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PATRIMOINE NATUREL DE BOURGOGNE N° 5 - ANNÉE 1997 - ISSN 1240-1609 LES TOURBIÈRES LES TOURBIÈRES EN BOURGOGNE EN BOURGOGNE

PATRIMOINENATURELDEBOURGOGNE · 2016. 7. 28. · en France. production de matière organique est faible. Par contre, sous climat chaud, il n’y a pas excès d’eau et la matière

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PATRIMOINE NATUREL DE BOURGOGNE

N° 5 - ANNÉE 1997 - ISSN 1240-1609

LES TOURBIÈRESLES TOURBIÈRES

EN BOURGOGNEEN BOURGOGNE

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GLOSSAIREDES TERMES EMPLOYÉS

Acide : qualifie un sol ou une eau dont le pH estinférieur à 7 et indique des conditions chimiquespeu favorables à la vie de certains organismes (dif-ficulté à absorber des nutriments).Bassin versant : région géographique naturelle drai-née par des cours d’eau confluant vers une rivière com-mune. Tête de bassin : zone entourant la ou les sourcesd’un cours d’eau (exemple : tête de bassin de l’Yonnedans le Haut-Morvan).Biotope : aire géographique caractérisée par desconditions écologiques bien définies (sol, cli-mat…), peuplée d’organismes végétaux et ani-maux adaptés à ces conditions.Décomposeurs : organismes se nourrissant de lamatière organique et assurant le recyclage de cesdéchets dans la nature. (exemples : animaux charo-gnards, micro-organismes du sol).Eau météorique : eau provenant des précipita-tions (pluie, neige, brouillard).Eau phréatique : eau contenue dans un solporeux et pouvant varier de niveau.Groupement végétal (= association végétale) :groupe d’espèces végétales poussant ensemble dans lesmêmes conditions écologiques.Limnogène : tourbière se développant à partird’un lac ou d’un étang.Matière organique : matière présente dans le solet provenant de la décomposition d’organismesmorts, animaux ou végétaux.Minéralisation : transformation de la matièreorganique en éléments minéraux (nutriments),directement assimilables dans le sol par les plantes(≠ turbification).Nutriments : éléments simples, directement assi-milables par les organismes.Ombrogène : tourbière alimentée par les eaux depluie (tourbières de Bretagne, d’Irlande…où règne unclimat très humide, dit océanique).pH : unité de mesure du degré d’acidité d’un sol,d’une eau… (pH=7 : neutre, pH<7 : acide, pH>7 :basique).Phréatique (voir eau phréatique).Soligène : tourbière se développant à partir d’unruissellement constant d’eau le long d’une pente.Topogène : tourbière se développant à partird’une accumulation d’eau stagnante dans unedépression.Tourbe : « roche » constituée de matière organiquevégétale pas ou peu décomposée, accumulée dansun milieu saturé en eau.Turbification : processus aboutissant à la forma-tion de tourbe (= processus tourbeux).

EN COUVERTURE :

La tourbière de St Brisson(Morvan - Nièvre)

Photo Alain ChiffautCartouche :

le Drosera à feuilles rondesDessin Pierre Besson

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SOMMAIRE

Avant propos de Monsieur Jean-François BazinPrésident du Conseil Régional de Bourgogne p. 2

�� LOCALISATION DES TOURBIÈRES EN BOURGOGNE p. 4par Alain ChiffautDirecteur du Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons

�� MODES DE FORMATION DES TOURBIÈRES p. 6par Philippe JulveDocteur en Écologie végétaleGroupe d’étude des tourbières

�� LEÇON DE CHOSES : SPHAIGNES ET DROSERA p. 14par Alain Chiffaut

�� LES TOURBIÈRES DU MORVAN p. 16par Pierre AgouBotaniste au Conservatoire des Sites Naturels Bourguignonset Patrick MarchadierChargé de mission au Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons

�� LA VÉGÉTATION DE LA TOURBIÈRE DE ST-BRISSON p. 20Dessin Patryck Vaucoulon

�� LES TOURBIÈRES : DES LIVRES D’HISTOIRE p. 22par Hervé RichardChercheur en chrono-écologie, CNRS Besançon

PATRIMOINE NATUREL DEBOURGOGNEN°5 - ANNÉE 1997

ISSN 1240-1609

revue publ iée par le :CONSERVATOIREDES SITES NATURELSB O U R G U I G N O N S

B.P. 110 21803 QuétignyTél.: 03 80 71 95 55Fax.: 03 80 46 51 08

Auteurs :Philippe Julve,Pierre Agou,

Patrick Marchadier,d'après leur communication lors des

Rencontres Régionales sur le PatrimoineNaturel - Saint-Agnan - 19 octobre 1996.

Alain Chiffautet Hervé Richard.

Mise en page :Bernard Hyvernat,François Cordier,

Interligne.

Dessins :Pierre Besson (cartouches) et

Patrick Vaucoulon (aquarelles)

Crédit photos:Alain Chiffaut sauf 13B (Jean-Claude

Felzines) et 23B (Pierre Agou).

