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Presses Universitaires du Mirail 25 ans après Author(s): Romain GAIGNARD Source: Caravelle (1988-), No. 79, PAYSANNERIES LATINO-AMÉRICAINES : MYTHES ET RÉALITÉS: Hommage à Romain Gaignard (Décembre 2002), pp. 225-230 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40854006 . Accessed: 16/06/2014 03:21 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Caravelle (1988-). http://www.jstor.org This content downloaded from 62.122.79.56 on Mon, 16 Jun 2014 03:21:45 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

PAYSANNERIES LATINO-AMÉRICAINES : MYTHES ET RÉALITÉS: Hommage à Romain Gaignard || 25 ans après

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Presses Universitaires du Mirail

25 ans aprèsAuthor(s): Romain GAIGNARDSource: Caravelle (1988-), No. 79, PAYSANNERIES LATINO-AMÉRICAINES : MYTHES ETRÉALITÉS: Hommage à Romain Gaignard (Décembre 2002), pp. 225-230Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40854006 .

Accessed: 16/06/2014 03:21

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C.M.H.L.B. Caravelle n° 79, p. 225-230, Toulouse, 2002

25 ans après PAR

Romain GAIGNARD

Professeur emèrite de l'Université de Toulouse-Le Mirail

Jacques GILARD et Jean-Christian TULET m'ont demandé d'évoquer la préparation et le contexte du Caravelle N° 28, puisque Georges BAUDOT n 'est plus parmi nous, et d'apporter un bref témoignage personnel sur l'évolution de la recherche sur le monde rural en Amérique latine durant les 25 ans qui séparent ces deux dossiers de CARAVELLE.

Autant je me remémore avec plaisir cette entreprise commune de 1976177 y autant il m'est difficile d'apporter autre chose qu'une vue extrêmement limitée sur ces 25 années. Tout simplement parce que, trois ans après ce N° 28, ma vie professionnelle a profondément bifurqué, de l'enseignement et la recherche vers les responsabilités institutionnelles. Apres cinq années au ministère de l'Education Nationale, auprès du ministre Alain SAVARY et comme directeur d'administration centrale, je suis revenu à Toulouse en 1986. Des lors, j'ai été appelé à des responsabilités universitaires, interuniversitaires et régionales jusqu'à ma retraite, l'an dernier, à la fin de mon mandat de président de l'Université. L'animation de structures fédératives concernant l'Amérique latine aux niveaux national (GDR) et européen (CEISAL) et le lancement d'une formation doctorale pluri- disciplinaire regroupant plusieurs établissements toulousains («ESSOR », à l'origine du laboratoire Dynamiques Rurales) m 'ont tout juste permis de ne pas perdre complètement le contact avec la vie de la recherche. En un mot je suis passé du statut ¿/investigador à celui de gerente de investigación . En dépit de ce constat, mes collègues ont insisté pour que j'essaie tout de même d'apporter un témoignage. Aussi les notes qui suivent ne sont-elles que des notations impressionnistes et personnelles y nada más.

« La terre et les paysans en Amérique Latine » Qui, de nos jours, oserait publier sous ce titre un numéro spécial de revue généraliste ? Remarquablement daté, il nous incite, plus qu'à un retour en arrière, à prendre conscience des profonds changements de perspective de la

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recherche latino-américaniste sur le monde rural intervenus en trois décennies.

En consacrant en 1977 son premier numéro thématique aux sociétés rurales, CARAVELLE se sentait légitimée dans le choix de son titre par les débats et les études de l'époque. Encore faut-il observer que nous avions introduit une approche un peu singulière sous le terme de « paysan », volontairement très européo-centré. Nous voulions rappeler qu'il existait des paysanneries sur ce continent, que tout ne se résumait pas à la dichotomie latifundios/minifundios et aux avatars des réformes agraires révolutionnaires ou antirévolutionnaires, que des sociétés paysannes actives, productives et différenciées émergeaient ou se développaient. Chacune avait ses traits spécifiques selon la localisation, l'origine, l'ancienneté ou la nouveauté, son enkystement ou sa mobilité.

Ce titre s'était imposé à nous et n'avait pas été mal accueilli. Très rapidement nous avons reçu des contributions passablement hétérogènes. Nous les avons presque toutes conservées pour témoigner de la diversité des approches et des situations. Une telle politique se conformait aux attentes du lectorat d'une revue, déjà bien reconnue dans sa dominante littéraire, qui voulait s'ouvrir davantage à toutes les sciences humaines. Cette volonté se trouvait confortée par le succès, en ces années 70, de l'expérience pluridisciplinaire de Toulouse, le CIELA à l'origine du GRAL, du CEDOCAL et enfin de l'IPEALT, qui publie toujours notre revue.

Le Comité de Rédaction, lui-même pluridisciplinaire, avait adopté cette politique mise en oeuvre par le directeur, Georges Baudot, et le rédacteur en chef, Jean Andreu. Nous avions pris le risque d'un numéro exclusivement thématique, après de nombreux volumes-pays. Son succès permit la réalisation d'une vingtaine d'autres jusqu'à celui-ci.

