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19 n° 3427 du 13 janvier 2011 Dossier que faut-il changer à l’école ? Pédagogie : Philippe Desmazes/AFP Des personnalités politiques et universitaires ont appelé récemment à supprimer les notes à l’école primaire. La pédagogie est-elle l’une des sources de l’échec scolaire? Faut-il s’inspirer des méthodes utilisées dans des établissements pour élèves en difficulté? Dossier réalisé par Fanny Stolpner 3427_19_23_DOSSIER_5:Mise en page 1 10/01/11 11:35 Page19

Pédagogie: que faut-il changer à l’école? · Les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet (3) voient dans ces résul-tats une conséquence de l’élitisme du système

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Page 1: Pédagogie: que faut-il changer à l’école? · Les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet (3) voient dans ces résul-tats une conséquence de l’élitisme du système

19n°3427 du 13 janvier 2011

Dossier

que faut-il changerà l’école ?

Pédagogie :

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Des personnalités politiques et universitaires ont appelé récemmentà supprimer les notes à l’école primaire. La pédagogie est-elle l’une des sources de l’échec scolaire? Faut-il s’inspirer des méthodes utilisées dans des établissements pour élèves en difficulté? Dossier réalisé par Fanny Stolpner

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Le 18 novembre 2010, vingt per-sonnalités (Marcel Rufo, MichelRocard, Daniel Pennac, Fran-çois Dubet…) ont signé un« Appel à la suppression desnotes à l’école primaire » (1).Selon ce texte, « praticiens, ensei-

gnants, médecins, éducateurs, accom-pagnateurs bénévoles, ont démontré l’im-pact négatif que peuvent avoir les notessur certains élèves dans la construction,la confiance et l’estime de soi ». Sans sou-haiter la suppression de l’évaluationdes élèves, les auteurs regrettent queles notes génèrent des méthodes d’éva-luation plus « quantitatives que quali-tatives » et rappellent que « l’école élé-mentaire ne doit pas être le moment dela sélection et de la compétition ».ÉLÈVES FAIBLES. Quelques semainesaprès cette tribune ont été publiés lesrésultats de l’enquête PISA 2009 (Pro-gramme international pour le suivides acquis des élèves) (2), qui compareles compétences acquises par les élèvesde 15 ans dans 75 pays. Si la France(496 points) se situe dans la moyennedes pays de l’OCDE (500 points), unecomparaison avec ses résultats de PISA2000 révèle un creusement de l’écartentre élèves forts et faibles. En lecture,la France compte 9,5% d’élèves parmiles meilleurs en 2009, en augmenta-tion d’1% depuis 2000. Par contre, lesplus faibles sont désormais 20%, soit5% de plus qu’en 2000. On retrouve

cette hétérogénéité dans l’écart entreles résultats des élèves issus de l’im-migration et les autres. Les immigrantsde première génération ont des résul-tats autour de 420 en lecture (niveaude la Thaïlande), 448 pour ceux de se-conde génération (niveau du Chili),contre 502 pour les « autochtones »(niveau de la Norvège) ! Les résultatsmontrent aussi que la France est undes pays où l’impact dumilieu socio-économiquesur la performance sco-laire est le plus grand del’OCDE. Mais impossiblede connaître le rapportentre les résultats en lec-ture des élèves et le statut, favorisé oudéfavorisé, de leur établissement. Seuleà exercer un droit de retrait sur cepoint, le France n’a pas fourni d’in-formation sur les établissements.Les sociologues Christian Baudelot etRoger Establet (3) voient dans ces résul-tats une conséquence de l’élitisme dusystème français, « qui favorise la sé-lection et laisse tomber ceux qui ne sui-vent pas » (www.letelegramme.com).Dans les pays en tête du classement2009 (Corée, Finlande, Japon), il y apeu d’écart entre les résultats desmeilleurs élèves et ceux des plusfaibles. Ces pays redoublent de moyenspour laisser le moins de monde à latraîne : beaucoup de soutien indivi-dualisé à l’élève, réduction ou suppres -

