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Les récits de Perceval le Gallois sont adaptés du roman

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Les récits de Perceval le Gallois sont adaptés du romande Chrétien de Troyes dans la traduction de LucienFoulet.

Ceux de Lancelot du Lac s’inspirent, sur certains points,du Lancelot du lac de Florence Trystram, publié à lalibrairie Séguier.

D’après Chrétien de TroyesLes Chevaliers de la Table Ronde.

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Contes et Légendes de tous pays

CONTES ET LEGENDESDES CHEVALIERS

DE LATABLE RONDE

ParJacqueline Mirande

Illustration d’Odile Alliet

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Éditeur : NathanISBN : 978-2092822432

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ARTHUS

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I

LA NAISSANCED’ARTHUR

Il y a très longtemps de cela, vivait au royaume de Bretagne unhomme étrange nommé Merlin. On l’appelait « l’Enchanteur » caril possédait cent pouvoirs plus extraordinaires les uns que lesautres. Il savait le passé, prédisait l’avenir, pouvait prendren’importe quelle apparence, soulever une tour, si haute soit-elle,marcher sur un étang sans se mouiller les pieds, faire naître unerivière, un château, un paysage… Bref, Merlin l’Enchanteur était unmagicien.

Il aimait beaucoup le roi de Grande-Bretagne, Uter Pendragon. Ill’avait aidé à reconquérir son trône après que le traître Voltiger

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l’en eut chassé.Or, un jour, le roi décida de se marier. Il donna une grande fête

dans son château de Carduel, au pays de Galles.Tous les seigneurs des environs vinrent avec leurs épouses et

leurs filles.Parmi eux, il y avait le duc de Tintagel et sa femme, la belle

Ygerne. Dès que le roi la vit, il en devint follement amoureux.Mais la belle Ygerne aimait son mari et le roi se désespérait à en

mourir. Il appela Merlin à son secours et lui exposa son tourment.— Sire, dit Merlin, si je vous aide, me donnerez-vous ce que je

vous demanderai maintenant ou plus tard, quel que soit ce que jevous demande ?

Le roi promit.Merlin fit alors préparer les chevaux et partit avec lui pour le

château de Tintagel.Lorsqu’ils arrivèrent en vue de l’enceinte fortifiée, il était déjà

tard. La nuit était venue, sombre, sans étoiles ni lune.Merlin cueillit une touffe d’herbe et ordonna au roi de s’en

frotter le visage. Il obéit et vit avec stupeur que ses traits et soncorps étaient devenus absolument semblables à ceux du duc deTintagel !

Tous s’y trompèrent : les guetteurs qui, croyant reconnaître leurseigneur, abaissèrent le pont-levis, les valets d’armes, lesserviteurs et… la belle Ygerne qui, le prenant pour son mari, passala nuit avec lui.

Le roi repartit au matin, plus amoureux que jamais. Or, lasemaine n’était pas achevée qu’on apprenait la mort du duc. Il avaitété tué au combat cette même nuit où la belle Ygerne l’avait cru deretour.Elle en fut très troublée mais n’osa en parler à personne. Elle était

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désormais veuve, le roi demanda sa main. Elle accepta. Toutefois,par honnêteté, elle lui conta comment, une certaine nuit trèssombre, elle avait cru voir son mari. Le roi sourit. Mais elle ajoutaque, de cette étrange nuit, un enfant allait naître. Là, le roi soupiracar il ne pouvait lui révéler sa supercherie. Ils décidèrent degarder cette naissance secrète.

Un petit garçon naquit.Merlin, alors, se présenta devant le roi et lui rappela sa

promesse. Il voulait l’enfant. Le roi le lui donna. Merlin le confia àl’un des plus nobles chevaliers du royaume, Antor. Sa femme elle-même le nourrit de son lait aux côtés de leur propre fils, Keu.

L’enfant avait été appelé Arthur. Et nul ne se doutait du fabuleuxdestin qui l’attendait.

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II

ARTHUR DEVIENT ROI

Arthur avait seize ans et vivait toujours auprès d’Antor quil’élevait comme son propre fils – lorsque mourut le roi UterPendragon.

Le royaume restait sans héritier, et une terre sans maître ne vautguère ! Les grands barons, ne pouvant se mettre d’accord sur lechoix d’un nouveau roi, allèrent demander conseil à Merlin.

— Dis-nous qui choisir ! Nous te faisons confiance.Merlin répondit après avoir réfléchi :— Ce sera bientôt Noël. Réunissez pour cette fête tous les nobles

du royaume et attendez le signe que Dieu vous enverra.

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Tous se réunirent donc, la veille de Noël, à Logres, autour del’archevêque. Antor était venu avec Arthur et son fils Keu.

Chacun attendait le signe que Merlin avait annoncé. Or, le matinde Noël, en sortant de l’église, tous virent, devant le porche, unegrande pierre carrée. Venue d’où ? Nul ne le savait ! Les unsdisaient, « du ciel », les autres, « du diable ! »

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L’archevêque s’en approcha. Une épée étaitenfoncée dans la pierre jusqu’à la garde(1) et lepommeau(2) portait, gravé en lettres d’or : « Celuiqui pourra retirer l’épée sera roi. » Tous les noblescommencèrent à se disputer pour savoir qui seraitle premier à tenter l’entreprise, tant elle semblaitfacile ! Ils déchantèrent vite : aucun ne put enleverl’épée.

Les adolescents regardaient, moqueurs, leursaînés.

— Pourquoi ne pas essayer nous aussi ? demandaArthur.

On le leur permit. Arthur s’avança vers la pierre, saisit l’épée,tira. Elle vint aussi aisément que si elle avait été plantée dans dubeurre !

Tous regardaient, stupéfaits. La lame de l’épée étincelait commeune poignée de cierges allumés. Elle portait gravé son nom :Excalibur.

Les grands barons, revenus de leur étonnement, grognèrent :était-il possible que ce jeune homme, qui n’était pas encorechevalier(3) et dont la naissance était obscure, fût le roi désigné parle ciel ?

L’archevêque les apaisa.

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— Attendons la fête de la Chandeleur(4), dit-il avec sagesse.Nous renouvellerons l’épreuve et, après seulement, nousdéciderons.

Mais, quand vint la Chandeleur, il fallut se rendre à l’évidence :Arthur, et lui seul, pouvait retirer l’épée fichée dans la pierre.

Le signe du ciel était clair. Mais les nobles ne désarmaient pasencore !

Ils demandèrent à Arthur de repousser jusqu’à la Pentecôte(5) lacérémonie du sacre(6) qui le ferait roi. Ainsi, pensaient-ils, ilsauraient le temps de le juger.

Conseillé par Merlin – qui était resté auprès de lui –, Arthuraccepta. Et il se conduisit si généreusement et si loyalement qu’ils’attira l’estime de tous les grands barons. Ils ne purent trouver enlui le moindre défaut et durent s’incliner.

Merlin leur révéla alors le secret de sa naissance et comment ilsavaient élu, sans le savoir, le fils de leur roi défunt. La satisfactionfut grande chez tous.

Arthur fut couronné roi le matin de la Pentecôte.Tenant l’épée Excalibur entre ses mains jointes, il l’éleva et jura

de faire régner sur la terre, dans la mesure de ses forces, la paix, laloyauté et la justice.

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III

LE MARIAGE D’ARTHUR

LE serment fait au jour du sacre fut bien vite mis à l’épreuve.Le roi de Carmélide, Léodagan, fut attaqué traîtreusement par son

voisin, le redoutable Claudias de la Déserte. Léodagan était vieux,les forces des deux armées inégales. Il était à craindre qu’il ne fûtvaincu.

Pourtant, Arthur hésitait à quitter sa terre pour secourirLéodagan. Mais Merlin – dont il ne pouvait plus se passer tant ilappréciait ses conseils – le convainquit de lui prêter main-forte.

Arthur partit donc, accompagné de Merlin et de quarantechevaliers.

Ils arrivèrent en Carmélide au début du combat. On apercevaitles premiers coureurs(7) ennemis et la fumée des incendies. Merlin

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déploya sa bannière(8) brodée d’une tortue et d’un dragon quisemblait cracher des flammes. Arthur et ses compagnonss’élancèrent dans la bataille.

Les lances se heurtaient, les épées frappaient heaumes et écus.On aurait cru entendre le tonnerre !

