16

Click here to load reader

Pciv - Dst 4 - Corriges

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Pciv - Dst 4 - Corriges

1 | P a g e

CAPAVOCAT PROCEDURE CIVILE

CORRECTION DU DST n°4 DU LUNDI 23 août 2010 SUJET NO 1 : Dissertation : L’expertise et le principe du contradictoire Le principe du contradictoire est consubstantiel au procès (M-A Frison-Roche). Il permet de faire émerger la vérité par la discussion des parties. Il est ainsi impératif que toutes les parties puissent faire valoir son point de vue au juge. Toutefois, lorsque le juge s’appuie sur un rapport d’expertise pour statuer, on peut se demander quelle est l’utilité de la discussion des parties devant lui. En effet, si le juge s’appuie sur une expertise, c’est qu’il s’estime dépourvu des connaissances scientifiques suffisantes pour comprendre les faits du litige. On peut alors craindre qu’il ne comprenne pas pleinement les arguments des parties. L’expertise peut tantôt être judiciaire, tantôt extrajudiciaire. L’expertise judiciaire est une mesure d’instruction qui est ordonnée par le juge lorsque ce denier a besoin des lumières d’un technicien sur les faits du litige. L’expert judiciaire, désigné par le juge, bénéficie ainsi d’un gage d’objectivité et de compétence scientifique, de sorte que son avis a le plus souvent une influence décisive dans la décision du juge. L’expertise extrajudiciaire est, quant à elle, diligentée en dehors des tribunaux. Il s’agit d’une expertise purement privée qui résulte de la volonté commune des parties (expertise amiable) ou de la volonté unilatérale de l’une d’elles (expertise officieuse). Le juge sera alors plus méfiant quant aux conclusions de l’expert extrajudiciaire qui ne présente pas les mêmes garanties que l’expert judiciaire. On pourrait alors en conclure que le principe du contradictoire doit s’appliquer avec plus de vigueur lorsque l’expertise est extrajudiciaire que lorsqu’elle est judiciaire. Pourtant, on constate que la jurisprudence fait une application assouplie du principe du contradictoire en matière d’expertise extrajudiciaire. En effet, elle considère que le principe du contradictoire est respecté dès lors que le rapport de l’expert extrajudiciaire est communiqué à la partie adverse quand bien même elle n’a pas été appelée aux opérations. Par ailleurs, le principe du contradictoire a une telle importance que l’on pourrait penser que sa violation par l’expert judiciaire devrait empêcher le juge d’exploiter le rapport qu’il lui remet. Pourtant, la jurisprudence retient la solution contraire. Pour comprendre ces applications jurisprudentielles du principe du contradictoire à l’expertise, il convient ainsi de revenir sur la soumission de l’expertise au principe du contradictoire (I) puis sur la sanction de sa violation (II). I. La soumission de l’expertise au principe du contradictoire La mise en œuvre du principe du contradictoire diffère suivant qu’elle est extrajudiciaire ou judiciaire. Dans le premier cas, la mise en œuvre du principe du contradictoire suppose seulement la communication régulière du rapport de l’expert privé (A), alors que dans le deuxième, elle exige également la participation des parties à l’expertise, la prise en compte par l’expert judiciaire de toutes leurs observation et la communication par l’expert de toutes les pièces sur lesquels il s’appuie pour établir son rapport (B). A. La communication régulière du rapport d’expertise extrajudiciaire L’article 15 du Code de procédure civile impose aux parties de se communiquer en temps utile les pièces et les arguments sur lesquels elles fondent leurs conclusions. Le principe de la communication régulière s’applique à toutes les phases de la procédure et à toutes les pièces. Dès lors qu’une partie s’appuie, dans ses conclusions, sur le rapport d’un expert extrajudiciaire, il doit procéder le communiquer à la partie adverse en temps utile. L’appréciation de la notion de temps utile relève du pouvoir souverain des juges du fond (C.M., 3 février 2006). De fait, si le temps utile dépendra souvent en pratique de l’importance de la pièce