sion du redoublement, importance dela formation des enseignants, etc. Ils’agit, en somme, d’encourager lamixité scolaire et de considérer la pro-gression personnelle de l’élève plutôtque de la comparer à celle du groupe.C’est ce type d’approche pédagogiqueque revendique l’Appel de Bobigny(4).Un texte lancé en octobre 2010 et por-té par le Réseau villes éducatrices, des

collectivités locales, une cin-quantaine d’organisationset associations (FSU, UNSA,CFDT, FCPE, UNL, Ligue del’enseignement, etc.) et desmouvements pédagogiques.Résultat de trois ans de tra-

vail, il formule 18 propo sitions pour« modifier profondément l’École »,notamment la suppression du redou-blement, prône l’équité et souhaite uneréforme de l’évaluation dans le secon-daire. L’ambition affichée est de porterla question de l’éducation au cœur del’élection présidentielle de 2012. ■

1. http://suppressiondesnoteselementaire.org2.Financée par l’Organisation de coopération et de dé-veloppement économiques (OCDE), l’enquête PISAcompare tous les trois ans la performance des systè -mes scolaires internationaux. Elle mesure les compé -tences des élèves de 15 ans en lecture, mathémati queset sciences. Source : www.pisa.oecd.org3. Auteurs de L’élitisme républicain – L’école françaiseà l’épreuve des comparaisons internationales, Seuil2009.4. www.villeseducatrices.fr

L’école nedoit pas être

le moment de lacompétition.”‘‘

Les élèves de CP de l’école Arthur Rimbaud d’Andrézieux-Bouthéon dans la banlieue de Saint-Étiennesont scolarisés en « réseau réussite scolaire ».

AFP

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Le goût de l’écoleReportage. Le collège Anne Frank accueille au Mans des élèves exclusdes filières scolaires classiques. Ses innovations pédagogiques font leurpreuves : pas de niveaux, pas de notes, auto-évaluation. Mais les institutionsne suivent pas. Par Fanny Stolpner

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Depuis le préfabriqué oùremuent une quinzained’élèves monte la voix deStéphane Nédélec: « Antoi-ne, tu quittes l’ordi s’il te plaît.Tu es dans le collectif, là, tureviens avec nous. » Antoine,

14 ans, rejoint les tables placées en Uoù sont éparpillés ses camarades. À8h30, comme tous les lundis, les élèvesdu collège Anne Frank du Mans (72)débutent la journée par une heure detutorat. Ils y font leurs devoirs, échan-gent sur le fonctionnement du collègeauquel ils participent activement. Sté-phane Nédélec, professeur de mathé-matiques, et Éric Demougin, coordi-nateur et professeur de français-mathsles encadrent. Au mur, un Petit Spiroudessiné au crayon à papier baille auxcorneilles, un doigt dans le nez. À côtéde lui posent deux autres adolescentsturbulents, héros de BD et de dessin ani-mé: Kid Paddle, une perceuse à la main,et Bart Simpson sur son skateboard. Ilscohabitent avec une citation d’Einstein:« L’école devrait toujours avoir pour but

de donner à ses élèves une personnalitéharmonieuse et non de les former en spé-cialistes. » Kant n’est pas loin: « On doitprouver à l’enfant qu’on exerce sur lui unecontrainte qui le conduit à l’usage de sapropre liberté. »Cela résume assez bien la pédagogiedu collège expérimentalAnne Frank, établisse-ment public qui fêterabientôt ses dix ans d’exis-tence. À l’origine de sacréation en 2001, uneéquipe d’enseignantsemmenés par Marie-Danielle Pierrelée(1) insa-tisfaits du système sco-laire traditionnel. Leurobjectif, « redonner du sens à l’école »avec une pédagogie différente de lasélection par la note, un refus d’ap-précier l’accomplissement personnelpar la seule réussite scolaire. Dans unedémarche compréhensive, il s’agit plu-tôt de s’adapter au rythme des élèvesen développant l’autonomie et la res-ponsabilité de chacun. Ici, pas de classes