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Les hommes de Léodagan furent vite en mauvaiseposture. Le roi lui-même tomba à terre, son chevaltué d’un coup de javelot. Les ennemis l’entouraient.Il était perdu ! Mais Merlin veillait. Il donna uncoup de sifflet. Un vent violent se leva, fittourbillonner des flots de poussière qui aveuglèrentles soldats de Claudias. Ils s’enfuirent et, pourachever leur déroute, le dragon peint sur labannière de Merlin se mit à cracher de vraiesflammes sur les tentes ennemies qui s’embrasèrentaussitôt.

Après cette victoire, le roi Léodagan conduisitArthur, ses quarante chevaliers et Merlin jusqu’àson palais. Sa fille, la belle Guenièvre, était làpour les accueillir.

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Dès le premier instant où elle vit Arthur, il luiplut. Et lui, de son côté, ne pouvait détourner leregard de ses tresses blondes et de ses yeuxrieurs.

Merlin, qui connaissait l’avenir, eut un sourireamusé. Il savait que ces deux-là allaient bientôt sefiancer et que la belle Guenièvre serait reine auxcôtés d’Arthur. Ce qui se fit un peu plus tard.

Par un beau jour d’été, devant tous les baronsdes deux royaumes assemblés, les nobles, lesbourgeois et le peuple, Guenièvre épousa Arthur.On dansa au son des violons, des flûtes et deschalumeaux(9), on fit bombance. Le vin coula àflots. Ce fut un beau mariage dont les gens se

souvinrent longtemps…

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IV

LES CHEVALIERSDE LA TABLE RONDE

Quelque temps après son mariage avec Guenièvre, le roi Arthurdécida de donner une fête le jour de la Pentecôte. Il y invita tousles gens de sa cour et tous ses chevaliers, accompagnés de leursépouses et de leurs filles.

Il en vint même des royaumes voisins, tant la renommée d’Arthurétait grande. Et grande aussi leur curiosité ! Car le roi Arthur avaitdit que seraient choisis, ce jour-là, les douze chevaliers admis àprendre place autour de la fameuse Table Ronde.

Cette table était un cadeau de Merlin. Et, à une époque où toutesles tables étaient longues, sa forme ronde étonnait. Elle necomportait, de ce fait, ni haut bout, ni bas bout(10), et tous y

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siégeaient en égaux.Elle rappelait aux uns le cercle que formaient autour de leur roi

les guerriers celtes(11) des premiers temps ; à d’autres la rondeur dumonde, des planètes et des étoiles…

Merlin l’expliquait très bien. Et tous, réunis auprès du roi en cejour de Pentecôte, l’écoutaient raconter le pourquoi de cette tableet la merveilleuse histoire du Graal.

Le Graal était une coupe mystérieuse qui avait contenu le sang duChrist et que Joseph d’Arimathie avait transmise au roi Bron et àses descendants.

— Le Graal est dans ce pays, précisa Merlin. Chez le RoiPêcheur. Mais il ne confiera la coupe qu’à celui qui aura su trouversa demeure et répondre aux questions qu’il posera. Seul unchevalier surpassant tous les autres en honneur et en loyauté yparviendra. Il siégera alors à la treizième place de cette table quirestera inoccupée jusqu’à sa venue.

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À peine achevait-il de parler que sur chacun des douze siègesparut un nom en lettres d’or. Sur le treizième seul il n’y avait riend’inscrit.

Ainsi prirent place, pour la première fois ce jour-là, autour de latable présidée par le roi Arthur, les « chevaliers de la TableRonde ». On ne les désignait plus désormais que sous ce nom.

Peu après, Merlin quitta la cour pour toujours, à la grandetristesse du roi. Il allait vivre en Petite-Bretagne, dans la forêt deBrocéliande, près de la fée Viviane qu’il aimait. Elle avait apprisde lui certains enchantements qui le retenaient prisonnier dans uncercle magique. Il aurait pu le rompre mais ne le voulut pas et restaprès d’elle jusqu’à sa fin.

Quant aux chevaliers, l’un après l’autre, ils tentèrent l’aventureet partirent à la recherche du Roi Pêcheur et du Graal.

La reine Guenièvre avait chargé quatre clercs(12) du royaume demettre par écrit leurs aventures.

C’est ainsi qu’entrèrent dans la légende les exploits des pluscélèbres parmi les chevaliers de la Table Ronde : Perceval leGallois et Lancelot du Lac.

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PERCEVAL

LE GALLOIS

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I

PERCEVAL ETLE CHEVALIER VERMEIL

La première fois qu’il vint à la cour du roi Arthur, Perceval étaitun très jeune homme, grand, beau de visage, et de naissance noble,mais à demi sauvage.

En effet, sa mère l’avait élevé dans un manoir isolé du pays deGalles sans lui dire un mot de la chevalerie, sans lui laisser voir unseul chevalier, tant elle craignait qu’il ne meure au combat comme,avant lui, son père et ses deux frères. Or, un jour qu’il chassait dansla forêt, il rencontra une troupe de chevaliers qui s’en allaientauprès du roi Arthur. Il les regarda, d’abord ébahi puis émerveillépar leurs épées, leurs armures et par ce qu’ils racontaient de lacour du roi – toutes choses inconnues de lui jusque-là.

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Il n’eut plus qu’une idée : leur ressembler et partir, lui aussi, à lacour du roi Arthur.

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Sa mère ne put le retenir et céda. Elle lui préparaune grosse chemise de chanvre qu’elle avait elle-même tissée, des braies(13) à la mode de Galles, yjoignit une cotte et un chaperon de cuir de cerf. Puiselle l’embrassa en pleurant.

— Beau fils, dit-elle, ma douleur est grande devous voir partir. Nul doute que le roi Arthur ne vousprenne à son service et ne vous donne les armes dontvous rêvez. Mais, quand il faudra vous en servir,comment ferez-vous ? Pas trop bien, j’en ai peur !Vous ne serez guère adroit, car on ne peut savoir cequ’on n’a pas appris…

Elle soupira et reprit :— Écoutez toutefois. Voici mes trois recommandations : honorez

les dames, suivez les conseils des prud’hommes(14) et priez Dieude vous donner honneur en ce siècle et bonne fin(15).

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Le cheval était déjà sellé. Perceval embrassa sa mèreet partit.

Il chevaucha depuis le matin jusqu’au déclin du jour etpassa la nuit dans la forêt. À son réveil, il vit venir uncharbonnier menant un âne. Il l’arrêta.

— Quel est le plus court chemin pour aller à Carduel,chez le roi Arthur ?

Le charbonnier le lui indiqua. Perceval le prit.Bientôt, il aperçut, dominant la mer, un beau et fort

château. Un chevalier en sortait, tenant dans sa maindroite une coupe en or et dans sa gauche, sa lance et sonécu(16). Il portait une armure vermeille(17) toute neuve.

Elle plut à Perceval et, dans son innocence, il pensa que, s’il lademandait au roi, il l’obtiendrait.

Et, plus naïvement encore, il le dit au chevalier :— Je vais à la cour demander vos armes au roi.Le chevalier se mit à rire mais Perceval était déjà reparti.Tout d’une haleine, il arriva dans la salle ou le roi et ses

chevaliers étaient assis, parlant et plaisantant. Seul, le roi Arthur,placé au haut bout de la table, restait pensif et muet.

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Perceval, ignorant les usages, s’avança, toujours à cheval, etmena la bête si près du roi que ce dernier, sortant de ses pensées,regarda ce jeune homme inconnu qui le saluait en le fixant de sesyeux clairs. Il vit qu’il était vêtu à la mode des Gallois et chausséde gros brodequins(18), qu’il avait pour seules armes deux javelotset qu’autour de la table, tous commençaient à se moquer de lui.

Courtoisement, le roi dit :— Soyez le bienvenu. Si je réponds mal à votre salut, c’est que

le chagrin m’empêche de parler. Mon pire ennemi, le chevalierVermeil de la forêt de Quinqueroi, est venu ici, ouvertement, memenacer et il a eu l’audace folle de saisir ma propre coupe et derépandre sur la reine Guenièvre tout le vin qu’elle contenait !

— Si c’est celui que j’ai rencontré devant la porte et qui s’en vaavec votre coupe, dit Perceval, donnez-moi ses armes, car je veuxêtre le chevalier Vermeil !

Il y eut des rires. Et Keu, le sénéchal(19), frère de lait(20) du roiArthur, toujours un peu jaloux, aigre et prêt à se moquer, dit touthaut :

— Allez donc les lui enlever, ami ! N’attendez pas ! Elles sont àvous !