Maquette :Alain Chiffaut

Flashage et photogravure: InterligneImpression : SEMCO

Reproduction autorisée en citant la source

Dépôt légal : 4ème trimestre 1997

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Fournisseurs de combustible à hautpouvoir calorifique, drainées etfauchées pour l’alimentation du bétail,

pâturées par les troupeaux domestiques,creusées pour créer des étangs ou asséchéespour réaliser des plantations, exploitées pourfournir un substitut riche à l’horticulture, outout simplement conservées par hasard ou parla volonté de quelques-uns, les tourbièrestraversent les millénaires en rencontrant desfortunes diverses.

Les tourbières sont, en Bourgogne, des milieuxambivalents, intrigants, mal connus, véritablesreliques des ères glaciaires à conserverprécieusement.Ensembles humides à évolution lente, ellesapparaissent comme des témoins de l’histoirede la nature pour peu que l’on sache prendre le temps de s’arrêter pour observer etcomprendre.

La Bourgogne est riche de ces sites quirappellent, au cœur du Morvan, les paysagesnordiques et semblent évoquer, au-delà de leurintérêt floristique et faunistique, les silhouettesde Vercingétorix et ses compagnons deBibracte.

Avec ce document, c’est une face cachée denotre patrimoine qui est mise à jour : ellemérite toute l’attention des Bourguignons.

Jean-François BazinPrésident du Conseil Régional de Bourgogne

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L'Armançon

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Le Doubs

Tourbières

600 à 800 m

500 à 600 m

300 à 500 m

200 à 300 m

< 200 m

> 800 m

Nord

Parc Naturel Régional du Morvan

LOCALISATION DES TOURBIÈRES EN BOURGOGNE

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 19974

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Seules les tourbières acides àsphaignes sont considéréesdans ce document. La com-

paraison entre la localisation deces tourbières et la géologierévèle un lien étroit avec les for-mations non calcaires : - Au centre, les massifs anciensdu Morvan et de l’Autunois, for-més de granite, de gneiss et desproduits de leur érosion, héber-gent la majeure partie des tour-bières de Bourgogne.- Au nord, dans l’Yonne, l’auréo-le de sédiments sableux duCrétacé supporte une demi-dou-zaine de tourbières de petitetaille.- Au sud-ouest, des terrainsacides divers (sables tertiaires duBourbonnais, grès du Primairedans le Brionnais) présententdes prés tourbeux ou desqueues d’étangs tourbeuses. - Près de Tournus, dans unedépression au sein d’une curieu-se formation de sable d’origineéolienne, existe une belle tour-bière (Réserve Naturelle de laTruchère-Ratenelle).Toutes les tourbières deBourgogne sont de type soligèneet topogène, donc liées à desécoulements permanents et desrétentions dans des cuvettes surdes substrats acides. On peutdéceler de rares types limno-gènes sur quelques vieux étangsdu Morvan, pas assez ancienscependant pour présenter unstade avancé. �

Alain Chiffaut

SaulieuLormes

Château- Chinon

Arleuf

Lac de Crescent

Lac de St-Agnan

Lac des Settons

Lac de Panneçière

Mt Beuvray

Haut-Folin901 m

Serein

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Canche

Chalaux

CousinLac de Chaumeçon

Tourbières

Nord

LOCALISATION DES TOURBIÈRES EN BOURGOGNE

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 19975

LESTOURBIÈRES

DANS LE PARCNATURELRÉGIONAL

DU MORVAN

Les tourbières du Morvan, des lieux mystérieux.

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MODES DE FORMATIONMODES DE FORMATION

DES TOURBIÈRESDES TOURBIÈRES

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Les tourbières évoquent ennous le Grand Nord ou lamontagne, des paysages

curieux aux arbres « bonsaï », unterrain où le pied n’est pas sûr etque l’on redoute, des milieuxmystérieux que l’on sait peuplésde plantes carnivores, mais éga-lement la tourbe qui a chauffénos ancêtres. Une tourbe issuede l’accumulation pendant desmilliers d’années de moussesparticulières, les sphaignes. Lesplus vieilles tourbières d’Europeont pris naissance après le retraitde la dernière glaciation, il y a10 000 à 15 000 ans. Elles fontdonc partie de nos plus vieuxmilieux naturels puisque la forêtet les prairies actuelles sontd’origine plus récente.

Un peude géographie

Si l’on observe une carte derépartition des sphaignes,mousses typiques des tourbières,on constate une vaste aireincluant même des zones tropi-cales. Elles ne sont donc pasuniquement liées aux régionsfroides ou à la montagne. Leseul facteur indispensable à laconstitution d’une tourbière estl’excès d’eau qui empêche latransformation en élémentsminéraux de la matière orga-nique morte (mousses, plantessupérieures, feuilles,branches…). A la place d’unhumus fertile pour les plantes,s’accumulent des couches detourbes dont l’épaisseur aug-mente régulièrement.Cependant, l’épaisseur de cettetourbe va varier selon le climatdes régions. Les basses tempéra-tures ne favorisent pas lesgrandes épaisseurs puisque la

MODES DE FORMATION

Secteur à fortedensité de tourbières

Secteur à faibledensité de tourbières

La sphaigne est le végétal principal destourbières évoluées.

Une tourbière en Bourgogne.

