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SOMMAIRE Publication de l'l. R. E. M. de Strasbourg LE LIVRE du PROBLEME fascicule 1 pédagogie de l'exercice et du problème CEDIC 1973 LYON - PARIS 12, rue du Moulin de la Pointe - 75013 Paris

Pédagogie de l'Exercice Et Du Problème

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SOMMAIRE

Publication de l ' l . R. E. M. de Strasbourg

LE LIVRE du PROBLEME

fascicule 1

pédagogie de l'exercice et du problème

CEDIC 1973 LYON - PARIS 12, rue du Moulin de la Pointe - 75013 Paris

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© CEDIC 1972 Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays. Toute reproduct ion, wi nu• partielle, de cet ouvrage est interdite. Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit , photo graphie, microfilm, bande magnétique, disque ou macre, constitue une contrefaçon passible des peines prévues par la loi du 11 mars 1957 sur la protection des droits d'auteur

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pédagogie de l'exercice

et du problème

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Introduction

7

Chapitre 1 Exercices d'exposition

13

Chapitre 2 Les problèmes

19

Chapitre 3 Les exercices didactiques

29

Chapitre 4 Exécution des tâches techniques

37

Chapitre 5 Les manipulations

45

Chapitre 6 Applications des mathématiques

61

Chapitre 7 Les tests

81

Bibliographie 97

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INTRODUCTION

La réforme de l'enseignement des mathématiques se poursuit dans le

monde entier dans des conditions difficiles : ayant à assumer la scolarisation d'un nombre toujours croissant d'élèves, elle doit poursuivre une délicate politique de formation de maîtres qualifiés. Mais ce n'est pas son moindre avantage que d'avoir suscité, ici et là, des réflexions sur les buts et les méthodes de cet enseignement. Elle a permis la découverte -on plutôt la redécouverte- de vérités tellement "évidentes" que nul ne songe à les mettre en doute... ni à les appliquer.

Tout le monde s'accorde pour affirmer que "faire des mathématiques" ce n'est pas emmagasiner des connaissances, et que l'exercice de l'intelli-gence, de l'imagination, de la rigueur, de la minutie, de l'honnêteté intel-lectuelle ne se développent pas en écoutant un cours dicté, recopié, appris, récité. Et pourtant l'essentiel de la préparation des futurs professeurs consiste toujours à apprendre à bâtir des exposés "magistraux" bien char-pentés, ce qui est certes utile, mais ne prépare qu'à une faible partie du métier d'enseignant.

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La suite de cette introduction aborde précisément l'autre aspect de ce métier. Elle ébauche une réflexion sur la pédagogie de l'exercice et du problème qui étudie l'art de susciter une attitude active et critique de l'élève.

Précisons tout de suite que, les fascicules présentés ici ne veulent pas être de simples recueils d'exercices directement utilisables en classe. Pour cette raison, ils sont généralement classes par thèmes et non par niveau. La rédaction définitive des énoncés destinés à la classe reste à faire. Le texte proposé n'est qu'une trame que le professeur devrait adapter à son goût personnel, à celui de ses élèves, en fonction du moment où l'exercice est proposé, à la réaction des enfants devant des thèmes analogues, et surtout à l'objectif pédagogique visé dans ce cas précis: on ne rédige pas de la même façon un travail de contrôle exigé en temps limité, sans documents, et au contraire un travail libre que l'élève effectue à loisir. Il est alors hautement souhaitable qu'il se documente lui-même sur des notions volontairement imprécises.

Le rédacteur de l'énoncé pourra choisir entre diverses formes à donner au texte. En particulier, certains problèmes pourront être présentés en plusieurs temps, espacés par des interruptions d'une semaine. D'autres énonces se groupent en batteries d'exercices : ce sont des séries de questions courtes dont l'intérêt pédagogique tient à leur assemblage et à leur progres-sion.

Le choix des énonces retenus par le professeur dépend aussi, pour une large part, des programmes actuellement en vigueur. C'est ainsi que nous ne nous dissimulons pas que certains des chapitres de l'ouvrage présenté ici sont inexploitables dans leur totalité, avec les contraintes actuelles d'horaires et d'examens. Mais nos recherches visent plutôt à explorer de nouvelles possibilités d'enseignement. Nous rivons dune époque où les auteurs des programmes officiels proposeront en premier lien des activités mathématiques formatrices et choisiront ensuite les théories enseignées en fonction des problèmes que I'on pourra soumettre aux élèves. Alors on n'introduira plus gratuitement un jargon pédant et des théories qui ne seront plus utilisées. Les mots et les définitions s'inséreront d'eux-mêmes, au fur et à mesure des besoins réels

Note texte est aussi conçu comme un instrument de formation des maîtres : le professeur pourra proposer un petit choix d'énoncés à sa classe et en résoudre lui-même beaucoup plus. Ce sera pour- lui l'occasion de motiver l'introduction des théories qu il expose. Et il arrivera souvent qu'à

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l'occasion d'une explication difficile cru d'une question imprévue d'un élève, le maître, soit amené à exploiter inopinément un énoncé qu'il ne pensait pas soumettre au départ. C'est le moment de rappeler que le professeur doit savoir beaucoup de choses pour pouvoir en enseigner très peu. Il doit se sentir complètement libéré des difficultés mathématiques pour se consacrer entièrement aux difficultés, pédagogiques. Et en particulier la connaissance d une théorie abstraite n'est souhaitable que si l'on ait l'appliquer dans des situations variée.

En préparant ces recueils nous nous sommes constamment heurtés à deux exigences contradictoires: d'une part, la plupart des énonces ne prennent leur- valeur qu'à la faveur des commentaires pédagogique, présen-tés en face du texte, et qui reposent souvent sur la connaissance de la solution. Mais d'antre part, nous semblons céder trop souvent à la tentation que nous dénonçons constamment: souffler prématurément la réponse et ne pas laisser au professeur le temps de chercher lui-même, chaque fois que cette recherche lui serait profitable. Car si l'on admet qu'un des buts de notre enseignement est d'apprendre à nos élèves à résoudre des problèmes, il est clair que le maître doit avoir une expérience vécue de l'aventure de recherche de la solution. N'hésitons pas à affirmer que certains problèmes ne peuvent pas être présentés valablement aux élèves par un professeur qui, ne l'ayant jamais cherché, ne peut pas se rendre compte de ce qu'il faut attendre de la part de celui qui cherche. Chaque fois que nous pensons que le risque de dévoiler prématurément la réponse est trop grand, nous renvo-yons le commentaire en appendice, sous un numéro entre double crochet, [[ ]]. (Le simple crochet [ ] renvoie à la bibliographie). Et lorsqu'il nous a paru souhaitable que le professeur "séchât" un mois ou deux et trouve lui-même la solution nous avons renvoyé la réponse à des références bibliographiques volontairement difficilement accessible. De toute façon l'équilibre entre le désir d'épargner certains efforts inutiles à des collègues surcharges de tâches et la nécessité de les inciter parfois à un effort éminemment formateur est malaisé à obtenir.

Notre travail veut aussi réagir contre la routine qui s'installe si faci-lement dans L'enseignement. Certaines idées pédagogiques intéressantes au départ se stéréotypent rapidement, transmises de maîtres en maîtres, de manuels en manuels et les élèves sont encouragés à apprendre par cœur la solution de certains exercices "bien connus" pour réussir à leurs examens !

Nous ne sous-estimons pas le danger de voir nos propres innovations donner lien, en peu de temps, à d'autres stéréotypes.

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Pour retarder ce fâcheux phénomène de vieillissement wons nous pro-posons de rassembler délibérément, sur chaque sujet traité, une quantité de documents qui dépasse de beaucoup les possibilités d'utilisation d'un maître ou d'un interrogateur. Si chacun résiste à la tentation des reprendre tous les ans les mêmes exercices, dans le mime ordre, dans les mêmes classes ou aux mêmes examens. On évitera dans une certaine mesure la sclérose redoutée.

Classification des énoncés Aux diverses activités de I'élève et du professeur correspondent des énoncés dont la finalité est différente. Nous en distinguerons sept catégories, sans nous dissimuler que cette classification n'est ni exhaustive, ni non-disjonctive.

Cependant le tableau suivant nous semble fondamental:

Sigle

Catégorie d'énoncés Comportement de l'élève Comportement du professeur

EE: Exercices , d'exposition. Apprendre Acquérir des connaissances

Exposer incomplètement Transmettre des

P Problèmes. Chercher. "trouver."

Susciter la curiosité. Encourager la persévérance dans la recherche

ED Exercices didactiques. S'entraîner. Acquérir des mécanismes

Fixer des connaissances, des aptitudes, des habitudes.

ETT

Exécution de tâches techniques. Prendre ses responsabilités, Mener un travail à bonne fin en prenant l'engagement de ne pas laisser subsister d'erreurs.

Inciter a la minutie: au soin. Exiger un "travail bien fait.

A Exemples d'illustration. Exercices d'application.

Transférer des cconnaissances théoriques dans un contexte pratique.

Rattacher l'abstrait a d autres centre. d intérêt..

M Mamipulations. Observer. Expérimenter. Bricoler.

Motiver Ies résultats d'une étude abstraite ultérieure.

T Tests. Sujets de compositions. d examens, de concours.'

Vérifier la valeur de ses connaissances Faire valoir ses aptitudes.

Contrôler les résultats de l'enseignement sur chaque élève.

Chacune de ces catégories, relève d'une pédagogie différente. Les énon-cés correspondants se rédigent conformément à des principes variés, parfois opposés.

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Un énoncé est généralement composé sur un thème. Mais de même qu'un motif musical peut se présenter, au choix, sous la forme d'une java ou d'une marche funèbre, de même mue idée mathématique peut fournir des exercices dont la finalité est tout à fait différente. Le professeur doit être entraîné à transposer tin énoncé d'une catégorie à utile autre.

Il est temps de formuler les principes généraux d'une pédagogie de l'exercice et du problème. Quelques auteurs ont déjà déblayé le terrain en se cantonnant clans l'étude d'une des catégories précédente. (Par exemple, Georges Polya [1], [2]. [3], [4] s'est occupé, d'une façon magistrale, de la pédagogie de la recherche des problèmes (P)). Mais la réflexion globale reste à faire. Le travail présenté ici est une contribution à cette importante étude [5], [5 bis].

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CHAPITRE 1

EXERCICES D'EXPOSITION

L'intérêt de ces énoncés se concentre sur leur contenu mathématique : ici, l'objectif mathématique est une transmission de connaissances. Le cours n'est réservé, d'ordinaire, qu'aux questions fondamentales du programme exigibles aux examens; on préfère donc "mettre en exercices" des points plus marginaux. Il s'agit de compléter la documentation des élèves, tout en leur laissant le soin d'achever quelques calculs ou quelques raisonnements.

La difficulté de résolution de l'exercice reste donc à l'arrière-plan... Bien au contraire, elle constituerait même un facteur nuisible, dans la mesure où elle entrave la transmission rapide de l'information. C'est pour-quoi la technique la plus usitée de "mise en exercices" consiste à opérer un découpage en une succession de questions très faciles : chaque fois qu'un obstacle risque de surgir, l'énoncé révèle (et parfois "parachute') l'artifice qui permet de la surmonter. La solution se réduit alors à une suite de vérifications immédiates où ni l'imagination, ni la chance ne sont sollicitées.

C'est ainsi que sont rédigés plus de la moitié des exercices de Bourbaki; il en est de même de la plupart des énoncés (qui ne se réduisent pas à une ligne) que l'on trouve dans les manuels scolaires.

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Voici un exemple typique:

Exercice 1 Factorisation d'un trinôme bicarré

1) Factoriser les trinômes x4 + x2 + 1 et x4 + 1 en faisant apparaître des différences de carrés. 2) Pour factoriser le trinôme x4 +px² + q (où p et q sont des nombres réels) on distinguera deux cas: a ) Si p2 - 4q > 0, on utilisera le changement de variable X =x2 .

β) Si p2 - 4q < 0 , on démontrera que l'on peut écrire le trinôme sous la forme (x2 + a)2 - 62x2 où a et b sont des nombres réels, à déterminer. 3) Appliquer ces méthodes à la factorisation des trinômes bicarrés suivants:

x4 - 13x2 + 36 9x4 - 6x2 + 1 x4 + 2x2 - 15 4x4 - 17x2 +4 3x4 + 16x2 + 5 x4 +2.2+9

On notera le caractère marginal du thème, et le "parachutage" de l'écriture x4 + px2 + q = (x2 + ϖq-)2 - (2ϖq − p)x2 qui apparaît en ⇓). Pour des raisons pédagogiques qui seront analysées (après l'exercice 4 bis) on redouble de prudence dans le choix des indications fournies aux élèves.

L'objectif pédagogique, disions-nous, est d'informer les élèves sur des points marginaux du programme. On aimerait attirer leur attention sur ces curiosités, qui sont parfois les "perles" des mathématiques, que tout lycéen cultivé devrait connaître. Malheureusement, il faut reconnaître que le ren-dement pédagogique est rarement à la hauteur du but poursuivi. Trop souvent, l'élève ne remarque même pas l'intérêt de ce qu'on lui présente et il l'oublie aussitôt. La transmission de connaissance a échoué. Pourquoi ?

Pourquoi ? Eh bien ! , c'est parce qu'un élève n'est pas un ordi-nateur ! Un ordinateur retient instantanément et indéfiniment tout ce qu'on enfourne dans sa mémoire. Mais le professeur doit engager un véritable combat contre toutes les possibilités de distraction de sa classe. Pour que l'élève retienne un fait, il est souvent nécessaire qu'un élément affectif vienne valoriser le renseignement: effet de surprise, de "suspense", d'admi-ration, joie d'avoir surmonté une difficulté, sympathie qu'inspire l'infor-mateur, etc. etc.

Or la technique usuelle de "mise en exercices" s'ingénie précisément à éliminer tout élément affectif. On s'acharne, au contraire, à adopter un ton neutre, impersonnel, terne, pour présenter les plus belles fleurs de la mathé-matique.

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Exemple 2

La formule de Héron S = p(p-a)(p-b)(p-c) s'établit grâce à un calcul élégant que l'on a intérêt à faire exécuter.

Mais il ne faut pas rater l'occasion de signaler que ce résultat a été obtenu au premier siècle de notre ère, alors que le calcul algébrique n'était pas inventé. Il s'agit donc d'un exploit digne d'admiration, et le professeur qui suscite cette admiration ne perd pas son temps [6] , [15].

Lorsqu'on décide de présenter un résultat sous forme d'exercice d'exposition, il est indispensable de faire connaître les raisons qui ont motivé ce choix. Que l'élève sache par avance quel spectacle on l'invite à admirer. Un exercice d'exposition devrait comporter un titre.

Exemple 3

Le problème de mathématiques élémentaires de l'agrégation masculine (1929) était un médiocre problème de concours (considéré comme test). C'est par contre un excellent exercice d'exposition. Il présente sous une forme très économique (i.e. sans exiger beaucoup de connaissances préalables) la géométrie non-euclidienne de Lobatchewsky [7].

Malheureusement, l'auteur du texte s'est gardé d'indiquer ce point capital (sous prétexte de ne pas déborder le programme officiel du concours). Les nombreux agrégatifs qui continuent à s'exercer sur cet énoncé, tout en ignorant de quoi il s'agit, en tirent un profit pédagogique nul! Pourtant, convenablement modifié, placé dans son contexte, cet énoncé remplace avantageusement un long cours magistral sur la géométrie non-euclidienne.

Exercice 4

L'énoncé qui suit est tout à fait typique. Il illustre une faute pédagogique fort répandue.

Soit P(X) le polynôme X(1 + X)n où n est un entier supérieur à 1. 1) Développer (1 + X)n par la formule de Newton, puis développer le produit X(1 + X)n. On obtient ainsi une deuxième expression de P(X).

2) Calculer P'(X) en utilisant chacune de ces expressions. 3) Montrer que

(A) ( ) ( )⎛ ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟⎝ ⎠ ⎝ ⎠ ⎝ ⎠

n n n n-11+2 +3 +L+ n+1 = n+2 21 2 n

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Qu'est-ce qui peut bien inciter un professeur à proposer cet exercice ? Assurément, ce n'est pas le résultat final (A), trop particulier pour mériter d'être connu et retenu isolément. Non! L'objectif est de faire connaître une méthode d'usage fréquent, qui permet de calculer des sommes analogues. Bref, il s'agit d'enseigner une méthode.

Celle-ci comporte trois artifices qui se camouflent derrière cet énoncé. a) D'abord l'idée féconde suivante: une égalité numérique peut s'obtenir en effectuant une substitution dans une identité littérale. Ici on associe au premier membre de (A) la fonction génératrice

(B) ( ) ( ) ( )2 nn n n1+2 X+3 X + +(n+1) X1 2 n

Mais comme l'énoncé place la seconde question juste avant la troisième, l'élève qui aura l'expression (B) sous le nez remplacera X par 1, sans soupçonner qu'il s'agit là d'une construction ingénieuse et qu'il aurait dît être capable d'inventer lui-même l'identité (B) pour obtenir (A). La portée et la généralité de la méthode passent complètement inaperçues. b) la seconde idée présente une utilisation possible des dérivées. A partir d'identités connues, il est possible d'en déduire d'autres par dérivation ou intégration. (Ainsi, de l'identité d'Euler

(x-a)(b-c) + (x-b)(c-a) + (x-c)(a-b) = 0 on peut déduire l'identité de Stewart, par intégration). Ici l'énoncé escamote soigneusement la généralité du procédé puisqu'il fournit immédiatement le point de départ (la formule du binôme), le procédé (la dérivation) et presque le résultat (la formule (A) ). e) Si l'on tentait de dériver (1 + X)n au lieu de X (1 + X)n on n'aboutirait pas exactement au résultat demandé. 1l serait intéressant d'inciter les élèves à faire cette tentative et à imaginer un "coup de pouce" qui rétablit la solution.

Mais dans la version proposée par l'énoncé, il ne se passe décidément rien! La rédaction est parvenue à rendre insipide une aventure qui aurait pu passionner le débutant inexpérimenté. S'il s'agit d'un élève travailleur qui connaît la formule de Newton et sait dériver un polynôme l'affaire est dans le sac en cinq minutes, et, trois minutes après tout est oublié, puisqu'il ne s'est rien passé, qu'il n'y a rien à retenir, et aucun enseignement à en tirer.

S'il s'agit d'un élève plu: faible, qui oublie ses leçons, le profit de l'exercice est peut-être de l'obliger à s'en souvenir. Mais on doute que ce soit là l'objectif que visait l'auteur de l'énoncé.

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On pourrait évidemment se borner à demander une démonstration de

la formule (A), sans fournir d'autres indications. Mais pour l'élève inexpé-rimenté ce serait un problème (Cf.. chapitre 2). N'est-il pas cependant possible de composer un exercice d'exposition qui ne gâche pas irrémé-diablement le bénéfice de l'énoncé ?

Par exemple, on peut proposer la rédaction suivante:

Exercice 4 bis Une méthode de sommation 1) Démontrer la formule (A), en décrivant une identité classique, convenablement modifiée.

2) Calculer de la même façon

( ) ( ) ( )2 2 2n n n1+2 +3 + +(n+1)1 2 n

Des professeurs pessimistes rétorqueront que leur classe est faible, que la présence des coefficients (k) ne suggère pas suffisamment la formule de Newton et qu'un tel texte exigera un temps de recherche trop long.

