux plans natio-naux de développement de la lecture se sont succédé, notamment en direction de la jeunesse, donnant des résultats spectaculaires. En 2010, par exemple, la fréquentation des bibliothèques par les élèves a fait un bond en un an, pour passer de 12,6 % à 65,1 %. Un panel de 800 adolescents, fous de lecture, est mobi-lisé pour conseiller leurs amis, à partir de neuf thèmes qui tiennent particulièrement à cœur aux jeunes de leur âge. Des budgets de deux mille dollars sont alloués à des établissements scolaires qui s’engagent dans le programme pour ados baptisé « Bookworm ».

Des programmes spécifiques ont été mis en place, en direction des handicapés, des détenus, des enfants d’immigrés, des plus

défavorisés. On a pu observer un effet direct de la lecture sur les enfants de familles en difficulté : moins de violence, moins de repli sur soi. Toutes les techniques sont mobili-sées pour attirer de nouveaux lecteurs, en particulier le cinéma d’animation.De fait, la Corée est l’un des pays du monde où on lit le plus. L’alphabet inventé au sortir de la guerre y serait pour beaucoup, étant beaucoup plus accessible que les idéo-grammes chinois jusqu’alors en vigueur. Il est bienvenu d’être un lettré, et très vexant de ne pouvoir converser à propos d’un ouvrage. Même les pauvres lisent. L’écrivain est très bien payé et son statut est envié. Pour l’obtenir, il faut d’abord présenter une nouvelle devant un jury d’auteurs et qu’elle soit sélectionnée. La littérature coréenne, qui traitait traditionnellement de la dignité du peuple face à la souffrance, aborde la modernité d’une façon très crue qui contraste avec la discrétion que l’on se doit d’afficher en société. Parmi les auteurs traduits en français, on peut signaler Hwang Sok-yong et Lee Seung-u (tous deux chez Zulma), ainsi que la roman-cière Kim Ae-ran, avec Ma vie palpitante (Picquier), les auteurs femmes étant ici plus subversives que les hommes. La littérature coréenne est surtout connue à l’étranger pour un genre, le manhwa, la bande dessinée coréenne, et pour son édition jeunesse, la troisième du monde, qui représente la moitié des livres publiés dans le pays. À signaler une maison d’édition française spécialisée dans la littérature coréenne : Decrescenzo.

G. A.

> www.decrescenzo-editeurs.com

La moitié des écoliers lisent chaque matin durant

dix minutes, avant de commencer la classe.

Ils avalent plus de vingt livres par semestre.

La Coréegrand pays de lettrés

du Sud,

Page 7: Pages de Bretagne n°41

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DEPUIS LE 1ER JANVIER, RÉGION ET DÉPARTEMENT ONT FUSIONNÉ ET UNE NOUVELLE COLLECTIVITÉ UNIQUE A VU LE JOUR EN GUYANE. NICOLAS RUPPLI, CONSEILLER LIVRE ET LECTURE À LA DRAC (DIRECTION RÉGIONALE DES AFFAIRES CULTURELLES) DE GUYANE, DRESSE UN TABLEAU DE LA FILIÈRE DU LIVRE DANS CETTE RÉGION VASTE ET PEU PEUPLÉE.

En Guyane, les structures liées au livre sont essentiellement concentrées sur les côtes, là où il y a des routes, la circulation se faisant autrement en pirogue sur les fleuves ou en avion. Un tiers de la popu-lation est d’origine étrangère, il y a à peu près 20 % de sans-papiers, 40 % d’illettrés, et un échec scolaire massif, avec un jeune sur deux qui sort de l’école sans diplôme. « Pour la lecture publique, les infras-tructures manquent, sont sous-dimen-sionnées, alors que la population et les besoins de lecture augmentent très vite, ou s’avèrent inadaptées. » À Cayenne, par exemple, l’ancienne bibliothèque coloniale Franconie essaie de jouer le rôle d’une bibliothèque de centre-ville sans en avoir les moyens. À Kourou, on a construit une belle médiathèque, mais c’est une coquille vide. Le personnel qualifié manque cruel-lement, un peu partout. Les cadres métro-politains qui viennent ici restent souvent trop peu de temps avant de repartir. La volonté politique de développement de la lecture publique est souvent absente. Dans certaines collectivités, il n’y a même pas de service culturel, le manque de référents est un frein au développement de projets. Lorsqu’il y a un projet de médiathèque, l’aide de l’État, souvent conséquente dès le départ, n’empêche pas des retards importants dans le démarrage des opéra-tions. Le projet des bibliopirogues qui devaient remonter les fleuves et desser-vir de nombreux lieux à l’écart, séduisant sur le papier par son côté “exotique”, s’est révélé trop compliqué à mettre en œuvre. Pourtant, aller vers le public semble une évidence. « Beaucoup de gens n’ont pas les moyens de se déplacer facilement vers une bibliothèque. Mais il y a quand même quelques belles expériences. À Maripasoula, dix mille habitants, par exemple, des points-lecture irriguent la commune, la

plus étendue du territoire français, tout le long du haut Maroni, et Patrice Gérard, bibliothécaire, organise une fête du livre. Il faut aussi souligner le beau travail de l’association Promolivres, organisatrice du Salon de Cayenne tous les deux ans, en relation avec les pays voisins. L’an prochain, ce sera l’année de la Colombie. » Dans le domaine de l’édition, si l’on a souvent affaire à des associations qui publient à compte d’auteur, deux maisons ont fait leurs preuves : Plume Verte, spécia-liste de la nature, qui propose également un fonds jeunesse intéressant, et Ibis Rouge, centrée sur les publications univer-sitaires et la littérature de l’Amazonie, la Caraïbe et l’océan Indien, plus ancien éditeur de Guyane, riche d’un catalogue de plus de 400 titres. Pour les libraires, peu nombreux, il n’est pas facile de résister à la grande distribu-tion et à Amazon. À signaler à Cayenne, la librairie Casa bulles/Lettres d’Amazonie, labellisée LIR, qui a suscité la création d’un festival de la BD, et la librairie Guyalire, qui projette d’équiper des véhicules tout-terrain pour aller à la rencontre des lecteurs. Après les figures tutélaires de Léon Gontran-Damas et René Maran, on peut citer parmi les auteurs guyanais contem-porains, Serge Patient et Elie Stephenson, dont la notoriété a dépassé depuis long-temps les frontières guyanaises. Parmi les métropolitains passés par la Guyane qui écrivent ou ont écrit sur elle, Colin Niel est l’auteur d’excellents romans policiers qui traitent des problématiques locales : sans-papiers, orpailleurs clandestins, trafi-quants de drogue. Il a très bien rendu l’uni-vers des Bushinengués, ces descendants d’esclaves évadés vivant le long du Maroni, et l’ambiance de la forêt guyanaise. À noter également, la présence en Guyane

de l’auteur breton Joub depuis cinq ans. Il a coréalisé, avec un autre artiste breton, Nicoby, la bande dessinée Le Manuel de la jungle (éd. Dupuis) : un retour aux sources pour ces deux auteurs, partis quelques jours en pleine forêt guyanaise avec deux copains baroudeurs.Autre grande particularité de la Guyane, le nombre de langues parlées (une trentaine dont 12 labellisées « Langues de France »). En décembre 2011, Cayenne a accueilli les États généraux du multilinguisme dans les outre-mer qui ont abouti à un programme d’équipement des langues qui ne dispo-saient pas encore d’outils comme des dictionnaires. « Depuis, des groupes de locuteurs de langues amérindiennes ou autres de Guyane y travaillent, avec des linguistes. »

G. A.

> www.ctguyane.fr

Le livre en région / Al levrioù er rannvroioù / Le livr den la contrée

Guyane

Quelques livres

dans une immense forêt

La Guyane en bref

Population : environ 250 000 habitants (officiellement, en 2013)Surface : 83 846 km2 (plus de trois fois la superficie de la Bretagne), dont 90 % de forêts22 communes, dont Cayenne (50 000 hab.) et Saint-Laurent-du-Maroni (40 000 hab.)Langue officielle : françaisLangues parlées : une trentaine, dont 12 labellisées « Langues de France » (créole guyanais, langues amérin-diennes et nengee, taki taki, saramaka, hmong)

Page 8: Pages de Bretagne n°41

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An teuliad

La cadèrnn

Dossier

réalisé par Gérard Alle

LES MÉTIERS DU LIVRE ET DE LA LECTURE SONT EN TRAIN DE CHANGER. SI LA

MÉTAMORPHOSE N’EST PAS ENCORE ACHEVÉE, ELLE A COMMENCÉ DEPUIS PLU-

SIEURS ANNÉES, ET POURTANT, L’IMAGE DE LA BIBLIOTHÈQUE, DE L’ÉDITION,

DE L’AUTEUR ET DE LA LIBRAIRIE RESTE PRISONNIÈRE DE QUELQUES PONCIFS

QUI ONT LA VIE DURE. CE DOSSIER VA DONC ESSAYER D’ENLEVER UN PEU DE

LA POUSSIÈRE QUI S’EST ACCUMULÉE, SANS RÉUSSIR TOUTEFOIS À RENDRE

COMPTE DE LA TOTALITÉ DES ÉVOLUTIONS ET DES INITIATIVES.

EN PREMIER LIEU, IL CONVIENT DE RAPPELER QUE DANS LA FILIÈRE, BIEN DES

MÉTIERS NE SONT PAS SPÉCIFIQUES ET DEMANDENT DES COMPÉTENCES, DES

SAVOIR-FAIRE QUE L’ON RETROUVE DANS D’AUTRES SECTEURS. PAR EXEMPLE, LES

ASPECTS COMMERCIAUX, DE COMMUNICATION, D’ADMINISTRATION, DE CONNAIS-

SANCE TECHNIQUE, DE MAÎTRISE DES OUTILS NUMÉRIQUES SONT ESSENTIELS À

LA SURVIE ET AU DÉVELOPPEMENT DE CES MÉTIERS. ET LA MÉDIATION Y PREND

DE PLUS EN PLUS DE PLACE. SI BIEN QU’UN BIBLIOTHÉCAIRE NE PEUT PLUS

SE CACHER DERRIÈRE SES LIVRES, QU’UN LIBRAIRE NE PEUT PLUS SE PASSER

D’ANIMATIONS, QU’UN AUTEUR NE PEUT RESTER SEUL DANS SA TOUR D’IVOIRE.