Georges Baudot et moi expliquions que la sélection empirique des 14 articles (plus de 250 pages) visait à refléter la diversité des approches scientifiques, comme celle des sociétés et des territoires du continent. Elle résultait évidemment de relations de travail et d'amitié, mais soulignait aussi notre allergie à tout corpus doctrinal, avec quelque mérite en ces temps-là. Nous souhaitions privilégier, hors de tout esprit de système, l'analyse précise de situations étudiées « sur le terrain ». Certes, il en résultait une absence de cohérence, mais également un « dossier », encore intéressant un quart de siècle plus tard, sur des évolutions qui s'amorçaient ou semblaient s'achever. C'est ainsi que nous avions mis l'accent sur la « pénétration généralisée du mode de production marchand » avec toutes ses conséquences en cours et à venir. Nous conservions cependant une réserve certaine car beaucoup de pistes de recherche n'étaient qu'à peine esquissées et des chantiers juste engagés.

Plusieurs articles du présent numéro analysent les transformations de sociétés et de territoires étudiés il y a 25 ans. On devrait y puiser d'utiles enseignements, voire même des vues d'ensemble, sur l'évolution de ces

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mondes ruraux dont nous pressentions qu'ils seraient de plus en plus affectés par l'explosion urbaine. De nos jours, la mondialisation, ou plutôt la globalisation, détermine des systèmes où s'interpénétrent ce que l'on appelait la ciudad y el campo. Les modèles dominants de tout comportement, de toute activité, sont véhiculés par la ville et ses acteurs. Les concentrations urbaines sont telles qu'elles créent des économies urbaines, des sociétés urbaines déterminantes, une domination territoriale, politique et culturelle qui occulte le reste de l'espace humanisé. De sorte que le curseur de la recherche s'est presque totalement déplacé vers ce pôle urbain.

Observons en France les thèmes retenus par le GIS Amérique Latine : le « rural » n'y occupe pas de place significative, l'angle urbain est déterminant. Au niveau européen, dans les congrès scientifiques convoqués par le CEISAL, de moins en moins d'intervenants s'expriment sur ces questions. Le dernier, en juillet 2002 à Amsterdam, réunissait 25 intervenants dans 5 ateliers portant sur les aspects du développement durable, de l'agriculture contractualisée ou des paysanneries dites modernes parce que productives, le tout sous le chapeau de la globalisation. Six ans plus tôt, à Halle en septembre 1996, 35 intervenants s'étaient consacrés de même à la globalisation. Une dizaine à partir d'analyses de cas sur le café et la canne à sucre, une vingtaine recherchant les réponses diversifiées en termes d'organisation et de recomposition des sociétés rurales. On éprouve un sentiment d'appauvrissement de la dynamique d'échanges autour de cette thématique pourtant d'actualité mondiale, et permettant de fructueuses comparaisons intercontinentales.

A vrai dire, ce relatif désintérêt s'inscrit dans une certaine désaffection de la recherche envers l'Amérique latine dont témoignent les données réunies par le CEDOCAL pour ce numéro à partir de l'interrogation de la base du Réseau Documentaire Amérique Latine. Je n'y reviens pas, évidemment. Mais ce Réseau (successivement GRECO, GDR, GIS) établit aussi un répertoire des thèses soutenues. Le pourcentage des thèses « rurales » ne dépasse pas 20 % et en vingt ans, leur nombre total se borne à 65. Plus inquiétant est le tarissement de ces dernières années après le boom du début 90 : une trentaine soutenues de 1991 à 1995, après la vingtaine de 1981 à 1985, alors que de 1996 à 1999 on n'en repère plus qu'une dizaine.

Grâce au REDIAL, nous disposons d'éléments comparatifs avec quelques voisins européens. Une plongée rapide dans des recensements encore incomplets permet de repérer en Grande Bretagne une vingtaine de thèses de plus qu'en France et la moitié seulement en Allemagne. Pour l'Espagne l'échantillon est incomplet et ne recense qu'une quarantaine de thèses rurales concentrées sur les années 90/97. Il n'est pas opportun d'entrer dans des comparaisons chiffrées non assurées. Quelques indications cependant. Sur les aires privilégiées par nos collègues

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européens, d'abord. Le Brésil (et l'Amazonie surtout) est en tête sauf en Espagne : un tiers des thèses anglaises, la moitié des françaises, le quart des allemandes. Le Mexique intéresse un quart des thèses anglaises, un cinquième des françaises, moins du sixième des allemandes. Les pays andins intéressent plus les Allemands que les autres. L'Amérique centrale est le parent pauvre, sauf en Espagne qui, d'ailleurs, équilibre ses intérêts géographiques dans les pays hispanophones, au détriment relatif du Brésil. Notons que la France est la seule à paraître s'intéresser à l'Argentine rurale, avec 8 thèses dans les années 90 contre une seule pour chacun des autres pays.

