Perceval ou le Roman du Graal (Fiche de lecture)...Perceval ou le Roman du Graal a probablement été écrit vers 1181 et est resté inachevé à la mort de son auteur. Il est dédié

Perceval ou le Roman

du GraalChrétien de troyes

Fiche de lectureDocument rédigé par Flore Beaugendre

maitre en littératures comparées(Paris IV – Sorbonne)

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RÉSUMÉ 3

ÉTUDE DES PERSONNAGES 6Perceval

Gauvain

CLÉS DE LECTURE 8Un « roman »

Un roman d’apprentissage

La courtoisie

Une structure complexe

PISTES DE RÉFLEXION 11

POUR ALLER PLUS LOIN 12

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2Perceval ou le Roman du GraalFiche de lecture –LePetitLittéraire.fr –

Chrétien de TroyesPoète français

• Né vers 1135• Décédé vers 1183• Quelques-unes de ses œuvres :

Érec et Énide (vers 1170), romanYvain ou le Chevalier au Lion (vers 1177), romanLancelot ou le Chevalier de la Charrette (1175-1181), roman

Chrétien de Troyes est né vers 1135 et est décédé aux alentours de 1183. Son nom laisse supposer qu’il était originaire de la ville de Troyes. On sait très peu de choses sur lui, hormis les quelques informations que l’on peut retirer de ses écrits. On peut ainsi supposer qu’il fut clerc et familier de la cour de Champagne, puis de la cour de Philippe d’Alsace, comte de Flandre (1143-1191).

Chrétien de Troyes est une figure incontournable de la littérature du Moyen Âge : il est considéré comme le premier auteur connu de romans de chevalerie. Il a produit sept œuvres du genre, dont six consacrées à l’époque arthurienne. C’est à la fin de sa vie qu’il a écrit ses romans les plus célèbres : Yvain ou le Chevalier au Lion et Perceval ou le Roman du Graal.

Perceval ou le Roman du GraalUne des plus belles illustrations

du roman courtois

• Genre : roman• Édition de référence : Perceval ou le Roman du Graal

suivi de Continuations, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2010, 384 p.

• 1re édition :• Thématiques : initiation, chevalerie, exploits,

Table ronde

Perceval ou le Roman du Graal a probablement été écrit vers 1181 et est resté inachevé à la mort de son auteur. Il est dédié au protecteur de Chrétien de Troyes, le comte de Flandre Philippe d'Alsace. Le roman relate le parcours de Perceval, un jeune homme initialement naïf et ignorant qui se transforme en un chevalier respecté. L’auteur alterne le récit de ses aventures avec celles de Gauvain.

L’œuvre n’étant pas achevée, des continuateurs ont voulu perpétuer les aventures de Gauvain et de Perceval. Les reprises ont depuis été nombreuses et variées : Chrétien de Troyes est, avec Perceval, à l’origine de la diffusion du mythe arthurien et de la matière de Bretagne.

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RÉSUMÉ

LE ROMAN DE CHRÉTIEN DE TROYES

Les aventures de Perceval

Chrétien de Troyes dédie son œuvre à son protecteur, le comte de Flandre Philippe d’Alsace, dont il fait l’éloge.

Après avoir rencontré pour la première fois des chevaliers, Perceval décide de se rendre chez le roi Arthur afin d’être adoubé. Sa mère lui donne trois conseils : servir les demoiselles, chercher la compagnie des prudhommes et prier. Elle tombe ensuite comme morte.

En chemin, le Gallois rencontre une jeune fille endormie dans un pavillon, il l’embrasse et lui vole son anneau. La jeune fille est désespérée et encourt la colère de son ami.

Perceval arrive à la cour du roi Arthur et lui demande de l’adouber, mais celui-ci remet la chose à plus tard. Le jeune homme s’en va alors réclamer les habits du Chevalier Vermeil, ennemi du roi, et parvient à s’emparer de son armure.