Perceval ne comprit pas qu’il se moquait de lui, mais le roi sefâcha :

— Keu ! Je vous en prie ! Vous dites volontiers des chosesdéplaisantes. Pour un prud’homme, ce n’est pas beau. Ce garçon estpeut-être de noble sang et, s’il n’a pas encore de manières, il peutles acquérir et devenir un preux(21) !

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À ce moment, Perceval aperçut une belle jeunefille assise à la table et, se rappelant le conseilde sa mère, la salua. Elle se mit à rire en leregardant. Il lui semblait un peu fou, mais,comme, elle le trouvait beau, elle lui dit :

— Si tu vis assez longtemps, mon cœur me ditque, dans tout le vaste monde, nul chevalier ne tesurpassera !

Elle parla si fort que tous l’entendirent et ellerit de nouveau. Or, elle n’avait pas ri depuis plusde six ans. Keu, très irrité de ses paroles, bonditet, de la paume de la main, lui donna un coup sirude qu’il la jeta à terre. En regagnant sa place,

il aperçut le fou(22) du roi qui déclarait :— Je l’ai toujours dit : cette fille ne rira que le jour où elle verra

celui qui aura le prix de toute chevalerie !

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Le fou se tenait debout près de lacheminée. Keu, plein de colère et dedépit(23), le lança, d’un coup de pied, dansle feu. Le fou crie, la fille pleure… etPerceval s’en va, sans conseil de qui quece soit, et, sans plus attendre, à larecherche du chevalier Vermeil. Lechevalier avait posé la coupe d’or sur unegrosse pierre et s’était assis à côté,attendant combat et aventure. Perceval, dèsqu’il l’aperçut, lui cria :

— Le roi Arthur vous ordonne de medonner vos armes !

Le chevalier Vermeil toisa(24) Perceval et dit avec mépris :— Est-ce là le champion qu’il a trouvé pour défendre sa cause ?— Quittez ces armes à l’instant, cria Perceval, en colère, ou je

vous en dépouille(25) !Le chevalier leva alors, à deux mains, sa lance pour l’abattre sur

Perceval qui, au même instant, lançait sur lui un de ses javelots. Ilfrappa le chevalier Vermeil à la tête et l’étendit raide mort.

Perceval lui enleva son armure, s’en revêtit maladroitement, caril n’avait l’habitude ni de se coiffer du heaume, ni de mettre unhaubert, ni d’attacher des éperons, ni même de ceindre une épée. Il

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fallut qu’un chevalier du roi Arthur, qui était sorti du château pourvoir la scène, l’aide. Perceval l’en remercia, puis lui tendit lacoupe d’or :

— Portez au roi sa coupe et saluez-le de ma part. Quant à la fillequi a été frappée, dites-lui que je reviendrai, si je le peux, pour lavenger !

Et il s’en alla.Quand le chevalier rapporta sa coupe au roi et raconta le combat,

il y eut autour de la table bien des exclamations. Et le fou, toutcontent, s’écria :

— Le garçon reviendra et Keu paiera bien cher le coup de piedqu’il m’a lancé et le soufflet(26) qu’il donna à la fille. Vous verrez,il lui brisera le bras droit !

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Keu était si gonflé de colère qu’il aurait aimé tuer le fou sur-le-champ. Mais il se contint à cause du roi qui disait d’un ton désolé :

— Quel dommage d’avoir laissé partir ce garçon sans mêmeconnaître son nom ! Il ignore tout des armes mais, si on lui avaitappris l’emploi de la lance, de l’écu et de l’armure, quel bonchevalier il aurait fait !

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II

PERCEVALDEVIENT CHEVALIER

Après avoir tué le chevalier Vermeil, Perceval ne s’attarda pas àvagabonder dans la forêt. Il alla droit devant lui et parvint à unendroit découvert que bordait une rivière. Il y avait là un châteaude belle allure, ceint de murs flanqués de quatre fortes tours. Aubout, un pont-levis fidèle à sa mission : pont le jour, porte close lanuit ! Un prud’homme vêtu d’hermine(27) se promenait sur le pont.Perceval, se souvenant du second conseil de sa mère, s’avança etle salua.

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Ils commencèrent à parler. Le prud’homme – qui se nommaitGornemant de Goort – prit en amitié le jeune Perceval. Sonignorance en matière de chevalerie le désola et il décida de luiapprendre à se servir de ses armes, à tenir sa lance, à éperonner etretenir son cheval, à combattre avec l’épée. Bref, à devenir unparfait chevalier.

Il garda Perceval un mois entier chez lui, mais déjà, après troisleçons, il s’émerveillait de le voir si agile, si doué.

Gornemant aurait aimé le garder plus longtemps, mais Percevalétait jeune et l’aventure le tentait. Alors, son hôte décida qu’avantde partir, Perceval serait adoubé(28) chevalier ici même et par lui.

Il lui fit apporter chemise et braies de fine toile de lin, deschausses teintes en rouge de Brésil et une cotte d’un drap de soieviolet tissé en Inde.

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Perceval s’en vêtit en place des habits grossiersqu’il portait.

Puis Gornemant se baissa et lui chaussa l’éperondroit, comme la coutume le voulait pour adouber unchevalier. Ensuite il prit l’épée, la lui mit au côté etlui donna l’accolade(29) en disant :

— Je vous confère l’ordre de chevalerie qui nesouffre aucune bassesse. Ne tuez pas votreadversaire vaincu s’il vous crie merci(30). Gardez-vous de trop parler, aidez homme, dame oudemoiselle que vous verrez dans la détresse et nemanquez pas de prier Dieu pour votre âme.

— Ma mère m’a parlé comme vous le faites, ditPerceval.

— Dites désormais que c’est de celui qui vousadouba chevalier que vous le tenez.

Et, faisant sur Perceval le signe de la croix,Gornemant ajouta :

— Dieu vous préserve et vous conduise ! Vousêtes impatient de partir. Allez donc et adieu !

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III

PERCEVAL AU CHÂTEAU DEBLANCHEFLEUR

Perceval chevaucha tout le jour dans la forêt, solitaire. Il s’ytrouvait chez lui, mieux qu’à travers champs.

La nuit venait lorsqu’il aperçut un château fort, bien situé mais,hors des murs, on ne voyait que mer, eau et terre désolée.

Perceval passa un pont fort branlant et frappa du poing à uneporte.

Une fille maigre et pâle parut à la fenêtre :— Qui appelle ?— Un chevalier qui demande l’hospitalité pour la nuit.

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La fille disparut et quatre hommes d’armes à l’aspect misérablevinrent ouvrir la porte.

Perceval les suivit à travers des rues désertes bordées demasures croulantes. Ni moulin pour moudre, ni four pour cuire,nulle trace d’homme ou de femme, deux couvents abandonnés…

Ils arrivèrent à un palais couvert d’ardoises. Un valet mena lecheval à une étable sans blé ni foin, à peine un peu de paille… Unautre conduisit Perceval jusqu’à une belle salle où deux hommesd’un certain âge et l’air affaibli vinrent à sa rencontre.

Une jeune fille les accompagnait. Ses yeux étaient riants et clairs,ses cheveux d’un blond d’or fin flottaient sur ses épaules couvertesd’un manteau de pourpre(31) sombre, étoilé de vair(32) et bordéd’hermine – qui n’était pas râpée ! Plus belle que cette fille, il n’enfut jamais. Son nom était Blanchefleur.

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Elle prit Perceval par la main, le conduisit dans une largechambre au plafond tout sculpté et le pria de s’asseoir à côtéd’elle, sur le lit tendu de brocart(33).

— Acceptez notre maison telle qu’elle est. Rien n’y abonde,hélas, vous le verrez. Nous avons tout juste six miches de painqu’un saint homme de prieur(34) qui est mon oncle m’envoya pour lesouper de ce soir. Pas d’autres provisions, sauf un chevreuil qu’unde mes sergents tua ce matin.

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Là-dessus, elle commande qu’on mette lestables. Tous s’assoient, et le repas fut bref.Perceval alla se coucher, la faim encore auventre. Mais les draps étaient bien blancs,l’oreiller moelleux, la couverture riche. Ils’endormit. Il fut réveillé par des pleurs toutproches de son visage. Surpris, il vitBlanche-fleur sanglotant à genoux devantson lit, un court manteau de soie écarlatejuste jeté sur sa chemise.

— Belle, qu’y a-t-il ? Pourquoi êtes-vousvenue ici ?

