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Comment s’est infléchi le nouveau régime des autorisations de changement d’usage des immeubles à Paris ? Pierre Morel : Pour faire court, la régle- mentation désormais en vigueur se révè- le à la fois d’une plus grande complexi- té et d’une plus grande subtilité. Certes, d’une précision accrue sur certains points, elle comporte aussi des non- dits/non-écrits offrant des marges d’in- terprétation. Ces « silences » du texte peuvent parfois s’avérer plus détermi- nants que l’énoncé formel des articles de la réglementation. Une difficulté réside, en effet, dans le caractère discré- tionnaire de la décision au regard de certains critères qui restent flous, sub- jectifs et souvent invérifiables dans leur application. C’est le pouvoir des ser- vices compétents de la Mairie de Paris de justifier, pour une même situation, tant une décision d’autorisation qu’une décision de refus. A noter, par ailleurs, que dans la capitale, le régime d’autori- sation permettant d’affecter temporaire- ment à l’habitation des locaux destinés à usage autre que l’habitation pour une durée n’excédant pas 15 ans - supprimé dans la réforme – a été rétabli par la loi Macron. Tout d’abord, les définitions ayant leur importance, quelles sont les catégories de locaux reconnues par la réglementation ? P. Morel : Il n’existe plus de distinction entre locaux à usage administratif, professionnel ou commercial. Il n’y a plus que deux catégories : les locaux à usage d’habitation et les locaux à usage autre que l’habitation. Un local est à usage autre que l’habitation : - s’il a été construit avant 1970, de par ce qu’il était au 1 er janvier 1970 ou de par ce qu’il est devenu, depuis 1970, à la faveur d’une autori- sation de changement d’usage ; - s’il a été construit après 1970, en vertu de son permis de construire ou de sa déclaration préalable de travaux et à condition que sa commercialité n’ait pas été cédée depuis. Les textes ou la jurisprudence Décembre 2015 Paris : la réforme du changement d’usage Paris est la ville pionnière en France pour l’exercice de règles de changement d’usage des locaux d’habitation. Une modification du règlement municipal régissant les autorisations de changement d’usage, approuvée par le Conseil de Paris en novembre 2014, est applicable depuis le 1 er janvier 2015. Pierre Morel, fondateur de Soveico, société notamment spécialisée dans la cession de commercialité, décrit les conséquences de cette évolution. SOVEICO SOVEICO

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Comment s’est infléchi lenouveau régime des autorisationsde changement d’usage desimmeubles à Paris ?Pierre Morel : Pour faire court, la régle-mentation désormais en vigueur se révè-le à la fois d’une plus grande complexi-té et d’une plus grande subtilité. Certes,d’une précision accrue sur certainspoints, elle comporte aussi des non-dits/non-écrits offrant des marges d’in-terprétation. Ces « silences » du textepeuvent parfois s’avérer plus détermi-nants que l’énoncé formel des articlesde la réglementation. Une difficultéréside, en effet, dans le caractère discré-tionnaire de la décision au regard decertains critères qui restent flous, sub-jectifs et souvent invérifiables dans leurapplication. C’est le pouvoir des ser-vices compétents de la Mairie de Parisde justifier, pour une même situation,tant une décision d’autorisation qu’unedécision de refus. A noter, par ailleurs,que dans la capitale, le régime d’autori-sation permettant d’affecter temporaire-ment à l’habitation des locaux destinés àusage autre que l’habitation pour une duréen’excédant pas 15 ans - supprimé dans laréforme – a été rétabli par la loi Macron.

Tout d’abord, les définitions ayant leur importance, quelles sont les catégories de locaux reconnues par la réglementation ?P. Morel : Il n’existe plus de distinction entrelocaux à usage administratif, professionnel oucommercial. Il n’y a plus que deux catégories :

les locaux à usage d’habitation et les locaux àusage autre que l’habitation. Un local est àusage autre que l’habitation :- s’il a été construit avant 1970, de par ce qu’ilétait au 1er janvier 1970 ou de par ce qu’il estdevenu, depuis 1970, à la faveur d’une autori-sation de changement d’usage ;- s’il a été construit après 1970, en vertu deson permis de construire ou de sa déclarationpréalable de travaux et à condition que sacommercialité n’ait pas été cédée depuis.Les textes ou la jurisprudence

Décembre 2015

Paris : la réforme du changement d’usage

Paris est la ville pionnière en France pour l’exercice de règles de changement d’usage des locaux d’habitation.

