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Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 2

Passage d’une logique top down à une

logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet

urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY

Chloé Michel

Mémoire présenté en vue de l’obtention de la première année de Master

Urbanisme : Stratégie, projet, maîtrise d’ouvrage

Soutenu le 08.09.16

Sous la direction de Ghislaine Deymier

Membres du jury : Ghislaine Deymier – David Miet

Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme.

Université Michel de Montaigne - 33607 Pessac

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 3

Remerciements

En premier lieu, je tiens à remercier Ghislaine DEYMIER, pour avoir encadré ce mémoire et

m’avoir guidée dans l’élaboration de ce travail universitaire.

Je remercie particulièrement David MIET de m’avoir prise en stage à l’agence Villes Vivantes à

Bordeaux. Cette expérience fut réellement enrichissante, par la découverte d’un urbanisme

alternatif qui correspond entièrement à mes attentes professionnelles, tant par la démarche

que par la dynamique de travail. Je remercie également toute l’équipe de l’agence Villes

Vivantes, Thomas, Céline, Paul, et Julie, pour avoir partagé leurs connaissances et pour leur

bonne humeur tout au long de cette aventure. Un remerciement particulier à Anaëlle, pour

m’avoir confié les secrets du story telling !

Un grand merci aux PLUmés de Riec-sur-Belon de m’avoir reçue chez eux, dans leurs maisons

et leurs jardins et pour avoir témoigné dans le cadre de ce mémoire. Je leur suis vraiment

reconnaissante et j’espère avoir su leur donner la parole à travers ce travail.

Je remercie vivement ma famille, pour leurs conseils avisés et les longues discussions que nous

avons eues sur ce sujet. Leur intérêt pour mon travail fut un soutien et une aide précieuse pour

la rédaction de ce travail.

Une grande pensée à Lison, pour sa présence tout au long de la rédaction de ce mémoire, nos

réunions de travail ont été un réel moteur et nos discussions d’un grand intérêt pour la conduite

de ce travail. Egalement un grand merci pour avoir assuré l’impression de ce manuscrit, pendant

que j’étais à l’autre bout de la France.

Plus généralement, je remercie tous mes proches qui s’intéressent sincèrement à mes études

et à mon domaine professionnel, de m’entourer et me soutenir tout au long de mes études

ainsi que l’équipe du service urbanisme d’Annemasse, pour m’avoir permis de découvrir le

travail en collectivité et l’agence Villes Vivantes.

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 4

Table des matières

Introduction ....................................................................................................................... 7

I. De l’étalement urbain à la densification, répondre aux besoins des habitants ............ 9

A. Vivre dans une maison, le rêve français ................................................................... 9

a. La préférence pour l’habitat individuel ................................................................... 9

b. De la croissance urbaine à l’étalement urbain ...................................................... 12

c. La lutte contre l’étalement urbain et la densification des territoires ................... 17

B. Intégrer les habitants au projet urbain, une nécessité ............................................ 21

a. Un rejet de la densité par l’habitat collectif .......................................................... 21

b. Intégrer les habitants au projet urbain : l’outil de la concertation ....................... 24

c. Le cas des PLUmés : une limite de la législation actuelle ...................................... 27

II. Le BIMBY ; concilier habitat individuel et densification des territoires ...................... 32

A. Le BIMBY comme outil de densification ................................................................. 32

a. Le BIMBY : une méthode qui trouve du sens avec les enjeux actuels ................... 32

b. Une méthode de co-production entre les habitants et la collectivité................... 36

B. L’intégration des habitants dans la démarche BIMBY ............................................. 41

a. Construire une relation sympathique : les entretiens entre architectes et

habitants ………………………………………………………………………………………………………………....…41

b. Quels résultats suite aux concertations avec les habitants ................................... 44

III. De l’intégration des habitants au projet urbain à l’intégration de la collectivité aux

projets des habitants : passage à une logique bottom up ................................................. 51

A. Passage à une logique bottom up, comment ça marche ?....................................... 51

a. Vers un changement de paradigme et passage à une logique bottom up ............ 51

b. Empowerment : redonner la capacité d’agir ......................................................... 53

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 5

B. Suivi animation : quelles méthodes mettre en place ?............................................ 56

a. Le BIMBY s’installe à Périgueux ! ........................................................................... 56

b. Un speed dating à Doué la Fontaine ...................................................................... 58

Conclusion générale ......................................................................................................... 62

Bibliographie .................................................................................................................... 64

Table des illustrations ...................................................................................................... 66

Annexe 1 : Liste des acronymes ........................................................................................ 67

Annexe 2 : Retranscription de l’entretien avec Denis Caraire, urbaniste OPQU................. 68

Annexe 3 : retranscription de l’entretien avec Mr et Mme Morvant – Rioual.................... 76

Annexe 4 : Retranscription de l’entretien avec Mr et Mme Harnay................................... 88

Annexe 5 : retranscription de l’entretien avec une habitante de Riec sur Belon, membre de

l’association des PLUmés.................................................................................................. 97

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 6

« Avec un “cerveau collectif”, on peut réaliser de grandes choses. […] Il serait

stupide de ne pas profiter de cette somme d’expérience et de savoir ! »

Zef Hemel

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projet urbain : L’exemple des démarches BIMBY

Ayant étudié la notion du BYMBY pendant mes études d’architecture, je l’ai réellement

découverte en tant que démarche urbanistique pendant mon stage à l’agence Villes Vivantes.

Ce stage de Master 1, inclus dans ma formation à l’Institut d’Aménagement de Tourisme et

d’Urbanisme, a été réellement enrichissant par la découverte d’un urbanisme alternatif.

Le BIMBY est souvent décrié par les professionnels de l’aménagement puisqu’il apparait comme

une méthode de densification non maîtrisée et peu encadrée, ce qui peut apparaitre comme

vrai, étant donné que la division parcellaire est un phénomène historique de développement

des villes. Le patrimoine foncier est souvent familial, notamment dans les milieux ruraux de nos

jours : il est courant de diviser son grand terrain pour en donner un morceau à chacun de ses

enfants, qui feront de même par la suite.

Si ce phénomène existe, il est important alors de l’encadrer afin de faire se rejoindre intérêt

individuel et collectif. C’est la mission que se donne Villes Vivantes en développant un

urbanisme participatif avec les habitants, acteurs principaux de ce mode de développement.

Plus que la consultation, la concertation ou la participation, l’habitant est maitre d’ouvrage dans

la création de logement de sa commune. L’accompagnement par des professionnels permet de

réaliser des projets intégrés à l’environnement et respectueux du cadre de vie. Faire rimer

densité avec beauté est le mot d’ordre, puisqu’aujourd’hui le BIMBY a été décliné en Beauty in

my back yard : faire quelque chose de beau dans mon jardin.

En plus d’être un urbanisme participatif, le BIMBY est un urbanisme alternatif par sa production

de logements en filière courte. La production de nouveaux logements se fait de l’habitant à

l’habitant, avec peu, voire aucun intermédiaire.

Nous allons nous intéresser au fil de ce mémoire à l’évolution de l’intégration des habitants au

projet urbain, avec une tendance aujourd’hui à ne plus être dans une logique descendante « top

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down » mais dans une logique ascendante « bottom up », partant de l’habitant. Cette

illustration s’appuiera sur l’exemple de la démarche BIMBY telle que je l’ai découverte au cours

de mon stage.

Les français aspirent largement à vivre dans une maison individuelle, favorisant ces dernières

années un étalement urbain considérable ayant conduit à des mesures politiques en faveur de

la densification. Après être revenue sur ce phénomène, nous étudierons les politiques mises en

œuvre pour intégrer les habitants au projet urbain et leurs limites (Partie I). Ensuite, nous nous

intéresserons à la démarche BIMBY comme outils de densification par la maison individuelle,

puis comme méthode de co-production avec les habitants répondant aux enjeux actuels (Partie

II). Enfin nous analyserons la nécessité du passage à une logique ascendante bottom up dans la

place donnée aux habitants et le changement de paradigme que cela implique, avant d’étudier

les méthodes employées lors des démarches BIMBY (Partie III).

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I. De l’étalement urbain à la densification, répondre aux besoins des habitants

A. Vivre dans une maison, le rêve français

a. La préférence pour l’habitat individuel

A la question « Quel type d’habitat souhaiteriez-vous acquérir ? », les français répondent

en grande majorité par la maison. Ce constat général, démontré par plusieurs enquêtes depuis

les dix dernières années, montre que les français ont une préférence majoritaire pour l’habitat

individuel. L’enquête « Conditions de vie et Aspirations des français » menée par le centre de

recherche pour l’étude et l’observation des conditions de

vie (CREDOC) en juillet 2008, démontre que 83% des non

propriétaires souhaitant accéder à la propriété,

choisiraient l’habitat individuel, synonyme de « qualité

de vie, d’espace et de convivialité »1. Cette enquête,

menée auprès d’un échantillon représentatif de 2011

personnes majeures a également révélé que ce consensus se retrouve dans toutes les

catégories de la population. Les plus sensibles à cette forme d’habitat sont les 25-39 ans, les

ouvriers, les ménages avec de jeunes enfants ou encore les travailleurs indépendants pour

lesquels le taux atteint 95%. Le choix du logement collectif serait favorisé par le lieu de

résidence des personnes interrogées, par exemple vivre dans une grosse agglomération, en

centre-ville ou occuper déjà actuellement un appartement. Cependant, cette préférence reste

minoritaire face au choix de la maison individuelle.

Dans cette préférence, on distingue deux types de logements : le logement individuel

pur défini par l’INSEE2 comme étant une « maison individuelle résultant d’une opération de

construction ne comportant qu’un seul logement » et le logement individuel groupé, défini,

toujours par l’INSEE, comme une « maison individuelle résultant d’une opération de

construction comportant plusieurs logements individuels ».

Parmi les principales motivations, on retrouve la dimension patrimoniale, « penser à

l’avenir » qui reste le premier dessein de l’accession à la propriété. Par ailleurs, on constate

également une préférence des ménages à construire leur maison. Entre les années 2003 et

1 CREDOC, Enquête « Conditions de vie et aspirations des français » : quelques opinions et aspirations en matière de logement, juin 2008 2 Institut national de la statistique et des études économiques

Enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français en matière de

logement » réalisée par le Centre de Recherche pour l’Etude et

l’Observation des Conditions de Vie (CREDOC), à la demande du Ministère du Logement et de la Ville. Juillet 2008

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 10

2013, la production de maison individuelle représente une part de 56% sur la production totale

de logements en France3. Le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les

constructions publiques (CERTU) a analysé pour l’année 2008 la production de logements en

mètres carrés habitables : le logement individuel pur représente 56,8% de cette production,

contre 12.2% de logements individuels groupés4. C’est ainsi ¾ de la production de maisons

individuelles qui est construite en diffus, en dehors de toute procédure d’aménagement. Dans

l’imaginaire, l’essentiel de la production de maisons se fait en lotissement car cette forme reste

la plus visible et regroupée, cependant on observe que la production en diffus est bien plus

importante et reste le modèle dominant de production de logements individuels, échappant à

toute planification.

Cette filière courte de production de logements a longtemps été encouragée par les politiques

publiques. En 1940, dans un contexte de retard des constructions et des nombreuses

destructions liées à la Seconde Guerre Mondiale, un investissement public massif est engagé

pour combler la pénurie de logements et favoriser l’accession à la propriété. C’est

principalement par l’aide à la pierre que l’Etat va intervenir. En fonction des catégories de

revenus, cette aide allait jusqu’à couvrir 60% du coût du logement5. La réforme Barre de 1977

va apporter un nouvel outil ; le prêt d’accession à la propriété qui redirige les politiques vers

l’aide à la personne. Ce prêt sera remplacé en 1995 par le prêt à taux zéro. Depuis la fin du XXè

siècle, ce sont pricipalement les aides fiscales qui se développent dans le but d’inciter les

investisseurs privés à s’engager dans le marché du logement. Ces lois cumulées à la production

industrielle de maisons individuelles vont mener à une surproduction de logement en France.

En 1999, un quart du parc immobilier existant a été construit entre 1960 et 1975, avec pour

année record 1973, où 556 000 logements seront construits6.

Cette production est encore actuellement encouragée par le gouvernement. La loi n°2013-569

du 1er juillet 2013 a permis l’accélération des projets de construction de logements, avec pour

objectifs de favoriser l'accès à la propriété, de simplifier les règles de construction, de

poursuivre la construction de logements sociaux et de renforcer la mobilisation du foncier

public. Un plan de relance en faveur du logement est mis en place le 29 août 2014, présenté

3 Service de l’observation et des statistiques, ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, Observations et statistiques : logement – construction, 2016. 4 CASTEL Jean-Charles, Ville dense, ville diffuse : les deux faces de l’urbanisation, CERTU, 2010 5 COUET Lucie, Les aides publiques au logement en France, 2007 6 Maurice GOZE, Cours magistral Politique du logement en France, IATU 2015-2016

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par Manuel Valls, ayant pour objectifs de relancer la construction et de favoriser l’accession à

la propriété7.

Si l’on observe la préférence en termes de situation géographique, celle-ci se porte en majorité

vers un mode de vie non urbain. Si 36% des interrogés souhaitent vivre en ville ou centre-ville,

il n’en reste pas moins 64% qui préfère la vie en périphérie voir la campagne à 33%. Cette

préférence à construire sa maison en filière diffuse et loin des centres, couplée à un foncier qui

se raréfie dans les centres urbains et dont les prix explosent, va amener les ménages à bâtir

toujours plus loin des centres.

7 Gouvernement, Dynamiser les villes et les quartiers, la construction de logements, 2016

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b. De la croissance urbaine à l’étalement urbain

La préférence pour la maison individuelle combinée à une généralisation de l’usage de

l’automobile a eu pour effet d’initier l’étalement urbain. Ce processus se développe en France

dans les années 19708, période de forte construction d’infrastructures routières. Les formes

d’étalement urbain peuvent être variées, par exemple par les ZUP (Zone à Urbaniser en Priorité)

organisée grâce à l’engagement de l’Etat9 et permettant la création de nouveaux quartier de

logements ex nihilo. Créées en 1958 pour répondre à la crise du logement, elles disparaitront

au profit des ZAC (Zone d’aménagement concerté) en 1967. Cependant, la forme urbaine ayant

majoritairement contribué à l’étalement urbain concerne l’habitat individuel groupé ou diffus.

Les causes de l’étalement urbain sont multiples. Ce processus dépend de nombreux facteurs

micro- et macro-socio-économiques. Si l’on retrouve des logiques économiques combinées à

une mobilité facilitée, un des facteurs principaux reste la forte demande des français à vivre en

maison individuelle.

Afin de trouver l’habitat qui leur correspond au mieux, les ménages sont contraints de s’éloigner

des centres et la localisation se retrouve plus souvent subie que choisie. Plusieurs facteurs

entrent en jeu concernant la localisation du lieu de vie, le prix de l’immobilier, décroissant au

fur et à mesure de l’éloignement du centre, mais aussi l’accessibilité aux aménités, plus

nombreuses dans les centres et également à l’emploi. Le choix de la localisation du lieu de vie

dépend également du cadre de vie recherché en fonction du cycle de vie du ménage. Pour un

8KORSU Emre, MASSOT Marie-Hélène, ORFEUIL Jean-Pierre, La ville cohérente, PREDIT, 2012 9 LAUGIER Robert, L’étalement urbain en France : synthèse documentaire, 2012

Définir l’étalement urbain :

Alors que la croissance urbaine peut se réaliser sans augmentation de la surface urbanisée (par

densification), l’étalement urbain représente une extension urbaine en continuité avec la ville

compacte. Le périurbain est quant à lui une extension urbaine en discontinuité avec la ville

compacte.

L’étalement urbain est une traduction spatiale de la croissance urbaine mais les deux ne sont pas

à confondre.

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ménage primo-accédant, le coût de l’immobilier peut varier de 1 à 410 entre la ville centre et

une zone pavillonnaire périurbaine.

Figure 1 : Vue aérienne de Bouray-sur-Juine (91)

Un arbitrage s’opère alors entre les coûts des déplacements pendulaires (domicile-travail) et le

coût du logement. Avec la généralisation de l’automobile et le développement des

infrastructures de transport, les vitesses de déplacement ont fortement augmenté.

L’amélioration des vitesses de transport se traduit par un réinvestissement du temps gagné

dans d’autres déplacements et à l’étalement de la zone d’activité potentielle des individus11.

Ainsi, le périmètre d’influence des agglomérations s’est étendu. L’hypothèse soutenue par

Zahavi serait que les ménages réinvestissent le gain de temps favorisé par l’amélioration des

performances de transport dans du transport supplémentaire. Ainsi, l’étalement urbain

résulterait de l’augmentation des vitesses de transport12. D’après C. Clark, « la loi fondamentale

est que la densité tend à décroître comme une fonction exponentielle négative de la distance

au centre de l’espace urbain »13. Il met ici en relation la décroissance de la densité au fur et à

10 LAUGIER Robert, L’étalement urbain en France : synthèse documentaire, 2012 11 DEYMIER Ghislaine, Cours magistral économie et théories spatiales, IATU 2015-2016 12 ibid 13 GOUX Jean-François, Les fondements de la loi de densité urbaine de C. Clark, 1981

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mesure que l’on s’éloigne du centre-ville, souvent recherché par les ménages en termes de

cadre de vie.

L’étalement urbain fait l’objet de nombreuses critiques de natures différentes. Elles concernent

des aspects environnementaux par la consommation d’espace et d’énergie, des aspects

culturels par l’augmentation de l’individualisme ou encore des aspects économiques par

l’impact sur le budget des ménages et des collectivités.

- Artificialisation des zones naturelles et agricoles

L’artificialisation des sols avec la réduction des surfaces agricoles est sans doute l’argument le

plus mis en avant par les politiques nationales. Entre 1992 et 2004, l’artificialisation des sols en

France a augmenté de 20%14. Ces terres artificialisées sont destinées pour moitié à l’habitat, le

plus souvent pavillonnaire, pour un tiers aux activités économiques et équipements sous forme

de ZAC, de zones commerciales ou artisanales, d’équipements sociaux, scolaires et loisirs, le

reste concerne les infrastructures routières, ferroviaires15. Si l’on considère que les impacts sur

la biodiversité sont quasiment irréversibles lorsqu’il y a artificialisation des sols, l’étalement

urbain représente une réelle menace pour les zones naturelles et agricoles.

- Des espaces énergivores

L’augmentation de l’utilisation des transports motorisés pour les déplacements quotidiens liée

à l’étalement urbain a contribué à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Un

habitant d’une couronne périurbaine émet entre 2.1 et 2.7 tonnes de GES par an, alors qu’un

habitant urbain émet entre 1.3 et 2.1 tonnes par an16. La forme diffuse et peu dense des zones

périurbaines, ne favorise pas un développement efficace des transports. Ainsi, plus la densité

humaine est élevée, plus la pollution causée par personne est faible car les trajets effectués

sont plus courts et moins polluants17. Cependant, la densité peut aussi amener un effet de

congestion routière et ainsi favoriser la concentration des émissions polluante, selon son

organisation.

14 Ministère de l’agriculture 15 LAUGIER Robert, L’étalement urbain en France : synthèse documentaire, 2012 16 VERNAISON-REVOLLE P., VERRY D., Réduction des GES liés aux transports : viser juste, CERTU, 2011 17 PROST Brigitte. Quel périurbain aujourd'hui ? / Periurbanisation today. In: Géocarrefour, 2001.

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- Impacts économiques et sociaux

Les impacts économiques pour les ménages concernent principalement les coûts de transport,

un ménage périurbain dépense en moyenne 500€ supplémentaire par an en carburant qu’un

ménage urbain18. Pour les collectivités, le coût est également élevé. En effet, la construction de

nouveaux réseaux engendrés par l’étalement urbain et leur entretien (nettoyage, éclairage et

entretien de l’éclairage, ramassage des déchets, réfection de la voirie) sont un coût important

pour la collectivité d’autant que les recettes récoltées par les taxes (foncière, habitation…) sont

plus faibles que dans les zones denses. Les impacts sociaux sont principalement dus au fait que

certaines populations se retrouvent exclues du centre-ville, en cause les coûts de l’immobilier,

ce qui peut renforcer la ségrégation spatiale d’habitants contraints de partir du centre au

moment d’accéder à la propriété.

Une externalité positive à l’étalement urbain réside dans une certaine maitrise du marché

foncier. Si l’on arrête d’ouvrir de nouveaux terrains à l’urbanisation, les terrains disponibles en

zone déjà urbanisée vont alors prendre de la valeur par le phénomène de rareté, créant ainsi

une bulle spéculative et renforçant les inégalités.

La construction de quartiers éloignés des centres-villes, si elle permet de proposer du logement

abordable pour les ménages, implique de nombreux coûts, autant pour les collectivités via le

financement de l’allongement des réseaux et équipements, mais aussi pour les ménages, qui

multiplient les déplacements pour accéder aux aménités, sans oublier les coûts

environnementaux. Comment inverser cette tendance négative ? Plusieurs réponses ont été

apportées ces dernières décennies, dans le cadre du développement de l’urbanisme durable,

notamment le développement du polycentrisme dans les villes. En effet, l’urbanisation du XXème

siècle a principalement été marquée par un zonage monofonctionnel, surtout dans les

territoires périurbains. Alors que les centres-villes regroupent de multiples fonctions (lieu

d’échange, de commerce, de travail, de loisir, d’animation…), l’idée ici serait de casser la mono

fonctionnalité des zones périurbaines afin de limiter les trajets quotidiens des habitants. Ainsi

différentes propositions d’organisation des grandes villes reposent sur les temps de trajets

maximum à garantir pour les trajets domicile travail. Ainsi, Emre Korsu, Marie-Hélène Massot

et Jean-pierre Orfeuil propose une organisation où chacun serait à moins de 30 minutes de son

18 Etalement urbain : où est le problème ? CEREMA, 2014

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travail19. En conservant la localisation de l’emploi, un logiciel de simulation opère par mutation

dans l’occupation du parc résidentiel et permet de localiser les besoins résiduels de

construction. Florian Rodriguez et Mathieu Zimmer propose eux de fixer à 50 minutes de temps

de trajet maximum supportable pour les habitants, en partant du centre de Paris, puis en

stoppant l’urbanisation au-delà de cette limite20. Ils mettent ici en avant les limites des grandes

villes et métropoles, multipliant les aménités mais aussi les inconvénients quotidiens pour les

habitants.

19 KORSU Emre, MASSOT Marie-Hélène, ORFEUIL Jean-Pierre, La ville cohérente, PREDIT, 2012 20 ZIMMER Mathieu, RODRIGUEZ Florian, Le petit Paris : Tentative probablement inutile de renouveler l’urbanisme contemporain, 2013

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c. La lutte contre l’étalement urbain et la densification des territoires

La principale réponse apportée par les politiques publiques pour lutter contre l’étalement

urbain est la densification des territoires déjà bâtis. En urbanisme, le processus de densification

consiste à faire vivre un plus grand nombre de ménage sur une même surface. On peut

distinguer la densité humaine, (rapport entre le nombre d’habitants et la surface au km²), la

densité de logements (rapport entre le nombre de logements et la surface à l’hectare) et la

densité du bâti (rapport entre le nombre de m² de surfaces construites et la surface au km²). Le

contexte actuel ne permettant pas à la densification de s’imposer par la logique de marchés, il

est alors apparu nécessaire qu’elle soit impulsée par des volontés politiques21. Différentes lois

ont alors affirmé une volonté forte d’aller vers la densification des territoires, ce qui a permis la

création de nouveaux outils.

La prise de conscience des dysfonctionnements générés par l’étalement urbain que nous avons

vu précédemment va amener la législation à favoriser la densification des territoires.

- Loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) 2000

Les principaux objectifs de cette loi sont la lutte contre l’étalement urbain et le mitage des

territoires par le principe du renouvellement urbain. Cette loi promeut une ville plus compacte

et par l’article L121-1 une maîtrise du développement urbain. L’apport législatif majeur de cette

loi a été l’interdiction d’ouvrir à l’urbanisation des zones naturelles ou à urbaniser si le territoire

n’est pas couvert par un Schéma de Cohérence Territorial (SCoT)22. Pour renforcer et inciter les

collectivités territoriales à mettre en place une planification stratégique de leur territoire, la loi

SRU prévoit d’instaurer un principe de constructibilité limitée si le territoire n’est pas couvert

par un PLU ou une Carte Communale. De plus le SCoT peut favoriser l’urbanisation des zones

desservies par les transports en commun et ainsi limiter l’ouverture à l’urbanisation de zones

agricoles ou naturelles.

L’augmentation de la taxe locale d’équipement (TLE) va également pénaliser la maison

individuelle au profit de la production de logements collectifs23. Certains impacts législatifs de

la loi SRU se feront par des suppressions d’outils existants, comme par exemple la suppression

21 KORSU Emre, MASSOT Marie-Hélène, ORFEUIL Jean-Pierre, La ville cohérente, PREDIT, 2012 22, legifrance.gouv.fr 23 Ibid

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de l’imposition d’une surface minimum aux terrains pour bâtir, la suppression de la réduction

des droits à bâtir en cas de division parcellaire ou encore la suppression de la règle relative au

dépassement du Coefficient d’Occupation des Sols (COS)24. Des leviers fiscaux ont également

été mis en place, comme la majoration de la taxe foncière sur les terrains non bâtis. On constate

une volonté forte de densifier les territoires et de limiter l’étalement urbain par l’adoption de

la loi SRU, cependant cette loi n’a pas apporté d’outils concrets et reste plus une politique

d’incitation.