Le Gallois rencontre le prudhomme Gorneman de Gorhaut qui le fait chevalier. Celui-ci l’initie à son rang et lui donne de précieux conseils, dont celui de ne jamais trop parler : « Qui trop parle fait un péché, dit le sage. » (p. 64)

Perceval arrive au château de Beaurepaire, demeure de Blanchefleur, assiégé par le roi Clamadeu. Le jeune homme propose, en échange de l’amour de la belle, d’affronter le sénéchal et le roi lui-même. Il en ressort vainqueur.

Perceval part retrouver sa mère. Il trouve l’hospitalité chez le roi Pêcheur qui lui offre une épée extraordinaire. Il assiste à la mystérieuse cérémonie du passage du Graal et d’une épée qui saigne. Il ne pose aucune question, conformément aux conseils de Gorneman. Son hôte, rongé par un mal mystérieux, se retire. Le lendemain, le château est désert.

En quittant les lieux, Perceval trouve une jeune fille pleurant son amant chevalier. Elle lui raconte l’histoire du roi Pêcheur et lui reproche de ne pas avoir questionné son hôte sur la procession du Graal. Elle dit être sa cousine et lui annonce la mort de sa mère.

Désœuvré, le Gallois reprend son chemin. Il tombe cette fois sur la pucelle qu’il avait offensée le jour de son départ. Celle-ci est condamnée à la misère par son ami jaloux, l’Orgueilleux de la Lande. Perceval affronte ce dernier et libère la jeune fille de son emprise.

Le roi Arthur part à la recherche de Perceval. Le jeune homme, tombé en contemplation devant des gouttes de sang sur la neige, combat les chevaliers qui l’interpellent, mais accepte de suivre le courtois Gauvain. À la cour, une pucelle d’une grande laideur reproche à Perceval son mutisme




chez le roi Pêcheur car une question sur le Graal aurait eu le pouvoir de guérir le souverain, victime d’une malédiction. Arrive alors Guinguambrésil qui accuse Gauvain d’avoir tué son père et lui demande de répondre de son crime devant le roi d’Escavalon.

Gauvain

Gauvain se rend chez le roi Escavalon. En cours de route, il participe à un tournoi où il doit défendre son honneur, puis se fait héberger sans le savoir chez son ennemi, le roi lui-même. Il tombe amoureux de la sœur de ce dernier. On lui accorde un an supplémentaire pour répondre de ses actes et accomplir sa mission : ramener la lance qui saigne.

Bref retour à Perceval

Perceval s’est distingué pendant cinq ans, mais a délaissé la religion. Il va se confesser auprès d’un ermite qui le conseille et se révèle être son oncle. Il apprend également que le roi Pêcheur est son cousin et que le Graal, un calice contenant une hostie, permet au père du roi de se maintenir en vie.

Suite des aventures de Gauvain

Après une mésaventure avec Gréoréas, Gauvain se rend au château des Reines, lieu enchanté périlleux. Il combat les maléfices en s’asseyant sur le lit de la Merveille et libère le château, obtenant ainsi la reconnaissance de la reine. Il refuse de lui révéler son identité avant sept jours.

Gauvain rencontre Guiremolan qui lui révèle l’identité des occupantes du château des Reines : la mère du roi Arthur, Ygerne, et la propre mère de Gauvain, ainsi que sa sœur. Guiremolan confie qu’il est amoureux de cette dernière, mais que Gauvain, son frère, est son pire ennemi. Gauvain révèle alors son identité et un duel s’impose entre les deux hommes.

LES CONTINUATIONS

Épisode 1

Le roi Arthur se rend au château des Reines. La sœur de Gauvain obtient l’arrêt du duel et épouse son amant.

Épisode 2

Perceval se rend au château de Beaurepaire, devenu prospère, et retrouve Blanchefleur à qui il promet un futur mariage. Il repart ensuite en quête.