Page 2: Pciv - Dst 4 - Corriges

2 | P a g e

ainsi que de son contenu, les parties ne peuvent plus reprocher aux juges du fond de n’avoir pas rejeté un rapport d’expertise communiqué tardivement (Civ. 2e, 22 mars 2006 : en l’espèce, le rapport technique avait été communiqué trois jours avant l’ordonnance de clôture). La partie à laquelle est communiqué tardivement un rapport d’expertise extrajudiciaire doit demander au juge de la mise en état de le rejeter (article 135 CPC), de révoquer l’ordonnance de clôture (article 784 CPC) ou d’ordonner une clôture partielle (article 780 CPC, issu du décret du 28 décembre 2005), faute de quoi, le pourvoi par lequel il contesterait la décision du juge serait irrecevable (Civ. 2e, 24 mai 2007). Au-delà de la communication régulière du rapport de l’expert privé, la jurisprudence a dû se demander si le respect du principe du contradictoire supposait l’invitation de toutes les parties à participer aux opérations d’expertise extrajudiciaire. Depuis un arrêt du 13 avril 1999, la Cour de cassation considère que le principe du contradictoire est respecté dès lors que le rapport est régulièrement versé aux débats contradictoires des parties. Cette solution a par la suite été confirmée (Civ. 1re, 18 octobre 2005 et Civ. 2e, 14 septembre 2006). Cette solution ne peut se comprendre que si l’on se souvient que l’expertise extrajudiciaire n’a pas le même poids dans le procès que l’expertise judiciaire. En effet, contrairement au rapport d’expertise judiciaire, il ne s’agit que d’une pièce parmi d’autres sur laquelle le juge ne saurait s’appuyer exclusivement pour fonder sa décision. La Cour de cassation estime en effet que cela serait contraire au principe de l’égalité des armes qui découle de l’article 6§1 CEDH (Civ. 3e, 3 février 2010). B. La participation et la discussion des parties au cours de l’expertise judiciaire L’expertise judiciaire est une mesure d’instruction. A ce titre, elle peut fonder à elle seule la décision du juge. C’est en raison de sa particulière importance dans le processus juridictionnel que l’article 160 du Code de procédure civile prévoit que l’expert judiciaire doit convoquer les parties à toutes les opérations d’expertise. En effet, la jurisprudence considère que le seul versement du rapport à la discussion des parties ne suffit pas à satisfaire le respect du principe du contradictoire (Civ. 2e, 20 décembre 2001). Il faut, pour que le rapport d’expertise judiciaire soit opposable à toutes les parties, qu’elles aient toutes été appelées ou représentées à toutes les opérations d’expertise (Civ. 3e, 22 juin 2005). La seule convocation des parties par l’expert judiciaire à la première opération est insuffisante à le rendre opposable (Civ. 1re, 9 juin 1981). La Cour de cassation fait du reste une application très stricte de l’article 160 CPC en imposant à l’expert judiciaire le respect du formalisme pour convoquer les parties. Celles-ci peuvent l’être oralement à la fin d’un rendez-vous et à défaut, elles doivent l’être par lettre recommandée avec accusé de réception (Civ. 3e, 7 février 2007). Néanmoins, lorsque les opérations sont purement techniques, la présence des parties aux opérations n’est pas utile, de sorte que l’expert n’est pas tenu de les convoquer. Ce sera par exemple le cas de l’expertise génétique ou encore graphologique. Il faut tout de même que le principe du contradictoire soit respecté et la Cour de cassation exige alors que l’expert communique aux parties le résultat de ses investigations techniques (Civ. 2e, 28 février 2006). La participation des parties aux opérations d’expertise judiciaire doit leur permettre de discuter des faits avec l’expert judiciaire lui-même. Ce dernier doit ainsi prendre en compte toutes leurs observations (art. 276 CPC). Toutefois, pour combattre la pratique de certains plaideurs qui formulaient une très grande quantité d’observations, le pouvoir réglementaire a ajouté en 2005 un deuxième alinéa à l’article 276 CPC qui permet à l’expert judiciaire de fixer un délai aux parties pour formuler leurs observations. Suivant le même mécanisme qu’une ordonnance de clôture, l’expert n’est pas tenu de prendre en compte les observations faites après l’expiration de ce délai, sauf s’il existe une cause grave et dûment justifiée de retard. Dans le même esprit, le pouvoir réglementaire a également ajouté un alinéa 3 au même article prévoyant désormais que les observations des parties doivent être récapitulatives. En pratique, pour s’assurer du respect du principe du contradictoire, les experts ont pris l’habitude de remettre aux parties un « pré-rapport », qui est un projet de rapport définitif et qui permet aux parties de réagir en temps utile.

Page 3: Pciv - Dst 4 - Corriges

3 | P a g e

C’est également pour permettre la discussion avec les parties que l’expert doit leur communiquer tous documents sur lesquels il s’appuie pour établir son rapport, même lorsqu’ils proviennent d’un tiers au procès (Civ. 3e, 26 mai 2009). De même, l’expert qui a annexé à son rapport celui d'un confrère, expert privé, doit le communiquer aux parties, même si de dernier a été étroitement associé aux opérations d'expertise et que son rapport n'est que la reproduction de ce qui a été affirmé pendant les réunions d'expertise (Civ. 2e, 21 janvier 2010). L’application du principe du contradictoire en matière d’expertise judiciaire est plus stricte qu’en matière d’expertise extrajudiciaire car son influence dans la décision du juge est bien supérieure. Bien souvent, le rapport de l’expert judiciaire est en pratique intégré dans la décision du juge. Cela se comprend puisqu’en ordonnance l’expertise judiciaire, le juge fait l’aveu de ne pas pouvoir apprécier les faits lui-même. La discussion doit ainsi avoir lieu devant l’expert judiciaire, sans quoi, le principe du contradictoire n’est pas respecté. C’est bien le raisonnement qui a été retenu par la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Mantovanelli (CEDH, 18 mars 1997). La différence de nature des expertises judiciaire et extrajudiciaire explique ainsi la différence de mise en œuvre du principe du contradictoire. C’est encore la nature de ces expertises qui explique la sanction de la violation du principe du contradictoire. II. La sanction de la violation du principe du contradictoire lors de l’expertise La sanction de la violation du principe du contradictoire est la nullité lorsque l’expertise est judiciaire (A), tandis qu’elle est le rejet du rapport lorsqu’elle est extrajudiciaire (B). A. La nullité de l’expertise judiciaire La violation du principe du contradictoire a pour effet d’entraîner la nullité du rapport de l’expert judiciaire. Il faut préciser qu’en vertu des articles 175, 114 et 117 CPC, l’irrégularité d’une mesure d’instruction est un vice de forme de sorte que la nullité n’est retenue que lorsque la preuve d’un grief est rapportée, même lorsque l’irrégularité est la violation du principe du contradictoire (Civ. 3e, 3 octobre 1991). Cette solution est conforme à la jurisprudence constante qui retient que les nullités pour vice de fond sont limitativement énumérées par l’article 117 CPC (CM, 7 juillet 2006). Toutefois, la Cour de cassation ne retient pas toujours cette solution. En effet, dans un arrêt de la deuxième chambre civile du 24 novembre 1999, elle a estimé que les juges du fond n’avaient pas à constater l’existence d’un grief pour justifier la nullité d’une expertise judiciaire à laquelle l’une des parties n’avait pas été convoquée. Elle semble ainsi estimer que la violation du principe du contradictoire par l’expert judiciaire entraîne inévitablement la violation de l’article 16 CPC, qui se suffit à lui-même, ce qui dispense de la preuve d’une grief. C’est d’ailleurs sur le fondement de l’article 16 CPC que la Cour de cassation prononce la sanction de la nullité du rapport. La jurisprudence semble ainsi assouplir le régime de la nullité pour vice de forme lorsque c’est le principe du contradictoire qui est en jeu. Pour autant, cette sévérité est tempérée. Premièrement, la violation du principe du contradictoire peut être couverte (art. 177 CPC). Ensuite, le juge du fond peut tout de même puiser dans l’expertise judiciaire nulle tout élément utile dès lors que le rapport a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire (Com., 15 février 2000). La Cour de cassation exige alors que les éléments d’un rapport d’expertise annulé ne soient retenus qu’à titre de renseignement par le juge qui doit les corroborer par d’autres pièces versées au débat (Civ. 2e, 23 octobre 2003). La faiblesse de la sanction ainsi retenue risque alors d’amoindrir l’efficacité du principe du contradictoire en matière d’expertise judiciaire. Néanmoins, cette solution se justifie si on se souvient qu’une expertise extrajudiciaire non contradictoire peut être versée au débat dès lors qu’elle a été régulièrement communiquée à la partie adverse. Lorsque l’expertise judiciaire est non contradictoire, le rapport qui en résulte perd sa valeur particulière pour être dégradé au rang de simple pièce versée au débat, comme l’est le rapport de l’expert privé. Il est donc