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— Ne me jugez pas mal. Je suis désespérée. Voilà unlong hiver et un long été que le sénéchal de Clamadeudes îles, le perfide Anguingueron, nous assiège. Il nereste que cinquante chevaliers sur les trois cents quitenaient ici la garnison(35). Les autres ont péri ou ilssont en prison. Nos vivres, vous l’avez vu, sontépuisés. Il n’y en aurait pas pour le déjeuner d’uneabeille ! Demain nous rendrons le château et je serailivrée avec. Mais ils ne me prendront pas vivante. Jeme tuerai avant. Voilà ce que je suis venue vous dire.

La fine mouche savait bien ce qu’elle faisait. Aucunchevalier ne pouvait supporter d’entendre de telles

paroles. Perceval s’écria :— Séchez vos pleurs, belle amie. Moi, demain, je vous

défendrai ! Je provoquerai en combat singulier(36) Anguingueron lesénéchal et je le tuerai !

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Page 58: Les récits de Perceval le Gallois sont adaptés du roman

Le lendemain matin, il demanda ses armes, s’en revêtit,monta à cheval et sortit du château.

Anguingueron était assis devant sa tente, parmi lesassiégeants. Il vit venir Perceval, s’arma, sauta en selle etcria :

— Viens-tu chercher la paix ou la bataille ?— Réponds le premier : que fais-tu ici ? Tuer les

chevaliers et ravager la terre ?— Je veux que le château se rende, et la fille.— Va au diable, toi et tes paroles !Perceval abaissa sa lance et les deux adversaires se

précipitèrent l’un sur l’autre de toute la vitesse de leurcheval. Le combat fut long et furieux mais, à la fin, lesénéchal s’abattit sur le sol. Il criait :

— Pitié ! Épargne-moi ! Ne sois pas si cruel !Perceval se rappela le conseil du prud’homme

Gornemant, et il hésita.

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— Si tu as un seigneur, envoie-moi à lui, reprit lesénéchal. Je lui dirai ta victoire et m’en remettrai à luide mon sort.

— Alors, tu iras chez le roi Arthur. Tu salueras leroi pour moi, tu te feras montrer la jeune fille qui futfrappée par Keu pour avoir ri en me voyant. À elle, tute rendras prisonnier et tu lui diras que j’espère nepas mourir avant de l’avoir vengée !

Perceval rentra au château sous les acclamationsdes assiégés. Et Blanchefleur, dès lors, l’aima.

Cependant, Clamadeu, croyant le château pris,accourt, emmenant avec lui quatre cents chevaliers etmille sergents. Il est vite détrompé !

Alors, usant de ruse déloyale, il dissimule seshommes, ne montre que vingt chevaliers avec lesquels

il attaque. Perceval et les hommes de Blanchefleur – sûrs devaincre car ils sont plus nombreux – ouvrent les portes et chargent.Mais à peine se croient-ils victorieux que le gros des troupes deClamadeu surgit.

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Le combat devient trop inégal. Il leur faut se replier dans lechâteau. Harcelés, poursuivis, ils referment à grand-peine lesportes sur les assaillants. Par miracle, ils parviennent à fairetomber l’une d’elles sur les gens d’en dessous. Elle écrase et tuetous ceux qu’elle atteint dans sa chute ! Clamadeu ravale sa colèreet renonce à poursuivre. À quoi bon faire encore tuer ses hommesquand, demain, la faim obligera les assiégés et Blanchefleur à serendre ? On dresse donc les tentes pour camper.

Mais, ce même jour, un grand vent avait chassé sur la mer unbateau chargé de blé, de vin, de bacon salé, de bœufs et porcs prêtsà être tués. Il aborda intact, droit devant le château. On imagine lajoie de tous ! Les marchands, leur cargaison sauvée, faisaient, en lavendant, une bonne affaire et les assiégés pouvaient enfin manger !

Clamadeu était fou de fureur ! Inutile désormais d’espérerréduire le château par la famine ! Continuer le siège ne servirait àrien.

Il décida d’envoyer un message au château : il proposait auchevalier à l’armure vermeille qui avait vaincu et fait prisonnierAnguingueron, son sénéchal, un combat seul à seul. L’affrontementserait fixé au lendemain, avant midi.

Perceval accepta, malgré les supplications de tous et les prièresde Blanchefleur – entrecoupées de baisers, car ces deux-làcommençaient à beaucoup s’aimer !

Le lendemain à l’heure dite, seuls sur la lande, Clamadeu etPerceval s’affrontèrent à la lance, puis à l’épée.

À la fin, Clamadeu dut s’avouer vaincu et, tout comme sonsénéchal, accepter les mêmes conditions.

Il prit à son tour le chemin de la cour du roi Arthur. Il arrivaquand la reine Guenièvre, le roi et toute leur suite revenaientd’entendre la messe – car c’était une Pentecôte. Keu était là aussi,

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et la fille au beau rire, et le fou…Anguingeron, qui était arrivé la veille, courut au-devant de son

seigneur pour l’accueillir. Tous deux racontèrent les prouesses duchevalier à l’armure vermeille – dont personne ne savait le nom ! –et transmirent son message concernant la fille au beau rire et Keu.

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Le fou sauta de joie, répétant sa prédiction :— Je l’ai dit : malheur à Keu ! Le chevalier lui

rompra le bras et la clavicule et, toute une moitiéd’an, il devra porter son bras pendu à son cou !

Keu blêmit de colère. Le roi Arthur, lui, s’attristade n’avoir pas su garder à sa cour ce garçongallois, inconnu et à demi sauvage, qui était devenusi vite un si bon chevalier ! Pendant ce temps,Perceval vivait des jours d’une étrange douceurprès de la belle Blanchefleur qui lui avait misl’amour au cœur ! Et, s’il l’avait voulu, elle luiaurait donné tout son domaine.

Mais il souhaitait retourner auprès du roi Arthur.Il promit tant de revenir que Blanchefleur, fort

triste, finit par le laisser partir.

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IV

PERCEVAL CHEZ LE ROI PÊCHEUR

Perceval avait cheminé tout le jour sans rencontrer âme qui vivepour lui indiquer sa route et la nuit allait bientôt tomber. À ladescente d’une colline, il arriva à une rivière. L’eau semblaitprofonde et rapide et il n’osait s’y engager. À ce moment, il vit unebarque qui descendait le courant. Deux hommes y étaient assis. Ilss’arrêtèrent soudain au milieu de la rivière et ancrèrent solidementla barque. Celui qui était à l’avant péchait à la ligne et amorçaitson hameçon d’un petit poisson.

Perceval, depuis la rive, les salua et demanda :— Y a-t-il un gué(37) ou un pont sur cette rivière ?

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— Non, répond le pêcheur, autant que je sache, à vingt lieues(38)en amont ou en aval(39), il n’en existe pas, ni de barque assez fortepour passer un cheval !

— Au nom de Dieu, dit Perceval bien ennuyé, dites-moi, je vousprie, où je pourrai trouver un logis pour la nuit.

— C’est moi, dit le pêcheur, qui vous hébergerai ce soir. Montezpar cette brèche(40) et, quand vous serez en haut, vous verrez devantvous, dans un vallon, la maison où j’habite, près de la rivière etdes bois.

Perceval lui obéit mais, arrivé en haut de la butte, il ne vit rienque le ciel et la terre. Furieux, il se mit à maudire le pêcheurdéloyal qui lui avait conté des sornettes !

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Et soudain tout lui apparut : le vallon et la cimed’une tour carrée flanquée de deux tourelles avec unlogis par-devant. Perceval, tout content, y courut, netraitant plus le pêcheur de tricheur, de déloyal et dementeur !

À peine s’était-il engagé sur le pont-levis quequatre valets vinrent vers lui. Deux lui enlevèrent sonarmure, le troisième emmena son cheval pour luidonner fourrage et avoine. Le quatrième lui mit surles épaules un manteau d’écarlate tout neuf et le guidajusqu’à une grande salle où flambait un feu de bûchessèches qui jetait une flamme claire. Un homme auxcheveux presque blancs était assis sur un lit. C’étaitvisiblement le seigneur du lieu, le pêcheur de labarque.

— Ami, dit-il à Perceval qui le saluait, ne m’en veuillez pas. Jene puis me lever pour vous accueillir, car mes mouvements ne sontpas aisés. Approchez-vous sans crainte, asseyez-vous près de moiet dites-moi d’où vous venez.

La conversation s’engagea.Tandis qu’ils parlaient, un valet entra, portant une épée qu’il

tendit au vieil homme.— Votre nièce, la blonde et belle, vous envoie ce présent. Celui

qui forgea cette épée n’en fit que trois et n’en forgera plus d’autres,car il est mort. Elle vous prie de la donner à celui qui vous paraîtrale plus digne de la porter.

