8
Date : 27 AVRIL 15 Pays : France Périodicité : Quotidien OJD : 93149 Journaliste : Florence Couret Page 1/1 SOLIDARITES2 2335083400507 Tous droits réservés à l'éditeur ÉDITORIAL par Florence Couret Travail dè sape « Ce que tu entends à longueur de journée, c'est: "Je ne vaux rien, je ne vaux rien." À force, tu te bouches les oreilles et ça continue quand même. » Voilà l'un dcs nombreux té- moignages que l'association Solidarités nouvelles face au chômage, fondée il y a tout juste trente ans par Jean-Bap- tiste de Foucauld, a recueilli auprès de ceux qu'elle ac- compagne ou a accompagnés dans la recherche d'un em- ploi. Alors que les prochains chiffres du chômage seront publiés ce soir, ce recueil, dont La Croix rend compte aujourd'hui, redonne utile- ment quèlques visages à la statistique qui mouline mois après mois des centaines de milliers d'« inscrits » réduits en « catégories ». Car, au fond, qu'est-ce que le chômage ? Pour ceux qui le vivent, qui le subissent, le plus souvent, c'est un trau- matisme. Violent, profond, laissant même des traces in- délébiles quand il détruit sur son passage la confiance et l'estime de soi. Il faut entendre cette solitude et cette détresse lorsqu'une candidature ne reçoit aucune réponse, pas même un accusé de réception; lorsque la recherche d'emploi se transforme en un « travail à temps plein » ; quand un « non » se passe de toute ex- plication, laissant le « refusé » à son «je ne vaux rien, je ne vaux rien ». Jour après jour, semaine après semaine. Un vrai travail de sape. Chacun devrait entendre, actifs, retraités, employeurs, recruteurs. Chacun devrait s'interdire d'employer des mots qui blessent pour par? ler parfois des personnes sans emploi comme d'« as- sistés ». Selon un sondage ré- cent (Odoxa pour iTélé et Le Parisien/Aujourd'hui), 72 % des Français estiment qu'il y a « trop d'assistanat en Franee ». Mais qui voudrait échanger sa place contre cet « assista- nat »-là? Les « assistés » n'exis- tent pas ; ceux qui vivent du « système » - et bien sûr il y en a - sont des malhonnêtes, que l'on doit appeler par leur nom et par aucun autre mot : des profiteurs. Ceux qui cherchent un travail ont le droit d'être « assistés », d'être accompa- gnés, et ceux qui en ont un ont le devoir de les soutenir et de les respecter.

par Florence Travail dè sape - snc.asso.fr · mais pourquoi », confie un quinqua-génaire. Pourquoi pas moi? Pourquoi pas cette fois ? Ces questions hantent les demandeurs d'emploi

Embed Size (px)

Citation preview

Date : 27 AVRIL 15

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 93149

Journaliste : Florence Couret

Page 1/1

SOLIDARITES2 2335083400507Tous droits réservés à l'éditeur

ÉDITORIAL

par FlorenceCouret

Travaildè sape

« Ce que tu entends à longueurde journée, c'est: "Je ne vauxrien, je ne vaux rien." À force,tu te bouches les oreilles etça continue quand même. »Voilà l'un dcs nombreux té-moignages que l'associationSolidarités nouvelles face auchômage, fondée il y a toutjuste trente ans par Jean-Bap-tiste de Foucauld, a recueilliauprès de ceux qu'elle ac-compagne ou a accompagnésdans la recherche d'un em-ploi. Alors que les prochainschiffres du chômage serontpubliés ce soir, ce recueil,dont La Croix rend compteaujourd'hui, redonne utile-ment quèlques visages à lastatistique qui mouline moisaprès mois des centaines demilliers d'« inscrits » réduitsen « catégories ».Car, au fond, qu'est-ce quele chômage ? Pour ceux quile vivent, qui le subissent, leplus souvent, c'est un trau-matisme. Violent, profond,laissant même des traces in-délébiles quand il détruit surson passage la confiance etl'estime de soi. Il faut entendrecette solitude et cette détresselorsqu'une candidature nereçoit aucune réponse, pas

