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51 Le Moulin de Dalem Par Gérard MAAS n pourrait intituler ce chapitre ‘’Dalem-Autrefois’’ ou bien ‘’Dalem-Domols’’. Avant l’appellation officielle des quartiers et des rues du village, nos ancêtres avaient leurs dénominations des rues et des lieux-dits hérités par tradition orale dans leur langage maternel. Nombreux sont ceux aujourd’hui qui ne connaissent plus le motif ou l’origine de ces appellations. En faisant le tour du village, nous trouvons : ‘’Meata Weg’’ ou le ‘’Felcka Weg’’ (c’est à dire Chemin de Merten ou Chemin de Falck) : ces rues conduisent vers lesdites localités. ‘’Im Hoff’’ (Rue de la Cour) : cette rue conduisait vers la ferme du ‘’Distrofferhoff’’ qui se trouvait au fond de cette impasse. La traduction ‘’Rue de la Cour’’ est erronée. ‘’Im Kléen Metz’’ (Rue du Petit Metz) : la raison de cette dénomination est obscure ; elle laisse place à la spéculation. ‘’In da Reih’’ (En rangée - Rue de l’église) : la rue est formée d’un alignement de maisons accolées les unes aux autres formant une rangée. ’Da Homberg’’ (Rue St Martin) : les localités ou les lieux-dits portant le préfixe Hom qui vient de Hoen ou Hohen signifiant haut (transformé en Hom) sont nombreux. Le Homberg de Dalem n’a pas usurpé son nom, c’est la rue la plus haute du village. ‘’Im Loch’’ (Trou, Rue de Hargarten) : c’est un quartier sans issue. Le nom n’a rien de péjoratif ‘’Naï Welt’’ (Nouveau Monde) : un imposant bâtiment isolé se dressait à la sortie du village vers Téterchen surnommé die Naï Welt. Ce bâtiment moderne pour l’époque avait été construit vers 1900 par M. Samson. Il abritait un café avec salle de danse et salle de fêtes. Il tranchait avec les cafés du village d’où son appellation. Il a été détruit par un incendie en 1943 et n’a jamais été reconstruit. Photo prise côté jardin vers le village. Les clients avaient accès au café par un grand escalier trapézoïdal en façade du bâtiment. ‘’Die Schefferei’’ (Bergerie, Ferme du Soleil) : à cet endroit, le seigneur du lieu exploitait une bergerie avec une macarerie. ‘’Da Schertzen Hoff’’ (Ferme St Jean) : la famille Schertz était propriétaire de cette ferme. Ferme appartenant aux Schertz. ‘’Die Schmelz’’ (La fonderie) : Hôtel café restaurant située au carrefour des quatre communes : Dalem, Rémering, Merten et Falck ; cet hôtel prit le nom de ‘’Schmelz’’ car au 18 ème siècle une fonderie était située en face sur le ban de Falck. O

Par Gérard MAAS - Site Officiel de la commune de Dalemmairie.dalem.free.fr/Revues/Revue2012/Page_51_Le_moulin_de_Dalem… · cet endroit, le seigneur du lieu exploitait une bergerie

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Le Moulin de Dalem Par Gérard MAAS

n pourrait intituler ce chapitre ‘’Dalem-Autrefois’’ ou bien ‘’Dalem-Domols’’. Avant

l’appellation officielle des quartiers et des rues du village, nos ancêtres avaient leurs

dénominations des rues et des lieux-dits hérités par tradition orale dans leur langage maternel.

Nombreux sont ceux aujourd’hui qui ne connaissent plus le motif ou l’origine de ces

appellations. En faisant le tour du village, nous trouvons :

‘’Meata Weg’’ ou le ‘’Felcka Weg’’ (c’est à dire Chemin de Merten ou Chemin de Falck) :

ces rues conduisent vers lesdites localités.

‘’Im Hoff’’ (Rue de la Cour) : cette rue conduisait vers la ferme du ‘’Distrofferhoff’’ qui se

trouvait au fond de cette impasse. La traduction ‘’Rue de la Cour’’ est erronée.

‘’Im Kléen Metz’’ (Rue du Petit Metz) : la raison de cette dénomination est obscure ; elle

laisse place à la spéculation.

‘’In da Reih’’ (En rangée - Rue de l’église) : la rue est formée d’un alignement de maisons

accolées les unes aux autres formant une rangée.

’Da Homberg’’ (Rue St Martin) : les localités ou les lieux-dits portant le préfixe Hom qui

vient de Hoen ou Hohen signifiant haut (transformé en Hom) sont nombreux. Le Homberg de

Dalem n’a pas usurpé son nom, c’est la rue la plus haute du village.

‘’Im Loch’’ (Trou, Rue de Hargarten) : c’est un quartier sans issue. Le nom n’a rien de

péjoratif

‘’Naï Welt’’ (Nouveau Monde) : un

imposant bâtiment isolé se dressait à la

sortie du village vers Téterchen surnommé

die Naï Welt. Ce bâtiment moderne pour

l’époque avait été construit vers 1900 par

M. Samson. Il abritait un café avec salle de

danse et salle de fêtes. Il tranchait avec les

cafés du village d’où son appellation. Il a

été détruit par un incendie en 1943 et n’a

jamais été reconstruit.