Une modification du règlement municipal régissant les autorisations de changement d’usage, approuvée par le Conseil de Paris en novembre 2014, est applicable depuis le 1er janvier 2015.

Pierre Morel, fondateur de Soveico, société notamment spécialisée dans la cession de commercialité, décrit les conséquences de cette évolution.

SOVEICO

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sont pour autant plus complexes !Quelques exemples :- un bail commercial destiné exclusive-ment au logement de fonction est àusage d’habitation ;- un bail mixte est à usage commercialpour le tout qualifié d’indivisible, autre-ment dit, le statut de bail commercialgouverne ici la totalité du rapport loca-tif. Toutefois, si le local réservé à l’ha-bitation devait être converti à un nouvelusage, ce logement devrait être com-pensé ;- les locaux meublés sont des locauxd’habitation s’ils constituent la résiden-ce principale du preneur et font l’objetd’un bail d’un an minimum, réduit àneuf mois pour les étudiants ;- un local situé au sous-sol d’unimmeuble et faisant corps avec lui a lecaractère de local d’habitation. Il nepeut donc être l’objet d’un changementd’usage sans autorisation.

Pouvez-vous détailler lesnouvelles règles de compensation ?P. Morel : La priorité de la Mairie deParis de ne pas aggraver la pénuriede logements et de favoriser lamixité sociale a dicté un renforce-ment cumulatif des conditionsnécessaires à la recevabilité d’unecompensation. L’examen de critèresà la fois qualitatifs et géographiquespréside à l’appréciation de chaquecas de figure. Les services adminis-tratifs exigent une qualité «équiva-lente» des deux locaux concernés etune concomitance aux surfacesd’habitation transformées. Cettequalité s’évalue au regard de l’envi-ronnement, de l’aspect du bâtiment,de sa localisation. De plus, une exi-gence d’unité de logement est à res-pecter. Autrement dit, il faut consi-dérer un logement en totalité et nonune partie d’un existant. Enfin, lecadre de vie doit être décent confor-mément aux normes définies par ledécret du 20 janvier 2002.Concernant les critères géogra-phiques, ils dépendent de la localisationou non dans un secteur de compensa-tion renforcée (SCR). Concrètement,trois grandes zones sont à considérer(voir carte page 3) :- hors SCR : la compensation est de

1 m2 pour 1 m2 de logementtransformé, située unique-ment dans l’arrondissementde transformation (10è

nord, 11è, 12è, 13è, 14è (par-tiel), 17è nord, 18è (hormisMontmartre), 19è, 20è.- en SCR «simple» : 3è, 10è

sud, 14è (partiel), 15è, 16è, 17è sud, 18è

(Montmartre). La compensation est de 2 m2 pour 1 m2 de logement supprimédans l’arrondissement concerné, sauf siles locaux de compensation sontconvertis en logements locatifs sociauxdans l’arrondissement ou dans le SCR.Dans ce cas, la compensation requiseest de 1 m2 pour 1 m2

- en SCR “zone 50 % dans l’arrondisse-ment” : cette zone créée au 1er janvier 2015concerne huit arrondissements, 1er, 2è, 4è,5è, 6è, 7è, 8è, 9è. Elle est plus contraignante.Au moins 50 % de la surface en voie deconversion doit être compensée dans l’ar-rondissement de transformation. Le soldepeut être compensé dans tout le SCR, uni-quement pour du logement social.L’application de la règle de 1 pour 1 ne

s’applique pas pour les compensationsentre copropriétaires au sein d’unemême copropriété. Dans ce contexte, les compensationsréalisées par les bailleurs sociaux avoi-sinent 100 M€ depuis 2009.