EN RÉSUMÉ, POUR TRAVAILLER DANS LE LIVRE OU LA LECTURE, IL FAUT NON

SEULEMENT AIMER LE LIVRE ET LA LECTURE, MAIS AUSSI LES GENS.

LE LIVRE, C’EST (AUSSI) UN TRAVAIL

Page 9: Pages de Bretagne n°41

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L’auteur

L’auteur a bien du mal à vivre de sa plume. Pour avoir une chance de s’en sortir, il doit s’ouvrir à un travail de médiation. Depuis le 1er janvier 2016, le Centre national du livre (CNL) entend lui donner un coup de pouce en incitant les orga-nisateurs de salons à rémunérer ses interventions.

Ils sont bien peu à vivre uniquement de la seule vente de leurs livres, et quelques-uns à tenter de vivre de leur métier d’auteur grâce aux émoluments offerts par leurs interventions ici et là, rencontres, ateliers d’écriture, résidences… La plupart ont un autre métier. Mais beaucoup sont très pauvres, ayant connu un succès éphémère qui ne s’est pas reproduit, ou travaillant d’arrache-pied sans résultat économique-ment probant. Et puis, il y a le dévelop-pement considérable de l’autoédition, qui atteindrait aujourd’hui quelque 25 % des dépôts à la BnF. Profitant de leur temps libre, des jeunes retraités sont tentés par l’autoédition. Ils découvrent alors qu’édi-ter, imprimer, diffuser ne s’improvise pas, mais demande beaucoup de compétences techniques. L’autoédition ne constitue même plus comme hier une sorte de bar-rière qualitative, car elle apparaît comme un choix délibéré de la part de certains auteurs bénéficiant déjà d’un lectorat et pouvant compter sur un pourcentage beaucoup plus alléchant que celui que leur proposerait un éditeur.

Fort de tous ces constats, le CNL vient de décider d’aider uniquement les salons du livre qui rémunèrent pour leurs presta-tions les auteurs invités.

Cette mesure ne touche pas les auteurs invités pour dédicacer leurs ouvrages, ni les universitaires publiant dans leur spé-cialité. Bien des organisateurs de salons s’inquiètent de cette nouvelle orientation du CNL. Pourtant, ils trouvent sans doute normal que les plasticiens, les musiciens et les cinéastes soient rémunérés pour leur travail. Un auteur, quand il se déplace dans une manifestation, ne travaille pas sur son prochain ouvrage. Il s’agit donc bien d’un temps qui est pris sur son temps de production, donc de travail, donc de rémunération. À moins de considérer que l’écriture n’est pas un travail, et qu’elle pro-cure un plaisir tel que l’auteur ne devrait en aucune façon être payé. Dans bien d’autres pays, en Angleterre, aux États-Unis, au Canada, en Italie, en Suisse, par exemple, les auteurs qui lisent en public sont rémunérés. En France, pourtant, le travail d’écrivain se double de plus en plus

d’un travail de médiation, sans lequel il ne pourrait non seulement gagner sa vie, mais aussi faire connaître son œuvre. Les auteurs sont donc amenés, comme les bibliothécaires, les libraires et les éditeurs, à développer leurs compétences en média-tion culturelle. Ils lisent, participent à des spectacles, à des interventions dans des lieux et auprès de publics les plus divers. Et il est bien normal qu’ils soient rémuné-rés pour cela. Même si on peut comprendre l’inquiétude de certaines manifestations qui bénéfi-cient d’un faible soutien de la part des collectivités. Le salon de Penmarc’h, Le Goéland Masqué, par exemple, rémunère les auteurs lors de leurs interventions en médiathèque, mais leur demande une par-ticipation bénévole aux animations durant le salon. Contacté, son président, Roger Hélias, a réagi : « Nous n’avons pas fait de demande de subvention au CNL, mais nous sommes prêts à mieux rémunérer les auteurs si celui-ci nous aide dans ce sens. Cependant, s’il fallait payer toute interven-tion sans aide supplémentaire, il est clair que ce serait la mort d’un festival comme le nôtre. »À ceux qui s’inquiètent qu’avec ces nou-velles mesures, les salons n’invitent plus que des auteurs de best-sellers, le CNL répond qu’il sera attentif dans l’attribu-tion de ses aides, aux manifestations qui font appel aux auteurs peu médiatisés et aux primo-romanciers. Et que son budget dédié sera légèrement augmenté.

> www.centrenationaldulivre.fr/fr/actualites/aid-801/actualite-le_dispositif_de_soutien_aux_manifestations_litteraires

LE LIVRE, C’EST (AUSSI) UN TRAVAIL

Au minimum, pour une rencontre ou un débat,

150 euros, 226 euros pour une conférence,

et 400 euros pour une lecture-performance.

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Une photographie de la situation économique et sociale des auteurs

Durant l’année 2015, cinq enquêtes ont été menées ou com-mandées par le Ministère de la Culture et de la Communication (MCC) portant sur la situation économique et sociale des auteurs. Les structures régionales pour le livre, à travers la Fédération interrégionale pour le livre et la lecture (Fill), ont été chargées d’étudier les revenus des activités connexes des auteurs en région.L’étude sur la situation économique et sociale des auteurs du livre, menée par le MCC et le CNL, montre que sur 100 000 personnes ayant perçu des droits d’auteur en 2013 dans le secteur du livre, moins de 10 % en tirent l’essentiel de leurs revenus. Par ailleurs, ces 10 % ont vu leurs revenus se dégrader en raison d’une hausse ininterrompue de la produc-tion de nouveaux titres malgré un marché en stagnation (voire en léger recul). À noter que le prix des livres a augmenté moins vite que l’inflation depuis quinze ans.

L’étude sur les revenus connexes (issus d’ateliers d’écriture, de résidences, de lectures, de rencontres, d’expositions…) menée parallèlement par douze structures régionales adhé-rentes à la Fill, à laquelle s’est associé Livre et lecture en Bretagne, aboutit aux conclusions suivantes :• une large majorité d’auteurs (80 % des répondants) exerce

des activités connexes. • Une forte mobilité interrégionale : l’étude confirme la décen-

tralisation de la vie littéraire à travers une forte mobilité interrégionale des auteurs ; c’est dans d’autres régions que l’on se rend lorsqu’on sort de son territoire, Paris et l’Île-de-France n’étant citées qu’en troisième position, y compris par les auteurs affiliés.

• Une rémunération encore trop peu fréquente et une mécon-naissance des modes de rémunération par les opérateurs.

• Une nécessaire reconnaissance des activités connexes : le développement des activités connexes est loin d’assurer un niveau de revenu suffisant pour des auteurs dont le revenu global demeure, pour la grande majorité d’entre eux, limité. Compte tenu de la modestie des ressources des auteurs, il y a lieu de travailler à la reconnaissance de ces activités connexes, au sens politique, comme au sens plus particulier de leur mode de rémunération.

> www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Livre-et-Lecture/Ac-tualites/Etude-sur-la-situation-economique-et-sociale-des-auteurs-du-livre-resultats

> www.fill-livrelecture.org/les-revenus-connexes-des-auteurs-du-livre /

Page 11: Pages de Bretagne n°41

Aujourd’hui, nous proposons des services qui étaient

totalement inexistants il y a une dizaine d’années dans les

bibliothèques. »

« Les journées de formation à la BPI de Beaubourg, à Paris, nous

aident beaucoup, à conforter nos choix et à faire évoluer

notre métier. »

Le bibliothécaire

À Vezin-le-Coquet, la population est passée de 4 000 à 5 000 habitants en quatre ans. Les élus ont affirmé leur volonté de prendre en compte cette particularité. Et la médiathèque Le Tempo s’est retrouvée au centre des dispositifs d’accueil et de mixité sociale.

« C’est un choix, explique la directrice Corinne Debel-Regereau, mais c’était sur-tout une nécessité, étant donné les profils très variés de la nouvelle population. La médiathèque, avec les centres de loisirs, est une des seules structures d’accueil publiques. Elle doit s’ouvrir à tous et, pour ce faire, à toutes les formules possibles.

Matthieu, avant d’être bibliothécaire, travaillait dans le social. Désormais, il accompagne les personnes qui cherchent à apprendre le français et dispense des cours de FLE (français langue étrangère), dans un parcours qui n’est pas collectif, mais indi-vidualisé. « Il nous arrive d’aider des per-sonnes à remplir leurs papiers administra-tifs. Nous voulons répondre au mieux à la demande de chaque usager, quel qu’il soit. Pour y arriver, il faut modifier les habitudes de travail en bibliothèque et aussi recru-ter des gens aux profils complémentaires, même s’ils ne sont pas toujours issus de la filière de la lecture publique. Et puis, nous apprenons un peu chaque jour, au contact des gens. » Pour aider les personnes dans leurs démarches, un pôle multimédia est également en service, avec Nicolas, chargé de son animation.

Dans le même esprit, le secteur adulte a été confié à une ancienne libraire. « Mandana apporte un regard différent sur la présen-tation des ouvrages, pour les rendre plus attractifs. On ne peut plus se contenter de présenter les livres serrés sur des rayon-nages, si l’on veut mettre en valeur ce qu’on propose. »La médiathèque de Vezin-le-Coquet est pas-sée de vingt-six à trente heures d’ouverture hebdomadaire, et, depuis novembre 2015, elle teste l’ouverture continue deux midis par semaine. « On veut que les Vezinois s’approprient le lieu. Nous n’avons pas de cafétéria, mais nous encourageons les habi-tants à venir pique-niquer dans notre salon, Le Comptoir, conçu pour cela. Nous avons une cafetière, des couverts à disposition et une terrasse ensoleillée. » À signaler, également, les nombreux bénévoles qui prennent part à la vie de la médiathèque. Certains donnent des cours d’anglais, d’arabe, ou animent des ateliers d’écriture. Une belle dynamique, dont se réjouit la directrice : « Ma formation de bibliothécaire a beau avoir été centrée sur le livre, la littérature et le prêt de documents, j’ai beaucoup de plaisir à voir évoluer les activités de la médiathèque et l’accueil de tous les publics, quels que soient leur origine sociale et leur âge. »

> mediatheque.vezinlecoquet.frLa médiathèque Le Tempo de Vezin-le-Coquet

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L’imprimeur et l’éditrice

Sandrine Pondaven a travaillé dix-sept ans dans l’imprimerie, notamment chez Cloître, leader du secteur, en Bretagne, avant de se lancer dans l’édition. Elle connaît bien les deux activités, leurs liens et leur évolution.