de niveaux (6e, 5e, 4e, 3e): les élèvesse retrouvent en fonction des cours qu’ilschoisissent, mais aussi dans les diversateliers (cuisine, expériences physiques,soins aux animaux de la SPA voisi-ne etc.) ou encore dans des projets col-lectifs. Seule la classe de tutorat est

immuable durant la sco-larité.Pas de notes donc, maisun système de points surle bulletin trimestriel,qui accorde une grandeimportance à l’expres-sion orale ainsi qu’àl’auto-évaluation del’élève. Enfin, pas deprincipal d’établisse-

ment: deux enseignants coordinateurs,sans rôle hiérarchique, assurent la ges-tion administrative. Chacun des ensei-gnants surveille à tour de rôle la cour,la cantine, anime les ateliers... « À labase, c’est un collège pour tous. Mais fau-te de structures adaptées, on accueille deplus en plus d’élèves qui ne trouvent pasleur place dans le système traditionnel »,

On accueille de plus en plus

d’élèves qui ne trou-vent pas leur placedans le système traditionnel faute de structures adaptées.”‘‘

Que faut-il changer à l’école?

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explique Amin Lakhal, coordinateuret professeur de sciences. Déscolarisa-tion, phobie de l’école, problèmes decomportement… les jeunes qui arriventà Anne Frank ont parfois accumulé lescollèges, conseils de discipline et heuresde colle. « Le système classique crée desparcours d’exclusion pour ceux qui décro-chent. L’enfant est très vite étiqueté enfonction de ses résultats et ceux qui ne sui-vent pas sont orientés plutôt qu’aidés »,observe Amin Lakhal.Laurence Gravay en seigne l’anglais aucollège depuis trois ans. Avant, elle s’oc-cupait surtout de la vie scolaire: « Sou-vent, quand ils arrivent, ils n’ont plusconfiance envers les adultes. Et puis ils ap -prennent que tu es là, que tu vas les écou-ter et les aider à trouverune solution. Parfois ilsviennent te voir et ilssavent qu’ils vont se fai-re gronder, mais ils ontbesoin de ça, explique,volubile, cette trente-naire. Ce sont des ado-lescents qui n’ont pas la tête à travailleren classe car ils sont pris par d’autres pro-blématiques, familiales ou psychologiques. »Anne Frank n’étant pas un collège desecteur, les familles doivent faire unedemande auprès de l’académie de laSarthe pour l’intégrer. Une démarchevolontaire impérative pour les élèves.« Les élèves savent qu’ils sont 96 au col-lège et que beaucoup d’autres attendentsur une liste, explique Éric Demougin.On est une communauté éducative uniepar des liens très forts ; on profite du faitd’être un peu le village gaulois dans l’em-pire romain. »Et les élèves, qu’en disent-ils ? Tour detable dans le tutorat d’Éric Demouginet Stéphane Nédélec: Axel, 11 ans, « n’ai-

me pas les modes de vie où l’on doit res-ter assis à rien faire tout le temps », Gil-das, 15 ans, « n’arrivait pas à s’adapterailleurs », Antoine ne pouvait pas seconcentrer et ne s’entendait pas avecles autres, Alessia a des problèmes d’au-torité avec les adultes, Mano suit lestraces de sa sœur, passée par Anne Frankavant lui. Capucine, elle, n’allait plusà l’école depuis six mois. Désormais,elle se lève à cinq heures tous les matinspour se rendre au collège. « On a ungros point en commun, c’est Anne Frank.Ici on ne juge pas, on prend soin des gens. »Fanny, 14 ans, arbore un parfait lookgothique; yeux charbonneux, robe noi-re cintrée assortie de lourdes chaussureset chapeau noir. Elle est arrivée au col-

lège il y a un an. « Pourtout le monde, c’est unevraie chance d’être là. Onfait confiance au prof, onpeut compter sur lui. Je mesuis reconstruite sur pleinde choses, ici. On se sent àl’aise, acceptés. »