même un accusé de réception;lorsque la recherche d'emploise transforme en un « travailà temps plein » ; quand un« non » se passe de toute ex-plication, laissant le « refusé »à son «je ne vaux rien, je nevaux rien ». Jour après jour,semaine après semaine. Unvrai travail de sape.Chacun devrait entendre,actifs, retraités, employeurs,recruteurs. Chacun devraits'interdire d'employer desmots qui blessent pour par?ler parfois des personnessans emploi comme d'« as-sistés ». Selon un sondage ré-cent (Odoxa pour iTélé et LeParisien/Aujourd'hui), 72 %des Français estiment qu'il y a« trop d'assistanat en Franee ».Mais qui voudrait échangersa place contre cet « assista-nat »-là? Les « assistés » n'exis-tent pas ; ceux qui vivent du« système » - et bien sûr il y ena - sont des malhonnêtes, quel'on doit appeler par leur nomet par aucun autre mot : desprofiteurs. Ceux qui cherchentun travail ont le droit d'être« assistés », d'être accompa-gnés, et ceux qui en ont unont le devoir de les souteniret de les respecter.

Date : 27 AVRIL 15

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 93149

Journaliste : Mathieu Castagnet/Nathalie Birchem/ ValérieDemon

Page 1/7

SOLIDARITES2 6335083400503Tous droits réservés à l'éditeur

EVENEMENTI On connaîtra ce soir le nombre de I En février, leur nombredemandeurs d'emploi sans aucune acti- avait augmente et représentaitvite inscrits àPôle emploile mois dernier. 3,494 millions de personnes.

I « La Croix » a eu la primeur d'une étude commandée parl'association Solidarités nouvelles face au chômage qui permetde mieux comprendre les difficultés vécues par les chômeurs.

Date : 27 AVRIL 15

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 93149

Journaliste : Mathieu Castagnet/Nathalie Birchem/ ValérieDemon

Page 2/7

SOLIDARITES2 6335083400503Tous droits réservés à l'éditeur

L'épreuvedu chômage,vue del'intérieur

Date : 27 AVRIL 15

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 93149

Journaliste : Mathieu Castagnet/Nathalie Birchem/ ValérieDemon

Page 3/7

SOLIDARITES2 6335083400503Tous droits réservés à l'éditeur

I À l'occasion de ses 30 ans,l'association Solidarités nouvellesface au chômage a commandéune étude qui permet de mieuxcomprendre les difficultés vécuespar les demandeurs d'emploi.I Racontée par ceuxqui l'ont vécu, l'épreuvedu chômage s'avère extrêmementdéstabilisatrice et ses effetspersistent même chez ceuxqui ont retrouvé un emploi.

Être au chômage, c'est bien plusque rechercher un emploi. C'est selancer sans l'avoir choisi ni préparédans une quête d'une durée inconnuejalonnée d'épreuves, sans même sa-voir si le but est atteignable. « C'est latraversée d'un labyrinthe plongé dansle brouillard », ré-sume Didier De-mazière, sociolo-gue du CNRS, chefdè file de l'étudefinancée par l'asso-ciation Solidarités nouvelles face auchômage à l'occasion de son 30e an-niversaire, et dont La Croix a eu laprimeur.

Après avoir longuement interrogé130 personnes ayant traversé unepériode de chômage, le sociologueet son équipe font un constat impla-cable : personne ne ressort indemned'une recherche d'emploi. Mêmeceux qui ont retrouvé un travail de-meurent marqués. « On pensaitqu'une partie de ceux-là aurait undiscours de satisfaction et d'autopro-motion vantant la façon dont ils ontréussi à s'en sortir. En fait, c'est lecontraire. Tous disent combien leurpériode de chômage reste traumati-sante », note Didier Demazière.

Au-delà des différences d'âge, desituation personnelle ou de diplôme,les témoignages de l'étude permettentde mieux comprendre la violence del'expérience traversée. Au départ,pourtant, beaucoup se sont investisdans leur mission de chercheur d'em-ploi avec autant d'espoir que d'éner-gie. « C'était un job à temps plein. Etmême plus que ça, parce qu'il fallaitfaire le maximum et que même le

K C'est la traverséed'un labyrinthe plongédans le brouillard. »

maximum, ce n'était pas assez. L'idéequ'on peut faire encore plus ne nousquitte pas », raconte l'un d'eux.