Page 4: Pciv - Dst 4 - Corriges

4 | P a g e

normal que le juge puisse exploiter tout élément utile du rapport à condition de ne pas en faire le fondement exclusif de sa décision. B. Le rejet du rapport de l’expert extrajudiciaire Si la mise en œuvre du principe du contradictoire en matière d’expertise extrajudiciaire est moins stricte qu’en matière d’expertise judiciaire, le non-respect du principe du contradictoire en matière d’expertise extrajudiciaire connaît une sanction plus radicale. En effet, le rapport est purement et simplement écarté des débats. Le juge ne peut alors puiser aucun élément dans le rapport qui a été dressé par l’expert privé. Une fois encore, la solution est justifiée. Il faut en effet revenir sur le sens du respect du principe du contradictoire pour comprendre la sanction. En matière d’expertise extrajudiciaire, le principe du contradictoire est respecté dès lors que le rapport est régulièrement communiqué. De fait, lorsque le principe du contradictoire n’est pas respecté, cela signifie que la partie adverse n’a pas été convoquée aux opérations et qu’elle ne s’est pas vue communiquer le rapport. Elle n’a donc eu aucun moyen d’apporter la contradiction. Le rapport d’expertise extrajudiciaire est une simple pièce au dossier, comme les autres. L’article 15 CPC doit donc être respecté, et la violation de cet article doit entraîner le rejet par le juge (article 16 CPC). Il faut également en déduire que la communication tardive, dont l’appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (CM, 3 février 2006), d’une telle pièce peut être sanctionnée par son rejet par le juge (article 135 CPC).

Page 5: Pciv - Dst 4 - Corriges

5 | P a g e

SUJET N° 2 : Commentaire de l’arrêt rendu le 2 juillet 2009 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation La société Nîmes Entrepôt introduit une action en responsabilité devant le Tribunal de Grande Instance d’Agen, par l’intermédiaire de son liquidateur amiable, à l’encontre de MM. Y. et Z., respectivement, administrateur et mandataire judiciaire auprès de la Cour d’appel de Montpellier. La société Nîmes Entrepôt entend bénéficier de l’article 47 du Code de procédure civile qui lui permet d’agir devant une juridiction relevant d’un ressort limitrophe, lorsque l’action concerne un auxiliaire de justice. Les défendeurs contestent la compétence du TGI d’Agen et demandent au juge de la mise en état de renvoyer l’affaire devant le TGI de Montpellier. Le juge de la mise en état fait droit à leurs prétentions, mais la société Nîmes Entrepôt forme un contredit, tout en interjetant appel. Les défendeurs concluent à l’irrecevabilité du contredit et concluent sur l’appel en demandant la confirmation de l’ordonnance ayant retenu leur exception d’incompétence. La Cour d’appel d’Agen décide de joindre les deux procédures et déclare le contredit recevable. En outre, selon la Cour d’appel, le juge de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur l’option prévue par l’article 47 du Code de procédure civile. La société Nîmes Entrepôt forme un pourvoi en cassation. La Cour de cassation est ainsi invitée à trancher deux questions. D’une part, elle doit déterminer quelle voie de recours est susceptible d’être exercée contre la décision du juge de la mise en état. D’autre part, elle doit préciser si celui-ci a le pouvoir de trancher une exception d’incompétence fondée sur l’article 47 du Code de procédure civile. La Cour de cassation censure la Cour d’appel d’Agen pour violation des articles 47, 73 et 776 du Code de procédure civile. Selon la Haute juridiction, « les ordonnances du juge de la mise en état ne sont pas susceptibles de contredit ». En revanche, elles peuvent faire l’objet d’un appel « lorsqu’elles statuent, comme en l’espèce, sur une exception de procédure ». La structure de l’arrêt invite à envisager d’abord la question de la nature de la voie de recours susceptible d’être exercée à l’encontre d’une ordonnance du juge de la mise en état (I). Il convient de traiter, ensuite, le pouvoir du juge de la mise en état relatif aux exceptions d’incompétence (II).

Page 6: Pciv - Dst 4 - Corriges

6 | P a g e

I. La voie de recours contre les ordonnances du juge de la mise en état Dans l’arrêt du 2 juillet 2009, la Cour de cassation écarte le contredit (A), mais retient la possibilité de faire appel contre une ordonnance du juge de la mise en état (B).

A. Le contredit écarté Dans l’arrêt du 2 juillet 2009, la Cour de cassation sanctionne une Cour d’appel qui avait déclaré recevable le contredit formé contre une ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une exception d’incompétence. Même si le visa de l’arrêt du 2 juillet 2009 ne contient pas l’article 80 du CPC qui définit le champ d’application du contredit, il est évident que ce texte est ici en cause, ayant été mal appliqué et mal combiné avec l’article 776 du CPC (ce dernier étant visé par la Cour de cassation). En effet, le traitement de l’incompétence est susceptible de faire l’objet de deux voies de recours distinctes : l’appel et le contredit. Selon l’article 80 du CPC, « Lorsque le juge se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit, quand bien même le juge aurait tranché la question de fond dont dépend la compétence ». Autrement dit, lorsqu’un juge rend une décision portant seulement sur la compétence ou sur une question dont dépend la compétence, la seule voie de recours possible est le contredit. La Cour de cassation sanctionne d’ailleurs d’une irrecevabilité l’appel qui a été exercé alors qu’un contredit aurait dû être formé (Civ. 2e, 14 mars 1979). Néanmoins, l’article 80 du CPC n’indique pas de quel juge il s’agit. Si toutes les formations de jugement sont en principe concernées par l’article 80, il reste que certaines dispositions spéciales viennent déroger à ce texte. Ainsi, le contredit ne concerne pas les ordonnances de référé, ni les ordonnances du juge conciliateur en matière de divorce ou de séparation de corps. En l’espèce, un texte spécial régit les ordonnances du juge de la mise en état. Il s’agit de l’article 776 du CPC qui fait seulement référence à l’appel.

