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6-0619 Pathologies musculaires du sportif J.-M. Coudreuse Les pathologies musculaires du sportif sont extrêmement fréquentes. Lors de leur prise en charge, il convient en premier lieu de distinguer deux modes d’apparitions. Soit il existe un début brutal, ce qui oriente vers une lésion musculaire dont la gravité sera appréciée par les données de l’examen clinique et de l’échographie : le traitement de ce type de lésion repose sur un arrêt du sport dont la durée varie en fonction de la gravité de la lésion et sur un programme de rééducation associant outre de la physiothérapie, des étirements et du renforcement musculaire sur différents modes (statiques, concentrique, excentrique) ainsi qu’un travail proprioceptif. Soit il s’agit de douleurs survenant après l’effort avec un délai d’apparition de 12 à 48 heures.Dans ce cas, il s’agit le plus souvent de delayed onset muscle soreness (DOMS), ce qui correspond à des microlésions musculaires se produisant dans la plupart des cas après un travail musculaire inhabituel de type excentrique. Il n’y a actuellement pas de traitement réellement efficace. En revanche, la prévention par un travail musculaire progressif de type excentrique peut être effectuée pour éviter l’apparition de ces DOMS. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Muscle ; Lésion musculaire ; Delayed onset muscle soreness ; Rééducation ; Physiopathologie Plan Introduction 1 Pathologie traumatique 2 Classification des lésions musculaires 2 Interrogatoire 2 Examen clinique 2 Examens complémentaires 2 Diagnostics différentiels 2 Traitement des lésions musculaires 2 « Delayed onset muscle soreness » 4 Signes cliniques 4 Examens complémentaires 4 Physiopathologie des DOMS 4 Traitement des DOMS 5 Prévention des DOMS 5 Conclusion 5 Introduction Les pathologies musculaires du sportif peuvent se présenter sur deux modes bien distincts : soit il s’agit d’un traumatisme avec un début brutal survenant pendant l’activité sportive, soit les dou- leurs vont apparaître de fac ¸on progressive et diffuse pendant, à l’arrêt ou à distance de la pratique du sport. Rappels : le muscle strié squelettique comporte des myocytes (cellules en forme de fibres allongées) qui sont regroupés en faisceaux. Ils comportent des myofibrilles au sein desquelles on retrouve des myofilaments protéiques qui confèrent au muscle leur capacité de contractilité. Il existe deux types de myofilaments : l’actine (mince) et la myosine (épaisse), et ces myo- filaments sont regroupés en sarcomères limités par des stries Z. C’est un phénomène de traction de l’actine sur la myosine qui provoque la contraction musculaire. De plus, on sait maintenant qu’il existe d’autres protéines comme la titine qui sont nécessaires à la contraction musculaire. Par ailleurs, il existe deux types de fibres musculaires : les fibres lentes de type I, très vascularisées, possèdent un métabolisme oxydatif. Elles contiennent de nombreuses mito- chondries et sont riches en myoglobine. Elles sont peu fatigables et autorisent des contractions musculaires prolon- gées ; les fibres rapides de type II contiennent beaucoup plus de myo- fibrilles et possèdent une capacité importante de pompage du calcium. Leur métabolisme est glycolytique. Leur réseau capil- laire est pauvre et elles contiennent peu de mitochondries. Elles se contractent de manière rapide et importante et possèdent peu « d’endurance ». Le muscle strié, selon sa fonction, possèdera une prédominance de fibres lentes ou de fibres rapides. Enfin, le muscle ne contient pas que des cellules muscu- laires. Il possède également un tissu conjonctif dont le rôle est important puisqu’il assure la cohésion des fibres musculaires et contient les structures vasculaires et nerveuses. Il existe un épimysium qui se trouve autour du muscle, un périmysium qui entoure chaque faisceau de fibre et enfin, un endomysium que l’on retrouve entre les fibres à l’intérieur d’un même fais- ceau. Les zones de jonction entre les cellules musculaires et conjonctives sont une localisation préférentielle pour les lésions musculaires. EMC - Traité de Médecine Akos 1 Volume 8 > n 1 > janvier 2013 http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(12)55701-7 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 29/04/2013 par UNIVERSITE LAVAL - (338842)

Pathologies musculaires du sportif

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Pathologies musculaires du sportif