Dans le préfabriqué voisin, GildaseBouvier s’agite. La cinquantaine, che-veux courts tirant sur le prune, unevoix un peu rauque facilement recon-naissable, Gildase Bouvier enseigne lefrançais à Anne Frank depuis son ou-verture. Elle lit à la classe un extraitdes Thibault de Roger Martin du Gard;l’assassinat de Jean Jaurès en 1914.« Vous imaginez? » Gildase glisse au fondde la salle, où Izak est affalé sur satable. Elle lui prend le bras: « Le méde -cin est là, il lui prend le pouls et secouela tête. Qu’est-ce qu’on comprend ? »Concert d’exclamations : « Qu’il estmort ! » Gildase poursuit : « Commej’imagine que personne ne lira la suite,je vous raconte… » Les élèves sont cois.

Axel, anorak et cartable sur le dos,bouge à peine. Quentin, son voisin, selève tout d’un coup, déchire le dessinsur lequel il était penché depuis le dé-but du cours et le jette à la poubelle.Il se rassoit. Gildase Bouvier, qui suitdu coin de l’œil, décide de ne pas re-lever. Nouvel aller-retour, nerveux, jus-qu’à la poubelle. Finalement, Quen-tin rejoint sa place. Et se remet àdessiner. Les élèves sont intéressés parla guerre de 1914-1918 ; portés parl’énergie de Gildase, les réactions fu-sent. Quentin en sait beaucoup et sanslever les yeux du trône qu’il trace avecminutie, il répond souvent juste.VIOLENCE. Le mardi, les cours finissentà 15h30. L’équipe pédagogique et lesparents volontaires se réunissent pourla « concer tation ». C’est au cours decette réunion, «cœur» et «cerveau» dufonctionnement collégial, que sont dis-cutés les projets et les difficultés de l’éta-blissement. Une vingtaine de person -nes prennent place. Est évoqué le casd’Adélaïde, une élève qui a frappé saprofesseure enceinte. A ceux qui s’entiennent aux principes du collège – onn’exclut pas les élèves – d’autres ré-pondent que la structure est ébranléepar le comportement d’une personne.« Dans les structures expérimentales, lesgens s’empoignent beaucoup, plaisanteFabrice Pillaud, professeur de sport.Parce que tout est discuté, que les déci-sions se prennent par consensus ou parvote, en dernier recours. » Stéphane Né-délec a une annonce à faire: « Je vousconseille de faire une demande de rem-placement en maths… Il y a dix ans, jesuis venu ici pour combattre le systèmeéducatif. Or j’estime que l’on n’est plusdans ce combat-là. » Silence troublédans l’assistance. Il poursuit: « Les seuls

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Axel et ses camarades : «Il y a de l’entraide entre les élèves, pas de refus d’amitié et peu de bagarres.»

Tout est discuté,et les décisions

se prennent parconsensus ou vote, en dernier recours.”‘‘

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éléments susceptibles de me faire chan-ger d’avis seraient un déménagementdans de vrais locaux et une attitude dif-férente vis-à-vis de l’inspecteur d’acadé-mie, qui nous impose d’accueillir certainsélèves. On ne se bat pas, on se laisse bouf-fer par l’institution… on a tout acceptécette année. »DES RATS SOUS LES PLANCHES. Depuissa création, le collège Anne Frank estimplanté dans un autre collège, celuidu Ronceray. L’académie de la Sarthelui a attribué certaines salles, mais lamajorité des cours se font toujours dansdes préfabriqués, dans un état précaire.Humides car il y pleut l’hiver, on yétouffe l’été, où l’on voit des rats cou-rir sous les planches. Maintes fois évo-qué, le déménagement fait l’objetd’une guerre entre l’académie, le col-lège Anne Frank et le conseil généralde la Sarthe.Professeurs, parents et élèves se sontmobilisés à plusieurs reprises pour ré-clamer des locaux décents, ainsi quela pérennisation de la structure. « Uncollège expérimental est de fait plus fra-gile qu’un collège classique », commenteÉric Demougin. Sur les cinq établisse-ments ouverts en même temps qu’AnneFrank, deux ont fermé. « On est en trainde discuter la signature d’un contrat defonctionnement de quatre ans. Mais les