- La loi ENE ou Grenelle 2, 2010

La loi Grenelle 2 du 2 juillet 2010, portant Engagement National pour l’Environnement

(ENE) est venue retranscrire les objectifs de la loi du 3 août 2009, dite Grenelle I. Ayant pour

vocation première la lutte contre le réchauffement climatique, cette loi aura des impacts

concernant la lutte contre l’étalement urbain. Les apports législatifs de la loi Grenelle 2 portent

principalement sur le SCoT et le PLU.

Concernant le SCoT, la loi ENE permet, en complément des apports de la loi SRU, d’imposer des

densités minimales de constructions dans les secteurs proches des transports collectifs. Des

objectifs chiffrés de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers

sont fixés dans le rapport de présentation. Le document d’orientation et d’objectifs contient

des objectifs chiffrés de lutte contre l’étalement urbain et la consommation économe

d’espaces. Les résultats sont mesurés tous les 6 ans afin de vérifier qu’ils répondent à ces

objectifs25.

Concernant le PLU, la loi ENE impose, dans le rapport de présentation26, la réalisation

d’une analyse de consommation des espaces naturels et forestiers. Le PLU peut également

prévoir des densités minimales pour des secteurs spécifiques, comme les secteurs desservis par

les transports en commun. Cette loi sera critiquée car elle reste incitative concernant la

densification et n’interdit pas réellement l’étalement urbain. Ainsi, la densification à l’intérieur

des villes pourrait faire monter les prix de l’immobilier et renforcer l’attractivité des zones

périurbaines, donc favoriser l’étalement urbain. De plus, elle ne résout pas les problèmes liés à

la fiscalité avantageuse existante concernant la construction neuve en périphérie. Un des leviers

24 GOZE Maurice, La stratégie territoriale de la loi SRU, 2002 25 RENARD Vincent, Grenelle II : la fin de l’étalement urbain ?, Métropolitiques, 2011 26 DENIZEAU Charlotte, Le nouveau PLU issu de la loi Grenelle II : densifier sans s’étaler !, Métropolitiques 2011

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 19

pour améliorer la situation serait de réformer la fiscalité foncière et immobilière pour limiter la

rétention foncière participant au mitage du territoire.

- Loi de finances n° 2010-1658, 2010

La Loi de finances rectificative pour 2010, du 29 décembre 2010, a créé un outil fiscal

efficace pour encourager la densification : le versement pour sous-densité (VSD). Réservé aux

zones U (urbaines) et AU (à urbaniser) des PLU et POS (Plan d’Occupation des Sols), il remplace

le versement pour dépassement du plafond légal de densité, son opposé. Ainsi, les collectivités

(ou EPCI) compétentes en matière de PLU peuvent fixer un seuil minimal de densité permettant

de taxer les unités foncières qui seraient en deçà de ce seuil. Cette loi a également permis de

regrouper les taxes locales d’équipement et les taxes de participation d’urbanisme au sein

d’une seule taxe, la taxe d’aménagement. La création d’un outil comme le VSD est un réel levier

de fiscalité foncière pour favoriser la densification des territoires.

La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) du 24 mars 2014 a pour

objectif de faciliter la densification des tissus urbains. Une des mesures les plus importantes

concerne la suppression du COS, ce qui a permis l’augmentation de la surface habitable de

nombreuses unités foncières. Avec le maintien du coefficient d’emprise au sol (CES), c’est la

surélévation des bâtiments et la division parcellaire qui sont encouragées. La suppression de la

surface minimale de terrains constructibles facilitera d’autant plus les divisions parcellaires,

permettant aux zones pavillonnaires de se densifier.

L’analyse du potentiel de densification, introduit par la loi Grenelle II, sera renforcée par

la loi ALUR. Désormais obligatoire, il a pour objectif d’obliger les collectivités à démontrer que

le tissu déjà urbanisé ne présente pas de possibilités pour la construction.

De nombreuses autres mesures seront apportées par cette loi, notamment pour freiner

l’artificialisation des sols, avec par exemple le classement des Z2AU (zones à urbaniser non

constructibles en raison du manque de réseaux) en zones naturelles ou agricoles si elles n’ont

fait l’objet d’aucun projet ou d’acquisition au bout de 9 ans. La loi ALUR aura aussi ce caractère

de permettre la densification tout en préservant l’environnement.

On observe un cadre législatif favorable à la densification en France depuis 15 ans, mais le

caractère permissif et incitatif de ces lois n’apparait pas comme suffisant pour créer une réelle

dynamique, acceptée par les habitants. La loi ALUR fait également figurer le renforcement de

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 20

la concertation et de la participation du public dans les décisions relatives à l’urbanisme, et ce,

tout au long de la procédure. L’individu semble être l’impulsion manquante à ces politiques.

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B. Intégrer les habitants au projet urbain, une nécessité

a. Un rejet de la densité par l’habitat collectif

Le mouvement hygiéniste du XIXe siècle, œuvrant pour la prévention de la santé publique aura

un fort impact sur l’architecture et l’urbanisme. Ce sont d’abord les fabriques polluantes et

dangereuses qui seront évincées des villes, puis l’on s’intéressera à l’habitat. Les centres

pittoresques et moyenâgeux seront qualifiés d’insalubres, participant à la mauvaise santé

publique et à la propagation de maladies. L’épidémie de choléra qui touche Paris en 1832 se

révèlera particulièrement meurtrière et sera un catalyseur du mouvement hygiéniste. Si, pour

les architectes de l’époque, il est primordial de faire entrer l’air et la lumière dans les logements,

il en est de même pour la réflexion à l’échelle de la ville. Ainsi, le Corbusier, lorsqu’il rédige La

Charte d’Athènes au XXe siècle, ne manque pas de souligner que la population des noyaux

historiques des villes est trop dense et qu’il est nécessaire d’apporter plus d’espaces verts en

cœur de ville27. Le dogme de l’hygiénisme est à son apogée, plaçant la densité en synonyme

d’insalubrité jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Les politiques menées en matière de logement tenteront de répondre à ces préoccupations

hygiénistes tout en répondant à la crise du logement d’après-guerre. Ainsi les quartiers de

grands-ensembles seront la réponse moderne apportée pour construire beaucoup de

logements à bas coûts (par la rationalisation des méthodes de construction comme le chemin

de grue). Petit à petit ces grands ensembles seront synonymes de densité et seront rejetés de

la population. Cet apriori vient certainement des formes architecturales standardisées de

l’habitat, d’une forte hauteur et d’une concentration importante de logements par immeuble,

du manque de réseaux viaires structurants, de la non qualification des espaces libres et d’un

manque de services de proximité qui peuvent générer un sentiment de « mal-être »28. Les

habitants des grands ensembles ont « un sentiment de resserrement imposé 29» qui les amène

à dénoncer la densité excessive.

27 LE CORBUSIER, La charte d’Athènes, 1943 28 L’essentiel ; la densité urbaine, CERTU, 2010 29 Ibid

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 22

La « sarcellite », née d’un mal être des habitants des grands-ensembles de Sarcelles deviendra

une « maladie », sorte de névrose dont souffrent les habitants de ces grands ensembles par la

monotonie des formes, la perte d’identité propre de chaque individu amenant à une

dépression.

Figure 2 : Grand-ensemble de Sarcelles (95)

D’abord considérés comme moderne car équipés, ces logements seront peu à peu délaissés par

les classes moyennes qui préfèreront acheter un pavillon entouré de jardin, nouveau paradigme

de la réussite sociale. Alors qu’il n’existe pas de forme urbaine plus dense qu’une autre, on

observe une véritable différence entre la densité réelle et la densité perçue. Cette densité

perçue dépend de différents facteurs, comme la construction sociale de l’individu, son parcours

résidentiel, la forme urbaine, l’ambiance du lieu ou encore les pratiques spatiales30.

Un sondage réalisé par TNS Sofres s’intéresse à la perception de la densité et des formes

d’habitat. Ainsi deux tiers des français pensent que la densité est quelque chose de négatif31.

Alors que les maisons individuelles sont qualifiées de calmes, d’intimes et de conviviales, les

grands ensembles, immeubles et habitation haussmanniennes sont qualifiés par la densité,

l’insécurité et l’anonymat.

30 RODRIGUEZ Christophe, Rôles et influences des perceptions de la densité urbaine des acteurs de la ville dans la conduite de projet urbain : les enseignements de la démarche Plana 2015 31 « Les français et leur habitat, perception de la densité et des formes d’habitat » - Sondage TNS Sofres pour l’Observatoire de la Ville - janvier 2007

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Lorsque l’on demande à ces mêmes personnes ce à quoi la densité leur fait penser, elles

qualifient la densité par des espaces de vie restreints, dégradés, ayant un impact sur la santé

par le stress et la fatigue, le manque de nature et une trop forte densité humaine. Ils

reconnaissent toutefois que ce sont souvent les espaces denses qui bénéficient de services plus

développés.

Avec un habitat individuel qui a longtemps favorisé l’étalement urbain et un habitat collectif

rejeté des habitants, il apparait nécessaire de travailler en co-production avec les habitants pour

trouver des solutions intermédiaires à l’offre actuelle qui relève du compromis. En 1990,

François Mitterrand alors Président de la République, tenant un discours sur les moyens à

mettre en œuvre pour lutter contre l’exclusion sociale et améliorer les banlieues les plus

défavorisées, déclare :

« Il ne suffit pas d’être nombreux pour ne pas être seul, la solitude est à

l’intérieur de soi-même, encore doit-elle disposer de quelques repères.

L’urbanisme ne transformera pas la ville, et encore moins la vie, si on ne fait

pas appel à ceux qui sont là. Il faut que chacun de ces habitants, autant qu’il

est possible, se sente le propre auteur de l’œuvre, son propre créateur. Cette

pâte immense et confuse qu’il s’agit de modeler, chacun doit en être l’artiste,

je le répète, le créateur. Tout homme a besoin d’avoir part à la création.

Celle à laquelle il n’a point de part, il ne s’y reconnait pas.».

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b. Intégrer les habitants au projet urbain : l’outil de la concertation

En 1983, Hubert Dubedout préconisait dans son rapport « Ensemble refaire la ville », d’intégrer

habitants et associations au cœur des projets d’aménagement du territoire. Trente ans plus

tard, l’habitant est-il vraiment considéré comme acteur du projet urbain ?

Favoriser la participation permet de favoriser l’adhésion et, in fine, l’appropriation des

nouveaux projets. Quel est le cadre législatif mis en place pour favoriser cette intégration des

habitants aux projets urbains ?

Depuis la décentralisation, de nombreuses lois ont visé à encadrer et réglementer la

participation citoyenne dans les domaines de l’urbanisme, de l’aménagement, du logement ou

de l’environnement. Les plus notoires sont la loi du 18 juillet 1985 (85-729) qui affirme la

volonté de mettre en place une participation citoyenne dans les projets d’aménagement de la

commune. En 1992, la circulaire Bianco corrobore les modalités d’un débat démocratique

concernant la conception et la réalisation de grandes infrastructures. En 1995, la loi Barnier sera

la première à imposer un débat public sur l’ensemble des opérations à fort enjeu socio-

économique. Quatre ans plus tard, la loi Voynet d’orientation pour l’aménagement et le

développement durable du territoire (LOADDT) rappelle dès son premier article que « les

citoyens sont associés à son élaboration et à sa mise en œuvre ainsi qu’à l’évaluation des projets

qui en découlent32 ». Par la suite, la loi SRU va rendre obligatoire la participation citoyenne via

la concertation, dans la rédaction des documents d’urbanisme. Enfin la loi de réforme

constitutionnelle de mars 2003 inscrit le droit de pétition dans la Constitution et permet à

toutes les collectivités territoriales d’organiser un référendum décisionnel (initialement réservé

aux communes et à valeur consultative).

Ces différentes lois ont permis d’instituer différents dispositifs légaux favorisant la participation

citoyenne, tel que l’enquête publique, le débat public, les commissions consultatives ou encore

comme nous l’avons vu, les pétitions et référendum.

32 Legifrance.gouv.fr

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 25

Le discours politique prône bien le recours à la participation, ayant l’avantage d’améliorer les

relations entre élus et citoyens, afin de répondre aux besoins de ces derniers. En revanche, si

ces dispositifs légaux sont porteurs d’un dessein positif, ils ne rendent pour l’heure pas

totalement obligatoire la réalisation de la participation. Plus que la participation, c’est la

consultation qui est privilégiée.

Le premier texte à inscrire le principe de co-construction dans la politique de la ville est le

Nouveau Programme pour le Renouvellement Urbain (NPRU), datant du 21 février 2014. Ses

missions, en plus de favoriser l’expression des habitants auprès des acteurs institutionnels, sont

de permettre la co-construction des contrats de ville et d’appuyer des initiatives citoyennes.

Cependant, cette loi reste dans une logique descendante, à l’image des dispositifs de

participation en France, et dépend de la volonté des acteurs institutionnels. Michel Ladet, vice-

président du cabinet Sociovision, spécialisé dans l’accompagnement du changement, parle de

« perte de confiance » des citoyens en leurs représentants institutionnels qui amène une « crise

de l’intermédiation 33» par manque de transparence des décisions. Ceci renforce le désir de

participation et l’émergence d’initiatives citoyennes.

Denis Caraire, urbaniste OPQU que j’ai rencontré durant mon stage, travaille avec sa société, La

Compagnie des Urbanistes, sur des ateliers de concertation pour permettre un travail

collaboratif efficace entre les membres de l'équipe et le maître d'ouvrage. Définissant lui-même

ses méthodes comme « décalées », il promeut une « urbanisme sans power point34 ». Essayant

de casser le rapport éloigné et « colonial » des réunions publiques, il préfère développer

d’autres méthodes pour mettre les habitants en confiance et les amener « sur un terrain où ils

n’auront pas peur de s’exprimer ». Sa volonté de rendre ces moments agréables, afin d’apporter

du plaisir dans les démarches d’urbanisme s’accompagne également d’un constat sur les

modalités de concertation légales, qu’il juge difficiles à intégrer au projet urbain. Soit par les

temps de concertation trop courts, soit par le manque de capacité de certaines collectivités à

recueillir techniquement la parole habitante.

33 Pour une construction de la ville partagée : l’adhésion des citoyens, la fabrique de la cité, 2010 34 Entretiens avec Denis Caraire, Urbaniste OPQU, Annexe 2

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 26

Les initiatives citoyennes sont nombreuses et témoignent d’un désir de participation. De

nombreux groupes citoyens, collectifs et associations se sont formés ces dernières décennies,

parfois en réaction à des projets urbanistiques, ou alors avec une volonté d’améliorer le cadre

de vie.

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 27

c. Le cas des PLUmés : une limite de la législation actuelle

Cette législation mise en place est-elle suffisante pour permettre à tous les habitants d’être

informé du projet urbain et de participer à sa conception ? On constate aujourd’hui de

nombreuses initiatives citoyennes se formant en contestation à des projets d’aménagement du

territoire. Certains grands projets d’intérêt général sont contestés par les riverains, voyant les

nuisances que cela va engendrer. Ces réactions peuvent être rapprochées au syndrome

NYMBY : Not In My Back Yard, littéralement « Pas dans mon jardin », apparu durant les années

1980 dans le vocabulaire d’urbanistes anglo-saxons. En revanche, ces réactions peuvent être

observées également lors de l’élaboration des documents d’urbanisme du PLU.

C’est le cas en Bretagne où de nombreuses associations d’habitants se forment pour contester

le récent PLU. Le passage du POS au PLU ne s’est pas fait sans mal pour certaines communes de

France. Surtout pour les habitants, qui se disent « PLUmés » par le nouveau zonage. Ces

habitants se sont constitués en associations en Bretagne pour dénoncer la perte de

constructibilité de leur terrain lors du passage au PLU. Souvent situés dans des hameaux ou en

dent creuse, leurs terrains ont perdu leur constructibilité depuis les préconisations de la loi

ALUR en matière d’étalement urbain et de protection des terres agricoles35. Ils réclament un

assouplissement de la loi au cas par cas et non son annulation afin de pouvoir réaliser leurs

projets et faire évoluer leur patrimoine en fonction de l’évolution de leur vie.

Les habitants protestent contre le manque de communication sur la concertation et l’enquête

publique, ayant conduit à un manque de participation et un projet communal insatisfaisant.

Constitué en association sous le nom des PLUmés, j’ai pu aller à leur rencontre, le samedi 6 août

2016, dans la commune de Riec-sur-Belon, située entre Lorient et Quimper. Cette commune

fait partie de l’intercommunalité Quimperlé Communauté, mais la compétence de l’urbanisme

reste à la commune. Approuvé en 2013 et révisé en 2014, le PLU de Riec-sur-Belon a déjà fait

l’objet d’un recours en justice. Sur les 4 000 habitants que compte la commune, l’association

des PLUmés de Riec sur Belon réunit une quarantaine d’adhérents et envisage bien de

s’agrandir.

35 IZAD Stéphane, LE CHARPENTIER Manon, Loi ALUR : des terrains non constructibles dont la valeur s’écroule, France 3 Bretagne

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Le président de l’association, Mr Yannick Huon, a eu la gentillesse de me recevoir et de me faire

rencontrer plusieurs ménages touchés par cette révision du PLU.

Annick Rioual et Charles Morvant sont propriétaires de leur maison, depuis 1988, suite à une

donation-partage de la mère Mme Rioual à ses enfants. Ils sont donc voisins de la sœur de Mme

Rioual et son frère maintenant décédé. Ils ont aménagé ces terrains avec une entrée unique

desservant tous les lots et chacun a fait construire sa maison. Aujourd’hui, l’entretien de leur

jardin devient trop pénible et ils ont souhaité vendre une partie de leur terrain en lots à bâtir.

Le terrain étant déjà borné, ils se sont rendus à la mairie pour la mise en vente et ont appris la

perte de la constructibilité de leur terrain, désormais terrain agricole de 1100m² entre deux

habitations.

Figure 3 : Photo et vue aérienne du jardin de Mr et Mme Morvant et Rioual

Ils savent qu’ils ne peuvent vendre ce terrain à un agriculteur à cause de sa taille et envisagent

plutôt de vendre la maison avec le jardin pour ne pas perdre trop d’argent. Mais cette solution

les obligerait à déménager de leur maison qu’ils ont fait construire et qu’ils ont rénovée tout au

long de leur cycle de vie.

« Ils auraient pu nous prévenir. Ils disent ‘’ Tout est affiché à la mairie, il faut

venir voir ‘’. »36

36 Citation d’Annick Rioual lors de l’entretien à Riec-sur-Belon – Annexe 3

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Mr Morvant raconte recevoir le journal communal chaque mois, mais n’a jamais vu

d’information précise concernant les dates des réunions publiques. Yannick Huon lui en avait

entendu parler par le bouche à oreille mais pas directement par la communication de la mairie.

N’ayant pas reçu d’explication claire, ils ne savent pas réellement si c’est au nom de la loi ALUR

ou de la loi Littorale que leur terrain a été reclassé. Ils ont envisagé d’aller en justice puis ont

finalement rejoint l’association et espèrent que cela aura plus d’impact.

« Encore, si vous voulez, nous ici, il y a une maison sur le terrain, donc on

peut le vendre. Mais les gens qui ont acheté un terrain constructible où la

maison n’est pas dessus, puis que le terrain devient non constructible, là

c’est encore plus grave. Parce que s’ils ont payé un terrain 50 ou 60 000€, le

terrain il vaut plus que 1 000€. »

Les habitants de cette petite ville sont dans l’incompréhension, ils témoignent d’une relation

privilégiée anciennement avec leur mairie et ne comprennent pas ce brutal changement. Le

maire de la ville, Sébastien Miossec, élu depuis 2008 est décrit par les habitants comme

préoccupé par son poste de président de Quimperlé communauté et visant la députation. La

colère vient également du fait que la ville de Quimperlé, ville centre de l’intercommunalité,

construit de nombreux lotissements en extension urbaine sur de réels champs agricoles ou

vergers ayant récupéré des « terres agricoles » sur les jardins des habitants.

Figure 4 : Photo et vue d'un lotissement récent de Quimperlé, construit sur d’anciennes terres agricoles

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J’ai également fait la rencontre d’une autre habitante, qui a fait construire sa maison sur un

terrain donné par ses parents. A côté, sa sœur possède également un terrain, mais n’a pas fait

construire dessus en même temps bien que le terrain soit viabilisé pour accueillir une future

construction. Voulant récemment construire sa maison, sa sœur se rend à la mairie, son terrain

est classé constructible selon le PLU, et sa demande de certificat d’urbanisme (CU) en 2008

opérationnel est accepté. Lorsqu’elle a renouvelé son CU, ce dernier a été refusé par la

préfecture, invoquant la loi littorale. A la révision du PLU le terrain est toujours classé en zone

constructible. Cette habitante a intégré l’association des PLUmés plus par envie de témoigner

et surtout d’informer les autres habitants. Y. Huon parle de désinformation de la part de la

collectivité.

Ces habitants ont le sentiment de s’être « fait avoir37 » car les terrains ont souvent été achetés

au prix fort étant constructibles, les droits d’enregistrement et impôts fonciers ont été payés

pendant des années. Cela engendre des pertes financières importantes, pour des ménages

modestes. Les hameaux, très nombreux en Bretagne, sont-ils condamnés à s’éteindre ? Les

projets de vie s’effondrent en même temps que la valeur du terrain et cela sans aucune

communication.

Plus largement, le syndrome NYMBY résulte plus d’une « erreur stratégique que d’une

fatalité38 » car les intérêts des particuliers et de la collectivité peuvent converger. On peut

apercevoir des limites du cadre légal des concertations qui, ici, n’a pas permis aux habitants

d’être informé, ni même de participer au projet urbain.

Ainsi, les habitants de Riec-sur-Belon, en construisant dans leur jardin ou en vendant des lots à

bâtir n’engendrant aucun étalement urbain, augmentent l’offre de terrains et de logements de

la commune, évitant à la collectivité de créer des lotissements en extension urbaine aux

alentours de Quimperlé. Les terrains issus de division parcellaire sont souvent plus grands que

le standard des lotissements et plus arborés, possédant le charme de l’ancien.

37 Morbihan : des propriétaires ruinés par la loi ALUR - France TV info 38 MIET David, LE FOLL Benoit, Du syndrome NYMBY à la stratégie BIMBY, 2011

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C’est ce que montrent les travaux du projet BIMBY, Build in my back yard ou construit dans mon

jardin. Il est possible de densifier les villes en proposant de nouveaux logements à prix

accessibles, en s’adaptant aux cycles de vie des habitants et sans aucun étalement urbain. Cette

réponse permet également de répondre à la demande des habitants à vivre dans l’habitat

individuel.

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II. Le BIMBY ; concilier habitat individuel et densification des territoires

A. Le BIMBY comme outil de densification

a. Le BIMBY : une méthode qui trouve du sens avec les enjeux actuels

Le projet de recherche BIMBY a été sélectionné en 2009 par l’Agence Nationale de la Recherche,

dans le cadre d’un appel à projets « Villes Durables ». D’une durée de trois ans, ce projet piloté

par David Miet et Benoit Le Foll a suscité un fort intérêt de la part d’institution et de collectivités

territoriales. Le BIMBY vise à la définition, à court terme, d’une nouvelle filière de production

de logements au cœur du tissu pavillonnaire existant. Cette démarche innovante de travail avec

les habitants œuvre pour une évolution harmonieuse et progressive des tissus d’habitat

existant.

Aujourd’hui, c’est à travers l’agence Villes Vivantes, startup d’urbanisme et jeune entreprise

universitaire, que David Miet conduit avec les collectivités des expérimentations

d’intensification des territoires pavillonnaires. Cette démarche propose un outil

supplémentaire de renouvellement urbain à disposition des acteurs institutionnels afin de

compléter la palette d’outils existants pour produire du développement urbain.

Actuellement, les projets de division spontanée ont bien lieu et sont la plupart du temps non

encadrés par l’action publique des collectivités. La densification douce se compose des divisions

parcellaires, division du pavillonnaire et de la construction de nouveaux logements sur une

parcelle sans recours à la division. Le tissu pavillonnaire représentant un gisement considérable

et par ailleurs bien situé dans les agglomérations, il apparait plus avantageux pour la collectivité

de l’appréhender et de l’encadrer pour en tirer le meilleur parti.

Pour l’agence Villes Vivantes, spécialisée dans la démarche BIMBY, très souvent l’intérêt des

individus va dans le sens des intérêts de la collectivité. La valorisation d’une unité foncière par

la division ou la construction d’un nouveau logement permet à la collectivité de disposer d’une

offre diversifiée de logements individuels sur son territoire. Cette démarche comporte des

effets positifs, qu’ils soient économiques, environnementaux ou sociaux.