J.-M. Coudreuse

Les pathologies musculaires du sportif sont extrêmement fréquentes. Lors de leur prise en charge, ilconvient en premier lieu de distinguer deux modes d’apparitions. Soit il existe un début brutal, ce quioriente vers une lésion musculaire dont la gravité sera appréciée par les données de l’examen clinique et del’échographie : le traitement de ce type de lésion repose sur un arrêt du sport dont la durée varie en fonctionde la gravité de la lésion et sur un programme de rééducation associant outre de la physiothérapie, desétirements et du renforcement musculaire sur différents modes (statiques, concentrique, excentrique) ainsiqu’un travail proprioceptif. Soit il s’agit de douleurs survenant après l’effort avec un délai d’apparitionde 12 à 48 heures.Dans ce cas, il s’agit le plus souvent de delayed onset muscle soreness (DOMS), cequi correspond à des microlésions musculaires se produisant dans la plupart des cas après un travailmusculaire inhabituel de type excentrique. Il n’y a actuellement pas de traitement réellement efficace. Enrevanche, la prévention par un travail musculaire progressif de type excentrique peut être effectuée pouréviter l’apparition de ces DOMS.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Muscle ; Lésion musculaire ; Delayed onset muscle soreness ; Rééducation ; Physiopathologie

Plan

■ Introduction 1■ Pathologie traumatique 2

Classification des lésions musculaires 2Interrogatoire 2Examen clinique 2Examens complémentaires 2Diagnostics différentiels 2Traitement des lésions musculaires 2

■ « Delayed onset muscle soreness » 4Signes cliniques 4Examens complémentaires 4Physiopathologie des DOMS 4Traitement des DOMS 5Prévention des DOMS 5

■ Conclusion 5

� IntroductionLes pathologies musculaires du sportif peuvent se présenter sur

deux modes bien distincts : soit il s’agit d’un traumatisme avec undébut brutal survenant pendant l’activité sportive, soit les dou-leurs vont apparaître de facon progressive et diffuse pendant, àl’arrêt ou à distance de la pratique du sport.

Rappels : le muscle strié squelettique comporte des myocytes(cellules en forme de fibres allongées) qui sont regroupés enfaisceaux. Ils comportent des myofibrilles au sein desquelles

on retrouve des myofilaments protéiques qui confèrent aumuscle leur capacité de contractilité. Il existe deux types demyofilaments : l’actine (mince) et la myosine (épaisse), et ces myo-filaments sont regroupés en sarcomères limités par des stries Z.C’est un phénomène de traction de l’actine sur la myosine quiprovoque la contraction musculaire. De plus, on sait maintenantqu’il existe d’autres protéines comme la titine qui sont nécessairesà la contraction musculaire.

Par ailleurs, il existe deux types de fibres musculaires :• les fibres lentes de type I, très vascularisées, possèdent un

métabolisme oxydatif. Elles contiennent de nombreuses mito-chondries et sont riches en myoglobine. Elles sont peufatigables et autorisent des contractions musculaires prolon-gées ;

• les fibres rapides de type II contiennent beaucoup plus de myo-fibrilles et possèdent une capacité importante de pompage ducalcium. Leur métabolisme est glycolytique. Leur réseau capil-laire est pauvre et elles contiennent peu de mitochondries. Ellesse contractent de manière rapide et importante et possèdent peu« d’endurance ».Le muscle strié, selon sa fonction, possèdera une prédominance

de fibres lentes ou de fibres rapides.Enfin, le muscle ne contient pas que des cellules muscu-

laires. Il possède également un tissu conjonctif dont le rôle estimportant puisqu’il assure la cohésion des fibres musculaireset contient les structures vasculaires et nerveuses. Il existe unépimysium qui se trouve autour du muscle, un périmysiumqui entoure chaque faisceau de fibre et enfin, un endomysiumque l’on retrouve entre les fibres à l’intérieur d’un même fais-ceau. Les zones de jonction entre les cellules musculaires etconjonctives sont une localisation préférentielle pour les lésionsmusculaires.

EMC - Traité de Médecine Akos 1Volume 8 > n◦1 > janvier 2013http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(12)55701-7

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� Pathologie traumatiqueClassification des lésions musculaires [1]

Il existe différentes classifications. La première qui remonte auxannées 1980 classait les lésions musculaires en trois grades :• un simple étirement des fibres musculaires (grade I) ;• une déchirure partielle (grade II) ;• une déchirure complète (grade III).