Voici donc une stratégie pédagogique qui ne prend pas plus de temps que l'énoncé 4, mais qui étale l'opération sur plusieurs semaines. On insérera l'exercice 4 bis dans une batterie d'exercices: Dans un premier temps on demandera le calcul de

( ) ( ) ( ), ,∑ ∑ ∑ =k kn n n(-1) et 2 pour k nk k k

laissant le soin aux élèves d'utiliser la formule du binôme, non mentionnée, comme fonction génératrice. D'autre part, on demandera le calcul

pour k = n de Σ k-1k x puis de Σ kk x

ce qui introduit les deux autres artifices mentionnés. Une semaine après cette préparation pédagogique, on soumettra la première question de l'exer-cice 4 bis. L'effort demandé ici se bornera à faire un rapprochement avec des exercices antérieurs. Si ceux-ci sont oubliés, ce rappel sera hautement salutaire. Puis, un mois après, on proposera la fin de l'exercice 4 bis, pour contrôler l'assimilation de la méthode.

Un autre défaut du style de présentation parcellaire des exercices d'exposition est particulièrement nocif lorsque l'énoncé est long: l'élève

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s'embourbe dans des vérifications successives, sans saisir le fil directeur de l'énoncé. On atténuera cet effet fâcheux, en annonçant d'entrée de jeu le sujet présenté dans l'exercice et on présentera l'idée générale de la méthode utilisée avant de passer à l'exécution des étapes intermédiaires. Le plan doit précéder sa réalisation.

Lorsque ce préambule n'aura pas été fourni au départ, le professeur prendra soin de faire établir le bilan des étapes parcourues en fin d'exer-cice. Comprendre un raisonnement c'est l'appréhender globalement et non pas saisir chacun de ses syllogismes isolément.

En conclusion, la rédaction d'un exercice d'exposition ne doit pas s'ingénier à épargner tous les efforts à l'élève. Elle doit au contraire chercher à les doser et à les choisir en ne laissant subsister que ceux qui concourent à l'objectif pédagogique visé : la transmission correcte de connaissances.

Mais inversement, certaines connaissances peuvent s'acquérir à peu de frais d'une façon totalement passive. C'est ce qui se passe dans les exercices de contemplation.

Exemple 5 Il existe des fonctions continues dépourvues de dérivée en un point. Si l'on réalise un dessin, en couleurs attrayantes avec quelques détails humoristiques représentant le graphe de la fonction t—>| t | , et surtout de la fonction t—>t sin(1/t), avec sa corde qui "frétille" au voisinage de l'origine et qu'on l'affiche dans la classe pendant un mois, le phénomène se gravera certainement dans toutes les mémoires, sans perte de temps ni effort excessif.

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CHAPITRE 2

LES PROBLEMES

L'éducation mathématique développe occasionnellement la mémoire, la minutie, le sens pratique, les facultés d'abstraction, etc. Mais le plus important est de cultiver l'intelligence qui est l'aptitude à faire face à des situations nouvelles et à saisir des relations. C'est la recherche de "problè-mes" qui est donc l'activité mathématique la plus importante.

Contrairement aux exercices d'exposition, le contenu mathématique importe peu dans un problème. L'important est de susciter un élan de curiosité et de déclencher un comportement de recherche.

Cependant notre système d'enseignement méconnaît gravement cet aspect. Nombreux sont les étudiants qui sortent brillamment diplômés de nos universités sans avoir vraiment résolu un seul problème de leur vie : il ne leur est jamais arrivé d'être obsédé par une question pendant plusieurs semaines, d'avoir lentement pris conscience de la nature des difficultés, et d'aboutir à la suite d'un long processus à une illumination qui dévoile la réponse.

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L'initiation à la recherche des problèmes va à l'encontre de certains préjugés "moraux". La curiosité (abusivement confondue avec l'indiscrétion) est souvent considérée comme un "vilain petit défaut" car "il ne faut pas chercher à comprendre". Nombreux sont ceux qui se sentent coupables lorsqu'ils "sèchent" longtemps sur un problème; ils ont à tort l'impression de perdre du temps, alors que l'attitude plus efficace qui consisterait à se reporter immédiatement à une réponse toute rédigée, nous semble au contraire condamnable.

Tout enseignement mathématique digne de ce nom doit initier l'élève à l'aventure du problème. Pour cela, l'éducateur devra briser bien des obsta-cles extra-scolaires qui incitent à la passivité et au conformisme.

La recherche de problèmes n'est pas une activité scolaire compatible avec des horaires stricts, réalisée en temps limité. Il est impossible d'exiger d'un élève qu'il résolve un problème et remette la solution par écrit, à échéance fixée. Le succès ne petit donner lieu à une bonne note; puisque l'échec ne saurait être sanctionné. Il s'agit donc d'une activité libre, à laquelle on se livre par goût d'une façon désintéressée. On comparera le statut du Problème, dans l'enseignement des mathématiques, à la lecture des oeuvres littéraires, ne figurant pas au programme, dans l'enseignement du français.

Le maître sèmera, de temps en temps, des idées de problèmes dans l'espoir de récolter un comportement de recherche. Mais lorsque l'inspecteur viendra passer vingt minutes dans la classe, il n'apercevra pas ce qui germe dans la tête des enfants, et il ne pourra juger si l'initiative du professeur est sur le point de porter ses fruits. Ainsi, s'agit-il aussi pour le maître d'une activité gratuite, à laquelle il n'est pas réglementairement astreint.

Cependant la résolution d'un problème est une aventure d'une telle intensité qu'elle fait date dans la mémoire de tous ceux qui l'ont vécue. Heureux le professeur qui la révèle à ses élèves!

On pense généralement qu'il s'agit là d'une activité réservée aux seuls génies cri herbe. Il n'en est rien'.

De très jeunes enfants, des débiles mentaux et même (les animaux parviennent à résoudre des problèmes [8] . La seule différence est que des individus d'intelligence exceptionnelle résoudront des problèmes très diffi-ciles, alors que des gens moins (loués ne viendront à bout que de questions compatibles avec leur niveau. L'histoire ou la légende relate les Eurékas

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mémorables d'Archimède, Newton ou Gauss, mais on ne prend pas la peine de conter comment des individus moins doués ont découvert des vérités de La Palice.

Cependant les comportements de recherche sont analogues, bien que plus maladroits.

Exemple 1

Dans une classe de quatrième, réputée faible en mathématiques, les élèves n'avaient encore résolu que des exercices d'exposition, jalonnés d'indi-cations qui conduisaient à la solution.

C'est alors que le professeur, s'inspirant d'une idée d'André Myx, dessina la figure suivante au tableau, où les segments fléchés sont parallèles à l'un des côtés du triangle eu traits pleins. Il suggérait ainsi à la classe de déceler une particularité de cette figure. La "question" était proclamée facultative, ne donnant lieu à aucune note: aucun délai n'était fixé.

Il n'en fallu pas plus pour susciter le désir de se mettre au travail... C'est l'effort librement consenti qui est toujours le plus joyeux, donc le plus profitable.

La semaine suivante, le professeur fut harcelé de questions à la fin du cours, sur ce qui était vraiment demandé. La seule indication fournie fut l'incitation à dessiner soigneusement de nombreuses figures pour observer le phénomène. Ce ne fut que la semaine suivante que quelques groupes émirent l'opinion qu'il semblait plausible que la ligne, convenablement prolongée devait se refermer... Le professeur résista à la tentation de souffler la réponse et de dicter un corrigé. Enfin, la semaine suivante quelques élèves parvinrent à démontrer la conjecture.

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Certains souriront peut-être, en pensant qu'il a fallu trois semaines à ces élèves faibles pour venir à bout d'une question triviale. Mais pour les lycéens concernés, il s'agit - n'en doutons pas - d'une étape qui fera date dans leur formation mathématique. Ce sera le premier problème qu'ils auront résolu sans aide. Quiconque a déjà résolu un problème, en résoudra ultérieurement d'autres, qui ne seront pas nécessairement aussi faciles. Un palier décisif dans l'éducation mathématique sera ainsi franchi.

Cet épisode comporte un autre enseignement pédagogique: la recher-che d'un problème peut être fort longue et le maître doit résister à la tentation de "dicter un corrigé" trop tôt. De nombreuses observations révèlent que des professeurs, sceptiques sur l'aptitude de leurs élèves à surmonter des difficultés, ont eu la surprise d'être démentis par les faits, mais dans des délais beaucoup plus longs qu'ils croyaient raisonnables d'octroyer au départ.

Nous sommes très mauvais juges pour estimer la difficulté d'une question pour nos élèves. Le mathématicien adulte sous-estime certaines difficultés, même pour les débutants doués.

Exemple 2 A Moscou, dans une classe d'élite, un jeune vainqueur d'Olympiade mit plus de quinze jours pour réinventer la démonstration de la continuité du produit de deux fonctions continues. Le "truc" est pourtant classique; mais a quatorze ans, le champion l'ignorait. Et, après tout, cet artifice n'est pas si facile à redécouvrir ! (f(x) g(x) − f(x) g(a) + f(x) g(a) − f(a) g(a)) .

Inversement un professeur qui n'aurait jamais résolu un problème lui-même sera tenté de sous-estimer la possibilité d'en résoudre. Au lieu d'encourager l'élève à la persévérance dans la recherche, il aurait plutôt tendance à freiner l'initiative. Il pensera: "Ne cherchez pas ! vous n'y arriverez jamais, c'est impossible à trouver! ".

L'entraînement à la recherche de problèmes, (l'heuristique) est donc un des éléments les plus importants dans la formation mathématique des maî-tres.

Dans un problème ce n'est pas le contenu mathématique, c'est l'inci-tation à un comportement de recherche qui importe. Un problème perd de sa valeur, dès que la réponse est connue.

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Exemple 3 L'intérêt du problème diophantien de Fermat (an + bn = cn) ne tient pas à sa réponse éventuelle: à quoi nous servirait-il de savoir qu'il existe un nombre n, qui s'écrirait avec cinquante chiffres dans le système décimal, pour lequel l'équation de Fermat admettrait une solution non triviale ?

Mais l'énoncé est si court, si simple que son apparence facile a exercé une réelle fascination sur des générations d'amateurs, qui ne soupçonnaient pas la nature de la difficulté et ignoraient les travaux de Kummer sur ce sujet.

Un bon énoncé de problème doit "appâter" adroitement l'élève sous une apparence anodine. Mais dès qu'on s'y essaie, on se sent empoigné à mesure que la solution se dérobe. Le véritable connaisseur refuse alors de se laisser souffler la réponse en même temps qu'il désire ardemment la trouver.

Un énoncé de problème se rédige d'une façon radicalement différente d'un exercice d'exposition. On ne jalonnera l'énoncé d'aucune indication susceptible de dévoiler les "astuces". Au contraire il y a un art de dissimuler la difficulté, de provoquer le défi, de proposer des enjeux (non nécessairement matériels), de stimuler le désir de vaincre. Ce camouflage de la solution n'est pas motivé par le désir cruel de faire chercher inutilement, mais au contraire de provoquer l'effet de surprise lorsque la réponse se dévoilera: il s'agit de renforcer le contraste entre l'obscurité initiale et l'évidente simplicité de la réponse... lorsqu'on l'aura trouvée.

Pendant la durée de la recherche, il y a un art de relancer l'intérêt et d'encourager à persévérer, tout en se retenant de révéler la réponse.

On trouve beaucoup d'énoncés de problèmes dans les recueils consacrés aux Olympiades [9], [10], [11], [12], [12 bis], ainsi que dans la rubrique spéciale de l'"American Mathematical Monthly". Signalons en particulier, la compétition William Lowell Putnam, dont les résultats sont relatés dans cette revue américaine.

Pour développer l'art de poser des problèmes, le pédagogue pourra s'inspirer de l'oeuvre de Samuel Loyd (1841 - 1911) [13], [14]. Ce génial compositeur de puzzles a alimenté les magazines américains de devinettes, charades, rébus, etc. d'une rare subtilité. C'est un des maîtres de la composition du problème d'échecs; il a aussi composé, des problèmes de bridge. Mais il est surtout inégalable dans sa façon d'envelopper sa marchandise, de présenter quelques questions mathématiques apparemment sans intérêt sous une forme provocatrice qui incite à vouloir la résoudre. Examinons d'abord, à titre d'exemple, le puzzle suivant:

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Exemple 4 Trouver l'ensemble des points A du globe terrestre tels qu'en partant de A, en se déplaçant d'abord de mille kilomètres vers le sud, puis de mille kilomètres vers l'est et enfin de mille kilomètres vers le nord, on se retrouve au point A.

Voilà bien un énoncé diabolique! N'importe qui trouvera facilement un point A répondant à la question et pensera d'abord que c'est le seul... Il trouvera la question sans intérêt. Avant ainsi perdu nue première fois son pari, il finira par trouver un autre ensemble (moins évident) de points A. Mais las ! il ne sera pas encore au bout de ses peines.

Un premier genre de problèmes a pour prototype l'Oeuf de Christophe Colomb: la découverte de sa solution ne semble dépendre que d'un heureux hasard! Cependant, lorsqu'on se donne la peine d'analyser la démarche d'un esprit qui parvient à le résoudre, il est rare que l'on ne trouve pas une voie naturelle qui mène à la réponse.

On appelle heuristique l'étude de ces cheminements de pensée.

Exemple 5 Analyser les associations d'idées qui peuvent conduire à multiplier sin x + cos x par

22 pour aboutir à l'identité

sin x + cos x = 2 sin (x + 4π )

Si, au premier abord, la multiplication par 22

est un " Deus ex

machina" inexplicable, on conviendra qu'au terme d'une telle analyse, il est b ien nature l de rapprocher s in x + cos x de l 'express ion cos a sin x + sin a cos x dans le cas où cos a = sin a . On y est d'ailleurs conduit plus naturellement, à la suite de l'étude expérimentale d'un "mouvement vibratoire" a cos x + b sin x .

Celui qui prend la peine d'examiner les voies qui l'ont conduit à résoudre un problème, fait des progrès rapides car il est rare qu'un ensei-gnement de portée générale ne puisse être tiré de chacune de ces aventures de recherche particulières [15] . D'autres problèmes exigent moins de "génie". Leur difficulté provient d'une accumulation de petites difficultés.

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Problème 6 Pour quels entiers n>3 existe-t-il deux nombres réels a et b (0 <a <b) et un ensemble E de n points du plan euclidien tel que la distance de tout couple de points distincts de E soit égale à a ou à b ? [9] Vol.2, problème 108 a.

On constate en première analyse, que la solution résulte d'un examen détaillé de divers cas de figures. Pour n = 4 , on obtient six valeurs de b correspondant à a = 1. Chacun des cas particuliers n'est pas difficile. Néanmoins, il s'agit bien d'un problème, dans la mesure où le chercheur doit imaginer un plan d'attaque et mener à bien un long programme. (Évidemment ce plan ne doit pas être fourni par l'énoncé).

Résoudre un problème, c'est souvent le réduire à une suite de nombreuses vérifications. Il s'agit d'insérer, entre les données et la réponse, une chaîne de questions faciles. Mais la difficulté consiste à imaginer l'itinéraire de pensée qui conduit à la conclusion.

Il convient d'entraîner les débutants à intercaler une ou deux étapes intermédiaires dans une démonstration. Un professeur d'enseignement secondaire doit être apte à trouver les quatre ou cinq chaînons qui inter-viennent dans un problème: les mathématiciens professionnel, échafaudent couramment des raisonnements qui nécessitent la découverte d'une cin-quantaine d'intermédiaires. Pour y parvenir, ils s'imprègnent progres-sivement, pendant des mois, de la compréhension du problème; et peu à peu, ils prennent conscience des difficultés partielles qu'ils auront succes-sivement à surmonter.

"Toutes les fois qu'une difficulté se présente, nous devons être capables de reconnaître aussitôt, s'il est possible d'examiner préalablement certaines cho s e s , que l l e s e l l e s son t e t dans que l o rdre i l f au t l e s exami -ner" (R. Descartes - Règles pour la direction de l'esprit - Règle VI).

Dans les raisonnements les plus quotidiens, on a souvent à atteindre un but, où l'on ne connaît que la situation initiale et le résultat escompté: on ne dispose généralement pas d'un professeur complaisant qui vient mâcher la besogne, cri nous soufflant l'ordre (les opérations à effectuer. N'importe quel mécanicien qui recherche la panne d'un moteur, ou n'importe quelle couturière, avant de donner le coup de ciseau irréparable, doivent appren-dre à aborder une difficulté et à réfléchir au "timing" avant d'entreprendre une série de tâches. Il s'agit donc d'un entraînement qui n'est pas exclu-sivement réservé aux seuls futurs chercheurs mathématiciens.

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Une technique pédagogique qui conduit l'élève à planifier préala-blement la recherche d'un long problème consiste à biffer systémati-quement quelques questions intermédiaires dans un long énoncé d'exercice d'exposition.

On peut aussi indiquer clairement, en début d'énoncé, l'objectif visé; puis énumérer en vrac une liste d'indications qui pourraient s'avérer utiles pour atteindre ce but. On demande alors à l'élève d'organiser ces indi-cations dans l'ordre qui mène à la solution.

Exemple 7 On trouve dans [16], pages 95 et 97, la marche à suivre pour démontrer les trois tautologies classiques:

(1) P ou ←P (théorème du tiers exclus) (2) P ⇒ ←← P (premier théorème de la double négation) (3) ←← P ⇒ P (deuxième théorème de la double négation)

en partant des quatre axiomes de Hilbert - Ackermann et des critères de déduction dûment formulés.

D'après [16], il faut cinq, sept et quatorze chaînons de raisonnement pour démontrer respectivement les trois tautologies.

Chacun de ces chaînons est immédiat, mais la découverte de l'enchaî-nement qui conduit à la démonstration de (3) devrait prendre plusieurs semaines d'effort à un chercheur ignorant la question.

Ce problème pourrait inciter le professeur à une réflexion heuristique: il demandera, par exemple, de reconstituer la démonstration de (1) et il observera scrupuleusement le comportement de recherche des élèves qui aboutissent en fin de compte à la réponse.

On peut évidemment proposer ce problème, dans le style d'un exercice d'exposition, en découpant l'énoncé en 14 intermédiaires: c'est sans intérêt. Une autre technique consistera à présenter ces 14 intermédiaires dans un ordre arbitraire, demandant aux élèves d'organiser la démonstration en reconstituant l'enchaînement.

Enfin, on peut se borner à ne fournir que 4 ou 5 des intermédiaires. La méthode de recherche consistera alors à constituer systématiquement, par analyse et synthèse, (Cf [17] p. 108) des chaînes de déductions partielles. On essaiera ensuite de les placer bout à bout. Et pour finir, lorsqu'on aura trouvé une démonstration, on tentera de trouver des raccourcis aux longs trajets préalablement obtenus.

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Ce problème rentre dans la vaste catégorie des problèmes de reconsti-tutions, chers aux archéologues, aux amateurs de romans policiers et aux joueurs de bridge (lorsqu'ils essaient de deviner la composition des mains adverses). E n algèbre et en géométrie, ils interviennent constamment lorsqu'on doit opérer des constructions, lorsque l'énoncé ne décrit qu'une portion de la figure ou de la formule. Il convient d'abord de retrouver des éléments manquants. (Cf. exemple 2, ci-dessus).

Pour éveiller la curiosité, le professeur dispose d'un large éventail de techniques pédagogiques: il pourra proposer des problèmes ouverts, basés sur des conjectures dont on ne sait pas à priori s'il faut les démontrer, ou les réfuter en construisant un contre-exemple; il pourra modifier un énoncé de façon à le transformer en problème ouvert [19].

