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16 formation dossier Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010 L e pharmacien d’officine est régulièrement confronté à des pathologies dont la prise en charge repose sur la prescription d’anti- thrombotiques. Fibrillation auriculaire La fibrillation auriculaire (FA) est le plus fréquent des troubles du rythme cardiaque. Il est caracté- risé par des dépolarisations auriculaires anarchiques très rapides de 400 à 600/minute par phénomène de microréentrées multiples avec perte de l’activité mécanique efficace de l’oreillette. La FA peut être paroxystique (< 7 jours), persistante (> 7 jours) avec rétablissement à un rythme régulier, ou encore permanente. Les deux causes à toujours rechercher sont une hyperthyroïdie et une hypokaliémie. Les conséquences d’une FA sont de deux ordres : – hémodynamiques avec diminution du remplissage du ventricule gauche avec risque d’insuffisance ven- triculaire gauche avec œdème aigu du poumon ; – thrombo-emboliques avec formation d’un thrombus intracardiaque responsable d’accident ischémique transitoire, d’accident vasculaire cérébral, d’ischémie aiguë du membre inférieur… Le but du traitement de la FA est soit de ralentir le rythme cardiaque (bêtabloquant, inhibiteur calcique bradycardisant), soit de le réduire (choc électrique externe, dose de charge d’amiodarone). Dans certai- nes circonstances, un traitement anti-arythmique peut être mis en place pour éviter les récidives. Les prises de décision reviennent au cardiologue. L’anticoagulation s’impose en période aiguë. Pour la prise de décision d’une anticoagulation au long cours, tous les patients présentant une FA doivent avoir une estimation du risque thromboembolique, quel que soit le rythme cardiaque au moment de l’examen. Le score CHADS 2 (Congestive Heart Failure, Hyper- tension, Age, Diabetes, Stroke Doubled) permet d’éva- luer le risque embolique devant guider la stratégie anti- thrombotique (tableaux 1 et 2). Les recommandations de 2010 1 proposent un score d’évaluation du risque hémorragique, dénommé HAS-BLED (tableau 3). Un score hémorragique supérieur ou égal à 3 indi- que un risque hémorragique élevé, et justifie d’utiliser avec précaution le traitement antithrombotique, que ce soit des anticoagulants ou de l’aspirine. Le risque hémorragique chez le sujet âgé doit être considéré comme équivalent, que le traitement proposé soit de l’aspirine ou des anticoagulants. Thrombose veineuse profonde La thrombose veineuse profonde (TVP) peut être définie comme la formation d’un processus throm- botique organisé (associant fibrine, globules blancs et plaquettes) ou thrombus, dans la lumière veineuse. La majorité des thrombi se forme dans les zones de bas débit sanguin que sont les réseaux veineux suraux. Pathologies impliquant des traitements antithrombotiques Les pathologies impliquant les traitements antithrombotiques sont nombreuses. Un point sur les pathologies les plus fréquentes à l’officine. Tableau 1 : Évaluation du risque embolique Insuffisance cardiaque/dysfonction ventriculaire gauche 1 Hypertension artérielle 1 Âge > 75 ans 2 Diabète 1 Antécédent d’AIT, d’AVC ou d’accident thromboembolique 2 Maladie vasculaire 1 Âge entre 65 et 74 ans 1 Sexe féminin 1 Score maximum 9 AIT : accident ischémique transitoire. AVC : accident vasculaire cérébral. Tableau 2 : Choix du traitement antithrombotique dans la fibrillation auriculaire Catégorie de risque Score CHADS 2 Traitement antithrombotique recommandé Un facteur de risque majeur ou au moins deux facteurs de risque non majeurs mais cliniquement pertinents ≥ 2 Anticoagulants Un facteur de risque non majeur mais cliniquement pertinent 1 Anticoagulants ou aspirine (75 à 325 mg/jour) en préférant les anticoagulants à l’aspirine Pas de facteur de risque 0 Aspirine (75 à 325 mg/jour) ou pas d’antithrombotiques, en préférant l’absence d’antithrombotique à l’aspirine

Pathologies impliquant des traitements antithrombotiques

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Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010

Le pharmacien d’officine est régulièrement confronté à des pathologies dont la prise en charge repose sur la prescription d’anti-

thrombotiques.