Épisodes 3 et 4

Perceval sauve de la folie deux chevaliers victimes de la colonne magique du Mont Douloureux. Après diverses mésaventures, il décide de s’y rendre.




Épisode 5

Perceval rencontre un enfant perché dans un arbre qui lui prédit un succès au Mont Douloureux ; le chevalier n’y subit effectivement pas le maléfice. La fille de Merlin lui raconte l’histoire de la colonne magique. Perceval se rend chez le roi Pêcheur qui élucide tous les mystères qu’a rencontrés le Gallois.

Épisode 6

Perceval parvient à éliminer la Main Noire, allégorie de Satan, à la mystérieuse chapelle. Il poursuit sa route, mais est victime de ruses diaboliques. Il est secouru par un seigneur.

Épisode 7

Perceval apprend que Beaurepaire est assailli par Aridès d’Escavalon. Il part défendre sa belle et sort vainqueur.

Épisode 8

Le Gallois sauve Gorneman de Gorhaut dont le château est assailli par quarante chevaliers qui ressuscitent sans cesse, maléfice visant à éliminer Gorneman pour avoir adoubé Perceval, futur roi du Graal. Perceval épouse Blanchefleur.

Épisode 9

Perceval rencontre Hector. Après un duel, ils sont guéris par l’apparition du Graal. Le Gallois arrive chez Pertinax qui tue tous les chevaliers qui s’approchent. Il le décapite et apporte sa tête au roi Pêcheur, le libérant ainsi de son maléfice. Celui-ci découvre son lien de parenté avec le jeune homme et en fait son héritier.

Épisode 10

À la cour du roi Arthur, le siège périlleux reste vide à la table Ronde : c’est le siège destiné au roi du Graal. Perceval l’essaie et ressuscite ainsi les six chevaliers qui étaient morts après avoir tenté de s’y asseoir.

Épisodes 11 et 12

Perceval rencontre des moines qui lui racontent l’histoire du roi Mordrain. Il apprend plus tard que le roi Pêcheur est mort, il doit donc lui succéder. Il règne pendant sept ans. Après la mort de Blanchefleur, il se retire dans un monastère pour être prêtre. À sa mort, le Graal et la lance qui saigne quittent la terre.




ÉTUDE DES PERSONNAGES

PERCEVALPerceval le Gallois, héros de la première partie de l’œuvre de Chrétien de Troyes, n’est que tardivement nommé. Fils surprotégé de la dame veuve, il semble que la mention de son identité coïncide avec son accomplissement en tant qu’individu. Au début du récit, le lecteur ne connait pas grand-chose du personnage et, chose curieuse, lui-même ne semble pas non plus se connaitre : il « devine » son nom, ne reconnait pas sa cousine et ignore ses origines. Il n’est pas décrit physiquement, il est simplement présenté comme beau et bien fait. Il est visiblement très jeune puisqu'on le désigne comme le « garçon », terme plutôt utilisé pour un enfant au Moyen Âge. Ainsi, il ne semble pouvoir exister réellement qu’en devenant chevalier, conformément à son destin.

Perceval est un jeune homme extrêmement naïf et immature lorsqu’il commence son initiation chevaleresque : même son courage et son ambition remarquables semblent être dirigés par cette naïveté. Il est incapable de discernement puisqu’il prend tout conseil au pied de la lettre sans réflé-chir aux implications de ses actes. Par ailleurs, le Gallois ne semble pas concerné par ce qui l’entoure (« Le garçon n’écoute en rien ce que lui conte le roi », p. 52) et parait dépourvu de sentiments. Bien qu’ayant aperçu sa mère tomber en s’éloignant, il ne revient pas sur ses pas et ne montre pas de tristesse à l’annonce de sa mort. Pourtant, lors de sa rencontre avec sa cousine, il semble prendre conscience de ses actes en même temps que de son nom : dès lors, son personnage évolue vers celui d’un chevalier avisé et respectueux d’autrui. Chrétien de Troyes présente ainsi Perceval comme un sot qui se transforme en chevalier courtois sous l’influence d’une bonne éducation.