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Localisation géographique destourbières acides et alcalines

en France.

production de matière organiqueest faible. Par contre, sous climatchaud, il n’y a pas excès d’eauet la matière organique a ten-dance à se minéraliser. Ainsi, lestourbières les plus importantesseront situées dans les zonestempérées froides. Ce qui corres-pond en France à l’étage monta-gnard situé entre 800 et 1500mètres d’altitude. Géogra-phi-quement, cette zone correspondau Jura, au Massif Central (ausens large comprenant leLimousin ou le Morvan), le norddes Alpes (le sud étant trop sec)et plus rarement le Massif armo-ricain et les Pyrénées. Mais on peut trouver des tour-bières de moindre importanceen plaine, notamment dans lesvallées alluviales, là où la condi-tion principale d’excès d’eau

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 19977

Le Trèfle d’eau est une des plantes pionnièresau début de la formation d’une tourbière. Safloraison est spectaculaire avec ses pétalesblancs veloutés.

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prévaut depuis longtemps.Secrets de fabrication

La condition de « bilan hydriquepositif » étant présente, d’autresfacteurs favoriseront la formationde tourbe en défavorisant lesdécomposeurs : acidité et froidmodérés. Selon que la tourbecomble un plan d’eau ou s’accu-mule sur un sol gorgé d’eau, ilexiste plusieurs processus quipermettent la création d’unetourbière.Pour la première catégorie, onparle de tourbières limnogènes(limnos = lac, gène = création).

pente), topogènes si elles béné-ficient d’une alimentation parune nappe affleurante (dépres-sions dans les vallées ou dansune cuvette localisée), ombro-gènes si elle naissent unique-ment à partir des eaux météo-riques (pluies, neige). Ce derniertype est rare en France car il fautd’importantes précipitations,comme en Irlande et en Écosse.

Une lente maturité

Le processus tourbeux étantengagé, la tourbière est amenéeà évoluer dans le temps. Ellepasse par différents stades suc-

MODES DE FORMATION

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 19978

Un bilan hydrique positifIl faut beaucoup d’eau à une tour-bière, plus exactement, un bilanhydrique positif. C’est-à-dire quel’ensemble des apports en eau(ruissellement, pluie, neige,nappe souterraine...) excède lesdéparts (écoulements, évapora-tion, transpiration des plantes...).Cet excès d’eau entraîne unedécomposition sans oxygène qui va

provoquer la création detourbe. L’eau peut êtrelégèrement courante,comme dans les tour-bières de pente duMorvan ; dans cecas l’équilibre desapports et des départsen eau est très subtil et

donc fragile.

La végétation des rives progressesur l’eau en formant des«radeaux» ou «tremblants» quiévoquent la sensation produitepar la marche, dangereuse, surcette végétation pionnière. Le lacse comble ainsi de la périphérievers le centre ; selon l’âge de latourbière, il peut rester des trem-blants et un trou d’eau aumilieu, ou au contraire une tour-bière compacte piquetée d’arbre.Pour la seconde catégorie, lesdifférents processus diffèrentselon l’origine de l’eau. Les tour-bières seront dites soligènes sielles prennent naissance à partirdes eaux d’écoulement (ruissel-lement permanent sur une

Précipitations

Ruissellement

Écoulements

Évaporation, transpiration

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cessifs marqués par une végéta-tion et un aspect paysager spéci-fiques. Si l’on considère lesmodes les plus courants (topo-gène et soligène), le premierstade est qualifié de « tourbièrebasse » ou « bas marais ». Il appa-raît et persiste tant que l’eau secharge en nutriments lors de sonruissellement. La productionvégétale est intense et l’absencede décomposition des feuillesmortes et autres débris orga-niques provoque la naissance dela première couche de tourbe.L’épaisseur de cette dernièreaugmente chaque année, à unevitesse variable selon le climat etla richesse des nutriments(moins d’un mm par an enmoyenne), jusqu’à une hauteurqui permet à la végétation des’affranchir de l’eau qui imbibele sol. Si les précipitations nesont pas assez importantes,l’évolution s’arrête alors et onobserve un boisement spontanéde bouleaux ou de résineuxselon l’altitude. Si elles sont suf-fisantes, la tourbière atteint sonsecond stade «tourbière bombée»uniquement alimenté par l’eaumétéorique qui constitue une

nappe, bombée elle aussi, conte-nue dans la jeune tourbe au des-sus de la première nappe liée ausol. Les apports en minérauxsont nuls et l’acidité augmenteavec l’activité des sphaignes.Seule une végétation très spécia-lisée peut subsister : c’est cestade qui offre le paysage le plustypique de tourbière. La tourbe,

de constitution différente, conti-nue de s’accumuler jusqu’à unniveau d’équilibre de la nappebombée qui ne peut se rehaus-ser indéfiniment. Ce stade ultimeest généralement stable car lesarbres ne peuvent guère s’yimplanter ou restent chétifs.En cas d’assèchement naturel ouprovoqué par l’homme (draina-ge), les couches supérieures,libérées de l’eau asphyxiante,sont soumises à l’action desdécomposeurs. La matière orga-nique se transforme en élémentsminéraux simples. Cette minéra-lisation entraîne un nouveaustade avec une végétation plusévoluée : la lande tourbeuse oule bois tourbeux.On peut observer des retours àdes stades initiaux dans les«gouilles», fossés naturels qui secréent par tassement de la vieilletourbe ou dans les fosses detourbage, résultats de l’exploita-tion humaine pour les anciensbesoins en combustible ou lesnouveaux débouchés en horti-culture. Ce qui ne justifie enaucune sorte l’intensification decette activité.Des végétaux qui

MODES DE FORMATION

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 19979

Dans certaines conditions (plan d’eau acide et peu profond), une végétation de Trèfle d’eau,de Potentille des marais et de carex colonise l’eau à partir des rives en formant un «tremblant».C’est sur ce tremblant que les sphaignes vont s’installer et initialiser la tourbière.