La deuxième, présentée par Labareyre [2] est une classificationplus empirique, mais qui a l’avantage d’être facilement utilisée enpratique courante.

Elle distingue différents types de lésions :• la contracture qui survient en posteffort immédiat et qui va

céder en quelques heures ;• l’élongation qui correspond à une lésion musculaire avec une

atteinte des fibres musculaires et des lésions modérées du tissude soutien, mais sans présence d’hématome à l’échographie ;

• la déchirure (claquage) qui correspond à une atteinte impor-tante des fibres musculaires, du tissu conjonctif associé à unhématome ;

• la courbature qui correspond à une douleur globale du muscle(DOMS) et qui survient de 12 à 48 heures après un exercicemusculaire le plus souvent excentrique.La troisième qui reste la référence a été établie par Rodineau et

Durey [1] et correspond à une classification histologique des lésionsmusculaires.

“ Point important

Classification des lésions musculaires selon Dureyet Rodineau [1]

• Stade 0 : atteinte réversible de la fibre musculaire sansatteinte du tissu de soutien - récupération totale enquelques heures.• Stade 1 : atteinte irréversible de quelques fibres mus-culaires aboutissant à leur nécrose sans atteinte du tissuconjonctif de soutien - récupération totale en quelquesjours.• Stade 2 : atteinte irréversible d’un nombre réduit defibres musculaires et atteinte minime du tissu conjonctifde soutien - récupération qui peut être obtenue en unedizaine de jours.• Stade 3 : atteinte irréversible de nombreuses fibres mus-culaires, atteinte marquée du tissu conjonctif de soutien etformation d’un hématome intramusculaire localisé - récu-pération en 4 à 12 semaines.• Stade 4 : rupture ou désinsertion musculaire complèterécupération longue mais variable selon le muscle touché.

InterrogatoireOn retrouve pratiquement dans tous les cas une notion de début

brutal avec un mécanisme de sollicitation excentrique, c’est-à-direque le muscle se contracte alors qu’il est train d’être étiré.

Ces pathologies vont concerner le plus souvent les muscles biar-ticulaires comme le quadriceps, les ischiojambiers ou le tricepssural.

Il est important dans l’interrogatoire de connaître les suitesimmédiates qui peuvent orienter vers une lésion de gravité impor-tante :• soit le sportif a pu continuer son activité physique, et c’est

plutôt rassurant ;• soit il a été obligé d’interrompre cette activité avec une impo-

tence fonctionnelle partielle ou totale. Dans certains cas, plusgraves, le traumatisme a pu s’accompagner d’une chute.

D’autres signes de gravité sont également recherchés comme laprésence d’une sensation de déchirure, d’un craquement ou d’unhématome.

Examen cliniqueDans un premier temps, l’inspection recherche une anomalie

de relief du groupe musculaire qui va traduire dans la plupart descas une lésion grave, c’est-à-dire une rupture complète du muscleavec une rétraction de ses deux extrémités. On va égalementrechercher un hématome ou une ecchymose dont l’apparitionest souvent décalée par rapport au traumatisme. Dans certainscas, par exemple la rupture des ischiojambiers, l’hématome oul’ecchymose peuvent être très étendus et diffuser à une large partiede la face postérieure de la cuisse.

Ensuite, on recherche la classique triade douloureuse avec unedouleur à la palpation, à l’étirement et aux tests isométriques.

La douleur à la palpation apporte des renseignements unique-ment sur la localisation de la lésion, mais pas sur sa gravité. Eneffet, l’intensité de la douleur à la palpation n’a pas de lien avecla gravité de la lésion.

En revanche, la mise en étirement et les tests isométriques sontplus intéressants.

En effet, une douleur qui va apparaître lors des premiers degrésd’étirement est plus en faveur d’une lésion importante alorsqu’une douleur qui apparaîtra lors de l’étirement maximal seraplus rassurante.

Pour les tests isométriques, une douleur apparaissant dans lestrois courses (interne, moyenne et externe) sera toujours plusévocatrice de lésions graves qu’une douleur qui n’apparaît qu’encourse externe.

Examens complémentairesL’examen complémentaire de première intention reste bien sûr

l’échographie dont le caractère dynamique est très intéressant.D’autre part, c’est un examen qui permet de suivre le muscle surtoute sa longueur. Dans de rares cas, on fera appel à l’imageriepar résonnance magnétique (IRM) pour apprécier des lésions pro-fondes, pour déceler des diagnostics différentiels ou effectuer unbilan précis avant un traitement chirurgical.