Au fil du temps et des réponsesnégatives, pourtant, la confiance im-manquablement s'érode. « À chaqueinitiative, un mail, un coup de fil, lamoindre chose, tu te casses les dents.C'est anxiogène, on est face à l'échecpermanent. C'est un peu le jeu. Saufque ce n'est pas un jeu », décrit unhomme de 44 ans. « Prendre baffe surbaffe, ça laisse des traces. C'est uncauchemar qui ne finit pas vu que tute relèves et que tu retombes, toujours,toujours », poursuit une femme de33 ans qui a passé plus de deux ansau chômage.

Les réponses négatives sont d'au-tant plus mal reçues qu'elles ne s'ac-compagnent d'aucune explication.

« Chaque refussuite à un entre-tien, c'est uneclaque totale. C'estdur surtout parcequ'on ne sait ja-

mais pourquoi », confie un quinqua-génaire. Pourquoi pas moi? Pourquoipas cette fois ? Ces questions hantentles demandeurs d'emploi : « J'étaiscertaine d'être prise, tout s'est bienpassé. Et puis voilà, ils prennentquelqu'un d'autre. J'ai eu du mal àm'en remettre, beaucoup, beaucoupde mal. »

Au-delà de cette succession derefus, beaucoup dénoncent la vio-lence des processus de recrutement.Les lettres qui restent sans réponse,vécues comme « un manque de consi-dération ». Les salons où se pressentdes centaines de candidats concur-rents. « On dirait qu'ils veulent voirqui écrase les autres pour passer de-vant. C'est de la maltraitance psycho-logique », s'insurge une des personnesinterrogées.

Ces échecs à répétition conduisentinévitablement à l'abattement.« Prendre continuellement des portesdans la figure, c'est destructeur »,constate Didier Demazière. Progres-sivement s'installe alors ce qu'uneancienne chômeuse qualifie de « pe-tite musique du demandeur d'em-ploi ». « Ce que tu entends à longueur

Date : 27 AVRIL 15

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 93149

Journaliste : Mathieu Castagnet/Nathalie Birchem/ ValérieDemon

Page 4/7

SOLIDARITES2 6335083400503Tous droits réservés à l'éditeur

de journée, c'est: "Je ne vaux rien, jene vaux rien" À force, tu te bouches lesoreilles et ça continue quand même »,se désole-t-elle.

Au fil des semaines, des mois etparfois des années, il apparaît alorsque le chômage, ce n'est plus seule-ment la recherche d'un emploi. C'estaussi tenir et résister à ces épreuvesqui s'accumulent. Il faut trouver unéquilibre dans son organisation, meu-bler les temps creux. Il faut aussilutter pour maintenir des liens so-ciaux, quand l'absence de travail serévèle un puissant isolant. « Je n'airayé personne », assure une femmede 49 ans, mais « Hy a un tri qui sefait, et ça va vite ».

Certains chômeurs vont d'eux-mêmes couper les ponts avec untel ouuntel. « Je ne supporte pas l'idée dequémander. Taper à la porte de ceuxavec qui j'ai travaillé, je me sens rabaissédéfaire ça », explique l'un d'eux.D'autres évoquent la difficulté à expli-quer leur situation, y compris avec lesamis et la famille. « J'avais l'impressionde me justifier : "Et pourquoi ça nemarche pas, est-ce que tu ne penses pasque. ..et tu devrais faire ci ouça .." »,confie une jeune femme qui a fini par« refuser les dîners avec les amis ».

« Fondamentalement, la recherched'emploi est une épreuve personnelledifficile à faire partager à son entou-rage proche », constate l'étude. D'oùl'importance pour beaucoup de trou-ver un cei! extérieur bienveillant, dansune association ou un organismed'accompagnement.

Un jour, enfin, la bonne nouvellesurvient. L'emploi se profile,

le chômage s'éloigne. Raressont pourtant les chômeurs qui viventce succès comme la récompense deleurs efforts ou de leur ténacité. Laplupart du temps, s'étonne l'étude,« la reprise d'emploi est racontéecomme un événement inattendu ».« Beaucoup évoquent le hasard ou lachance comme facteur premier. C'estpour eux la confirmation du caractèretotalement aléatoire des processus derecrutement », poursuit DidierDemazière.