Sandrine Pondaven commence à travailler dans l’imprimerie à partir de 1995, après une formation Bac+3 axée sur le commerce et le marketing assisté par ordinateur. Elle est d’abord VRP pour une entreprise de sérigraphie de Brest, spécialisée dans l’af-fiche, mais qui vient de racheter une petite imprimerie qu’elle veut développer. Après une année sur le terrain, elle devient assis-tante commerciale sédentaire. « C’était l’époque où l’on faisait encore les devis à la main, où Internet n’existait pas. Je ne voyais pas trop d’évolution possible pour moi, dans l’affiche publicitaire. Bien sûr, j’avais entendu parler de l’imprime-rie Cloître, leader en Bretagne, avec ses 115 salariés, qui avait la réputation d’être à la pointe de l’évolution technique. En 2001, quand elle est passée aux 35 heures, j’ai postulé. » Embauchée comme assis-tante commerciale, Sandrine épaule les représentants sur le terrain, mais suit aussi toute la logistique autour du document imprimé, l’achat du papier, les devis, le transport, jusqu’à un rôle de conseil auprès des clients. « C’est à ce moment-là que j’ai eu mes premiers contacts avec le secteur de l’édition. Mes patrons, Jean-François et Alain Cloître, éditaient un peu et aimaient beaucoup ça. Jean-François est allé voir les éditeurs bretons, un par un, avec la volonté de travailler avec eux. Ça en a impres-sionné plus d’un de voir le PDG de chez Cloître débarquer en personne ! » Lors de l’arrivée de Jean-Yves Le Normand à la tête de l’entreprise, en 2004, l’impri-merie a encore pris de l’avance sur la

concurrence, avec de nouvelles machines qui permettent le brochage intégré, l’im-pression de huit couleurs recto verso en un seul passage, un avantage considérable pour l’édition de livres en quadri. « Il y avait le désir de développer la filière bretonne et une attention particulière vis-à-vis de l’édition en langue bretonne. Et comme les éditeurs, membres de Produit en Bretagne, tenaient aussi à un ancrage local… » Le matériel est devenu adaptable, pour les grandes séries comme pour les petits tirages, grâce à l’impression numérique. La proximité, la possibilité de suivre de près la fabrication, les finitions d’un livre, constituent aussi un avantage certain. Et puis, l’évolution du matériel a réduit les différences de coût qui pouvaient pousser les éditeurs à faire imprimer leurs livres à l’étranger. Cloître dispose d’un bureau commercial à Paris, et dans sa politique de développement, l’imprimeur a opté pour une tarification globale, les mêmes prix étant appliqués en Bretagne. En 2004, Sandrine, désormais commer-ciale pour le centre et le sud Finistère, gère le suivi de plus de 500 clients, notamment les maisons d’édition. « Coop Breizh avait alors le vent en poupe, Palantines et Nota Bene étaient montées en puissance. Je devais apporter des réponses aux questions des pros comme des novices de l’autoédi-tion qui découvraient que c’était un vrai métier, aux contraintes importantes. Je me suis retrouvée de plus en plus impliquée dans le travail de Florent Patron, respon-sable du pôle édition chez Coop Breizh. Je connaissais les auteurs, les partenaires. À 40 ans, j’étais devenue la commerciale numéro deux dans l’imprimerie, en France, avec un portefeuille qui était passé de 1,2 à 2,7 millions d’euros. J’étais très bien payée, j’avais de très bonnes conditions de travail, mais la passion de l’édition avait pris le dessus. C’est comme ça que, lorsque

Florent Patron a voulu monter sa propre maison d’édition, en 2012, nous nous sommes associés. Au sein de Locus Solus, je m’occupe des relations avec l’imprimeur, bien sûr, en plus de la direction adminis-trative et commerciale, mais j’ai la chance d’avoir un associé qui ne dédaigne pas l’as-pect commercial et imagine le marketing original qui peut accompagner la sortie de chaque ouvrage.

Le lien entre imprimeur et éditeur est très fort, par la nature du travail, l’imprimeur réalisant l’objet que l’auteur et l’éditeur ont imaginé, mais aussi par le fait qu’il s’agit pour ce dernier du poste de dépenses le plus important. « Lors de la création de Locus Solus, Cloître nous a octroyé des délais et des conditions de paiement qui nous ont permis de commencer serei-nement et de remporter nos premiers marchés. Et c’est très important pour un éditeur. Quand je sors un bouquin à la mi-avril, je ne récupère mon investisse-ment, au mieux, qu’à la mi-août.

> www.cloitre-imp.fr

Car chaque livre est aussi un produit

et doit être pensé comme tel, sinon il est mort avant d’exister. »

La négociation des délais de paiement à l’imprimeur est donc importante et la qualité du partenariat est

primordiale. »

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Le libraire

C’est au début du mois de juillet 2015 que Dominique Guillopé reprend le café-librairie La Dame Blanche, à Port-Louis. Avant d’en arriver là, elle n’a pas suivi un parcours tout tracé, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais quand son choix s’est por-té sur ce type d’activité et d’établis-sement, elle a trouvé des réponses plutôt satisfaisantes à ses besoins de formation.

« Mes parents n’étaient pas de grands lecteurs, mais mon père me lisait des histoires, quand j’étais petite, et ça a beau-coup joué, je crois. Le livre qui revenait, et j’en redemandais tout le temps, c’était La Chèvre de monsieur Seguin. Le deuxième choc, si j’ose dire, c’est L’Écume des jours, de Boris Vian. Après, j’ai toujours lu, surtout des romans. » Ce penchant littéraire tire d’abord Dominique vers l’apprentissage des langues et la traduction. Elle a déjà une

maîtrise d’allemand. « Mais j’ai vite compris que, n’étant pas bilingue de naissance, je risquais de me retrouver à traduire des notices plutôt que de la littérature. » Elle change de voie et passe un diplôme de patrimoine artistique et médiation cultu-relle, puis un DESS de sociologie appli-quée au développement local. Son premier emploi, elle l’exercera au sein de l’Afdi (Agriculteurs français et développement international) Bretagne, de 1998 à 2001. Puis elle est programmatrice culturelle

La librairie La Dame Blanche à Port-Louis

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dans la Mayenne, en milieu rural. « Dur. Très dur. Question dyna-misme, c’est pas la Bretagne ! » Elle quitte la Mayenne pour l’Ad-dav (Association départementale de développement des arts vivants) du Morbihan, travaillant sur l’enseignement et l’éducation artistique, les pratiques amateurs, en théâtre, musique et danse. « Quand je me baladais, je commençais à repérer des lieux. En fait, je fréquentais le café-librairie Le Caplan, et j’avais déjà en tête depuis une vingtaine d’années de créer un lieu culturel basé sur la rencontre. J’ai fini par me dire que si je ne réalisais pas ce rêve, j’aurais raté quelque chose. » Début 2014, Dominique Gillopé s’inscrit à une formation intitulée « Entreprendre au féminin ». « C’est une association régionale, avec des chargés de mission dans chaque département. Elle met en réseau des femmes, car celles-ci ont des spécificités dans le rapport au travail, le rapport au temps, à l’argent. Le but de ces rencontres, dix journées au rythme d’une journée par semaine, est d’évaluer si on est bien en phase avec son projet. On se rend compte, par exemple, que certaines femmes disent : “Tant pis si je ne gagne pas d’argent puisque le projet me plaît’’. Un manque d’am-bition, comme si c’était gênant, sur un projet qui nous convient, de vouloir en plus gagner sa vie avec ! Bon. Moi, j’ai trois enfants, je ne peux pas me contenter d’un demi-Smic. En tout cas, cette forma-tion m’a permis d’évacuer tous mes doutes et en plus de me faire des copines avec qui je suis restée en contact. » Quand Dominique apprend que La Dame Blanche est en vente, elle a déjà pas mal prospecté. Elle connaît le lieu, l’excellente répu-tation de l’établissement et les belles possibilités de développe-ment qu’il offre. « Restait la question du prix. Le seul moyen pour nous, c’était de vendre la maison qu’on habitait à Vannes. Après, la banque a suivi. On a eu beaucoup de chance. Les propriétaires nous ont facilité la reprise. Ils arrêtaient surtout parce que ça avait pris de l’ampleur et que c’était devenu un peu lourd pour eux. Et ils ne voulaient pas que ça devienne juste une crêperie. » Les proprié-taires en question vendaient des livres soldés sur les marchés, et c’est ce qui constituait leur fonds. « J’ai commencé par faire un tri assez drastique et je me suis orientée vers ce qui m’intéressait : la littérature française et étrangère. » Pour passer à une offre corres-pondant à une librairie généraliste, Dominique a dû se former à nouveau.

Moi qui organisais des stages auparavant, je peux dire que c’est pas mal foutu. J’ai appris comment fonctionnent les retours, les remises, etc. Seulement, le modèle du café-librairie n’est pas encore arrivé aux oreilles des Parisiens, qui ne savent pas non plus ce que c’est que les frais de transport. C’est dommage. Le fait d’ap-prendre à argumenter avec les représentants pour gagner 1 % de remise, ça ne me paraît pas non plus fondamental. Bof… Mais les intervenants étaient quand même très intéressants. »

La formation INFL débouche sur trois semaines de stage. « J’ai travaillé à L’Autre Rive, à Berrien, qui correspondait complètement à ce que je voulais faire, et Au bel aujourd’hui, à Tréguier. Très inté-ressant aussi, parce que Tréguier a beaucoup de ressemblances avec Port-Louis : même population, même baisse démographique, même importance du tourisme estival, même type de clientèle, des gens du coin, des familles, des touristes fidèles ou de passage, même si, ici, le bar et la petite restauration ont plus d’importance. »Depuis l’ouverture, les résultats sont plus que satisfaisants. « On m’avait dit que mon prévisionnel pour une première année était trop optimiste et, en fait, je suis au-dessus. Je pense qu’au bout de trois ans d’existence du lieu, j’ai bénéficié du travail fait par les anciens propriétaires, auquel s’est ajouté l’attrait de la nouveauté. » Il est vrai que La Dame Blanche a de quoi séduire, avec son cadre à la fois cosy et traditionnel, son jardin ensoleillé.