Les bilans isocinétiques n’ont pas d’intérêt en aigu. Enrevanche, ils peuvent être effectués avant le retour sur le terrainpour être certain que le sportif a bien récupéré ses qualités de force.Ils sont également pratiqués chez les professionnels en début desaison pour déceler des déficits qui sont un facteur favorisant delésion musculaire.

Diagnostics différentielsCe sont essentiellement les myalgies pathologiques : la rhabdo-

myolyse, le déficit des enzymes glycolytiques ou mitochondriales,les myopathies d’origine virales ou inflammatoires et les étiologiesmédicamenteuses. Les autres diagnostics différentiels sont essen-tiellement les intolérances musculaires à l’effort et les étiologiesvasculaires ou neurologiques. En règle générale, à l’exception de larhabdomyolyse, ces douleurs évoluent sur un mode chronique etne peuvent être confondues avec un traumatisme à début brutal.

Traitement des lésions musculairesDonnées fondamentales

Lors d’une lésion musculaire, on observe d’abord une régéné-ration des fibres liée à un envahissement de la région lésée pardes macrophages et des polynucléaires qui phagocytent les tissusnécrosés. Dans un deuxième temps, on peut voir une proliférationde myoblastes. Le tissu cicatriciel est également régénéré grâce àla présence de fibronectine, de fibrine et de collagène de type 3,puis de collagène de type 1 qui est plus résistant.

Des éléments sont nécessaires à la cicatrisation des lésions mus-culaires :

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• c’est l’innervation qui est responsable de la différenciation entrefibres lentes et fibres rapides, et il faut donc qu’une jonctionneuromusculaire de qualité soit rétablie ;

• les apports en oxygène sont également nécessaires, et il fautdonc une vascularisation correcte. C’est la raison pour laquelleon observe la présence de nouveaux capillaires au bord de lalésion ;

• le dernier élément dont l’importance est majeure est la traction :c’est cette traction qui va permettre l’orientation des fibres mus-culaires. En revanche, on note qu’une immobilisation entraîneune orientation anarchique de ces fibres.De nombreuses études dont celle de Jarvinen [3] ont montré que,

si la mobilisation initiale pouvait aggraver l’hématome, elle avaiten revanche de nombreux avantages : accélération et majorationde la différenciation musculaire et surtout meilleure orienta-tion des nouvelles fibres musculaires permettant une cicatrisationmusculaire optimale. Elle améliore également la cicatrisationconjonctive avec formation d’un collagène de meilleure qualité.En revanche, l’immobilisation augmente le nombre de fibres mus-culaires lésées et diminue la maturation du tissu cicatriciel ; elleest également responsable d’une mauvaise orientation des fibresmusculaires et d’une atrophie. Elle peut également être à l’origined’une fibrose qui est à la source de douleurs chroniques et derécidive de la lésion musculaire.

La base de ce traitement fonctionnel est donc la mise en trac-tion douce des fibres musculaires ainsi que leur mobilisation quidoit se faire de manière extrêmement prudente et en accord avecles données de l’examen clinique. La rééducation repose sur lamise en traction progressive du muscle avec des étirements et unrenforcement musculaire progressif, en statique dans un premiertemps, puis en concentrique et enfin en excentrique.

Chronologie de la rééducationLe traitement et surtout sa chronologie vont varier en fonction

du stade de la lésion.

Stade 0Le patient va récupérer en quelques heures sans aucun traite-

ment.

Stade 1• Le traitement est établi sur l’arrêt du geste sportif et sur

l’application de chaleur et de massage. La reprise d’activitéssportives peut être effectuée après quelques jours dès que lasymptomatologie a disparu.

Stade 2• Le repos sportif est indispensable ; il faut y associer une cryo-

thérapie et des séances de physiothérapie. Rapidement, onpeut commencer un travail d’étirement et de renforcementmusculaire statique, puis dynamique, et la reprise des activitéssportives est possible dès que l’examen clinique est normal.

Stade 3• De j0 à j3, c’est la période antalgique, avec bandage compres-

sif, cryothérapie et mise éventuelle en décharge en fonctionde la douleur. les anti-inflammatoire non stéroïdiens n’ont pasd’intérêt.