- Effets économiques pour l’habitant et la collectivité :

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La démarche BIMBY permet aux collectivités de fabriquer une planification de leur croissance

urbaine à moindre coût, puisque cette production de logements se fait en filière courte. Si l’on

a l’impression que l’essentiel des maisons se construisent en lotissement, elles sont en réalité

trois fois plus nombreuses à être construites en diffus39. Cette filière perdure alors qu’elle n’a

jamais été favorisée par les documents d’urbanisme, que ce soit les PLU ou les SCoT. Si elle

perdure, c’est pour cette vertu économique. Entre la vente d’un terrain et le nouveau

propriétaire il n’y a pas d’intermédiaires. Le propriétaire actuel du terrain devra faire intervenir

un géomètre pour le bornage du nouveau terrain, et le nouveau propriétaire, après signature

de l’acte de vente n’a plus qu’à faire construire sa maison. A cela peuvent éventuellement

s’ajouter des frais d’agence immobilière. Il n’y a pas plus simple en termes de transmission d’un

foncier d’une personne à une autre, c’est la filière la plus courte. Avec cette filière, les habitants

sont gagnants économiquement autant que la collectivité.

Figure 5 : Schéma des différents types de filières permettant la production de logement. La filière BIMBY est la plus courte.

Un autre avantage économique concerne la collectivité et repose sur le budget de

fonctionnement de la commune. En effet, chaque année, la collectivité doit assurer l’entretien

39 Production en équivalent logement par type, SOeS, estimation à partir de Sit@del2 (base au 30/10/15)

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des voiries, du mobilier urbain, le balayage, la tonte de l’herbe, l’éclairage public, le curage des

fossés, l’entretien des réseaux etc…

Pour équilibrer les coûts de fonctionnement, la collectivité a recours aux taxes locales : la taxe

foncière et la taxe d’habitation majoritairement, ainsi que la taxe d’aménagement

ponctuellement. Chaque année, une maison coûte environ 1 000€40 par an à la collectivité pour

sa desserte en réseaux et l’entretien de la voirie. Si l’on construit deux nouvelles maisons en

extension urbaine, la commune aura donc une surcharge de 2 000€ par an, sans limitation de

durée. Si ces deux maisons sont construites en densification du tissus déjà bâti, il n’y a pas de

surcharge pour la commune puisque les réseaux sont existants et l’entretien déjà compté dans

les budgets. En revanche, ce sont deux foyers fiscaux supplémentaires et deux taxes

d’aménagement sans nécessité de création de voirie et d’équipement. Cela permet aussi à la

commune d’adapter son taux pour le calcul de la taxe d’aménagement pour ne pas dissuader

la création de nouvelles constructions ainsi que la fuite des ménages vers les communes

voisines.

- Effets environnementaux : la fin de l’étalement urbain ?

La construction de nouveaux logements en filière BIMBY se fait dans les tissus urbains existants

et non en extension urbaine comme le sont les lotissements. En France, le stock de maisons

individuelles s’élève à 18,5 millions de maisons41. Chaque année, entre 150 000 et 200 000

nouvelles maisons sont construites, soit 1% du stock. Aujourd’hui, quand les français sont

interrogés, ils sont 40%42 à être prêt à réfléchir à une offre d’un particulier pour acheter une

partie de leur terrain afin de bâtir. Schématiquement, cela implique que seulement 1% des

propriétaires concrétise un projet BIMBY pour que la production annuelle de maisons

individuelles n’engendre aucun étalement urbain !

- Effets sociaux : l’habitant maitre d’ouvrage de la production d’habitat

40 DAVID MIET, Une deuxième maison dans nos jardins : donnons un avenir à nos quartiers pavillonnaires, une nouvelle vie à nos centre-bourgs, conférence du 12 mai 2016 en Vignoble Nantais 41 Ibid 42 Sondage IFOP, mars 2014

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 35

L’habitant à un rôle fort de maitre d’ouvrage dans la production de l’habitat de son territoire.

La collectivité peut se placer en quelque sorte comme chef d’orchestre et porter une politique

urbaine ambitieuse basée sur une association des projets des habitants et du projet de la

collectivité. En faisant appel à des entreprises locales pour réaliser leurs projets, les habitants,

soutenus par la collectivité favorisent l’économie locale et la création d’emplois.

Le BIMBY est souvent condamné car il échappe à la collectivité, mais que se passe-t-il lorsque

l’on arrive à placer la collectivité en chef d’orchestre des initiatives des habitants ?

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 36

b. Une méthode de co-production entre les habitants et la collectivité

Les projets des habitants sont variés car ils correspondent à des cycles de vie différents. C’est

une réelle richesse pour la collectivité qui peut bénéficier de ces projets pour avoir une offre de

logements plus diversifiée et adaptée aux évolutions sociodémographiques de sa population.

Actuellement l’offre de logements neufs cible principalement des familles avec de jeunes

enfants, mais que se passe-t-il lorsque les enfants quittent la maison et que les vieux jours

arrivent ? Pour comprendre comment ces divers scénarios d’initiatives individuelles sont

encouragés, maitrisés et canalisés, nous allons nous intéresser à la première commune

française à avoir expérimenté le BIMBY pour en tirer des enseignements.

La première commune de France à avoir expérimenté le BIMBY est Tremblay-sur-Mauldre, dans

les Yvelines, en Vallée de Chevreuse. Cette commune de 1 000 habitants possède un centre

bourg en arc de cercle autour d’un château. On retrouve tout autour, l’urbanisation

pavillonnaire des dernières décennies. Le Maire a calculé devoir construire 70 logements sur

dix ans pour maintenir sa population et accueillir de nouveaux arrivants. A l’époque, le COS

imposait un minimum parcellaire de 1 000m² pour bâtir. Ce sont donc 7 hectares nécessaires

pour les 70 nouveaux logements annuels, auxquels il faut ajouter les voiries et espaces publics,

ce qui amène à environ 8,4 hectares.

Figure 6 : Simulation de l'espace nécessaire à la réalisation des 70 logements en extension urbaine sur la commune du Tremblay-sur-Mauldre

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 37

Plusieurs choix s’offrent à lui. Dans un premier temps il pense faire un nouveau lotissement, un

peu à l’écart du bourg, mais cette solution lui revient chère, notamment en réalisation

d’infrastructures, d’entretiens de voirie et équipement public, en ramassage des déchets etc…

Il cherche à diminuer les lots, pour arriver à 800m² mais cela ne baisse pas réellement les prix.

Un second choix serait de faire plus dense avec des opérations intermédiaires ou individuelles

groupées. Il ne consommerait que 3 hectares mais ces logements seraient mal acceptés par la

population locale et par la nouvelle population en quête d’habitat individuel.

Enfin, la troisième option serait le BIMBY. La question est « peut-on imaginer réaliser 70

nouvelles maisons dans les jardins des habitants actuels ? ». Si l’on part du principe que les

habitants sont venus dans cette commune pour avoir de grands terrains, cette solution parait

peu possible. Mais avec 350 maisons sur sa commune, il suffirait que seulement 2% de

propriétaires de terrains soient d’accord sur 10 ans pour réaliser les 70 logements nécessaires.

L’idée n’est pas que la majorité adhère, mais c’est de mettre à profit des cas particuliers.

Figure 7 : Simulation des 70 maisons sans étalement urbain, par intensification du tissu bâti existant

Aujourd’hui si l’on regarde un des lotissements qui constitue la commune, on s’aperçoit qu’il

reste des possibilités de construction. Ce sont souvent des maisons des années 1960-1970, avec

un étage d’habitation sur sous-sol non enterré comme on en rencontre beaucoup sur le

territoire français. L’entrée se fait par un escalier extérieur et l’on retrouve en rez-de-chaussée

un garage et une buanderie. Si l’on considère que les habitants ont fait bâtir ces maisons dans

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 38

les années 70, ils ont aujourd’hui environ 70 ans et leurs enfants sont partis depuis de

nombreuses années de la maison. Les maisons ne correspondent pas aux normes actuelles

d’isolation et ne correspondront bientôt plus au mode de vie des habitants. La question du

vieillissement est difficile à aborder, le maire a pensé réaliser une résidence pour personnes

âgées en centre-ville mais ce projet est long à mettre en œuvre et il n’est pas sûr que ses

habitants, ayant toujours vécus en maisons individuelles soient prêts à y déménager. De plus,

aujourd’hui, peu d’enfants sont prêts à loger un parent dépendant chez eux, au quotidien. Dans

la région, une maison de retraite médicalisée type EHPAD coûte 2 500 à 3 000 euros par mois,

ce qui constitue un réel choc économique.

Le maire décide d’organiser une conférence au Tremblay-sur-Mauldre, avec les maires des

communes voisines, les bureaux d’études travaillant sur l’élaboration des PLU, la Direction

Départementale des Territoires (DDT), le Parc Naturel de la Chevreuse etc… pour débattre de

la démarche BIMBY. Le lendemain, un article enthousiaste est publié dans le journal local illustré

par les images du quartier sur lesquelles sont représentées de nouvelles maisons.

Figure 8: Illustrations publiées dans l'article du journal local : quartier du Vert Buisson, Tremblay-sur-Mauldre

Ainsi, deux jours plus tard, le maire reçoit une copie d’une pétition, signée par tous les habitants

s’intitulant « NON au BIMBY ». Cette réaction vient du fait que les propriétaires ont reconnu

leur maison dans le journal et ont pensé qu’ils allaient être expropriés. L’urbanisme conserve

encore aujourd’hui une image violente liée à l’expropriation, d’où la nécessité de rendre la

démarche sympathique. Le maire invite les habitants à une présentation de la démarche BIMBY

détaillée. Il y a une réelle mobilisation suite au premier échec de communication. Cependant,

on s’aperçoit que même si certains habitants sont intéressés, il est difficile de s’exprimer

sereinement sur l’avenir de sa parcelle dans le cadre d’une réunion collective.

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 39

Cette expérience au Tremblay-sur-Mauldre a permis mettre en avant deux règles essentielles

lorsque l’on travaille sur le foncier privé des particuliers : ne jamais dessiner sur le terrain de

quelqu’un sans l’avoir concerté et ne jamais débattre de manière collective sur l’avenir d’une

parcelle individuelle. Lorsque l’on travaille sur le jardin des habitants, les élus et urbanistes

n’ont pas de légitimité.

C’est suite à ces deux « échecs » qu’un nouveau protocole a été mis en place : les entretiens

individuels entre architectes et habitants. Le maire a invité tous les propriétaires de la commune

à bénéficier d’une heure gratuite avec un architecte dans le cadre de la révision du PLU. Ainsi

70 ménages ont été reçus avec 90 projets de logements dessinés, soit plus que les objectifs de

la commune sur 10 ans.

Figure 9 : Flyer envoyé à tous les habitants propriétaires du Tremblay-sur-Mauldre

Les élus sont responsables de la réalisation du PLU, de déterminer quelles seront les zones

constructibles et non constructibles et les règles qui devront s’y appliquer. Les habitants ont

des projets sur leur parcelle mais pour les connaitre, la collectivité doit les consulter avant de

rédiger les règles. C’est en expliquant précisément la démarche, à travers ce message

simple qu’une légitimité s’est reconstruite au Tremblay-sur-Mauldre, faisant apparaitre un

urbanisme sympathique très bien perçu auprès des habitants.

L’agence Villes Vivantes travaille sur 5 étapes pour favoriser la densification douce des

territoires :

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 40

- La modélisation

L’analyse de la capacité de densification d’un territoire, rendue obligatoire dans chaque PLU

par la loi ALUR s’inscrit dans une démarche plus large de stratégie foncière. L’étape préalable

est d’identifier le contexte urbain dans ses formes et son fonctionnement, ainsi que les besoins

du territoire en termes d’accueil de population, ou de création de logement. Il convient de

croiser le diagnostic du potentiel de densification avec l’analyse préalable du territoire pour

arriver à une mise en perspective et une priorisation de choix stratégiques dans les secteurs à

enjeux.

- La médiation

La médiation concerne les entretiens entre habitants porteurs de projets sur leur parcelle et

architectes. Ces moments sont essentiels et permettent à la commune d’anticiper les futures

demandes.

- Mise en place d’une stratégie

Les projets des habitants doivent être encadrés et maitrisés par la collectivité afin de préserver

la qualité du cadre de vie recherchée sur les territoires à travers une réelle stratégie.

- L’ingénierie réglementaire

Cette étape concerne l’ajustement et la simulation d’un nouveau règlement d’urbanisme, afin

que les droits à bâtir soient compatibles avec une densification douce et mesurée des quartiers

d’habitats existants.

- Le pilotage et le suivi des projets

Accompagner les habitants dans la réalisation de leurs projets jusqu’à leurs concrétisations.

L’habitant joue un rôle central dans la mise en œuvre de la démarche BIMBY ; comment

s’organise cette co-production avec la collectivité et quels ont été les résultats suite aux

entretiens menés ?

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 41

B. L’intégration des habitants dans la démarche BIMBY

a. Construire une relation sympathique : les entretiens entre architectes et

habitants

Pour réaliser un projet collectif à partir d’opérations individuelles, le BIMBY s’intéresse au

foncier privé. La difficulté réside dans le fait que ce foncier n’appartient pas à la collectivité et

que les élus, urbanistes et aménageurs du territoire ne sont pas légitimes à réfléchir au devenir

de ces parcelles privées. La seule légitimité passe par l’élaboration des documents d’urbanisme,

comme le PLU, mais nous l’avons vu avec le cas des PLUmés ou du Tremblay-sur-Mauldre, il est

très difficile de « s’attaquer » au terres des habitants. Si le projet n’est pas approprié par les

habitants, il est possible de faire naitre une incompréhension entre le discours porté par la

commune, la vision portée par les professionnels de l’aménagement et la réception auprès des

habitants concernés.

Dans une démarche BIMBY, la collectivité n’achète pas le foncier comme elle peut le faire pour

l’élaboration d’une ZAC ou dans des secteurs à gros potentiel. La maitrise n’est pas totale, il n’y

a pas d’opérateur public. Il est donc nécessaire d’instaurer un dialogue « sympathique » puisque

l’on touche au foncier, à l’argent et au droit. Afin d’instaurer ce dialogue, un protocole de

dialogue avec les habitants a été mis en place par le biais d’entretiens individuels avec des

architectes médiateurs menés dans un cadre collectif. Ces entretiens d’une heure sont gratuits

pour les habitants et ont été imaginés pour connaitre la volonté et les projets des habitants

propriétaires de maisons individuelles.

Figure 10 : Photographies des entretiens entre architecte et habitants

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 42

Les situations de vie sont multiples et les motivations menant à la construction d’un second

logement sur la parcelle déjà bâtie le sont également. Elles peuvent naitre de solidarité

familiale, par la construction d’un logement pour un enfant, ou la vente d’un morceau de terrain

pour l’aider financièrement, mais l’idée peut aussi venir des enfants qui construisent une

maison adaptée à un parent dépendant, permettant à chacun de vivre à proximité tout en

conservant son intimité. Cette solution de division parcellaire ou de construction d’un nouveau

logement peut également permettre de trouver une solution suite à un divorce. Les motivations

sont aussi de l’ordre du confort et de l’adaptation du logement à l’évolution du mode de vie

d’un ménage. Un terrain trop grand à entretenir peut devenir un lot à bâtir, une nouvelle

maison adaptée de plain-pied pour les vieux jours peut se construire dans le jardin car la maison

familiale devient trop grande et les escaliers difficiles à monter. Ces solutions permettent de

conserver ses habitudes de quartier, ses voisins et d’éviter que le déménagement soit

douloureux et subi.

Il reste les motivations financières et patrimoniales, avec la construction d’un nouveau

logement pour faire augmenter la valeur du patrimoine familial, la vente d’un bout de terrain

pour financer un projet, comme la rénovation ou l’extension de la maison actuelle, ou encore

d’investir dans la construction d’un petit logement locatif.

L’idée est de faire abstraction des règles actuelles du PLU, ce dernier étant le plus souvent en

réalisation ou en révision générale afin d’imaginer les projets les plus adaptés pour les

habitants. Les architectes spécialisés dans le BIMBY vont veiller à ce que les constructions

préservent l’intimité, le cadre de vie environnant, ne multiplient pas les accès en drapeau afin

que le projet soit le plus qualitatif possible pour l’habitant et pour la commune. L’architecte

modélise la parcelle et la maison existante en trois dimensions (3D) pendant que l’habitant

commence à parler de son projet. Puis le projet de division ou de nouvelle construction est

modélisé à son tour, afin de visualiser le potentiel de la parcelle. Plusieurs scénarios sont

explorés au cours de l’heure. A la fin de l’entretien, l’architecte prépare une fiche qui sera

envoyé aux ménages reçus, leur permettant de garder une trace concrète des projets étudiés.

Ces fiches sont parfois le support d’une demande de certificat d’urbanisme opérationnel.

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 43

Figure 11 : Exemple de modélisation de projet réalisé lors des entretiens BIMBY

Tous les projets sont également présentés à la commune, permettant d’engager un travail

d’analyse des propositions individuelles et de les placer en regard d’un projet collectif. Ces

échanges sont alors une source d’information pour la collectivité qui prend connaissance de la

variété des situations de vie de ses habitants et du potentiel de production de nouveaux

logements par ces derniers.

Figure 12 : Les données récoltées pendant les entretiens, sur les projets et les ménages sont une ressource pour le projet urbain de la collectivité

Cette approche « sympathique » permet de se libérer de la notion de résignation qu’implique

la densification pour atteindre un urbanisme qui rend service et qui est bien reçu par les

habitants43.

43 DAVID MIET, Une deuxième maison dans nos jardins : donnons un avenir à nos quartiers pavillonnaires, une nouvelle vie à nos centre-bourgs, conférence du 12 mai 2016 en Vignoble Nantais

Où se situe la limite de l’emplacement

réservé pour élargir la voirie ?

550 m²

Cette rue ne doit pas être destinée à un flux important

de véhicule

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 44

b. Quels résultats suite aux concertations avec les habitants

Après plus de 2 000 entretiens réalisés sur le territoire national, nous nous intéresserons ici à

étudier les résultats de la démarche BIMBY suite aux entretiens et la mise en place d’une

réglementation permettant cette densification. Il apparait compliqué aujourd’hui d’avoir un

retour qualitatif et quantitatif de tous les entretiens menés sur le territoire français. En effet,

cela implique de recontacter chacun des ménages afin de les questionner sur l’avancement du

projet.

Cette démarche a pu être menée sur deux collectivités Challans et Treize-Septiers en Vendée.

Nous avons rappelé chacun des ménages reçus en entretien et ayant un projet de nouveau

logement sur sa parcelle. On observe des résultats très différents pour ces deux communes qui

mettent en lumière un bilan intéressant.

La commune de Challans, en Vendée, s’est engagée à mener la conduite d’un dispositif

d’intensification pavillonnaire BIMBY, pour atteindre l’objectif de son PLH, soit la construction

de 200 logements par an44. Ce territoire de 19 600 habitants pour 8 500 ménages45 compte

9 200 logements existants, dont 80% de maisons individuelles, soit 7 600 maisons46, et 20% de

logements collectifs47. La commune de Challans a proposé à ses habitants propriétaires d’une

maison individuelle de rencontrer gratuitement un architecte pour réfléchir à leurs projets et

connaitre les possibilités d’évolution de leur parcelle. Ces entretiens se sont déroulés les 4 et 5

juillet 2014 à la médiathèque de la ville.

Ce sont 100 ménages qui ont été reçu par les équipes d’architectes-urbanistes de Villes

Vivantes, soit 1.5% des propriétaires de Challans. Lors de ces entretiens, 75 ménages avaient

un projet de logement ou plus sur leur terrain, amenant un résultat de 147 nouveaux logements

dessinés sans extension urbaine. Ce sont ces ménages qui ont été rappelés en juillet 2016, soit

deux ans plus tard. Après leur avoir demandé si l’entretien les avait aidés pour réfléchir à leur

projet, il leur a été demandé à quel stade en était ce projet aujourd’hui. A cette question nous

avons obtenu pour réponse :

43 ménages n’ont pas réalisé le projet, soit 57,3% des interrogés.

44 PLH Challans 2012/2017 – Chiffre référence retenu pour l’étude BIMBY 45 INSEE 2009 46 Données MAJIC 2013 47 INSEE 2009

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 45

14 ménages sont en cours de réflexion, soit 18.6% des interrogés.

7 ménages sont en train de réaliser le projet, soit 9.3% des interrogés.

11 ménages ont réalisé le projet, soit 14.6% des interrogés.

Pour un nombre total de plus de 25 logements réalisés ou en cours de cours de réalisation, soit

5% des objectifs du PLH.

Figure 13 : résultats à la réponse "Où en est votre projet aujourd'hui ?", sur un total de 75 ménages recontactés

Parmi les ménages étant encore en réflexion par rapport à leur projet, 42% ont rencontré le

service urbanisme de la commune pour obtenir des renseignements sur les démarches. A la

question, si vous réalisez le projet, à quelle date pensez-vous que celui-ci sera achevé ? Nous

avons eu 11 ménages ne sachant pas quand le projet se réaliserait, 1 ménage pense le réaliser

dans moins d’un an, 1 autre dans deux ans et un autre ménage attend que le PLU lui permette

de le réaliser.

Parmi les 43 ménages n’ayant pas réalisé leur projet, il leur a été demandé les raisons pour

lesquelles le projet ne s’était pas concrétisé. Les réponses ont été variées mais peuvent être

classées en trois catégories : les ménages qui auraient voulu réaliser le projet, les ménages dont

le projet a changé ou étant venus aux entretiens par curiosité et les ménages ne souhaitant pas

répondre ou évoquant des raisons personnelles. Cette dernière catégorie concerne 3 ménages,

soit 6% des interrogés.

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 46

En revanche, on constate que 20 ménages auraient

aimé réaliser leur projet, soit 46.5%, mais n’ont pas pu

le faire soit pour des raisons techniques, comme la

compréhension du PLU et la complexité des démarches

(11 ménages), soit pour des raisons réglementaires

liées au PLU ou au PPRI, ou encore pour des raisons

d’entourage, 3 ménages n’ont pas su convaincre leur

famille ou leur voisin de l’intérêt du projet. On retrouve

également 20 ménages dans la catégorie des ménages

dont le projet a changé ou étant venus par curiosité aux entretiens.

Ces chiffres nous révèlent que grâce à l’impulsion donnée par les entretiens entre architectes

et habitants, 11 nouveaux logements ont vu le jour sur la commune de Challans, que 7 sont en

train d’être réalisés soit 18 nouveaux logements à l’arrivée. Mais on observe également que 3

ménages en cours de réflexion pensent réaliser leur projet prochainement et que 20 ménages

n’ayant pas réalisé leur projet aurait aimé le faire mais se sont trouvés bloqués par le règlement

du PLU, leurs finances ou leur entourage.

Certains de ces ménages ont accepté de témoigner en racontant leur projet pour un guide du

BIMBY commandé par le département de la Vendée. En regardant les projets réalisés on

observe que pour la plupart, ils ne sont pas réellement qualitatifs, très souvent avec des accès

en drapeau.

Prenons l’exemple de Monsieur G. qui a pour voisin sa tante et son beau-père. Ayant tous trois

les mêmes difficultés à entretenir leur terrain, ils ont organisé dans un premier temps un projet

familial leur permettant de réduire la surface de chaque jardin. Ils ont ainsi divisé leurs parcelles

et vendu trois terrains à bâtir à l’arrière de leur terrain. Une maison est actuellement construite,

les autres terrains ont été vendus tandis que le beau-père de Monsieur G. a déménagé et vendu

sa maison.

Lorsque l’on observe le projet dessiné par l’architecte et le projet réalisé, on voit que par soucis

de simplicité administrative, Monsieur G. et sa famille n’ont pas fait d’accès commun mais trois

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 47

accès en drapeau indépendants les uns des autres. Cette solution a multiplié les accès sur la

voie existante n’offrant pas une solution qualitative.

Figure 14 : Projet de Monsieur G. dessiné par l'architecte

Figure 15 : Projet réalisé par Monsieur G.

Treize-Septiers, en Vendée, s’est lancée dans une opération d’intensification des quartiers

pavillonnaires à l’occasion de la révision de son PLU. Commune de 3 000 habitants pour 1 120

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 48

ménages48, elle est composée à 97% de maisons individuelles soit 1 120 maisons49 et à 3% de

logements collectifs. Les entretiens entre architectes et habitants se sont déroulés les 27 et 28

juin 2014 à la maison des associations de la commune. A cette occasion, 60 ménages ont été

reçus par l’équipe de Villes Vivantes, soit 5% des propriétaires de maison individuelles de la

commune. Parmi ceux-ci, 30 avaient pour projet la construction d’un ou plusieurs logements

sur leur parcelle, soit un total de 51 projets de logements.

Figure 16 : carte des projets dessinés à Treize-Septiers. Un drapeau rose représente un projet de logement, un drapeau jaune une extension de logement

Ces trente ménages ont été rappelés en juillet 2016, soit deux ans plus tard pour savoir où en

était leur projet. A la question « avez-vous réalisé votre projet aujourd’hui ? » les réponses ont

été :

22 ménages n’ont pas réalisé le projet, soit 73.3% des interrogés.

48 INSEE 2009 49 Données MAJIC

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 49

4 ménages sont toujours en réflexion, soit 13.3% des interrogés.

2 ménages sont en train de réaliser le projet, soit 6.6% des interrogés.

1 ménage a réalisé le projet, soit 3.3% des interrogés.