On présentera aussi des énoncés non formulés, tels que l'exemple 1, ou encore l'énigmatique:

Exemple 8

24 = 42

qui peut susciter diverses recherches selon les questions que l'on voudra bien se poser à son propos.

Pour clore ce chapitre citons deux sortes de problèmes dont il ne faut pas abuser: les casse-tête, dont la solution s'obtient après de longs tâton-nements sans qu'une méthode rationnelle ne soit susceptible d'abréger les essais, et les devinettes où cet élément rationnel est totalement absent.

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CHAPITRE 3

LES EXERCICES DIDACTIQUES

La pédagogie traditionnelle insistait surtout sur l'acquisition des méca-nismes de base. La pédagogie nouvelle s'attache d'abord à la compréhension des notions étudiées; mais elle ne néglige pas l'apprentissage de l'auto-matisme dans l'emploi des notions comprises. Les exercices didactiques doivent être spécialement composés pour s'y entraîner. En anglais une telle question se nomme drill.

Les manuels contiennent, en fin de chapitre, de longues listes d'exem-ples numériques qui sont des applications immédiates du cours. Leur intérêt ne tient ni au contenu scientifique, ni à la difficulté. Au contraire, ces exercices doivent être exécutés instantanément, sans tâtonnement, ni hési-tations. Pour les réussir (oralement, mentalement, par écrit ou au tableau) il suffit de connaître le cours et d'être soigneux. On peut donc exiger que tout élève les réussisse avec aisance, sécurité, rapidité. Ces énoncés s'adap-tent particulièrement à la vie scolaire, et aux restrictions d'horaires: leur durée d'exécution est facilement prévisible, et ils s'accommodent aisément d'une différence de niveau entre les élèves d'une classe. Enfin, ils inter-viennent tout naturellement dans les examens: le correcteur n'a pas de

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difficultés ni de scrupules à les noter. Il est très difficile d'apprécier si un candidat a acquis un niveau de culture compatible avec certains grades, mais il est aisé de vérifier objectivement qu'il sait effectuer les quatre opérations, résoudre une équation du second degré, calculer une dérivée ou rédiger un raisonnement par récurrence. Nombreux sont les professeurs ou les manuels qui semblent ne connaître que cette catégorie d'exercices. Ils conçoivent leur enseignement comme une préparation exclusive à un examen dont le programme comporte une liste exhaustive de questions-types auxquelles il suffirait d'entraîner les élèves. Même s'ils enseignent dans une classe où l'année scolaire n'est pas sanctionnée par des épreuves, on entrevoit cette conception pédagogique dans leur façon d'enseigner.

En réaction à cette vue étroite, d'autres pédagogues condamnent les énoncés didactiques qui se résolvent en appliquant mécaniquement une règle, en se livrant à une liste de vérifications fastidieuses, sans jamais faire appel à l'intelligence.

Ces deux points de vue sont excessifs. Le professeur dispose d'une palette étendue de techniques pédagogiques dont il doit se servir avec éclectisme. L'enseignement doit comporter une part de "dressage", limité dans ses objectifs, mais néanmoins indispensable. Pour y parvenir il faut user d'exercices spécialement composés dans ce but; il rie faut pas en abuser. Un énoncé didactique est en général facile et -banal pour l'élève. Mais le pédagogue doit faire preuve de beaucoup d'ingéniosité pour y doser les répétitions (qui ne doivent pas être trop fastidieuses) et les progressions (ce qui demande une bonne compréhension des processus d'apprentissage des élèves). Généralement, les exercices didactiques se présentent sous forme de batteries, où chaque question isolée n'offre guère d'intérêt, mais où l'agencement est primordial.

Exemple 1

Tout livre de calcul, destiné à l'école élémentaire, contient des listes de divisions à effectuer. Il peut sembler que les auteurs y choisissent au hasard des dividendes et des diviseurs. Un examen approfondi des meilleurs ouvrages révèle au contraire un choix délicat, -dont l'élève n'est pas conscient. On commence par ne faire intervenir que les tables de multipli-cations "faciles" (1, 2 ou 5) puis on introduit progressivement d'autres chiffres. Ce n'est que tardivement qu'apparaissent des zéros intercalés au quotient, puis des divisions telles que 20 929: 299 qui cumulent de grosses difficultés (pour un écolier de dix ans! ).

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De telles subtilités aident considérablement l'enfant dans son appren-tissage. De même la confection d'un abécédaire peut sembler facile à bâcler. Cependant, dans l'Antiquité, les enfants apprenaient à lire dans des livres d'adultes, philosophiques et abstraits, et il leur fallait quatre ou cinq ans pour lire couramment. Aujourd'hui, grâce à un matériel scolaire adapté au langage enfantin, on parvient à un meilleur résultat en quelques mois. La pédagogie des mathématiques semble très en retard sur d'autres disciplines, dans sa réflexion sur les exercices d'entraînement. L'enseignement public des mathématiques ne date guère que d'un siècle et demi, la notion d'exercice n'apparaît que vers 1820. Quel contraste avec l'éducation musicale! Il est remarquable que les plus grands musiciens (Jean -Sébastien Bach, Chopin, Schumann) n'aient pas dédaigné de s'associer à l'effort didactique. Et des pédagogues prestigieux ont mis au point des "Gradus ad Parnassum" de plus en plus efficaces dans l'enseignement des virtuoses en herbe.

Y a-t-il un grand mathématicien, dont les oeuvres complètes se rehaus-sent d'un "Petit livre du clavecin de Magdalena Bach", de deux recueils d'Études, ou d'un "Album pour la jeunesse"? Il n'y a guère que ce vieil original de Lewis Carroll qui ait consacré des efforts à ce travail pédago-gique ingrat: sa batterie d'exercices didactiques, consacrée à l'Algèbre de la Logique est justement célèbre [19], mais elle constitue une tentative isolée.

Des psychologues et des docimologistes affirment que plusieurs années de tâtonnements leur sont nécessaires pour mettre au point une batterie de tests. Cela devrait s'appliquer également à la rédaction des exercices didac-tiques.

Un premier type porte sur des exemples d'illustration, qui suivent sans délai l'énoncé d'une définition, d'un théorème ou d'une règle. Ils facilitent l'analyse des mots et des idées de cet énoncé. On y mêlera des questions de mise en garde contre des interprétations erronées.

Exemple 2 Dès que l'on aura défini "le degré d'un polynôme" on demandera de trouver le de-gré de :

3x2 + 1 3x3−5x − x3 − 2x2 − 2x3 − 1 2x3 − x + x5 − 1 ax2 + 5x + 1

Ce dernier exemple attire l'attention sur l'éventualité a = 0 . On pourra glisser x2 + 1

x parmi des exemples pour s'assurer que les élèves ont compris

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que la définition ne s'applique qu'à des polynômes!

Un second type est constitué par des batteries d'exercices d'entraî-nement, destinés à acquérir l'aisance, la rapidité et la sécurité dans l'exé-cution d'une tâche. Il s'agit de provoquer la répétition d'un comportement jusqu'à ce que l'automatisme soit atteint. Mais comme ce rabâchage risque de lasser, on prendra soin d'introduire à l'improviste un peu de fantaisie soit dans l'énoncé, soit dans la réponse.

Exemple 3 Au milieu d'un paquet d'équations du second degré on pourra placer des exemples tels que:

1 000x2 − 1 001 x + 1 000 = 0 x2 − 2x + 1 − a4 = 0

Parmi une liste de divisions, on proposera à l'écolier : 1 699 983 : 17 (qui conduit au quotient 99 999).

Pour introduire ainsi un élément esthétique dans les énoncés, on pourra puiser dans le florilège des "beaux calculs" que l'on trouve dans l'oeuvre d'Euler, de Cauchy, ou d'Hermite. Cela nécessitera parfois un effort d'adaptation:

Exemple 4 Pour initier le débutant au maniement des exposants, on peut utiliser les fonctions hyperboliques. Mais comme la fonction ex n'est pas assez élémentaire pour être présentée à ce stade, on pourra songer à poser :

( ) ( )n -n n -n1 1C(n)= 10 +10 S(n)= 10 -102 2

et reprendre tous les calculs de la trigonométrie hyperbolique (formule d'addition, transformation de sommes en produits, etc...).

On pourrait objecter que les fonctions hyperboliques ne prennent toute leur signification que dans le cadre des fonctions analytiques d'une variable complexe, et que ce n'est vraiment pas à des élèves de quatrième que l'on peut exposer artificiellement ces questions. Mais il ne s'agit nullement d'exposer une théorie. On se propose ici d'entraîner l'élève au calcul formel, et pour cela on désire exploiter une mine d'exemples élégants.

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En troisième lieu, on peut faire acquérir un savoir-faire à l'aide d'une batterie progressive d'exercices. On commence par les exemples les plus simples, et on injecte de nouvelles difficultés à dose homéopathique.

Exemple 5 Pour apprendre à simplifier les fractions, on pourra proposer une vingtaine d'exemples numériques commençant par

4 20 300; ; ; etc.6 30 600

en passant par: 101 3 003 20 402; ; ; etc.201 5 005 30 603

jusqu'à 594 823 321416 118 303

L'on notera que cette dernière fraction poserait un véritable problème si la progression des exemples qui la précède n'avait constitué une prépa-ration méthodique.

Exemple 6 [20] Factoriser les sommes suivantes: 35 km +9 km − 0,5km 7F + 3F − 5F 5 douzaines + 3 ⋅ 12 − 48 am2 + bm2 − 2m2 a2 − ab + 2a ax − ay + a ax2 + bx − x

2 xy2 + x2y − x4y4 a (ζ +η ) − b (ζ +η ) 2x + 4y − 6z x (1 + x

2 ) − (1 + x2 ) y a x+1 -b x+1-(x+1) a

am + n.bm + an.bm + n

En préparant une telle batterie on prendra des précautions pour que l'élève qui vient de faire les premiers calculs ne renonce à continuer, en pensant que "c'est toujours la même chose". Pour mettre un peu de variété dans une suite d'exercices de routine, on pourra songer aux artifices suivants:

Répétition d'un thème, plusieurs fois au cours d'un seul exercice.

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Exemple 7 [20] Après avoir fait factoriser:

(a +c)2 - (b +c)2 (x+ y)2 - (x − y)2 etc. on pourra continuer par:

(13x2 − 5y2)2 − (12x2 + 4y2)2 (a2 + b2 − c2)2 − 4a2b2 (a2 + b2 − 8)2 − (2ab − 8)2 4(ab + cd)2 − (a2 + b2 − c2 − d2)2

...etc…

Transformation d'un exercice de vérification en un exercice de reconstitution

Exemple 8

Au lieu de demander de vérifier qu'une relation définie entre deux ensem-bles grâce à un schéma sagittal représente une application (respectivement injection, surjection, bijection, etc.), on peut fournir un schéma sagittal où l'on demande d'ajouter ou de retrancher une ou plusieurs flèches de façon à obtenir une application (respectivement injection, etc...).

Ces techniques permettent de rompre avec la routine des longues vérifications d'axiomes, que l'on inflige si souvent de nos jours.

De plus, pour maintenir un état de vigilance, il est bon de glisser de temps en temps un exemple où une propriété que l'on demande de vérifier n'est pas réalisée.

Le champ d'utilisation des exercices didactiques ne se réduit pas à la fixation des connaissances, ou à l'acquisition d'un automatisme dans le maniement d'un algorithme.

Par exemple, on peut songer à développer l'aptitude à raisonner: cela requiert des exercices appropriés sur l'usage du langage, l'emploi des défini-tions, et l'énoncé de propositions. On peut de même exercer à utiliser la logique, à enchaîner des arguments et à arracher la conviction d'un inter-locuteur. L'élève qui parvient, pour la première fois de sa vie, à échafauder un raisonnement revit le "miracle grec", avec cinq mille ans de retard. Pour faire revivre ce miracle, le professeur doit disposer de petites questions, mettant en jeu des structures suffisamment simples pour qu'un jeune enfant puisse les maîtriser, et assez complexes pour conduire à des résultats non triviaux et surprenants. Par exemple, dans ce domaine, la géométrie affine à 9 éléments qui s'obtient à partir de Z3 X Z3' (où Z3 est le corps à trois éléments) constitue un matériel de choix. Mais, par contre, la géomé-

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trie à 4 éléments est trop simple pour frapper l'imagination et être faci-lement comprise. Le fait, par exemple, que toute partie à 2 éléments y est une "droite" prépare des confusions ultérieures. Des exercices convenables doivent entraîner l'élève aux divers types de raisonnements classiques. (raisonnement par l'absurde, par récurrence, etc...). Enfin, on peut imaginer des exercices de rédaction destinés à former le style écrit des élèves. On objectera que n'importe quel devoir écrit devrait donner lieu à une rédaction soignée. Mais la mise en forme présente parfois des difficultés spéciales auxquelles il faut s'exercer à faire face.

Exemple 9 Demandez à un boy-scout habile à faire les noeuds classiques de décrire l'un d'eux dans une conversation téléphonique. Essayez donc d'expliquer ce qu'est un noeud coulant sans faire référence à un dessin ou à une ficelle !

Pour exposer un raisonnement, on dispose de divers langages : le symbolisme logique, les organigrammes [21], les figures dessinées, et le langage mathématique ordinaire. On pourra proposer des exercices de traduction entraînant les élèves, par exemple, à rédiger une démonstration qui est présentée sous forme d'organigramme.

La réalisation de dessins permettant de représenter des figures géométriques doit donner lieu à diverses batteries d "exercices, particulièrement lorsque les élèves abordent la géométrie dans l'espace pour la première fois.

L'entraînement didactique est le domaine de prédilection (et à peu prés le seul) de l'enseignement programmé. (Cf à titre d'exemple: Utilisation de la Table de Trigonométrie. Édité par l'l.R.E.M. de Grenoble).

Cet aperçu montre clairement que la recherche pédagogique des divers moyens d'entraînement aux activités mathématiques, n'en est encore qu'à ses premiers balbutiements.

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CHAPITRE 4

EXÉCUTION DES TACHES TECHNIQUES

Le calcul de routine a mauvaise réputation! Aux démonstrations basées sur des vérifications ennuyeuses et obscures, on préfère l'argument simple et direct qui met en lumière la structure de la situation étudiée. Conformément à la formule de Lejeune-Dirichlet, la science tend à "substi-tuer les idées au calcul".

Mais certains progrès scientifiques ne prennent leur pleine valeur que s'ils s'achèvent sur une réalisation précise, minutieuse, soignée:

Ainsi, le 20 juillet 1969, l'homme prend pied sur la Lune, à trois mètres du but assigné, à quelques secondes de l'instant choisi.

Cette performance s'appuie certes, sur la connaissance de nombreux principes scientifiques acquis au cours des siècles. Mais elle ne saurait se comparer aux vagues projets velléitaires qui s'expriment - faute de mieux - dans les anticipations de Jules Verne. Pour passer des rêvasseries à la réalité, il a fallu dresser un plan minutieux, prévoir le déroulement de l'exploit et envisager les accidents possibles dans les moindres détails. Les réalisateurs devaient s'imprégner d'une volonté de réussir, de ne rien négliger ... chacun à son poste.

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De même, la pédagogie des tâches techniques cherche à obtenir, en premier lieu, une prise de position morale : il s'agit d'adopter une attitude de respect et d'exigence vis-à-vis du travail bien fait. Inversement, on n'éprouvera aucune indulgence pour le dilettantisme verbeux. Pas de fai-blesses pour les "petites erreurs-pas-très-graves", les fautes d'inattention ou de transcription; aucune circonstance atténuante pour la banale faute de virgule qui ne fournit qu'un résultat mille fois trop grand!

Donc, à côté des problèmes nobles dont la solution fait appel à l'intelligence, il convient d'entraîner nos élèves à exécuter des tâches techni-ques avec suffisamment de soin et de minutie pour qu'ils puissent assumer la responsabilité de leur réponse.

L'exécution d'un tel travail doit être précédée d'une préparation morale qui n'est pas sans rappeler la concentration de l'athlète aux Jeux Olym-piques. L'élève doit prendre la résolution de trouver le résultat demandé, et il doit craindre, s'il échouait, d'éprouver l'espèce de honte que ressentent les incapables, les bons-à-rien.

Car la difficulté tient essentiellement à l'absence de difficultés: l'exer-cice demandé est facile en lui-même; par conséquent on aurait tendance à se laisser aller à le bâcler. On doit s'assigner comme objectif la réalisation correcte d'un travail minutieux, qui ne demande que du soin et de la patience... Et on doit parvenir à le mener à bien, sans se tromper.

Supposons donc, qu'à la suite de toutes les motivations souhaitables, on décide d'entreprendre un calcul long et minutieux. Auparavant, on s'est livré à une étude théorique suffisante, qui dispense de tout effort d'invention en cours d'exécution.

Après s'être mis en condition morale pour réussir, il faut s'organiser matériellement, dans un endroit calme, à l'abri des distractions ! On se munira d'une quantité de papier suffisante, car un tel calcul ne s'exécute pas sur un confetti. On préparera les documents numériques et les instru-ments de calcul sur une table préalablement rangée. Tout ce cérémonial témoigne que l'on est bien décidé à effectuer un calcul sans faute.

On préparera alors un tableau de calcul, un cadre où chaque nombre sera écrit dans un emplacement prévu, à raison d'un chiffre par carreau. Les additions seront disposées en colonnes verticales et non pas en zig-zag (pour éviter une faute stupide, mais courante).

Si le travail devait s'étendre sur plusieurs pages, on l'effectuera en quinconce pour éviter les fautes de report. Autrement dit, on utilisera les

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pages dans l'ordre 1, 3, 2, 5, 4, 7, 6, etc... ce qui permet de recopier facilement un résultat, tout en gardant la page précédente sous les yeux.

Tout ce calcul doit s'effectuer directement au propre. On n'inscrira un chiffre à sa place, qu'après avoir la certitude qu'il est correct. Tout au plus, disposera-t-on d'une ardoise auxiliaire sur laquelle on répétera les opéra-tions, plutôt que de couvrir un papier douteux de calculs en spirale ! Chaque fois que ce sera possible on ménagera des vérifications. En parti-culier, on effectuera auparavant une estimation de l'ordre de grandeur de l'inconnue. Ici le nombre 7r sera remplacé par 3 et l'on arrondira systé-matiquement les résultats. On pourra utiliser systématiquement la règle à calcul.

L'exécution du calcul proprement dit ne s'effectue pas nécessairement dans l'ordre du tableau de calcul. Par exemple, s'il est nécessaire de chercher la valeur du sinus et de la tangente d'un angle a, on n'ouvrira la table de fonctions trigonométriques qu'une seule fois, même si sin α et tg α inter-viennent à des étapes éloignées du calcul.

Tout ce qui vient d'être dit s'applique avec des modifications évidentes à l'exécution d'autres tâches techniques: le calcul algébrique, la program-mation, la statistique, la cartographie, la construction de modèles, et les techniques de dessin.

L'usage des instruments de dessin les plus divers - parmi lesquels il faut ranger sans fétichisme, mais sans exclusivité, la règle et le compas - est fondamental dans la formation mathématique des élèves.

Nous partageons sans restriction les critiques qui ont été adressées à la géométrie descriptive ([22], p. 980-981) prétendue science ne présentant que très peu d'intérêt pratique. Mais il est indispensable de remplacer cet exercice désuet par d'autres travaux qui entraînent au maniement des instruments de dessin: la perspective, la représentation graphique des fonctions, la construction d'abaques ou la confection d'organigrammes divers.