GAUVAINGauvain est un chevalier respecté issu d’une lignée impressionnante, et qui appartient à la tradition des romans arthuriens. Chez Chrétien de Troyes, il incarne la perfection : courageux, il n’est jamais battu et est animé d’un grand sens de la courtoisie. Ainsi, ce « beau chevalier » est l’archétype du personnage que souhaiterait être le naïf Perceval au début du roman. Lors de l’épisode de la contemplation des gouttes de sang par le Gallois, une reconnaissance s’opère d’ailleurs entre les deux hommes. Perceval voit en Gauvain son double, son âme jumelle, et accepte de le suivre. Ainsi, l’auteur hisse les deux hommes à un niveau supérieur à celui des autres chevaliers.

Leur rencontre semble pourtant marquer un tournant dans le récit et inverser les rôles : Perceval part en quête du Graal et est devenu un preux chevalier à la cour du roi quand Gauvain doit partir laver son honneur bafoué. Le neveu d’Arthur, jusque là irréprochable, perd de sa noblesse. Il se détourne à plusieurs reprises de sa quête (lorsqu’il se rend chez le roi Escavalon par exemple) et se révèle orgueilleux : il s’empresse de se rendre au château des Reines parce que le nautonier (conducteur d'un navire, d'une barque) le lui déconseille (« Taisez-vous hôte ! Vous me prenez pour lâche et




poltron ! », p. 183). Il sera humilié par Gréoréas lorsqu’il devra chevaucher le roussin, position peu digne d’un chevalier. Il est également peu fiable : il promet fidélité et loyauté à deux jeunes filles différentes en quelques jours.

On peut se demander si la dernière œuvre de Chrétien de Troyes ne marque pas le déclin du chevalier Gauvain. L’inachèvement du texte ne permet pas de l’affirmer, mais de nombreux éléments le font déchoir de son statut de chevalier modèle, au bénéfice de Perceval.




CLÉS DE LECTURE

UN « ROMAN »Au Moyen Âge, le terme roman désignait les écrits en langue romane, le français vulgaire dérivé du latin, considéré comme la langue savante. Au xiie siècle, la définition du mot évolue : il s’agit désormais d’un récit, soit traduit du latin, soit directement rédigé en français, en vers puis en prose. C’est de là que le genre littéraire romanesque tire ses origines. Le roman se construit ainsi en supplantant peu à peu la chanson de geste et la poésie lyrique, les deux genres dominants de l’époque dont il tire ses influences. Les auteurs travaillent davantage la structure de leurs œuvres, adoptent une narration longue et destinent leurs histoires à une lecture silencieuse. Ils mêlent les thèmes de l’aventure et de l’amour courtois, et privilégient l’individu. Les sujets exploités proviennent de trois sources majeures : la matière de Rome, la matière de France ou la matière de Bretagne.

Chrétien de Troyes est considéré comme l’un des premiers auteurs de romans. Il s’inspire de la matière de Bretagne, ensemble de légendes et de traditions celtiques jusqu’alors transmises oralement. Elle intègre notamment le cycle arthurien qui relate l’histoire du roi Arthur et des chevaliers de la table Ronde. Perceval ou le Roman du Graal reprend la tradition arthurienne à travers le récit des aventures de Perceval et Gauvain, deux chevaliers notoires, mais introduit un élément novateur avec le thème de la quête du Graal, enrichissant ainsi le mythe breton. Les écrits de Chrétien de Troyes se distinguent également par le fait qu’ils individualisent les personnages, dessinant des figures de héros. En effet, si la chanson de geste avait pour coutume de dépeindre les actions d’un groupe, le nouveau genre romanesque se concentre davantage sur un personnage central, ici un chevalier que le narrateur dote d’un destin particulier. Avec ce procédé, l’auteur d’Yvain ou le Chevalier au lion donne naissance au roman de chevalerie, genre qui conte les exploits individuels de chevaliers dont le but est de gagner l’amour d’une dame et de se réaliser dans une quête.