J’ai envie de progresser encore dans ma connaissance du métier ; par exemple, en m’inscrivant à la formation proposée par l’INFL pour créer un fonds sciences humaines. Pour moi, le fait de conti-nuer à se former en permanence est une évidence, aussi essentiel que le choix des étagères, quand même ! Reste le problème du temps. Moins évident. Il y a les commandes à passer, le bar à gérer. J’ai adhéré à la Fédération des cafés-librairies de Bretagne et je pense adhérer au Réseau des librairies indépendantes du pays de Lorient, c’est important aussi, pour le partage, la circulation des idées. »Dominique Guillopé a pu s’informatiser dès le démarrage de son activité. Une salariée à plein temps l’aide pour le service au bar et se forme à l’utilisation du logiciel pour les commandes en librairie. Celle-ci rapporte pour l’instant 30 à 35 % des recettes et prend de plus en plus d’importance depuis l’automne dernier. « Mon objec-tif à court terme est d’atteindre 50 %. Et l’idéal serait de passer à trois salariés, ce qui me permettrait de me consacrer entièrement à la librairie. »Son dernier coup de cœur : En attendant Bojangles, d’Oli-vier Bourdeaut, un premier roman sur la folie. « Pour moi, c’est L’Écume des jours d’aujourd’hui. »

La Dame Blanche35, Grande-Rue 56290 Port-Louis02 97 82 45 11

> www.ladameblanchesiteweb.wordpress.com

« C’est devenu un lieu de balade pour les Lorientais, qui prennent le bateau en face

et viennent goûter ici, le dimanche, en famille, même l’hiver, au coin du feu.

« Je voulais développer un fonds jeunesse, la BD adulte et le polar.

J’ai travaillé avec un expert-comptable et je me suis inscrite pour une

formation de quinze jours à l’INFL [Institut national de formation

de la librairie].

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Le médiateur

Benoît Vallauri est chargé de la mé-diation culturelle à la Médiathèque départementale d’Ille-et-Vilaine.Entre nouveaux services, média-tion, troisième lieu et citoyenneté numérique, il fait le point sur l’évolu-tion des métiers de la bibliothèque.

Pour Benoît Vallauri, l’évolution des métiers de la lecture publique « est liée à l’évolution des bibliothèques elles-mêmes, qui tourne autour de trois axes : les nouveaux services qui sont demandés par les usagers, l’ouverture de la bibliothèque en tant que troisième lieu avec toutes les nouvelles animations et nouvelles compé-tences que cela exige, et aussi le soutien aux habitants dans la diversité des publics, c’est la bibliothèque en tant que facilita-trice de projets. » Pour répondre à cette évolution, les bibliothèques des villes les plus importantes diversifient les profils des bibliothécaires et des médiateurs culturels. Alors que dans les bibliothèques plus petites, on va privilégier la polyvalence, avec des compétences en médiation cultu-relle et en animation de territoire. « Cela fait plus de quarante ans maintenant que les contenus proposés dans les média-thèques ne concernent plus seulement des livres. Même s’il a fallu s’adapter,

À Fougères, par exemple, la médiathèque dispose d’un poste dédié à la langue des signes, ce qui permet de faire venir des personnes sourdes qui ne viendraient pas autrement. On peut aussi souligner l’apport du “Facile à lire”, pour les gens en difficul-tés par rapport à la lecture. Et surtout, on peut constater à quel point tous ces dispo-sitifs de médiation créent de l’empathie. » Autre défi, celui de l’évolution des supports, notamment numériques. Cela touche le cœur de métier, le catalogage, le web, le livre numérique, la tablette et ses applications, les jeux vidéo…

aider les gens à se protéger de ses excès (exploitation des données personnelles, comportements sur les réseaux sociaux),

afin de faciliter l’émergence d’une véri-table citoyenneté numérique. Le message doit passer très rapidement. Il faut même anticiper, afin que l’usager soit à même de répondre quand les questions éthiques ne manqueront pas de se poser, à propos du Big Data, du transhumanisme. Faute de quoi, nous n’aurons plus de citoyens, mais uniquement des consommateurs manipulés. » Pour Benoît Vallauri, le débat sur les ques-tions philosophiques a ainsi toute sa place au cœur des bibliothèques, qui doivent retrouver un rôle politique central, en tant qu’espace du débat. « Il faut que la biblio-thèque offre le recul de la réflexion, face au flux de l’information continue et descen-dante. Elle doit affirmer sa neutralité et sa capacité à trier, à faire débattre à partir des informations importantes, documentées, contradictoires, rendues compréhensibles à tous. Il nous faut aussi sortir des lieux dédiés pour aller vers d’autres publics, et ouvrir la bibliothèque à des spécialistes, représentants de communautés engagées dans un domaine, pour faire partager leur savoir au plus grand nombre. La biblio-thèque de l’INSA (Institut national des sciences appliquées) à Rennes a récem-ment organisé une crypto-party, animée par des hackers, venus expliquer comment on pouvait protéger ses données person-nelles. Mais c’est aussi vrai pour les ateliers couture. » La fabrication numérique que Benoît Vallauri cherche à promouvoir en bibliothèque est aussi un outil, basé sur le « Faire ensemble », pour aborder ces questions et développer ainsi la littératie numérique.Reste le danger des ruptures territoriales. « Les intercommunalités doivent permettre de les éviter, en mutualisant les moyens, en partageant les spécialisations entre

plusieurs médiathèques. Par exemple, sur une communauté de communes, chaque médiathèque n’a pas les moyens de prendre en compte l’ensemble des handicaps, mais l’une peut être spécialisée langue des signes, une autre autisme ou dyslexie, etc. On doit aussi développer le portage à domi-cile. Mais il faut surtout penser le projet ensemble, et cela bien avant de créer un catalogue commun.

Des dispositifs de design public, comme Biblioremix, permettent de définir de nouveaux services avec les habitants, basés sur leurs envies et leurs besoins réels. » Souple, présente, engagée, innovante, participative, distribuée : la bibliothèque d’aujourd’hui est bien plus qu’un lieu et des collections. « Un service qui répond à des besoins, qui doit animer son territoire et participer à des communautés de création et de partage. »Pour conclure, Benoît reprend à son compte cette phrase d’Anne Verneuil, ancienne présidente de l’ABF (Association des Bibliothécaires de France) : « Pour être bibliothécaire, il ne faut pas [seulement] aimer lire : il faut aimer les gens. »

> www.mediatheque35.fr

> www.letitbib.wordpress.com

> www.biblioremix.wordpress.com

> www.docarennes.wordpress.com

c’est à un autre défi que nous sommes confrontés, à présent : celui de réunir

des compétences dans le domaine social et

participatif, pour agir en direction des publics

éloignés de la culture et de la lecture.

« Mais il faut aussi avoir les compétences pour que le numérique soit au service du développement humain,

Avoir toujours le souci de l’usager (mais aussi du

non-usager) dans toute sa diversité.

Benoît Vallauri, médiateur en pleine action

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Le traducteur

Gagner sa vie en tant que traduc-teur n’est pas chose facile, encore moins si l’on traduit de la littérature, puisqu’il faudrait, pour s’en sortir, travailler sur au moins six ouvrages par an.

En France, avec des droits qui plafonnent à 1 % en moyenne du prix de vente d’un livre, les traducteurs sont les travailleurs les plus mal payés de la filière du livre. Qu’ils soient payés au feuillet, au mot, au signe, au

pourcentage ou au forfait. Et il paraît que c’est encore pire ailleurs ! En tout cas, qu’il travaille pour une agence ou en freelance, le traducteur a du mal à boucler ses fins de mois. Pour s’en sortir, il lui faudrait traduire six ou sept ouvrages par an. Seules les aides du CNL à la traduction et les bourses lui permettent de s’en sortir, mais elles sont épisodiques et limitées en nombre. La qualité se dégrade. Les lecteurs remarquent des erreurs ou des fautes dans des traduc-tions de best-sellers comme Millenium. Les

traducteurs se plaignent de devoir travailler à toute vitesse, et les éditeurs les accusent parfois de bâcler leur travail, voire de le sous-traiter. En tout cas, on est loin de la reconnaissance du traducteur pour ce qu’il est : un auteur à part entière.La plupart des traducteurs travaillent donc pour les secteurs les mieux rémunérés, qui ne sont pas la littérature, mais les notices techniques, par exemple, pour lesquelles ils peuvent aller plus vite en s’aidant d’un logi-ciel spécialisé.

La correctrice

Comme le rappelle Nadia Chardac : « Être correctrice aujourd’hui, c’est la plupart du temps travailler dans d’autres secteurs que la littérature. »

Nadia Chardac s’est installée depuis un an comme correctrice, sous le statut de travailleur indépendant. Auparavant, elle travail-lait dans le notariat, en tant que formaliste, c’est-à-dire correc-trice spécialiste des questions juridiques. L’évolution du secteur, confronté comme bien d’autres à la dématérialisation des docu-ments, l’a poussée à élargir ses compétences. « J’aime ce travail de correctrice et j’avais envie de le poursuivre, convaincue de l’importance de la relecture, quels que soient la nature du document et le domaine d’activité. J’ai suivi une forma-tion au CEC (Centre d’écriture et de communication), à Paris, puis j’ai obtenu le niveau "Orthographe expert" à l’examen du Certificat Voltaire qui a une validité de quatre ans. Parce que l’orthographe, ça se travaille, ça s’entretient. » Si jadis la secrétaire rédigeait les courriers pour son patron ou faisait office de correctrice, les entreprises sont aujourd’hui confrontées à un problème de niveau d’orthographe, alors que leur communication prend de plus en plus d’importance et provient de diverses sources. D’où l’appel à des correcteurs. Le travail de Nadia provient essentiellement d’une agence de communication d’entreprise, avec qui elle est sous contrat, ainsi que d’un éditeur de magazines d’entreprises et institutionnels. Elle corrige des mémoires d’étudiants, notamment grâce à ses compétences dans le domaine juridique. À l’automne, elle commencera à travailler pour un éditeur breton qu’elle a convaincu.

« À l’occasion de mes lectures personnelles et en fréquentant les salons du livre en Bretagne, je me suis aperçue que certains éditeurs faisaient parfois l’impasse sur l’étape de la correction alors que

Les besoins liés à la vérification orthographique dans divers domaines d’activité sont réels, mais il n’y a pas toujours le budget, la volonté, et – en dehors des métiers de l’édition – cette profession reste méconnue. Quand on veut l’exercer, il faut beaucoup pros-pecter, expliquer la valeur ajoutée que l’on peut apporter, faire ses preuves. Il faut opter pour une approche humble et qualitative. » Nadia Chardac a corrigé l’un des derniers guides publiés par Livre et lecture en Bretagne. « Il fallait par exemple faire très attention à la cohérence entre le texte et les divers tableaux récapitulatifs.