B. L’appel retenu Selon la Cour de cassation, si « les ordonnances du juge de la mise en état ne sont pas susceptibles de contredit », elles « peuvent être frappées d’appel […] ». L’arrêt du 2 juillet 2009 fait ici une application rigoureuse de l’article 776 du CPC. Aux termes de l’article 776 du CPC, les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent en principe faire l’objet d’un appel qu’avec le jugement statuant sur le fond. Par exception, les ordonnances du juge de la mise en état statuant, notamment, sur une exception de procédure peuvent faire l’objet d’un appel. La solution de la Cour de cassation est claire : l’appel est la seule voie de recours qui puisse être utilisée. Si la solution ne découle pas expressément de la combinaison des textes, elle se comprend au regard du rôle confié au juge de la mise en état et à la spécificité de ses ordonnances. En effet, l’objectif de l’article 776 du CPC est de limiter les possibilités d’exercer une voie de recours contre les ordonnances du juge de la mise en état : admettre le contredit aurait conduit à accroître les cas de recours dilatoires. En outre, le juge de la mise en état a d’abord pour mission d’organiser la procédure, de favoriser son déroulement loyal, de sorte que la plupart de ses jugements sont des jugements

Page 7: Pciv - Dst 4 - Corriges

7 | P a g e

avant dire droit qui n’ont pas autorité de la chose jugée (art. 482 CPC) et qui sont insusceptibles de faire l’objet d’une voie de recours en tant que tel. Néanmoins, on peut se demander si la solution de la Cour d’appel ne présentait pas une certaine cohérence. Ainsi, lorsque le juge de la mise en état statue sur une exception d’incompétence, il agit de la même façon qu’une formation de jugement. C’est d’ailleurs pour cela qu’un appel est possible, selon l’article 776 du CPC. Dès lors, pourquoi ne pas pousser cette assimilation jusqu’au bout et admettre le contredit ? La Cour de cassation s’y refuse, sans doute par souci de simplifier le droit applicable aux ordonnances du juge de la mise en état dont le pouvoir a également posé problème à la Cour d’appel. II. Le pouvoir du juge de la mise en état concernant les exceptions d’incompétence Dans l’arrêt du 2 juillet 2009, la Cour de cassation précise le pouvoir du juge de la mise en état relatif aux exceptions d’incompétence (A), invitant ainsi à rappeler les effets de ses ordonnances en la matière (B).

A. Le pouvoir de statuer sur les exceptions d’incompétence En l’espèce, la Cour d’appel d’Agen a considéré que le juge de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur l’option de compétence de l’article 47 du CPC. Selon ce texte visé par la Cour de cassation, lorsqu’un auxiliaire de justice est partie à un litige relevant de la compétence de la juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe. En l’espèce, la société Nîmes Entrepôt a directement saisi une juridiction limitrophe du ressort au sein duquel l’administrateur et le mandataire judiciaire exerçaient leurs fonctions. Ces derniers ont soulevé une exception d’incompétence, contestant l’application de ce texte. Pour la Cour de cassation, cette exception relève du pouvoir du juge de la mise en état. La solution retenue par la Haute juridiction se comprend aisément. L’article 73 donne une définition des exceptions de procédure (« tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours »). Ce texte est suivi ensuite de dispositions spécifiques propres aux différentes catégories d’exceptions de procédure, parmi lesquelles figurent les exceptions d’incompétence (articles 75 et suivants du CPC). Or, les articles 771 et 776 du CPC donnent compétence au juge de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure, sans exclure l’une des catégories concernées. Dès lors, il n’y a aucune raison d’exclure les exceptions d’incompétence du champ des compétences du juge de la mise en état. Précisément, le rôle du juge de la mise en état est bien de transmettre à la formation de jugement les affaires « purgées » de toute irrégularité, provenant d’une nullité ou d’une incompétence. Ses ordonnances produisent donc des effets importants quant au déroulement de la procédure.

Page 8: Pciv - Dst 4 - Corriges

8 | P a g e

B. Les effets de l’ordonnance statuant sur les exceptions d’incompétence Dans l’arrêt du 2 juillet 2009, l’ordonnance du juge de la mise en état concerné avait retenu l’exception d’incompétence soulevée. Se pose alors la question de l’effet d’une telle décision. Ainsi, l’article 775 du CPC précise que les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, autorité de la chose jugée. Néanmoins, le texte introduit immédiatement après une exception : tel n’est pas le cas des ordonnances statuant sur les exceptions de procédure. Les ordonnances statuant sur des exceptions de procédure, à l’image de l’ordonnance en cause, ont donc l’autorité de la chose jugée. Cependant, la Cour de cassation apporte une précision de taille quant à l’application de l’article 775 du CPC. C’est seulement lorsque l’ordonnance statuant sur une exception de procédure met fin à l’instance qu’elle a autorité de la chose jugée (Civ. 2e, 13 mars 2008). Or, dans l’arrêt du 2 juillet 2009, peut-on considérer que l’ordonnance retenant l’exception d’incompétence met fin à l’instance ? La réponse doit être positive : la décision d’incompétence entraîne l’extinction de l’instance (article 480 du CPC). A l’inverse, si l’exception d’incompétence avait été rejetée, l’ordonnance du juge de la mise en état n’aurait pas bénéficié de l’autorité de la chose jugée. Dans tous les cas, que l’ordonnance retienne ou rejette l’exception, l’appel peut être exercé, puisque l’article 776 du CPC n’établit de distinction selon les effets ou la portée de l’ordonnance.