Après des mois de démarches clas-siques, ce peut être une rencontreimpromptue avec un ancien collègueou un CV parvenu entre des mainsinconnues par des biais détournésqui débloquent la situation. D'autresassurent même qu'ils ne misaient

pas spécialement sur le poste finale-ment obtenu. «Je ne sais pas ce qui afait que ça a marché. Un jour ça veut »,résume une femme de 48 ans.

Si ce retour dans le monde du tra-vail est vécu comme un soulagement,il n'est pas ressenti comme untriomphe, «ILe chômage provoqueune dégradation professionnelle gé-néralisée », rappelle l'étude. Tous lesinterviewés ou presque se sont réso-lus à accepter des baisses de salaire,de 15 à 30 %, parfois même 50 %. Ceuxqui sont jugés un peu trop « seniors »pour les canons des recruteurs, ceuxqui n'ont pas d'expérience, ceux dontla fin de période d'indemnisationapproche se voient souvent contraintsd'accepter un fort déclassement.

« Je visais des postes juniors. Il f allaitque je travaille à tout prix, j'ai deuxenfants. Au bout d'un moment, on enarrive à se rabaisser pour trouver. Hya urgence, on ne se pose pas de ques-tion », décrit une quinquagénairepourtant diplômée bac + 4. Au-delàdu salaire, c'est aussi le statut ou l'in-térêt même du travail qui diminueaprès une période de chômage. « Jen'ai aucun atome crochu avec ce job.C'est un pensum pour moi. Mais je saisd'où je viens, je me calme, je me stabi-lise », assure une femme de 37 ans.

Pour ceux qui sont restés long-temps sans emploi, le nouveau travaila surtout le mérite de leur permettrede sortir de cette période. Le spectredu chômage, lui, demeure. Cetteinquiétude sur la pérennité du nou-vel emploi apparaît comme « unepréoccupation générale » chez lespersonnes interrogées, note l'en-quête. Ceux qui sont en CDD spécu-lent sans fin sur leurs chances d'êtreprolongés. Ceux qui sont en CDIs'inquiètent de la santé de leur em-ployeur. « La situation n'est pas mi-robolante, je ne peux pas m'empêcherd'y penser », dit l'un d'eux.

« Leur priorité première, c'est de nepas se retrouver de nouveau au chô-mage. Cette peur change profondémentle rapport au travail. Elle détruit l'en-vie de prendre le moindre risque pro-fessionnel », constate Didier Dema-zière. «Je suis accroché à mon poste,vous pouvez en ëtre sûr », confirmeun trentenaire après plus d'un anpassé à la recherche d'emploi. Toussemblent ainsi reprendre à leurcompte le cri du coeur lancé par l'und'eux: « Tout ce que je demande, c'estplus jamais ça. »MATHIEU CASTAGNET

Date : 27 AVRIL 15

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 93149

Journaliste : Mathieu Castagnet/Nathalie Birchem/ ValérieDemon

Page 5/7

SOLIDARITES2 6335083400503Tous droits réservés à l'éditeur

Comment la privation d'emplois'est installée dans nos viesI Depuis trente ans, le chômagese maintient à un très hautniveau, et il est devenu de plusen plus difficile d'en sortir.

On saura ce soir si le nombred'inscrits à Pôle emploi a de nou-veau augmente en mars, comme lemois d'avant, ou diminué, commele mois précédent. Mais au-delà deces soubresauts, une évidence s'im-pose : le chômage s'est installe dansnos vies. Alors que son taux n'étaitque de 2,9 % au début de l'année1975, depuis 1985, il navigue entre6,8 % (point bas effleuré en 2008)et 10,4 % (record atteint en 1994 et1997), un niveau incompatible avecle plein-emploi. Au quatrième tri-mestre 2014, il est remonté pouratteindre 10 % (10,4 % en incluantles Dom). Autrement dit, une per-sonne souhaitant travailler sur dixest aujourd'hui privée d'emploi.

Derrière cette permanence duchômage à un très haut niveau secachent plusieurs évolutionslourdes. Alors que dans les années1970, le nombre d'emplois corres-pondait à peu près au nombre d'ac-tifs, depuis 1985, il manque environ2 millions d'emplois pour occuperles actifs, un déséquilibre qui s'estmaintenu jusqu'à maintenant.