L'exécution de tâches techniques demande beaucoup de temps: c'est pourquoi, il n'est pas possible d'en abuser. Cependant, on organisera dans chaque classe, au minimum une ou deux séances sérieuses dans l'année, qui suffiront à donner de l'intérêt à l'opération sans lasser. Dans certaines classes plus spécialisées, il conviendra de réserver un temps plus long à l'entraînement: car, par exemple, ce n'est qu'au prix de certaines répé-titions que l'on apprendra à programmer.

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Quels sont les énoncés susceptibles d'exercer les élèves à cette disci-pline ? Il est indispensable de choisir des tâches assez longues, dont toutes les difficultés théoriques puissent être préalablement élucidées. Voici un exemple, tiré du livre de H. Steinhaus [23]

Exemple 1 ABCD: carré de côté unité. Il est divisé en sept rectangles de mê-me aire. Question: Quelles sont les dimen-sions de chacun de ces sept rectangles ! Méthode: On pose EB = x

( 61 12 7 7x et <x<. )

On cherche l'expres-sion des dimensions en fonction de x.

a) On trouve de proche en proche : 1 1BF = =

7EB 7x 7x-1FC = 1 - BF =

7x

1 xFG = = 7FC 7x-1

x(7x-2)

GH = x - FG = 7x-1

1 7x-1GI = = 7GH 7x(7x-2)

(7x-1)(7x-3)IJ = FC - GI =

7x(7x-2)

x(7x-2)1JK = = 7IJ (7x-1)(7x-3)

(7x-1)(7x-3) - x(7x-3) - x(7x-2)KD = 1 - GF - JK =

(7x-1)(7x-3)

AE = 1 - x 1 1AL = = 7AE 7(1-x)

6-7xLD = 1 - AL = 7(1-x)

1 1 - xKD = = 7LD 6 - 7x

A L D

E H P M

O N K

G I J

B F C

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SOMMAIRE 41

b) Les deux expressions trouvées de KD doivent être compatibles, d'où

x3 − 32

x2 + 3249

x − 15 = 0

ou 21 15(x - )(x - x + ) = 0

2 2.49

Seule racine convenable: 1x = (7 + 19 )

14

c) 1EB = (7 + 19 )14

1BF = (7 - 19 )15

1FC = (8 + 19 )15

1FG = (8 - 19 )21

5GH = (1 + 19 )42

1GI = ( 19 - 1)15

3IJ = 5

5JK = 21

1KD = (8 + 19 )21

1AE = (7 - 19 )14

1AL = (7 + 19 )15

1LD = (8 - 19 )15

5MN = ( 19 - 1)42

1NO = (1 + 19 )15

Exemple 2

Calculer la dérivée dixième de la fonction 1x exp(- ).x²

La dérivée n-ième de cette fonction est de la forme

n3n1 1P (x) . exp(- )

x²x

où Pn(x) est un polynôme de degré n − 1 .

On commence, évidemment, par établir soigneusement la formule de récurrence qui détermine Pn(x) et l'on trouve: P1(x) = 2 P2(x) = 4 − 6 x

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P3(x) = 8 - 36x + 24x2

P4(x) = 16 - 144x + 300x2 - 120x3

P5(x) = 32 - 480x + 2 040x2 - 2 640 x3 + 720x4

P6(x) = 64 - 1 440x + 10 320x2 - 27 720x3 + 25 200x4 - 5 040x5

P7(x) = 128 - 4 032x + 43 680x2 - 199 920x3 + 383 040x4 - 262 080x5 +40 320x6

P8(x) = 256 - 10 752x + 163 968x2 - 1 142 400x3 +3 764 880x4 - 5 503 680x5 + 2 963 520x6 - 362 880x7

P9(x) = 512 - 27 648x + 564 480x2 - 5 564 160x3 +28092960x4 − 71 245 440x5 + 82 978 560x6 - 36 288 000x7 + 3 638 800x8

P10(x) = 1 024 − 69 120x + 1 820 160 x2 − 24 111 360x3 + 173 033 280x4 −676 257 120x5 + 1 377 129 600x6 − 1 317 254 400x7 +479 001 600x8 − 39 916 800x9

L'exécution d'un tel travail se heurte à un écueil pédagogique: il est probable que des élèves ne voudront pas se concentrer sur une tâche aussi ingrate, gratuite, inutile. Ils ne le feront certainement pas, si on commence par dire qu'il ne s'agit que d'un "petit calcul de routine, facile, sans intérêt".

Voici comment un professeur de classe expérimentale surmonta récemment ce genre de difficulté:

Exemple 3

Il avait demandé à ses élèves de dresser la table de Pythagore d'un groupe à 20 éléments. Remplir les 400 cases de ce tableau est considéré comme une tâche fastidieuse, indigne de l'ère de la machine à laver et de l'aspirateur. Elle fut accomplie de mauvaise grâce, et par conséquent le résultat était entaché de nombreuses erreurs grossières.

Au lieu d'exiger immédiatement plus de soin, le professeur entreprit de faire utiliser le tableau pour résoudre une profusion de questions intéres-santes : recherche de sous-groupes, résolution d'équations, etc. Et ce petit jeu continua pendant plusieurs semaines, jusqu'à ce que les élèves, excédés de voir les contradictions s'accumuler, décidèrent de reprendre le premier calcul à la base.

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Exercice 4 Nous présenterons plus tard un plan de dessin graphique demandant de tracer sur une même figure les soixante droites de Pascal d'un "hexa-gramme mystique". (Rappelons que c'est ainsi que l'illustre savant appelle un hexagone inscrit dans une conique, dans son célèbre Traité des sections coniques. II s'agit d'une épreuve qui demande environ 1h 30 pour être exécutée). Exemple 5

Calculer le produit du nombre 1 + 2 + 3 + 5 par tous ses conjugués (c'est-à-dire par les nombres 1 2 3 5± ± ± ). La durée d'exécution dépend considérablement de la façon de mener

les calculs. Si l'on se borne à effectuer successivement des multiplications par les 8 facteurs il faut compter environ 2 heures. Mais si l'on utilise L'identité (a + b) (a - b) = a2 - b2 , et que l'on tienne compte des "symétries" du calcul, on obtient la réponse (qui est - 71) en 20 minutes environ. Exercice 6 Après avoir tracé, en utilisant la dérivée, la représentation graphique de la fonction

sin 2x sin 3xx sin x - + 2 3

on pourra avoir la curiosité d'examiner le graphe de N

n+1

n=1

sin nxx (-1)n∑

pour des valeurs plus grandes de N. Par exemple, en utilisant des tables numériques, on pourrait faire le calcul point par point pour N = 6. Un étudiant qui aura appris à programmer pourra avoir la curiosité de contempler la courbe pour des valeurs plus grandes de N. Signalons que c'est en traçant la courbe correspondant à N = 80, à l'aide d'un instrument qu'ils avaient imaginé, que Michelson et Stratton découvrirent en 1898 le "phénomène de Gibbs" que révèlent ces courbes [24]. Mais il est clair que les tâches techniques les plus instructives seront celles qui surgiront sponta-nément de la curiosité des élèves, au cours d'une activité de recherche.

Lorsqu'une question, que l'on ne pourra élucider par voie déductive, restera en suspens, on pourra inviter la classe à effectuer une vérification expérimentale grâce à un travail soigné.

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Une page de brouillon d'Urbain Le verrier. C'est clair, soigneux, efficace. C'est ainsi, écrivait Arago, que l'on découvre une planète au bout de sa plume.

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CHAPITRE 5

LES MANIPULATIONS [25]

1. La mathématique, comme science d'observation et d'expérimentation

Dans l'historique de n'importe quelle découverte mathématique la phase finale de mise en forme déductive est la partie émergée de l'iceberg. On méconnaît souvent le long processus de maturation où le bricolage est l'activité essentielle. Les énoncés des théorèmes se présentent généralement sous forme de conjectures, devinées avant d'être démontrées, plausibles avant d'être certaines [1], [2], [3], [17].

Il n'y a aucune raison de ne présenter à nos élèves qu'une des facettes de l'activité mathématique en jetant le discrédit sur l'une des phases les plus fécondes.

Mais la phase expérimentale est foncièrement différente de la phase de mise en forme logique. L'important est de ne pas les confondre: lorsqu'on manipule, on fait de la physique expérimentale [26], [27]; lorsqu'on démontre, on pratique la mathématique déductive.

On rencontre, dans les manipulations mathématiques, à peu près les mêmes variantes que dans les autres sciences expérimentales, telles que

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Claude Bernard les décrit dans "L'introduction à la médecine expéri-mentale": L'observation, l'expérience "pour voir", la contre-épreuve, l'expérience cruciale, etc. Ces opérations ont pour objet de suggérer des conjectures, ou des méthodes de démonstration.

2. Les trois niveaux de connaissances

Pour mieux comprendre les objectifs pédagogiques que visent les manipu-lations, il convient de distinguer les diverses sources d'information qui alimentent les connaissances de nos élèves.

a) Dans le schéma ci-dessus on distingue, au centre: le noyau déductif. C'est l'ensemble des connaissances démontrées, parfois présentées sous forme axiomatique: on n'y affirme rien qui n'ait été démontré à partir de

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quelques axiomes, explicitement admis au départ. Le recours à toute autre connaissance y est rigoureusement banni: c'est la règle du jeu. Nous affirmons souvent, le plus sérieusement du monde, qu'à un certain stade nos élèves connaissent le théorème de Thalès mais ne savent pas encore ce que sont les droites perpendiculaires. En fait, nous exprimons ainsi que la géométrie affine est déjà intégrée dans le noyau déductif, alors que l'orthogonalité n'est encore acquise qu'au stade expérimental-déductif. Il est indispensable d'expliquer cette étrange règle du jeu à nos élèves, si l'on ne veut pas risquer de nombreux malentendus. b) A la périphérie apparaît la zone, très floue, des connaissances infor-melles : elle comprend tout ce que l'élève apprend sans en demander la permission à son professeur de mathématique! Il sait que les planètes décrivent des ellipses, mais est encore incapable de définir les mots "planètes" et "ellipses", et bien entendu il est loin de savoir déduire les lois de Képler à partir du principe de l'attraction universelle. Il a appris à

l'école élémentaire la formule V = 43

π R3 fournissant le volume de la

sphère, bien avant de connaître la théorie des intégrales multiples. Son professeur de géographie lui a présenté divers systèmes de cartographie, mais il n'étudiera probablement jamais la géométrie des variétés rieman-niennes, etc.

Nos élèves doivent être vivement encouragés à recueillir des connais-sances informelles. On développera ainsi une des qualités, scientifiques primordiales: la curiosité. Par contre, il convient de mettre l'élève en garde c on t r e l 'u t i l i sa t i on de s in fo rmat i ons ext ra-déduc t i v e s , au c our s d 'une démonstration qui relève du noyau déductif. Une technique pédagogique efficace pour différencier ces deux sources de connaissances, est d'utiliser, à côté du "cahier de mathématiques démontrées", l'album où l'on consigne les curiosités, les articles découpés dans les journaux, les photos intéres-santes, les renseignements glanés à diverses sources. c) En outre, le schéma comporte une zone intermédiaire expérimentale-déductive, où la règle du jeu autorise l'usage de quelques démonstrations partielles, combiné à des résultats d'observation.

C'est en particulier le statut actuel de l'enseignement de la physique élémentaire. On s'y soucie fort peu de distinguer les diverses sources de connaissances. Il est fort instructif d'analyser les sens très divers que revêt l'expression "On admettra que ..." dans n'importe quel manuel de phy-sique.

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Mais on rencontre aussi des situations analogues au cours du pré-enseignement des mathématiques (enseignement maternel et élémentaire).

Exemple 1

L'écolier ne sait pas ce qu'est l'aire d'un polygone conformément à la théorie de Lebesgue. Pourtant on lui apprend à justifier les formules conduisant à l'aire des rectangles, parallélogrammes, triangles, trapèzes, etc., à l'aide de découpages bien connus. Certes, ce n'est pas très rigoureux, puisque la notion d'aire est alors appréhendée d'une façon syncrétique, sans que les propriétés d'invariance par déplacement et d'additivité soient comprises explicitement. Pourtant, c'est ainsi que nous avons tous appris ces questions, et sur ce point on ne constate pas d'échec pédagogique patent.

Voici quelques exemples de la façon de "montrer" (plutôt que de "démontrer') certains théorèmes mathématiques.

Exemples 2

a) Le théorème de Pythagore.

b) 1 + 2 + 3 + … + n = n (n + 1)2

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c) La somme des n premiers nombres impairs est égale à n2.

Ce serait d'ailleurs des démonstrations rigoureuses, si l'on prouvait que les réarrangements de papiers découpés se font sans recouvrements partiels, et sans ménager des interstices.

Contre-exemple 3

Le paradoxe classique suivant illustre les dangers d'une manipulation non confirmée par un raisonnement: [28]. Les deux figures ci-dessous sont censées représenter des réassemblages de figures découpées: elles "démontrent" que:

8 X 8= 5 X 13 (sic).

En fait, le parallélogramme ABCD, dont l'aire est égale à un carreau unité, se confond à l'oeil nu, pour peu que le dessin ne soit pas trop soigneu-sement réalisé, avec un parallélogramme aplati.

1

2

3

4

5

5

4

3

2

1

1

3

5

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Exemple 4 Supposons admise la formule S(R) = 4 π R2 qui fournit l'aire d'une sphère de rayon R. Voici comment on peut en "déduire" l'expression du volume

V(R) = 43

π R3 grâce à un "raisonnement de physicien".

Pour calculer la dérivée de R V(R) , estimons l'accroissement de volume . V , qui résulte du dépôt d'une mince pellicule de peinture, d'épaisseur . R, sur la surface d'une boule de rayon R. En "assimilant" cette pellicule à un cylindre de base 4π R2 et d'épaisseur . R , on "admettra" que . V est "sensiblement" égal à 4 π R2 . R . La dérivée R S(R) étant connue, on en déduit correctement le résultat, par recherche de la primitive.

Il est clair que l'assimilation d'une sphère à un plan est abusive... et que le même argument fournirait des résultats notoirement faux dans d'autres circonstances. Une démonstration correcte devrait mettre en évidence les raisons particulières qui permettent à un raisonnement incorrect de fournir néanmoins ici la bonne réponse.

Cependant, les mathématiciens utilisent fréquemment de tels raison-nements pour eux-mêmes, non pas pour démontrer des théorèmes, mais pour deviner des conjectures plausibles.

Exemple 5 Voici comment Archimède "démontre" les lois du levier.

1) Il admet - (ce n'est pas tant un fait expérimental qu'une sorte d'expé-rience mentale) - que si l'on suspend des poids égaux aux extrémités d'une barre rigide, l'équilibre s'obtient en plaçant le point d'appui au milieu.

A

BC

D

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2) II admet que l'on ne trouble pas l'équilibre d'un levier, en substituant à un poids de n unités fixé en un point A, n poids d'une unité suspendus en n points équidistants, répartis symétriquement autour de A. (Eventuel-lement sur le prolongement de la barre).

A partir de là, il fait une démonstration que nous exposons ci-dessous dans un cas particulier numérique:

Il remplace les 5 poids (resp. 3 poids) par des poids de 1 unité confor-

mément à l'axiome 2, en prenant soin - Archimède était ingénieux! - d'obtenir huit points d'accrochage équidistants.

Il trouve alors, conformément à l'axiome 2 (lu à l'envers) et à l'axiome 1, la position du point d'appui O. Et, par un calcul facile, il établit que 5OA = 3OB.

Nous prétendons que cette démonstration géniale, élaborée au troisième siècle avant notre ère, mérite d'être exposée à l'école élémentaire. Et elle ne nécessite nullement que les élèves aient maîtrisé au préalable les notions de force, de vecteurs, de plan affine, de théorie mathématique, d'impli-cation.

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Les connaissances informelles que chaque bambin petit acquérir sur les poids, la barre rigide et le raisonnement logique, suffisent amplement pour apprécier la beauté du raisonnement.

Remarquons qu'il n'est pas facile, si l'on ne connaît pas déjà le théorème d'Archimède, de deviner à priori la position du point d'appui qui assure l'équilibre, dans la figure 1. Ainsi le raisonnement est ici très convaincant. Cet exemple fournit une excellente motivation à l'utilisation de démonstrations dans la Science.

On appelle vulgarisation la pédagogie qui s'adresse à des non-spécialistes désirant avoir un avant-goût de certains domaines scientifiques, en tolérant quelques arguments incorrects, mais suggestifs, ou encore quelques omissions simplificatrices. Cette insertion de connaissances expérimentalo-déductives est très souhaitable, car il faut bien que chacun acquière quelques lumières, en dehors de ses spécialités. Par exemple, c'est essentiellement ainsi que l'on devrait enseigner les mathématiques dans les classes littéraires sans s'astreindre à une rigueur technique qui lasse inutilement l'auditoire.

Cette pédagogie est parfaitement légitime, dans la mesure où elle ne trompe pas son monde, et ne se fait pas passer pour de la science.

La vulgarisation est un art extrêmement difficile: elle suppose que l'auteur soit un spécialiste connaissant scientifiquement le sujet, au point de savoir extraire les quelques informations vraiment essentielles, au prix de "licences poétiques" sur des aspects techniques marginaux. Il doit posséder une grande familiarité avec les connaissances de l'auditoire auquel il s'adres-se. Très peu d'écrivains scientifiques parviennent vraiment à vulgariser sans trop abaisser.

3. Divers objectifs pédagogiques visés par les manipulations

a) Les manipulations peuvent servir à approvisionner l'élève en connais-sances informelles ou expérimentalo-déductives qui ne donneront pas lieu à une étude déductive ultérieure. Il est impossible de tout enseigner sous forme déductive. Ne peut-on pas profiter de l'âge sensible, où les enfants aiment bricoler, manier les instruments de dessin, découper, recoller, observer, pour leur présenter quelques connaissances très utiles, mais qui ne feront pas l'objet d'exposés théoriques ?

Par exemple, nous suggérons que l'étude des coniques soit à peu près éliminée des programmes de terminales et réduite à quelques conséquences simples des équations cartésiennes et des représentations paramétriques.

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Mais, à l'école élémentaire, en sixième et cinquième, il est possible de faire expérimenter sur le tracé des ellipses et des hyperboles obtenues par divers procédés mécaniques (méthode des jardiniers, méthode de la bande de papier de Philippe de La Hire; on obtiendra également des sections planes de cônes de révolution à l'aide de lampes électriques éclairant un mur d'une salle obscure).

Tracé d'une branche d'hyperbole: les ficelles F1 MN et F2MN passent par l'anneau muni du crayon traceur M.

F 2 M - F1M = (F2M + MN) - (F1M + MN)= constante N est un noeud sur la ficelle.

Nous suggérons que l'étude des conchoïdes (en particulier les limaçons de Pascal), cissoïdes, cycloïdes, développantes de cercles, etc. ne figurent dans aucun programme, mais que les jeunes enfants les aient néanmoins tracées ou observées à l'occasion ... N'est-ce pas le rôle de la presse enfan-tine que de suggérer de telles activités à leurs lecteurs ?

C'est à l'occasion de ces tracés mécaniques que l'écolier observera pour la première fois le surprenant phénomène des asymptotes, sans attendre l'étude théorique de la fonction homographique.

b) Mais les manipulations constituent une préparation importante à tout exposé axiomatique. Des manipulations effectuées dans un domaine qui fera l'objet d'une étude déductive quelques années plus tard, loin de "déflorer le sujet" aiguisent au contraire la curiosité et incitent à l'étude.