• De j4 à j10, il faut continuer la cryothérapie ainsi que la phy-siothérapie. On peut commencer un travail statique très doux.L’hématome peut être évacué sous contrôle échographique enfonction des données de celle-ci, mais ces ponctions restent peufréquentes.

• De j10 à j21, on commence une rééducation plus active, avecun travail d’étirement et surtout de renforcement musculairestatique et dynamique.

• À partir de j21, le renforcement musculaire est intensifié avecintroduction de travail excentrique et éventuellement de mas-sages transversaux profonds selon les cas. La reprise des activitéssportives au même niveau débute en général à partir de lasixième semaine, mais ce délai peut aller jusqu’à 3 mois.

Stade 4C’est une rupture ou une désinsertion complète dont le traite-

ment est proche de celui d’un stade 3, à part dans certains cas où il

peut y avoir une place pour le traitement chirurgical en particulierpour les ruptures hautes des ischiojambiers.

Principes de rééducationAu-delà de ces délais qui sont bien sûr variables et qui n’ont

qu’une valeur d’orientation, il faut bien comprendre les butsde la rééducation. Celle-ci vise à réduire les déficiences retrou-vées à l’examen clinique selon les principes de la classificationinternationale du fonctionnement et du handicap (CIF) [4]. Cesdéficiences sont :• la douleur ;• la réduction des amplitudes articulaires ;• le déficit de force musculaire ;• le déficit de qualités proprioceptives et, par conséquent, de sta-

bilité.La rééducation, même si elle suit des principes communs, est

toujours individualisée en fonction de la nature des déficiencesretrouvées.

Lutte contre la douleurOn utilisera de facon préférentielle par voie générale les antal-

giques (du type paracétamol) plutôt que les anti-inflammatoiresqui peuvent « limiter le nettoyage » de la lésion. Ces anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), même s’ils sont utilisés demanière fréquente par les sportifs, sont en réalité rarement utiles.En revanche, les anti-inflammatoires par voie locale peuvent êtreutilisés.

L’utilisation de cannes anglaises pour une mise en décharge estindiquée si l’appui et/ou la marche sont douloureux. Cette miseen décharge est prescrite non pour une période définie à l’avance,mais pour la durée où la marche reste douloureuse (en généralquelques jours). L’utilisation d’orthèses dans le cas des lésionsmusculaires n’a pas d’intérêt.

Dans le cas particulier du tennis leg (désinsertion du gastroc-némien médial), on utilise volontiers des talonnettes pour éviterl’étirement trop brutal du triceps sural tout en autorisant une cer-taine sollicitation du muscle mesurée puisque l’appui est conservé.Cela est possible à condition que cet appui soit quasi indolore.

La compression du muscle lésé, à condition qu’elle soit effec-tuée très précocement, est intéressante. Son but est de limiterl’hématome mais elle a également un effet sur la douleur. Lacompression effectuée à distance de l’accident a une efficacité quireste plus discutée. La cryothérapie (neurocryostimulation immé-diate ou glace pilée) plus à distance est parfois utilisée à des finsessentiellement antalgiques.

Place de la physiothérapie : même si celle-ci n’a pas encore faitla preuve indiscutable de son efficacité, elle est encore très utiliséeen rééducation. Elle a un intérêt dans la lutte contre la douleur,et les kinésithérapeutes l’utilisent dans de nombreux cas pourpréparer le muscle aux contraintes de la rééducation (étirements,renforcement musculaire, etc.).

Récupération des amplitudes articulairesIl est essentiel de lutter de facon précoce contre l’attitude en

raccourcissement du muscle. Des étirements doivent être effec-tués, mais de facon extrêmement douce et progressive pour ne pasaggraver la lésion musculaire initiale. Les étirements sont effectuésdans un premier temps sur un mode passif, dans un deuxièmetemps sur un mode actif. Durant cette phase de rééducation, lekinésithérapeute se doit d’être « à l’écoute de son patient » poursolliciter le muscle de facon optimale et favoriser la cicatrisationsans trop mettre de contraintes sur ce muscle de facon à ne pasaggraver la lésion. Le seuil douloureux, lors de l’étirement, est unrepère précieux et doit donc toujours être respecté. Ces techniquesdoivent être utilisées de facon parcimonieuse car le muscle doitêtre étiré « suffisamment mais pas trop ».