> [email protected]

À signaler également l’association Correcteurs de Bretagne, qui corrige le magazine Pages de Bretagne :

> correcteursbzh.pagesperso-orange.fr

le surcoût occasionné par la relecture ne me semble pas prohibitif en regard

de la qualité du produit fini.

La tâche du correcteur, ce n’est pas seulement de s’attacher à l’orthographe et à la grammaire, c’est aussi vérifier l’information, intervenir en cas d’incohérence dans un document, qu’il soit

littéraire ou technique. »

Ce dossier sera enrichi prochainement de suppléments numériques mis en ligne sur notre site, précisant les différentes formations dans le secteur du livre et de la lecture, ainsi que des chiffres représentatifs de son poids économique.

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Rennes

Thérèse Bardaine en résidence à Maurepas

En résidence dans le quartier de Maurepas, à Rennes, en 2015, Yvon Le Men a fait l’unanimité. Tellement, qu’il a donné à tout le monde l’envie de poursuivre l’aventure. Depuis le mois d’avril 2016, Thérèse Bardaine a pris le relais.

Les habitants de Maurepas qui ont lu l’ou-vrage qu’Yvon Le Men a écrit à partir de sa résidence, en 2015 (Les Rumeurs de Babel, éd. Dialogues), ont compris qu’on ne les avait pas trahis. Les nuisances sonores, eux aussi les vivent, au quotidien. D’autres ont vu le spectacle qu’il en a tiré, et ça leur a fait du bien, pour l’humour, l’autodéri-sion aussi. Yvon vivait sur place dans un appartement. Une relation de confiance s’est instaurée. Tellement, que des habi-tants ont eu envie de continuer. Ça tombe bien, le festival Rue des Livres et les insti-tutions aussi. Thérèse Bardaine a pris le relais, à sa façon, un an après. Ancienne ingénieur-conseil en informatique, elle a tout arrêté à 39 ans, pour se consacrer à l’écriture. « Mon travail décidait de toute ma vie. Impossible de lever le pied, c’était tout ou rien. » Pendant huit ans, elle s’est d’abord mise au service des récits de vie qu’on voulait bien lui confier. Et puis, il y a eu Marin… « Un patron pêcheur m’a contactée. Il voulait qu’on parle de lui, de son métier, mais il voulait que ce soit publié et donc accessible à un large public. Il a fait un pari un peu fou, celui de me verser une somme et de me laisser écrire ce que je voulais. Quand je travaille sur une biographie, c’est différent, même s’il peut y avoir des qualités littéraires ou un intérêt dans la narration, ce n’est pas de la littérature dans le sens où je ne vais pas écrire dans l’idée d’un lectorat plus vaste

que ceux qui connaissent la personne. Et pourtant, ça me prend toute mon énergie : je ne peux pas écrire un roman tout en étant plongée dans l’histoire de quelqu’un. Cette résidence est une formidable occa-sion pour m’investir à nouveau dans une création littéraire. » À Maurepas, Thérèse va à la rencontre des habitants. Pas évident au premier abord, dans un quartier bétonné, qui ne dispose pas de cafés ni de lieux publics. Pourtant, les gens inventent des lieux de rencontre. « Jeudi soir, j’étais en bas d’une tour. À 18 heures, un collectif d’habitants y accueille les gens qui rentrent chez eux, pour échanger autour d’un café. » Visiblement, ces habitants n’ont pas le même regard sur leur quartier que les institutions, qui s’appuient sur les statis-tiques : Maurepas, quartier le plus pauvre de Bretagne, violence sociale, difficultés d’intégration, chômage… « Comme mon Marin voulait changer le regard qu’on porte sur la pêche, à Maurepas,

Et moi, je vais m’en servir pour écrire un roman, un polar, peut-être, où les méchants ne seraient pas forcément ceux que l’on croit… ou alors, poursuivre les aventures d’Hélène, personnage créé avec Marin, un écrivain aux prises, cette fois, avec un engagement d’écriture inspiré par un quartier et ceux qui l’habitent, physi-quement ou simplement avec leur énergie. »

Rue des Livres en images

Avec le soutien de Livre et lecture en Bretagne et du festival Rue des Livres, et en partenariat avec l’association Filme-moi ta plume, des portraits vidéo d’ac-teurs du livre ont été réalisés par des étudiants pour l’édition 2016 du festival, qui s’est tenu les 12 et 13 mars à Rennes. Ces vidéos seront mises en ligne prochai-nement sur notre site internet.

Journée « Littératures de Turquie »

Cette journée, organisée par le Festival de cinéma de Douarnenez et sa commission littérature, en partenariat avec Livre et lecture en Bretagne, aura lieu cette année le jeudi 25 août, et sera consacrée aux littératures de Turquie. Elle est ouverte aux bibliothécaires, libraires, éditeurs, auteurs, enseignants, chercheurs, étudiants, élus à la culture, critiques, journalistes, lecteurs, amateurs… Sylvain Cavaillès, chercheur spécialiste des minorités et de la littérature turque, présentera le matin la situation du livre et de la lecture en Turquie, ainsi que quelques auteurs kurdes de la nouvelle génération (dont certains qu’il a traduits). Son intervention sera agrémentée de lectures, par exemple de Murathan Mungan, auteur de fiction, de poésie et de théâtre. L’après-midi sera consacré à une rencontre avec l’écrivain Yiğit Bener, qui a vécu entre la Belgique, la France et la Turquie. Interprète et traduc-teur, il est l’auteur de trois romans, dont un récit pour la jeunesse, et d’une traduc-tion de Voyage au bout de la nuit très remarquée.

www.festival-douarnenez.com/fr/2016/05/02/journee-litterature/

Actualités de la vie littéraire et des écritures contemporainesKeleier ar vuhez lennegel hag ar skridoù a vremañLéz nouvèl de la vi déz lètr e dl’ecrivaij d’astourr

Bibliographie

Marin, éd. Terre de Brume, 2011.Six cols blancs sur la banquise, nouvelle, dans De Jonas à Moby Dick, variations autour d’un cachalot, éd. Coop Breizh, 2012.La grosse vache et La fouine, dans Il fait un temps de poème 2, anthologie, éd. Filigranes, 2013.Et aussi : Yvon Le Men : Les Rumeurs de Babel, illustré par Emmanuel Lepage, éd. Dialogues, 2016.

certains ont envie de changer le regard qu’on porte sur leur quartier et en même temps, le regard qu’ils portent sur

eux-mêmes.

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Actualités de la lecture publiqueKeleier al lenn foranLéz nouvèl de la liri publliq

Mille et Une Films fête ses 20 ans avec une offre spéciale « Bibliothèques »

À l’occasion des 20 ans de la société de production Mille et Une Films, une offre spéciale « Bibliothèques » est proposée aux structures de lecture publique, leur donnant la possibilité d’acquérir l’ensemble de leur production à des tarifs préférentiels.

Plus d’infos : [email protected]

Des fiches « Bibliothèques publiques innovantes » sur le site de la Drac Bretagne

La Direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne propose sur son site internet des « fiches » désignant divers projets récents qui ont pu illustrer la recherche d’excellence et d’innovation dans la réalisation de lieux de lecture publique. Ces fiches, réparties en fonc-tion de la population communale, présentent les caractéristiques de la structure : superficie, action culturelle, aménagement, entre autres.

www.culturecommunication.gouv.fr/Regions/Drac-Bretagne/Politique-et-actions-culturelles/Livre-et-lecture/Lecture-publique/Les-bibliotheques-publiques-innovantes

Landujan

Une médiathèque Arc-en-ciel

Le 19 septembre 2015, Landujan a inauguré sa médiathèque, baptisée L’Arc-en-ciel. Un événement pour cette commune de moins de mille habitants qui n’avait jamais disposé de bibliothèque. Conçue comme un lieu d’échange et de partage, elle répond bien à l’idée de troisième lieu.

Sara Mammad de Beauregard est la respon-sable de ce « troisième lieu », qu’elle voit comme « un lieu où on se sent bien, sans les contraintes des deux premiers lieux que sont la maison et le travail ou l’école, un lieu où on a envie de rester, de s’installer, de discuter, un lieu où on ne vient pas que pour le livre. » Le parcours professionnel de Sara n’a pas grand-chose à voir avec la lecture publique : des études de sciences de l’éducation et de psychocriminologie, une spécialisation dans la transmission des savoirs en tech-nologie numérique. « Ici, on ne cherchait pas un bibliothécaire pur et dur, plutôt quelqu’un axé sur le social et l’animation, avec une bonne connaissance technique des nouveaux outils. »

Des jeux, un café participatif, des livres bien sûr, mais aussi des expos, des concerts, des projections, un jardin, des ateliers… « Comme le lieu est récent, il faut lui donner de la visibilité. Ce n’est pas comme en ville ; ici, quand il y a dix personnes qui passent devant, dans une journée, c’est bien le maximum. C’est pourquoi, à côté des activités plus clas-siques comme « L’heure du conte », nous proposons des ateliers avec des artistes, des animations autour de pratiques, la diffusion de documentaires suivie de discussions avec les réalisateurs. » Une grainothèque a vu le jour, avec un atelier semis, à l’initiative d’un habitant de la commune. Il n’y a pas encore de groupe lecture, mais une dame est venue dire que ça l’intéresserait de mettre ça en place. Des ateliers « bidouille électronique » attirent les jeunes, qui ont créé un escalier qui joue de la musique. « Il ne s’agit pas de créer des choses qui ne correspondraient à rien. » Les activités sont ouvertes à tous, y compris l’emprunt de matériel numé-rique, seul l’emprunt de documents étant réservé aux abonnés. « Les bibliothèques sont aujourd’hui en pleine mutation. Elles doivent s’ouvrir aux gens à qui le livre peut faire peur et aux non-lecteurs. » À Landujan, la médiathèque a opté pour un espace ouvert, sans cloisonnement, sans étagères au milieu. Un lieu de vie, où l’on

entend de la musique, où l’on parle, où l’on rit. « Je passe des vinyles, des musiques que les gens n’ont pas l’habitude d’écouter. Ça leur donne envie de les emporter chez eux. Ils peuvent aussi venir avec leurs propres vinyles et les enregistrer. Il y a toujours du thé, du café. Les enfants ont le droit de faire du bruit, les grands aussi. un lieu où on a envie de rester, de s’installer, de discuter, un lieu où on ne vient pas que pour le livre. » L’idée la plus folle lancée par Sara ? Celle d’une bibliothèque vivante. Lors de la première séance, cinq témoins pouvaient être empruntés par les usagers sur le thème du bien-être. « Je leur avais demandé d’écrire une quatrième de couverture pour chaque chapitre de leur vie qu’ils pouvaient aborder. Les gens choisissaient. Au bout de vingt minutes, quand je venais signaler que l’entretien était terminé, ils auraient bien continué. J’ai dû les rassurer en leur disant qu’ils pourraient réemprunter le livre vivant à un autre moment. J’avais les pétoches de lancer ça, mais, étant donné l’engoue-ment, je n’ai qu’une envie : recommencer. »

www.landujan.fr/landujan.fr

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Nantes

La vie devant soi, librairie de quartier

Depuis le 1er octobre 2015, La vie devant soi a fait son nid dans le réseau des librairies nantaises, pourtant assez dense. Avec un concept de proximité qui a trouvé son public.