UN ROMAN D’APPRENTISSAGELe roman d’apprentissage, aussi appelé Bildungsroman, est un récit fictif dont le héros est inexpé-rimenté, souvent jeune. À la suite d’un élément déclencheur, il suit un parcours initiatique : il est confronté à diverses situations qui le font évoluer et lui permettent de se forger sa propre conception de l’existence. Il est courant que cette construction personnelle se fasse à travers l’apprentissage d’un domaine particulier.

Perceval ou le Roman du Graal est l’un des plus célèbres romans d’apprentissage. Il réunit en effet toutes les composantes du genre : le héros s’initie à la chevalerie et, par là, se construit en tant qu’individu. Le Gallois est, au début du récit, un jeune homme particulièrement naïf et ignorant : il prend les chevaliers pour des anges et une tente pour une église. Son absence d’éducation est




frappante : il a vécu à l’écart du monde avec une mère protectrice. L’élément déclencheur de sa formation est sa rencontre avec les chevaliers : dès lors, il n’a qu’une idée en tête, se faire lui-même adouber. C’est en quittant sa mère qu’il pourra se débarrasser de son statut de sot. L’absence d’iden-tité du héros au début de l’œuvre est révélatrice : d’abord désigné par des périphrases telles que « le fils de la dame veuve » (p. 34), il ne devient « Perceval le Gallois » qu’à la page 99. L’auteur montre ainsi que d’abord insignifiant et lié à sa mère, il ne peut mériter son nom qu’après avoir accompli diverses prouesses. En devenant Perceval, le héros franchit une étape décisive de son apprentissage.

Dans le roman, le héros se construit à travers la chevalerie. Il reçoit des conseils de trois mentors successifs qui lui donnent des clés pour s’accomplir : d’abord sa mère, puis le prudhomme Gorneman de Gorhaut et enfin l’ermite. Ces trois personnages lui offrent ainsi une éducation théorique de plus en plus élevée. Sa formation se complète au fur et à mesure qu’il est confronté à différents évènements : il comprend et acquiert les valeurs chevaleresques au rythme des combats et des rencontres. L’auteur met en valeur son évolution en insistant sur ses erreurs et la manière dont il y remédie par la suite. Il offense d’abord la pucelle endormie qui parle de lui comme d’« un paysan gallois méchant, laid et fou » (p. 48), mais, alors qu’il est devenu preux chevalier, il la rencontre à nouveau et la sauve de la misère dans laquelle il l’a plongée. Ce schéma se reproduit avec l’épisode de la procession du Graal : il commet l’erreur de ne pas poser de question et attire ainsi le malheur sur les chevaliers, mais les continuations lui donnent l’occasion de se racheter et de libérer le roi Pêcheur de ses maléfices. Chrétien de Troyes, imité par ses continuateurs, illustre la formation de son héros avec ce récit en boucle et fait ainsi de Perceval un « beau » chevalier accompli.

Perceval découvre peu à peu de grandes valeurs : le courage, la courtoisie ou encore l’amour. Inexpérimenté au début de l’œuvre, il se familiarise d’abord maladroitement avec les femmes à travers la pucelle endormie et atteint l’idéal amoureux avec Blanchefleur. Son initiation amoureuse va donc de pair avec son apprentissage chevaleresque. Son parcours religieux n’échappe pas non plus à cette règle : d’abord incité par sa mère à prier Dieu, le Gallois ne peut que faire le « récit à la file de toutes les oraisons que sa mère lui avait apprises. » (p. 36). C’est sa rencontre avec l’ermite qui lui permet d’accéder au savoir religieux. On apprend qu’il avait jusque là négligé ses devoirs de chrétien, mais son oncle le remet sur le droit chemin en lui enseignant les bienfaits de la prière et de la confession. Les continuateurs de Chrétien de Troyes vont plus loin en le faisant se retirer dans un monastère après la mort de sa bien-aimée. En même temps qu’il devient un chevalier respecté, Perceval parvient à la maitrise idéale de l’amour et la religion.