On observe une forte majorité de projets non réalisés, ou toujours en réflexion avec 86,6% des

interrogés. Il est intéressant de se pencher sur les raisons de ce résultat. Quatre raisons

reviennent en réponse à cette interrogation :

- 7 ménages répondent que le règlement du PLU ne

permet pas la réalisation de leur projet et/ou les

démarches administratives sont apparues comme trop

complexes.

- 3 ménages n’ont pas réussi à convaincre leur

entourage (famille, voisin) de l’utilité du projet.

- 3 ménages ont changé d’idée pour leur projet.

- 9 ménages sont venus par curiosité aux entretiens

sans volonté réelle de réaliser le projet dessiné avec

l’architecte.

Parmi les 4 ménages en réflexion, deux ont rencontré le service urbanisme de leur commune

mais se donne minimum trois ans pour réaliser le projet. A la question « rencontrez-vous des

difficultés particulières », 3 ménages répondent aucunes et un ménages témoigne de sa

difficulté à comprendre les documents d’urbanisme.

A la lumière de ces résultats, à Challans et Treize-Septiers, nous pouvons émettre l’hypothèse

que le PLU de Challans avait les qualités requises pour permettre plus de réalisations de projets

BIMBY que le PLU de Treize-Septiers, en revanche, le manque d’accompagnement auprès des

habitants a abouti à un résultat plus quantitatif que qualitatif.

Pour de nombreux habitants, densifier est synonyme de « bétonner, enlaidir, créer des

nuisances, défigurer un quartier 50». Si l’on veut avoir l’adhésion de la population à ce mode

50 DAVID MIET, Une deuxième maison dans nos jardins : donnons un avenir à nos quartiers pavillonnaires, une nouvelle vie à nos centre-bourgs, conférence du 12 mai 2016 en Vignoble Nantais

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 50

d’urbanisation qu’est le BIMBY, la densification doit être perçue comme une amélioration, un

perfectionnement et un embellissement. Cela se fera par la création de « beaux » projets,

respectueux du paysage, avec une intégration en termes d’implantation et de matériaux, de

l’intelligence spatiale et architecturale et du savoir-faire constructif.

Si les règlements d’urbanisme s’ouvrent simplement pour permettre la réalisation de chaque

projet, il y a un risque pour que le résultat ne soit pas qualitatif, comme on l’observe à Challans.

Quelles méthodes mettre en place pour arriver au mariage de la quantité et de la qualité,

comment accompagner les habitants pour les aider à surmonter les difficultés administratives,

financières et réglementaires jusqu’à l’aboutissement de leur projet ?

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 51

III. De l’intégration des habitants au projet urbain à l’intégration de la collectivité aux

projets des habitants : passage à une logique bottom up

A. Passage à une logique bottom up, comment ça marche ?

a. Vers un changement de paradigme et passage à une logique bottom up

La division parcellaire a toujours existé et est une pratique encore très courante. Faut-il intégrer

les habitants au projet de la commune, ou inversement, intégrer la commune aux projets des

habitants pour obtenir une réelle coproduction ? C’est vers ce changement de paradigme que

la démarche BIMBY tend à s’orienter.

La logique top down peut se traduire par une logique descendante et propose ainsi un pilotage

directif où la conduite du projet est menée par l’échelon haut, dans notre cas la collectivité.

L’échelon bas, l’habitant, est alors consulté seulement en aval du projet. A l’inverse, la logique

bottom up peut se traduire comme une logique ascendante pour un pilotage participatif où le

projet part de l’échelon bas, les habitants, pour être répercuté et décliné sur l’échelon haut, la

collectivité. L’idée n’est pas d’inverser la tendance mais d’arriver à une logique plus horizontale

et d’associer les habitants le plus en amont possible du projet pour favoriser sa réussite et son

adhésion.

- L’exemple d’Amsterdam : passer d’une logique top-down au bottom-up51

Ville de 800 000 habitants, Amsterdam est connue pour oser l’innovation et la créativité. Plus

que l’implication des citoyens dans la conception des grands projets urbains, la ville s’est rendue

compte que les habitants étaient les mieux placés pour savoir ce dont leur ville avait besoin.

Connaissant parfaitement leur environnement, ils sont « experts 52» et la collectivité a tout

intérêt à penser la ville de demain avec eux.

Pour arriver à ce dessein, la ville d’Amsterdam s’est penchée sur le modèle opensource53 pour

développer une « open planification » : un « WikiCity ». Basé sur le modèle de l’encyclopédie

participative Wikipedia, WikiCity est ouvert à tous, modifiable et chacun peut apporter une

contribution afin d’enrichir le contenu. Ce modèle venant directement des citoyens est très

51 Pour une construction de la ville partagée : l’adhésion des citoyens, la fabrique de la cité, 2010 52 SUROWIECKI James, La sagesse des foules, éditions Jean-Claude Lattès, 2008 53 Terme désignant un résultat souvent fruit d’une collaboration libre de redistribution et d’exploitation

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 52

efficace et riche pour la commune qui développe ses réflexions depuis cette source. Basé sur

trois principes fondateurs :

Inspire : donner envie aux citoyens de s’engager

Connect : relier les hommes

Activate : obtenir des résultats concrets afin d’arriver à un consensus.

Cette méthode a été une vraie réussite pour le projet Amsterdam 2040 qui en un an et demi

est devenu une esquisse ambitieuse et partagée de la ville de demain. Le BIMBY étant

également opensource, il est apparu nécessaire de développer un réseau et une plateforme

numérique permettant de répondre aux questions et besoins des habitants, des élus, des

professionnels et des universitaires. C’est le projet Wikibimby, construit et alimenté par les

membres du réseau BIMBY+, comptant plus de 3 000 membres. Actuellement orienté pour les

professionnels, il vise à se développer afin de pouvoir répondre à toutes les interrogations des

habitants et les aider dans la réalisation de leur projet de division ou de construction. Si de

nombreux ménages sont freinés par la difficulté des démarches, wikibimby serait un outil

simple de compréhension des étapes et processus.

Conserver cette logique d’intégration sur la durée est primordial. La première étape d’une réelle

co-production est d’instaurer une dynamique collective et une relation de confiance avec les

habitants. Cependant, cette tâche se complexifie lorsqu’il faut la maintenir dans la durée. C’est

la condition sine qua non à la bonne appropriation du projet, ultime étape du processus

d’adhésion. Pour maintenir cette adhésion pendant la durée de réalisation du projet, allant

parfois jusqu’à plusieurs années, une communication sans instrumentalisation s’est faite pour

la ville d’Amsterdam. La transparence, le dialogue et la confiance instaurés lors de la conception

du projet doivent se pérenniser sur la réalisation. L’objectif est de « jouer la carte de

l’honnêteté » pour confirmer le rapport de confiance ente citoyens et élus.

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 53

b. Empowerment : redonner la capacité d’agir

La notion de l’empowerment est importée directement des Etats-Unis. Popularisée dans les

années 1970 par des collectifs de femmes battues pour contrer la logique de victimisation, puis

en Inde dans les années 1980 par des groupes de femmes voulant rompre avec le traitement

paternaliste qui leur est réservé54.

Traduit le plus souvent par « pouvoir d’agir », cette démarche a trouvé du succès dans les pays

britanniques auprès des techniques de management puis de la politique. En France, cette

notion peine à s’installer, notamment dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement du

territoire.

Les premières publications à ce sujet concernent principalement les cités et banlieues, victimes

des nombreux échecs des politiques de la ville. Jean-Laurent Cassely55 analyse notamment le

Programme National de Rénovation Urbaine de 2003, comme ayant certes entrainé un

changement de physionomie des quartiers, mais qu’il a été dans l’incapacité à créer de

l’interpénétration entre les cités et leur ville. Il est difficile d’analyser les effets de ce

programme, puisque sur les 500 quartiers concernés, seuls 200 étaient achevés ou sur le point

de l’être en décembre 201456 et l’ANRU ne propose pas d’analyse des résultats obtenus sur ces

quartiers. Cela n’a pas empêché la naissance du Nouveau Programme National de

Renouvellement Urbain dans le cadre de la loi de programmation pour la ville et la cohésion

urbaine.

Dans leur ouvrage « Refaire la cité, l’avenir des banlieues »57, Michel Kokoreff et Didier

Lapeyronnie analysent les effets de ces politiques publiques traditionnelles qui auraient plus

tendance à enfermer les habitants dans la passivité en annihilant leurs capacités à agir. Pour les

auteurs, si les politiques de la ville perdent en légitimité, c’est principalement parce qu’elles

seraient perçues par les habitants comme des actions d’assistance, confortant l’image négative

de ces quartiers.

54 Qu’est-ce que l’empowerment ? Emission La grande table, France Culture, 04.03.2013 55 CASSELY Jean-Laurent, Avec l’empowerment, peut-on réparer les quartiers de l’intérieur ? Slate, 2013 56 Anru.fr 57 KOKOREFF Michel, LAPEYRONNIE Didier, Refaire la cité, l’avenir des banlieues, Paris, Seuil-La République des idées, 2013

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 54

La proposition serait d’utiliser le « problème » comme une ressource en inversant la manière

de fonctionner. Dans ce quartier il existe de nombreux collectifs ou associations, rarement

intégrés dans les démarches publiques et qui sont pourtant au cœur de la vie de ces quartiers

et regroupent les acteurs les plus mobilisés. La concertation apparait encore comme trop

verticale et descendante pour intégrer ces acteurs.

« Plutôt que de penser l’action publique selon un schéma allant du haut vers

le bas, il faudrait développer des dispositifs remontant du bas vers le haut. A

la place de la concertation et de ses simulacres, il faudrait favoriser la

constitution de collectifs s’érigeant comme interlocuteurs incontournables et

avisés. »58

C’est pour cette raison qu’en 2014, la revue Urbanisme titre en couverture « Participation ou

empowerment ? 59», afin de faire apparaitre ces deux termes en opposition et mettre « en

tension une tradition française ‘’républicaine’’ et une culture nord-américaine

‘’démocrate’’ 60».

Cependant, l’empowerment ne signifie pas un désengagement des pouvoirs publics ni le renvoi

du message « aide-toi toi-même ». C’est au contraire aux pouvoirs publics d’offrir une

reconnaissance à l’expression et aux propositions des habitants, avant de les réceptionner pour

les transformer en résultats concrets.

Si pour le BIMBY, les habitants sont maitres d’ouvrage dans la création de logements, les

pouvoirs publics conservent une vision d’ensemble du projet urbain que les habitants n’ont pas

forcément.

58 KOKOREFF Michel, LAPEYRONNIE Didier, Refaire la cité, l’avenir des banlieues, Paris, Seuil-La République des idées, 2013 59 Participation ou empowerment ? Revue Urbanisme n°392, 2014 60 Ibid

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 55

« Les élus à part être des cibles pour tous les mécontentements, se

caractérisent aussi par le fait qu’ils ont une perspective un peu plus large et

qu’ils ne regardent pas qu’un point. »61

Ainsi, en partant du postulat que c’est à la collectivité de s’intégrer aux projets des habitants,

grâce à une dynamique bottom up, il est nécessaire de trouver un équilibre entre la vision

individuelle de l’habitant et la vision globale de la collectivité.

61 Entretien avec Denis Caraire, Urbaniste OPQU, annexe 2

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 56

B. Suivi animation : quelles méthodes mettre en place ?

a. Le BIMBY s’installe à Périgueux !

La ville de Périgueux, plus peuplée du Périgord avec 30 000 habitants, a connu une importante

perte démographique entre 1950 et 2015. Son objectif actuel est d’accueillir 2 000

habitants supplémentaires mais la ville s’est retrouvée bloquée par son manque de foncier. La

création d’une ZAC dans le quartier de la gare devrait lui permettre d’offrir 750 nouveaux

logements type appartements T4/T5 à l’horizon 2019 et une opération programmée

d’amélioration de l’habitat (OPAH) devrait remettre sur le marché 23 logements vacants par an.

Afin de disposer d’une offre de logement suffisamment diversifiée, la ville de Périgueux s’est

lancée dans la conduite d’une démarche BIMBY en 2015, dans le cadre de la révision de son

Plan Local d’Urbanisme. A cette occasion, une centaine de ménages ont été reçus en entretien

avec un architecte en novembre 2015, soit 2% des propriétaires de maisons individuelles de la

commune. Tous ces propriétaires occupants ou propriétaires bailleurs ont dessiné au total une

centaine de logements sur des parcelles déjà bâties.

Ces projets ont été analysés, et ont permis à la commune de formuler un projet d’évolution

spécifique pour chacun des quartiers concernés, en lien avec son histoire, son potentiel et son

positionnement. Au printemps 2016, une stratégie BIMBY a été intégrée au PLU afin d’adapter

le zonage et le règlement au projet d’intensification pavillonnaire de la commune.

Désireuse d’obtenir de réels résultats de ces entretiens, Périgueux sera la première ville de

France à engager une opération de « suivi-animation » de sa démarche BIMBY. Cette étape

d’accompagnement des projets BIMBY doit permettre la production de 40 terrains à bâtir par

an. Dès septembre 2016, la ville met à disposition de tous les habitants propriétaires d’un

terrain bâti, sur un secteur de 4 800 maisons sur les 6 000 que compte la commune, une équipe

d’accompagnement BIMBY. Cette équipe va assister les particuliers dans la conduite et la

réalisation de leurs projets, en association avec les professionnels locaux, les services de la ville

et de l’agglomération pour atteindre un objectif de 100 logements en 30 mois. Ces 100

logements doivent permettre l’accueil de nouvelles familles, l’aide aux personnes âgées à

adapter leur logement ou à se reconstruire un plain-pied adapté dans leur jardin, tout en

proposant des terrains abordables, bien situés et en filière courte.

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 57

Lors des entretiens, 62 réalisations de projets sont envisagés dans les deux années qui suivent

l’entretien et 35 projets dans les 5 ans qui suivent l’entretien. Si la première étape est de

rappeler les ménages venus aux entretiens, il est essentiel d’en contacter de nouveaux pour

atteindre les objectifs. L’outil principal pour intéresser de nouveaux ménages est la

communication. Ainsi de nouveaux entretiens auront lieu en novembre pour recevoir d’anciens

ménages et peaufiner leur projet, mais également pour en recevoir de nouveaux et recréer une

impulsion.

La ville prévoit un affichage publicitaire percutant dans son espace public afin d’interpeler ses

habitants et faire naître des idées de projets ou encore de proposer un accompagnement aux

habitants déjà porteurs de projets. L’un des outils phare de cette opération est la mise en place

d’un numéro vert gratuit pour tous les périgourdins désireux d’obtenir des informations, de

l’aide ou des conseils dans leur projet, étape par étape.

L’objectif ici est réellement d’instaurer une relation de confiance avec les habitants, qu’ils ne

soient pas méfiant de cette démarche et la voient comme une réelle opportunité d’obtenir un

accompagnement de professionnels pour leur projet. Plus que cela, c’est rendre l’habitant

acteur du projet urbain en passant du dessin au dessein.

Ainsi, d’ici 30 mois, ce sont 100 projets de qualité, respectueux du tissus bâti de Périgueux, de

son charme et son cadre de vie qui devraient voir le jour : l’union du quantitatif au qualitatif.

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b. Un speed dating à Doué la Fontaine

La communauté de Commune (CC) de la région de Doué-la-Fontaine s’est lancée dans la

conduite d’une démarche BIMBY dans le cadre de l’élaboration de son PLUi en février 2016.

Cette collectivité du Pays de la Loire est composée de 11 communes sur un territoire de 20 620

hectares pour 14 614 habitants62.

C’est en mars 2016 que les entretiens ont eu lieu avec les habitants de quasiment toutes les

communes de la CC. Au total, 112 ménages ont été reçus par les équipes d’architectes –

urbanistes sur deux week-ends, ce qui représente 2% des propriétaires de maisons

individuelles. 139 projets de logements ont été dessinés sur des parcelles déjà bâties, ainsi que

38 extensions et 15 projets d’activités. A l’issus de l’entretien, 70% des propriétaires reçus

projettent de créer un ou plusieurs logements dans les années à venir. Ces projets sont pour la

moitié des divisions parcellaires, permettant à l’acheteur d’être libre de sa construction, 19%

des projets sont des constructions de maison de moins de 70 m² et 22% des maisons de 70m²

à 110m². Les maisons de 150m² ne concernent que 6 % des projets et les maisons plus grandes

encore ont été demandées par 3% des propriétaires.

A la suite de ces entretiens, 23 porteurs de projets envisagent de le réaliser dans les deux

années à venir. Un questionnaire leur a été remis et ils ont répondu à 80% être prêt à rencontrer

leur futur voisin lors d’une rencontre speed dating BIMBY. Ils sont 55% à définir leur priorité

comme étant de trouver le meilleur voisin et 45% à chercher à tirer le meilleur prix de la vente

du terrain. Ces ménages ont pour certains une idée bien précise du voisin idéal, puisqu’ils

répondent à 40% préférer un couple avec enfant comme nouveaux voisins et à 5% un voisin

âgé.

La méthode du speed dating, qui peut se traduire littéralement par « rencontres rapides », a

été créée à l’origine par un rabbin aux Etats-Unis dans les années 1990, souhaitant préserver la

culture juive en poussant aux mariages intracommunautaires. Cette méthode a ensuite connu

un réel succès généralisé aux rencontres sentimentales de tous types. Déclinée en « job

62 INSEE 2009

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 59

dating », ou encore « speed networking » pour mettre en relation candidats et entreprises,

pourquoi ne pas réaliser un speed dating BIMBY ?

C’est l’idée qui a été proposée à la CC de la région de Doué-la-Fontaine et que cette dernière a

tout de suite acceptée. Le principe est simple, mettre en relation 10 ménages porteurs de

projets et 10 ménages souhaitant bâtir sur le territoire. Chaque rencontre dure 10 minutes, puis

chacun change de partenaire. Ces rencontres se déroulent de 10h à 12h et sont suivies d’un

barbecue organisé par la CC afin que les personnes puissent continuer à échanger après les

courtes rencontres.

Plus que de permettre à des ménages de vendre leur terrain et d’autres d’en trouver, l’idée est

aussi de rencontrer son futur voisin. Diviser son terrain signifie avoir un nouveau voisin pour

des années. Le speed dating donne l’avantage de pouvoir rencontrer son voisin et même de le

choisir. Pour les acquéreurs, cela change tout, acheter le lot 22 d’un lotissement est synonyme

de hasard concernant le voisinage, avec le BIMBY non seulement il rencontre son voisin mais

souvent acquiert un terrain bien situé, dans un quartier déjà vivant et équipé, avec des arbres

qui ont déjà poussés. D’après un sondage sur l’habitat et la qualité de vie réalisé dans le cadre

de la démarche BIMBY associée au PLUi du Grand Angoulême, 80% des 260 angoumoisins

interrogés déclarent préférer avoir le voisin idéal plutôt que tirer le meilleur prix de la vente de

leur terrain63. Cela implique qu’une grande majorité des propriétaires est prête à faire un effort

sur les prix pour avoir le meilleur voisin possible, ce qui représente encore un avantage pour les

acquéreurs.

Pour réaliser les inscriptions au speed dating, il a fallu recontacter les ménages venus aux

entretiens avec des projets de division, compatibles avec le règlement, souhaitant réaliser leur

projet rapidement. En revanche, pour trouver les futurs acquéreurs, plusieurs stratégies ont été

élaborées, contacter les constructeurs de maisons individuelles pour que le bouche à oreille

opère auprès de leurs clients, l’utilisation de la presse mais également des annonces mises en

lignes sur leboncoin par les propriétaires vendeurs redirigeant les intéressés vers la CC de Doué-

la-Fontaine.

63 Sondage habitat et qualité de vie, réalisé du 13 au 27 juin, laboratoire In Vivo

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 60

Le speed dating étant prévu pour le samedi 10 septembre, les résultats de cette démarche ne

sont pas encore connus, mais l’enthousiasme des ménages déjà inscrits témoigne d’une future

réussite !

Il est possible de s’inspirer de cette démarche pour en imaginer de nouvelles. Aujourd’hui de

nombreuses applications ont pour objectif de connecter les gens entre eux, selon leur

préférence ou leurs critères de recherche. C’est le cas de sites tel que leboncoin.fr qui permet

à acheteur et vendeur de se connecter, ou encore le modèle des sites de rencontre pour

célibataires. Il serait possible d’envisager un site ou une application permettant aux habitants

vendant un terrain de trouver le voisin idéal, facilitant l’intégration des nouveaux habitants.

Pour favoriser un accompagnement plus en autonomie des ménages porteurs de projets, des

guides pratiques du BIMBY ont été réalisés à destinations des habitants. Ces guides ont pour

vocation d’aider l’habitant dans la réalisation de ses projets, tout en le plaçant comme acteur

du projet urbain.

Figure 17 : Extrait du Guide BIMBY réalisé pour la commune de Bouray-sur-Juine

Ils permettent d’aborder les différents projets qui peuvent être envisagés sur une parcelle, au

travers de story telling, afin de permettre aux habitants de s’identifier et de se dire « pourquoi

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 61

pas moi ? ». La réalisation des différents projets est ensuite abordée dans un aspect plus

opérationnel, avec les questions de financement ou les étapes du projet. Des conseils sont

également donnés, afin de préserver l’intimité, le charme et le cadre de vie de la commune,

d’utiliser au mieux les ressources locales ou encore de mieux connaitre le projet de la commune.

Les habitants peuvent également y trouver des conseils sur l’utilisation du droit privé pour

permettre à leur projet de correspondre au mieux à leurs attentes et à celles de leurs voisins,

notamment grâce aux servitudes de droit privé. Distribué aux habitants, ils sont un réel support

de réflexion et permettent de renvoyer les habitants porteurs de projets vers leur collectivité

pour continuer vers la réalisation du projet…

Ces guides, couplés à la mise en place d’un suivi-animation et d’une mise en relation des

habitants porteurs de projets avec les nouveaux arrivants sont un moyen efficace d’obtenir des

résultats rapidement et de qualité. Ces projets correspondent aux attentes des habitants

puisque ce sont eux qui les ont imaginés.

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 62

Conclusion générale

La préférence des français pour la maison individuelle a été écoutée par les constructeurs, mais

a engendré un fort étalement urbain ces dernières décennies. Objectif affiché et assumé, la

lutte contre l’étalement urbain par la densification s’est souvent traduite par des opérations

peu séduisantes aux yeux des habitants. Logements collectifs, grands-ensembles, créant

souvent un sentiment de vivre les uns sur les autres, de perdre son identité. Les habitants

subissent généralement ces logements plutôt que de les choisir. Avec une méthode

d’intégration qui relève de la consultation plus que de la participation, les habitants se sentent

exclus de l’aménagement du territoire maitrisé par les techniciens et élus, alors que cet

aménagement a un impact direct sur la qualité de leur cadre de vie.

La démarche BIMBY se positionne comme méthode alternative en conciliant l’habitat individuel

et la densification des territoires. Cet outil de densification trouve du sens avec les enjeux

actuels en offrant l’opportunité de créer une réelle co-production entre les habitants et la

collectivité. Les entretiens individuels menés entre habitant porteur de projet et architecte

urbaniste sont des moments privilégiés où l’habitant, tout en réalisant son projet personnel,

ressent une démarche à l’échelle de la collectivité.

La mise en place d’un suivi-animation sur une longue durée est l’étape ultime pour arriver à la

création de nouveaux logements de qualité, respectueux du cadre de vie des habitants.

Désormais ce n’est plus l’habitant qui est intégré aux projets de la collectivité, mais bien la

collectivité qui doit s’intégrer aux projets des habitants. Ce changement de paradigme, impulsé

par des concepts comme l’empowerment redonne à l’habitant une place central et une réelle

capacité d’agir sur son territoire.

Les projets de suivi-animation de Périgueux et le speed dating de Doué-la-Fontaine n’étant pas

encore réalisé, il n’est pas possible de les analyser ici. Cependant, nous pouvons nous en donner

une idée, qui je l’espère se confirmera…

Passage d’une logique top down à une logique bottom up dans l’intégration des habitants au projet urbain :

L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 63

Nous sommes en 2020 à Périgueux.

Mathilde revient du marché des Halles, comme tous les lundis, c’est son jour de repos.

Arrivée dans sa maison de ville, elle pose son panier sur la table de la cuisine avant de jeter un

coup d’œil par la fenêtre. Jeanne est chez elle ! Elle attrape un sachet, dévale les quatre

marches qui la séparent du jardin, le traverse puis ouvre un petit portail. Elle arrive chez

Jeanne, occupée à tailler ses rosiers devant l’entrée de sa maison.

Jeanne a vendu à Mathilde la maison qu’elle occupait avec son mari et leurs deux

enfants pour se reconstruire une maison plus adaptée à son âge au fond du jardin. La maison

de retraite, il n’en était pas question : elle est bien mieux dans son ancien quartier avec tous

ses voisins. Elle en connait certains depuis 25 ans ! Sa fille habite aussi Périgueux et vient la

voir tous les week-ends avec les petits enfants, parfois elle leur donne des bonbons en douce…

Jeanne ne pouvait pas espérer meilleurs voisins que Mathilde et sa famille : le lundi

elle lui rapporte des légumes frais du marché, son mari Hervé l’emmène chez le médecin quand

sa fille ne peut pas, et il arrive à Jeanne de garder les enfants certains soirs !