Restauration de la force musculaireLe déficit de force musculaire est constant dans ces lésions, ce

qui est tout à fait logique puisque le muscle est lésé. Ce déficit deforce est la conséquence de la lésion, mais dans certains cas il peutêtre la cause de la lésion.

La rééducation doit donc comporter de facon systématique unrenforcement musculaire pour soigner la lésion, mais égalementprévenir les récidives.

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Ce travail musculaire s’effectue dans un premier temps sur unmode analytique, c’est-à-dire en sollicitant uniquement le musclelésé, dans un deuxième temps sur un mode plus global avec, par-fois, la participation d’autres groupes musculaires. Ces exercicesplus fonctionnels se réalisent grâce à des gestes qui peu à peu vontse rapprocher du geste sportif.

Ce renforcement musculaire sera effectué dans un premiertemps sur un mode statique. Le patient pouvant débuter seulen effectuant des contractions statiques sans résistance ou avecdes techniques par exemple de type « écrase coussin » pour unquadriceps. On peut associer à ce renforcement statique des tech-niques d’électrostimulation qui permettent d’optimiser ce travailde renforcement.

Dans un deuxième temps, le renforcement musculaire seraeffectué sur un mode concentrique, c’est à dire en raccourcisse-ment du muscle.

Dan un troisième temps, les exercices seront effectués sur unmode excentrique souvent beaucoup plus proche de l’activitésportive. Le travail excentrique entraînant des gains de forcesupérieurs à ceux du travail concentrique, cette phase de travailexcentrique est indispensable à la récupération des qualités mus-culaires.

Amélioration de la proprioceptionLes muscles étant des informateurs de la proprioception, il

est indispensable d’effectuer en plus du renforcement et du tra-vail d’étirement, des exercices d’équilibre, associés ensuite à uneréathlétisation où les gestes seront proches puis identiques auxsollicitations effectuées lors de l’activité sportive.

ConclusionUne lésion musculaire est traitée de facon systématique selon

les principes de traction dirigée et de renforcement. Quelle quesoit la gravité de la lésion, les axes de rééducation sont les mêmes.Seuls, les délais vont varier de 3 semaines pour une élongationà 6 semaines pour un vrai claquage avec hématome, mais cesdélais restent toutefois souples en fonction de la récupération dechacun.

Le travail isocinétique peut être utilisé dans deux cas : soitau cours de la rééducation, en permettant un renforcementmusculaire, soit éventuellement à distance pour quantifier undéficit de force musculaire, en particulier dans les lésions muscu-laires chroniques récidivantes. En effet, on sait par exemple quechez les footballeurs, un déficit de force des ischiojambiers mul-tiplie par cinq le risque de survenue de claquage de ce groupemusculaire au cours d’une saison [5]. C’est une des raisons pourlesquelles on attache de plus en plus d’importance au travail deprévention.

� « Delayed onset musclesoreness »

Les DOMS sont des douleurs qui apparaissent progressivementde 12 à 48 heures après l’exercice et que l’on appelle le plus souventdes courbatures. Ce sont des douleurs musculaires d’apparitionretardée. Elles sont la conséquence d’un travail musculaire excen-trique.

Lors du travail sur un mode excentrique (freinateur),l’activation du muscle entraîne une résistance à son propre éti-rement. Par exemple, lors de la réception d’un saut, le quadricepsse contracte sur un mode excentrique pour freiner la flexion dugenou et résister à l’écrasement au sol.

Le mode d’action excentrique présente des caractéristiques bio-mécaniques et métaboliques différentes de celles que l’on retrouvedans les exercices concentriques ou statiques. Lors d’une contrac-tion excentrique, donc frénatrice, le muscle activé résiste à uneforce externe supérieure à la force développée par les unitésmotrices engagées. Lorsque toutes les unités motrices sont recru-tées, la force maximale ainsi développée est très supérieure à celleobtenue lors de contractions maximales isométriques ou concen-triques réalisées à la même vitesse angulaire [6]. Cela est lié en partie

au gain de force associée par la résistance à l’étirement des compo-santes élastiques. De plus, le coût énergétique est plus faible qu’enconcentrique [7].