Page 9: Pciv - Dst 4 - Corriges

9 | P a g e

SUJET N° 3 : Cas pratique 1) En l’espèce, un salarié qui souhaite se constituer la preuve d’un harcèlement moral par son employeur dispose d’une attestation d’un de ses amis retranscrivant la conversation téléphonique qu’il a pu écouter via le haut-parleur du téléphone. Le problème est de savoir si l’attestation d’un ami retranscrivant une conversation téléphonique qu’il a écouté est un mode de preuve recevable. A première vue, cela ne soulève pas de difficulté particulière. En effet, en vertu de l’article 9 CPC, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Or, l’attestation est un procédé de preuve légal, qui est même très courant. Il est prévu aux articles 200 et suivants du Code de procédure civile. Toutefois, en l’espèce, l’attestation est faite par un ami du salarié qui souhaite pouvoir la produire à titre de preuve. On peut alors se demander si l’attestation est recevable lorsqu’elle est faite par une personne avec laquelle il existe une amitié notoire. En effet, l’amitié ou l’inimité notoire entre le juge et l’une des parties est une cause de récusation du juge (art. 341, al. 2, 8° CPC) et de l’expert judiciaire (art. 234 CPC). Or, l’article 201 CPC prévoit que : « les attestations doivent être établies par des personnes qui remplissent les conditions requises pour être entendues comme témoins » et on aurait pu supposer que le témoin, comme l’expert judiciaire, doit être indépendant et impartial. Toutefois, l’article 205 CPC dispose que chacun peut être entendu comme témoin, à l’exception des personnes frappées d’une incapacité de témoigner en justice. Le Code de procédure civile retient ainsi la condition de la capacité de témoigner et non la condition de l’indépendance et de l’impartialité. Par exemple, les descendants des époux ne peuvent jamais être entendus sur les griefs dans le cadre d’une procédure de divorce ou de séparation de corps (art. 205, al. 2 CPC), pas plus qu’un mineur au moment des faits (Civ. 2e, 1er octobre 2009) La Cour de cassation considère en revanche que « le juge ne peut s'abstenir d'examiner une attestation du seul fait qu'elle est établie par un membre de la famille de celui qui la produit » (Soc., 20 janvier 2010). A fortiori, on peut en déduire que l’attestation d’un ami est recevable en justice, le juge gardant son pouvoir souverain d’appréciation de sa force probante. Néanmoins, il ne suffit pas que le procédé de preuve soit légal pour être recevable, il doit également être loyal. Si le procédé de preuve est déloyal, alors la preuve obtenue est irrecevable. En effet, dans un arrêt de la deuxième chambre civile en date du 7 octobre 2004, la Cour de cassation a posé un principe de loyauté de la preuve. La Haute Cour avait alors retenu que l’enregistrement d’une conversation téléphonique effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués est un procédé déloyal rendant irrecevable la preuve ainsi obtenue. Depuis cet arrêt, le principe de loyauté n’a cessé d’être appliqué en jurisprudence. En l’espèce, la preuve n’est pas constituée par l’enregistrement clandestin de la conversation téléphonique, mais par l’attestation d’un tiers qui, l’ayant écouté clandestinement, l’a retranscrite. On peut alors se demander le fait de permettre à un tiers d’écouter une conversation téléphonique à l’insu de l’interlocuteur contre lequel on veut prouver, afin que ce tiers retranscrive les termes de la conversation dans une attestation est un procédé de preuve loyal. Le principe de loyauté n’a jamais été clairement défini par la jurisprudence qui se contente d’apprécier la loyauté ou la déloyauté des procédés de preuve au gré des espèces qui

Page 10: Pciv - Dst 4 - Corriges

10 | P a g e

lui sont soumises. Toutefois, il est possible de dire que la jurisprudence estime d’une manière générale que la preuve obtenue clandestinement ou par un stratagème est déloyale de sorte qu’elle est irrecevable. Par exemple, la chambre sociale, par deux arrêts du 18 mars 2008, a décidé que la surveillance clandestine du salarié pendant le temps de travail est un procédé de preuve déloyal et que le constat d’huissier obtenu par un stratagème pour confondre le salarié ne pouvait être retenu comme preuve. Il faut alors comprendre que la preuve est déloyale dès lors que les propos ou le comportement d’une personne contre qui on veut prouver sont établis par un procédé clandestin, c'est-à-dire à son insu. Ainsi, il faut en déduire qu’en l’espèce, la preuve est déloyale de sorte qu’elle ne serait pas recevable. C’est ce qui a été retenue par la Cour de cassation dans une espèce similaire (Com., 13 octobre 2009). Par conséquent, cette attestation ne pouvant être produite à titre de preuve, il faudra prouver le harcèlement moral par d’autres éléments de preuve. Il pourrait par exemple être attesté par les autres salariés de la société qu’ils subissent eux-mêmes un harcèlement moral. Il faut enfin préciser au salarié que les SMS qu’il recevrait éventuellement de son employeur peuvent, eux être produits à titre de preuve. La Cour de cassation a en effet considéré que leur auteur ne pouvant ignorer que les messages sont enregistrés sur l’appareil récepteur, ils ne constituent pas des procédés de preuve clandestins et donc déloyaux (Soc., 23 mai 2007). 2) En l’espèce, un défendeur est condamné à payer 9 000 euros de dommages-intérêts au demandeur dans le cadre d’une action en responsabilité en matière d’accident de la circulation. Toutes les voies de recours sont épuisées. Il décide donc d’intenter une action en responsabilité contre le demandeur initial et réclame 9 000 euros de dommages-intérêts, qui viendraient ainsi se compenser avec sa condamnation. L’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la cour d'appel est alors invoquée par le défendeur. Pour savoir si l’autorité de la chose jugée peut être opposée à cette nouvelle demande, il faut s’en remettre à l’article 1351 du Code civil. Aux termes de cet article, l’autorité de la chose jugée est caractérisée lorsqu’il existe, entre deux litiges, une identité de parties, de cause et d’objet. En l’espèce, l’identité de parties ne fait aucun doute, de même que l’identité d’objet ne pose pas de difficulté. Les deux actions visent à la réparation du préjudice résultant du même accident de la circulation. Quant à l’identité de cause, elle est constituée lorsque les faits allégués sont identiques. En effet, depuis l’important arrêt Césaréo de l’Assemblée plénière en date du 7 juillet 2006, le changement de fondement juridique ne permet plus d’échapper à l’autorité de la chose jugée. Par cet arrêt, la Cour de cassation a fait émerger un principe de concentrations des moyens. D’abord appliqué au demandeur à l’action initial, ce principe a ensuite été appliqué aux moyens de défense (Com., 20 février 2007 ; Civ. 3e, 13 février 2008). En l’espèce, le principe de concentration des moyens s’applique donc au défendeur. Toutefois, la particularité de l’espèce tient au fait que le défendeur, dans la nouvelle action, n’invoque pas un argument qui aurait pu faire l’objet d’un moyen de défense, mais une demande reconventionnelle. On peut alors se demander si le principe de concentration s’applique également aux demandes reconventionnelles. Dans un arrêt du 12 novembre 2008, la chambre commerciale semble avoir élargi le