Bien que toujours diversifiées, les approches thématiques sont aussi propres à chaque pays. En Grande Bretagne dominent les thèmes économiques, présents aussi en Allemagne qui conserve son intérêt pour les approches sociologiques et anthropologiques du monde rural. Elle est ainsi plus proche des démarches françaises. Quant à l'Espagne, elle privilégie l'histoire et les sciences politiques ainsi que la technologie agricole. Ce n'est là que le reflet de la diversité culturelle européenne. Pour avoir consacré la petite part d'activité latino-américaniste que je pouvais sauvegarder dans les années 90, à la mise en réseau des centres européens, j'ai appris combien diffèrent nos approches, nos recherches, même sous des terminologies apparemment identiques. L'entendement se fait souvent par nos rencontres et nos travaux avec les collègues latino- américains, qui se déplacent plus que nous en Europe et reçoivent tous les Européens. Pour eux l'Europe est un ensemble culturel et scientifique à leur échelle, alors que nos raisonnements et réseaux sont encore nationaux. D'où l'importance que nous avons cru devoir accorder aux Congrès européens, depuis Stockholm et Salamanque en passant par Halle et Varsovie, au cours des années 90 de progressive unification de l'Europe. Le prochain aura lieu à Bratislava en juillet 2004.

Mais ce serait là ouvrir un tout autre débat, auquel je ne suis pas convié dans ces lignes. J'ai simplement souhaité apporter quelques éclairages à partir des données recueillies par les structures que j'ai contribué à mettre en place ou à développer durant ces 20 années où j'ai dû susciter les conditions du développement de la recherche bien plus que contribuer à ses résultats.

Pour répondre à la demande initiale des responsables de ce N° 79, je me permets cependant quelques brèves réflexions finales. J'adhère pleinement à l'analyse que présente Odile Hoffman dans ce numéro. Je ne la reprends donc pas ; évitons les redites. Je souhaiterais seulement apporter quelques vues complémentaires sur les ruraux qui ne sont pas les héritiers plus ou moins métissés des premiers occupants des hautes et basses terres américaines. Tous ces immigrés d'Europe qui sont aussi devenus des paysans et qui m'avaient passionné dans ma découverte de la Pampa et d'autres terres ensuite. Cela dit, Odile Hoffman a totalement

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raison quant à la perception actuelle du monde scientifique et culturel qui ne s'intéresse plus au « rural » en tant que tel.

Personnellement, on le sait, je me suis intéressé dès les années 70 à ce que j'ai appelé la paysannerie productive, qu'analyse si bien J.-C. Tulet dans ce numéro. Qu'ajouter alors ? De fait, ma contribution s'est fort limitée à susciter l'intérêt et à épauler les travaux de thésards sur les quatre axes de recherche que m'avaient fait privilégier mes deux décennies d'activité en Amérique latine : les paysanneries qui réussissent, les fronts de colonisation agricole dans le bassin du Parana, que j'ai suivis sur le terrain, notamment au Paraguay, l'impact des grandes cultures d'exportation, importées par les transnationales (le soja par exemple, dont ces sociétés avaient retardé l'arrivée en Argentine jusqu'après l'achèvement de ma thèse ! ! !) et, l'essentiel, les nouvelles relations entre villes et campagnes.

J'y reviens car elles expliquent paradoxalement, me semble-t-il, le maintien des populations rurales et certaines réussites de développement que l'on retrouve en abordant les trois autres thèmes. C'est ainsi que de nos jours on étudie le « rural » lorsqu'on aborde la ville et le territoire, l'industrie et le commerce, les migrations ou l'identité ethnique. Voilà qui relativise fortement les classifications de sujets de recherche et les comparaisons quantitatives auxquelles je viens de me risquer. Je pense que le temps (que j'ai connu) des grandes fresques, des grands mouvements, des grandes oppositions est en train de laisser place aux protestations adaptées et élaborées in situ, aux reconstructions sociales, aux organisations locales, aux stratégies multiples du maintien familial sur la terre par la multiactivité, le lien avec la ville, voire la migration temporaire lointaine (l'exemple extrême nous est présenté par Geneviève Cortes). La ciudad y el campo sont tellement interdépendants (ou plutôt imbriqués car la dépendance est forte) que l'activité non agricole maintient la ruralité et la production agricole. Ne connaissons-nous pas cela en Europe ? De même, maintient-elle dans le campo les familles liées aux activités urbaines, maintenant que la ville latino-américaine n'attire plus, ne peut plus soutenir les migrants des campagnes. En même temps, la ville constitue un puissant centre de consommation, de transformation et d'expédition et/ou d'exportation, qui irrigue et draine d'amples zones de paysannat productif, voire des niches très performantes. Les grands enjeux humains, économiques et sociaux passent aujourd'hui dans le monde rural par une multiplicité de cellules familiales fragmentées ou cohérentes, en recomposition ou en expansion, toutes engagées dans des stratégies multimodales. Celles-ci comprennent toutes les formes d'organisation économiques, sociales et politiques. Dans le grand vent de la mondialisation, c'est en bas qu'il faut aussi regarder, sans oublier les souffles dominants mais en recherchant sur le terrain comment on les utilise tout en les redoutant.

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Belle leçon d'humilité pour nous tous que ce nécessaire retour au terrain, à l'enquête, au local en ces temps de globalisation. L'humilité, faite d'attention et de respect, n'est-elle pas la condition de toute recherche ?

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