Libraire depuis 2005 aux Machines de l'île, à Nantes, Charlotte Desmousseaux devait partir, mais ne voulait pas quitter sa ville. Son idée : ouvrir une vraie librairie de quartier, un peu sur le modèle d’une autre librairie nantaise, Les Nuits Blanches. Petite librairie généraliste de 65 m2, La vie devant soi accueille trois cinquièmes de gens du quartier, un cinquième des clients appartiennent au réseau de la libraire et un cinquième sont des inconnus, venus de Nantes et des alentours. Ce matin, Charlotte est en pleine discussion avec un habitué des lieux, à propos d’un histo-rien, Sylvain Pattieu, qu’elle a reçu il y a un mois, auteur de portraits sociologiques épatants. « Mon dada, c’est la littérature française contemporaine, mais ce n’est pas ce que je vends le plus. On s’adapte à la demande des gens. Par exemple, on ne s’attendait pas forcément à devoir déve-lopper le rayon sciences humaines, et c’est bien. » Charlotte Desmousseaux aimait telle-ment lire qu’elle cherchait un travail où elle serait sûre de ne pas perdre ce plai-sir de la lecture. Elle a pu bénéficier de la dernière année d’existence de la forma-tion du Cecofop, en 2005. Dans sa famille, on avait plutôt un rapport populaire à la lecture. « C’étaient pas des intellos. Et puis, on habitait à la campagne, y avait pas de librairie, on allait à la bibliothèque. D’ailleurs, la première fois que je suis entrée chez Coiffard, à Nantes, j’ai pris peur. Tous ces livres !

Située à dix minutes du centre de Nantes, proche de la gare et des lieux touristiques, entre le château des ducs de Bretagne et le musée des Beaux-Arts, La vie devant

soi fonctionne déjà très bien. Au point de pouvoir envisager de sortir deux salaires dès l’an prochain, ce qui n’était pas prévu. Charlotte et son assistant de mari, Étienne Garnier, proposent beaucoup de rencontres avec des auteurs, prix Médicis, prix Goncourt, ou écrivains moins connus qu’ils ont envie de faire découvrir. « On a trouvé notre place. Même si la circulation automobile est assez dense dans la rue, les gens marchent, circulent à vélo, s’ar-rêtent en allant chercher leur pain ou leur journal. C’était vraiment ce que j’atten-dais, renouer avec cette idée de librairie qui s’insère dans la vie d’un quartier. »

La vie devant soi76, rue du Maréchal-Joffre, 44000 Nantesouvert du mardi au samedi, de 10 h à19 h.

www.librairie-laviedevantsoi.fr

Fermeture de la Librairie de la Cité à Landerneau

La Librairie de la Cité, à Landerneau, a fermé ses portes le 31 mai pour raison économique. Bernard Gentil tenait cette librairie depuis douze ans et était reconnu pour son amour de la littéra-ture et pour la qualité de ses conseils.

Mise à jour du Guide des librairies indépendantes

Le Guide des librairies indépendantes de Bretagne, initialement paru en novembre 2014, a été mis à jour dans une version numérique, avec des données récoltées jusqu’en décembre 2015. Consultez-le vite sur notre site internet (rubrique « Nos publi-cations ») pour découvrir les nouvelles librairies de votre région !

www.livrelecturebretagne.fr/livre-et-lecture-en-bretagne/nos-publications/

Quand j’ai ouvert la boutique, j’ai eu d’autant plus envie de désacraliser le livre, de

donner envie. »

Actualités de la librairieKeleier ar stalioù-levrioùLéz nouvèl de la liverri

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Actualités de l’édition Keleier an embann Léz nouvèl de la banisri

Saint-Germain-sur-Ille

Les éditions du commun au service de l’intelligence collective

L’engagement pour le commun, qui connaît un engoue-ment grandissant un peu partout dans le monde, s’exprime également à travers le travail d’une jeune maison d’édition.

Les éditions du commun ont fait leur apparition en novembre 2015, avec la parution d’un premier ouvrage, en février 2016, signé Pascal Nicolas-Le Strat, Le Travail du commun. Cette notion du commun émerge d’expériences variées, parfois anciennes, qui se distinguent par leur caractère d’intelligence collective. On parle de biens communs au pluriel, au sujet de tout ce qui nous appar-tient collectivement sans nous appartenir personnellement, comme les ressources naturelles, mais aussi de ce qu’on désire mettre en commun ou que d’autres veulent privatiser. Pour Benjamin Roux, initiateur de cette nouvelle maison d’édition basée à Saint-Germain-sur-Ille,

L’engagement pour le commun connaît un grand engouement un peu partout dans le monde, si on lui associe l’essence des luttes, comme Los Indignados en Espagne, Occupy Wall Street aux États-Unis, l’occupation du parc Gezi en Turquie, les Nuits Debout, les contre-sommets, les squats, les Zad, les ateliers coopératifs, les centres sociaux autogérés, etc. Benjamin Roux tente de tracer la genèse de son implication personnelle : « Je suis très investi dans l’éducation populaire, et j’ai toujours vécu avec ce besoin d’horizontalité, cette impression qu’il y a trop de verticalité dans cette société. Et si le travail du commun amène à s’opposer aux rapports de domination, nous savons aussi - le xxe siècle nous l’a démontré - que les discours sur le grand soir conduisent vers la mort. Nous sommes plutôt dans une pensée en rhizomes, avec une partie de la gauche de la gauche, une partie des écologistes, et des penseurs venus d’autres courants. De la multitude des expériences en local, il faut monter en globa-lité, pas tant autour de luttes partagées que d’une compréhension

commune des enjeux. D’où l’intérêt de créer une maison d’édition qui permette de partager les expériences. Elle s’inscrit dans une époque et un contexte particulier, et s’appuie sur ce qu’ont fait d’autres gens, à d’autres époques, comme François Maspero, que j’admire beaucoup. »Benjamin ne vient pas de l’édition, mais de l’éducation populaire, de la formation pour adultes, avec un passage par un bar-resto coopé-ratif rennais. « J’ai découvert le milieu de l’édition, que j’aborde à ma façon, avec une vision ouverte de l’accès numérique, de la maquette, de l’utilisation de logiciels libres. Une attirance vers des formes hybrides, aussi, et l’idée d’éditer des brochures, téléchargeables gratuitement. Pour ne pas me retrouver totalement dépendant des rentrées d’argent et forcé à faire des concessions du point de vue éditorial, j’envisage plusieurs activités complémentaires et pour-quoi pas, de rouvrir un lieu autour de boire, manger et lire. » Les éditions du commun ont démarré sans aucun capital de départ, à partir d’une souscription pour la parution du premier ouvrage. « Je travaille depuis longtemps sur ce projet et je dispose d’une petite imprimerie “maison’’ qui me permet de tirer des brochures. Les retours sont bons. Les gens sont surpris de voir que ces ouvrages sont peu coûteux et pourtant fort jolis. » En juin, les éditions du commun sortent un nouvel ouvrage, à mi-chemin entre littérature et récit de vie, à partir du témoignage d’un cordiste qui travaille au nettoyage des façades sur des grandes hauteurs, en intérim. « Une plongée dans des violences sociales autrement plus graves que celles des prétendus “casseurs’’ dont nous abreuvent les médias. »

www.editionsducommun.org

Les Archives Dormantes, nouvelle maison d’édition costarmoricaine

Une nouvelle maison d’édition vient de se lancer dans l’aven-ture, à Saint-Brieuc. Les Archives Dormantes publient des textes personnels jusqu’alors oubliés. Leur premier ouvrage, La Tombe d’Hanoï. Mémoires d’Indochine, porte le témoignage d’Henri Ansroul, un jeune parachutiste breton pris dans la tourmente de la guerre d’Indochine.

Vous pouvez retrouver cette toute jeune maison d’édition sur son site internet et sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, LinkedIn et Instagram).

www.lesarchivesdormantes.fr

« le commun au singulier, c’est le savoir qui rassemble toutes ces expériences. »

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Skrivagnerien d’ar Web

Ha skrivagnerezed na petra ‘ta! Sed amañ an abadenn nevez kinniget war Brezhoweb, digarez d’ober anaou-degezh gant an dud o-unan, pelloc’h evit o skridoù. Ur pennad kaoz gant Corinne Ar Mero, sevenerez an abadenn.

A-gozh e oa ganet ar soñj-mañ, pell zo e oa dedennet ar skipailhad gant ar soñj reiñ ar gaoz d’ar skrivagnerien, mann met dezhe. Ar pal a oa klevet anezhe war traoù all evit al levr diwezhañ embannet gante. Goût a ra an nen penaos e vez ar skrivagnerien ha skrivagne-rezed o skrivañ ingal, ha n’eo ket hepken pa vez traoù nevez o dez traoù da lâret !A-benn neuze zo soñjet sevel ur rummad abadennoù ma vo gwelet ar re kontant da gemer perzh. Ha se en ur mod simpl, hep mont re zon… ha padal o dez lâret traoù don ! E-kreiz ar gaoz : petra e talvez « skrivañ » d’o meno.