Page 11: Pciv - Dst 4 - Corriges

11 | P a g e

principe de concentration aux demandes reconventionnelles. En effet, elle a décidé que la caution doit « présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens [qu’elle estime] de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande », y compris l’ensemble des demandes reconventionnelles. Cela revient ainsi à imposer aux parties une concentration des demandes, comme en matière prud’homale qui connaît le principe de l’unicité de l’instance. En l’espèce, ce raisonnement permettrait de conclure qu’il est possible de soulever une fin de non-recevoir contre la nouvelle demande, fondée sur l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la cour d'appel. Toutefois, dans un arrêt, également d’Assemblée plénière, en date du 13 mars 2009, la Cour de cassation a décidé, en se fondant sur l’article 480 CPC, que « l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ». Elle en déduit que si les demandes reconventionnelles du défendeur initial ne sont pas tranchées dans le dispositif du jugement, son autorité de la chose jugée de ne peut être opposée à une nouvelle demande. Ce faisant, elle considère qu’en ayant rejeté toutes les exceptions du défendeur, elle n’a pas statué sur les demandes reconventionnelles de ce dernier. En l’espèce, le juge n’a pas pu statuer dans son dispositif sur la demande reconventionnelle du défendeur initial puisque ce dernier ne l’a pas soulevé. Suivant le raisonnement de l’Assemblée plénière, dans son arrêt du 13 mars 2009, l’autorité de la chose jugée ne saurait donc être opposé à la nouvelle demande. La solution de l’arrêt de la chambre commerciale du 12 novembre 2008 pourrait bien alors être limitée à l’hypothèse de la demande reconventionnelle de la caution. En effet, la solution pourrait reposer sur la nature hybride de la demande reconventionnelle de la caution, qui peut être qualifié de moyen de défense ou de demande reconventionnelle (CM, 21 février 2003). C’est d’ailleurs dans une espèce dans laquelle le défendeur initial était une caution qui s’était abstenu de soulever une demande reconventionnelle que la Cour de cassation a réitéré cette solution (Civ. 1re, 1er juillet 2010). Mis à part un arrêt de la première chambre civil du 28 mai 2008 qui applique le principe de concentration aux demandes en matière d’arbitrage, et qui est parfois justifié par une erreur de plume, il n’y a pas d’autre arrêt dans lequel la Cour de cassation retient cette solution. C’est heureux car appliquer le principe de concentration aux demandes reviendrait à supprimer l’identité d’objet comme critère de l’autorité de la chose jugée, pourtant prévu expressément à l’article 1351 du Code civil. En l’espèce, il ne s’agit pas d’une demande reconventionnelle d’une caution, de sorte qu’il y a de fortes chances que le juge rejette la fin de non-recevoir. 3) En l’espèce, une partie veut contester le jugement du Tribunal de grande instance de Paris par lequel le juge l’a condamnée à verser une provision et ordonné une expertise judiciaire. La question est alors de savoir si le jugement ordonnant une mesure d’expertise et allouant une provision peut faire l’objet d’un recours immédiat. Pour répondre à cette question, il convient de déterminer la nature juridique de la décision ordonnant une mesure d’expertise et allouant une provision. L’article 482 CPC pose en principe que le jugement qui se borne dans son dispositif à ordonner une mesure provisoire ou une mesure d’instruction est un jugement avant dire droit.

Page 12: Pciv - Dst 4 - Corriges

12 | P a g e

Il ne peut faire l’objet d’un recours immédiat : il est nécessaire d’attendre que le juge saisi du fond ait rendu sa décision et qu’un appel soit interjeté contre cette décision (art. 545 pour l’appel et 606 pour le pourvoir en cassation). A l’inverse, le jugement qui ordonne une mesure provisoire et tranche une partie du principal est un jugement mixte. Il peut faire l’objet d’un recours immédiat (art. 544 pour l’appel et 606 pour le pourvoi en cassation), sur le tout, même sur la mesure provisoire. La question est donc de savoir si le Tribunal de grande instance de Paris qui a alloué une provision et ordonné une expertise, s’est ou non prononcé sur le principe de la responsabilité du défendeur dans le dispositif de la décision (s’il a ou non tranché une partie de principal). La réponse n’est pas aisée car l’article 482 CPC n’envisage pas l’hypothèse du jugement qui ordonne à la fois une provision et une mesure d’instruction. D’un côté, on peut considérer que le jugement est avant dire droit, car formellement, ni la provision, ni la mesure d’instruction ne permet au juge de statuer sur le fond du litige. Au demeurant, ces mesures peuvent être ordonnée en référé (art. 145, 808, 809, al. 2 CPC), qui est le juge de l’évidence, et qui n’a pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur le fond du litige. D’un autre côté, lorsque le juge ordonne une provision, il considère que l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable (v. par exemple art. 771 CPC ou 809, al. 2 CPC), de sorte qu’il est possible de considérer qu’il a statué sur le principe de créance, qui est une question de fond. C’est d’ailleurs le raisonnement que semble avoir retenu la Cour de cassation pour décider que le juge des référés qui avait ordonné une provision n’était pas objectivement impartial pour statuer par la suite sur le fond de la même affaire (AP, 6 novembre 1998). Le jugement rendu serait alors mixte, suivant l’article 482 CPC, lu a contrario, et l’appel immédiat (art. 544 CPC). La jurisprudence de la Cour de cassation était divergente sur la question. Elle retenait tantôt que les juges du fond s’étaient nécessairement prononcés sur le fond (Civ. 1re, 19 octobre 1999 ; Civ. 2e, 27 juin 2002), tantôt que de telles décisions étaient formellement des jugements avant dire droit ne pouvant pas faire l’objet d’un recours immédiat (Civ. 3e, 7 octobre 1998). La chambre mixte de la Cour de cassation a finalement mis fin à cette controverse en décidant que le jugement qui se borne dans son dispositif à ordonner une expertise et le versement d'une provision, ne tranche pas une partie du principal, ce dont il résulte que l’appel immédiat contre une telle décision est irrecevable (C.M., 25 octobre 2004). En l’espèce, l’assureur ne pourra donc pas interjeter appel contre cette décision et devra attendre que le Tribunal de grande instance se prononce sur le fond du droit.