Mathilde lui tend le sachet de tomates : « Il y avait un étudiant au marché, il m’a dit

qu’il habitait un bel appartement avec vue sur la cathédrale ! Tu imagines ! » Mathilde lui

répond qu’il y a quelques années, beaucoup étaient vacants, mais que depuis les jeunes ont

réinvesti le centre-ville : « Les immeubles n’ont pas d’ascenseurs là-bas, et je préfère avoir mon

petit jardin à l’arrière. En plus, on entend les cloches d’ici ! ». Mathilde rit avant de lui raconter

la réunion publique qui s’est tenue samedi : « Il y avait vraiment du monde et le maire a parlé

de toi ! » « De moi ? » s’exclame Jeanne. « Pas directement ! Mais il a dit qu’il était très

heureux des projets des habitants, qu’ils avaient vraiment permis de diversifier l’offre de

logements de Périgueux et que chacun pouvait vivre dans une maison adaptée à ses besoins.

Et c’est vrai ! Je n’aurais jamais pu trouver la maison idéale dans le quartier où je voulais vivre

sans ça, et même nos amis Léo et Sandrine, ils n’auraient pas pu faire construire leur maison

au Toulon si le voisin n’avait pas divisé son terrain ! ».

« Oui, tu as raison. En tout cas, je suis bien contente de ne pas avoir déménagé, je suis

tellement bien ici. J’oublie toujours de l’envoyer mais j’ai écrit une petite carte pour remercier

l’architecte auvergnat qui m’a reçu la première fois ! Je vais la porter aujourd’hui à la mairie

pour qu’ils lui transmettent ! »

« Je t’ai dit que le stagiaire allait venir demain pour faire des photos des

maisons ? C’est pour illustrer nos témoignages. C’est une bonne idée ce guide, si les gens

continuent de faire ce genre de projets, la ville va conserver son charme, plutôt que de voir

pousser des immeubles partout !»

« Oui, je me réjouis de lui raconter l’histoire de ma nouvelle maison, et de lui dire à

quel point mes nouveaux voisins sont charmants ! »

« N’exagère pas, c’est nous qui avons eu de la chance ! »

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L’exemple de la démarche BIMBY, Chloé Michel, 2016, Master 1 Institut d’Aménagement de Tourisme et d’Urbanisme 64

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o Code de l’urbanisme

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Table des illustrations

Figure 1 : Vue aérienne de Bouray-sur-Juine (91) .................................................................... 13

Figure 2 : Grand-ensemble de Sarcelles (95) ........................................................................... 22

Figure 3 : Photo et vue aérienne du jardin de Mr et Mme Morvant et Rioual ........................ 28

Figure 4 : Photo et vue d'un lotissement récent de Quimperlé, construit sur d’anciennes terres

agricoles.................................................................................................................................... 29

Figure 5 : Schéma des différents types de filières permettant la production de logement. La

filière BIMBY est la plus courte. ............................................................................................... 33

Figure 6 : Simulation de l'espace nécessaire à la réalisation des 70 logements en extension

urbaine sur la commune du Tremblay-sur-Mauldre ................................................................ 36

Figure 7 : Simulation des 70 maisons sans étalement urbain, par intensification du tissu bâti

existant ..................................................................................................................................... 37

Figure 8: Illustrations publiées dans l'article du journal local : quartier du Vert Buisson,

Tremblay-sur-Mauldre ............................................................................................................. 38

Figure 9 : Flyer envoyé à tous les habitants propriétaires du Tremblay-sur-Mauldre ............ 39

Figure 10 : Photographies des entretiens entre architecte et habitants ................................. 41

Figure 11 : Exemple de modélisation de projet réalisé lors des entretiens BIMBY ................. 43

Figure 12 : Les données récoltées pendant les entretiens, sur les projets et les ménages sont

une ressource pour le projet urbain de la collectivité ............................................................. 43

Figure 13 : résultats à la réponse "Où en est votre projet aujourd'hui ?", sur un total de 75

ménages recontactés ............................................................................................................... 45

Figure 14 : Projet de Monsieur G. dessiné par l'architecte ...................................................... 47

Figure 15 : Projet réalisé par Monsieur G. ............................................................................... 47

Figure 16 : carte des projets dessinés à Treize-Septiers. Un drapeau rose représente un projet

de logement, un drapeau jaune une extension de logement .................................................. 48

Figure 17 : Extrait du Guide BIMBY réalisé pour la commune de Bouray-sur-Juine ................ 60

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Annexe 1 : Liste des acronymes

ALUR : Loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové

ANRU : Agence nationale pour la rénovation urbaine

BIMBY : Build in my backyard – construit dans mon jardin

CES : Coefficient d’emprise au sol

CERTU : Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions

publiques

CC : Communauté de communes

COS : Coefficient d’occupation des sols

CU : Certificat d’urbanisme

CREDOC : Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie

ENE : Loi portant engagement national pour l’environnement (loi grenelle 2)

EPCI : Etablissement public de coopération intercommunale

INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques

LOADDT : Loi Voynet d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du

territoire

NPNRU : Nouveau programme national de renouvellement urbain

NYMBY : Not in my back yard – pas dans mon jardin

OPAH : Opération programmée d’amélioration de l’habitat

PLH : Plan local de l’habitat

PLU : Plan local d’urbanisme

PLUi : Plan local d’urbanisme intercommunal

PNRU : Programme nationale de renouvellement urbain

POS : Plan d’occupation des sols

SCoT : Schéma de cohérence territorial

SRU : Loi Solidarité et renouvellement urbain

TLE : Taxe locale d’équipement

VSD : Versement pour sous-densité

ZAC : Zone d’aménagement concerté

ZAU : Zone à urbaniser

Z2AU : Zone à urbaniser non constructible en raison du manque de réseaux

ZU : Zone urbaine

ZUP : Zone à urbaniser en Priorité

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Annexes 2 : Retranscription de l’entretien avec Denis Caraire, urbaniste OPQU

C. Michel J’ai lu dans tes rapports que tu proposes des outils d’animation décalés, peux-tu m’expliquer en quoi tes animations sont décalées, qu’est-ce qu’un « urbanisme sans power point » et pourquoi tu as recours à cette méthode ? D. Caraire L’idée c’est qu’il y a souvent un aspect « colonial » dans les réunions publiques ou les concertations : il y les concertés, les concertants et un technicien qui montre des images, dans un rapport peu éloigné de ce qu’on retrouve à l’école. Je ne sais pas toi mais moi je ne garde pas forcément un très bon souvenir de l’école. Un tel rapport n’est pas productif et tu te prive d’une richesse. Par exemple si tu ne parles pas de la densité, les gens vont te parler du stationnement. Il faut trouver des façons de sortir du sujet pour mettre les gens plus à l’aise, pour créer une confiance. Si tu emmènes les gens sur un terrain où ils n’ont pas peur d’aller, ils n’auront pas peur de s’exprimer. Donc pour répondre à ta question, tout ce qui est induction, c’est-à-dire, mettre les personnes sur un sujet, où tu poses la question d’une certaine façon ; du coup ça va dérouler et alimenter toi ton propre fonctionnement. Tu vois dans un SCoT où j’ai fait une réunion avec les élus, j’ai fait une modalité qui a été très dure à tenir. J’avais les élus d’un SCoT et ça représentait un territoire rural, c’est un territoire très grand. On partait d’un truc très abstrait, et les gens étaient un peu remontés, ils étaient un peu énervés, en gros ils venaient, en disant nous on est les élus d’une petite commune, et on a le sentiment que les techniciens et les grands élus, ils veulent nous faire valider des choses qui vont conforter le rôle des grandes communes. Et donc c’est la question de la marge de choix, est-ce qu’on ne va pas être privé finalement de notre libre arbitre, eux ils arrivent à fond là-dessus, et moi j’arrive avec une modalité, en leur disant voilà, vous avez des choses à me dire, mais on est beaucoup, comme vous avez beaucoup de choses à dire, on ne va pas y arriver, et donc je vous propose l’exercice suivant, vous vous mettez par paire, la paire vous ne la choisissez pas, c’est avec votre voisin de droite ou votre voisin de gauche. Chacun interviewe son voisin mutuellement, durant deux minutes. Par exemple si le binôme c’est Chloé Michel - Denis Caraire, pendant deux minutes, Chloé Michel explique ce qu’elle vient faire ici, quelle est sa fonction, ce qu’elle attend de la réunion à Denis Caraire, et Denis Caraire explique la même chose à Chloé Michel. Ensuite on fait une mise en commun, sauf qu’au lieu d’avoir un tour de table très long, c’est moi Denis Caraire qui présente Chloé Michel, donc je dis voilà, Chloé Michel est maire de la commune de ceci, ou elle est boulangère, elle est venue à la réunion pour telle raison, et ce qu’elle a envie de dire c’est ça etc. Donc ça tu vois c’est une modalité décalée, parce que la personne vient pour en découdre dans un cadre collectif (ou au contraire, pour s’intégrer dans un groupe sans s’exprimer), et là c’est décalé parce que les gens ne s’attendent pas à ça d’une part, et deuxièmement c’est décalé parce que je n’oblige pas les gens à s’exprimer devant un groupe de façon un peu théâtrale. En revanche lorsqu’on fait de la petite modalité comme ça en 4 minutes, j’ai obligé Chloé Michel à écouter Denis Caraire, et j’ai obligé Denis Caraire à écouter Chloé Michel. Et ça c’est déjà le premier résultat, et le second résultat, c’est que lorsqu’ on fait le tour de table, quand moi je présente ce que tu m’as dit, d’une part je vais te présenter de façon assez synthétique, parce que tu m’auras dit l’essentiel et qu’on ne se connait pas, mais aussi, je ne suis pas du tout gêné de m’exprimer devant tout le monde, parce que je ne parle pas de moi. Dans cette modalité-là, on a eu une fois un truc vraiment difficile, parce que la deuxième personne qui a parlé ne savait pas trop quoi dire, et puis mettons que ce soit Denis Caraire qui parle de Chloé Michel, et Chloé Michel dit « non ce n’est pas du tout ce que j’ai dit, vous ne m’avez même pas écouté en fait ». Et là on dit « voilà, écoutez, on vient de démarrer, ça fait 5 minutes, on fait un tour de table, on est dans un cadre un petit peu intime où il y a une personne qui écoute une autre personne, et là vous voyez, vous Chloé Michel, vous n’êtes pas arrivée à (je ne le dit pas comme ça) à expliquer ce que vous venez faire ici à votre voisin, et votre voisin ne vous a pas écoutée ». Donc c’est quand même intéressant, on poursuit le tour de table. Du coup ça jette un petit froid parce que tous les suivants qui vont passer, ils

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commencent à reparler à l’autre « est-ce que j’ai bien compris » et tu arrives à la fin, tu as fait un tour de table, et déjà tu as un premier résultat, qui est que les gens se sont parlés, se sont écoutés. Et tu t’aperçois qu’en fait il y a énormément de problèmes qui viennent du fait que les gens se sont jamais parlés, jamais écoutés. A la fin les gens se disent c’est super, en fait je ne connaissais pas Chloé Michel c’est vraiment marrant, je ne savais pas qu’elle avait un élevage de lapins angora avec lequel elle allait faire le développement de sa commune et qu’on pourrait s’appuyer là-dessus. Donc tu vois ça, j’appelle ça une modalité décalée, et après au bout de 5 minutes, on commence à travailler sur des questions et des choses plus classiques de réunions de concertation, mais je pense que le « pas de côté » est nécessaire, dans toutes les démarches d’animation, même 5 secondes. Alors ça peut être de l’humour, par exemple, je t’avais fait passer très vite un document où il y avait des dessins. C’était vraiment dans le courant d’un cycle de travail, les participants étaient sur des discussions assez dures, et moi j’écoutais ce qu’il se disait dans ces groupes et à chaque fois j’illustrais leur discussion par un dessin, et donc à la fin en fait, les gens ils se tapaient un peu dessus mais quand même ils étaient content quand le truc était fini parce que j’ai affiché tous les dessins au mur, et ils ont pu aller se soulager un peu en regardant ce qui avait été dessiné, et comment j’avais résumé la discussion. Un autre exemple de décalage, tu donnes deux cent photos et tu dis aux personnes de choisir une photo et de dire pourquoi elles l’ont choisi, et là en général c’est très intéressant, parce qu’ils vont vraiment te parler des thèmes qu’ils ont à cœur. C’est aussi très facile pour tout le monde de commenter une photo, à peu près n’importe qui peut choisir une photo et dire ce qu’il y a dessus et pourquoi il l’a choisie. Ça ne demande pas une compétence en urbanisme. Un jour, il y a une personne qui a dit, moi je ne veux pas choisir de photo, parce que je refuse ça et je viens là pour revendiquer. Et là c’était vraiment très intéressant, parce qu’en général ces personnes-là, si tu démarre une réunion de façon classique, elles vont vraiment emporter le groupe, parce que c’est très puissant quelqu’un qui vient exprimer du négatif. C’est-à-dire, je ne sais pas, tu as quelqu’un qui parle en position power point, si tu as quelqu’un qui dit « vous êtes vraiment nuls, on vous paye trop cher », tu as ceux qui diront rien, mais tu n’as pas beaucoup de gens qui vont se lever pour dire « arrêtez, ce n’est pas juste de dire ça, il n’y est pour rien ». Et là en fait, quand quelqu’un refuse de faire la modalité à laquelle les autres se sont prêtés, du coup il n’a pas l’air désobligeant vis-à-vis du tiers, il a l’air désobligeant vis-à-vis de ses partenaires. Donc voilà quelques exemples de modalité décalés, et ça peut être aussi d’aller faire un tour, ça peut être de dessiner quelque chose, ça peut être encore comme on l’a fait dans un atelier de quartier où ça allait être vraiment tendu, de demander à chacun en début de réunion de venir dessiner, avec un feutre, son trajet quotidien sur une carte. Les gens étaient un peu surpris, tu peux difficilement critiquer ça, en fait c’est assez facile à argumenter, je dis voilà, là on va voir les points du quartier que vous connaissez vraiment, on va voir s’il y a des endroits qui ne sont connus que par certains d’entre vous. Là tu t’aperçois que selon les cas ils connaissent très bien le quartier ou au contraire, tu en as la moitié, qui ne sont pas du quartier, qui sont venus pour s’exprimer mais sans connaissance directe. Quand tu établis un décalage, tu obliges les gens à être dans une implication, en revanche la contrepartie, c’est de proposer toujours des modalités très simples, c’est-à-dire que ce que je t’ai décrit, les quelques exemples, c’est pas les alcooliques anonymes, ce n’est pas un questionnement profond et dérangeant les individus, c’est plutôt des niveaux d’implication très faible, et ce n’est pas désagréable et plutôt marrant. C’est plutôt intéressant, que ce soit le moment où tu parles, ou le moment où les autres parlent. Donc pas des choses qui nécessitent un énorme effort de sortie de sa coquille et en général, ça brise bien la glace. Moi c’est ça que j’entends par le décalage. Et après ça prépare aussi à autre chose. Pour moi, pour éviter l’urbanisme du power point, ce n’est pas seulement disposer la table d’une certaine façon, ou démarrer une séance de travail d’une certaine façon, ou être plus à l’écoute ou obliger les gens à s’écouter etc. Ce n’est pas que ça, c’est aussi être dans une production. Si tu es dans une production, si la personne, quelles que soient les modalités d’animation, sympas, pas sympas, sexy, pas sexy, agréables, désagréables, il y a deux préoccupations, c’est que soit tu as juste fait parler les gens et que tu reviens avec rien auprès de la collectivité, et bien

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ce n’est pas très déontologique, ça veut dire qu’en gros, les gens peuvent bien dire ce qu’ils veulent, toi tu ne donnes rien, tu ne restitue rien donc ça veut dire qu’ils ont parlé pour rien. Deuxième hypothèse, les gens ont fait des trucs, mais c’est toi qui restitue, donc finalement ça reste assez « colonial », car c’est toi qui décide de la fameuse synthèse, « toi tu parles pendant une heure, moi je décide de ce qui est important de rapporter à la collectivité ». Donc ça, ça ne me parait pas très respectueux non plus. Pour moi ce qui me parait respectueux et vraiment honnête, c’est d’indiquer aux personnes qu’on est dans un processus de production, parce que si on est vraiment dans un processus de production, ça fait d’une pierre deux coups, c’est-à-dire d’une part que les personnes, voient, qu’à la fin de la réunion, à la fin de la rencontre ou à la fin de la balade, il va rester quelque chose, c’est-à-dire que leur participation est utile, elle produit quelque chose. D’autre part, les participants aussi, voient qu’ils ne sont pas là pour critiquer un projet, mais sont là aussi pour apporter leur pierre à l’édifice et qu’il faut qu’ils donnent quelque chose. Ce qu’ils vont donner, on va en faire quelque chose, mais il faut qu’ils le donnent. Le fait de démarrer par des modalités décalées, c’est les introduire au fait qu’ils vont devoir donner quelque chose. Et donc, là en l’occurrence, par exemple lorsqu’on pratique des portraits croisés où c’est moi qui parle de Chloé Michel et c’est Chloé Michel qui parle de moi, souvent je demande aux gens de prendre des notes, et je récupère les notes qu’ils ont prises, et mon livrable, c’est les notes des gens. Donc ensuite, on ne peut pas m’accuser d’avoir sélectionné, c’est les gens, si tu veux, c’est Chloé Michel qui a noté ce qu’il y avait à savoir sur moi. Ou alors quand il y a les photos, ensuite les photos on les met dans un album, mais c’est toujours une modalité pour amener les gens vers de la production. On se met à égalité, et souvent je mets aussi un principe de réciprocité, alors c’est compliqué pour l’itinéraire quotidien si je ne suis pas du territoire, mais le fait de se présenter, ou le fait de participer aux modalités, mais moi ça m’arrive, y compris l’itinéraire quotidien, quand je demande aux gens où ils habitent, moi-même je dis, j’habite à Agen, dans un immeuble de trois étages etc… ça c’est toujours intéressant. Donc voilà ce que j’entendais par urbanisme sans power point et modalités décalées. C’est d’avoir un truc un petit peu inattendu, et fondamentalement, c’est l’idée aussi de dire, enfin je sais que les gens vont assez souvent à des réunions, j’avais fait un sondage une fois auprès de 100 élus, je crois qu’il y en a un tiers qui disait qu’ils n’avaient jamais eu de plaisir dans une réunion d’urbanisme. C’est pas acceptable, des gens qui sont quand même plus ou moins bénévoles, on n’est pas là pour souffrir. Donc être décalé c’est aussi avoir le minimum de plaisir nécessaire à la poursuite d’une démarche. C. Michel Quand les habitants participent à des réunions de concertation, comment ils sont choisis ? D. Caraire Dans la concertation ou la participation, le plus important, ce ne sont pas les modalités, les sujets dont je t’ai parlé. C’est aussi ce que j’appelle la promesse, c’est-à-dire tu vas chercher qui avec quelle promesse. Et donc ça, c’est un travail avec le maitre d’ouvrage. Cela m’arrive de refuser des missions, parce qu’il faut que le maitre d’ouvrage soit prêt à faire une promesse et à la tenir, c’est-à-dire, si tu viens, qu’est-ce qu’il va se passer, et qu’est-ce que je vais en faire. Pour beaucoup de maîtres d’ouvrage, l’objectif, c’est de tenir la réunion. Pour moi l’objectif est atteint si la réunion s’est tenue, si les gens ont été contents, si j’ai des évaluations… Je pense que dans ce que tu as feuilleté, il y a surement des évaluations qui ont été reproduites, en tout cas moi je fais évaluer systématiquement toutes les prestations. Avec toujours des questions fermées, des questions ouvertes, typiquement une animation avec des modalités d’évaluation, avec moi, c’est quelle est votre impression globale sur la réunion, êtes-vous satisfait… en général je fais en 4 couleurs, c’est vert, moins vert, orange et rouge. Et après, je demande qu’avez-vous pensé de chacun des temps d’animation, le sommaire de mon temps d’animation, je le reprends et je demande une appréciation sur chaque temps, et ça va très vite, tu choisis une couleur pour chaque temps. Et après typiquement, je demande quel est le moment ou la chose qui vous a le plus plu dans la journée ou dans l’après-midi ou dans la session, qu’est-ce qui vous a déplu dans la session, et après il y a toujours un cadre pour mettre ce que tu veux. Il y a aussi un cadre avez-vous l’impression d’avoir été écouté, et avez-vous l’impression d’avoir été informé. La concertation c’est tout un ensemble, depuis la préparation du recrutement, pour répondre à ta question, jusqu’à la

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production des livrables, et la production des évaluations. C’est vraiment un ensemble, ce n’est pas juste ce qu’il se passe dans une salle, pendant une heure, deux heures. Pour ce qui est du recrutement, c’est quand même au maitre d’ouvrage de dire qui est-ce qu’il veut concerter, moi je n’ai pas de recommandations. Ça ne me dérange pas, qu’on recrute tel ou qu’on recrute tel, que ce soit un grand tirage au sort, comme pour les conseils citoyens, que ce soit une désignation comme dans d’autres concertations, que ce soit un appel au peuple dans le journal, ça appartient au maitre d’ouvrage. Moi en revanche ce que je souhaite et ce que j’exprime au maitre d’ouvrage, c’est qu’il faut qu’il puisse justifier son choix de recrutement. Si je concerte 10 personnes, il faut savoir pourquoi c’est ces 10 personnes, s’il concerte 10 commerçants du village, est-ce qu’ils ont bien tous été invités, s’ils n’a pas invité tous les commerçants, pourquoi il n’a pas invité la boulangère ? Moi je ne demande pas que la démarche soit d’une certaine façon, je demande qu’elle soit honnête et explicable. Ça c’est la première chose, donc qui est-ce qu’on souhaiterait voir venir dans l’animation. La deuxième dimension, c’est que ce soit de la convocation, de l’invitation de l’information publique, il y a une dimension de promesse, c’est-à-dire tel jour, telle heure, tel endroit, pour parler de quoi ? Pour moi la promesse doit être la plus claire possible. C’est-à-dire, est-ce que c’est une promesse de venir s’exprimer, est-ce que c’est une promesse de venir travailler ensemble, est-ce que c’est une promesse de venir être informé sur un projet ? Je n’ai pas d’a priori, moi ça ne me gêne pas qu’une collectivité ne concerte pas, par exemple, mais réunisse 50 personne dans une salle pour informer. A condition qu’elle n’ait pas annoncé qu’elle concertait pour finalement informer. De la même façon, ça ne me gêne pas d’avoir une collectivité qui demande une animation et au moment de l’animation les gens vont demander où elle en est dans son projet, et moi de dire désolé, vous avez été invité à une animation, vous comprenez bien qu’on ne peut pas avoir le projet, avant que la collectivité ne vous aie consultés. Il n’est pas possible de vous informer sur un projet alors que celui-ci va être modifié profondément pour intégrer les résultats de l’animation qui va être faite aujourd’hui. Donc il y a la question du recrutement, et il y a la question de la promesse. La première dimension de la promesse, c’est ce qui va se passer, et seconde dimension de la promesse, c’est le sort qui va être réservé par le maître d’ouvrage aux livrables apportés suite aux animations ou concertations. On va concerter, on va s’informer, mais est-ce qu’on est là pour quelque chose ou pour rien… Tu viens là parce que la collectivité voulait faire un peu d’évènement, ou au contraire elle a vraiment le souhait de retirer quelque chose et je pense qu’il y a moyen de faire des choses, quel que soit les intentions de la collectivité. Si je prends l’exemple d’une ville en Saône-et-Loire, ils ont demandé un BIMBY sans livrables. Eux ce qu’ils voulaient c’est qu’il se passe quelque chose pendant deux jours dans une salle parce qu’il ne s’était jamais rien passé sur ce thème-là. Le PLU venait d’être adopté, donc il n’a pas été dit, vous allez contribuer à quoi que ce soit, la ville a envie d’échanger avec vous, elle vous montre qu’elle est à l’écoute, mais voilà… il va y avoir des entretiens BIMBY mais juste comme ça. Finalement il y a plein de cas de figure où au contraire, des communes où là ils attendaient vraiment des livrables, des productions à intégrer dans leur projet urbain. C. Michel Par rapport à ça justement, l’aboutissement et les résultats, comment ils sont intégrés après au projet urbain, dans ton expérience professionnelle entière et pas seulement dans ce que tu fais avec ta boîte, est-ce que tu as l’impression que ces concertations servent réellement à quelque chose et que les résultats sont intégrés ? D. Caraire Ta question est évidemment centrale, je pense qu’il ne faut pas être naïf. Il faut bien comprendre qu’une concertation, si on s’adresse à des gens qui ne sont pas sur leur temps professionnel, ça va être court et