LA COURTOISIELa courtoisie est l’un des thèmes majeurs du roman de Chrétien de Troyes. Dans ce récit où les femmes sont omniprésentes, les chevaliers sont constamment tiraillés entre l’aventure et l’amour. Le secours des demoiselles en détresse est la principale motivation des combats des personnages : il s’agit de gagner l’admiration d’une dame selon les principes de l’amour courtois, également baptisé « fin’amor ». La fin’amor désigne un amour codifié, profond et durable, entre deux êtres de qualité. L’auteur de Perceval ou le Roman du Graal reproduit dans son œuvre les règles de cet art d’aimer à travers l’attachement de Perceval et Blanchefleur. La dame aimée est noble et haut placée dans la hiérarchie. Elle est idéalisée aux yeux de son amant : « Dieu avait fait d’elle la Passe-Merveille. Jamais Dieu n’en




avait fait telle. Plus jamais n’en devait créer. » (p. 67) Pour mériter le cœur de son aimée, le chevalier doit faire preuve de dévouement et réaliser des prouesses : Perceval combat les ennemis de Beaurepaire et reçoit en échange l’amour de Blanchefleur. Il doit aussi lui jurer fidélité : on sait que le Gallois résiste aux tentations qu’il rencontre tout au long de ses aventures. La fin’amor dépeint donc un amour parfait mettant la femme à l’honneur.

La notion de courtoisie s’étend également au domaine social. Elle définit l’ensemble des règles de conduite de la noblesse au Moyen Âge. La bonté, le courage, la vaillance, le sens de l’honneur, la générosité sont autant de qualités courtoises que les nobles se doivent de développer. Comme nous l’avons vu, Perceval les acquiert peu à peu au cours de son évolution. L’hospitalité et le respect d’autrui sont également des valeurs inhérentes au monde de la chevalerie.

L’omniprésence de la courtoisie dans Perceval ou le Roman du Graal montre son appartenance au genre du roman courtois qui se développe aux xie et xiie siècles. Le roman courtois, d’abord rédigé en octosyllabes (vers de huit syllabes) ou en alexandrins (vers de douze syllabes), puis en prose, relate les aventures fabuleuses et surtout galantes de chevaliers.

UNE STRUCTURE COMPLEXEL’œuvre de Chrétien de Troyes possède une structure complexe et affiche des incohérences qui peuvent dérouter le lecteur. Les repères spatiotemporels du texte sont décousus. La durée des évènements ne peut correspondre aux délais indiqués, Perceval contemple la neige en juin, la pro-lepse de cinq ans est abrupte et peu en accord avec la progression du récit, etc. Il n’y a aucune unité dans les lieux fréquentés par les protagonistes : les chevaliers donnent l’impression de passer par hasard d’un château à l’autre et la cour du roi Arthur est particulièrement instable (de Cardoël à Carlion, en passant par l’Orcanie). Par ailleurs, des épisodes évoqués ne connaissent pas de suite (on ne connait pas l’histoire de l’épée extraordinaire offerte à Perceval, le duel de Gauvain avec Guinguambrésil est remis à plus tard, etc.) et la quête du Graal, qui donne son nom à l’œuvre, est rapidement laissée de côté. La juxtaposition du récit des aventures de Perceval à celles de Gauvain a même pu inciter certains critiques à penser qu’il s’agissait d’une tentative d’un copiste de réunir deux œuvres distinctes.