24 skrivagner ha skrivagnerez

Un toullad tud a skriv e brezhoneg, brav eo goût ! Pevar warn-ugent a vo da dizoloiñ a-hed ar bloaz-mañ. N’eus ket bet tamm eus ul labour dibab, lakaat tud e penn a-raok pe laoskel re all a-gostez. Diouzh c’hoantoù ar mare, kammed ha kammed, eo bet savet al listennad tud.Pevar den warn-ugent, rak eo se ur stumm tele, un niver abadennoù hag a c’hell bezañ silet e-mesk re all. Met gellet e vije bezañ bet graet hanter-kant hep diaez ebet !Un dra re-holl a-bouez amañ, adalek ar penn kentañ tout, eo ar c’hem-pouez etre paotred ha merc’hed. Klasket zo reiñ anezhe da welet a-bep eil. Hemañ eo an dra nemetañ a oa da ziwall en ur glask tud. Ha deut eo, n’eus ket bet ezhomm da redek da ziskoachañ hini pe hini ! Met n’eus ket da astenn ar gaoz pelloc’h evit se war an dra, reizh ken ez eo…

Skrivañ pe skrivañ e brezhoneg?

Kentañ tra da welet… ha da glevet, seul taol : tammoù testennoù lennet gant an dud o-unan, ha bet choazet gante, hep redi ebet. War-lerc’h, perak o dez graet ar choas-se? Pe eo arouezius eus temoù a bleont gante, pe eus ur mod skrivañ… Nag abalamour da betra e skrivont ? Hir ar gaoz !Bep pemzektez e vez un abadenn nevez. E miz C’hwevrer ‘oa bet kroget ganti, ha se betek fin ar bloaz ‘ta, d’an 3 a viz Genver 2017 e vo an abadenn diwezhañ e-linenn. Pedet zo a-bep sort tud, hag a skriv a-bep sort traoù. Adalek ar c’houlz eo lakaet du war wenn war baper e c’hell en em gavout en unan eus an abadennoù, pe ve danevelloù pe romantoù, pe ve barzhoniezh pe barzhoniezh kanet.Met « abalamour da betra skrivañ ? » a oa ar goulenn, ha n’eo ket « abalamour da betra skrivañ e brezhoneg ? ». N’eus ket bet kalz kistion eus yezhoù all, met un tamm bennaket memes tra, paneve ken gant Ólöf Pétursdóttir, hag a zalc’h d’ober gant an izlandeg da skouer. Anat deoc’h e vez kaoz eus ar galleg, evit an darn vrasañ eo er yezh-se eo bet an darempred kentañ gant ar skrivañ. Marteze zo tud n’o dije ket skrivet ma ne vije ket bet e brezhoneg. E kaoz meur a hini emañ, ar skriv zo ur stourm. Met n’eo ket an dra gentañ a zeu war-wel ‘vat. Aliesoc’h evit istor ar yezh, zo graet anv eus dispakañ soñjoù diabarzh, fromoù. Selloù an dud, o daoulagad! Lemm ha lufr. « Gallout a rafe seurt abadenn bezañ graet evit ar radio, met war ar skramm ‘kavan anezhe-holl brav!

Marteze abalamour e kaozeont eus un dra zo don enne, stag ouzh o buhez. An holl anezhe, n’eus ket unan a dremen hebiou, zo brav-brav da welet ha da glevet, plijus da vat! », eme gCorinne Ar Mero, « Evitomp eo un dra glok, gwelet ha klevet. Dre an daoulagad e ouies ‘walc’h e tremen traoù ha se zo un dra gaer! »

www.brezhoweb.com/video/skrivagnerien.98.html

LENN : Ul lec’hienn internet vihan evit an embann e brezhoneg

Asambles gant Electre, ar benveg kelaouiñ war an embann a vez implijet ar muiañ gant an dud a labour e bed al levrioù, hag Ofis publik ar brezhoneg, e kinnig Levrioù ha lennadennoù e Breizh d’an tiez-embann brezhonek brudañ o embannadennoù dre ur savenn enlinenn, « Lenn » hec’h anv. Boulc’het e oa bet ar raktres e 2015 ha kinniget an traoù dirak an embannerien d’ar 24 a viz Mae e Kemper. Eno e oa Lena Louarn, besprezidantez Kuzul-rannvro Breizh karget eus yezhoù Breizh. Peurechuet e vo an traoù a-benn fin 2016 da-geñver Saloñs Karaez.

Actualités de l’édition en langues de BretagneKeleier an embann e yezhoù BreizhLéz nouvèl de la banisri den léz lang de Brtêgn

par Tugdual Carluer

Skrivagnerien, nouvelle émission sur le web

Cette série de 24 émissions est à découvrir sur Brezhoweb, à raison d’une nouveauté tous les quinze jours. L’occasion de faire connaissance avec des écrivaines et écrivains en langue bretonne, en partant du principe que ce n’est pas uniquement en suivant l’ac-tualité éditoriale qu’il y a matière à découvrir. Ils et elles sont ici invité-e-s à lire une partie de leur œuvre, puis à expliquer ce qui les a inspirés. La question centrale y est posée : « Pourquoi écrire ? » La langue n’est pas nécessairement au centre de la discussion, même si on en parle à un moment ou un autre. Depuis le début, il y a la volonté que les femmes y aient autant de place que les hommes.L’émotion qui se dégage des regards de chacune et chacun, parlant de ses écrits, est assez frappante : « Ils sont tous beaux ! », remarque Corinne ar Mero, réalisatrice de l’émission.

LENN : Un mini site internet pour les éditions en langue bretonne

En partenariat avec Électre, outil d’information sur les publi-cations le plus utilisé par les professionnels du livre, et l’Office public de la langue bretonne, Livre et lecture en Bretagne propose aux éditeurs en langue bretonne de valoriser leurs publications via une plate-forme en ligne, baptisée « Lenn » (« Lire », en breton). Ce projet amorcé en 2015, a été présenté aux éditeurs le 24 mai dernier à Quimper, en présence de Lena Louarn, vice-présidente du conseil régional de Bretagne, en charge des langues de Bretagne et présidente de l’Office public de la langue bretonne. Il trouvera son aboutissement fin 2016 au Salon de Carhaix.

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Publics « éloignés » du livre et de la lectureAr re zo « pell » diouzh al levrioù hag al lennLéz publliq « elouêgnë » du livr e d’la liri

Brest

Club de lecture à la maison d’arrêt

Fruit d’une collaboration entre une bibliothécaire, une libraire et la Ligue de l’enseignement, le club lecture de la maison d’arrêt de Brest s’est ins-tallé durablement.

Coordinatrice des actions de dévelop-pement des publics pour le réseau des bibliothèques de Brest, Carole Le Natur a collaboré avec la coordinatrice des actions culturelles à la maison d’arrêt de Brest, pour sonder les détenus à propos de leur intérêt pour un atelier de lecture. Les retours ayant été positifs, un atelier régu-lier a vu le jour, une fois par mois. « Je viens au club lecture avec les livres que j’ai aimés, que je laisse ensuite à la bibliothèque de la prison, et on parle librement de lecture. Personne n’est obligé de participer, et les détenus peuvent aussi parler des ouvrages ou des films adaptés de livres qui les ont marqués. Petit à petit, j’ai affiné mon choix. J’ai abandonné les romans, parce qu’un objet-livre avec beaucoup de pages, ça fait peur. J’ai opté pour des documentaires très imagés, sur la nature et les animaux, et des livres qui nous font découvrir des univers exceptionnels, les abysses, par exemple. Les vraies histoires de l’art ça marche bien aussi, découvrir l’univers d’un tableau avant qu’il ne soit peint. »De son côté, Dominique Leroux, de la librairie Excalibulle, a rejoint le club au printemps 2015. « Ça faisait longtemps que j’avais envie d’intervenir en prison. Parce que, si vendre des livres est mon métier, je pense que chaque livre doit trouver son lecteur, où qu’il soit. Et puis, c’est un chal-lenge qui m’intéresse, de franchir le seuil de la librairie pour de la médiation.

La Ligue de l’enseignement recherchait des auteurs de BD pour la prison, j’ai fourni des noms et j’ai eu envie de faire un peu plus. » En maison d’arrêt, il faut surmonter la déception, parfois, la frustration, quand on ne revoit pas un détenu qui avait pour-tant l’air intéressé. L’emploi du temps est saucissonné entre diverses activités ou obligations et les détenus changent souvent de situation, ou s’en vont ailleurs, le temps manque, les moyens aussi, pour faire venir des auteurs. « Je fais une sélection des nouveautés, en privilégiant les bouquins qui font planer, qui vous embarquent vers ailleurs. J’ai établi un questionnaire ludique qui nous permet d’échanger, d’assimiler le vocabulaire spécifique de la BD. J’aimerais faire plus : pouvoir présenter un ressenti de détenu en boutique, par exemple, mais c’est compliqué d’un point de vue réglementaire. En tout cas, s’il y a besoin d’une libraire pour participer à un collectif dans le but de développer ce genre d’action, je suis partante. »Les travaux du club lecture donnent lieu à la parution d’une brochure, intitulée Envie de lire, qui détaille la sélection d’ouvrages proposés, et est mise à disposition des déte-nus, à la bibliothèque de la prison, comme des autres usagers dans les médiathèques et sur le site des bibliothèques de Brest.

www.excalibulle.com

https://applications002.brest-metropole-oceane.fr/VIPBI21/Interligo.web.Front/front.aspx?Controller=ViewPublication&publiId=13518

Quartier Livre dans les prisons

Livre et lecture en Bretagne développe un projet régional ambitieux autour du livre et de la lecture, dans le cadre de la prévention et de la lutte contre l’illettrisme dans les sept établissements pénitentiaires bretons.Ce projet, intitulé « Quartier Livre », s’appuie sur le concept du “Facile à lire’’, qui consiste à travailler sur la présenta-tion des livres, sur leur choix, sur leur médiation, pour les rendre accessibles aux personnes détenues les plus en difficulté avec la lecture.Le projet « Quartier Livre », mené en parte-nariat avec la mission Culture-Justice portée par la Ligue de l’enseignement, s’est mis en place sur deux années, et prend plusieurs formes.En 2015, les enseignants et les coordina-teurs culturels des prisons bretonnes ont été sensibilisés au “Facile à lire’’ par une formation dispensée par Bibliopass, et des ouvrages “Facile à lire’’ ont été acquis par les bibliothèques des sept établissements pénitentiaires bretons.Afin de toucher les personnes détenues les plus éloignées du livre et de la lecture, l’ob-jectif est également que ces livres “Facile à lire’’ soient proposés hors des murs de la bibliothèque, dans d’autres endroits de la prison fréquentés par les détenus. Des meubles spécifiques sont donc conçus, et des actions de médiation réalisées par des compagnies théâtrales permettent de les faire connaître aux personnes détenues.La maison d’arrêt de Saint-Brieuc, où le partenariat avec la bibliothèque munici-pale et avec l’équipe enseignante est bien installé, a accueilli l’auteure nantaise Laurence Vilaine en résidence d’écrivain dans le cadre du projet.

https://quartierlivreblog.wordpress.com/

Les attentats de janvier m’ont fortement motivée, à

cause des réactions qu’ils ont provoquées et avec lesquelles

je n’étais pas d’accord.