relations avec l’inspecteur d’académie sontdifficiles. Il essaie de re pren dre la mainsur le collège, en imposant quan titéd’élèves à problèmes ou en parachutantdes profs qui ignorent oùils mettent les pieds. »Le lendemain matin, ensalle des profs, DenisMarmier tourne frénéti-quement les pages d’unlivre d’histoire de troi-sième. « Hier j’ai fait uncours somme toute très scolaire. Il fautvarier, les élèves s’ennuient vite. Alors jevais les essayer de les mettre en scène. Çapermet aux élèves qui ont du mal à lire ouà écrire d’être quand même dans l’ap-prentissage des connaissances. » Le pro-fesseur d’histoire-géo souhaite étudierla place de la religion dans la sociétéégyptienne « et aujourd’hui, ce sera avecdu théâtre ». 10h15, la classe s’installequand Denis se met à hurler: « Alors là,ça ne va pas du tout! On ne va pas pou-voir continuer comme ça! » Pétrifiés, lesélèves s’attendent, sans trop savoir pour-quoi, à se faire passer un savon. Maisnon. « Comme moi, vous allez tous jouerun rôle pour comprendre le mythe d’Osi-ris », explique l’enseignant. Les élèvessont conquis. Aux trois qui ne veulentpas jouer, Denis propose autre chose:Gildas et Marie-Lolita, une nouvelle

que Denis « apprivoise encore », répon-dent à un exercice sur leurs cahiers. Autableau, Quentin illustre le mythe parun grand dessin.Pour Denis comme pour d’au tres, AnneFrank relève d’un idéal, un collègequ’ils auraient aimé avoir. Professeursde l’Éducation nationale, les ensei-gnants sont rémunérés sur la base clas-sique de 18 heures de cours hebdoma-daire. « Dans les faits, on tourne autourde 28h-30h de présence, les heures supp’ne sont pas payées, calcule Amin. Si tun’y prends pas plaisir, tu vas avoir dumal ! » Cette implication aboutit-elleà quelque chose? « Il y a une envie decontinuer, une reconnexion avec le sco-laire. La réussite, on la voit, elle est presquepalpable. » Depuis quel ques mois, Isa-belle Pichot en fait concrè tement l’ex-périence. En septembre, son fils Auré-lien, 14 ans, a fait sa première rentrée

à Anne Frank aprèsêtre passé par plu-sieurs collèges et uncentre éducatif. « Ils’est remis à travailler,confie-t-elle. Il refusaitl’autorité, ne faisait plusrien, il avait l’impression

d’être incompris et rejeté. Depuis qu’il estici, c’est un enfant différent. » Élève detroisième, Valentin, 15 ans, avoue avoirbeaucoup changé en quatre ans. Aprèsle brevet, il veut devenir boulanger.« On apprend à se connaître ici. J’ai prisen maturité, j’ai trouvé une assurance.Il y a beaucoup d’entraide entre les élèves,pas de refus d’amitiés, peu de bagarres.C’est comme une petite famille. » IsabellePichot constate : « Humainement, Au-rélien a gagné quelque chose. Ici ils tra-vaillent sur la confiance en soi, ça fait ladifférence. On donne une chance auxélèves, ils peuvent redémarrer. Ça veutdire que personne n’est perdu et ça, c’esttrès important. » ■

1. Auteur de Pourquoi vos enfants s’ennuient en classe?en collaboration avec Agnès Baumier, Éditions Syros,1999.

Que faut-il changer à l’école?

Ici on travaillesur la confiance

en soi. Ça veut dire quepersonne n’est perdu,c’est très important.”‘‘

Le groupe de professeurs du collège Anne Frank.

Fanny fait «confiance au prof, on peut compter sur lui, on se sent accepté». Pour Isabelle Pichot, parent d’élèves, « la réussite est presque palpale ».

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