La tourbière de Champ Gazon à Montsauche dans la Nièvre offre le paysage classique destourbières morvandelles en fin d’évolution. Sur une couche de sphaignes de quelques mètress’est installée une callunaie en voie de boisement par les bouleaux.

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MODE DE FORMATION

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 199710

Après plusieurs millénaires, la couche de débris végétaux non décomposés (la tourbe) s’est épaissie aupoint que l’eau n’est plus accessible aux végétaux poussant au sommet des buttes. Seule l’eau de pluie,très pauvre en nutriments, les alimente. Dans le Morvan, les précipitations n’étant pas assez abondantes,les tourbières s’assèchent et sont colonisées par la Callune puis le Bouleau.

Sur les parties mortes des plantes pionnières et sur leur lacis de racines, d’autres plantes plus frugalesapparaissent avec surtout les mousses de la famille des sphaignes. Lentement, elles croissent au dessusde leurs parties mortes non décomposées et s’affranchissent du sol mais pas encore de l’eau. Les condi-tions sont donc celles d’une jeune tourbière. Localement, le Trèfle d’eau, la Potentille des marais coloni-sent des dépressions engorgées appelées «gouilles».

Dans les fonds de vallons ou de cuvettes, l’eau s’accumule en faveur d’un sol sableux et argileux (résul-tant de l’érosion du granite). Des plantes pionnières s’accommodent de cet excès d’eau et des faiblesnutriments du sol. Ce stade est appelé «bas marais» à joncs.

SOLIGÈNE

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MODE DE FORMATION

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 199711

TOPOGÈNE

Dans ce cas, l’excès d’eau n’est pas dû à unerétention mais à un écoulement permanent. L’eau,acidifiée lors de son passage dans les couchessableuses (arènes granitiques), sourd à mi-penteen formant des zones marécageuses, appelées«mouilles» dans le Morvan.

Les successions de végétation se déroulent commedans le mode topogène.

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se succèdent

La colonisation d’un lac com-mence par la constitution deradeaux flottants composés deplantes supérieures comme laPotentille des marais, le Trèfled’eau, des laiches et des joncsqui lancent leurs racines et tigescouchées à la surface de l’eau.Ce lacis relativement dense auto-rise l’installation des sphaignes

qui assurent la consistance del’édifice. Les plantes supportsdépérissent au fur et à mesurede l’installation de ces moussesqui dominent et comblent le lac.Pour les tourbières topogènes etsoligènes, les dépressions suffi-samment profondes sont coloni-

sées de la même façon, maisl’accumulation des sphaignespeut se faire avec ou sans lesupport des plantes supérieures.Passé ce stade pionnier, les dif-férentes buttes de sphaignesconfluent et assurent le bombe-ment de la tourbière. A ce stade,les arbrisseaux nains (Éricacées),comme la Callune-fausse-bruyè-re et la Canneberge, deviennentlargement dominants et le som-met des buttes peuvent finir paraccueillir des arbres comme leBouleau, l’Aulne ou le Pin.Ainsi, les stades les plus jeunesaccueillent préférentiellementdes plantes herbacées tandis queles stades terminaux sont plutôtdominés par des arbrisseaux.De loin, la tourbière évoluéeapparaît comme une zone devégétation homogène. Pourtant,à une échelle plus fine, elle pré-sente des buttes de sphaignesséparées par des creux quioffrent des conditions d’humiditéet d’acidité différentes. La tour-bière se présente donc souventcomme une mosaïque de grou-pements végétaux caractériséspar des espèces d’écologie très

MODES DE FORMATION

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 199712

La complexité de la végétation peut aussis’observer à l’échelle du m2. Les plantes quicolonisent les buttes de sphaignes en voie

d’assèchement (Callune, Linaigretteengainée) sont différentes de celles qui

croissent dans les rigoles humides autour deces buttes (Linaigrette à feuilles étroites,

Laîche à bec).

La tourbière de St-Brisson présente unevégétation complexe, organisée en fonctiondes écoulements d’eau, de la topographie dufond, de l’exploitation pastorale passée.

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MODES DE FORMATION

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 199713

différente. La Callune se localiseau sommet des buttes, tandisque la Droséra et la Linaigrettecroissent à leur pied.

Pourquoi conserverdes tourbières ?