Bien qu’il existe des avantages biomécaniques, bioénergé-tiques et thérapeutiques évidents du travail en mode excentrique(Cheung et al. [8]), il faut souligner que, pratiqué de faconintense ou inhabituelle, il peut conduire à des microlésionsmusculaires et à des altérations structurelles et fonctionnelles.Celles-ci peuvent évoluer sur une durée de plusieurs jours àplusieurs semaines. La résorption de ces microlésions muscu-laires s’accompagnent d’un processus inflammatoire qui entraîneen général des douleurs diffuses et retardées que l’on appellehabituellement des « courbatures » et qui sont en réalité desDOMS [9].

Signes cliniquesInterrogatoire

Les douleurs débutent de 12 à 48 heures après une activité spor-tive comprenant un travail excentrique important ou inhabituel.Elles peuvent survenir par exemple lors de la reprise d’une activitésportive et peuvent évoluer sur plusieurs jours. La réalisation d’uneffort inhabituel est donc un facteur déclenchant, même pourun sujet sportif. Elles vont s’atténuer avec l’apprentissage de cetentraînement ou de cette activité sportive. À l’interrogatoire onne retrouve pas en général de notion de douleur brutale au coursde l’effort qui pourrait orienter vers une lésion de type « claquageou élongation ».

Examen cliniqueLes douleurs siègent préférentiellement au niveau des quadri-

ceps, mais également des ischiojambiers et des triceps suraux etprédominent le plus souvent au niveau des jonctions myotendi-neuses. Elles peuvent survenir également au niveau des membressupérieurs en cas de travail spécifique.

À l’examen clinique la palpation du muscle est douloureused’une facon diffuse avec parfois des points douloureux plus précis.On peut constater un déficit de force et une réduction des ampli-tudes articulaires car la mise en étirement du muscle ainsi queses tests isométriques sont douloureux, mais également de faconglobale, sans point douloureux précis.

Examens complémentairesLes examens complémentaires, en dehors de la biologie dans de

rares cas, ne sont pas utilisés habituellement.Sur le plan biologique, on retrouve de facon retardée une élé-

vation sanguine des enzymes musculaires tels que la créatinekinase (CK) ou la lactodéshydrogénase (LDH) et des métabolitesde la dégradation conjonctive (en particulier, hydroxyproline ethydroxylysine).

L’échographie ou l’IRM ne sont intéressants que dans larecherche des diagnostics différentiels, par exemple une lésiontraumatique, et ne mettent en évidence, pour les DOMS, quel’aspect œdémacié du muscle. Il semble toutefois que, depuis unepériode récente, certains s’intéressent de plus en plus aux imageséchographiques des DOMS.

L’IRM a permis d’objectiver que la durée des modificationsintramusculaires persiste après les manifestations cliniques (aug-mentation de signal entre le troisième et le sixième jour etaugmentation de volume jusqu’à 3 semaines). C’est un élémenttrès important car il confirme le fait qu’il existe un décalage dansle temps entre la disparition des DOMS et le retour à l’intégritéfonctionnelle du muscle.

Physiopathologie des DOMSDouleur posteffort et acide lactique

L’acide lactique peut expliquer en partie les douleurs au décoursd’un effort intense, mais pas celles qui apparaissent plusieursheures après car les taux d’acide lactique se normalisent en 1 heure

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environ après l’effort. Par ailleurs, la production d’acide lactiqueest plus importante en concentrique qu’en excentrique, alors queles DOMS apparaissent spécifiquement après un travail excen-trique. L’élimination de l’acide lactique (après 20 minutes derécupération active et aux alentours de 2 heures en passif) se ter-mine en effet bien avant l’apparition des DOMS qui surviennentde 12 à 48 heures après l’exercice.

L’acide lactique peut donc être responsable de douleursqui apparaissent immédiatement à la fin de l’effort, mais nepeut pas entraîner de douleur dans les jours qui suivent ceteffort.

Microlésions des tissus conjonctif et musculaireL’analyse de muscles ayant été soumis à un travail excen-

trique intense a mis en évidence au niveau ultrastructural desmicrolésions prolongées mais réversibles d’un petit nombrede myocytes [8, 10]. La principale cause des DOMS semble doncêtre l’inflammation. À la suite de la phase dite initialede lésion, Armstrong différencie trois phases, « autogénique »,« phagocytaire » et « de régénération », dans le processus inflam-matoire qui suit un travail excentrique, et ce sont donc lesdouleurs qui accompagnent l’inflammation que l’on appelle lesDOMS [11].