Fibrillation auriculaire La fibrillation auriculaire (FA) est le plus fréquent

des troubles du rythme cardiaque. Il est caracté-risé par des dépolarisations auriculaires anarchiques très rapides de 400 à 600/minute par phénomène de microréentrées multiples avec perte de l’activité mécanique efficace de l’oreillette.La FA peut être paroxystique (< 7 jours), persistante (> 7 jours) avec rétablissement à un rythme régulier, ou encore permanente.Les deux causes à toujours rechercher sont une hyperthyroïdie et une hypokaliémie. Les conséquences d’une FA sont de deux

ordres :– hémodynamiques avec diminution du remplissage du ventricule gauche avec risque d’insuffisance ven-triculaire gauche avec œdème aigu du poumon ;– thrombo-emboliques avec formation d’un thrombus intracardiaque responsable d’accident ischémique transitoire, d’accident vasculaire cérébral, d’ischémie aiguë du membre inférieur… Le but du traitement de la FA est soit de ralentir le

rythme cardiaque (bêtabloquant, inhibiteur calcique bradycardisant), soit de le réduire (choc électrique externe, dose de charge d’amiodarone). Dans certai-

nes circonstances, un traitement anti-arythmique peut être mis en place pour éviter les récidives. Les prises de décision reviennent au cardiologue.L’anticoagulation s’impose en période aiguë. Pour la prise de décision d’une anticoagulation au long cours, tous les patients présentant une FA doivent avoir une estimation du risque thromboembolique, quel que soit le rythme cardiaque au moment de l’examen.Le score CHADS2 (Congestive Heart Failure, Hyper-tension, Age, Diabetes, Stroke Doubled) permet d’éva-luer le risque embolique devant guider la stratégie anti-thrombotique (tableaux 1 et 2).Les recommandations de 20101 proposent un score d’évaluation du risque hémorragique, dénommé HAS-BLED (tableau 3).Un score hémorragique supérieur ou égal à 3 indi-que un risque hémorragique élevé, et justifie d’utiliser avec précaution le traitement antithrombotique, que ce soit des anticoagulants ou de l’aspirine. Le risque hémorragique chez le sujet âgé doit être considéré comme équivalent, que le traitement propo sé soit de l’aspirine ou des anticoagulants.

Thrombose veineuse profonde La thrombose veineuse profonde (TVP) peut être

définie comme la formation d’un processus throm-

botique organisé (associant fibrine, globules blancs et plaquettes) ou thrombus, dans la lumière veineuse. La majorité des thrombi se forme dans les zones de bas débit sanguin que sont les réseaux veineux suraux.

Pathologies impliquant des traitements antithrombotiques

Les pathologies impliquant les traitements antithrombotiques sont nombreuses.

Un point sur les pathologies les plus fréquentes à l’officine.

Tableau 1 : Évaluation du risque embolique

Insuffisance cardiaque/dysfonction ventriculaire gauche 1

Hypertension artérielle 1

Âge > 75 ans 2

Diabète 1

Antécédent d’AIT, d’AVC ou d’accident thromboembolique 2

Maladie vasculaire 1

Âge entre 65 et 74 ans 1

Sexe féminin 1

Score maximum 9

AIT : accident ischémique transitoire.

AVC : accident vasculaire cérébral.

Tableau 2 : Choix du traitement antithrombotique dans la fibrillation

auriculaire

Catégorie de risque Score CHADS2

Traitement antithrombotique recommandé

Un facteur de risque majeur ou

au moins deux facteurs de risque

non majeurs mais cliniquement

pertinents

≥ 2 Anticoagulants

Un facteur de risque non majeur

mais cliniquement pertinent

1 Anticoagulants ou aspirine (75 à 325 mg/jour)

en préférant les anticoagulants à l’aspirine

Pas de facteur de risque 0 Aspirine (75 à 325 mg/jour) ou pas

d’antithrombotiques, en préférant l’absence

d’antithrombotique à l’aspirine

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Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010