Au-delà des bureaux, qu’enest-il des locations meublées decourte durée ?P. Morel : Elles sont soumises au contrôlede l’usage conformément aux dispositionsde la loi Alur. La compensation doit impé-rativement être localisée dans le mêmearrondissement que celui du logement vouéà devenir un «hébergement meublé hôtelier»de courte durée et ce, quel que soit l’arron-dissement. Ce durcissement vise à mainte-nir un nombre de logements au moins iden-tique dans un même arrondissement.

Les professions libéralesbénéficient-elles d’un régime particulier ?P. Morel : Une autorisation peut êtreaccordée, exclusivement à titre personnel,

aux personnes exerçant l’une des 26 professions dites réglementées : avo-cat, avocat au Conseil d’Etat et à laCour de Cassation, avoué, commissaire-priseur judiciaire, huissier de justice,notaire, greffier de tribunal de commerce,

57, 59 et 59 bis boulevard Malesherbes, Paris 8

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tions, ayant donné lieu à compensationeffective et en cours de validité au10 juin 2005 ont un caractère réeldepuis cette date. Il n’est plus possiblede s’appuyer sur ces dérogations si leurbénéficiaire a revendu les locaux ou s’illes a quittés entre la date de dérogationet le 10 juin 2005.

Comment les locaux d’habitation en rez-de-chausséesont-ils traités ?P. Morel : L’autorisation de changementd’usage – sans compensation – peut êtreobtenue, mais celle-ci a un caractère per-sonnel. Sont concernés sans limite desurface, (sauf dans le 8è arrondissementoù la surface maximum est de 50 m2)toutes les professions libérales réglemen-tées ou non, les activités artisanales, les

associations et fondations compte tenude l’absence de but lucratif.

Sur un plan pratique, auprès de quel service de la Villefaut-il s’adresser ?P. Morel : Les demandes d’autorisationde changement d’usage et les dossiersrelatifs aux autorisations d’urbanismeou de travaux doivent être déposésauprès d’un guichet unique, le PASU,Pôle Accueil et Service à l'Usager, de laDirection de l'urbanisme de la Mairie deParis. Toutefois, les travaux autorisés autitre du permis de construire ou de ladéclaration préalable de travaux ne peu-vent démarrer avant l’obtention de l’au-torisation de changement d’usage.La législation des changements d’usageest indépendante de celle des agrémentsde bureaux, agrément promoteur-inves-tisseur, et des redevances pour créationde bureaux.A noter également que le changementd’usage doit être obtenu préalablementà la signature du bail commercial. A défaut, le bail sera nul et la responsa-bilité du bailleur ainsi que celle duconseil seront engagées.

Quelles sont les sanctions en cas d’infraction ? P. Morel : Les pénalités applicables encas de modification d’usage d’un bien

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pathe, psychologue, psychomotricien, etpsychothérapeute.Pour toutes ces dernières professions,les autorisations sont exclusivementaccordées aux personnes physiques etne sont pas cessibles. Obtenue sanscompensation, l’autorisation de change-ment d’usage cesse de produire soneffet lorsqu’il est mis fin à l’activitéprofessionnelle du bénéficiaire. Le localconcerné reprend alors d’office sonaffectation d’origine en habitation. Lesconditions de seuil de superficie sont,pour leur part, inchangées.

Qu’en est-il, toujours pourles professions libérales, s’il y a eu compensation ?P. Morel : L’autorisation délivrée aveccompensation revêt un caractère réel.Elle est alors attachéeaux locaux et non à lapersonne depuis l’or-donnance du 8 juin 2005. Toutefois,seules les dérogations valant autorisa-

Les pénalités peuvent peser sur lebailleur comme sur les mandataires.“

Hors Secteur de compensation renforcée : la compensation est de 1 m2 pour 1 m2 de loge-ment supprimé, située uniquement dans l’arrondissement de transformation.

Secteur de compensation renforcée : la compensation est de 2 m2 pour 1 m2 de logementsupprimé, sauf si les locaux de compensation sont transformés en logements locatifssociaux, dans ce cas la compensation requise est de 1 m2 pour 1 m2.