Un grand nombre de tourbièresont été détruites ou altéréesautrefois pour les besoins enchauffage et en pâturage. Depuisl’après-guerre, la destructions’est accélérée avec les besoinsen terreau horticole, la créationd’étangs, les plantations rési-neuses. Actuellement, il subsisteen France 60 000 ha environ detourbières dont la protection estdevenue une priorité nationale.En premier lieu, elles représen-tent un patrimoine naturelimportant. Ainsi, sur les 437espèces végétales protégées parla loi française, 39 (soit 9 %)sont liées au substrat tourbeuxou optimales dans les tourbières.Des insectes lui sont égalementspécifiques comme ces papillonsen voie de disparition : le Fadetdes tourbières et le Nacré de lacanneberge. En outre, du fait de

l’absence de décomposition dela matière organique, tout ce quia été déposé dans la tourbe estconservé. Des troncs d’arbresvieux de 10 000 ans, des pollensdu même âge (voir chapitre plusloin) permettent de reconstituerles paysages d’autrefois qui ontservi de cadre au développe-ment de l’homme notammentdans son étape décisive, le néo-lithique. On a même trouvé deshommes parfaitement conservésavec leurs vêtements et leursaccessoires. La tourbière est unvrai livre d’histoire.Enfin, comme toutes les zoneshumides, les tourbières jouentun rôle dans le cycle de l’eau.Quelques unes se comportentcomme des éponges à l’instar dechaque pied de sphaigne qui lescompose. En tête de bassin, surles pentes montagneuses, ellespeuvent retenir l’eau au prin-temps et la restituer doucementen été.Pour toutes ces raisons, les tour-bières doivent être considéréescomme des biotopes précieux àpréserver à tout prix.

� Philippe JULVE

Le Nacré de la Canneberge (Boloriaaquilonaris) est un papillon protégé enFrance. Sa chenille est strictementdépendante de la Canneberge (photo p.18).

La Wahlenbergie (Wahlenbergie hederacea)est une plante protégée en Bourgogne. Ellecroît dans les zones de sources et lesruisselets sur sol acide. Elle est fréquentedans les tourbières du Morvan.

La tourbière de Préperny, près du Haut Folin,est un exemple de tentative de valorisationforestière. En 1962, elle est drainée etplantée en épicéas. En 1997, les drains sontrebouchés et les arbres sont coupés.

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Le Droséra à feuilles rondes est une petite plante avec des feuilles de 15 mm delargeur. Chaque feuille est munie de longs poils dont l’extrémité est composée d’uneglande entourée d’une goutte visqueuse qui luit au soleil, d’où ses noms populaires deRosée du soleil ou Rossolis.

Le Droséra trouve dans les insectes les nutriments qui sontabsents dans le tapis de sphaignes. Elle s’est adaptéeainsi à ce milieu extrême, acide et déminéralisé. Les poilsse referment lentement sur l’insecte qui est digéré par desenzymes émis par la feuille.

La sphaigne poussecontinuellement vers lehaut tandis que sapartie inférieure meurt,brunit et constitue latourbe. On parle detourbe blonde quandelle est encore jeune,donc dans les couchessupérieures. La tourbebrune, qui a un plusgrand pouvoircalorifique, se trouveen profondeur ; ellerésulte d’un tassementdes sphaignes morteset d’autres débrisvégétaux.

Les cellules des sphaignespermettent le stockaged’importantes quantitésd’eau, comme devéritables éponges. L’eaureprésente 20 à 40 fois lepoids de la mousse àl’état sec.

Les sphaignes (visibles ici avec l’urne à spores) sont lesvégétaux principaux des tourbières acides et parconséquent la matière première de la tourbe. Il y aenviron 40 espèces sous nos latitudes.La reconnaissance des espèces n’est pas facile maison peut les identifier à leur «coiffure» frisée, de «chatmouillé», en «capuchon de moine»…

Leçon de choses : la sphaigne et le droséra

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 199714

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Leçon de choses : la sphaigne et le droséra

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LES TOURBIÈRESLES TOURBIÈRES

DU MORVANDU MORVAN

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Le massif du Morvan, situéau centre de la régionBourgogne, apporte à la

région un petit air montagnard.Il présente les conditions quifavorisent le développement detourbières : une région humideoù l’apport d’eau est importantet régulier ; une région acide oùles dépressions se sont rempliesd’une couche imperméable.

Humide et acide

Le Morvan représente un îlot cli-matique nettement individualisé.Culminant à 901 m. au HautFolin, le Morvan est à cette lati-tude le premier obstacle sérieuxque rencontrent les ventsd’ouest. En conséquence, il pleutbeaucoup, souvent et en toutessaisons, surtout sur les sommetset le versant occidental. On peutdire que le Morvan ruisselled’eau avec ses 1500 mm de pré-cipitations annuelles. Il alimentesurtout le bassin Seine, avecl’Yonne, la Cure, le Cousin, maiségalement le bassin Loire pardes affluents de l’Arroux.Toutefois l’altitude restant relati-vement modeste par rapport auMassif Central, région très richeen tourbières, les hivers ne sontni très froids ni très enneigés.Aussi le climat ne peut être qua-lifié de montagnard au senspropre.Sur le plan géologique, leMorvan est un bloc isolé duMassif Central, vieille montagnehercynienne, rabotée par l’éro-sion, recouverte par les sédi-ments du Secondaire, puis, duTertiaire, découverte par l’éro-sion et rajeunie par la pousséealpine. Les roches visibles, desgranites, des gneiss, des grès,

sont siliceuses. Ces roches sedésagrègent sous l’action conju-guée de l’eau et du gel qui a étéintensive au Quaternaire. Cettealtération aboutit à la formationde sable grossier (arène) etd’argiles qui coulent sur lespentes et s’accumulent dans lesfonds de vallon, créant ainsi unecouche imperméable propre àretenir l’eau de ruissellement etprésentant une certaine acidité.C'est dans ces dépressions quese développent des tourbières.