Dominique Leroux, la libraire d’Excalibulle

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Rennes

Écrire à l’hôpital : une bouffée d’oxygène

Lorsqu’on est hospitalisé pour long-temps, la maladie, l’angoisse du lendemain prennent toute la place. À Rennes, Céline Feillel aide les patients à repousser les murs et à rendre élastique le temps qui passe. Par l’écriture.

Céline Feillel était prof de français, lorsqu’elle est entrée à l’hôpital pour y donner des cours. Et comme, parallèle-ment, elle s’intéressait aux ateliers d’écri-ture et aux récits de vie, elle a trouvé en ces lieux de quoi développer ses compé-tences et ses envies, tout en répondant à des besoins évidents. « Je suis devenue un écrivain public qui a un pied à l’hôpital », résume-t-elle. Née en 2000, son association L’Atelier d’écriture a été reconnue d’inté-rêt général et compte aujourd’hui trois salariés. « Elle est financée par des fonda-tions, les dons des familles, mais nous devons chaque année repartir à la chasse aux subventions. Parce que nous tenons à la gratuité des activités. » L’objectif principal est de valoriser les personnes à travers l’écriture. Il s’agit de gens grave-ment malades. Les interventions vont de la lecture à voix haute, destinée aux patients très fatigués, en soins palliatifs ou touchés par la maladie d’Alzheimer, aux ateliers d’écriture, en passant par la rédaction de récits de vie. Dans chaque service, un jour-nal informe sur les créations, les activités, crée du lien, laisse des traces, ce qui est très important pour les gens qui sont en fin de vie et leurs familles. « Contrairement aux ateliers d’écriture que je propose en ville, et qui ont lieu en groupe, les ateliers en milieu hospitalier sont forcément individuels. D’abord parce que l’hôpital ne dispose pas de salle pour ce genre d’activité, ensuite par néces-sité, les malades n’ayant pas toujours la

possibilité de se déplacer. Pour certains, je joue le rôle d’une sorte de secrétaire particulière, traduisant leur parole par écrit et reprenant avec eux les textes après relecture. Mais je tiens à dire qu’il s’agit de projets créatifs, pas de projets théra-peutiques. Une bouffée d’oxygène dans un environnement stressant, en cancérologie essentiellement.

L’association, devenue maison d’édition, publie, en sus du journal, un récit de vie par mois environ. Mais aussi des romans, des recueils de poèmes. En tout, près de six cents livres par an ! « L’hôpital a changé, depuis les années 2000. Il s’est ouvert à beaucoup de pratiques. Quand je dois intervenir dans un nouveau service, c’est à partir d’un travail commun avec l’équipe soignante, dont je deviens partie intégrante. Il faut que cela ait du sens pour tous, sinon ça ne marche pas. Pas question de faire de l’occupation-nel ni du bénévolat. Je défends le carac-tère professionnel de mon activité, qui me prend cinquante-deux heures par semaine, et à travers cela la reconnaissance de l’ate-lier d’écriture en milieu hospitalier. »Céline Feillel et son association proposent également quatre expositions par an (1 200 visiteurs), à l’intérieur de l’hôpi-tal, ouvertes aux gens de l’extérieur, des ateliers d’écriture et de poésie en ville, et des rencontres avec des auteurs, des créateurs, des artistes, des cuisiniers, des œuvres. « On peut regarder un film ou goûter une confiture. Tout ça, c’est de la vie. Et parfois, un soignant découvre que ce patient qu’il prenait juste pour un vieux ronchon est aussi un poète. »

www.ecrit-tout.fr

Lecture et dyslexie : tests par des collégiens de Saint-Jacques de la Lande

Dans le cadre du groupe de travail régio-nal « Lecture et Dyslexie », coordonné par Livre et lecture en Bretagne et le service Accessibilité de la Bibliothèque des Champs Libres-Rennes Métropole, pour identifier les attentes et les besoins des personnes dyslexiques par rapport à la lecture, une expérimentation a été menée à Saint-Jacques-de la Lande par un groupe de collégiens, encadré par des professeurs et des professionnels de la médiathèque voisine Lucien-Herr. Cet atelier libre a visé à réunir pendant leur temps libre, des enfants présentant des difficultés de lecture liées à la dyslexie, pour un échange convivial autour de lectures-plaisir. L’objectif de cet atelier « test » est de recueillir auprès des enfants des remarques sur leurs lectures, leurs envies et leurs besoins face aux ouvrages qu’ils auront pu découvrir, pour que cette expérience puisse servir ensuite à l’en-semble des personnes dyslexiques. Elles permettront, par exemple, d’identifier des livres qui peuvent plaire à ces personnes, afin que la lecture conserve une dimension de divertissement, et pas seulement de contrainte. Elles pourront permettre aussi d’orienter les choix des bibliothécaires pour proposer des livres en fonction des diffi-cultés de chaque personne avec la lecture. Ou encore de recommander aux éditeurs des bonnes pratiques pour augmenter le nombre de livres adaptés aux dyslexiques (livres en gros caractères, accompagnés de CD ou format audio...).Pour que les collégiens puissent formu-ler plus facilement leurs remarques et avis sur les différents ouvrages qu’ils ont découverts pendant cet atelier, il leur a été proposé de réaliser de courtes vidéos, du « booktubing », dans lesquelles ils se filment en expliquant leur opinion, positive ou négative sur chaque ouvrage. Ces vidéos ont été proje-tées à la médiathèque de Saint-Jacques-de-la-Lande lors d’une soirée dédiée aux enfants membres de cet atelier et à leurs familles le vendredi 3 juin dernier. Elles seront également projetées lors d’une jour-née d’information régionale sur la théma-tique « Lecture et dyslexie », ouverte à tous, sur inscription, le jeudi 10 novembre 2016, aux Champs Libres à Rennes.

Plus d’infos : [email protected] ou [email protected]

Un espace d’expression qui permet de s’extraire de la

maladie qui prend toute la place, pour dire : je ne suis

pas qu’un patient. »

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Livre et lecture en Bretagne /

Levrioù ha lennadennoù e Breizh /

Livr e liri en Brtêgn

Directeur de publication / Rener an embann / Mnou d’bani : Catherine Saint-JamesRédacteur / Skridaozer / Redijou : Gérard AlleCoordination de la publication / Kenurzhierezh an embann / Organizment d’la bani : Maïlys AffiléOnt collaboré à ce numéro / Kemeret o deus perzh en niverenn-mañ / Il’on të enbzognë su l’limerot-si : Maïlys Affilé, Tugdual Carluer, Annie Chevalier, Association Chubri (traductions en gallo), Gaël Le Ny, Delphine Le Bras, Florence Le Pichon, Marie-Joëlle Letourneur, Christine Loquet, Office public de la langue bretonne (traductions en breton), Christian Ryo.Ce numéro a été relu par / Adlennet eo bet an niverenn-mañ gant / L’limerot-si a të rlu parr : Bénédicte Trocheris-Jobbé Duval, de l’association Correcteurs en Bretagne.Maquette / Maketenn / Maqhètt : À l’encre bleueImpression / Moullañ / Moulri : Cloître Imprimeurs (29). Tiré à 3 500 exemplaires.

Livre et lecture en Bretagne / Levrioù ha lennadennoù e Breizh

61, boulevard Villebois-Mareuil - 35000 RennesTél. 02 99 37 77 57 – Fax 02 99 59 21 [email protected]

www.livrelecturebretagne.fr>Siret : 200 013 977 00034 – APE : 9101Z – ISSN : 1771-6896

Gratuit

Les temps forts à venir…

juin

23 juinLorient (56)

Films en bibliothèques Journée d’étude organisée avec Cinéphare-Zoom Bretagne

juillet

1er et 2 juilletLorient (56)

Découverte de « La fabrique d’écriture » de Dimitri Bortnikov, auteur en résidence à Lorient (https://bortnikovlorient.wordpress.com)

août

25 aoûtDouarnenez (29)

Littératures de TurquieJournée d’étude organisée dans le cadre du Festival de Cinéma de Douarnenez

octobre

5 au 7 octobreSaint-Quay-Portrieux (22)

Rencontres de Films en Bretagneprésentation de l’atelier « État d’un lieu commun » et temps d’échange sur l’adaptation cinématographique des œuvres littéraires

9 au 14 octobre Lorient (56)

Restitution de la résidence de Dimitri Bortnikov

13 octobrePlonevez-du-Faou (29)

Des bibliothèques pour tous les publics Journée d’étude organisée avec la BDP du Finistère

novembre

10 novembreRennes (35)

Lecture et dyslexieJournée d’étude organisée avec la Bibliothèque de Rennes Métropole Les Champs Libres

17 novembreCaro (56)

Travailler en réseau (titre provisoire) Journée d’étude organisée avec la Médiathèque départementale du Morbihan

décembre

Saint-Brieuc (22)

Restitution de la résidence de Laurence Vilaine(qui a eu lieu en mai-juin 2016, dans le cadre du projet Quartier Livre : https://quartierlivreblog.wordpress.com/) sous réserve

8 décembreBrest (29)

Rencontre avec les éditeurs de littérature jeunesseJournée d’étude organisée avec la branche Jeunesse du SNE

Retrouvez l’ensemble de nos journées sur notre blog :

www.lesjourneesllb.wordpress.com

Une nouvelle présidence

Le conseil d’administration de Livre et lecture en Bretagne s’est réuni le 25 avril et a élu une nouvelle présidente pour un mandat de trois ans. Il s’agit de Catherine Saint-James, conseillère régionale, gérante d’entreprise dans le secteur du tourisme et de la culture et co-créatrice du festival Jazz aux Écluses.

En raison du passage de la revue à un rythme de parution semestriel, nous vous rappelons que nous ne communiquons plus d’agendas des manifestations et événements littéraires en Bretagne sur ce support. Cependant, vous retrouverez toute l’actualité littéraire de Bretagne sur notre site, et l’ensemble des événements signalés dans notre Guide des manifestations et évènements littéraires 2016 (version imprimée et numérique).