Sur-le-champ, le vieil homme remit l’épée à Perceval.— Je désire que vous l’ayez, ami. Prenez-la.Perceval remercia et prit l’épée. Elle était légère pour sa taille,

faite d’un acier dur, avec un pommeau en or et un fourreau

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d’orfroi(41) de Venise. Une arme superbe.

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Soudain, à la clarté des flambeaux qui illuminaient la salle,Perceval vit un jeune homme sortir de la chambre voisine. Il tenaitune lance éclatante de blancheur. Une goutte de sang perlait à sapointe et coulait jusqu’à la main du jeune homme.

Il traversa la salle, passant devant Perceval et son hôte, etdisparut.

Perceval dut se retenir pour ne pas poser de question tant cespectacle était étrange. Mais il se souvenait du conseil deGornemant de Goort : qui ne sait tenir sa langue manque souventaux lois de courtoisie. Il resta donc muet.

Peu après, de la même chambre voisine, sortirent deux beauxhommes portant chacun un chandelier d’or où brûlaient dix cierges.Derrière eux marchait lentement une très belle jeune fille,richement vêtue. Elle tenait entre ses mains une coupe en or garniede pierres précieuses, qui rayonnait comme un soleil.

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L’étrange cortège passa lui aussi devant le lit oùse tenaient assis Perceval et le seigneur du lieu,puis disparut. Perceval, de plus en plus étonné,dut cette fois se faire violence pour ne riendemander. Mais, toujours par peur d’être impoli,il garda le silence, puisque son hôte ne lui donnaitaucune explication. Il pensa que le lendemain, ilinterrogerait les habitants du château.

Le repas, servi bientôt, se composa des mets lesplus rares et des vins les meilleurs. Pour laveillée, on apporta une profusion de dattes, de

figues et de noix muscade, de grenades au girofle, de pâte augingembre d’Alexandrie, accompagnées de nouveaux vins aupiment, sans miel ni poivre.

Perceval était émerveillé. Il n’était pas habitué à pareil régime !Après avoir longuement conversé, le vieil homme dit :— Ami, il est l’heure du coucher. Vous dormirez ici quand il

vous conviendra. Pour moi, je regagne ma chambre. Mais il fautqu’on me porte. Je ne peux me mouvoir seul.

Quatre hommes robustes prirent aux quatre coins lacourtepointe(42) sur laquelle il était assis et l’emmenèrent. Percevalresta seul avec deux valets qui le dévêtirent et le mirent au lit. Ildormit jusqu’à l’aube.

Mais, quand il ouvrit les yeux, il ne vit personne près de lui,

s’équipa seul, prit ses armes, frappa en vain à diverses portes,toutes fermées. Il appela. Pas de réponse. Il sortit de la salle,chercha son cheval, le vit tout sellé – ni palefrenier, ni valet. Toutle château semblait étrangement vide d’habitants. Le pont-levisétait baissé. Perceval monta à cheval, prit son écu et sa lance et

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partit, se demandant où tous les gens qu’il avait vus la veilleavaient bien pu passer !

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Il remarqua sur un sentier destraces toutes fraîches dechevaux et les suivit, pensanttrouver ceux qu’il cherchait.

Il s’engagea dans la forêt,toujours suivant les traces.Soudain, il vit sous un chêne unefille qui pleurait. Elle leva lesyeux, l’aperçut et s’étonna :

— Vous semblez avoir passéune bonne nuit, votre cheval estlavé et étrillé(43). Pourtant, àvingt-cinq lieues à la ronde iln’y a pas une maison.

— Vous vous trompez, belle. Il en est une toutprès d’ici et excellente !

Il se mit à raconter. La fille l’interrompit auxpremiers mots :

— C’est donc que vous avez été l’hôte duriche Roi Pêcheur, qui fut blessé dans unebataille et perdit l’usage de ses jambes. Il nepeut plus, pour se distraire, que se faire porterdans une barque et s’en aller pêcher sur l’eau.De là son nom. Il vous a fait grand honneur envous recevant.

Elle regarda Perceval.— Dites-moi, avez-vous vu la lance dont la

pointe saigne ?— Certes oui, je l’ai vue.— Avez-vous demandé pourquoi elle saignait ?

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— Je m’en suis gardé !— Dieu ! Vous avez mal fait ! Et la coupe nommée Graal, l’avez-

vous vue ? Portée par une jeune fille qui suivait deux valets tenantun chandelier plein de cierges ?

— J’ai vu tout cela.— Avez-vous demandé qui ils étaient, où ils allaient ?— Pas un mot n’est sorti de ma bouche.— Ah, Dieu ! Comment vous nommez-vous, ami ?— Perceval le Gallois.— Mieux vaudrait dire à présent Perceval l’infortuné. C’est sur

vous que je pleure. Que n’avez-vous posé ces questions ! Le roi eûtretrouvé l’usage de ses jambes et vous seriez entré en possessiondu Graal. Je n’en peux dire plus. Ni sur la lance, ni sur la coupe.Un autre vous l’enseignera. Adieu !

Elle se remit à pleurer sous le chêne et Perceval poursuivit saroute vers la cour du roi Arthur.

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V

PERCEVAL ETL’ORGUEILLEUX

DE LA LANDE

Sur le sentier que suivait Perceval, marchait, un peu devant lui, uncheval si maigre qu’il n’avait que le cuir sur les os. Ses crinsétaient tondus, ses oreilles pendaient. Il paraissait ne plus pouvoiraller très loin.

Pourtant il portait une fille.Échevelée(44), sans manteau ni voile, la peau brûlée par le soleil

et la neige, elle était vêtue d’une robe rapetassée(45) en six endroits,trouée à d’autres ! Malgré cela, il lui restait encore des tracesd’une grande beauté.

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Perceval courut vers elle.— Belle, Dieu vous protège ! Comment êtes-vous en ce triste

état ?Elle baissa la tête, et dit tout bas :— Fuyez et laissez-moi en paix ! Fuyez, vous dis-je !— Moi, fuir ? Pourquoi ? Qui me menace ?— L’Orgueilleux de la Lande. S’il vous trouve ici, il vous tuera

pour m’avoir adressé la parole !

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Elle n’avait pas achevé sa phrase quel’Orgueilleux, sortant du bois et soulevantun nuage de poussière et de sable, arrivaitsur eux et criait :

— Malheur à toi qui t’es arrêté près decette fille ! Tu vas mourir ! Mais avant de tetuer, je veux t’expliquer pourquoi je la traiteainsi et lui inflige cette vie. Je l’aimais plusque tout en ce monde. Or, un jour que j’étaisparti chasser et qu’elle était seule dans unpavillon, un jeune garçon gallois passa. Illui prit un baiser – elle l’avoua, disant quec’était de force et qu’il n’avait rien fait de

plus. Qui le croira ? Pas moi ! Elle n’aura ni robe neuve, ni boncheval, ni toit et se nourrira de ce qui pousse dans les bois, jusqu’àce que je retrouve ce garçon, l’oblige à avouer et le tue.

Perceval avait écouté avec beaucoup d’attention. Il se souvintbrusquement de ce pavillon où il avait en effet un jour embrasséune fille, par surprise. Elle s’en était montrée très irritée. La misèreet la faim l’avaient tant changée qu’il ne l’avait pas reconnue.

De son côté, comment aurait-elle imaginé, sous l’armurevermeille de ce beau chevalier, le jeune garçon gallois en cotte decuir de cerf et chemise de chanvre de ce jour-là ?

— Ami, dit Perceval. Elle vous a dit vrai. C’est moi qui lui prisce baiser. Par surprise. C’est tout ce que je fis. Croyez-m’en. Levezla pénitence(46). Elle a payé assez cher.

— Ainsi tu avoues ! cria l’Orgueilleux, fou de colère. Tu méritesla mort !

— La mort n’est pas si près de moi que tu le penses ! répliquaPerceval, que la colère gagnait aussi.

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Et aussitôt, ils se heurtèrent avec une telle violence que leurslances volèrent en éclats et que tous deux tombèrent de cheval.Mais ils se relevèrent et, tirant leurs épées, se portèrent des coupsfurieux. À la fin, l’Orgueilleux de la Lande eut le dessous etdemanda grâce.

— Fais d’abord grâce à ton amie, ordonna Perceval. Elle n’a pasmérité d’être traitée comme tu le fais. Je peux te le jurer !

L’Orgueilleux de la Lande, qui aimait la jeune fille plus que laprunelle de ses yeux, dit :

— J’ai souffert autant qu’elle de ce qu’elle endurait et je suisprêt à réparer !