Tourbièressoligènes-topogènes

Les tourbières du Morvan sontde faible surface et localisées.Une étude, menée en 1996 parP. Marchadier et P. Agou, a per-mis de montrer que leur origineest mixte. Elles se situent enpied de versant et sont donc ali-mentées par les eaux de ruissel-lement et l’eau contenue dansles arènes accumulées dans lesfonds de vallon. D’après les défi-nitions présentées dans le cha-pitre précédent, elles peuvent

être qualifiées de soligènes-topo-gènes. Il n’y a pratiquement pasde tourbière limnogène commedans le Massif Central.Contrairement à cette montagneplus élevée, le Morvan n’a pasconnu de glaciers et n’a doncpas hérité de lacs. Les plus vieuxétangs, créés par l’homme, pré-sentent tout au plus un début detremblant.L’épaisseur de tourbe restemodeste, en moyenne un mètre,et elle n’a jamais été exploitée

pour les besoins de chauffage.Ces milieux ont surtout étéexploités en fauchage et pâtura-ge, avec des assainissements aumoyen de fossés. Abandonnéesdepuis la dernière guerre, lestourbières se sont en partie régé-nérées mais portent la marquede cette ancienne utilisation. Al'heure actuelle, elles se rappro-chent davantage des prairiespara-tourbeuses ou des landestourbeuses. Mais tous les stades

LES TOURBIÈRES DU MORVAN

La Canneberge (fleurs et fruits)

Le Droséra à feuilles rondes.

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Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 199717

La tourbière de Nataloup à Montsauche estdu type soligène (présence de sources decoteau) et topogène (fond de vallée de laCure).

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sont présents, des pionniers auxplus évolués, et organisés enmosaïque, ce qui leur confèreune bonne diversité biologique.

Une flore variée

L’influence du climat atlantiquese fait sentir jusqu’au Morvan etla flore présente a surtout unedistribution dans l’Ouest de laFrance. On parle de flore « atlan-tique », avec la Bruyère à quatreangles, l’Écuelle d’eau, laWalhenbergie à feuilles de lierre,la Laîche lisse, … L’altitude per-met le maintien de plantes ayantune aire générale nord continen-tale et montagnarde : laCanneberge, la Linaigrette engai-née, le Scirpe cespiteux, l’Arnica.Le substrat humide et acideconvient au Rossolis à feuillesrondes, aux Lycopodes, à laViolette des marais, auRhynchospore blanc. En tout, lestourbières du Morvan hébergentjusqu’à 70 espèces dont 14 pro-tégées par la Loi.Les plantes de même exigenceécologique s’associent en grou-pements végétaux dont l’étudepermet de décrire les tourbières

en définissant leur stade d’évolu-tion, l’influence de l’eau, l’épais-seur de la tourbe et même leurexploitation humaine passée. Ensimplifiant, il est possible declasser ces associations végétalesen quatre formationsprincipales : le stade pionnier, lebas-marais à Jonc, la callunaie àLinaigrette engainée, la moliniaiede dégradation. Le stade pion-nier, où se rencontre le Rossolisà feuilles rondes, ne représenteplus que de faibles surfaces dansles tourbières morvandelles et semaintient dans les zones desources.

Le bas-marais

A partir des stades pionniers, leprocessus de turbification va semettre en place par accumula-tion des débris végétaux et ledéveloppement des sphaignes.Ce nouveau substrat permet ledéveloppement du bas-marais àJonc à tépales aigus, l’Écuelled’eau et la Violette des marais.La dominance du Jonc entraîneune compétition pour la lumièreet la régression des espècespionnières. La jonçaie se déve-

loppe encore avec de nouvellesespèces : la Scorzonère humble,la Carum verticillé, le Cirse desanglais, … et toujours le tapis desphaignes. L’accumulation detourbe se poursuit et se traduitphysiquement par une élévationdu substrat par rapport à la res-source en eau qui circule endessous. Le milieu devient plussec en surface et le Jonc régres-se au profit de la Callune fausse-bruyère, mieux adaptée à cesnouvelles conditions.

La callunaie

Si la Callune était présente dansles formations antérieures enbrins isolés, ici elle présente unport franchement buissonnant etforme des buttes de 30 à 40 cm.

LES TOURBIÈRES DU MORVAN

La Canneberge (Vaccinium oxycoccos) faitpartie de la famille des myrtilles. Elle estprotégée en Bourgogne.

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La Callune (Calluna vulgaris) fait partie de lafamille des bruyères. Elle pousse là où le solest acide et pauvre.