Page 13: Pciv - Dst 4 - Corriges

13 | P a g e

SUJET N° 4 : Paris V – Cas pratique 1) En l’espèce, un salarié souhaite savoir quelle est la juridiction matériellement compétente pour connaître d’une demande de mutation d’une démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Lorsque le litige est relatif à l’exécution d’un contrat de travail et qu’il est individuel, la juridiction compétente est le conseil de prud’hommes. Cette juridiction est saisie soit par demande, déposée au greffe du conseil de prud’hommes ou adressée par lettre recommandée (art. R. 1452-2 C. trav.), soit présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation (art. R.1452-1 C. trav.). La demande doit alors respecter les conditions de l’article 58 CPC et mentionner chacun des chefs de demande (art. R. 1452-2 C. trav.). La demande n’a pas à être notifié à la partie adverse par le demandeur. C’est en effet le greffe qui le convoque devant le bureau de conciliation par lettre recommandée avec avis de réception, après avoir informé le demandeur des lieux, jour et heure de la séance du bureau de conciliation à laquelle l’affaire sera appelée (art. R. 1452-3 et 4 C. trav.). En effet, une phase de conciliation préalable devant le bureau de conciliation est obligatoire. Ce n’est qu’en cas d’échec de la conciliation que l’affaire est renvoyée devant le bureau de jugement. 2) En l’espèce, le problème est de savoir si l’attestation d’un ami retranscrivant une conversation téléphonique qu’il a écouté est un mode de preuve recevable. A première vue, cela ne soulève pas de difficulté particulière. En effet, en vertu de l’article 9 CPC, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Or, l’attestation est un procédé de preuve légal, qui est même très courant. Il est prévu aux articles 200 et suivants du Code de procédure civile. Toutefois, en l’espèce, l’attestation est faite par un ami du salarié qui souhaite pouvoir la produire à titre de preuve. On peut alors se demander si l’attestation est recevable lorsqu’elle est faite par une personne avec laquelle il existe une amitié notoire. En effet, l’amitié ou l’inimité notoire entre le juge et l’une des parties est une cause de récusation du juge (art. 341, al. 2, 8° CPC) et de l’expert judiciaire (art. 234 CPC). Or, l’article 201 CPC prévoit que : « les attestations doivent être établies par des personnes qui remplissent les conditions requises pour être entendues comme témoins » et on aurait pu supposer que le témoin, comme l’expert judiciaire, doit être indépendant et impartial. Toutefois, l’article 205 CPC dispose que chacun peut être entendu comme témoin, à l’exception des personnes frappées d’une incapacité de témoigner en justice. Le Code de procédure civile retient ainsi la condition de la capacité de témoigner et non la condition de l’indépendance et de l’impartialité. Par exemple, les descendants des époux ne peuvent jamais être entendus sur les griefs dans le cadre d’une procédure de divorce ou de séparation de corps (art. 205, al. 2 CPC), pas plus qu’un mineur au moment des faits (Civ. 2e, 1er octobre 2009) La Cour de cassation considère en revanche que « le juge ne peut s'abstenir d'examiner une attestation du seul fait qu'elle est établie par un membre de la famille de celui qui la produit »

Page 14: Pciv - Dst 4 - Corriges

14 | P a g e

(Soc., 20 janvier 2010). A fortiori, on peut en déduire que l’attestation d’un ami est recevable en justice, le juge gardant son pouvoir souverain d’appréciation de sa force probante. 3) Comme nous l’avons vu, l’attestation est un procédé de preuve légal, qui semble donc recevable aux termes de l’article 9 CPC. Néanmoins, il ne suffit pas que le procédé de preuve soit légal pour être recevable, il doit également être loyal. Si le procédé de preuve est déloyal, alors la preuve obtenue est irrecevable. En effet, dans un arrêt de la deuxième chambre civile en date du 7 octobre 2004, la Cour de cassation a posé un principe de loyauté de la preuve. La Haute Cour avait alors retenu que l’enregistrement d’une conversation téléphonique effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués est un procédé déloyal rendant irrecevable la preuve ainsi obtenue. Depuis cet arrêt, le principe de loyauté n’a cessé d’être appliqué en jurisprudence. En l’espèce, la preuve n’est pas constituée par l’enregistrement clandestin de la conversation téléphonique, mais par l’attestation d’un tiers qui, l’ayant écouté clandestinement, l’a retranscrite. On peut alors se demander le fait de permettre à un tiers d’écouter une conversation téléphonique à l’insu de l’interlocuteur contre lequel on veut prouver, afin que ce tiers retranscrive les termes de la conversation dans une attestation est un procédé de preuve loyal. Le principe de loyauté n’a jamais été clairement défini par la jurisprudence qui se contente d’apprécier la loyauté ou la déloyauté des procédés de preuve au gré des espèces qui lui sont soumises. Toutefois, il est possible de dire que la jurisprudence estime d’une manière générale que la preuve obtenue clandestinement ou par un stratagème est déloyale de sorte qu’elle est irrecevable. Par exemple, la chambre sociale, par deux arrêts du 18 mars 2008, a décidé que la surveillance clandestine du salarié pendant le temps de travail est un procédé de preuve déloyal et que le constat d’huissier obtenu par un stratagème pour confondre le salarié ne pouvait être retenu comme preuve. Il faut alors comprendre que la preuve est déloyale dès lors que les propos ou le comportement d’une personne contre qui on veut prouver sont établis par un procédé clandestin, c'est-à-dire à son insu. Ainsi, il faut en déduire qu’en l’espèce, la preuve est déloyale de sorte qu’elle ne serait pas recevable. C’est ce qui a été retenue par la Cour de cassation dans une espèce similaire (Com., 13 octobre 2009). Par conséquent, cette attestation ne pouvant être produite à titre de preuve, il faudra prouver le harcèlement moral par d’autres éléments de preuve. 4) A défaut de pouvoir être prouvé par l’attestation qui retranscrit la conversation téléphonique, le harcèlement moral pourrait l’être par l’attestation d’autres salariés subissant eux-mêmes un harcèlement moral ou ayant pu constater le harcèlement subi par M. Bonga. Il faut également lui préciser que les SMS d’insultes qu’il a reçu de son employeur peuvent être produits à titre de preuve. La Cour de cassation a en effet considéré que leur auteur ne pouvant ignorer que les messages sont enregistrés sur l’appareil récepteur, ils ne constituent pas des procédés de preuve clandestins et donc déloyaux (Soc., 23 mai 2007). Le constat d’un huissier de justice, retranscrivant le contenu des SMS, pourrait alors être produit en justice à titre de preuve.