— Fais-la baigner et reposer jusqu’à ce qu’elle soit de nouveauen pleine santé. Puis, bien parée et bien vêtue, mène-la au roiArthur. Salue-le de ma part et mets-toi à son service.

Le même soir, le chevalier fit baigner son amie et, dans les joursqui suivirent, l’entoura de tant de soins qu’elle recouvra toute sabeauté. Ils partirent alors tous deux à Carlion, où le roi Arthurtenait sa cour.

Il y avait fête ce jour-là, et la reine Guenièvre se trouvait auxcôtés du roi. L’Orgueilleux de la Lande la salua et conta sonhistoire. Tous écoutaient avec grande attention. Gauvain, le neveudu roi, assis à sa droite, s’écria :

— Qui est ce jeune homme qui a vaincu aux armes un chevaliertel que l’Orgueilleux de la Lande ? Dans toutes les îles de la meraucun ne peut se comparer à lui !

— Beau neveu, répondit le roi, vous êtes depuis peu à ma cour.Vous ne connaissez pas l’histoire de ce jeune garçon gallois qui tuad’un coup de javelot le chevalier Vermeil de la forêt deQuinqueroi… J’ignore tout de lui, jusqu’à son nom. Mais jen’attendrai pas plus longtemps pour partir à sa recherche et je ne

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reposerai pas deux nuits de suite au même endroit tant que je nel’aurai pas vu, s’il est vivant, en mer ou sur terre !

Dès que le roi eut parlé, chacun, à sa cour, sut qu’il n’y avaitplus qu’à se mettre en route !

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VI

RETOUR AUPRÈSD’ARTHUR

On rassembla fiévreusement provisions et bagages, tentes etpavillons, couvertures et oreillers, et le roi Arthur quitta Carlion,suivi de ses barons et de la reine, elle-même entourée de sesdemoiselles.

Le soir venu, on logea dans une prairie à la lisière d’un bois. Lelendemain matin, la neige recouvrait le sol. Perceval, levé debonne heure à son habitude, avait repris la route. Le hasard le menadroit à la prairie enneigée où le roi campait avec sa cour.

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Il était encore assez loin des tentes lorsqu’ilaperçut un vol d’oies sauvages. Elles fuyaientdevant un faucon qui fendait l’air pour lesattaquer. L’une d’elles s’égara. Le fauconl’abattit à terre et repartit.

Perceval accourut. L’oie était blessée aucou. Elle saignait. Trois gouttes de sangrougissaient le blanc de la neige. À l’arrivéede Perceval, elle s’envola. Lui, appuyé sur sa

lance, regardait le sang et la neige : il revoyait le visage deBlanchefleur, le rouge des lèvres et la blancheur du teint. Il enoubliait où il était, rêvait à celle qu’il aimait, et les heuress’écoulaient. Le jour venait tout à fait. Les écuyers sortant destentes virent Perceval, perdu dans sa rêverie. Ils crurent qu’ilsommeillait.

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Le roi Arthur dormait encore. Sagremor, un des chevaliers de sasuite, le réveilla :

— Sire, dehors sur la lande, il y a un chevalier qui sommeille surson cheval.

Le roi ordonna qu’on l’amenât aussitôt.Sagremor s’arma, prit son cheval et rejoignit Perceval.— Ami, dit Sagremor, il vous faut venir à la cour.Perceval, tout à sa rêverie, ne voyait ni n’entendait. Il ne bougea

ni ne répondit.Sagremor renouvela sa demande, en vain. À la troisième fois, il

se fâcha, et cria :— Vous y viendrez, de gré ou de force !Et, prenant du champ(47), il lança son cheval en direction de

Perceval. Brutalement arraché à ses pensées, ce dernier s’élança àson tour. Le choc fut si violent que la lance de Sagremor se brisa etqu’il tomba. Son cheval s’enfuit et regagna le camp sous les yeuxdes gens qui se levaient et sortaient des tentes.

Keu se moqua de Sagremor plus fort que tout le monde. Si bienque le roi, irrité, lui dit :

— Allez-y donc vous-même ! Nous verrons si vous nous ramenezce chevalier inconnu !

— Sire, dit Keu, je vous l’amènerai, qu’il le veuille ou non, et ilfaudra bien qu’il nous dise son nom !

Perceval contemplait toujours les gouttes de sang sur la neige,pensant à Blanchefleur et oubliant le reste !

Keu, armé et à cheval, lui cria de loin :— Vassal(48) venez au roi ! Ou vous le paierez cher !

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Perceval, s’entendant menacer, courut versKeu en éperonnant sa monture. Keu frappa siviolemment que sa lance vola en miettes,comme de l’écorce. Mais Perceval, lefrappant sur le haut de son bouclier, ledésarçonna. Keu tomba sur une roche, sedéboîta la clavicule et se brisa l’os droit,comme du bois sec !

Il s’évanouit de douleur et son chevalrevint au grand trot vers les tentes. En levoyant sans son maître, tous s’inquiétèrent.

On trouva le sénéchal évanoui et Percevalappuyé de nouveau sur sa lance et retourné àses rêves… Le blessé fut porté à la tente du

roi qui le réconforta de son mieux et le confia à un médecin trèscapable. Gauvain, le neveu du roi, nouvellement arrivé à sa cour etqui était jeune et gai mais chevalier courtois(49) par excellence, ditau roi :

— Sire, il n’est pas juste qu’un chevalier se permette, commeces deux-là l’ont fait, d’arracher un autre chevalier à ses pensées.Peut-être songeait-il à son amie et souffrait-il ? Si vous lepermettez, j’irai, à mon tour, le trouver et tâcherai de vous leramener.

Le roi l’ayant permis, Gauvain s’en alla donc. Le soleilcommençait à faire fondre la neige tachée de sang et Percevalémergeait lentement de son rêve de Blanchefleur.Gauvain s’approcha et dit avec calme :

— Je suis envoyé par le roi qui vous prie de venir lui parler.— Il en est déjà venu deux, répondit Perceval. Je ne les ai pas

suivis car j’avais devant moi le visage de mon amie, la belle que je

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ne voulais pas quitter. Mais, dites-moi, c’est donc la cour du roiArthur qui est là ? Et Keu le sénéchal ?

— Oui. Et vous venez de lutter avec lui. Vous lui avez brisé lebras droit et déboîté la clavicule !

— Voilà donc vengée la fille qu’il avait frappée !Gauvain tressaillit de surprise.— Ah, dit-il, c’est vous que le roi cherche entre tous ! Quel est

votre nom ?— Perceval. Et le vôtre ?— Gauvain.Perceval, tout joyeux, s’écria :— J’ai entendu parler de vous et je suis prêt à vous suivre. Je

serais fier que vous soyez mon ami !— J’en aurais plus de plaisir encore que vous !Et les voilà dans les bras l’un de l’autre !Du camp, on avait suivi leurs mouvements et vu leur gaieté. Les

chevaliers en portèrent la nouvelle au roi :— Voici votre neveu Gauvain qui revient, le chevalier avec lui.

Tous deux ont l’air de marcher dans l’allégresse !Et chacun de bondir hors de sa tente pour aller au-devant d’eux.Le roi lui-même se leva afin de les accueillir.

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— Grand merci, beau neveu. Et vous, ami, soyez le bienvenu.Comment dois-je vous nommer ?

— Sire roi, dit Perceval en s’inclinant, j’ai pour nom Perceval leGallois.

— Ah, Perceval, comme j’ai regretté, quand je vous vis pour lapremière fois, de ne vous avoir pas retenu à ma cour. Mais j’ai suvos exploits et entendu la prédiction : la fille et le fou ne se sontpas trompés : vous avez vérifié leurs prophéties. Et, s’il ne tientqu’à moi, vous ne partirez plus !

Perceval exauça quelque temps le désir du roi Arthur. Il devintchevalier de la Table Ronde, comme son ami Gauvain.

Mais le regret le tenaillait. Il connaissait à présent l’histoire dela lance mystérieuse et de la goutte de sang perlant à sa pointe :c’était celle qui avait percé le côté du Christ sur la croix. Quant auGraal, la coupe sainte qui avait recueilli le sang du Christ, ilvoulait, plus que tout au monde, la conquérir.

Pour cela, il fallait retrouver la demeure du Roi Pêcheur etposer, cette fois, des questions.

Dès qu’il le put, il repartit. Mais le château où il avait couché unsoir était né d’un enchantement(50). Il avait disparu de même.

Perceval s’obstina dans sa recherche vaine. Il erra, défendant lesdames, déjouant les sortilèges, les gués périlleux et les oiseaux-fées.