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Elles meublent l'esprit de tout un stock d'interprétations sémantiques, qui rendront moins aride la sèche énumération d'un langage formel.

Si l'on présente, par exemple, les axiomes d'incidence de la géométrie affine à des élèves de quatrième, qui n'évoqueront à cette occasion que l'expérience banale du tracé des droites à la règle, il paraîtra saugrenu de leur demander de démontrer que le plan contient au moins quatre points. Mais si quelques années plus tôt ils se sont habitués à manipuler des cartes géographiques ferroviaires, où par "deux gares passe une ligne directe et une seule", ou des schémas analogues, ils aborderont l'étude de la géomé-trie avec une sémantique polyconcrète: plusieurs réalisations simultanées du système d'axiomes viendront naturellement à l'esprit et la question posée paraîtra plus naturelle. Toutes les fois que l'on aura énoncé à la classe des axiomes ou règles du jeu nouveaux, on laissera quelque temps aux élèves pour qu'ils s'exercent à faire fonctionner manuellement les nouveaux concepts sur des exemples simples. c) Certaines manipulations présentent des situations qui invitent l'élève à se poser des questions (Cf. Chapitre 2, exemple 1). Une erreur pédagogique répandue consiste à perdre beaucoup de temps pour faire réaliser un dispositif que l'on range immédiatement après dans un placard sans en exploiter toutes les possibilités.

A quoi bon faire construire laborieusement un cube en carton, si on ne l'observe pas. Rares sont ceux qui ont vraiment observé un cube, Pourtant, en le contemplant successivement du point de vue de la théorie des ensembles, des graphes, des groupes, de la géométrie euclidienne, de la perspective, de la mesure des volumes, de la topologie, etc. etc. on pourrait remplir des volumes sur tout ce que suggère ce polyèdre méconnu. Et, à partir du cube, on peut obtenir par découpage maintes autres figures intéressantes.

La simple observation passive ne suffit pas. Il y faut l'observation provoquée et l'expérimentation. d) Enfin, les manipulations jouent un rôle primordial dans la résolution des problèmes. Lorsqu'un énoncé est rédigé sous la forme extrêmement concise préconisée au chapitre 2, le chercheur ne peut espérer deviner les étapes intermédiaires de la solution qu'en se familiarisant expérimentalement avec les implications de l'énoncé. L'observation de figures ou de schémas tracés soigneusement en utilisant des instruments divers (y compris l'ordinateur), ainsi que l'exécution de quelques calculs "sauvages" sur des cas particuliers, permettent de deviner les pièces manquantes de l'édifice.

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C'est cette activité que les chercheurs professionnels nomment bricolage.

4. Statut pédagogique du matériel de manipulation

Rien n'interdit, si l'on en a les moyens, de proposer aux élèves l'emploi d'instruments complexes, tels que des chronomètres, mini-ordinateurs, appareils photographiques ou récepteurs de télévision. On considérera un tel appareil comme une boîte noire, pour employer le langage des physiciens. Il présente extérieurement des boutons de commande; on ne s'oblige pas à le démonter pour analyser son fonctionnement interne. L'appareil est défini par sa fonction. Nul n'exige que l'on ait préalablement expliqué son fonctionnement et les modalités technologiques de sa fabrication, (Cepen-dant, il sera parfois utile d'esquisser, sous forme de vulgarisation, les principes de l'instrument).

Exemple 6

Il existe toute une gamme de traceurs de parallèles. Le plus primitif est le guide-âne: on décalque à travers un papier transparent des parallèles tracées sur une feuille préalablement réglée. Dans ce cas on ne précise pas comment cette réglure a été obtenue et l'on admet qu'elle est correcte, par construction. D'autres instruments utilisent des rouleaux cylindriques rugueux. En les faisant rouler sans déraper on peut tracer des parallèles. Le système articulé suivant est basé sur la définition des parallélogrammes conforme aux programmes actuels, en quatrième. Ici il est possible de justifier le fonctionnement de l'appareil.

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Mais des dispositifs basés sur des parallélogrammes articulés (côtés opposés isométriques) sont des traceurs de parallèles dont le fonction-nement ne peut être justifié en quatrième, dans le cadre des programmes actuels. On peut cependant les utiliser, en admettant qu'ils remplissent correctement leur fonction.

De même divers traceurs de parallèles s'inspirent du pantographe. Enfin, on n'oubliera pas l'équerre glissant le long d'une règle, ou le té

guidé par le bord de la planche à dessin.

5. Pédagogie du gadget Le marché du jouet est inondé de jouets éducatifs. L'école anglaise de pédagogie des mathématiques s'est fortement spécialisée dans l'utilisation pédagogique des gadgets.

Un dispositif est efficace, s'il incite l'élève à réfléchir, à se poser des questions, à résoudre des problèmes. Or, un objet mathématique ne possède pas ce pouvoir de persuasion, en lui-même. Tout le monde a pu observer des enfants jouant avec des jouets coûteux et sophistiqués, sans en tirer le moindre profit intellectuel, simplement parce que l'activité n'était guidée par aucune pédagogie.

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Ainsi le jeu d'échecs est un stimulant de choix pour l'éducation mathématique. Il fournit une réserve inépuisable de situations ensemblistes variées; une littérature comportant des centaines de milliers d'ouvrages lui est consacrée. Notamment, le problème d'échecs a suscité, depuis l'appari-tion vers l'an 1300 du recueil intitulé Bonus Socius, une profusion d'études, de réflexions sur l'art de composer ou de résoudre des problèmes. Le professeur de mathématiques peut en tirer de multiples enseignements [30], [31], [32], [33]. Mais une planche quadrillée 8 X 8, et 32 figurines d'ivoire et d'ébène ne permettront jamais - pas plus qu'une perle à un coq - de réfléchir. La caricature ci-dessus [29] représente - c'est indubitable - deux gamins qui jouent avec un jeu d'échecs. Mais cette façon non orthodoxe de s'initier au "jeu à l'aveugle" n'est pas très éducative.

Autrement dit, ce qui intéresse le pédagogue, ce n'est pas le gadget en lui-même ! C'est la façon de s'en servir.

Exemple 7

Quiconque a manipulé un compas a cri maintes occasions de tracer des rosaces à six branches. Mais rares sont les élèves qui savent, avant de l'apprendre explicitement, que le côté de l'hexagone régulier est isomé-trique au rayon du cercle circonscrit. Ainsi, les heures passées à jouer avec un compas se soldent par un échec, car l'écolier n'est pas incité à tirer une conclusion d'une expérience maintes fois répétée.

Le professeur qui dirige une séance de manipulation ne se contentera pas de s'assurer que les opérations manuelles sont correctement exécutées. Il manoeuvrera en sorte que l'attention soit attirée vers tout ce qui mérite réflexion. Il est souhaitable (lue ce soit l'élève lui-même qui tire des conclusions. Mais il ne faut pas s'exposer à ce que l'essentiel passe tota-lement inaperçu.

Si le matériel lui-même ne crée pas la réflexion de l'élève, sa concep-tion peut aider considérablement à l'orientation de la pensée.

Exemple 8

Lorsque Dienes entreprit de faire pénétrer les rudiments du langage ensembliste dans l'enseignement élémentaire, il imagina un matériel dont les éléments auraient peu d'attributs (en fait quatre: forme, couleur, épaisseur, grandeur) susceptibles de. prendre des valeurs différentes. Dans la pratique, les objets que nous manipulons tous les jours peuvent recevoir des milliers d'attributs. Mais les blocs logiques de Dienes sont sans odeur, sans saveur;

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ils ne diffèrent pas par leur température ou leur composition chimique. Vraiment, tout incite l'enfant à n'apercevoir dans ces blocs logiques que les quatre attributs cités. C'est pourquoi ce matériel remplit parfaitement son rôle pédagogique. Il est spécialement apte à exercer l'enfant aux opérations booléennes.

Exemple 9 Un des gadgets les plus prestigieux qui nous vient d'Outre-Atlantique est le célèbre "Think a dot" [34], [34, a], [34, b], [34, c]. Il s'agit de la "boite noire" suivante :

Elle comprend trois orifices d'entrée, à gauche, au milieu, à droite que

nous désignons par G, M, D, par lesquels on peut introduire une bille. Celle-ci traverse l'appareil, et ressort par l'un ou l'autre des deux orifices de sortie (g et d). Enfin, huit voyants, qui constituent un tableau, sont susceptibles de prendre deux couleurs: bleu ou jaune. Chaque fois qu'une bille traverse l'appareil, on constate des changements dans la couleur de certains voyants.

Il est concevable de considérer l'appareil comme une "machine à sous" qui fonctionnerait "au' hasard". Et de fait, certains enfants peuvent jouer longtemps avec l'instrument en faisant des paris: "Si je mets la bille dans l'orifice M, par exemple, je parie que tels voyants changeront de couleur". (Ainsi il pense à un point particulier du tableau, dont il prédit le chan-gement de couleur: en Anglais "He thinks a dot" ce qui explique le nom du jouet).

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Cependant, ce n'est pas un jouet aléatoire, mais au contraire un jouet déterministe. L'appareil comporte un dispositif de "remise à zéro". Si l'on recommence plusieurs fois de suite une même série de manipulations, à partir d'une même position initiale, on aboutit toujours à la même dispo-sition finale.

C'est alors que surgit le problème. Trouver la loi qui régit les chan-gements. Il est possible à un enfant de dix ans, qui a été mis sur la piste, de déchiffrer d'une façon plus ou moins systématique le comportement de l'appareil. En fait, ce décodage s'effectue progressivement et le chercheur est encouragé à persévérer, car le secret du fonctionnement de l'appareil se dévoile peu à peu. On n'a pas le sentiment pénible de piétiner sans s'approcher de la solution.

A ce titre, ce jeu est un merveilleux stimulateur de recherche, pour celui qui s'est posé le problème.

Mais les possibilités pédagogiques offertes par cet appareil ne sont pas encore épuisées, et d'intéressantes questions liées à son fonctionnement débouchent sur la théorie des groupes abéliens finis [34].

L'organisation de la vie scolaire devrait être aménagée de façon à élargir l'activité de manipulation, au détriment de certains exposés théoriques. Pour que les manipulations soient vraiment fructueuses, il convient de les entreprendre, soit avec des classes à faible effectif, soit en permettant au maître de se faire seconder par des moniteurs (cette dernière disposition est couramment adoptée dans les travaux pratiques des Sciences d'observation, dans les activités de loisirs des mouvements de jeunes, et enfin dans l'enseignement des mathématiques de nombreux pays).

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CHAPITRE 6

APPLICATIONS DES MATHÉMATIQUES

Des théories mathématiques -abstraites par définition- trouvent leur emploi dans la résolution des difficultés pratiques. Laissant aux philosophes des Sciences et aux métaphysiciens le soin d'analyser cet étrange paradoxe, nous nous bornons ici à tirer des conséquences pédagogiques de ce fait d'expérience.

Rappelons que l'application des mathématiques à un phénomène pra-tique comporte généralement trois phases [35], [36], [17]:

1) La phase de mathématisation [37] On substitue des symboles aux choses. Autrement dit, on construit un modèle mathématique abstrait, assorti d'un dictionnaire qui permet de formuler la réalité en termes mathématiques. Le modèle ne vaut que par sa structure, par les relations qui existent entre ces éléments. On fait abs-traction de la nature des éléments du modèle.

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2) On traite ensuite le problème de mathématique ainsi obtenu. Au cours de la recherche on joue sur trois possibilités heuristiques opposées. Parfois l'on s'efforce de se détacher le plus possible du contexte réel pour ne retenir que la structure sous-jacente. C'est ainsi que l'on traite un problème par l'algèbre, en évitant d'évoquer la signification de l'inconnue pour n'en retenir que les propriétés opératoires. En d'autres occasions on exploite au contraire le contexte sémantique initial, en utilisant les analogies que suggère la réalité. Plus généralement, on utilise d'autres contextes séman-tiques pour y puiser des idées: ce mode de pensée s'appelle transfert.

3) On confronte expérimentalement les résultats théoriques obtenus, avec le point de départ pratique.

1. Motivations pédagogiques des mathématiques appliquées

A - Les programmes d'enseignement, en France, n'ont souvent retenu des mathématiques appliquées qu'une listé de résultats. La motivation implici-tement invoquée est la formation professionnelle des élèves: on enseignait ce qui pouvait servir plus tard.

Certes, des questions de cours comme la mesure de la distance de la Terre à la Lune, la pratique des levées de terrains, les problèmes de stéréotomie, le calcul des intérêts composés et des annuités, les problèmes élémentaires de balistique, le calcul des alliages, la régulation du trafic ferroviaire, etc., sont des sujets qui présentent un intérêt culturel. Mais rares sont les élèves qui auront fréquemment besoin d'utiliser ces résultats dans leur métier. Lorsqu'il en sera ainsi, il sera d'ailleurs prudent que la profession organise un recyclage à l'embauche pour rafraîchir la mémoire sur telle ou telle formule importante.

Finalement, on ne trouve guère que le calcul des intérêts simples et des impôts sur le revenu qui puissent servir à une masse non négligeable d'élèves. C'est là une piètre motivation de l'enseignement des applications.

B - Par contre tout élève doit être entraîné à utiliser l'outil mathématique, face à une situation pratique inattendue. L'enseignement doit donc porter sur le mode de pensée de la mathématique appliquée, et non sur un recueil de formules.

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Exemple 1 Les jeunes écoliers de Miss Edith Biggs se passionnent pour un documen-taire qu'ils ont vu à la télévision. Et ils se posent une grave question "Quelle est la pression qu'un éléphant exerce sur le sol ? ".

Le directeur du Zoo auquel ils écrivent pour obtenir quelques rensei-gnements leur fournit, par retour du courrier, le poids du pachyderme ainsi que quatre dessins représentant les empreintes de chacune des pattes. Malheureusement, le livre de géométrie ne comporte pas de formules pour calculer l'aire d'une patte d'éléphant! Devant cette grave lacune, il faut inventer un procédé pour l'évaluation approchée de la surface d'un domaine limité par un contour irrégulier.

C'est cette attitude active qu'il s'agit de stimuler. On l'obtient mieux à partir de questions jaillies de la curiosité enfantine que de résultats exigés par le programme.

C - La mathématique appliquée est un entraînement systématique au transfert ([38], Marcel Dumont). C'est une des opérations mentales les plus fructueuses de la pensée mathématique. Elle revient à identifier les mêmes structures dans des contextes différents et à raisonner successivement dans ces divers champs sémantiques.

Le transfert le plus banal est le passage systématique de la géométrie à l'algèbre où l'on raisonne tour à tour sur des figures et des équations: c'est la géométrie analytique de Descartes. Archimède incitait déjà son ami Erathostène à traduire systématiquement certains problèmes géométriques dans le langage de la mécanique, et c'est ce transfert qui lui permit d'effectuer la quadrature de la parabole: il avait perçu une analogie entre le calcul de cette aire et la détermination du centre de gravité du triangle, ce qui est évident aujourd'hui, avec nos notations modernes, puisque

2t dt = t × t dt∫ ∫ La programmation linéaire s'efforce de transférer les problèmes de gestions optimales d'une entreprise en termes de géométrie des polyèdres convexes dans un espace à n dimensions.

En réinterprétant un même problème, d'un langage à un autre, il semble que l'on n'obtienne après tout qu'un problème équivalent et que la difficulté n'ait été que déplacée. Mais au point de vue de la psychologie de l'invention le gain peut être appréciable. Une analogie inapparente dans un contexte algébrique peut germer à l'esprit en présence d'une figure géomé-trique.

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Exemple 2 Considérons, sur un ensemble à trois éléments {a, b, c} , la relation dont le schéma sagittal est:

Ce n'est pas une relation d'ordre (pourquoi ? ), mais sa restriction à chacun des sous-ensembles à deux éléments est une relation d'ordre. Cette remarque "abstraite" tout à fait banale se retrouve dans divers contextes pratiques.

(1. a) Dans le jeu enfantin "Pierre, Ciseaux, Papier", elle s'exprime par : la pierre repasse les ciseaux; les ciseaux coupent le papier; le papier enveloppe la pierre.

(1. b) Mais le défaut de transitivité se manifeste dans des situations électorales, lors d'un suffrage à la majorité absolue où il s'agit de départager trois candidats ou trois options. Ce paradoxe de Condorcet est illustré par l'exercice suivant emprunté au "Nouvel Observateur" du 10 avril 1972 (Cf. [37], Christian Corne et Georges Glaeser).

PROBLÈME DU RÉFÉRENDUM On demande aux Français par voie de celui d'assemblée. référendum: 6 préfèrent le parlementaire, accepte-"Voulez-vous un régime présidentiel, un raient celui d'assemblée mais refusent régime parlementaire ou un régime le présidentiel. d'assemblée ? 5 préfèrent celui d'assemblée, accepte Or, parmi les 20 millions d'électeurs : raient le présidentiel mais refusent le 9 préfèrent le présidentiel, accepte- parlementaire. raient le parlementaire mais refusent A. - Que va-t-il se passer ?

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Un peu plus tard, un homme politique Plus tard encore, un autre homme poli-influent parvient à faire poser dans un tique de poids, fait organiser un troisiè nouveau référendum la question sui- me référendum sur le thème: vante: "Le peuple français préfère-t-il le régi-"Le peuple français est-il d'accord pour me parlementaire au régime d'assem-substituer le régime d'assemblée au régi- blée ? " me présidentiel actuellement en vi- C. - Quelle sera la réponse à cette nou-gueux ? " velle question ? B. - Quelle sera la réponse à la ques- On suppose qu'il n'y a pas d'absten tion ? tions. (1. c) Dans un certain jeu de dés, on lance des cubes parfaitement équilibrés dont les faces portent chacune un nombre entier: le même nombre peut figurer sur deux faces d'un même cube, mais - pour éviter les ex-acquo - deux dés différents ne portent pas un même nombre. Le gagnant est celui qui tire le nombre le plus élevé lors d'un seul jet.

On dira que le dé A est "meilleur" que le dé B si la probabilité de gagner avec A contre B est supérieure à 1/2.

On demande d'imaginer trois dés non-transitifs A, B, C, c'est-à-dire tels que A soit "meilleur" que B, B "meilleur" que C mais C "meilleur" que A.

(1. d) Des situations analogues interviennent dans les tournois et dans les systèmes de notations scolaires, et seront évoquées au chapitre 7. Les applications des mathématiques peuvent être empruntées à la vie

courante, à des techniques professionnelles, aux centres d'intérêts favoris des élèves (par exemple des jeux), aux autres sciences (physiques, natu-relles, humaines) ou même à d'autres branches des mathématiques.

Par exemple on utilise les nombres complexes pour résoudre des problèmes de géométrie, le calcul des probabilités dans des questions d'analyse, l'analyse en théorie des nombres.

Enfin, il arrive qu'un transfert dans un contexte pratique puisse per-mettre de résoudre un problème de mathématique pure [39].

D - Les questions pratiques jouent un rôle de stimulant vis-à-vis des élèves qui n'ont pas de goût spécial pour la mathématique en elle-même, et qui seront curieux d'apprendre comment cette science se rattache à d'autres centres d'intérêts. En d'autres termes, les applications constituent une propagande en faveur des mathématiques

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Les techniciens de la publicité savent que certaines de leurs campagnes vont parfois à l'encontre des buts visés. Il convient donc de veiller à l'efficacité publicitaire de nos exercices.