Face à cette pénurie d'emploisdevenue structurelle, nous nesommes pas tous égaux. L'Insee aainsi calculé, dans son dernier

portrait social, que le risque pourun actif d'être au chômage plutôtqu'en emploi est 1,6 fois plus grandpour un non diplôme que pour undiplôme à un niveau supérieur àbac + 2. Et un ouvrier a 2,4 fois plusde risque de le subir qu'un cadre.

Pour tous, quand le chômage estlà, il est devenu plus difficile d'ensortir. « En France, le marché dutravail est dramatiquement opaque.La plupart des offres ne sont paspubliées et sont pourvues soit à lasuite d'une candidature spontanée,soit grâce aux réseaux », note CaroleTuchszirer, chercheuse au Centre

Une personnesouhaitant travaillersur dix est aujourd'huiprivée d'emploi.d'études de l'emploi. S'ensuit uneexplosion du chômage de longuedurée. Désormais, 43,4 % des chô-meurs tenus de chercher active-ment un travail sont inscrits depuisplus d'un an, et plus de la moitiéd'entre eux le sont depuis plus dedeux ans. L'ancienneté moyenned'un demandeur d'emploi atteintdésormais 545 jours, déprimantrecord.

Parallèlement, les frontières entrechômage et emploi sont devenuestrès poreuses. Plus de 90 % desembauches se font en contrat tem-poraire (CDD, intérim, apprentis-

sage) alors que cette proportionétait d'environ 45 % en 1982, selonl'Insee. Et la durée de ces contratsraccourcit : un mois en moyenneen 2011 contre trois mois en 1982.Enfin, un tiers des CDI sont rompusavant un an. « Plus les emplois pro-posés sont instables, plus cela en-traîne un phénomène de récurrencedu chômage, avec des personnesqui sortent du chômage et y retour-nent ensuite », explique YannickL'Horty, professeur d'économie àParis-Est Marne-la-Vallée. Selonune étude publiée en 2010 par Pôleemploi, seuls un quart des inscritsen 2004 sortent du chômage dansun délai d'un an et ne se réinscri-vent pas dans les quatre annéesqui suivent.

Enfin, le nombre de demandeursd'emploi cumulant activité réduiteet petits boulots a explosé et repré-sente désormais près d'un tiers deschômeurs tenus de chercher unemploi. Sans compter tout un halode personnes qui, sans être inscritesà Pôle emploi, aimeraient travailler.« Je pense que plus aucune catégoriede salariés n'est épargnée, résumeCarole Tuchszirer. Mais alors quepour les mieux lotis, il s'agit d'unchômagefrictionnel (I) entre deuxemplois, s'est installe un phénomènede relégation des plus fragiles dansun chômage d'exclusion. »

NATHALIE BIRCHEM

[I) Période de latence entre deux postes.

Date : 27 AVRIL 15

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 93149

Journaliste : Mathieu Castagnet/Nathalie Birchem/ ValérieDemon

Page 6/7

SOLIDARITES2 6335083400503Tous droits réservés à l'éditeur

VU D'ESPAGNE

Un accompagnement peu efficaceI Les politiques actives d'emploine parviennent pas à réduire le chômage,de 23,78 %. Et l'accompagnementdes chômeurs reste limité à la sphère familiale.

MADRIDDe notre correspondante

II n'est pas rare d'entendre un commentaire assezdésabusé des chômeurs sortant des agences du SEPE(Service public pour l'emploi, équivalent du Pôle em-ploi, NDLR). « Je vais pointer. C'est tout. Je n'attendspas que l'on me trouve un travail », reste la phrasesouvent répétée des sans-emploien Espagne.

Les politiques actives de l'em-ploi sont transférées aux régionsdepuis plusieurs années. Gèrent-elles mieux que l'État central ?Sara de la Rica, professeur d'économie à l'universitédu Pays basque et chercheuse à la Fedea (Fondationdes études de l'économie appliquée), spécialiste dumarché du travail, dresse un tableau pour le moinspessimiste : « Le travail d'accompagnement des chômeursexiste à peine. Le système ne fonctionne pas. » En té-moigne un chiffre inquiétant, le Service public pourl'emploi ne parvient à placer que 2 % des chômeurs.« Et l'objectif visé n'est que de5%! s'exclame Sara dela Rica, l'ambition n'est pas très élevée ».