Il revenait parfois pour participer à des tournois ou guerroyeraux côtés du roi Arthur. Puis il reprenait sa quête, sans jamaistrouver.

Ce fut au cours d’une de ses absences que se présenta à la courun jeune garçon nommé Lancelot du Lac. Ses aventures allaientégaler celles de Perceval et, à son tour, il entrerait dans la légendedes chevaliers de la Table Ronde.

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LANCELOT

DU LAC

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I

ARRIVÉE DE LANCELOTÀ LA COUR

DU ROI ARTHUR

Un jour que le roi Arthur chassait dans la forêt avec son neveuGauvain, Keu le sénéchal et plusieurs autres chevaliers, ils virents’avancer vers eux un étrange cortège.

Les montures des cavaliers qui le composaient, leurs armures,leurs vêtements, tout était d’un blanc brillant de neige. Ilsescortaient un jeune homme et une dame(51), également vêtus deblanc, et tous deux d’une grande beauté.

La dame, en voyant le roi, s’avança vers lui et le salua. Le roirépondit courtoisement à son salut et lui demanda qui elle était.

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Elle dit avec un sourire mystérieux :— On me nomme la Dame du Lac. Vous m’avez connue sous un

autre nom, mais là n’est pas la question. Je vous amène ce jeunehomme pour que vous le fassiez chevalier quand il le demandera. Ila déjà ses armes.

Le roi était à la fois étonné de la demande et curieux de savoirqui pouvait être la Dame du Lac.

Toutefois il accepta. La dame, sans plus rien ajouter, fit de brefsadieux au jeune homme et s’en alla, escortée de ses cavaliers.

Le roi confia le nouveau venu à son neveu Gauvain qui, après lachasse, l’emmena chez lui et tenta d’en savoir plus, en vain. Lejeune homme ne répondit à aucune question. Mais après le repas,qu’ils avaient pris ensemble, il demanda tranquillement à être arméchevalier le lendemain – car c’était la fête de la Saint-Jean, et leroi Arthur devait, ce jour-là, adouber plusieurs chevaliers.

Gauvain se récria. La préparation, d’ordinaire, était longue. Ellepouvait durer jusqu’à deux années, et lui, en un seul jour… Mais legarçon se borna à répéter :

— Je n’ai besoin d’aucune préparation. Je suis prêt.Et cela avec tant de ténacité qu’à la fin Gauvain céda. Il le

conduisit auprès du roi. Fidèle à la promesse faite à la Dame duLac, Arthur accepta donc, au mépris de toutes les règles, de fairechevalier, le lendemain, cet étonnant garçon.

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Il passa la nuit, selon l’usage, en prières etméditations. Le lendemain, dans la plus grande églisede la ville, il vint s’agenouiller près de l’autel, avecles autres. Et, devant le roi Arthur, il prêta, à voixhaute, serment de fidélité.

Le roi lui passa une à une les pièces de son armure.Elles étaient d’une grande beauté : blanches et argent.

La dernière partie de la cérémonie – la remise deleur épée aux nouveaux chevaliers – avait lieu dansla grande salle du château. La reine Guenièvre et lesdames de la cour étaient curieuses de voir enfin cemystérieux jeune homme dont tout le monde, depuis laveille, parlait. Qui était-il ? Comment se nommait-il ?D’où venait-il ? Nul ne le savait ! Quand il parut,sous son armure blanche qui rehaussait sa blondeur et

sa beauté, tous les regards se fixèrent sur lui avec admiration.Mais lui ne voyait que la reine Guenièvre : il venait sur-le-

champ d’en tomber éperdument amoureux.

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À l’instant même, il se jura qu’elle serait sa Dame.Elle seule.

Or, il se fit que, dans le remue-ménage de lacérémonie, le roi omit de remettre son épée au nouveauchevalier. Le jeune homme ne la réclama pas ; il nequittait pas des yeux la reine. Le bafîquet commençaitquand, soudain, arriva un messager hors d’haleine,couvert de poussière, qui se jeta aux pieds du roi :

— La Dame de Nohaut m’envoie vous demandersecours. Elle est en grand danger, sa terre ravagée, sonchâteau assiégé. Elle n’a plus qu’un espoir : son ennemipropose un combat singulier entre un de ses hommes etle chevalier qu’elle choisira. De l’issue de l’épreuvedépendra son sort. Elle vous supplie de désigner lemeilleur que vous aurez, car le combat sera rude.

Celui que l’on nommait – faute de savoir son nom – le chevalierblanc s’avança vivement et dit au roi :

— J’irai.— Vous êtes trop jeune, répondit le roi, trop inexpérimenté. Vous

vous ferez tuer pour rien.Mais le chevalier insista tant qu’à la fin, là encore, le roi céda.Au moment de partir avec le messager, il se rendit auprès de la

reine qui se reposait dans son appartement. Il mit un genou à terreet dit :

— Je ne veux pas partir sans vous dire adieu, et sans vousdemander d’accepter d’être ma Dame. Le roi Arthur a oublié de meceindre l’épée. Faites-le vous-même et je jure, moi, Lancelot duLac, d’être pour toujours à votre service.

La reine, émue, prit l’épée qu’il lui tendait et acheval’adoubement du chevalier.

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Lancelot rejoignit le messager et partit au château de la Dame deNohaut.

Cependant, la reine Guenièvre pensait :— Lancelot du Lac… C’est donc là son nom… Un nom

étrange… D’où lui vient-il ? Et qui est-il réellement ?C’était toute une histoire qui avait commencé quinze ans

auparavant…

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II

L’ENFANCEDE LANCELOT

Quinze ans auparavant, en Petite-Bretagne, par une sombre nuit, leroi Ban de Bénoïc et sa femme, la reine Hélène, portant le petitLancelot et accompagnés d’un seul écuyer, fuyaient sur un cheminde terre, à travers les marais. Ils fuyaient leur royaume ravagé parles troupes victorieuses de leur redoutable ennemi, le roi Claudiasde la Déserte. Ils venaient de quitter en secret le dernier châteauqui ne fût pas tombé en son pouvoir.

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Ban de Bénoïc partait demander de l’aide auroi Arthur, son suzerain(52), qui n’avait jusque-là répondu à aucun de ses appels. Ilschevauchèrent toute la nuit.

Tôt le matin, avant l’heure où chantent lescoqs, ils se trouvèrent au sein d’une épaisseforêt, devant une clairière où était un lac.

La reine Hélène, épuisée, s’arrêta pour sereposer au bord du lac avec l’enfant Lancelotqui dormait. Tandis que l’écuyer surveillait leschevaux, le roi Ban voulut voir une dernièrefois son château.

Il y avait, toute proche, une butte assezélevée. Il la gravit et là, il vit avec effroi etdouleur de hautes flammes rosir le ciel : lechâteau, tombé aux mains de Claudias, brûlait.Le roi était âgé et avait subi déjà trop decoups ; ce dernier l’acheva. Il tomba à terre etmourut.

L’écuyer, inquiet de ne pas le voir revenir,gravit à son tour la butte et, découvrant le roimort, poussa des cris de douleur.

La reine Hélène les entendit et se dressa,pleine d’angoisse. Elle hésitait à laisser lebébé seul, mais il dormait toujours, et le lacavait l’air si tranquille qu’elle posa le petitLancelot dans l’herbe et courut jusqu’à labutte. Quand elle vit le roi étendu à terre, ellecomprit quel malheur la frappait et elle

s’évanouit de douleur.

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L’écuyer réussit à la ranimer. Elle pleura un grand moment puis,pensant à son fils laissé seul, elle revint en hâte au bord du lac.

Une femme, très belle, vêtue de blanc, emportait l’enfant serrécontre son cœur et s’enfonçait avec lui dans l’eau du lac…

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La reine, désespérée, faillit perdre la raisonet se retira dans un couvent, loin du monde.

Comment se serait-elle doutée que la si belledame en blanc qui venait de lui prendre son filsn’était autre que la fée Viviane, jadis tant aiméede Merlin ? Il avait disparu, mais ellecontinuait à vivre, toujours jeune et belle – parce que fée ! –, dans ce royaume enchantédes eaux qu’était le lac. Lancelot passa prèsd’elle une enfance heureuse, ignorant qui ilétait et le drame qu’avait vécu sa mère.

La Dame du Lac – comme elle se faisaitappeler – l’aimait et veillait à ce qu’il reçûtl’éducation que méritait un fils de roi. Il appritmême à lire – ce qui était rare en ces temps-là !