Il s'agit de convaincre qu'une théorie enseignée se rattache vraiment à des préoccupations pratiques. Bannissons donc les énoncés artificiels fausse-ment concrets qui aggravent l'impression d'opposition irréductible que l'on se plaît parfois à déceler entre la Mathématique et la Vie.

Exemple 3 Rejetons sans rémission les problèmes de robinets présentés sous forme traditionnelle. Nul n'utilise un chronomètre lorsqu'il fait couler son bain! Les élèves le savent bien et trouvent ridicule que l'on feigne d'y croire. Il s'est développé une phobie sociale contre ce genre de problèmes et l'on se livre à une contre-publicité en persistant à proposer ces énoncés.

Cependant, des variantes de ce problème se présentent effectivement dans de nouveaux cas pratiques. La programmation des machines à laver oblige couramment le constructeur à se poser des problèmes de remplissage. De même, l'industrie du pétrole est sensible à la moindre perte de temps des navires qui font le plein dans un port, car le stationnement à quai est soumis à de lourdes taxes.

Et une chaîne de montage est assimilable à un flot qui s'écoule entre des ouvriers qui jouent (hélas! ) le rôle de "robinets".

2. La mise en équation Examinons maintenant des questions où il s'agit d'appliquer les mathé-matiques à une science préalablement mathématisée. Il s'agit de traduire les données dans le langage du modèle (c'est la mise en équation), puis de résoudre le problème ainsi formulé.

Citons, pour mémoire, la tradition des "problèmes du second degré", à contexte géométrique: tels ces énoncés où il s'agissait de trouver un point M sur un demi-cercle, en sorte que le rapport des aires de certains poly-gones soit égal à un nombre réel m donné.

Il est clair que ces questions ne concernent pas une situation pratique digne d'intérêt. Leur unique motivation était de produire un énoncé de baccalauréat conforme aux programmes officiels, avec l'inévitable tableau de discussion de l'équation du second degré. Les manuels contenaient naguère un chapitre spécial sur la liturgie à observer pour résoudre ces questions artificielles.

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Plus intéressant, plus proche de réelles préoccupations pratiques est fourni par les exercices de physique. Mais la référence au concret y est encore trop souvent factice.

En fait, l'élève est en possession d'un aide-mémoire contenant une petite liste de formules, parmi lesquelles le choix n'est pas très difficile.

Il appliquera la loi d'Ohm, en substituant à la résistance (resp. inten-sité) le nombre d'ohms (resp. ampères) qui figure quelque part dans l'énoncé et ne cherchera pas à comprendre davantage. On peut parfai-tement résoudre un exercice de physique concernant un appareil que l'on n'a jamais vu, tout en ignorant s'il peut tenir dans une boîte d'allumettes, ou avoir la taille d'un immeuble de plusieurs étages! Il suffit d'appliquer la bonne formule. On notera le contraste avec la situation décrite dans l'exemple 1.

Pour contrecarrer cette tendance à appliquer des formules toutes faites, mal comprises, on pourra s'inspirer des tendances suivantes:

a) Ne pas s'en tenir à de simples applications numériques, mais au contraire faire étudier des situations plus complexes, qui obligent à combiner plusieurs formules du cours.

b) Mettre les dispositifs étudiés à la portée des élèves, grâce à des manipulations de documents descriptifs.

c) Apprendre aux élèves à collecter eux-mêmes les données.

Exemple 4 Tout candidat au certificat d'études apprend par coeur la formule qui

fournit l'aire d'un triangle. Mais sait-il ce que sont les hauteurs ? Saura-t-il, armé d'instruments convenables, mesurer la hauteur d'un champ triangulaire sur le terrain ?

On peut proposer à de jeunes enfants de calculer l'aire d'une feuille carrée qui a servi à confectionner une cocotte en papier. On fournit des instruments de mesure ou de dessin, mais on s'interdit de déplier la cocotte. Tout au plus est-il permis de fabriquer une cocotte auxiliaire, plus petite, uniquement pour se rendre compte du nombre d'épaisseurs de papier qui interviennent dans chacune des régions polygonales qu'il sera nécessaire d'envisager.

On choisira les énoncés en raison de leur intérêt propre, et non à cause du programme du baccalauréat [40].

En voici quelques exemples :

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Exemple 5 Le principe de Fermat Un mobile part d'un point A pour aller en B, en mettant le moins de temps possible. Il se déplace dans deux milieux (représentés par deux demi-plans limités par la même droite) où la vitesse est respectivement v et V. On demande de préciser sa trajectoire.

Il s'agit de minimiser la quantité b² + (1-x)²a² + x² +

v V

Il est élégant de renoncer à calculer le nombre x qui annule la dérivée, mais au contraire, d'interpréter l'annulation de cette dérivée pour aboutir à la loi de la réfraction de Descartes.

Exemple 6

Certains problèmes tirent leur intérêt de leur importance historique [6].

Au Ilème siècle avant J.C., Erathostène mesura le rayon de la Terre! Il obtint un résultat de 16 % trop grand, mais c'était une performance à l'époque où seuls quelques savants soupçonnaient la rotondité de la terre! La méthode d'Erathostène n'offre aucun intérêt si elle est présentée

A

a

x

l

b

B

I

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comme un banal problème de géométrie, en dehors de ce contexte d'ini-tiation historique [6]. Mais l'exploit est merveilleux, et devrait enthou-siasmer des enfants de onze ans.

De même, la légende prétend que Thalès (au Vlème siècle avant J.C.) mesura la hauteur des Pyramides en comparant leurs ombres à celle d'un bâton auxiliaire vertical de longueur donnée. Ici encore, c'est la mise en place du dispositif qui est ingénieuse, et non la solution facile qui en résulte.

La compilation de tels énoncés n'est pas facile, car elle exige une étroite collaboration entre les professeurs de mathématiques et de phy-sique, dont les motivations pédagogiques sont assez différentes.

Exemple 7 La méthode de Bessel utilisée pour mesurer la distance focale des

lentilles revient à intercaler le verre entre une source lumineuse et un écran et à chercher les deux positions qui produisent une image nette. On est alors conduit à la discussion intéressante d'une équation du second degré.

Les physiciens n'apprécient guère cette méthode qui exige un matériel très encombrant, sans présenter en contrepartie de réels avantages de précision sur d'autres procédés dont l'intérêt mathématique est moindre. Par exemple, l'opticien utilise des focomètres perfectionnés qui fournissent la distance focale par simple lecture, sans astreindre l'usager à se soucier d'une équation du second degré.

Il faut donc demander aux physiciens de nous signaler les questions qu'ils ne désirent pas enseigner, pour ne pas s'éloigner de leurs soucis expérimentaux, mais qui pourraient intéresser le professeur de mathé-matiques et ses élèves [40].

En contrepartie, le mathématicien sensibilisera ses élèves à des diffi-cultés qui apparaissent dans la réalité, mais non sur le papier. Par exemple, le géomètre a vite dit: "Abaissons la perpendiculaire de la source lumineuse sur le miroir plan". Mais que fera l'expérimentateur pour abaisser cette perpendiculaire avec une approximation suffisante ?

De même, la mesure de la hauteur de la Pyramide (exemple 6) est immédiate "sur le papier". Mais on appréciera mieux son ingéniosité lorsqu'on essaiera de l'appliquer sur le terrain, sans pouvoir pénétrer à l'intérieur de la pierre pour y tirer des traits et les mesurer.

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3. La mathématisation L'élaboration de modèles mathématiques destinés à rendre compte d'une situation pratique est beaucoup plus importante pour la formation intel-lectuelle de nos élèves.

L'analyse de la réalité, le choix des concepts importants, la construc-tion du modèle abstrait et du dictionnaire qui permet de traduire ces concepts en symboles est hautement instructive. "En r édu i sant un prob l ème d 'app l i ca t ion à sa f o rme mathémat ique - écrit G. Polya - on s'expose à deux types d'erreurs opposées: on peut pécher par transgression ou par omission. Comme la réalité est très complexe, on sera obligé de négliger l'accessoire, de simplifier, d'idéaliser. Si l'on néglige trop de facteurs, le problème devient irréaliste, sans contact avec les faits. Si l'on tient compte de trop de détails inessentiels on aboutit à un problème impraticable dont la solut ion exigera de trop grands investissements en énergie humaine ou en matérie l . Réussir à donner d'un problème une formulation qui n'est ni simpliste, ni i n ex t r i c a b l e p e u t ê t r e un exp l o i t qu i m e t t o u t e n j e u : l ' e xp é r i e n c e , la science, le talent, l'art du mathématicien appliqué, et aussi de la chance" [41].

Malheureusement, on constate que la mathématisation est une activité systématiquement négligée, dans les pays où l'enseignement repose entiè-rement sur des programmes rigides.

Il est, en effet, très difficile de trouver des situations pratiques inté-ressantes à mathématiser, qui conduisent à un problème mathématique ayant le même intérêt.

Le programme incite à se ramener coûte que coûte à certains types de problèmes répertoriés.

Exemple 8 La plupart des problèmes de programmation linéaire posés par la gestion de l'Économie se ramène à l'étude d'un système de plusieurs dizaines d'inéga-lités linéaires, dépendant de plusieurs dizaines de paramètres. On peut aisément convaincre des élèves que la résolution d'un tel problème est inextricable à la main, mais peut aisément se maîtriser lorsqu'on dispose d'un ordinateur.

Mais il est pédagogiquement nocif de violenter les faits pour ramener un tel problème à un système de quelques inégalités linéaires à deux

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inconnues. Celui-ci pourra certes être étudié jusqu'au bout par les élèves; mais à force de négliger beaucoup de facteurs on aboutit à des problèmes irréalistes dénoncés par Polya.

Évitons donc de faire la théorie de l'aéroplane, en négligeant, pour simplifier (sic), la résistance de l'air!

La même faute pédagogique a systématiquement faussé l'enseignement de la mécanique pendant plus d'un siècle.

On sait que la plupart des problèmes naturels de mécanique - ceux qui d'après René Thom représentent une situation générique - conduisent à un système d'équations de Lagrange qui ne possèdent pas suffisamment d'intégrales premières. Autrement dit, si l'on demande à un candidat de mettre le problème en équation, il est impossible de lui demander d'en faire l'étude mathématique, en l'absence de moyens de calcul puissants.

Pour "pouvoir" néanmoins fournir aux candidats aux certificats de mécanique rationnelle leur ration de problèmes d'examen, on se rabat sur un cas très particulier, qui ne se rencontre presque pas dans la pratique. C'est cette famille de problèmes comportant un seul paramètre principal qui a alimenté, sous des variantes de plus en plus saugrenues, les besoins pédagogiques de la mécanique rationnelle. C'est là l'origine de la sclérose bien connue de cet enseignement.

Exemple 9

Une des rares exceptions à ce qui vient d'être dit est constituée, au niveau universitaire, par l'étude des cordes vibrantes. Mais sa mise en équation, et la théorie de l'équation obtenue, sont rarement accessibles aux mêmes étu-diants. Rares sont ceux qui choisissent simultanément une option "Méca-nique des milieux continus" et une option "Analyse supérieure" dans leurs études.

Ainsi, si l'on veut utilement initier des élèves à la mathématisation, il faudra se résigner à dissocier cette activité du problème mathématique obtenu. Il ne faudra pas hésiter à proposer des situations complexes qui conduisent à des problèmes triviaux. "Il est souvent plus di f f i ci l e de formuler le bon problème que de le résoudre", écrit H. 0. Pollak.

Exemple 10

Alan Tammadge décrit une passionnante expérience pédagogique, vécue dans une classe d'enfants de 11 à 12 ans, dans son article "How math does

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it cost to keep a dog ? " ("A combien cela revient-il d'élever un chien ? " [42]).

On ne peut s'empêcher de songer que rares sont les adultes capables d'évaluer ce que leur coûte leur auto!

Il n'a pas été facile aux écoliers de dégager les bons concepts, de comprendre qu'il fallait distinguer diverses sortes de dépenses, selon qu'elles sont fixes (prix d'achat du chien), périodiques (nourriture), irrégulièrement renouvelables ou même aléatoires (frais de vétérinaire, si l'on n'est pas couvert par une assurance). Il fallait décider comment l'âge du chien intervenait dans le prix de la nourriture. Et le résultat a été finalement présenté sous forme d'organigramme permettant de faire le calcul pour n'importe quel chien dès que l'on aura collecté quelques données numé-riques.

Il est possible d'utiliser cet organigramme pour inciter les écoliers à faire des multiplications à virgule; mais l'intérêt de cet exercice de calcul est sans commune mesure avec tout ce qu'apporte la phase de mathéma-tisation.

On trouvera d'autres situations susceptibles d'exercer à la mathé-matisation à des niveaux divers dans [43], [44] et [37] (,J.C. Herz, S. Turnau, G. Glaeser, M. Glaymann, etc.)

La mathématisation se ramène souvent à la découverte d'un codage qui permet de décrire les divers états d'une situation pratique à l'aide de symboles mathématiques appropriés.

On en trouvera des exemples dans [37] (Cf. les articles de P. Jullien et de J.C. Herz) et dans [46].

La découverte de la structure mathématique qui rend compte d'une situation pratique pose parfois de grosses difficultés.

L'histoire de la mécanique [45] nous enseigne que la notion de vecteur s'est dégagée avec beaucoup de retard sur les progrès de la statique. L'idée de représenter des forces par des flèches, soumises à des opérations géométriques simples, n'était pas définitivement acquise 2000 ans après Archimède. Le document ci-joint en porte témoignage.

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4. Pédagogie du faux-concret A côté de problèmes "sérieux" rédigés de façon à respecter l'authenticité de la situation pratique, on peut au contraire exploiter l'immense pouvoir pédagogique de l'humour. Si une situation est artificielle, il est souhaitable que l'énoncé soit nettement loufoque: les élèves ne l'oublieront pas. Exemple 11 Le problème du nénuphar, de l'escargot qui monte à l'assaut d'un mât de Cocagne, de la mouche qui oscille jusqu'au trépas entre deux cyclistes, etc., etc. sont instructifs du point de vue mathématique. Il est bon qu'ils se transmettent dans les cours de récréation et à l'occasion des veillées des colonies de vacances [28].

De même la lecture de certains romans fictifs peut constituer, parfois, un exercice mathématique par lui-même.

Combien d'entre nous ont-ils appris ce qu'étaient les fuseaux horaires dans "Le Tour du monde en quatre-vingt jours" et se sont initiés à la méthode de triangulation (bien avant de connaître les fonctions trigo-nométriques) dans "Les aventures de trois Russes et de trois -Anglais en Afrique australe" (Jules Verne) ?

Voici encore un texte dont le commentaire a servi d'examen partiel de mécanique pour des élèves de seconde année à l'Université. (Il n'y a pas lieu d'analyser ici pourquoi cette épreuve a été complètement ratée! ). Exemple 12

Le texte suivant de Jules Verne' (extrait de "Autour de la lune") comporte une erreur évidente (à la lumière de l'actualité spatiale ! ).

Laquelle ? Pourquoi ? (On demande une justification mécanique, et non pas "métaphysique"; on pourra être amené à assimiler l'obus à un point).

A 78114 lieues ..........

En effet, la trajectoire du projectile se traçait entre la Terre et la Lune. A mesure qu'il s'éloignait de la Terre, l'attraction terrestre diminuait en raison inverse du cané des distances, mais aussi l'attraction lunaire augmentait dans la même proportion. Il devait donc arriver un point où, ces deux attractions se neutralisant, le boulet ne pèserait plus. Si les masses de la Lune et de la Terre eussent été égales, ce point se fût rencontré à une égale distance des deux astres. Mais en tenant compte de la différence des masses, il était facile de calculer que ce point serait situé aux quarante-sept cinquante-deuxièmes du voyage, soit, en chiffres, à soixante-dix-huit mille cent qua-torze lieues de la Terre

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A ce point, un corps n'ayant aucun principe de vitesse ou de déplacement en lui, y demeurerait éternellement immobile, étant également attiré par les deux astres, et rien ne le sollicitant plutôt vers l'un que vers l'autre.

Or, le projectile, si la force d'impulsion avait été exactement calculée, le projectile devait atteindre ce point avec une vitesse nulle, ayant perdu tout indice de pesanteur, comme tous les objets qu'il portait en lui.

Qu'arriverait-il alors ? Trois hypothèses se présentaient. Ou le projectile aurait encore conservé une certaine vitesse, et, dépassant le point

d'égale attraction, il tomberait sur la Lune en vertu de l'excès de l'attraction lunaire sur l'attraction terrestre.

Ou la vitesse lui manquant pour atteindre le point d'égale attraction, il retom-berait sur la Terre en vertu de l'excès de l'attraction terrestre sur l'attraction lunaire.

Ou enfin, animé d'une vitesse suffisante pour atteindre le point neutre, mais insuffisante pour le dépasser, il resterait éternellement suspendu à cette place, comme le prétendu tombeau de Mahomet, entre le zénith et le nadir.

Telle était la situation et Barbacane en expliqua clairement les conséquences à ses compagnons de voyage. Cela les intéressait au plus haut degré. Or comment reconnaîtraient-ils que le projectile avait atteint ce point neutre situé à soixante-dix-huit mille cent quatorze lieues de la Terre ?

Précisément lorsque ni eux ni les objets enfermés dans le projectile ne seraient plus aucunement soumis aux lois de la pesanteur.

Jusqu'ici, les voyageurs, tout en constatant que cette action diminuait de plus en plus, n'avaient pas encore reconnu son absence totale, Mais ce jour-là, vers onze heures du matin. Nicholl ayant laissé échapper un verre de sa main, le verre, au lieu de tomber, resta suspendu dans l'air. "Ah! s'écria Michel Ardan, voilà donc un peu de physique amusante! ".

Et aussitôt, divers objets, des armes, des bouteilles, abandonnés à eux-mêmes, se tinrent comme par miracle. Diane, elle aussi, placée par Michel dans l'espace, repro-duisit, mais sans aucun truc, la suspension merveilleuse opérée par les Caston et les Robert-Houdin. La chienne, d'ailleurs, ne semblait pas s'apercevoir qu'elle flottait dans l'air.

Eux-mêmes, surpris, stupéfaits, en dépit de leurs raisonnements scientifiques, ils sentaient, ces trois aventureux compagnons emportés dans le domaine du merveilleux, ils sentaient que la pesanteur manquait à leur corps. Leurs bras, qu'ils étendaient, ne cherchaient plus à s'abaisser. Leur tête vacillait sur leurs épaules. Leurs pieds ne tenaient plus au fond du projectile. Ils étaient comme des gens ivres auxquels la stabilité fait défaut. Le fantastique a créé des hommes privés de leurs reflets, d'autres privés de leur ombre! Mais ici la réalité, par la neutralité des forces attractives.

………… L'habillage est une technique pédagogique très répandue qui utilise

intentionnellement le faux-concret. Elle consiste en la présentation d'un texte mathématique dans un contexte fantaisiste.

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Deux motifs peuvent être invoqués pour justifier cette pratique:

a) Parfois l'on désire rendre attrayant un énoncé trop aride: on trouve dans les oeuvres d'Archimède un difficile problème d'arithmétique présenté sous forme allégorique (Le Problème des Boeufs) et Omar Khayyam rédigeait ses énoncés en vers!

Il est douteux que nos jeunes élèves soient sensibles à ces artifices. Leurs références littéraires sont différentes.