On peut pourtant déceler une unité dans le roman. On s’aperçoit que le passage aux aventures de Gauvain n’est pas si abrupt qu’il y parait puisqu’un lien a été établi entre les deux héros lorsque le neveu d’Arthur se renseigne sur le Gallois : « Au nom de Dieu, sire, qui donc est ce jeune champion… ? » (p. 109), et lorsqu’il ramène Perceval à la cour. Chrétien de Troyes anticipe ainsi le passage d’un chevalier à l’autre. Le bref retour au parcours du Gallois (p. 153 à 159) illustre la technique de l’entrelacement des intrigues, propre au roman arthurien.

On trouve par ailleurs de nombreux échos entre les aventures de Perceval et celles de Gauvain : tous deux ont un lien avec la lance qui saigne, ils sont pareillement confrontés à des demoiselles ayant subi l’affront d’une gifle, etc. Leurs trajets semblent construits selon un effet de miroir, ou de symétrie inversée ; en effet, Perceval se bat pour devenir un chevalier respecté de haut rang quand Gauvain, qui est déjà un grand nom de la chevalerie, lutte afin laver son honneur souillé. Le Gallois perd sa mère au début de l’œuvre alors que le neveu d’Arthur retrouve la sienne à la fin du récit. Le récit des aventures de deux chevaliers distincts indique donc une volonté de mettre en parallèle leurs destins et d’inciter le lecteur à les comparer.




PISTES DE RÉFLEXION

QUELQUES QUESTIONS POUR APPROFONDIR SA RÉFLEXION…• Quelle est la place de la religion dans le roman ?• Les aventures de Perceval et de Gauvain introduisent une part de merveilleux. Quelles sont

ses manifestations ?• Les femmes sont omniprésentes dans le récit. Comment incarnent-elles à la fois la faiblesse

et le pouvoir ?• Les combats de Perceval ont une fonction symbolique. Quelle est-elle ?• Analysez la scène des gouttes de sang sur la neige. Quel parallèle Un roi sans divertissement

de Jean Giono établit-il avec cet épisode ?• Quelle est selon vous l’intention de Chrétien de Troyes lorsqu’il établit un parallèle entre Perceval

et Gauvain ?• Perceval ou le Roman du Graal est l’un des premiers romans de chevalerie. Quelles sont les

caractéristiques du genre ? Quels sont les indices de sa parenté avec les genres de la poésie courtoise et de la chanson de geste ?

• En quoi Perceval ou le Roman du Graal est-il devenu un modèle dans la littérature et les arts ? Citez des exemples de sa reprise.




POUR ALLER PLUS LOIN

ÉDITION DE RÉFÉRENCE• Perceval ou le Roman du Graal suivi de Continuations, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique »,

2010.

ADAPTATIONS• Perceval le Gallois, film d'Éric Rohmer, avec Fabrice Luchini, André Dussollier, Marc Eyraud et

Arielle Dombasle, 1978.Le réalisateur choisit de rester proche du texte original, mais utilise un décor volontairement dépourvu de réalisme. Des chœurs sont utilisés pour reproduire les descriptions entre les différentes scènes d’action.

SUR LEPETITLITTÉRAIRE.FR• Fiche de lecture sur Érec et Énide de Chrétien de Troyes• Fiche de lecture sur Lancelot ou le Chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes• Fiche de lecture sur Yvain ou le Chevalier au lion de Chrétien de Troyes• Questionnaire de lecture sur Yvain ou Le Chevalier au lion