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limité… Dans une commune de Haute Garonne, sur l’ensemble des questions traitées par le PLU, on a été en capacité matérielle de réunir 4 fois 20 personnes pendant deux heures. Ça fait 8 heures de travail pour balayer l’ensemble des thèmes d’un PLU, avec à chaque fois 20 personnes. Alors 20 personnes c’est à la fois dérisoire par rapport aux habitants, qui sont plusieurs milliers et en même temps c’est déjà énorme. SI tu comptes deux heures, ça fait 120 minutes, et si tu divise par 20 personnes, je crois que ça fait 6 minutes par personne. Tu vois 6 minutes pour un thème qui représente un quart du champ du PLU, chaque personne peut s’exprimer pendant 6 minutes, déjà c’est un processus assez luxueux, tu vois assez inhabituel dans un PLU. Et en même temps c’est très modeste. Avant de répondre à la question est-ce que ça sert à quelque chose, est-ce que ça a vraiment été intégré, il faut ne pas oublier que dans tous les cas, c’est du temps réduit, avec des échantillons de personnes. Si on est sur un petit échantillon, on va pouvoir produire plus, paradoxalement on va pouvoir intégrer plus de chose opérationnelles, que si on est sur un grand échantillon, on va être plus représentatif, en revanche ça va être plus dur d’intégrer des choses puisqu’on va se rapprocher du sondage. Si je reprends mon module de deux heures, c’est à peu près ce que tu vas pouvoir donner toi dans un temps libre entre les gamins à aller chercher, ton boulot, la préparation du repas etc. Il y a des collectivités qui sont sincères et il y en a qui le sont moins dans le désir d’intégrer le fruit de la concertation, mais indépendamment de leur sincérité, il faut comprendre que même dans des processus élaborés, c’est très dur d’intégrer les résultats d’une concertation. Je prends l’exemple des 1000 interactions que tu connais bien, tu as vu le document de restitution finale, qui est une synthèse vraiment serrée, et qui multiplie les croisements, mais ça fait quand même une vingtaine de pages je pense. Les 1000 interactions illustrées avec des tableaux, et bien, alors qu’on est dans une démarche coûteuse avec une collectivité puissante, il y a de nombreux techniciens, ces 1000 interactions n’ont jamais été présentées parce qu’il n’y a pas le temps. Avant qu’on se dise est-ce qu’il y a vraiment un accueil de la parole habitante, de la proposition habitante dans une démarche d’urbanisme, est-ce que techniquement, on est en capacité d’accueillir cette parole. Et donc ça ne dépend pas de combien tu as organisé de réunions, de combien tu as fait d’interaction, ça dépend de : « Est-ce que le processus de production du projet est suffisamment aéré » et c’est rarement le cas, et ça ne dépend pas encore une fois de la sincérité des collectivités qui portent les projets. Nous on l’a bien vu, par exemple quand j’ai travaillé dans l’Eure, sur les personnes publiques associées qui me disaient, et bien voilà, on n’arrive pas à parler d’une même voix, les PLU qui sont produits c’est indigent etc.. Quand tu commences à les faire travailler ensemble, on travaillait sur des journées entières de 6 heures, et elles étaient en difficulté pour produire des contenus en 6 heures, entre personnes qui étaient spécialistes du domaine et avec des groupes d’effectifs de 12 personnes. Donc je vais répondre à ta question, mon sentiment ce n’est pas qu’il y a des démarches d’urbanisme qui font la place aux habitants ou d’autres qui font moins la place, la réalité c’est qu’il y a très peu de projets d’urbanisme aujourd’hui qui soient dans une gestion et une organisation qui permette d’accueillir une parole ou une expression tierce et d’en tirer bénéfice à un stade du projet où c’est possible. Parce qu’il y a des questions de calendrier, donc ça c’est quand même un point important. Après la réalité c’est que oui c’est plutôt pris en compte, mais c’est pris en compte si on n’a pas été trop ambitieux. C’est-à-dire si on a vraiment ouvert un espace où les gens ont pu exprimer des choses constructives et là on revient à un rôle d’animation. Moi par exemple, en tant que commercialisateur d’une démarche d’animation, je veux mettre en œuvre l’exigence déontologique, que le matériau que je vais recueillir soit utile ou serve à quelque chose, il faut que je sois de mon côté, capable de prendre l’engagement par avance, que je vais recueillir un matériau qui va pouvoir être utile à la collectivité. Si ce que je recueille c’est de la doléance, c’est utile mais en général les élus la connaissent déjà, et je ne vais pas créer du bonheur chez les habitants et je ne vais pas créer de la solution dans le projet et finalement de la pure doléance ne va pas pouvoir être prise en compte dans le projet.

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Si ce que je recueille c’est de la proposition, et bien à ce moment, ça veut dire que j’aurais créé un rapport plus adulte entre les habitants et la collectivité et ça veut dire aussi que j’aurai procuré à la collectivité quelque chose qu’il est possible de mettre en œuvre. Dans une commune, typiquement, lorsqu’on a démarré le conseil citoyen, lors la première rencontre, les gens étaient sur de la doléance, « dégueulasse ceci, c’est scandaleux cela, on ne capte pas l’internet dans le quartier, les poubelles sont pas ramassées, il y a des crottes de chiens, ils vont démolir des immeubles alors qu’on aurait voulu qu’ils soient maintenus, on est oubliés, on ne s’occupe pas de nous etc… ». Dès la première réunion on a commencé à travailler sur les propositions, les autres rencontres qui ont suivi on a écrit des propositions et des propositions détaillées, puis on a fait arbitrer le groupe, pour qu’ils choisissent les dix propositions qu’il faut essayer de mettre en avant principalement, en travaillant sur la notion de priorité. Les habitants ont formulé cinquante propositions, il y en a trente qui ont été reprises pour le contrat de ville, ils en ont eu la preuve qui leur a été apporté par le maire, les dix propositions qu’ils ont mises en tête ont été reprises. Mais elles ont été reprises parce qu’ils avaient réussi à hiérarchiser, à exprimer. Et il y avait je ne sais plus sur quoi, une personne qui s’exprimait très bien, et qui disait très fortement que la priorité du quartier c’était ça et donc quand on était en dynamique de l’oral et du collectif, elle arrivait finalement à rallier tout le monde, sauf que quand on faisait travailler des gens après sur du bulletin secret ou sur du petit groupe, sur de l’écrit ou sur de la carte, la proposition venait en dernier. Finalement cette proposition qui n’était pas très intéressante, je ne me souviens plus laquelle c’était, elle a été notée, mais les habitants eux même ne l’ont pas classée en tête de la hiérarchie. Si on avait été dans des modalités classiques de type réunion publique, j’aurais été obligé de noter ça en tant que petit technicien qui fait sa synthèse parce la personne avait parlé très fort à de nombreuses reprises avec des murmures d’approbations. Et quand ce sont les habitants qui prennent la plume, eux même ont fait leur hiérarchie et se sont régulés, du coup les propositions principales qui sont sorties ont été prises en compte, et c’est grâce à eux même, eux même ont fait le ménage. Ils ont régulé et tu t’aperçois que quand tu donnes à un habitant tous les éléments, il ne va pas te faire la même proposition que les élus, mais il va se rapprocher des élus. Parce que les élus à part d’être des cibles pour tous les mécontentements, ils se caractérisent aussi parce qu’ils ont une perspective un peu plus large et qu’ils ne regardent pas que un point. Et donc quand tu amènes les habitants sur une perspective large, et bien du coup, comme par hasard ils se retrouvent avec des productions qui sont reprises. Ce dont on s’aperçoit, dans les propositions qui ont été reprises, non seulement une majorité de leurs propositions ont été reprises, mais en fait il y a une majorité de leurs propositions qui rejoignait des réflexions de la collectivité. Et que comme il y avait une majorité de leur réflexions qui rejoignait les réflexions de la collectivité, du coup pour les quelques propositions qui ont été originales, différentes, décalées et étonnantes, la collectivité les a écoutées parce qu’elle s’est dit il n’y a pas seulement une collection de revendications, ils ont été capables de produire, d’ailleurs, c’est marrant sur une partie de leur production, on se rejoint, donc ça nous évite de faire des grands écarts, donc c’est quand même des gens sérieux, qui ont bien réfléchi, d’ailleurs les gens qui les ont encadré c’est super aussi, du coup le truc marrant qu’ils ont proposé, oui on va en parler. Personne ne va pouvoir fonctionner si tu as 100% de trucs qui sont des revendications, qui sont des projets extravagants, et que ces projets extravagants sont pas vraisemblables. Ça, ça nous amène à autre chose, c’est qu’on essaie d’apporter quand c’est possible des petits éléments de formation et donc là sur le conseil citoyen, à un moment donné, on leur a fait de la formation, pas sur les projets de la mairie, mais sur « c’est quoi la politique de la ville, comment s’élabore un budget etc… ». On a fait ça aussi à l’occasion d’un travail de programmation des petits espaces publics espaces publics. On a expliqué aux participants comment ça marchait le financement d’un espace public. Du coup, comme par hasard, les gens ont fait des propositions intéressantes et acceptables par la collectivité. Moi je ne crois pas à la vérité de l’habitant, comme je te l’ai dit, pour moi les habitants sont représentés par des élus, tu trouveras difficilement un truc plus démocratique que des élections municipales. Si tu compares avec des processus de concertation, pour moi la parole des habitants, c’est la parole des élus.

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L’élu il fait du porte à porte. Tu as entendu ce qu’a dit le premier adjoint quand on était dans le bureau du Maire hier? On parlait du boitage, pour nous c’est un problème technique, est-ce que le flyer va bien arriver chez le propriétaire, et je ne sais pas si tu as entendu, le premier adjoint a dit : « c’est super les élus sont impatients d’aller boîter ». Ils sont impatients d’avoir des prétextes de retourner sur le terrain. Les élus sont eux-mêmes à l’écoute de la population, ils sont les représentants de la population. Donc pour moi, la question de l’animation et la question de la concertation, ce n’est pas une question d’avoir la parole des habitants, parce que c’est aussi celle des élus, de leurs représentant élus, il ne faut pas l’oublier, mais l’intérêt d’une animation ou d’une concertation, c’est plutôt d’avoir une parole qui corresponde à un travail collectif dans un cadre différent du cadre institutionnel, qui va pouvoir apporter autre chose et enrichir. Donc ce n’est pas une question de la représentativité, c’est une question de l’échange, de l’enrichissement et de la disponibilité. Les habitants ont des choses à dire, et ce serait dommage de s’en priver. L’idée ce n’est pas que l’habitant a raison par rapport à l’élu. L’élu est d’ailleurs un habitant. Et si tu regardes, dans un groupe de concertation, on va être souvent de la taille d’une vingtaine de personnes, et souvent c’est la taille d’un conseil municipal. Et si tu discutes avec un conseiller municipal, il va te dire que tout est joué à l’avance, parce que tu n’arrives plus à avoir de travail collectif en conseil municipal, et donc des fois, et ça m’est arrivé, j’ai proposé à une collectivité qui voulait faire toute une concertation très ambitieuse, très proclamée auprès des habitants, et en fait on s’apercevait qu’il y a avait des dissensions, leur discours c’était « grâce à la concertation que vous allez faire, on va pouvoir faire comprendre à ces idiots d’adjoints qu’il faut voter le projet », et moi j’ai répondu mais est-ce que vous ne préfèreriez pas plutôt que je vous anime des séminaires municipaux parce que si vous voulez utiliser une parole d’habitant pour faire taire des adjoints, pourquoi ne pourrait-on pas directement discuter entre adjoints ? Vos adjoints ce sont déjà des gens, qui par leur élection ont manifesté que par principe ils étaient intéressés aux choses de la ville, donc est-ce qu’ils n’ont pas des choses à dire sur le projet ? L’animation, la concertation n’est pas un recueil de la parole des habitants parce qu’ils détiennent la vérité, mais plutôt l’occasion privilégiée de recueillir d’autres types d’apports pour un projet que ce que l’on pourrait recueillir dans le cadre institutionnel ou dans le cadre du jeu politique. La capacité à pouvoir ensuite l’exploiter et la rendre utile dans le projet urbain, c’est fonction aussi de l’ambition qu’on aura eu, la générosité et la modestie, c’est-à-dire que tu ne demandes pas tout sur tout à quelques personnes que tu vas réunir, quel que soit la qualité. Si tu ne demandes pas tout sur tout mais que tu cadres, il y a peut-être une chance d’avoir des résultats exploitables. Tu vois toute cette discussion qu’on a en ce moment, entre toi et moi, c’est une discussion qu’il faut avoir avec le maitre d’ouvrage, c’est-à-dire quel va être l’utilité, comment est-ce qu’on va recruter, quelles vont être les modalités, modalités décalées ça veut dire quoi, qu’est-ce qu’on en attend, qu’est-ce qu’on va promettre etc… Cette discussion-là, si on ne l’a pas eu avec le maitre d’ouvrage, ça ne va pas être possible parce que ça veut dire qu’on va être en improvisation et moi je ne peux pas être en improvisation. La question ce n’est pas est-ce qu’on est sympathique, c’est est-ce qu’à un moment donné, avec le maitre d’ouvrage, on a trouvé les conditions qui font que le dispositif va être utile. La question de l’utilité se pose dès le départ, et surtout tu as prévu la porte d’entrée mais aussi la porte de sortie ; tu as prévu à qui et comment tu vas aller porter tes résultats et comment ils vont être pris en compte. Ça il faut que ce soit dit à l’avance. C. Michel Il y a des collectivités qui font plus que ce qui est imposé au niveau de la législation en termes de concertation, et il y a des collectivités où ils font le minimum. J’ai rencontré les PLUmés de Bretagne, et eux ils ont eu la mauvaise surprise de voir que les moments de concertation et les résultats publiés par le commissaire enquêteur correspondaient pas du tout au projet urbain qui a été validé par l’approbation du PLU. Est-ce qu’il n’y a pas des limites, en termes de législation à ces concertations ? D. Caraire Je regarde ce que font les PLUmés, notamment sur les réseaux sociaux, ils font un apprentissage qui est très difficile, ce qui est quand même intéressant c’est que tu t’aperçois que eux sont partis d’une revendication brute, et du fait de s’organiser et de batailler, justement ils reviennent aussi à un plus grand paysage. Je trouve ça intéressant, ils sont de plus en plus compétents. Parenthèse fermée sur les

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PLUmés, oui c’est difficile de ne pas être d’accord sur le fait que les simples modalités légales de concertation, ça ne permet pas grand-chose, après moi je considère que ce n’est pas très grave, je pense qu’une collectivité doit assumer le « style » avec lequel elle mène ses projets urbains et ça ne me choque pas qu’il y a ait une différence dans la façon dont les projets urbains sont menés. Une collectivité qui s’en tient au minimum légal, je trouve qu’elle n’est pas reprochable, pour moi les projets sont légaux ou ne sont pas légaux. Ils ne sont pas entre les deux, je n’ai pas de jugement de valeur. Un projet à partir du moment où il est opposable, ça veut dire qu’il a suivi une filière légale et il nous correspond ou il ne nous correspond pas, il nous convient, nous convient pas, en tant que technicien on considère que c’est bien fait, mal fait, moi je considère que si c’est approuvé, c’est approuvé. En revanche, la collectivité qui s’en est tenue au strict minimum, soit elle avait une qualité de réflexion interne qui fait que son projet tient debout, soit la qualité de réflexion n’y était pas, et du coup il y a des remous, de la dissension, il y a de l’opposition et très vite on arrive, à petit niveau, au lancement d’une modification ou, à plus gros niveau, le débarquement de l’exécutif municipal. Donc une collectivité qui a fait le strict minimum, soit elle avait raison et finalement malgré ce strict minimum elle a été capable de faire un projet qui correspondent aux besoins du territoire, à quelque chose d’acceptable et d’intéressant, en tout cas ce pourquoi elle a été élue, dans ce cas où est le problème ? Soit ça ne correspond pas et à un moment donné, ça ne tient pas. Là –aussi c’est compliqué mais ça bouge. Si la collectivité a fait un peu plus, elle a plus concerté, c’est son choix, et il faut espérer aussi qu’elle en tire les bons éléments. Je ne suis pas convaincu que ce soit forcément le cas, je pense qu’il y a des collectivités qui peuvent aller très loin dans la concertation et qui pour autant subissent de l’opposition, de la dissension, voir se font débarquer. Ce n’est pas parce qu’il y a eu un beau travail qui a été fait dans certaines modalités, que par ailleurs ça va plaire à la majorité des gens. Je pense que c’est un petit peu la vie et qu’avant tout, une collectivité doit faire un projet comme elle le sent. Je pense qu’avec tout ce qu’on vient de se dire, imaginons qu’on ait une loi qui oblige à aller beaucoup plus loin dans le processus de concertation je pense qu’on retomberait dans des difficultés parce que les collectivités souscriraient à des éléments de processus mais sans être convaincues de leur intérêt. On aurait des concertations avec plus d’heures qui seraient vendues, plus de temps, plus d’énergies dépensée mais pour autant, si la collectivité n’est pas prête à accueillir une parole, elle ne sera pas prête à accueillir une parole, que ce soit juste une parole sur un cahier d’enquête publique, que ce soit par le commissaire enquêteur ou que ce soit une parole de restitution de session d’animation. Je ne trouve pas ça intéressant de légiférer plus, et par ailleurs, si on devait légiférer, ça voudrait dire qu’on rentrerait sur le terrain des modalités. Or ces modalités vont dépendre du contexte matériel et politique de chaque collectivité, il y en a qui ont envie de le faire d’une façon, d’autres d’une autre façon, il y en a qui veulent concerter plus avec des élus, il y en a qui veulent concerter avec des personnalités qualifiées, il y en a qui veulent concerter avec le tout-venant, il y en a qui veulent faire un sondage sur 10 000 personnes, il y en a qui veulent faire un travail approfondi avec 20 personnes, il y en a qui veulent parler aux vieux, il y en a qui veulent parler aux jeunes, il y en a qui ont envie de parler aux gens qui ont envie de s’exprimer, d’autres veulent parler à tout le monde. Je trouve ça bien que chaque collectivité assume son truc. Je trouve que ceux qui le font, ils en retirent quelque chose. Plus tu as envie de faire quelque chose, plus tu en retires quelque chose. Ceux qui le feraient contraint et forcés, parce que c’est légal… On peut imaginer l’intérêt faible qu’ils auraient pour l’expression recueillie.

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Annexe 3 : retranscription de l’entretien avec Mr et Mme Morvant – Rioual, membres de

l’association des PLUmés de Riec-sur-Belon

C. Michel : Je vais exploiter ces informations dans mon mémoire universitaire, je suis en Master 1 en formation d’urbaniste. Mon mémoire porte sur l’intégration des habitants dans les démarches d’urbanisme. J’analyse ce qui est en place légalement actuellement, j’analyse les limites aussi donc c’est pour cela que je m’intéresse aux PLUmés car les habitants n’ont pas été intégrés à la démarche de construction du Plan Local d’Urbanisme. A. Rioual Nous c’était à quelques mois près… C. Michel Les entretiens vont me servir pour une partie de mon mémoire, vous décidez si vous préférez que cela reste anonyme. Je vais me servir de cette matière pour alimenter mon discours. C. Morvan Moi ça ne me dérange pas d’être cité. A. Rioual Mettez Rioual Annick et Charles Morvant C. Michel : Du coup vous êtes propriétaires depuis combien de temps ici ? C. Morvan Le bien appartenait à sa maman et comme elle est décédée, elle a récupéré le bien. A. Rioual Elle est décédée en 2005, mais ça m’appartenait quand même avant parce qu’elle avait fait une donation-partage, je ne sais plus exactement l’année. C. Michel : Donc c’est un bien familial ? C. Morvan Oui, et quand elle a racheté, si vous voulez, ça va jusqu’au fond là. Il y avait 4 lots et le lot que l’on voulait vendre c’est celui du fond là, qui est entre les deux maisons là, c’est-à-dire toute cette partie-là bas parce que je vieillis. A. Rioual Quand ma mère a fait sa donation-partage, on a fait des lots, un lot à chaque enfant, donc ça faisait un lot ici, un lot pour mon frère qui est décédé c’est pour ça que j’ai récupéré son lot, le lot qui suit c’était le mien et celui du fond à ma sœur. Et pour entrer dans tous ces lots, on nous a dit qu’il fallait une entrée unique. On ne pouvait pas faire plusieurs entrées à cause de la route. Donc ça voulait bien dire que c’était pour faire un projet et qu’on pourrait revendre quelque chose de constructible, autrement on nous aurait pas dit de faire une entrée seulement pour distribuer tous ces lots. C. Michel : Le terrain fait quelle surface ?

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C. Morvan 1 100m² C. Michel Et votre projet c’était de le vendre en lot à bâtir ? A. Rioual Oui parce que c’est vrai que ça devient parfois assez lourd, on vieillit et puis au niveau de l’entretien… Y. HUON C’est le même cas pour les Gaujet, ils trouvaient que ça commençait à être dur d’entretenir donc… A. Rioual Donc on a été à la mairie, pensant qu’on allait le mettre en vente. C’est là qu’on nous a dit que ce n’était plus constructible. C. Michel Vous savez à quel moment il est passé inconstructible ? C. Morvan Il a été constructible pendant 35 ans. C. Michel C’est au passage du nouveau PLU ? A. Rioual Voilà et la loi littoral, c’est ce qu’on nous a dit à la mairie. C. Morvan Par contre ils ont fait le bâtiment là (bâtiment commercial de l’autre côté de la route ndlr). Y. HUON Et comme je vous disais, les matériaux sont sur les terres agricoles. Ils vont poser les matériaux sur les terres agricoles. Chose qu’ils refusent au trésorier… C. Morvan Maintenant on a pris la décision, si on vend, on vend la maison avec tout le terrain. C. Michel D’accord, du coup vous faites partie de l’association des PLUmés ? C. Morvan Oui C. Michel Quelles sont les procédures qui ont été engagées ? Vous en avez engagées ? Y. HUON Parce que vous étiez sur le point d’aller en justice non ? C. Morvan

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Oui, oui avant l’association. Je m’étais dit, ben je vais aller voir un avocat quoi et puis je vais voir comment ça va se passer. Puis entre temps vous m’avez appelé. Alors j’attends, ça prendra peut-être longtemps. Y. HUON Là on a écrit au maire, ça fait six mois que l’on n’a pas de réponse C. Morvan Vous ne l’aurez pas, je vous l’ai dit, on en a discuté. Y. HUON Tant qu’on n’a pas de réponse, je vais essayer de publier ça, par des lettres que l’on m’a donné. Parce que c’est une façon de faire aussi. Et vous êtes dans une autre association non ? C. Morvan Je suis rentré dans une troisième, avec le collectif 6000 pour les fausses sceptiques. Y. HUON Ça fait 10 ans qu’ils sont en bataille et à chaque fois qu’ils écrivent il n’y a pas de réponses. C. Morvan Le problème si vous voulez, c’est que tout ce qu’on fait, ce n’est pas diffusé à la population. Parce que si vous voulez, le maire, comme il est président de la Cocopaq (ancien nom de Quimperlé Communauté – intercommunalité de Riec sur Bélon ndlr), il avale tout, il doit avoir des relations. Chloé Michel Vous êtes combien de membres dans l’association des PLUmés de Riec ? Y. HUON Une quarantaine mais pour moi l’important, c’est que là on va faire une seconde lettre au maire, on va voir la secrétaire normalement parce qu’elle trouvait que j’étais un petit peu trop virulent donc elle voulait la mettre en forme. On va lui demander (au maire ndlr) d’informer toutes les personnes qui ont perdu leur terrain. Donc tant que toutes les personnes ne seront pas averties, le nombre d’adhérent n’a rien à voir. Parce qu’il y a la moitié des personnes qui ne sont pas au courant. Là on est 40 sur 40 qui sont au courant. Il y en a peut-être 200 qui ont perdu des terrains. C. Morvan Vous avez des gens qui ont perdu des terrains, mais tant qu’ils ne font pas la demande ils ne se tracassent pas de ça, parce que vous avez des gens qui ne lisent même pas la presse. Le problème il est là et comme tout est bouclé si vous voulez au niveau de la mairie, ce n’est pas diffusé donc les gens ils ne savent rien quoi. Il n’y a que les gens qui sont rentrés un peu, comme moi maintenant qui connaissent un petit peu. Il n’y a que le jour où par exemple il y a des parents qui avaient des terrains constructibles, ils veulent donner aux enfants et au moment où ils font une demande de permis de construire, on leur dit ben non c’est plus constructible. Y. HUON Mes voisins, ils étaient dans une zone blanche, du PLU. Ils sont allés à l’enquête publique et n’ont pas su que leur terrain avait changé de destination. C’est vraiment, on n’en parle pas. C. Morvan C’est très dur, très, très dur, et ici tout est bouclé.