Les médicaments des thromboses cardiovasculaires

La thrombose veineuse profonde est une affection grave du fait d’une complication aiguë, l’embolie pulmo nai re, et d’une complication secondaire, le syndrome postphlébitique.La triade de Virchow énonce les trois conditions nécessaires à la formation d’une thrombose veineuse profonde : la stase veineuse, l’altération pariétale et l’hypercoagulabilité sanguine.Le thrombus prend naissance, en général, dans un nid valvulaire, souvent au niveau des veines du mollet ; il est alors asymptomatique et peut le rester plusieurs jours. Lorsque les capacités de lyse physio-logique du patient sont dépassées, il existe un risque d’extension qui se fait en amont et surtout en aval avec un thrombus non adhérent à la paroi comportant un risque important d’embolie pulmonaire. La TVP des membres inférieurs est donc indissociable de sa complication immédiate : l’embolie pulmonaire.Secondairement, le thrombus adhère à la paroi et obstrue complètement la lumière vasculaire entraî-nant un syndrome obstructif responsable des phéno-mè nes douloureux et de l’œdème.La thrombose veineuse profonde est une maladie rela-tivement fréquente. Elle apparaît souvent sur un terrain prédisposant, bien que les cas inexpliqués soient nom-breux, et survient dans 90 % des cas au niveau des membres inférieurs. Son incidence est estimée à environ 1 cas par an et par 1 000 personnes. Légèrement plus fréquente chez l’homme, elle s’accroît avec l’âge.

Le tableau clinique classique de la TVP comprend une douleur du mollet qui est sensible, chaud, augmenté de volume, et la présence du signe de “Homans” : la dorsiflexion du pied exacerbe la douleur . Les signes sont cependant souvent frustes et, dans une proportion importante, inexistants. Les complications d’une TVP sont l’insuffisance

veineuse et l’embolie pulmonaire.L’insuffisance veineuse survient à la suite d’une thrombose veineuse. L’évolution peut se faire vers le syndrome obstructif chronique avec inconti-nence veineuse superficielle et des perforantes ou

le syndrome de reperméation par recanalisation du thrombus qui s’accompagne d’un reflux valvulaire profond et d’une dégradation des parois veineuses.Le tableau classique de l’embolie pulmonaire comporte dyspnée, douleur thoracique, tachycar-die, parfois hémoptysie. Une embolie pulmonaire massi ve peut conduire à un état de choc, voire à un arrêt cardiocirculatoire.Les embolies pulmonaires frustes sont très fréquen-tes. Dans ce cas, les symptômes sont souvent trom-peurs : vague douleur thoracique, tachycardie inex-pliquée, angoisse et gêne respiratoire.Les récidives sont possibles si le foyer emboligène n’est pas traité efficacement. La maladie peut évoluer vers un “cœur pulmonaire chronique post-embolique” (insuffisance ventriculaire droite consécutive à l’hyper-tension artérielle pulmonaire).

L’angor L’angor stable est un syndrome thoracique dû à

une ischémie myocardique par carence transitoire

et réversible en oxygène, en raison d’une insuf-fisance de débit coronaire. Cette mauvaise perfusion est liée à un rétrécissement coronaire athéromateux

Tableau 3 : Score d’évaluation du risque hémorragique HAS-BLED

Caractéristique clinique Points

Hypertension artérielle 1

Fonction rénale ou hépatique anormale (1 point pour chaque) 1 ou 2

Antécédent d’accident vasculaire cérébral 1

Antécédent hémorragique 1

INR (International Normalized Ratio) labile 1

Âge supérieur à 65 ans 1

Médicaments à risque hémorragique (aspirine, AINS) ou alcool (1 point pour chaque) 1 ou 2

Score maximum 9

© B

SIP

/CM

SP

Mar

tin

veineuse profonde.

Éliminer une thrombose veineuse profonde

Une consultation médicale est indispensable afin d’éliminer le diagnostic

d’une thrombose veineuse profonde du membre inférieur dans certains cas :

– toute douleur du membre inférieur unilatérale ;

– tout œdème du membre inférieur unilatéral ;

– toute douleur provoquée par la palpation du mollet ;

– toute cyanose du membre inférieur ;

– si les signes cliniques surviennent après un alitement de plus

de 48 heures ;

– si les signes cliniques surviennent après une chirurgie orthopédique,

abdominale ou obstétrique ;

– si le patient est porteur d’une maladie générale associée.