Page 15: Pciv - Dst 4 - Corriges

15 | P a g e

5) Le défendeur à une action en justice souhaite contester la véracité d’un acte sous seing privé. Pour contester un acte sous seing privé, les parties ont la possibilité de mettre en œuvre une procédure de vérification d’écriture, prévue aux articles 287 s. CPC. Lorsque cette vérification est demandée dans le cadre d’un procès déjà existant, la procédure de vérification d’écriture doit être faite à titre incident. En l’espèce, tel est bien le cas puisque le demandeur a déjà saisi le juge d’une demande de remboursement. Ainsi, en l’espèce, le défendeur pourra soulever un incident de vérification d’écriture. Aux termes de l’article 287 CPC, le juge devra d’abord dire s’il peut ou non statuer sans tenir compte de l’acte contesté. En l’espèce, tel ne saurait être le cas, le contrat de prêt étant même la pièce la plus importante de la procédure. Ainsi, le juge devra procéder à la vérification d’écriture (art. 287 CPC), ceci étant une obligation et non une simple faculté. 6) En l’espèce, le juge a désigné un technicien qui n’est pas inscrit sur une liste d’experts dressée par une cour d’appel. La question est de savoir si le juge est libre de désigner comme expert judiciaire toute personne de son choix ou s’il a l’obligation de désigner une personne inscrite sur une liste dressée par une cour d’appel. Même si la loi du 11 février 2004 a modifié l’article 1er de la loi du 29 juin 1971 faisant de la désignation d’un technicien inscrit sur une liste un principe, il reste que le juge a toujours la liberté de désigner toute personne de son choix (art. 232 CPC – qui n’a d’ailleurs pas été modifié après la loi du 11 février 2004). Ainsi, en l’espèce, la désignation du technicien qui n’est pourtant inscrit sur aucune liste est incontestable. 7) En l’espèce, les parties n’ont pas été convoquées aux opérations d’expertise. Or, l’article 160 CPC prévoit que le technicien doit convoquer les parties et les tiers qui doivent apporter leur concours aux mesures d’instruction. Cet article est ainsi l’application, en matière de mesure d’instruction, de l’article 14 CPC qui prévoit que les parties ne peuvent être jugées sans être appelées ou entendues. En l’espèce, l’expert judiciaire semble donc avoir violé le principe du contradictoire. Toutefois, il apparaît que la présence des parties n’est pas toujours utile à la recherche de la vérité et qu’elle peut même être contraignante pour la bonne exécution des opérations d’expertise. La jurisprudence l’a bien compris et décide que la présence des parties n’est pas requise lorsque l’expert procède à de simples constatations matérielles ou à des investigations purement scientifiques (Civ. 2e, 11 mai 1960). La question est alors de savoir si une expertise graphologique, comme en l’espèce, est une expertise technique ou scientifique pour laquelle le respect du principe du contradictoire n’est pas requis.

Page 16: Pciv - Dst 4 - Corriges

16 | P a g e

La Cour de cassation a répondu à cette question en considérant que la présence des parties n’était pas requise pour les expertises graphologiques (Civ. 2e, 15 mai 2003). En l’espèce, l’expert judiciaire pouvait donc procéder aux opérations sans convoquer les parties. Toutefois, dans une telle hypothèse, elle impose à l’expert de soumettre aux parties les résultats des investigations pour leur permettre d’en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport (Civ 1re 8 juin 2004 ; Civ. 2e, 13 janvier 2005). Cela doit permettre aux parties de faire valoir leurs observations et à l’expert judiciaire de les prendre en considération, conformément à l’article 276 CPC. A défaut de communication préalable du résultat des investigations de l’expert judiciaire, le rapport d’expertise est nul (Civ. 2e, 18 janvier 2001). En l’espèce l’expert judiciaire avait l’obligation de soumettre aux parties le résultat de son analyse graphologique aux parties avant de remettre son rapport au juge, ce qu’il ne semble pas avoir fait. Ainsi, le rapport de l’expert judiciaire n’est pas conforme au principe du contradictoire et n’est donc pas valable. 8) En l’espèce, l’expert judiciaire désigné par le juge pour accomplir l’analyse graphologique a délégué l’exécution des opérations à une autre personne. L’expertise judiciaire est-elle valable lorsque les opérations ne sont pas exécutées par le technicien que le juge a désigné ? L’article 233 CPC pose en principe que « le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée ». Cependant, si un expert ne peut s’appuyer notamment sur un rapport établi à sa demande par un tiers et y renvoyer les parties à sa lecture (Civ 2e 11 janv 1995), il peut, dans certains cas, confier à un tiers certaines missions. La question est alors de savoir si l’expert judicaire désigné par le juge pouvait confier sa mission d’expertise en écriture à un tiers ? La jurisprudence admet depuis quelques années que les investigations à caractère technique peuvent être assurées par un tiers (Civ 2e 16 mai 2002) comme certaines opérations matérielles qui peuvent être confiées à des collaborateurs ou des personnels qualifiés (Civ 1re 3 mai 2000). Il s’agit essentiellement des tâches de secrétariat. Cette jurisprudence a été consacrée par le décret du 28 décembre 2005, entré en vigueur le 1er mars 2006, qui ajoute un article 278-1 CPC qui dispose que « l’expert peut se faire assister dans l’accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité ». S’il est à craindre que cet article génère un contentieux autour de cette question, on peut espérer que la Cour de cassation n’y voit qu’une consécration de sa jurisprudence antérieure. En l’espèce, l’expert judiciaire semble en effet avoir contrôlé le résultat des opérations d’expertise, mais loin d’être des opérations purement matérielles (qui pourraient être assimilées à des tâches de secrétariat), la vérification d’écriture est une tâche inhérente à l’expertise en vérification d’écriture ne pouvant être délégué par l’expert à un tiers. Il en résulte que les opérations effectuées par le tiers ne peuvent valoir opérations d’expertise (Civ. 2e, 27 avril 2000 ; 7 mai 2002).