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A. Rioual Ils auraient pu nous prévenir. Ils disent « tout est affiché à la mairie, faut venir voir ». Y. HUON J’ai fait une réunion publique, je lui avais dit personnellement que je montais l’association, ça a été affiché en préfecture, donc pour moi j’avais fait mon travail, je l’avais averti. On fait la réunion publique, j’avais passé l’info en mairie pour qu’ils mettent ça sur le panneau d’affichage. Il me dit juste avant la réunion, car il avait un peu peur de la réunion, je lui avais demandé pourquoi ça n’avait pas été affiché sur le panneau d’affichage, « ah mais je ne pouvais pas l’afficher, je ne savais pas que votre association était montée »… C. Morvan Il ne sait rien… Y. HUON Il me dit mais on a fait le nécessaire pour le PLU, il y a eu enquête publique et ça a été affiché, alors pourquoi, moi qui ait été plus loin que lui, je l’ai averti personnellement, alors que s’il était venu à la réunion publique, il aurait été averti, mais il n’est pas venu. Il a été plus averti et il nous dit qu’il ne savait pas. C. Michel Vous avez pu avoir, avec le plan qui est sorti, tous les propriétaires qui sont dans cette situation et qui ne sont pas encore au courant justement ? Y. HUON Non parce qu’il refuse de nous le donner. C. Michel Le plan ? Y. HUON Pour avoir les nouveaux, il faut avoir l’ancien. Et il refuse de nous donner l’ancien. C. Morvan Il n’a pas le droit hein. Y. HUON Ce que je veux faire c’est de dire ça à tout le monde C. Michel Pour qu’il y ait une plus grosse mobilisation, parce que là 40 personnes ça fait à peu près 1% de la population de Riec qui a intégré l’association, est-ce qu’il ne faudrait pas informer tous les habitants en soi, même ceux qui n’ont pas perdu de terrains constructibles, car ils pourraient très bien se mobiliser sans être directement concerné ? Y. HUON Il y a une personne adhérente qui n’est pas du tout concernée. Il y a beaucoup de personnes qui ont peur des retours de bâtons. «Si eux ont perdu leur terrain, je vais pas faire ça, on va me… » C. Michel

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En soi, chaque habitant est quand même limité, dans ses droits, même si le terrain est constructible, il y aura toujours des limitations de hauteur, de surface, en général c’est limité et pour vous, plus que d’autres. Donc qu’est-ce que vous en pensez pour la suite ? Y. HUON Il y a un cas où ils ont construit en zone Uba, et c’est interdit de faire plus de 15m de route, et je vous montrerais une maison qui est à plus de 15m. Nous, on est pas là pour porter plainte contre ces personnes, mais il y a des textes qui ne sont pas respectés. C. Morvan Voilà, ce n’est pas histoire d’embêter les gens, moi je connais ici dans la région des gens qui ont construit sans permis de construire. Quand ça va me prendre je vais aller à la mairie, comme ce qu’il s’est passé dans une autre association, quelqu’un a pris le maire, il l’a mis dans sa voiture et lui a dit, « maintenant on va faire le tour de la commune et je vais vous montrer ce qui a été fait dans l’illégalité». Bien sûr, il n’a pas voulu monter dans la voiture, mais il a quand même avoué qu’il y avait eu des choses qui n’étaient pas normales. Et depuis il a eu son permis de construire. C’est parce qu’il lui a fait des menaces et des vraies, parce que quand vous le rencontrez lui, bon c’est verbal, il connait rien et il est au courant de rien. Je vais vous donner un exemple sur le château d’eau, il y a une antenne là. Au moment où ils l’ont mis, il y avait un échafaudage. Donc toutes les femmes derrière sont venues me voir, et m’ont dit faudrait qu’on aille à la mairie pour leur demander qu’est-ce qu’ils sont en train de faire. Et là aussi il n’était pas au courant, parce qu’en principe quand vous mettez une antenne sur un château d’eau, vous êtes au courant. Alors il a trouvé le moyen de dire « ah bon, il y a un échafaudage, je croyais qu’ils voulaient peindre le château d’eau. » Voilà ce qu’il nous a raconté. A. Rioual Non, non, il a réponse à tout. Y. HUON Moi on m’a dit, ben allez-y, il n’y a pas la DP mais vendez quand même. C. Michel : Le terrain avait déjà été divisé ? Vous aviez fait appel à un géomètre ? A. Rioual et C. Morvan Oui, oui. C. Michel C’est vous qui avez fait la démarche, récemment là ? A. Rioual Non, non, quand le partage a été fait si vous voulez. C. Morvan Il y avait une certaine valeur avec la maison parce qu’on la refaite, et les trois lots qui restaient elle les a racheté, parce que son frère est décédé, donc on a racheté tout ça, mais au moment où elle a racheté les lots c’était avec la valeur de la maison et c’était constructible. Y. HUON C’est en quelle année que vous avez racheté ? A. Rioual C’était en 98 ?

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Y. HUON C’est bien ça, donc la loi date de 86. Il y a eu donation-partage, le terrain a pris des impôts donc c’est acté. Donc là l’Etat devrait rembourser. On est bien après la loi. C. Morvan L’allée que vous avez là-bas ça appartenait à sa sœur, dans son bien, donc c’est son neveu qui a fait une maison là, mais depuis il a vendu, puisqu’il a divorcé, donc ça s’est vendu et pour avoir la distribution des 4 lots, ici, c’est pour ça qu’ils ont fait faire à ma femme l’allée. Nous on avait prévu, parce que le mur que j’ai monté, je sais où c’est, on a plus qu’à le découper, à faire une clôture ici, et les gens ont le terrain. C. Michel Par rapport à l’association, est ce qu’il y en a d’autre qui existent en dehors de la Bretagne ? Y. HUON Oui, il y a l’Alsace, le Nord de la France et on en découvre en Bretagne aussi, par exemple la semaine dernière ou la semaine d’avant, il y a Trebeurden, c’est Rien Ne Va Plu, qui s’est rapproché des PLUmés, donc on est en train de faire tout un réseau. La Bretagne c’est vraiment un cas particulier, par exemple il y a un livre sur Riec, il donne en 1878 il y avait 3 400 habitants à Riec dont 359 dans le bourg. Et maintenant on essaye de dire ben non il faut tout mettre dans le bourg ce n’est pas normal. C’est historique, avant toute la commune était prise, c’est pour ça que l’agriculture a été développée en Bretagne. Chose qui n’existe pas dans les autres régions, dans la Beauce ou même en Normandie, vous allez entre deux villages, il n’y a pas cette densité. A. Rioual C’est en 88 la donation-partage. Y. HUON Donc c’est après 86 ! Y. HUON Et donc ça a été passé en terrain agricole ou terrain naturel ? C. Morvan Oui agricole surement, je vois pas ce qu’ils peuvent foutre là, dans 1 100m² entre les deux maisons, on va pas vendre à un agriculteur, le bout de champs là… Y. HUON Et ça, ça permet, on parlait des AOP tout à l’heure dans le bourg, des terrains agricoles qui vont passer cités, et bien ce terrain compense les terrains agricoles qui sont perdus dans le bourg, c’est juste un jeu de chiffres. A. Rioual Ils s’en servent pas. Y. HUON Et on perd des beaux terrains agricoles C. Morvan Parce que la mairie, il faut qu’ils gardent tant de terrains, ils ne s’occupent pas si c’est entre deux maisons ou quoi, à partir du moment où ils font leur quotas des trucs comme ça.

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C. Michel : Vous pensez qu’informer tous les habitants sur leur droit à bâtir actuellement ça ferait bouger les choses ? C. Morvan Oui je pense oui, mais le problème, si ça passait dans la presse ce serait bien quoi. Y. HUON Là on y travaille, il y a deux ou trois pistes qui vont pouvoir faire bouger C. Morvan Ça n’a rien à voir avec les terrains mais pour les compteurs, parce que j’étais samedi à la réunion, là on va faire mieux. Au mois de septembre, on va essayer de regrouper deux ou trois cent personnes et on rentre dans la mairie. Comme ça, au moins il va savoir qu’on est là. Il n’y a que comme ça. Si vous voulez on a un maire ici, ce qu’il veut c’est la députation, il veut monter, il est jeune, le reste il s’en fout. C. Michel Du coup moi je travaille dans une agence à Bordeaux qui est spécialisée dans la division parcellaire des quartiers pavillonnaires pour favoriser une densification douce, permettre la création de logements sans engendrer d’étalement urbain. Ce qu’ils font, c’est de rencontrer des habitants qui ont des projets sur leur terrain, ils sont rencontrés par un architecte, c’est gratuit, et ils peuvent parler de leur projet, donc ça peut être un projet de division comme le vôtre car l’entretien devient trop pénible ou autre, et l’architecte recherche des solutions avec eux, pour trouver le scénario le plus adapté possible. Et ça permet la création de nouveaux logements sur une commune, est-ce que vous penseriez que si l’on donnait le droit à tous les propriétaires de construire une deuxième maison dans leur jardin, dans toute la France. Donc si chaque propriétaire de maison individuelle avait le droit de construire une deuxième maison dans son jardin donc potentiellement de vendre un terrain à bâtir, est-ce que vous pensez, dans le contexte actuel, avec les lois de limitation de l’étalement urbain, que ce serait une bonne solution contre l’étalement urbain ? C. Morvan Oui, oui je pense, ah bah oui ! Alors quand on lui (commissaire enquêteur ndlr) a posé la question parce que vous voyez ça c’est une longère, il me dit, vous pouvez faire tout le tour de votre terrain avec votre maison, j’ai le droit de la rallonger, je peux faire le tour avec, vous comprenez ? Enfin vous comprenez, c’est dur à comprendre, c’est ce qu’il m’a dit ! A un moment il m’a tellement énervé, je lui ai dit « est-ce que j’ai le droit de faire une fosse septique sur le terrain là-bas ». Il m’a dit oui, bah j’ai dit alors on va mettre des mobil homes. « Ah non, non pas de mobil homes, ou alors faut laisser les roues », bah j’ai dit on va laisser les roues, on va le déplacer de 50 centimètres tous les ans. C. Michel Du coup votre motivation est quand même financière aussi avec la vente de ce terrain ? A. Rioual Oui aussi parce que bon… Mais c’est surtout pour avoir moins de boulot, vu qu’on vieillit. C. Michel Si votre but n’aboutit pas entre guillemet, qu’est-ce que vous allez faire de ce terrain, le vendre à un agriculteur ?

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C. Morvan Ben on le vendra avec la maison. Y. HUON Le problème c’est que tel que c’est parti, ça dépend qui rachète. La personne qui rachète aura peut-être le droit de construire, ça peut changer. Puis tel que c’est fait, il y a des personnes qui n’ont pas besoin de permis de construire. A. Rioual On se sera fait avoir, parce que s’ils ont le droit après de… C. Morvan Encore, si vous voulez, nous ici, il y a une maison sur le terrain, donc on peut le vendre, mais les gens qui ont acheté un terrain constructible, où la maison n’est pas dessus, puis qu’il devient non constructible, là c’est encore plus grave. Parce que s’ils ont payé un terrain 50 ou 60 000€ et puis que le terrain il vaut plus que 1 000€. C. Michel Vous avez une idée justement du montant du préjudice, de la perte de la constructibilité ? C. Morvan Si je vends la maison avec tout le terrain, je me suis donné une idée, si vous voulez, j’ai un prix, et le terrain seul, on pensait le vendre entre 50 et 70 000€ et avec ça on voulait racheter un petit appartement pour nos vieux jours en ville. En prévision de vendre aussi la maison après. Mais si ça ne suffit pas, je mettrais 50 000€ de plus sur la maison, parce qu’elle est refaite entièrement. A. Rioual On a eu une sacrée surprise, puis après on s’est aperçu qu’on n’était pas les seuls dans ce cas-là. Y. HUON Ah non, c’est combien, 16 en un mois ? A. Rioual Ah bah il nous l’a dit, de toute façon vous n’êtes pas les seuls dans ce cas-là, et il y en a qui sont plus à plaindre que vous. C. Michel Du coup, il va y avoir les élections présidentielles dans pas très longtemps, est-ce que l’association a pour ambition de faire parler d’elle au moment des élections, qui est quand même un moment crucial, où il faut faire valloir… Y. HUON Oui. Là on commençait, mais pas forcément à Riec, avec plusieurs associations, dès qu’il y a quelque chose qui se passe, on s’envoie des mails, on se tient informer. Et là par exemple il y a eu deux réunions qui se sont passées, il y avait les PLUmés, qui ont posé leurs questions. On va continuer, et Juppé qui n’était pas au courant du mouvement, on est passé par sa secrétaire pour l’informer. Il y a des associations qui connaissent des personnes qui peuvent approcher plus facilement… C’est le fait d’avoir plein d’associations et non pas une seule qui peut… Vous m’avez posé la question pour Michel Corda et Loïc Prima, ils ont monté l’association du Morbihan, mais cette association a pour but de se dissoudre. Parce qu’une fois qu’elle aura passé tous ses adhérents aux associations de chaque commune, normalement elle aura plus d’adhérents. Il y aura les mêmes personnes, mais c’est pour montrer que le maillage.

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C. Michel Je vais vous faire part d’une discussion que j’ai eue avec une collègue, qui est urbaniste aussi. Je lui ai raconté que j’allais venir vous rencontrer en Bretagne, et je voulais vous faire part de ce point de vue pour que vous me disiez ce que vous en pensez. Elle m’a dit que les terrains constructibles, le foncier, c’était un marché spéculatif comme un autre, et qu’à partir du moment où l’on est propriétaire d’un bien foncier, on devrait s’intéresser comme quelqu’un qui joue en bourse, on devrait regarder chaque jour. Qu’est-ce que vous pensez, de ce genre de discours ? Y. HUON Vous avez déjà eu la réponse avant la question, ça appartenait à votre mère, ce n’est pas du spéculatif. C. Michel Non là il n’a pas été acheté dans un objectif spéculatif, mais en fait c’est parler du marché foncier en général, et en général, le marché foncier c’est spéculatif. On le voit avec les terrains agricoles qui deviennent constructibles pour les lotissements, c’est de la spéculation. Y. HUON Oui mais c’est parce qu’elle est dans l’urbanisme, moi je suis dans la plomberie et la chaudière. Est-ce que vous vous intéressez au mode de fonctionnement ? Vous avez une chaudière elle marche, c’est bien. Vous n’allez pas voir tous les jours. Ces personnes ont un métier, une maison, des obligations, ils essayent de s’en sortir, il y en a qui travaillent à fond pour s’en sortir, ils n’ont pas forcément le temps de s’intéresser à toutes les enquêtes, surtout quand c’est fait dans une intention de cacher. C. Michel Comment ça s’est passé justement par rapport à l’enquête publique. Comment l’information a été diffusée ? C. Morvant Moi j’en ai pas eu, on en a pas eu, aucune information. C. Michel Il y a eu le site internet ? C. Morvan Je ne sais pas, je ne peux pas vous dire ! Y. HUON Le site n’était pas trop développé à ce moment-là, même maintenant ils ne sont pas… Si pour la culture ils sont forts sur le site internet, ça ils le diffusent. Autrement je vous ai parlé des bouts de papiers que la mairie envoyait. Je vous montrerai l’article sur le SCOT, c’est à rire. Si c’est pour ne rien dire, c’est parce qu’ils sont obligés de mettre des articles. C. Michel Du coup il y a eu ça et un affichage public ? Y. HUON Oui il y a eu des panneaux à certains endroits de la commune C. Michel Et pour annoncer une réunion publique ? L’enquête publique ? Y. HUON

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Moi je comptais aller à la réunion, près de chez moi, pas de chance ma femme avait une entorse à ce moment-là, et c’était la dernière. La dernière, c’était celle de mon quartier, et j’avais mes filles à amener je sais plus trop où, donc j’ai loupé cette réunion. De toute façon, mes voisins n’ont pas su à cette réunion que leur terrain changeait de destination. Quand on regarde ce que dit le commissaire enquêteur, et ce qui est fait après, de toute façon on voit bien que ce n’est pas suivi. C. Michel Cette réunion publique où vous vouliez assister, vous l’avez su comment qu’il y avait une réunion ? Y. HUON C’est par les voisins. C. Michel Le bouche à oreille. Personne n’a reçu dans sa boîte aux lettres une invitation personnelle ? (rires) Y. HUON Il y a une nouvelle association qui s’est monté sur Riec, c’est pour un terrain que le maire a voulu vendre. Donc c’est un terrain, il y a une petite route et tout autour il y a des maisons. Et pour informer la population, ils ont envoyé à deux personnes âgées, sur la dizaine de personnes autour du terrain et puis il y avait une personne qui était pressentie pour acheter le terrain. Donc ils ont vendu un terrain constructible et ils voulaient vendre le terrain constructible à 50 centimes le mètre carré. 4 000m². Et pas de chance pour le maire, il y a la fille d’une de ces personnes âgées qui a vu la lettre qui allait partir à la poubelle. Parce qu’ils savent à qui envoyer aussi. Pas de chance, du coup ils ont créé une association pour protéger. Et ça, ça se trouve dans un des deux points des deux agglomérations de Riec. L’association s’est montée pour garder ce terrain non construit. Donc il y a des problèmes à l’extérieur car des personnes perdent leurs terrains, et les personnes dans les agglomérations… C’est n’importe quoi, c’est une commune rurale, donc on ne veut pas se retrouver les uns sur les autres, et ça c’est l’information. Et ils ont demandé pourquoi tout le monde n’a pas été averti. « On n’a pas trouvé l’adresse de tout le monde ! ». Autour du terrain. Ce qui n’est pas normal parce que pour moi, ce n’est pas juste les personnes autour du terrain qu’il aurait fallu prévenir, c’est tous les Riecois, que la commune met un terrain à vendre. Quand il n’y a pas la volonté… C. Morvan Il a qu’à faire passer ça dans son bouquin qu’il nous donne tous les mois-là. Ça par contre on le reçoit. Mais bon, c’est à son avantage à lui. C. Michel Merci beaucoup ! Et du coup je voulais vous demander si vous étiez d’accord pour que je fasse une photo du terrain pour alimenter mon écrit ? C. Morvan Oui, oui ça ne me dérange pas ça, vous pouvez même le vendre ! C. Michel : Je pourrais l’acheter mais si je ne peux même pas poser un mobil home ! A. Rioual Ben à la limite si on avait pu mettre un mobil home, on aurait pu louer. C. Morvan On aurait pu le faire, mais le problème c’est qu’on prend de l’âge. A quarante ans je me portais bien, puis aujourd’hui j’ai soixante-dix ans alors j’ai plus la force ! Par contre il me connait bien lui hein, je lui rentre dedans !

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Y. HUON Spéculer sur des choses qui appartiennent à ses parents c’est pas… C. Michel C’est que la spéculation a souvent mauvaise image maintenant, mais ça reste quand même avoir un bien qui a de la valeur, le conserver, faire en sorte qu’il ne perde pas sa valeur, voir qu’il en gagne. C. Morvan Quand je vois le lotissement qu’ils sont en train de faire en bas, dans la merde. Y. HUON Je lui ai montré. C. Morvan A 85€ le m², c’est une décharge. Y. HUON Ils achètent les terrains pour rien, et ils revendent. « Les terrains sont trop chers à Riec » et ils revendent plus cher que les Riecois vendent. C. Morvan Bien sûr, un F3 dessus là, ça fait 190 000€ avec les frais de notaire 200 000€. A. Rioual Et puis on voit bien qu’il est de mauvaise foi. C. Morvan Nous avec les fosses septiques, parce que je fais partie du bureau, par contre ça fait 10 ans qu’on attend. 10 ans. C. Michel Derrière vous avez des champs là ? C. Morvan Oui, oui c’est un champ là. C. Michel Et vous n’avez aucun agriculteur qui s’est montré intéressé ? C. Morvan Par quoi ? Par le petit bout de terrain-là ? Il ne fait même pas demi-tour avec son tracteur. Y. HUON Les terrains agricoles ces dernières années, on voit les entrées de terrain creusées, parce que les machines sont de plus en plus grosses. C’est dangereux, sur la route quand on les croise, ils prennent toute la route. A. Rioual Personne n’est intéressé par ça… Y. HUON

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Et toutes les personnes, j’en ai vu encore la semaine dernière qui disent « ben oui je vais dire à un agriculteur de venir couper, parce qu’ils ont encore quelque fois des anciennes barres de coupe pour couper l’herbe, mais seulement ils ne veulent pas prendre ces terrains parce qu’ils ne peuvent pas les cultiver, ils laissent l’herbe pourrir sur place. A. Rioual Ah non on n’a eu aucune proposition. Y. HUON Non il n’y a plus beaucoup de fermes sur Riec, il y a peut-être deux trois mille hectares d’agricole, mais il n’y a plus beaucoup de fermes. C’est des grosses fermes quoi. A. Rioual S’il y avait eu toute la superficie peut-être, là ça aurait intéressé parce qu’ils sont juste à côté. C. Morvan Oui mais ce n’est pas le cas. Je vais vous montrer.

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Annexe 4 : Retranscription de l’entretien avec Mr et Mme Harnay, membres de l’association des

PLUmés de Riec-sur-Belon

C. Michel Du coup la maison ne fait pas partie du terrain ? A. Harnay Ah non, elle est déjà dans la partie… ça s’arrête à la haie, il y avait une haie tout du long avant. Au tas de bois, le tas de bois est à moi. Y. Huon Trois jours avant de savoir que leur terrain était inconstructible, ils ont eu une visite. Je vous laisse… A. Harnay Oui c’est-à-dire qu’à un moment, mon fils voulait construire. Il avait déjà prévu avec des constructeurs, on avait déjà vu le notaire. Il disait oui là ici ça va passer surement, vu qu’il y a tout : le tout à l’égout, l’électricité, une conduite d’eau suffisante, une borne incendie là-bas, il y a tout ce qu’il faut, l’éclairage public. Donc avec le constructeur, le fils il était là avec le constructeur, parce que c’était le (terrain ndlr) premier au bout ici qu’il voulait faire. Et il y en a un, qui est conseillé, un adjoint qui est passé puis qui nous a vu avec le géomètre, donc il est venu nous voir. Y. Huon C’est quelqu’un de sa famille qui habite… R. Harnay Qui habite derrière oui. A. Harnay Oui c’est son beau-père, il habite à côté. Donc il est venu mais il ne nous a rien dit. Il nous a dit, bon je sais que ce n’est pas encore au clair, on n’a pas eu le feu vert, mais… Y. Huon C’était à une semaine près c’est ça ? R. Harnay Ben c’était le samedi et puis le jeudi on a été convoqué pour nous dire que ce n’était pas constructible. Y. Huon Ça passait trois jours après en conseil ! R. Harnay Ben on a été convoqué le… C’était le samedi qu’il y avait le constructeur sur le terrain, le jeudi on a été convoqué pour nous dire que ce n’était plus constructible, et ça a été validé en conseil municipal le mardi suivant. A. Harnay Ils savaient déjà depuis un moment, il aurait pu nous le dire, d’ailleurs on a vu Claude Geoffrey samedi dernier et on lui en a touché deux mots. Il aurait pu nous le dire depuis longtemps. Il a dit que l’enquête publique, ils l’ont présentée à la préfecture, puis on leur a dit de le retirer. Et ils auraient représenté ça, mais je ne pense pas… Y. Huon

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De toute façon, ils ne sont pas capables de montrer les documents. C. Michel C’était quel projet qui était prévu si ça c’était réalisé ? R. Harnay On voulait construire une maison ici… A. Harnay Mais c’est-à-dire qu’il y avait une bande R. Harnay Pour l’instant mais l’autre aurait été faite assez rapidement A. Harnay Il y avait pour plus. Il y avait plein d’avantages car c’était prévu une bande jusqu'à la route. Il y avait de quoi mettre six. R. Harnay Mais la en projet immédiat c’était prévu que nos deux enfants construise ici. Et il y en a un qui était urgent. A. Harnay On a fait deux lots. Il y en a qui vient jusqu'à cette borne. On a fait borner, on a mis des frais dans le bornage qui ne sert à rien. C. Michel Et c’est en quelle année que vous avez appris ça ? R. Harnay Fin 2013. C. Michel Vous savez par rapport à quelle loi il est passé inconstructible ? A. Harnay La loi littorale parce que toute la commune est maintenant concernée donc c’est la loi du littoral. Ici il y a trois petits trucs, il y a personne d’autre qui y vit. Donc c’est le même groupe mais ils considèrent que c’est trois petits quartiers différents. Donc pas le droit ni d’étendre ni de construire à l’intérieur. Y. Huon Non, les fiches sur les DTM disent que s’il n’y a pas eu de commerces alors on ne peut pas classer ça comme une agglomération. Mais il y a eu des commerces ici. Ça c’est un travail qui n’a pas été fait par les mairies. R. Harnay Le commerce qu’il y a eu, c’est la maison, on la voit là-bas, on voit une cheminée dépasser, c’était une boulangerie. C. Michel Vous avez engagé des procédures vous personnellement ? A. Harnay

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Non C. Michel Vous êtes membres de l’association des PLUmés ? R. Harnay Oui Y. Huon Les procédures, ce n’est pas évident de gagner, mon cas où j’ai perdu… A. Harnay Ah oui au fait, tu as… Y. Huon Oui c’est tombé à l’eau, et pourtant on a vu des personnes qui nous ont dit qu’il y a eu des instructions, ce n’est pas… et puis je pense que 2017 arrive aussi, il y a de moins en moins de PLU qui vont tomber. Par rapport à la loi, à la date de 2017, où toutes les communes doivent être équipées (en PLU ndlr). C. Michel Sans votre projet familiale du coup, de donner des terrains à vos enfants, si vous n’aviez pas fait cette démarche d’avoir un projet, vous pensiez que vous n’auriez pas du tout été informé de l’inconstructibilité du terrain ? La ville ne vous a pas du tout informé ? A. Harnay Non là on était concerné et on ne nous a pas du tout informé. Je pense que si on a été convoqué en Mairie, c’est parce qu’ils ont vu le constructeur ici. Si le constructeur n’avait pas été là, je ne sais pas comment on l’aurait su, il aurait fallu aller en mairie, et encore, je suis allé plusieurs fois en mairie pour savoir à quelle date il y allait avoir le terme du PLU. On m’a dit « ah non je ne sais pas encore » mais ils savaient qu’ils allaient le retirer et ils auraient pu me le dire tout de suite, on était encore assez tôt pour pas engager… A la limite, le mien il est encore un peu particulier parce qu’il est en dehors, s’ils avaient appelé ça hameau, ils auraient pu l’empêcher parce qu’il est en dehors. C. Michel Oui il est en extension A. Harnay Malgré qu’il y ait d’autres maisons en face, mais il y a pire, ceux qui sont carrément implantés dedans Y. Huon Les AOP, dans le centre bourg, c’est ça aussi. A. Harnay Ah oui ? Ils les bloquent aussi, 30% de surface pour un agrandissement. Y. Huon Oui, et là ce sont vos chevaux qui sont là ? Ce n’est pas… A. Harnay Non ce n’est pas un terrain agricole. R. Harnay