Photo prise côté jardin vers le village. Les

clients avaient accès au café par un grand

escalier trapézoïdal en façade du bâtiment.

‘’Die Schefferei’’ (Bergerie, Ferme du Soleil) : à cet endroit, le seigneur du lieu exploitait

une bergerie avec une macarerie.

‘’Da Schertzen Hoff’’ (Ferme St Jean) : la famille Schertz était propriétaire de cette ferme.

Ferme appartenant aux Schertz.

‘’Die Schmelz’’ (La fonderie) : Hôtel café restaurant située au carrefour des quatre

communes : Dalem, Rémering, Merten et Falck ; cet hôtel prit le nom de ‘’Schmelz’’ car au

18ème

siècle une fonderie était située en face sur le ban de Falck.

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‘’Off da Linn’’ : cette désignation très ancienne désigne un endroit précis et fait allusion à un

évènement qui s’est déroulé dans la rue principale à l’entrée de la Rue du Château.

Le duc de Lorraine Charles III créa en 1598 les plaids annaux, institution spéciale à la

Lorraine. Ces plaids annaux, en allemand ‘’Jahrgeding’’, se tenaient chaque année dans

chaque village vers le milieu d’octobre en présence du seigneur ou de son représentant. Tous

les habitants du village étaient tenus d’y assister sous peine d’amende. C’est là qu’on

procédait à la nomination du maire, des échevins, du garde champêtre, du garde chasse, du

garde-forestier ainsi qu’à leurs prestations de serment. Ces réunions avaient également et

surtout comme but de rappeler aux habitants les droits et surtout les devoirs qu’ils avaient

envers le seigneur.

En consultant les archives, nous avons découvert que les plaids annaux étaient également

obligatoires à Dalem. Ils avaient lieu généralement près du château du seigneur, près ou sous

un arbre comme symbole à l’image du roi de France Louis XI. Pour la dénomination ‘’Off da

Linn’’, il y a plusieurs hypothèses : la plus plausible est qu’à cet endroit se dressait un tilleul

(Lindenbaum) auprès duquel se tenaient les plaids annaux, d’où cette expression. Il ne serait

pas étonnant non plus que cette dénomination soit une traduction dans le langage populaire de

plaids annaux ou de Jahrgeding. L’appellation Linn pourrait être une déformation de ‘’Lehn,

Lehnmann, Lehnherr, Lehngut’’, respectivement : fief, vassal, suzerain, tenir en fief. Le

vasssal était tenu d’organiser les plaids annaux pour son suzerain. L’endroit se prêtait bien

pour tenir ces assemblées ; devant l’entrée du château, il y avait suffisamment d’espace pour

rassembler la population, l’église actuelle n’existant pas encore..

Ma mère lorsqu’elle rendait visite à sa cousine qui habitait à l’angle de la rue principale et la

rue du château disait : « Ich geen off de Linn » (je vais sur la Linn).

‘’Im Schloss’’ (Le château) : Cet ancien château qui faisait partie intégrante du Duché de

Lorraine appartenait à d’illustres familles lorraines : de Mengen, de Dalem, de Haraucourt, de

la Leyen, Thiard comte de Bissy, de Choiseul, de Betz, de Lasalle. Son aspect a changé au fil

des ans bien qu’on puisse encore aujourd’hui définir les contours.

‘’De Millen’’ appelé ‘’Dalemer Mühle’’ (Le moulin, ma maison natale).

Les habitants du moulin prenaient tous, de génération en génération, le surnom de ‘’Millen’’:

Millen Mathis et sa femme Millen Greht, Millen Matz, Millen Anschlick, Millen Gérard.

C’est certainement, avec le château, le bâtiment le plus ancien du village. Nous avons pu nous

procurer aux Archives Départementales à Nancy la copie d’un parchemin daté de 1230 par

lequel le Duc de Lorraine Mathieu donne à son maire Aubert de Dalem et à ses héritiers

pleins pouvoirs et tous droits sur le moulin de Dalem.

Copie du parchemin de 1230

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A Dalem, il n’y a pas de rivière ou cours d’eau régulier avec assez de débit pour activer un

moulin à eau. Or on ne pouvait imaginer une seigneurie avec un château sans moulin car ce

dernier était une source de revenu conséquente et faire de la farine était une nécessité. Il a

donc fallu beaucoup d’ingéniosité pour construire et activer un moulin dans ces conditions. Il

a fallu que le constructeur ait les moyens et le droit d’entreprendre une telle entreprise. Les

seigneurs du lieu avaient tous les droits et tous les pouvoirs à cette époque.