La récupération fonctionnelle à la suite d’un exercice intensecomportant des phases de travail excentrique s’effectue de faconbiphasique, avec de nettes diminutions immédiates de la pro-prioception et de la force musculaire suivies d’une récupérationpartielle ou totale dans les heures qui suivent l’exercice avant denouvelles baisses qui persistent sur plusieurs jours [9, 12]. Durant laseconde phase de la récupération, on peut mettre en évidence unediminution des possibilités d’étirement du muscle, une baisse dela force et une altération des qualités proprioceptives. Ces déficitspersistent en général pendant 5 à 8 jours, c’est-à-dire nettementplus longtemps que les douleurs, et cette période est donc propiceaux blessures.

Traitement des DOMSActuellement, même si de nombreux traitements sont utilisés

(cryothérapie, étirements, anti-inflammatoires, ultrasons et tech-niques de physiothérapie, homéopathie, massages, compressionet oxygénothérapie hyperbare), mais aucun n’a fait la preuve deson efficacité [8].

Prévention des DOMSS’il est établi qu’un exercice excentrique important peut

conduire à des DOMS, le muscle s’adapte ensuite rapidement àce premier exercice. On a alors dès le deuxième exercice excen-trique une nette atténuation de la symptomatologie. On met donc

en évidence moins de douleurs, de baisse de force et de réductiondes amplitudes articulaires. C’est l’effet de répétition (repeated bouteffect) [9].

Si ces effets du travail musculaire excentrique sont douloureux,ils ne présentent aucun caractère de gravité et ne doivent pasremettre en cause l’intérêt du travail excentrique dans le renforce-ment musculaire ou le traitement des tendinopathies. Par ailleurs,le fait d’entraîner le muscle à ce type de sollicitation a pour effetde diminuer voire de faire disparaître l’apparition de ces DOMS.

� ConclusionLes douleurs musculaires du sportif se présente sous deux

formes : soit elles surviennent après l’effort, soit il existe un débutbrutal qui en général signe une réelle lésion musculaire dont letraitement repose sur de la rééducation.

� Références[1] Rodineau J. Classification clinique des lésions récentes. In: Muscle

traumatique et mécanique. Paris: Masson; 2005. p. 21–7.[2] Labareyre (de) H, Roger B, Thelen P. Évaluation des lésions muscu-

laires récentes du membre inférieur : clinique et imagerie. In: RodineauJ, Saillant G, editors. Panorama en traumatologie du sport. Paris:Masson; 2002. p. 121–33.

[3] Jarvinen MJ, Letho MU. The effects of early mobilisation and immo-bilisation on the healing process following muscle injuries. Sports Med1993;15:78–89.

[4] CIF : classification internationale du fonctionnement, du handicap etde la santé. Genève: OMS; 2001.

[5] Croisier JL, Reveillon V, Ferret JM. Isokinetic assessment of kneeflexors and extensors in professional soccer players. Isokinet Exerc Sci2003;11:61–2.

[6] Astrand PO, Rodhal K. Précis de physiologie de l’exercice musculaire.Paris: Masson; 1994.

[7] Asmussen E. Observations on experimental muscular soreness. ActaRheum Scand 1956;2:109–16.

[8] Cheung K, Hume PA, Maxwell L. Delayed onset muscle sore-ness: treatment strategies and performance factors. Sports Med2003;33:145–64.

[9] Clarkson PM, Nosaka K, Braun B. Muscle function after exercise-induced muscle damage and rapid adaptation. Med Sci Sports Exerc1992;24:512–20.

[10] Warhol MJ, Siegel AJ, Evans WJ, Silverman LM. Skeletal muscleinjury and repair in marathon runners after competition. Am J Pathol1985;118:2331–9.

[11] Armstrong RB. Initial events in exercise-induced muscular injury. MedSci Sports Exerc 1990;22:429–35.

[12] Nicol C, Komi PV, Horita T, Kyrölainen T, Takala TE. Reduced stretch-reflex sensitivity after stretch-shortening cycle exercise. Eur J ApplPhysiol 1996;72:401–9.

J.-M. Coudreuse ([email protected]).Pôle de médecine physique et de réadaptation, médecine du sport, Hôpital Salvator, HPHM, 249, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Coudreuse JM. Pathologies musculaires du sportif. EMC - Traité de Médecine Akos 2013;8(1):1-5 [Article6-0619].

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