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Ils nous avaient dit quand il nous avait reçu, qu’il fallait que, c’était soit disant dit de la préfecture qu’il devait rester agricole ; mais je ne sais pas si toi tu t’en souviens, mais il me semble qu’ils nous avaient dit, le terrain de Kerguichen, sauf que ce terrain, nous on habite à Kerguichen, mais ici ça ne s’appelle pas Kerguichen, et on n’a pas sur le coup, on était tellement énervés, faut dire que j’étais franchement énervée quand il nous avait reçu. Je n’ai pas compris tout de suite, mais je suis sûre, je suis persuadée qu’il nous avait parlé de Kerguichen, c’est faux, ce n’est pas ce terrain ci. Y. Huon Chez nous c’est ça aussi, Poul Dour, ils nous parlent de Poul Dour, on n’habite pas à Poul Dour, c’est les terrains d’à côté. R. Harnay Sauf que nous Kerguichen, c’est bien notre adresse, mais ici ce n’est pas ce terrain-là. Ici ça s’appelle Loctudy, enfin Croissant Loctudy ou Loctudy. Même si c’est juste à côté, ce n’est pas la même C. Michel Vous avez une idée du montant que vous avez perdu ? A. Harnay Du coup on a, comme on a partagé, on a fait deux lots et on les a cédés. R. Harnay On a quand même fait la donation aux enfants. A. Harnay On a fait la donation, on est allé chez le notaire. C. Michel Donc vous avez eu frais de géomètre, frais de notaire… R. Harnay Ça a dû nous revenir dans les 4 000€ A. Harnay Je ne sais pas à combien ça s’engage, le géomètre ce n’est pas 1 800€ ? Le notaire je ne m’en rappelle plus, il a fallu évaluer une valeur pour le terrain. Ils l’ont mis à 5 000€ la parcelle, il y a 1 100 m² dans chaque lot, mais un terrain agricole, ça ne vaut même pas ça. R. Harnay Parce qu’au départ le notaire voulait pas faire la donation tout de suite, quand on a fait borner, parce qu’il nous avait dit, là pour l’instant, il est agricole, et si on le fait au prix agricole, et s’il passe constructible, parce qu’on était persuadé que ça allait passer constructible, il va prendre de la valeur et l’Etat peut se retourner après pour nous re-taxer, parce qu’on n’a pas payé assez du coup. Donc il ne voulait pas le faire tout de suite, il préférait attendre qu’on soit sûr. A. Harnay En constructible, ils auraient mis une valeur à 40 000€ la parcelle. C. Michel 40 000€ chaque terrain ? A. Harnay Oui

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Y. Huon Oui parce que si vous aviez les six lots, ça fait combien de m² ? A. Harnay A peu près 4 500m², parce que ça va plus profond là, ça va de là où on l’a borné jusqu’à la limite du tas de bois, mais il y aurait eu une partie inconstructible, comme la maison d’à côté. Ça passe juste derrière la maison, il ne peut même pas mettre un cabanon dessus, alors que dans d’autres régions ils ont pris large autour. Y. Huon Et l’assainissement ? Ah non là c’est collectif ? A. Harnay Oui Y. Huon Oui parce que bien souvent, ce n’est pas respecté ça, moi j’ai mon assainissement maintenant en zone naturelle. Ça ne gêne personne. Donc là ça fait 4 500m² et le prix de vente c’était quoi, 55€ ? R. Harnay On ne s’en est pas inquiété, parce que dans un premier temps, la partie qu’on aurait pu éventuellement vendre on ne s’en est pas intéressé, on s’est intéressé à ce qu’on voulait donner aux enfants c’était ça notre priorité, que les enfants puissent construire. Parce que Stéphane il voulait à ce moment construire ou acheter, ben du coup il a acheté, mais il voulait le faire à ce moment-là. A. Harnay Après ils mettent une valeur de 40 000 dessus, bon c’est plus grand que les 30 mètre là, ça ne ferait pas 1 000m² non plus, ça fait 30 par 30 à peu près, mais ça c’était un prix que le notaire donnait aussi. Après je ne sais pas si ça se vend 40 000€ dans les zones hors agglomération. Y. Huon Si les notaires savent à peu près le prix. A. Harnay Oui c’est lui qui me l‘avait dit, c’est pour ça que j’avais été surpris. R. Harnay Oui puis on ne s’était jamais vraiment intéressé au prix du terrain. Nous c’était ça notre but, c’était juste la donation aux enfants. Déjà dans un premier temps. C. Michel Ce terrain vous l’avez acheté ? A. Harnay et R Oui C. Michel Il y a combien de temps ? R. Harnay 20 ans

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A. Harnay Oui j’avais été voir en mairie le commissaire enquêteur, il m’avait dit que ça ne compterait pas en lotissement, donc je pouvais faire, à l’entrée ici, il y a une borne et les deux lots commencent là. A côté-là il y avait moyen de faire des entrées par deux, l’entrée commune pour deux. Après ils nous ont dit que si c’était passé, ils nous auraient fait faire une route sur l’arrière, alors que le commissaire enquêteur donnait pas ça. Là ça revenait pas cher avec une portion de route chacun, les deux perdaient pas beaucoup de terrain, surtout que là c’est une entrée de champs, elle existe depuis tout le temps, il y a un accès sur la route et puis il y a de la visibilité. Mais ils nous auraient fait construire une route avec la sortie là-bas en face de l’autre, ça aurait engagé des frais supplémentaires alors qu’il n’y a pas besoin. Heureusement qu’on n’a rien fait de tout ça. Le fils était pressé d’acheter quelque chose, heureusement qu’on l’a fait, comme ça on a su encore plus vite. Y. Huon La réponse du maire c’est que de toute façon maintenant les jeunes sont intéressés pour habiter en ville, ils ne veulent pas du tout habiter à la campagne, donc votre fils se retrouve en plein bourg ? R. Harnay Ah non non, Stéphane il est à la campagne ! A. Harnay On est à la campagne nous, on est à 3 ou 4 kilomètres du bourg. Au bourg, il faut aimer, après ils font des cités avec tous les petits lots, pour ses enfants (au maire ndlr) il n’a pas choisi ça. Il y en a un qui n’habite pas loin, il a tous ces espaces aussi. Y. Huon Même lui habite en pleine campagne, normalement c’est 20 mètres autour des maisons, il y a 40 mètres autour de sa maison. C’est marrant parce qu’on voit ses voisins ont 20 mètres, et d’un seul coup ça passe à 40mètres autour d’une maison. Il y a plusieurs maisons qui se retrouvent avec les fosses septiques en zone naturelle. Après dans deux-trois ans on va se faire déplacer les fosses septiques. A. Harnay Oui alors qu’elles étaient là bien avant. C. Michel En étant dans l’association des PLUmés, quelles sont vos espérances, qu’est-ce que vous attendez ? A. Harnay Faire évoluer la loi. Y. Huon Votre fils n’a pas abandonné l’idée de venir ici, même s’il a acheté ? R. Harnay Non, parce que lui il m’a bien dit, j’achète cette maison ici, je la rénove, mais si un jour le terrain passe constructible, je construis ici, et je mets l’autre en location. Mais il a toujours un petit espoir de venir ici. Avoir une maison à lui, à son goût. A. Harnay Maintenant le deuxième il est en train d’en chercher une, aussi. R. Harnay Rien ne dit que Sébastien c’est pareil, il fera peut être la même chose si ça devient constructible, il peut très bien en acheter une maintenant et puis construire ici.

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A. Harnay Ils ont passés 30 ans tous les deux, après ce sera, si ça évolue, ce ne sera pas avant 15 ans déjà, donc c’est trop tard pour eux. C. Michel Vous votre terrain, personnel, où vous avez votre maison, il est grand ? R. Harnay On a 3 500m². C. Michel Vous savez s’il est constructible ? A. Harnay Ah bah non, il est dans la zone, il est marqué dans la zone, mais j’ai le droit à une extension de 30% c’est tout. La voisine l’a fait dernièrement. Y. Huon Elle a réussi à… A. Harnay Oui, c’est en cours Y. Huon Elle a modifié ses plans ou… A. Harnay Oui ça a été modifié, et on lui a refusé un carport sur le côté. Y. Huon On lui a refusé ? A. Harnay Oui parce que ça dépassait les 30%, donc nous on est dans la même situation. Devant il y aurait assez d’espace pour construire mais il n’y aurait pas le droit. Juste une extension. C’est pour ça, la loi ils disent que c’est pour pas prendre les terres agricoles, mais c’est complètement imbécile par rapport à ça, parce que tous ceux qui veulent partager leurs terrains, ça ce n’est pas piqué dans les terres agricoles alors qu’ils refusent ça. C. Michel Justement par rapport à ça, les divisions parcellaires, pour vous ce serait une solution pour limiter l’étalement urbain que de permettre à chaque propriétaire de maison de pouvoir diviser son terrain pour construire une seconde maison ? A. Harnay Oui bien sûr ce serait une bonne chose ça, en faisant attention d’avoir des accès. Comme celui qui a son terrain qui est constructible et qu’il n’a pas d’accès, dans le bourg. Lui il a une chance d’un côté, et de l’autre elle est cisaillée. Y. Huon

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Pour aller chez eux, c’est un chemin privé. R. Harnay C’est un chemin privé, qui depuis novembre 2001, passé en conseil communal, il allait devenir communal, parce qu’on est quand même 7 habitations. On attend toujours que ce soit acté. A. Harnay C’est passé en conseil, on a eu un papier de la mairie comme quoi c’était passé. R. Harnay On n’a jamais signé quoi que ce soit chez le notaire. Donc pour l’instant il nous appartient toujours. Quand ils ont fait l’extension du tout à l’égout, ils ont voulu l’étendre par chez nous, et là ils nous ont envoyé un courrier, c’est comme ça qu’on a su, comme quoi, comme on était propriétaire du chemin, on devait faire la tranchée, commencer le réseau, dans le chemin, comme il était privé, ça nous revenait à nous de payer. A. Harnay De 3 000 à 5 000€ par branchement, et il y en avait 7, plus chacun son branchement sur le chemin. R. Harnay Ils nous disent si, si il est communal, mais là non il fallait payer, donc il était privé. A. Harnay C’est quand ça les arrange. R. Harnay On est allé voir l’adjoint qui nous avait reçu pour ce terrain-là, puis on en avait parlé, et là il nous avait dit « faut pas tenir compte de ce courrier ». Mais on n’a jamais eu de courrier nous disant de ne pas en tenir compte ! Donc pour moi il est toujours valide. Y. Huon Si même pour faire avancer quelque chose qui est passé en conseil, qui est écrit, c’est difficile, pour quelque chose comme la loi Littoral, et ses interprétations… A. Harnay Et Claude (l’adjoint ndlr) il m’en a parlé deux fois. R. Harnay Du chemin ? A. Harnay Juste avant les élections, parce qu’il y a les élections du conseil général aussi, il m’a dit on va prendre un notaire à la mairie. R. Harnay C’est bizarre c’est juste avant élection, ils vont s’en occuper mais ça n’aboutit pas. A. Harnay Il m’a dit, on va valider ces petites choses-là, je lui aie dit ben oui il serait temps. Ça fait déjà deux trois ans. C. Michel A l’époque vous l’aviez acheté combien ce terrain ici ?

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A. Harnay Je ne sais plus c’était en francs, c’était à l’hectare, c’était deux briques l’hectare, 3 000€ l’hectare. C. Michel Et vous l’avez acheté constructible ? A. Harnay Non, non, celui-ci n’a jamais été constructible. Y. Huon Non mais, c’est pour montrer que la procédure n’est pas respectée. A. Harnay Oui il y en a qui sont fortement lésés, ceux qui ont acheté du constructible, puis qu’ils n’y sont plus. Non, non nous on l’a acheté agricole, ça aurait été du bonus si jamais il était passé. Déjà on l’a payé un peu plus cher à l’achat, ce n’était pas trop le tarif à l’époque parce que le propriétaire il craignait… R. Harnay Il avait toujours peur, « Il va être constructible un jour, vous allez pouvoir le vendre, donc faire des bénéfices », enfin c’était son raisonnement. Y. Huon Là c’est des terrains qui sont prêts de la route, pourquoi pas ceux-là, et d’autres où ils vont devoir faire des aménagements…

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Annexe 5 : retranscription de l’entretien avec une habitante de Riec sur Belon, membre de

l’association des PLUmés

C. Michel Pouvez-vous me décrire le projet ? Mme En fait ce qui s’est passé c’est suite à une donation, donc une donation familiale. On avait 10000 m2 de terrain. Y. Huon La maison qui est là. Mme Oui, la maison qui est un peu plus loin. Mon père vieillissant, je voulais construire. Comme nous sommes quatre, il voulait donner, ce qui est logique, à chacune de ses filles. Et ce qui s’est passé c’est qu’il m’a donné du terrain et, on est allé voir le notaire. On a fait un projet de donation et on avait normalement 1890 m2 chacune. Une de mes sœurs voulait récupérer la maison des grands parents, donc c’est ce qu’elle a fait. Donc on était trois à vouloir un terrain, moi j’ai eu ce terrain ci, ma sœur, le terrain à côté. Et derrière la maison de mes parents, on ira voir tout à l’heure, un grand terrain. Donc une autre de mes sœurs, devait également avoir la même valeur en m² sur ce terrain-là. Ce qui s’est passé c’est que la notaire a pris beaucoup de temps, nous a dit : « on ne peut pas donner du terrain comme ça, sinon c’est un lotissement, 3 terrains, un lotissement, pour faire 3 constructions en lotissement. ». Parce que la maison de mes grands-parents qui était donné à ma sœur était déjà construite donc il n’y avait qu’à agrandir le terrain. Et ce qui s’est passé c’est qu’on a dit, bon ben ma petite sœur qui était d’accord a dit : « bon moi je peux attendre ». Et donc ce qu’il fallait faire, c’est que moi je sois dans ma maison. Pour que ça passe en lotissement, le lotisseur signifiait avoir un plan d’eau. Qui se trouvait a telle distance des habitations. Mais la distance était en fonction de … le plan d’eau aurait été chez les voisins, dans le terrain agricole ou il y a les vaches. Donc ce n’était pas possible. Donc elle a dit : « moi je peux attendre ». Donc quand la notaire a dit : le jour ou moi j’avais mes clés, on faisait la donation pour le troisième terrain. La loi du littoral est passée entre temps et ma sœur c’est retrouvé sans terrain. Le terrain est quand même viabilisé, donc la route on a fait aux normes, on a fait 5 mètres. Le terrain est viabilisé. Suite à ça, donc on avait fait tout de suite le certificat d’urbanisme. Bon la notaire avait pris du temps en plus. Elle n’a pas fait dans les normes non plus. Suite à ça, quand le PLU est sorti a Riec, en proposition communale on va dire. Tout le monde lui disait : « mais si ». Parce que je suis allée voir, il me dit : « si, si le terrain il est constructible. ». Donc l’agriculteur à coté, il me disait : « mais si ». Parce qu’il était prêt à faire en sorte que ces terrains derrières soit constructibles, pour que le nôtre soit constructible. « Si, si il est constructible », ils étaient tous là «je te dis, il est constructible ton terrain.». Donc sur le plan d’urbanisme il est constructible. Donc on redemande un certificat d’urbanisme à la mairie, la mairie accepte. Quand c’est parti à la préfecture, la préfecture a refusé. Loi du littoral. Donc la mairie a, je ne sais pas si on peut dire porter plainte. Les emmener au tribunal, ou inversement je ne me rappelle plus. Et résultat des courses ils sont allés en appel. Du coup ça m’a intéressé quand Yannick a monté son association. On était plusieurs. Et puis j’ai dit, là c’est vrai que sur Riec, enfin nous quand on parle de notre commune il faut qu’on fasse quelque chose. Donc c’est vrai qu’on a quand même un terrain qui fait 5 000m2, elle aurait eu que 1800, mais bon là il reste quand même 5000m2. Un terrain qui est constructible sur le plan d’urbanisme. Et on ne peut rien mettre dessus. On ne peut pas. La préfecture refuse. Le souci c’est que à l’heure actuelle, même dans les années à venir, le jour où mon père ne sera plus, que va-t-on faire de ce terrain ? On ne sait pas. C’est vrai que ce n’est pas pénalisé, il est une dent creuse. Il y a des maisons tout autours, donc derrière c’est du terrain agricole. Mais ce n’est pas pour le vendre, c’est du terrain familiale, à la base, qui comptait

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rester familial. Et au final, on ne sait pas ce qu’on va faire. Donc voilà. C. Michel Et du coup par rapport au PLUmés, l’association, qu’est-ce que vous vous espérez qu’il se passe ? Mme Alors nous, on espère qu’un jour on pourra construire dessus. Moi je me bats surtout, c’est pour ça que j’ai intégré l’association, c’est pour les autres pour informer les gens. Pour qu’ils ne se fassent pas avoir comme, entre guillemets « comme nous. ». C’est à dire qu’il y a beaucoup de gens sur Riec, mais là j’en ai encore parlé ce matin, quand je suis en kiné, là c’est Névez (commune voisine ndlr) qui est en court de PLU et beaucoup de gens ne s’intéressent pas à la situation. Ils entendent mais… Y. Huon Ils ne pensent pas que ça soit possible Mme Non ! Et en fait, ça va ne pas être qu’une construction de maison. Des garages, ça va être… Je pense qu’on va avoir un sérieux problème. Donc moi les PLUmés, je n’agis pas que pour mon nom personnel, j’agis pour l’équipe et pour que les gens soient informés. Qu’ils s’informent de la situation. Parce que beaucoup de gens sur Riec et d’autres communes, de petites communes, c’est des terrains familiaux. Et le jour où les parents décèdent, on se dit qu’on va les vendre. Et se retrouvent, parce qu’ils ne se sont pas renseignés, ils se retrouvent « on fait quoi maintenant ? On peut rien faire avec ce terrain »... Et c’est vraiment dommage. C’est vraiment dommage. C. Michel Et votre terrain, s’il est en zone constructible sur le PLU, et qu’il a été refusé, C’est en devenu quelle zone ? Mme Il est constructible ! Y. Huon Le PLU n’a pas bougé. Mme Non, ils ne modifient pas le PLU. C. Michel Donc ce n’est même pas, agricole, naturelle ou quoi que ce soit ? Y. Huon Non, il est constructible ! Mme Au PLU, il est constructible ! Y. Huon Il y a eu des révisions de PLU, mais ça ils le bougent pas. C. Michel Il est bizarre votre PLU ! Mme Non, non mais ce terrain est constructible mais on ne peut rien mettre dessus. Et là j’ai ma sœur qui a eu un certificat d’urbanisme, en 2008, parce que moi j’ai construit entre 2008 et 2009. Je suis rentrée dans

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ma maison en 2009. Elle a renouvelé, en temps et en heure. Et le dernier renouvellement lui a été refusé. Alors que là c’est pareil ! Y. Huon Et la loi est toujours la même. Mme Et la loi est toujours la même ! Donc là c’est vraiment une dent creuse, par ce que moi j’ai une maison devant, on a des maisons devant et derrière la route, ce n’est même pas un terrain agricole, c’est la route pour accéder a chez moi. Donc j’en ai parlé à monsieur le maire, donc, après c’est ma sœur, elle est comme elle est. Après ça la regarde, je ne sais pas si elle a refait la demande. Je lui avais dit, « c’est à toi de renouveler aussi. Il y a un problème, ce n’est pas normal que l’on te l’ai refusé. » Bon après c’est chacun … Mais moi je me bats surtout pour le terrain … Enfin, oui surtout pour le terrain d’en bas, enfin le terrain de 5 000m2, pour que déjà les gens puissent savoir. Je ne me gêne pas pour le dire ! Je ne me gêne pas pour le dire, j’en ai encore parlé ce matin à Pont-Aven (commune voisine ndlr). Et Pont-aven c’est pareil. Y. Huon Ils laissent couler. Les personnes vont s’activer pendant 2, 3 mois et peut être 1 an. Et après… Mme Voilà ! Et le souci c’est que de plus en plus, enfin moi je sais que j’en parle. Et quand j’en parle à des gens, qui ont des terrains, je leurs dit : « faites attention ! Faites attention ». Parce que j’ai parlé avec une dame de Lande Julien, c’est de l’autre côté de Riec. Elle me dit « oui j’ai bien vu dans le journal. » « Mais tu as lu le journal ? » Elle me dit : « Oui les PLUmés de Riec, je ne sais pas trop quoi … » Je lui ai expliqué. Et donc son mari nous a dit « c’est vrai nous aussi on a du terrain ». Je lui ai dit « vous vous êtes renseigné ? » A oui, parce qu’il me dit « Mais il est constructible notre terrain » j’ai dit : « vous vous êtes renseigné ? Ça m’étonnerai ». Car sur Riec, il y avait que cette partie ci, dans le dernier PLU qu’ils ont fait. Enfin le dernier, lors de la révision. Il n’y avait qu’une partie, on va dire ce quartier ci qui était encore constructible. Tout l’autre côté de Lande Julien n’était plus …Parce qu’ils étaient obligés de faire au niveau des hectares. Y. Huon Lande Julien c’est en U, c’est un hameau mais ils ne peuvent pas faire plus, comme ici. Mme Plus ! Voilà ! Et eux ils sont de ce côté-là. Je ne sais pas exactement ou est leur terrain a Lande Julien, mais je suis persuadée que leur terrain est dans le même cas que papa. Même pire que papa. Eux ils doivent penser qu’il est toujours constructible et je suis sûre qu’il n’est plus constructible. Et je leur ai dit : « allez voir à la mairie ». Ah moi je passe l’info, après… Mais les gens ne s’intéressent pas en fait. Nous on a été surpris quand on a eu la réunion à Riec on a été très surpris du peu de personne. Moi j’ai été à Trégunc, c’était noir de monde. C. Michel Et à votre avis, pourquoi les gens ne s’intéressent pas à ça ? Pourtant ils ont des terrains constructibles. Mme Parce ce que nous avons beaucoup de vieilles personnes sur Riec. Y. Huon On leur a dit, de toute façon c’était comme ça, et puis, les personnes ne vont pas vérifier. Et puis si elles vérifient 20 ans après, et non ce n’est pas bon ! « Vous m’aviez dit » « ah non c’est trop tard ». Il y a une désinformation. Mme

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Et le souci, nous avons été a plusieurs voir Monsieur le député Maire de Concarneau, il y a une permanence, donc on est allé, bon ils savent, ils savent qu’il y a un souci, mais ils m’ont dit que la mairie est allée au conseil d’état. Euh, non je ne crois pas ! Ils vont perdre en appel. Ils n’ont pas non plus les moyens, ce que je comprends, d’aller plus haut. Donc ils m’ont dit : « retournez-vous contre la préfecture ». « Prenez un avocat ». Oui bien sûr, je suis que salarié moi, je ne vais pas ! Voilà. Eux ils sont dans leur monde les politiques, donc ils ne cherchent pas. Donc la loi du littoral, pour moi elle est aberrante parce que … Je peux très bien comprendre que la loi du littoral avec sa bande littorale, d’accord. Ça il n’y a pas de soucis. Il y a la mer… Voilà. Mais que toute la commune de Riec qui fait je ne sais pas combien. Toi tu sais peut-être ? Au niveau hectares. Y. Huon 5005 et il y a 3300 de terres agricoles. Mme Et bien qu’on soit tous touché par la loi du littoral. Ici on est par rapport à la rivière à un kilomètre. Quand on la voit je peux comprendre. Mais ce n’est pas le cas. Comme Yannick, ce n’est pas le cas. Y. Huon Je t’ai dit, j’ai perdu. Dans le jugement il n’y a pas marqué la loi du littoral. Mais c’est bien c’est marqué. Enfin il n’y a pas marqué loi du littoral donc ce qu’on m’a dit c’était faux. Mme Mais c’est ça qui est pas compréhensible. Mais bon c’est Riec, c’est Moëlan, c’est toutes les communes quoi. Moi je ne trouve pas ça logique. Voilà. Quoi faire ? Il faut qu’on se regroupe. Il faut informer, il faut qu’on informe les gens. Y. Huon C’est ce que je pense aussi. Mme Mais après … Y. Huon Moi j’irais bien voir ton terrain, et après si tu as le temps… Ou si tu veux continuer ta discussion car après…

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