Au village, il y a 3 rivières sauvages : le Glederbach qui prend sa source dans la forêt de

Téterchen, le ruisseau descendant de Tromborn (Trombora Greht) et celui venant du ravin de

Beltz. Ces deux derniers se rejoignaient en bas de la route de Tromborn dans un grand

déversoir qui se trouvait à proximité de l’actuel étang communal. Les deux ruisseaux

rassemblés longeaient la forêt et traversaient la route de Téterchen à hauteur de la maison

Bock-Noël puis se jetaient dans le Glederbach pour gonfler ce dernier. A 200 mètres environ

de cette jonction, il y avait une déviation du Glederbach, réglée par un barrage, vers le canal

du moulin. Le canal du moulin se dirigeait vers le moulin presque à l’horizontale. Un obstacle

sérieux se présenta à mi-parcours sous la forme d’une imposante masse de rocher que l’on ne

pouvait contourner. La main-d’œuvre ne faisant pas défaut, une galerie de 1 mètre de haut et

55 cm de large fut creusée sur 30 mètres à travers ce rocher, appelée ‘’Redloch’’. Enfin le

canal débouchait dans un étang artificiel situé en face de l’ancien cimetière. Le débit de l’eau

vers le moulin était réglé par une vanne, l’eau traversait la rue du Homberg par un fossé

couvert d’un madrier pour permettre la circulation des paysans et de leurs matériels. Des

chenaux en bois conduisaient l’eau le long de la maison d’habitation du moulin sur la roue à

aubes. Les supports en pierres de taille de ces chenaux sont encore visibles. En aval du

moulin, l’eau en excédent de l’étang et celle du moulin étaient évacuées par un fossé qui

contournait le château pour se déverser dans la Schlosserbach.

Une visite pour établir l’état des lieux fut faite en 1765. On y constata que le moulin était

équipé d’un jeu de meules : la meule gisante (celle qui était immobile) mesurait 7 pouces un

quart d’épaisseur, soit environ 18 cm 50, la meule volante (celle qui tournait) quand à elle

mesurait 9 pouces un demi, soit environ 24 cm. Le diamètre était environ de 1 m 30.

L’exploitation du moulin se faisait encore en 1882 par le meunier Engel. Ce dernier avait des

problèmes avec la municipalité. En effet, le ruisseau qui traversait le chemin vicinal de Dalem

à Téterchen débordait souvent et rendait la route impraticable. Pour remédier à cet

inconvénient, la commune réclama la régulation du moulin. Des tractations s’en suivirent par

le biais du Directeur du Canton. Finalement en 1886, la réglementation du moulin fut

acceptée et exécutée par le meunier Engel.

Au fil du temps, le moulin et le bâtiment subirent de nombreuses et d’importantes

transformations, de modernisation et de confort.

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Quelques noms de meuniers et de propriétaires qui se sont succédés: -1230 AUBERT de DALEM, Maire de Dalem.

-1600 SPELTZ Heinrich, meunier.

-29.08.1688 Bail à MORLANG Léger par le Seigneur de Haraucourt,

-1695 HUMBERT François de Merten,

-1696 PHILIPPEN Michel °° CLOCK Margaretha,

-1709 NIMSGERN Jean Georges, meunier,

-1713 NIMESGERN Jean Georges

-1721 NEUREUTER Jean Georges °° BECKER Marguerite, meunier

-14.10.1738 GOUTH Valentin de St Avold et à Françoise CAYETTE sa femme

-1745 JAGER Jacques °° CASPAR Anne, meunier

-1747 NIMESGERN Pierre, il vends son bail (3E819)

-21.03.1747 RICHARD Jean de Schwerdorf, en bail pour 6 ans de Nimesgern P. (3E819)

-1765 FIACRE Philippe, meunier

-1835 NEUMANN Jean, Boulay, meunier °° Marie Madeleine SEITZ

-1843/56 PETH Nicolas °° KOCH Anne Marie, meunier locataire

-1847 KOENIG Jean, meunier °° Gertrude JACQUES

-1867 LAFONTAINE Jean, meunier°° KOENIG Anna de Freistroff

-1870 JAGER Sébastien, Coume, meunier °° Margaretha LAFONTAINE

-1883 ENGEL Nicolas, meunier °° SCHERTZ Maria

-02.07.1895 SCHMITT Mathias °° JACOBS Margueritte ; arrêt des activités meunières

-1929 MAAS Mathias °° SCHMITT Angélique

-1960 MAAS Jean-Marie °° BORGER Joséphine

Plan cadastral du village (1830)

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En bleu : Cheminement de l’eau alimentant le moulin par un canal artificiel.

Galerie creusée dans le rocher ‘’ Redelloch’’

Canal du moulin : entrée de la galerie Canal du moulin : vu de l’intérieur

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Pierres supports des chenaux

Initialement, il y en avait cinq.

Dans le sous-sol du moulin, on peut encore

voir deux des quatre piliers en pierre de taille

qui supportaient les meules. Les pierres

mesurent 70 cm x 70 cm x 40 cm

Meule trouvée au château de Dalem dans le jardin Hoffmann.

Elle mesure 1 m 35 de diamètre pour

27 cm d’épaisseur.

Elle provient certainement du moulin de Dalem.

Il s’agit d’une meule gisante.