Les politiques d'emploi sont assez disparates selonles régions et leurs réalités. L'accent est souvent mis

« Je vais pointer. C'est toutJe n'attends pas quel'on me trouve un travail. »

sur des groupes en difficulté, comme les plus de 50 ansou les jeunes. Mais les résultats se font attendre.« Lorsque l'économie espagnole est en croissance, ellecrée des emplois rapidement, mais ce sont surtout desCDD dans le tourisme et dans la construction. Les de-mandeurs d'emploi les trouvent en fait dans les agencesd'intérim », explique Sara de la Rica.

Il manque toujours à l'Espagne un suivi précis etadapté aux demandeurs d'emploi et aux offres actuelles.« Ce qui permettrait ensuite de trouver la formationadéquate. Mais trop souvent les chômeurs réalisent leursformations sans conseil, ils gèrent leurs parcours seuls »,ajoute la chercheuse.

L'Espagne, de plus, a souventdavantage mis l'accent sur lespolitiques indirectes, commeles subventions à la création decontrats. En 2011, 0,37 % duproduit intérieur brut (PIB) était

consacré à ces subventions alors que les dépensestotales pour les politiques actives d'emploi attei-gnaient 0,88 % du PIB.

Pour retrouver du travail, « les réseaux familiauxfonctionnent très bien en Espagne, beaucoup plusqu'ailleurs ». De même l'accompagnement des chô-meurs reste le plus souvent limité à la sphère familiale.Quant aux avantages sociaux dont peuvent bénéficierles demandeurs d'emploi, ils sont assez disparatessuivant les régions. L'essentiel des réductions concerneles transports et quèlques musées.

VALÉRIE DEMON

Date : 27 AVRIL 15

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 93149

Journaliste : Mathieu Castagnet/Nathalie Birchem/ ValérieDemon

Page 7/7

SOLIDARITES2 6335083400503Tous droits réservés à l'éditeur

GILLESDE LABARREPrésident de Solidaritésnouvelles face au chômage« En trente ans,le chômagea changé »

« La différence fondamentaleentre la situation actuelle etcelle de 1985, c'est évidem-ment l'inscription du chômagede masse dans la durée. Nousaccompagnons des deman-deurs d'emploi qui sont main-tenant en recherche depuistrois, quatre, voire cinq ans.Les chômeurs, eux aussi, ontchangé. On voit une multipli-cation d'allers-retours entrechômage et inactivité et ungrand nombre de gens qui neparviennent plus à s'installerdurablement dans l'emploi.L'autre nouveauté, c'est la si-tuation de plus en plus difficiledes jeunes diplômés. Ils ont lebagage nécessaire mais parais-sent avoir du mal à définir unprojet professionnel. Enfin, onnote un nombre inquiétant dechômeurs avec des problèmesde santé, affections de longuesdurées, handicaps ou pro-blèmes psychologiques. »

RECUEILLI PAR MATHIEU CASTACNET

SNC, 30 ANS POUR L'EMPLOI

• Création. Solidarités nouvellesface au chômage (SNC)a été créée en 1985 parJean-Baptiste de Foucauld,ancien commissaire au plan,afin d'accompagner les chômeurs.• Action. L'associationfonctionne avec un réseaude 140 groupes locaux. Ses2 DOO bénévoles fonctionnentpar binômes pour accompagner3 DOO personnes en recherched'emploi. SNC finance égalementune centaine d'emplois solidairesau service d'associationsou d'entreprises de l'économiesolidaire. Son budget de I milliond'euros repose uniquementsur des fonds privés, donsde particuliers ou d'entreprises.• Distinction. SNC aété retenu en mars dernierparmi les IS associationsdu chantier présidentiel« La France s'engage ».• Commémoration. Pourfêter ses 30 ans, l'associationorganise un tour de Francede 150 manifestationscomportant notammentune exposition photoet une pièce de théâtre intituléeUn emploi nommé désir.Information sur le site Web del'association: www.snc.asso.fr