Exemple 13

Pour planifier la production d'une marchandise dont la fabrication exige un grand nombre d'opérations soumises à des contraintes de durée et de priorité, on utilise la méthode PERT (Program Évaluation and Review Technic). Elle repose sur des notions ensemblistes simples et peut être comprise par des jeunes élèves. Mais comme elle n'est pas certaine de les passionner par le planning de la fabrication des fers à repasser, Françoise Dubail a préféré leur soumettre l'énoncé suivant qui s'adresse aux fana-tiques d'Astérix le Gaulois [37].

Pour fabriquer de la potion magique, il faut: un chaudron, une serpe d'or, de l'eau de source et les ingrédients suivants: 2 améthystes (a), 6 betteraves (b), 4 coeurs d'abeilles ouvrières (c), 7 dattes d'Égypte (d), 9 épines d'acacia (e), 15 fraises des bois (f), 3 gueules de vipères (g), 1 branche de houx coupée par la serpe d'or (h). Remplir le chaudron d'eau, puis faire macérer les ingrédients en respectant les règles qui suivent: 1) Il faut que a ait macéré au moins trois jours avant de mettre à macérer d, f, e. 2) g doit macérer au moins quatre jours;

f doit macérer au moins sept jours; h doit macérer au moins trois jours.

3) Avant de mettre à macérer g il faut que b ait macéré au moins six jours et que d ait macéré au moins quatre jours.

4) Avant de mettre à macérer h, il faut que c et e aient macéré au moins deux jours.

Question: Quelle est la durée de fabrication minimum de la potion magique ?

b) Dans d'autres cas, l'habillage permet de poser des problèmes intéressants dans un langage que les enfants comprennent d'emblée.

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Exemple 14

Il est possible de préparer l'initiation à la géométrie déductive plusieurs années à l'avance.

A de jeunes écoliers habitués à se servir de cartes de géographie. mais pas encore familiarisés avec le langage ensembliste, on peut présenter des schémas de réseaux routiers, (dont voici un exemple):

On leur demandera de le compléter (ou de le modifier) en sorte qu'il

satisfasse à des conditions telles que: "Par deux villes distinctes passe une route directe et une seule" ou encore "Deux routes distinctes passent toujours par une ville commune".

On peut obtenir des modèles finis où tous les axiomes d'incidence de la géométrie affine (resp. projective) sont satisfaits sans que les routes aient un aspect rectiligne.

Ce matériel permet de proposer de très nombreux raisonnements inté-ressants qui préfigurent les démonstrations de la géométrie [47].

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Il y a de grands avantages à éviter, à ce niveau, les mots "droites", "parallèles", "plan" qui sont chargés d'une 'signification profondément ancrée dans l'esprit des élèves. On évite le conflit entre le déductif et l'expérimental, qui constitue la principale difficulté à l'enseignement de la démonstration mathématique.

Pourtant, l'habillage précédent n'est pas encore satisfaisant. Par exemple, on constate sur la figure que les "routes" qui joignent les villes {C, D, F} et {G, E, C} se croisent en dehors d'une ville. On peut remédier à cela en remplaçant partout le mot "route" par "autoroute" et en expliquant que certaines intersections qui figurent sur la carte ne sont pas des croisements, puisqu'un pont ou un passage souterrain les évitent. Mais néanmoins le tracé des autoroutes est trop matérialisé pour que les enfants soient capables de faire abstraction de la forme. Par exemple, sur la figure, la ville D est dessinée "entre" C et F. C'est là une notion dont la géométrie d'incidence veut faire abstraction (jusqu'à ce que d'autres axiomes soient introduits).

En cherchant à imaginer une habillage qui facilite ces abstractions aux enfants on a suggéré d'évoquer un lac, comportant certains embar-cadères {A, B, C, D, ..., G} sur les berges, ou dans les îles, et de considérer des "croisières" desservant certains embarcadères.

Ici, l'itinéraire d'une croisière n'est plus matérialisé sur l'eau; et on peut expliquer que le capitaine de la vedette qui dessert les embarca-dères {C, D, F} se réserve le droit de modifier son chemin, suivant les conditions météorologiques. En particulier, il ne se sent pas obligé de visiter ses escales dans un ordre immuable.

On peut demander aux écoliers de dessiner un autre schéma, très différent en apparence du dessin précédent, mais respectant néanmoins toutes ses relations ensemblistes. En d'autres termes, on demande de manipuler sur des isomorphismes de structures d'incidence. Tout cela peut être accompli, à condition de ne pas utiliser (ou abuser) du langage ensembliste. Évidemment, il faut une expérimentation prudente pour adapter chaque exercice à l'âge des élèves auxquels on s'adresse. Mais la géométrie finie peut être présentée d'une façon progressive du Cours Moyen à l'Université.

Pour terminer, citons des exemples où la mathématique sert d'habillage à des exercices de grammaire.

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Exemple 15 Tel est le cas des problèmes du premier degré comportant la phrase : "J'ai trois fois l'âge que vous aviez quand j'avais l'âge que vous avez".

Sam Loyd [14] formule un exercice analogue: "Mary is twice as old as Ann was when Mary was hall as old as Ann will be when Ann is three times old as Mary was when Mary was three times as old as Ann. The combined ages of Mary and Ann are forty-four years. How old is Mary ? ".

Nos collègues anglicistes pourraient-ils aider nos élèves à décrypter cet "exercice de charabia"?

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SOMMAIRE

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SOMMAIRE

CHAPITRE 7

LES TESTS

Ce chapitre distingue deux catégories de questions de contrôle dont les finalités sont différentes, et parfois opposées: les tests pédagogiques et les épreuves à sanctions sociales.

Ces dernières, à usage extra-scolaire, attribuent des attestations de compétence (notes, classement, diplôme, etc.) destinées à orienter les indi-vidus dans leur vie professionnelle ultérieure. Les tests pédagogiques, au contraire, sont des instruments du processus d'enseignement. Ils organisent le feed-back du maître par les élèves et leurs résultats sont généralement sans conséquence hors des murs de l'école. Ils fournissent constamment au professeur et à l'élève des informations sur la façon dont l'enseignement est reçu. Sous sa forme la plus naïve, ce test se réduit à la question: "Avez-vous compris ? "

Malheureusement, les interrogés sont rarement en mesure de répondre utilement à cette interpellation; car il faut avoir déjà atteint un stade avancé de l'éducation mathématique pour prendre conscience de ce que l'on ne comprend pas, et pour savoir le formuler.

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1. L'autocontrôle II convient donc d'exercer l'élève à contrôler lui-même ses connaissances et à prendre conscience du degré d'assimilation. On y parvient grâce à des exercices analogues aux suivants: a) Vérification d'un savoir faire L'élève fabrique lui-même des exemples numériques sur lesquels il essaie la méthode étudiée. De préférence, il s'organisera de façon à pouvoir facile-ment vérifier lui-même la réponse. Par exemple, il composera des équations ayant des racines qu'il se donnera à l'avance, avant de s'exercer à les résoudre par la méthode qu'il désire tester. b) Contrôler la compréhension d'une démonstration en reprenant le raison-nement sur un cas particulier. (Par exemple, on refera sur la parabole la démonstration d'un théorème relatif aux coniques). c) Apprendre à vérifier la justesse d'un résultat Le maître évitera de répondre lorsque l'élève lui demandera s'il a "trouvé juste". Il l'encouragera, au contraire, à s'en convaincre lui-même, grâce à des vérifications ou à des recoupements divers. L'élève contrôlera sponta-nément si les formules qu'il obtient sont homogènes, si le résultat est en accord avec le bon sens dans des cas particuliers, ou des cas limites, si l'ordre de grandeur de la réponse est plausible. d) L'élève doit apprendre à se noter lui-même. Plus précisément, il doit être en mesure de porter un jugement sur l'importance des erreurs qu'il pourrait avoir commises. Les grosses erreurs de jugement sur son propre travail révèlent généralement une incompréhension profonde.

Cet exercice comporte aussi des aspects moraux qu'il ne faut pas négliger: développement de la probité scientifique, connaissance de soi sans complaisance orgueilleuse, ni manque de confiance exagéré. Si l'élève a raté un devoir, il est conduit en se notant lui-même à ne pas rejeter la faute sur son professeur dont le rôle n'est pas de rendre des oracles, ni de distribuer blâmes ou récompenses. 2. Le feed-back immédiat A la question stupide "Avez-vous tous compris ? " le professeur doit substi-tuer des séries de questions susceptibles de révéler immédiatement les malentendus et d'influer sur la poursuite de son enseignement.

Mais ces questions de contrôle doivent pouvoir s'interpréter pédago-giquement sans ambiguïté:

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Exemples 1 a) Pour tester la compréhension de la notion de nombre premier on demandera de souligner les nombres premiers dans une courte liste. Mais il ne faut pas que la réussite ou l'échec soit dû à des circonstances étrangères à l'essentiel. Par exemple, un élève pourra penser que 133 (qui est égal à 7 ⋅ 19) est premier, soit parce qu'il n'aura pas essaye de diviser par 7, soit parce qu'il se sera trompe dans la division. Dans le second cas, c'est la faiblesse en calcul qui est en cause et non la compréhension de la notion. b) De même, si un élève parvient à calculer correctement une dérivée, on ne peut en conclure qu'il a compris ce qu'est une dérivée. c) Une batterie de tests destines à vérifier l'acquisition du langage ensem-bliste proposait de rayer des relations fausses dans une longue liste. C'est ainsi que :

{ } { } { } { }1 ; 8 1 ; 2 ; 5 et 1 ; 8 1 ; 2 ; 5. . furent barres à juste titre par presque tous les candidats. Mais une analyse fine du comportement des élèves faibles prouva qu'ils avaient surtout été impressionnes par la présence du nombre 8 aux premiers membres; d'ailleurs ils avaient échoué à propos de:

{ } { } { } { }1 ; 5 1 ; 2 ; 5 et 1 ; 5 1 ; 2 ; 5. . où seul l'emploi correct de . et . était en cause. (Cf "Tests sur l'acquisition des connaissances en fin de cinquième", Tra-vaux de l'I.R.E.M. de Strasbourg (à paraître)).

Ces remarques conduisent à se demander ce que l'on exprime lorsqu'on prétend qu'un élève a compris.

Le professeur Bloom, de Chicago [48], et son école s'efforcent de classifier des objectifs pédagogiques, en distinguant des niveaux de connais-sance et de compréhension.

Voici, à titre d'exemple, une version simplifiée de l'échelle de Bloom, utilisée par le Service des Examens de l'Université de Princeton: (Bien entendu, les mots utilises dans la liste ci-dessous sont expliques et illustres par de nombreux exemples comparatifs dans les publications [48], [49], [50]).

0 : L'aptitude à se rappeler la connaissance des faits. 1 : L'aptitude à accomplir des manipulations mathématiques. 2 : L'aptitude à résoudre des problèmes ordinaires. 3 : L'aptitude à montrer la compréhension des idées et des concepts mathé-

matiques.

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4 : L'aptitude a résoudre des problèmes sortant de l'ordinaire, ce qui exige de la perspicacité ou de l'habileté.

5 : L'aptitude à appliquer aux mathématiques des procédés mentaux supérieurs.

Ces travaux méritent d'être perfectionnés notamment dans une meil-leure adaptation de l'enseignement des mathématiques.

Exemple 2 A propos du noyau et de l'image d'une application linéaire on peut distinguer divers niveaux d'assimilation. Connaître par coeur la définition (c'est le niveau 0 de l'échelle précédente). Être capable de déterminer ces sous-espaces sur des exemples numériques (niveau de connaissance 1). Être capable de déjouer une question-piège où l'on demande de chercher le noyau d'une application non-linéaire (niveau 3). Mais on n'a vraiment compris ces notions que lorsqu'on est capable de fabriquer, par exemple, un couple d'endomorphismes (A, B) tels que A ° B = 0 et B ° A * 0 en jouant sur les positions relatives des noyaux et des images. (C'est le niveau 5 ou 3 selon que l'élève réinvente la méthode ou applique en les adaptant des procédés déjà rencontrés).

3. Les épreuves à sanctions sociales

Dans la société contemporaine - sous tous les régimes politiques - le profes-seur est investi d'un pouvoir social: il, est chargé de décerner des certificats de qualification ou des diplômes basés sur des interrogations, compositions, examens ou concours. On notera que ce rôle se distingue de la fonction enseignante, et que dans une certaine mesure, il la contredit [51].

Tout professeur doit méditer sur ce double aspect de sa profession: les conclusions qu'il devrait en tirer, sans démagogie, mais sans aveuglement, méritent d'être nuancées.

D'une part, une orientation ou sélection, opérée dans des limites précises (à définir) est parfaitement justifiée: un diplôme de docteur en médecine, un brevet de pilote de ligne, un certificat d'aptitude à l'ensei-gnement des mathématiques ne sauraient se trouver dans une "pochette-surprise". Ils devraient garantir une qualification qui inspire confiance au public. Et, s'il s'agit de vérifier cette qualification, n'est-il pas préférable que le contrôle soit confié à des interrogateurs compétents, plutôt qu'à des gendarmes, des inquisiteurs ou des commissaires politiques ? Mais d'autre part, les modalités d'attribution des diplômes revêtent parfois des aspects répressifs discutables.

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"Les examinateurs, écrit Henri Piéron, sont appelés à une véritable souveraineté, dont ils sont trop souvent tentés d'abuser, même s'il le font avec bonne foi".

L'échec à un examen est beaucoup trop dramatisé: il est ressenti parfois comme une honte ou une injustice par le candidat malheureux. Pourtant, cet aspect traumatisant est complètement étranger à la fonction assumée par les examens. Des efforts doivent être déployés pour rendre ces formalités de contrôle plus humaines.

Chaque fois qu'un interrogateur siégera dans un jury, il fera un effort de mémoire pour se reporter quelques années en arrière, au temps où il était assis en face, au banc des interrogés. Les choses iraient mieux, si les adultes n'oubliaient pas si vite!

Admettant, sous réserve d'inventaire, la légitimité de ce contrôle social, nous nous proposons d'examiner la rédaction des textes d'épreuves du point de vue technique et pédagogique.

4. Préparation d'une épreuve: principes généraux

Un énoncé de contrôle se juge en fonction de sa finalité. L'auteur doit d'abord s'interroger sur les connaissances ou aptitudes qu'il désire détecter.

La forme de l'épreuve, le choix, la formulation et l'agencement des questions, les techniques de corrections et de jugements doivent être subordonnés à cette finalité.

Au lieu de développer en termes généraux la théorie de ces différents facteurs, nous préférons les examiner sur quelques exemples.

Exemple 3

Voici un questionnaire, composé par N. Roby. Il l'utilisait lors des pre-mières séances de travaux pratiques de mathématiques générales.

QUESTIONNAIRE

Vrai Faux

1. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il suffit qu'il soit divisible par 3.

2. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il faut qu'il soit divisible par 3.

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Vrai Faux

3. Pour qu'un entier soit divisible par 6; il faut qu'il soit divisible par 3et par 2.

4. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il suffit qu'il soitdivisible par 9 et par 4.

5. Pour qu'un entier ne soit pas divisible par 6, il faut qu'il nesoit divisible ni par 3 ni par 2.

6. Pour qu'un entier ne soit pas divisible par 6, il suffit qu'il ne soitdivisible ni par 3 ni par 2.

7. Pour que la projection orthogonale d'un angle droit sur unplan ne soit pas un angle droit, il faut que l'un de ses côtés aumoins ne soit pas parallèle au plan.

8. Pour que la projection orthogonale d'un angle droit sur unplan ne soit pas un angle droit, il suffit que l'un de ses côtés aumoins ne soit pas parallèle au plan.

9. Pour que deux cercles dans un même plan se déduisent l'un del'autre par une homothétie, il suffit qu'ils aient même rayon.

10. Pour que deux droites de l'espace soient sans point commun, ilfaut qu'elles ne soient pas dans un même plan.

11. Pour que deux droites de l'espace soient sans point commun, 1suffit qu'elles ne soient pas dans un même plan.

12. Soit dans le plan l'ellipse E de foyers F et F', de grand axe 2a.Pour qu'un point M du plan appartienne à E, il suffit que

2MF= a3

et 4MF '= a3

13. Pour qu'un point M de l'espace appartienne à E, il suffit que

2MF= a3

et 4MF '= a3

14. Soient dans un plan C et C' deux cercles de rayon R, dont lescentres O et O' sont à la distance 56R. Pour qu'un point Mdu plan appartienne à C et C', il faut et il suffit que

MO =MO'=R.

15. Pour qu'un entier a soit divisible par un entier b, il faut que lereste de la division de a par b soit plus petit que 3.

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Ce texte vise des étudiants extrêmement faibles. Il sert à détecter ceux qui ne sont pas à l'abri des cercles vicieux et qui, par conséquent, ne pourront pas poursuivre des études de mathématiques supérieures tant qu'ils n'auront pas été guéris de ce défaut rédhibitoire. L'objectif n'est pas d'exclure, de réprimer, mais de convaincre celui qui échoue qu'il n'a pas les qualités requises et qu'il se prépare un avenir tissé d'échecs s'il s'engage dans cette voie à laquelle il n'est pas préparé.

Pour obtenir une conviction très nette, l'épreuve doit être au-dessus de toute contestation. Elle doit porter sur des points extrêmement importants, aux yeux de tous, ne comporter aucune question tant soit peu subtile ou délicate: elle doit se maintenir au niveau du "minimum vital". On pourrait donc suggérer de supprimer les questions 11, 13, 14, 15 qui appartiennent à un niveau un peu plus élevé: si l'on n'échoue qu'à celles-là, on peut parfaitement poursuivre des études supérieures, à condition de réfléchir à quelques point délicats de logique, notamment ceux qui sont liés à l'emploi de l'ensemble vide ¬ .

Grâce à la forme du questionnaire, où la réponse s'inscrit à l'aide d'une croix dans une case (un tel test s'appelle, en anglais, un quiz) l'échec ne peut être attribué à la partialité ou à la sévérité du correcteur, pour autant qu'aucun doute ne subsiste sur la réponse correcte attendue.

La méthode de notation "évidente", qui consiste à attribuer un point par réponse correcte n'est pas adaptée à cette finalité: en effet, les questions 1 ; 2 ; 3 ; 4 forment un tout. Un candidat qui se trompe sur l'une d'elles n'a manifestement pas compris les trois autres. La gradation qui distinguerait ceux qui se sont trompés une ou deux fois sur ces quatre questions introduirait un élément de chance qui n'a aucune signification en ce qui concerne les aptitudes.

De plus, on a intérêt à ce que la liste des notes attribuées présente une nette cassure entre les candidats moyens et les candidats très faibles. Cela rend encore plus convaincante la démonstration qui fait l'objet du test.

Les questions, telles qu'elles sont présentées, ne sont évidemment pas indépendantes: tout candidat aura tendance à fournir des réponses opposées à 1 et 2 (ou à 7 et 8). On atténuera considérablement cette corrélation en dispersant ces questions dans le questionnaire. Ce conseil est en contraste avec ce qu'il y a lieu de faire en rédigeant une batterie d'exercices didactiques (chapitre 3), où la proximité des questions analogues attire l'attention sur les ressemblances et lés différences.

Jean LEFORT
Texte souligné
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On ne peut pas juger de la valeur de ce test, si l'on n'a pas précisé à l'avance la durée offerte aux candidats pour y répondre. Cette durée doit être en rapport avec la finalité de l'épreuve. Un candidat qui aurait besoin de plusieurs minutes pour répondre correctement aux deux premières questions n'a manifestement pas l'agilité d'esprit nécessaire pour suivre une démonstration exposée oralement au tableau.