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Anouilh• Antigone

Balzac• Eugénie Grandet• Le Père Goriot• Illusions perdues

Barjavel• La Nuit des temps

Beaumarchais• Le Mariage de Figaro

Beckett• En attendant Godot

Breton• Nadja

Camus• La Peste• Les Justes• L’Étranger

Céline• Voyage au bout

de la nuit

Cervantès• Don Quichotte

de la Manche

Chateaubriand• Mémoires d’outre-tombe

Choderlos de Laclos• Les Liaisons dangereuses

Chrétien de Troyes• Yvain ou le

Chevalier au lion

Christie• Dix Petits Nègres

Claudel• La Petite Fille de

Monsieur Linh• Le Rapport de Brodeck

Coelho• L’Alchimiste

Conan Doyle• Le Chien des Baskerville

Dai Sijie• Balzac et la Petite

Tailleuse chinoise

De Vigan• No et moi

Dicker• La Vérité sur l’affaire Harry Quebert

Diderot• Supplément au Voyage

de Bougainville

Dumas• Les Trois Mousquetaires

Énard• Parlez-leur de batailles,

de rois et d’éléphants

Ferrari• Le Sermon sur la chute de Rome

Flaubert• Madame Bovary

Frank• Journal d’Anne Frank

Fred Vargas• Pars vite et reviens tard

Gary• La Vie devant soi

Gaudé• La Mort du roi Tsongor• Le Soleil des Scorta

Gautier• La Morte amoureuse• Le Capitaine Fracasse

Gavalda• 35 kilos d’espoir

Gide• Les Faux-Monnayeurs

Giono• Le Grand Troupeau• Le Hussard sur le toit

Giraudoux• La guerre de Troie

n’aura pas lieu

Golding• Sa Majesté des Mouches

Grimbert• Un secret

Hemingway• Le Vieil Homme et la Mer

Hessel• Indignez-vous !

Homère• L’Odyssée

Hugo• Le Dernier Jour

d’un condamné• Les Misérables• Notre-Dame de Paris

Huxley• Le Meilleur des mondes

Ionesco• La Cantatrice chauve

Jary• Ubu roi

Jenni• L’Art français

de la guerre

Joffo• Un sac de billes

Kafka• La Métamorphose

Kerouac• Sur la route

Kessel• Le Lion

Larsson• Millenium I. Les hommes

qui n’aimaient pas les femmes

Le Clézio• Mondo

Levi• Si c’est un homme

Levy• Et si c’était vrai…

Maalouf• Léon l’Africain

Malraux• La Condition humaine

Marivaux• Le Jeu de l’amour

et du hasard

Martinez• Du domaine

des murmures

Maupassant• Boule de suif• Le Horla• Une vie

Mauriac• Le Sagouin

Mérimée• Tamango• Colomba

Merle• La mort est mon métier

Molière• Le Misanthrope• L’Avare• Le Bourgeois

gentilhomme

Montaigne• Essais

Morpurgo• Le Roi Arthur

Musset• Lorenzaccio

Musso• Que serais-je sans toi ?

Nothomb• Stupeur et Tremblements

Orwell• La Ferme des animaux • 1984

Pagnol• La Gloire de mon père

Pancol• Les Yeux jaunes

des crocodiles

Pascal• Pensées

Pennac• Au bonheur des ogres

Poe• La Chute de la

maison Usher

Proust• Du côté de chez Swann

Queneau• Zazie dans le métro

Quignard• Tous les matins

du monde

Rabelais• Gargantua

Racine• Andromaque• Britannicus• Phèdre

Rousseau• Confessions

Rostand• Cyrano de Bergerac

Rowling• Harry Potter à l’école

des sorciers

Saint-Exupéry• Le Petit Prince

Sartre• La Nausée• Les Mouches

Schlink• Le Liseur

Schmitt• La Part de l’autre• Oscar et la Dame rose

Sepulveda• Le Vieux qui lisait des

romans d’amour

Shakespeare• Roméo et Juliette

Simenon• Le Chien jaune

Steeman• L’Assassin habite au 21

Steinbeck• Des souris et

des hommes

Stendhal• Le Rouge et le Noir

Stevenson• L’Île au trésor

Süskind• Le Parfum

Tolstoï• Anna Karénine

Tournier• Vendredi ou la Vie sauvage

Toussaint• Fuir

Uhlman• L’Ami retrouvé

Verne• Vingt mille lieues

sous les mers• Voyage au centre

de la terre

Vian• L’Écume des jours

Voltaire• Candide

Yourcenar• Mémoires d’Hadrien

Zola• Au bonheur des dames• L’Assommoir• Germinal

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