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Pathologies impliquant des traitements antithrombotiques

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empêchant le flux coronaire de s’adapter à une augmen ta tion de demande en oxygène. Une classi-fication fonctionnelle a été proposée par la Société canadienne de cardiologie (tableau 4). Dans le cas de l’angor, les crises sont peu fréquentes et sensibles au traitement. L’angor instable correspond soit à une augmen-

ta tion brutale de la gravité d’un angor stable ou

d’effort, soit à l’apparition de crises au repos. L’angor instable constitue une cause d’hospitalisa-tion car il peut évoluer rapidement vers un infarctus du myocarde. Les douleurs sont plus longues, plus sensibles et répondent moins bien au traitement. La crise angineuse est caractérisée par une

douleur :– d’apparition brutale à l’effort ;– située au niveau thoracique antérieur, rétrosternal ;– irradiante dans le membre supérieur gauche ;– constrictive, intense, angoissante ;– cédant à la prise de trinitrine ;– ne dépassant pas plus de quinze minutes.

L’infarctus du myocarde L’infarctus du myocarde (IDM) correspond à une

nécrose ischémique du myocarde. Il est habituel-lement causé par l’obstruction d’une artère coronaire par un thrombus. Dans 40% des cas, l’IDM est la

première manifestation de l’insuffisance coronaire et dans 40 % des cas l’IDM est précédé d’une aggra-vation de l’insuffisance coronaire. L’infarctus du myocarde se caractérise par :

– une douleur thoracique violente de type douleur angineuse mais non calmée par la trinitrine ;– des nausées et vomissements qui peuvent accom-pagner la crise ;– une pression artérielle basse ;– une élévation de la température sur 2-3 jours. Après un infarctus du myocarde, un patient peut

présenter les complications suivantes :– fibrillation ventriculaire ;– bloc auriculo-ventriculaire ;– insuffisance cardiaque ;– troubles mécaniques (rupture d’une paroi).

L’artériopathie chronique des membres inférieurs L’artériopathie chronique des membres inférieurs

est la conséquence du rétrécissement des artè-

res destinées à la vascularisation des membres

inférieurs (aorte terminale, iliaques, fémorales, artères jambières) par l’athérosclérose. La symptomatologie résulte de l’insuffisance de vascularisation tissulaire qui peut être relative (ischémie n’apparaissant qu’à l’effort) ou absolue (ischémie permanente).Elle est plus fréquente chez l’homme et se manifeste cliniquement surtout à partir de la sixième décennie. L’appréciation de l’incidence de la maladie varie selon les modalités de découverte : à l’occasion d’une clau-dication, lors de la palpation des pouls périphériques, ou par la mesure de la pression systolique à la cheville (index de pression systolique à la cheville ou IPSC). La classification de Leriche et Fontaine permet

de hiérarchiser les symptômes de la maladie et traduit l’aggravation du retentissement fonctionnel de l’insuf fisance artérielle.– stade 1 : absence de manifestation clinique ;– stade 2 : existence d’une claudication inter-mittente ;– stade 3 : présence de douleur de décubitus ;– stade 4 : constatation de troubles trophiques. �

François Pillon

Pharmacien, Dijon (21)

[email protected]

Tableau 4 : Classification de l’angor stable selon la Société canadienne

de cardiologie

Classes Symptômes

Classe I Les crises n’apparaissent qu’en cas d’efforts importants et prolongés. Elles sont habituellement

absentes lors de la marche ou de la montée d’escalier.

Classe II Les crises apparaissent lors d’une marche rapide ou sur terrain accidenté, par temps froid,

en postprandial, en cas de stress ou dans les heures qui suivent le réveil.

Classe III Les crises apparaissent lors de marche normale ou lors de montée d’un étage d’escalier

à pas normal.

Classe IV Les crises apparaissent lors de toute activité physique ordinaire, voire au repos.

© B

SIP

/Med

ical

rf.C

om

Obstruction d’une artère par un thrombus.

Bibliographie

1. Guidelines for the management of atrial fibrillation. Committee for practice guidelines to improve the quality of clinical practice and patient care in Europe, 2010 (www.americanheart.org/downloadable/heart/222_ja20017993p_1.pdf).