De même, la réponse doit être écrite à l'encre, et les ratures ne seront pas admises, car il s'agit ici de questions où les hésitations ne sont pas de mise.

Exemple 4 On pourrait imaginer, en prolongement au test précédent, une épreuve destinée aux étudiants moyens, pour attirer leur attention sur quelques points délicats de logique sur lesquels ils feraient bien de réfléchir.

Le questionnaire pourrait commencer par une partie du précédent, qui servirait d'épreuve éliminatoire: mais ces questions triviales ne devraient pas être notées. L'énoncé proprement dit comporterait les questions 11, 13, 14, 15 complétées par quelques "colles" plus subtiles, telles que:

"Pour qu'un point M se trouve sur une ellipse de foyers F et F' et de grand axe 4 FF', il suffit que MF = 10 FF' et MF' = 2 FF' ".

ou encore quelques facéties logiques à la Lewis Carroll [18].

Dans ce cas il y a lieu de donner beaucoup de temps de réflexion aux candidats: ce n'est plus ici, une épreuve de rapidité. Et il serait dommage que l'échec soit dû uniquement à l'affolement ou l'étourderie.

Exemple 5 Pour mettre au point les questions du "General Certificate of Education" (Ordinary Level), qui joue en Grande-Bretagne un rôle social analogue à notre baccalauréat (considéré comme diplôme de fin d'études) l'Université de Londres a créé un Institut spécial [49], [38] (Penfold). L'élaboration de "Quiz à choix multiples" s'y échelonne sur des années. Des questions sont proposées par des professeurs qui leur attribuent une place dans une classification analogue à celle de Bloom [48]. Après un tri et un échan-tillonnage laborieux, on teste la batterie de questions dans des classes-cobayes qui ne sont pas du ressort de l'Université de Londres, perfec-tionnant pendant plusieurs années la mise au point.

Les candidats sont confrontés à des questions affectées chacune de cinq réponses plus ou moins plausibles. Plusieurs réponses peuvent être

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simultanément correctes, ce qui permet à priori le choix entre 25 réponses. L'influence du hasard est assez faible.

Mais dans la pratique, les candidats éliminent d'abord quelques réponses qu'ils jugent évidemment fausses et prennent quelques risques sur les réponses restantes.

En général, le correcteur doit savoir qu'une copie n'est pas forcément sincère. Un candidat qui n'est pas certain de répondre correctement préfè-rera sans doute "faire un pari", plutôt que de remettre copie blanche. Ce phénomène dg- prise de risque, que l'on observe régulièrement au cours des jeux radiophoniques, explique au correcteur pourquoi il trouve d'invrai-semblables sottises sous la plume d'élèves qu'il croyait intelligents.

Exemple 6 Voici à titre d'exemple, le témoignage d'une candidate reçue brillamment au concours d'entrée à l'École Normale Supérieure de Sèvres, bien qu'elle ait complè-tement raté une composition écrite: "Pendant toute la durée de l'épreuve, je savais pertinemment que mes affirmations manquaient totalement de rigueur et que je passais à côté de la question. Mais je ne savais vraiment pas ce qu'il fallait faire... et il aurait été stupide de remettre une copie blanche".

Le correcteur a dû être très étonné en apprenant que l'auteur de cette copie nulle avait fait preuve de beaucoup d'intelligence dans les autres compositions!

Exemple 7

Lorsqu'il s'agit de sélectionner un très petit nombre de sujets extrêmement brillants, en vue d'attribuer une bourse ou un prix, la formule des Olym-piades [9], [10], [11], [12], nous semble préférable à celle du concours général. L'Olympiade comporte une épreuve de sélection, suivie de quarts de finale, demi-finales et finale. A chacune de ces épreuves on confronte les candidats avec cinq problèmes (au sens du chapitre 2): celui qui réussit à en résoudre deux (ou, pour les plus difficiles, à faire sérieusement avancer la question) est assuré de passer à l'échelon suivant. Les succès ne donnent pas directement lieu à un diplôme, niais l'accès en demi-finale est un titre envié dont on peut efficacement faire état.

La technique de correction ne tient pas compte des copies trop faibles. Le jury est alors confronté à très peu de copies, sur les mérites desquelles il peut discuter sans avoir besoin d'attribuer des notes.

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Les Olympiades soviétiques offrent l'avantage d'atténuer considé-rablement l'effet traumatisant de l'échec: il s'en organise plusieurs au cours de chaque année, et un candidat qui manquerait d'inspiration pour l'une d'entre elles, aura de multiples occasions de concourir à nouveau, sans interrompre ses études, ni perdre une année pleine. Ainsi une bonne performance est récompensée. Un échec reste sans conséquence.

Exemple 8 [52]

Critiquons maintenant un concours d'entrée à l'École Polytechnique [50], où il s'agissait de sélectionner 300 candidats parmi 1600. La correction de chaque épreuve écrite (par un correcteur unique) s'étendait sur plus d'un mois. Il s'agissait de juger toutes les copies avec la même sérénité, sans se laisser influencer par la lassitude, sans désavantager une copie moyenne, corrigée après quelques copies brillantes, au profit d'une copie analogue placée dans une série de copies nulles.

Pour se soustraire à de telles influences, le correcteur est obligé de se cramponner à un barème rigide, soumis à des contraintes précises: il commence par établir une liste de bonnes réponses dûment tarifées, et une liste d'erreurs standard dûment pénalisées.

Dès que ce barème est fixé, il n'est plus possible de tenir compte d'un élément exceptionnel.

Un tel concours favorise les candidats qui sont réguliers dans leur travail, assez bons dans toutes les matières (payantes), qui ne se passionnent ni pour quelque chose, ni contre quelque chose. Mais les "monstres d'intel-ligence" ayant des qualités et des défauts qui sortent de l'ordinaire sont parfois lésés. C'est ainsi qu'Évariste Galois a échoué au concours d'entrée à l'École Polytechnique.

Trop nombreux sont les auteurs de sujets de concours qui n'ont pour tout souci que de composer un bel énoncé, joyau de leurs oeuvres complètes. Le clou en est constitué par la fameuse dernière question, celle qu'aucun candidat n'aura le temps d'aborder et qui finalement ne sera même pas notée.

Faute d'avoir terminé l'épreuve, aucun candidat n'aura entrevu le thème, l'idée directrice: il se contentera d'établir des lemmes artificiels dont il ne comprend pas la motivation: belle pédagogie, en vérité, que celle où l'on est obligé de travailler sans savoir où l'on va.

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Le texte est très long, c'est pourquoi l'auteur "conduit charitablement les candidats par la main", leur ôtant toute occasion de faire valoir leurs qualités. On ne leur laisse que le droit d'égrener une liste de vérifications insipides.

Énumérons, par contraste, quelques règles qu'il est bon de respecter lorsqu'on fabrique un texte de composition d'examen ou de concours. a) Il faut prévoir les difficultés qui arrêteront de nombreux candidats: il se formera des "bouchons", des goulots d'étranglement. On veillera à ce qu'aucun de ces bouchons ne se produise à la question du début, ce qui aurait pour effet de décourager la majorité: le correcteur se retrouverait avec une masse de copies très faibles. Plus précisément, cette première question doit jouer le rôle d'une épreuve éliminatoire. Il ne doit subsister aucun doute sur l'extrême faiblesse de ceux qui ne parviennent pas à franchir cette étape. b) Il faut prévoir des déviations pour résorber les bouchons: en d'autres termes, on ménagera explicitement beaucoup de possibilités de poursuivre la recherche sans avoir résolu certaines questions. c) On évitera les questions corrélées entre elles, en sorte que tout candidat qui réussit (resp. échoue) à la première, a de fortes chances de réussir (resp. échouer) à la seconde. La seconde question est alors inutile: elle ne fournit plus aucune information intéressante sur le candidat. d) On renoncera complètement à l'unité de l'énoncé. La cohérence est une qualité réservée aux exercices d'exposition (chapitre 1). Au contraire, pour mettre en évidence la diversité des aptitudes du candidat, on visera à l'éclectisme: on juxtaposera, par exemple, des contrôles de connaissances, des tests d'aptitude au calcul ou au raisonnement logique, des questions d'intelligence destinées à vérifier la compréhension des notions fondamen-tales, des exercices d'imagination, etc., etc. Et tant pis si l'énoncé paraît décousu. Sa seule finalité est de contrôler les diverses qualités du candidat. e) Il n'y a aucun inconvénient à ce que des énoncés d'examen soient trop courts. Si beaucoup de candidats trouvent le temps de terminer l'épreuve, il n'y a qu'à s'en réjouir. La détestable habitude de proposer des énoncés trop longs provient, sans doute, de la confusion entre la rédaction d'un test et celle d'un exercice d'exposition: pour ce dernier, l'auteur est tenu d'amener l'énoncé à sa conclusion puisqu'il y a un théorème à démontrer ou une théorie à exposer. Mais, en rédigeant un sujet d'examen, on n'est pas tenu à exposer un thème jusqu'à son aboutissement. Un énoncé d'examen ne sert qu'à examiner !

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6. Notations

Lorsqu'on veut comparer la valeur de quelques individus, on commence par déterminer les critères (qualités et défauts) qui serviront à porter le juge-ment. On cherche alors à coder ces qualités et défauts, on attribue un symbole mathématique (appartenant au code) à chaque concurrent. Cette mathématisation des aptitudes (Cf. chapitre 6) est satisfaisante si la simple lecture du symbole donne une image fidèle du candidat.

De nombreux travaux ont été consacrés à la docimologie, qui est l'art d'interpréter des tests [53], [54]. Quelques institutions spécialisées cher-chent à évaluer les aptitudes et les connaissances des élèves selon des critères scientifiques [49]. Mais généralement, en France, la confection des énoncés d'épreuves est fondée naïvement sur les principes de la "pifo-métrie". On affecte les copies de notes, calculées au "milliquart de point près", entre 0 et 20, sans se soucier de savoir ce qu'on mesure, ni pourquoi, ni comment.

Dans l'armée, le codage se fait par grades, et la règle est simple: c'est le plus âgé dans le grade le plus élevé qui a toujours raison.

La tradition a fait adopter un modèle mathématique presque aussi expéditif dans nos examens et concours: on attribue à chaque candidat une note chiffrée unique et le classement s'effectue par notes décroissantes, avec éventuellement des ex-aequo.

Ce modèle est en opposition flagrante avec l'expérience: il est impos-sible de munir les candidats d'un préordre total, compatible avec leurs qualités (un ordre total lorsqu'il n'y a pas d'ex-aequo). On sait depuis Condorcet (Cf. [37], Christian Corne; Georges Glaeser et aussi Chapitre 6, exemple 2) que la relation des individus suivant leur valeur n'est même pas transitive. Enfin des candidats classés ex-aequo peuvent avoir des qualités et des défauts variés, alors que la notation les rend indiscernables.

En fait, les jurys disposent au départ d'une profusion de notes, portant sur des matières différentes. Au lieu de traiter ces données scientifiquement pour améliorer la connaissance de la personnalité de ceux qu'ils ont à juger, les jurés s'empressent de transformer ces informations en une note unique. On effectue pour cela une moyenne pondérée, à l'aide de coefficients choisis empiriquement. Prendre la moyenne est le procédé standard pour perdre de l'information, et c'est en négligeant volontairement tout ce qui fait l'originalité de chaque cas individuel que le verdict est rendu. Peut-on mettre sur le même plan un élève régulier, sans originalité, et un élève

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parfois très brillant mais sujet à des défaillances ? En fait, ils ne sont pas comparables.

Dans les examens, le modèle traditionnel attache une importance magique à la note 10/20. Pourtant cette note n'a aucune propriété descrip-tive particulière; ce n'est que le pseudo-milieu d'un ensemble gradué qui n'est muni d'aucune structure affine. (Cf. Fascicule 2, Livre du Problème).

On trouverait certainement absurde et dangereux d'accorder un diplôme d'infir-mière à une stagiaire qui, ayant à effectuer 20 piqûres intraveineuses, n'en raterait que 7, ce qui lui vaudrait la note 13 largement au-dessus de la moyenne!

De même, le questionnaire de l'exemple 3 ne donne pas un résultat satisfaisant si l'on fournit 8 réponses correctes sur les 15 posées.

Un modèle mathématique qui décrirait plus fidèlement les mérites respectifs des candidats à un examen pourrait se baser sur une liste d'une trentaine, au plus, de types caractérologiques décrits à l'avance. Il préci-serait explicitement les niveaux de connaissances, les aptitudes et les performances, de sorte qu'il ne soit pas trop difficile de répartir les candidats entre ces types.

On ne chercherait pas à établir une relation d'ordre total entre ces types, et l'on renoncerait à la notion de succès et d'échec à l'examen.

Le résultat ne serait plus un classement par valeur croissante, ni une partition brutale en deux classes (les "reçus" et les "recalés').

Ce système faciliterait la poursuite des études et l'orientation profes-sionnelle, alors que le baccalauréat (avec mention passable) ne fournit aucune indication qui permette de choisir entre la marine marchande, la dactylographie ou l'école des Arts décoratifs.

Pour établir la liste des types caractérologiques, il suffirait d'utiliser les travaux concernant l'orientation professionnelle. Chaque type caractéro-logique n'est pas caractérisé par une note unique mais par un assemblage de notes que les psychotechniciens appellent un profil.

Depuis les travaux de Spearman [55], et le développement de l'Analyse factorielle, on sait représenter ce profil par un vecteur d'un espace euclidien à n dimensions. Chacune des coordonnées de ce vecteur représente une aptitude et le fait que deux vecteurs soient orthogonaux se traduit par une corrélation nulle entre les aptitudes considérées.

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C'est dans la voie d'une représentation plus fidèle de la personnalité de chacun que la technique des tests pourra prendre une résonance plus humaine, moins aliénante, moins traumatisante, moins critiquable, moins absurde!

Disons pour terminer quelques mots au sujet de la sensibilité des systèmes de notation.

Les nuances que l'on espère exprimer en accordant la note 18 ou 16 à un élève brillant (resp. 0 ou 3 à un élève nul) sont tout à fait illusoires et c'est dans cette pseudo-précision que les différences de sévérité ou d'indul-gence de chaque correcteur risquent de causer le plus d'injustices.

Pourtant, cette pratique arbitraire et néfaste est officiellement encou-ragée. Comme supplément aux oeuvres de Courteline, citons le texte d'une circulaire, datée du 9 juillet 1971, publiée par le Secrétariat d'État chargé de la jeunesse, des sports et des loisirs, relative à la notation du personnel d'inspection.

"Il est demandé aux recteurs d'Académie de retenir le barème suivant:

Exceptionnel 19; très bien: de 17 à 18 34

; bien: de 14 14

à 16 34

; assez bien:

de 12 à 14; passable de 11 14

à 11 34

; médiocre de (sic) 11 et au-dessous"'

On remarquera que l'attribution de la note 20 n'est pas prévue, la perfection n'étant pas de ce monde. Toutefois, comme il n'est pas interdit de s'en approcher, la circulaire du Secrétariat d'État invite les recteurs, au cas où "plusieurs inspec-teurs obtiendraient la note 19" à procéder i un classement préférentiel des inté-ressés, en faisant suivre la note 19 d'un numéro de préférence (19 - 1 ; 19 - 2 ; 19- 3 ; etc… )".

Par contre, la classification en 5 types: (nul, faible, moyen, satisfaisant et excellent) décrit plus objectivement le jugement d'un correcteur (surtout si l'on se met préalablement d'accord sur les limites que comportent ces appréciations, en décrivant , de nombreux exemples). Cependant, dans certains cas, la mention "moyen" n'est pas assez différenciée. Au cours d'un examen partiel, à l'Institut de Mathématiques de Strasbourg, les six catégories suivantes

moyens irréguliers nuls faibles satisfaisants excellents moyens réguliers

se sont révélés suffisamment précises, pour renseigner les étudiants sur leur

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niveau, et cette classification était suffisamment sensible pour que le jury n'ait aucune hésitation dans le classement des copies dans chacune des rubriques ci-dessus'

Par contre, s'il s'agit d'un examen de recrutement de professeurs, il n'y a pas lieu de distinguer les nuls et les faibles, ni même les moyens. Mais les rubriques "satisfaisants" et "excellents" doivent se subdiviser pour rendre compte de la diversité des types caractérologiques des élèves-maitres.

7. Thèmes de recherche

Ce qui précède montre à l'évidence qu'il reste beaucoup à faire pour perfectionner l'art du contrôle des connaissances et des aptitudes en mathématiques'

Un effort s'impose notamment dans les directions suivantes:

a) Mise au point de nouvelles formes de tests, adaptés à des finalités de plus en plus diversifiées.

b) .Adaptation des textes d'examens à une correction plus souple et plus juste.

Grosso modo, le correcteur se charge aujourd'hui simultanément de deux tâches:

Un dépouillement mécanique de, réponses qui pourrait être avanta-geusement confié à un ordinateur. Une appréciation, un jugement de valeur, où seul un pédagogue compétent peut faire oeuvre utile' Il conviendrait donc de structurer les examens en sorte que les tâches de routine ne viennent pas distraire le correcteur de son rôle essentiel.

Certains jurys de l'Université de Grenoble ont mis au point des sujets d'examen, où des feuilles de réponses spéciales séparent nettement les parties de la copie dont le correcteur doit peser chacun des mots et les résultats qu'il suffit de vérifier'

c) Étude de l'influence de la durée des épreuves sur les résultats'

Sous-estimer le temps nécessaire pour résoudre un exercice est une faute pédagogique constamment dénoncée, constamment renouvelée. On aboutit à juger de l'aptitude à ne pas écrire trop de bêtises lors d'une course de vitesse.

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Des tentatives ont été faites pour proposer des compositions ou des examens sans limitation de durée' Les résultats out été très encourageants: copies plus intelligentes, plus rince bics, sans gros lapsus'

d) Réalisation de conditions d'examen où l'appréhension, l'angoisse, l'inhibition soient réduites [56]. l'es candidats qui perdent leurs moyens en période d'examen ne sont pas nécessairement les moins intéressants.

On a fait des efforts pour atténuer le caractère ponctuel des épreuves, qui ne doivent pas décider du sort d'un candidat une fois par an, sans recours, sans appel.

En mathématiques, il est aisé de composer des sujets pour lesquels l'usage de documents n'offre aucun inconvénient. Il offre I'avantage de sécuriser 1e candidat coutre la terreur du fameux trou de mémoire.

e) Réflexion sur la pédagogie de l'interrogation orale. Il serait intéressant de mêler systématiquement des psychologues au public qui assiste à l'examen oral. A ce face-à-face ni le maître, ni l'élève ne sont suffisam-ment préparés.

De toute façon des recherches pourraient être entreprises pour dégager les qualités spécifiques que doivent comporter des questions d"interrogation orale: il faut enseigner aux futurs maîtres l'art d'interroger, sans cruauté, sans naïveté excessive, avec des finalité préalablement fixées.

f) Élimination de la contre-pédagogie du bachotage. Pour que l'examen de fin d'année ne soit pas l'épée de Damoclès qui conditionne tout l'enseignement, on pourrait envisager que des examens de pronostics aient lieu an début de l'année. Une fraction non négligeable des élèves serait assurée, sous réserve d'une assiduité et d'un travail normaux, d'être dispensée d'examen de fin d'année. Celui-ci prendrait la forme d'un examen de passage réservé à ceux pour lesquels le pronostic aurait été douteux.

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