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LES TOURBIÈRES DU MORVAN

de hauteur. La callune finit parêtre largement dominante,accompagnée par la Linaigretteengainée, la Canneberge. Souscette lande, le milieu s’assècheencore au point de voir appa-raître la Canche flexueuse quirévèle un début de minéralisa-tion : le processus de turbifica-tion est arrêté. La Callunaie àLinaigrette engainée marquedonc le stade final de la tourbiè-re morvandelle qui est pauvreen espèces. Le boisement spon-tané n’est pas inéluctable car sila couche superficielle permet lagermination d’espèces arbustivescomme le Bouleau pubescent,les couches profondes engor-gées les font végéter ou dépérir.

La moliniaiede dégradation

Les formations précédentes ontconnu des épisodes d’exploita-tion agricole, pâturage ou fau-chage, qui ont nécessité des tra-vaux d’assainissement. Aprèsabandon de la pratique il y aune cinquantaine d’années, on

constate la dominance de laMolinie bleue qui occupe encorede grandes surfaces. La flore yest pauvre, avec quelquesespèces prairiales et de terrainsec (Fétuque rouge, Succise després, …). Cette moliniaie dedégradation est caractéristiquedes zones où le niveau de l’eaufluctue à cause des fossés quividangent la zone tourbeuse enpériode de faibles pluies. Un

moyen de régénération de lajonçaie tourbeuse, testé avecsuccès à l’étranger, consiste àreboucher ces fossés… et laisserfaire le temps. �

Pierre AgouPatrick Marchadier

Détail d’une jeune tourbière avec la Violettedes marais (Viola palustris) et la Linaigrette à

feuilles étroites (Eriophorum angustifolia).

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 199719

Certaines tourbières sont dominées par unevégétation à base de Molinie. C’est souventle signe d’une ancienne dégradation.

La Molinie(Molinia coerulea)

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Linaigrette engainéeEriophorum vaginatum

Jonc à tépales aigusJuncus acutiflorus

LE VIGNAN DÉPRESSION À JONCS TOURBIÈRE À CALLUNE ET LINAIGRETTE

La végétation de la tourbière de St-Brisson

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 199720

Linaigrette engainéeEriophorum vaginatum

Jonc à tépales aigusJuncus acutiflorus

TOURBIÈRE À CALLUNE ET LINAIGRETTEDÉPRESSION À JONCSLE VIGNAN

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Callune fausse-bruyèreCalluna vulgaris

Trèfle d’eauMenyanthes trifoliata

TOURBIÈRE À CALLUNE ET LINAIGRETTE DÉPRESSION ÀTRÈFLE D’EAU

La végétation de la tourbière de St-Brisson

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 199721

Trèfle d’eauMenyanthes trifoliata

Callune fausse-bruyèreCalluna vulgaris

DÉPRESSION ÀTRÈFLE D’EAU

TOURBIÈRE À CALLUNE ET LINAIGRETTE

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LES TOURBIÈRES :LES TOURBIÈRES :

DES LIVRES D’HISTOIREDES LIVRES D’HISTOIRE

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Les tourbières et les zonesmarécageuses peuvent éga-lement être étudiées afin de

reconstituer l'histoire du couvertvégétal d'une région depuis ladernière glaciation. Nous avonsvu que les sédiments gorgésd'eau sont des lieux de conser-vation privilégiés des restesvégétaux et notamment desspores et des grains de pollenissus des plantes de la tourbièreou apportés par le vent. Lascience étudiant ces élémentsmicroscopiques s'appelle la paly-nologie et permet de donnerune idée assez précise des pay-sages d’autrefois en calculant laproportion des grains de pollende chaque espèce.

Les vieux grimoires

Les informations palynologiquessont encore peu nombreuses enBourgogne, les sites favorablesétant rares. En 1951, GeorgesLemée a étudié trois tourbièresdu Morvan : Le Vernay à StBrisson, le Port des Lamberts àGlux (source de l’Yonne),l’Étang Bouquin à Dun-les-Places. Il a reconnu cinq phasesprincipales d’évolution du pay-sage. Ces résultats anciens ontété associés aux recherchesmodernes conduites actuelle-ment par le CNRS, Laboratoirede Chrono-Écologie deBesançon. Ces études menéesaux sources de l’Yonne, dans leChâtillonnais (Molesmes), enBresse (Le Miroir), dans diverssites du Jura, de Lorraine et duBassin Parisien permettent d’affi-ner les données anciennes, avecdes datations plus précises. Il estmaintenant possible d'élaborer

DES LIVRES D’HISTOIRE

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 1997

Un grain de pollen de charme (reproductiond’une microphotographie).

Les tourbières conservent tous les pollensprovenant de la végétation environnante.

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une histoire de la végétation dela Bourgogne qui est, à quelquesdifférences près, celle del’Europe occidentale.

La steppe froide

A la fin de la dernière glaciation,il y a 18000 à 15000 ans (toutesles dates sont données à partir

du présent), la végétation estessentiellement herbacée. Lesconditions climatiques, froides etsèches, réduisent le couvertvégétal à des steppes parseméesde quelques ligneux (genévrierset bouleaux). La densité de cettecouverture herbacée est étroite-ment dépendante de conditionslocales, elle a souvent un aspectclairsemé, de larges zones res-tant vierges de végétation.

Lorsque le processus tourbeux est en place,les sphaignes «dévorent» tout ce qui tombedans la tourbière. Elles recouvrent les troncsdes arbres, les feuilles, les fruits, le pollen quivont se retrouver fossilisés dans la tourbière.