Zone 50 % dans l’arrondissement : au moins 50 % de la surface transformée devra êtrecompensée dans l’arrondissement de transformation. Le solde peut être compensé danstout le Secteur de compensation renforcée uniquement pour du logement social. Cettezone entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2015

Le régime de changement d’usage avec compensation(article 2 du règlement municipal)

Source : Mairie de Paris, Direction du logement et de l’habitat

17è

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18è

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administrateur judiciaire et mandataireliquidateur, chirurgien-dentiste, infir-mier, médecin, masseur-kinésithérapeu-te, pédicure-podologue, orthophoniste,directeur de laboratoire d’analyses debiologie médicale, orthoptiste, diététi-cien, sage-femme, vétérinaire, pharma-cien, expert agricole et foncier ou fores-tier, commissaire aux comptes, expert-comptable, géomètre-expert, architecte,conseil en propriété industrielle. Huit autres professions libérales peu-vent bénéficier du même dispositif souscondition de produire les diplômes affé-rant à leur métier : agent général d’assu-rance, chiropracteur, conseil en investis-sement financier, ergothérapeute, ostéo-

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convoitée relève du résidentiel. Notreactivité porte aussi sur les hôtels et leslocations meublées touristiques etd’affaires se substituant à de l'habita-tion classique. Pour la recherche de compensation,Soveico s’appuie sur son réseau perma-nent d'agents, notaires, promoteurs etautres acteurs du marché immobilier. Actuellement, pour un dossier simpleet une fois les éléments de la compen-sation déterminés, le délai moyend’instruction entre le dépôt et la déci-sion finale va de trois à dix-huit mois.

sans autorisation peuvent peser sur lebailleur comme sur ses mandataires.Les professionnels de l’immobilier(notaire, agence immobilière, adminis-trateurs de biens,…) ont un devoir deconseil et engagent, de fait, leur respon-sabilité. Ils sont tenus de vérifier si leslocaux loués sont bien en totalité àusage commercial. Or, la Ville de Paris,bénéficiaire du paiement des amendeset astreintes depuis mars 2014, en appli-cation de la loi Alur, a intensifié lescontrôles et la poursuite des contreve-nants. Auparavant, ces sommes reve-naient à l’Anah.La législation s’applique sous le contrô-le du juge administratif dans le ressortduquel se trouve l’immeuble compor-tant des locaux irrégulièrement transfor-més. Elle prévoit :- des sanctions civiles de nullité,- des amendes soit, selon l’article L 651-2 du CCH, 25 000 € par infrac-tion (à usage d’habitation),- des astreintes de 1 000 €/m2 par jourde retard et par m2 utile,- une remise en état des lieux pour unretour à l’usage d’origine,- des sanctions pénales et financières. A ce titre, un cas extrê-me a été condamné àverser 6 930 000 € !

Paris est-elle laseule ville en Franceà appliquer une telleréglementation ?P. Morel : Le contrôle de changement d’usagedes immeubles est appli-cable dans les 10 villesde plus de 200 000 habi-tants et effectivement àMarseille depuis mai2009, à Nice depuis jan-vier 2010 et à Lyon en date de juin 2011.

Comment intervient Soveicodans ce contexte ? P. Morel : Chaque dossier appelle unesolution unique qu’il convient d’éla-borer dans les moindres détai ls . La mission de Soveico comporte deuxgrandes phases : d’une part, l’audit etla recherche de commercial i té , àsavoir de surfaces susceptibles d’êtreproposées en compensation y compris

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Soveico1 rue Octave Feuillet - 75016 PARIS

Tél. : 01 45 20 82 40 / Fax : 01 45 20 69 93

Email : [email protected] E

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la négociation du prix de la transac-tion, et d’autre part la rédaction desconventions de cession de commercia-lité, le montage du dossier de deman-de d’autorisat ion de changementd’usage et son instruction auprès desservices de la Ville. Notre expériences’est forgée à l’occasion de nom-breuses missions réussies dans lacapitale notamment sur des extensionsde bureaux de sociétés au sein d'unmême immeuble lorsque la surface

Le délai d’instructionpour un dossier simplede compensation va

de trois à dix huit mois

15 rue Bleue, Paris 9. Compensations : 10 bis rue DescombesParis 17 (24,05 m2), 7 rue d’Argenteuil Paris 1 (96,90 m2), 13 rue Auber Paris 9 (317,40 m2)