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La tourbière des sources de l’Yonne, un deslieux de recherche palynologique de G.Lemée dans les années 1950.

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Pendant ce temps-là, une tourbière naissait lentement au fil des millénaires…

il y a 15000 ans… il y a 12000 ans… il y a 9500 ans…

Pendant ce temps-là, la vie de l’Homme évoluait…

Les changements du climat, de la végétation et des activités humaines ont sans cesse remodelé le paysage depuis 15000 ans.

-15000 -8000 ans-9000 ans-10000 ans-11000 ans-12700 ans

DRYAS ancien BØLLING-ALLERØD PRÉBORÉALDRYAS récent BORÉAL ATLANTIQUE

PALÉOLITHIQUE supérieur MÉSOLITHIQUE

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Ensuite, débute la période dite «Dryasancien» (-15000 à -12700 ans), qui estencore extrêmement froide. La végétationchange peu, mais les steppes se densi-fient et couvrent maintenant l'essentiel duterritoire. Dans des zones plus abritéespeuvent se développer déjà quelquesbosquets de pins et de bouleaux.A partir de -12700 ans, le climat seréchauffe très rapidement, nous entronsdans la période «Bølling/Allerød». Cetteépoque de réchauffement instable pro-voque le recul des steppes qui sont rapi-dement remplacées par des landes àgenévrier, puis par des forêts de bou-leaux et de pins, puis de pins dominants.Un dernier et brusque retour du froid, le

«Dryas récent» (-11000 à -10000ans), favorise une réapparitionpartielle des steppes.Un nouveau réchauffement trèsrapide marque le début del'Holocène, série géologiquedans laquelle nous vivons encoreaujourd'hui. La première phase del'Holocène, le «Préboréal» (-10000à -9000 ans), voit la colonisationde l'essentiel de la région par des

forêts de pins et de quelquesbouleaux où déjà apparaissent lesnoisetiers, les ormes et leschênes.Durant le «Boréal» (-9000 à -8000ans), les forêts sont dominées parle noisetier, les ormes, les chêneset les premiers tilleuls et frênes.Pendant la phase de «l'Atlantiqueancien» (-8000 à -6000 ans), appe-lée aussi l'Optimum Climatique,les températures moyennesannuelles étaient de 2 à 3°C.supérieures aux actuelles. C’est lapériode de la chênaie mixte,dominée par les chênes, lestilleuls, les ormes, les frênes, les

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il y a 8500 ans… il y a 6000 ans…

-2700 ans-4700 ans Actuel

ATLANTIQUE SUB-BORÉAL SUB-ATLANTIQUE

MÉSOLITHIQUE NÉOLITHIQUE ÂGE DES MÉTAUX

Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons - Patrimoine Naturel de Bourgogne - n° 5 - 199725

érables. A la fin de cette phase,apparaissent quelques hêtres ainsique les premiers agriculteurs etéleveurs néolithiques qui ouvrentde petites clairières dans cesforêts. Cette présence est attestéepar les pollens de plantain lan-céolé et de céréales, mais ellesemble encore très limitée et n'af-fecte pas l'évolution de la couver-ture forestière de la région.Durant «l'Atlantique récent» (-6000à -4700 ans), le hêtre prend deplus en plus d'importance etconcurrence la chênaie mixte.Ce phénomène continue au coursdu «Sub-boréal» (-4700 à -2700

ans), tandis que le Sapin a dû dis-crètement se développer sur lessommets du Morvan. L'impact del'homme se poursuit, mais c'estsurtout vers la fin de cette phase,correspondant à l'Âge du Bronzefinal de la préhistoire humaine,que les défrichements s'intensi-fient. Les pollens d’herbacées,surtout de graminées, sont abon-dants et témoignent d’un recul

de la forêt au profit de prairies et decultures.La dernière phase, le «Subatlantique»(-2700 ans à nos jours), voit tous ces phé-nomènes s'amplifier. L'espace forestier estdominé par le Hêtre, les Chênes et leCharme ; ce dernier connaît un dévelop-pement rapide, probablement d'originehumaine. Les essences et les modèlesforestiers antérieurs subsistent dans desendroits à climat local favorable. Enfin,ces forêts seront affectées à nouveau pardes campagnes de défrichement de gran-de ampleur au Moyen Âge et seront trèsrécemment transformées et augmentéespar les plantations de résineux (épicéa,douglas). �

Hervé Richard

aujourd’hui

Dessin P.Vau

coulon

d’après H.Richa

rd et F.Bug

non

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C O N S E RVAT O IR EDES SITES NATURELSB O U R G U I G N O N S

CONSEIL REGIONALDE BOURGOGNE

L ' E N V I R O N N E M E N TDIRECTION REGIONALE DE

BOURGOGNE

ESPACESNATURELSDE FRANCE

Patrimoine Naturel de Bourgogne n° 1LES MILIEUX NATURELS

DE BOURGOGNE

Patrimoine Naturel de Bourgogne n° 3LES PELOUSES CALCAIRES

DE BOURGOGNE

Patrimoine Naturel de Bourgogne n° 4LE BOCAGE

DE BOURGOGNE

Patrimoine Naturel de Bourgogne n° 2LA LOIRE ET L’ALLIER

EN BOURGOGNE