Lancelot devenait un bel adolescent,séduisant de visage, souple de corps, et quiexcellait à tous les jeux. Robuste et plein degrâce à la fois, il maniait déjà la lance etl’épée comme un vrai chevalier. Il aimait lachasse et la danse et, chaque soir, la Dame duLac lui apportait des roses frais cueillies ettressées en couronne – rouges le plus souvent,couleur de l’amour.

Mais vint un jour où, malgré les compagnonsqu’elle lui avait donnés, malgré les joutes(53) etles chasses, Lancelot s’ennuya. Il voulait allerà la cour du roi Arthur et y devenir chevalier. Ilvenait d’avoir dix-huit ans.

La Dame du Lac en fut triste, mais elle le cacha. Elle fit préparer

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le heaume d’argent, le haubert blanc comme neige, l’épée, l’écu…bref, tout l’équipement d’un futur chevalier. Puis elle dit àLancelot :

— Vous allez quitter le lieu de votre enfance et vous ne pourrezplus jamais y revenir. Je vous ai élevé, mais je ne suis pas votremère. Un jour, vous apprendrez le nom de vos parents et vous enserez fier, car vous êtes fils de roi. Vous allez vivre de longues etparfois douloureuses aventures, mais je serai toujours près devous, sans que vous vous en doutiez, et je vous aiderai dans votrerecherche.

Ces mots mystérieux étonnèrent un peu Lancelot, mais il était toutà la joie de partir près du roi Arthur. La Dame du Lac fit seller deschevaux blancs et se vêtit elle-même d’hermine. Puis, escortés decavaliers, Lancelot et elle quittèrent le royaume du Lac pourrencontrer le roi Arthur qui était ce jour-là à la chasse…

Et si elle ne révéla pas alors au roi son vrai nom de Viviane – sous lequel il l’avait connue –, ce fut par un reste de malice : carelle avait été autrefois très jalouse de l’amitié que Merlin portait àArthur…

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III

LANCELOT À LA DOULOUREUSEGARDE

Arrivé au château de la Dame de Nohaut, Lancelot triompha duchevalier ennemi, au prix d’une légère blessure qui le retintquelques jours en ce lieu.

Or, tandis qu’il était à se reposer, la Dame du Lac lui fit envoyer,par une des jeunes filles de sa suite nommée Saraide, trois écusblancs.

Ils étaient du même blanc brillant que le reste de l’équipement deLancelot et tous trois avaient même taille et même forme. Seul lesdifférenciait le nombre de bandes vermeilles qui les coupaient : le

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premier n’en comportait qu’une, le deuxième en comptait deux et ledernier, trois.

— Celui qui ne porte qu’une bande, expliqua Saraide, vousdonnera, en plus de votre force, celle d’un autre chevalier. Celuiqui a deux bandes vous apportera la force de deux chevaliers, etcelui qui en a trois, celle de trois chevaliers. La Dame du Lac vousdemande de vous en servir sans hésiter, au cas où cela deviendraitnécessaire. Or, avant de revenir à la cour du roi Arthur, vous allezconnaître bien des aventures ; elles vous permettront de prouvervotre valeur.

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Lancelot prit les écus et remercia Saraidequ’il avait eu grand plaisir à revoir. Elle luidonna quantité de nouvelles de la Dame du Lacet des gens de sa cour.

Dès le lendemain, malgré les prières de laDame de Nohaut – qui l’aurait volontiers gardéprès d’elle plus longtemps –, Lancelot quitta lechâteau.

Il n’aimait que la reine Guenièvre et c’est àelle seule qu’il voulait montrer de quels exploitsil était capable.

Cheminant à travers la forêt, Lancelot arrivaun matin aux abords d’une ville que dominait unchâteau imposant. La ville semblait riche etpourtant, il pesait sur elle un étrange silence. Lesrues étaient quasi désertes, et les rares habitantsqu’il croisa semblaient tristes et abattus. Il arrêtaune fille qui portait une cruche d’eau et laquestionna.

— Il faut, répondit-elle, que vous soyez bien étranger au payspour ignorer les maléfices que Brandis le Félon fait peser sur nous.Le château que vous voyez lui appartient. On le nomme “LaDouloureuse Garde” car, entre ses murs, sont prisonniers quantitéde nobles chevaliers qui ont tenté de nous libérer de lui. Aucun n’apu y parvenir, tant le château est défendu ! Aucun n’a pu mêmefranchir la première porte ! Hélas ! Qui nous libérera ?

— Moi !La fille le regarda tristement :— Vous êtes trop jeune pour périr ! Allez-vous-en d’ici !Mais Lancelot s’avançait déjà vers la première porte. Le pont-

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levis s’abaissa soudain et dix chevaliers armés s’élancèrent à larencontre de Lancelot.

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Le combat fut rude et dura presque tout le jour. Lancelot dututiliser le premier des trois écus pour venir à bout des dixchevaliers, mais il y parvint.

Quand la nuit tomba, la première porte était forcée. Les habitantsde la ville avaient suivi le combat avec angoisse. Ils emmenèrentLancelot se reposer. Un peu d’espoir leur venait…

Le lendemain, dès l’aube, Lancelot s’avança vers la secondeenceinte. Par la porte soudain ouverte, dix chevaliers, de nouveau,s’élancèrent vers lui.

Mais il les frappa si rudement qu’ils refluèrent en désordre versl’intérieur du château, en se bousculant pour repasser la porte.

Or, Brandis avait fait placer, au-dessus de cette porte, une grandestatue de chevalier en bronze – symbole de sa puissance.

D’un coup de sa lance, Lancelot la fit basculer et tomber à terre.Dans sa chute, elle tua un chevalier. Les autres se virent perdus ets’enfuirent, épouvantés.

Mais hélas, à la faveur du tumulte, Brandis le Félon parvint luiaussi à s’enfuir. Les habitants s’en désolèrent car, de ce fait, lamalédiction qui les frappait demeurait ! À moins que… lechevalier vainqueur n’accepte de rester pendant quarante joursdans la ville, sans en sortir.

C’était beaucoup demander – ils le savaient – à un hommetoujours en quête d’exploits et d’aventures que de demeurer ainsiles pieds aux chenets(54) !

Ils s’interrogeaient sur la meilleure façon de le retenir. Or, il yavait près du château un curieux cimetière. Chaque créneau du murqui l’entourait était surmonté d’un heaume de chevalier.

Intrigué, Lancelot s’y rendit et il vit que sous chacun des heaumesse trouvait une tombe portant l’inscription : « Ci-gît un tel et voicisa tête. »

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Mais il y avait, à côté, d’autres tombes, bien plus étranges.Aucun heaume ne les surmontait et elles portaient les noms gravésde chevaliers encore vivants.

Lancelot en avait vu plusieurs à la cour du roi Arthur.L’inscription était rédigée au futur : « Ici reposera un tel. »

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Lancelot resta un moment à les regarder. Puisil avança vers le centre du cimetière. Unegrande dalle de métal, ornée d’or et depierreries, était posée là. Elle portait cesmots : « Seul celui qui aura délivré laDouloureuse Garde pourra me soulever. Ilsaura alors de qui il est le fils. »

Une voix de femme s’éleva soudain derrièreLancelot :

— Brandis le Félon a tenté bien des fois desoulever cette dalle. Jamais il n’y parvint !

Lancelot se retourna vivement. Que faisait là Saraide ? Lasuivante de la Dame du Lac qui lui avait remis les trois écus n’étaitdonc pas repartie ? Elle sourit de son étonnement :

— Pas un instant je ne vous ai quitté. Mais vous ne le saviezpas ! J’en avais reçu l’ordre de la Dame du Lac. Levez cette dalle.N’êtes-vous pas vainqueur ?

Lancelot se baissa, empoigna la dalle par un des bords où elles’amincissait et, sans effort, la souleva.

Il vit alors ces mots : « Ici reposera Lancelot, fils du roi Ban deBénoïc. »

… Fils de roi… La Dame du Lac le lui avait dit, jadis. Mais àprésent, il savait de quel roi… Un roi mort, un royaume perdu…

Il laissa retomber la dalle. Saraide dit alors doucement :— La Dame du Lac m’a chargée de vous raconter comment le roi

Ban votre père perdit son royaume et en mourut…Elle lui expliqua toute l’histoire, qui rendit Lancelot encore plus

songeur. Pourquoi le roi Arthur, en bon suzerain, n’était-il pas venuau secours de son père ?

Il ignorait que le roi avait oublié cette faute ancienne que,

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bientôt, un ermite(55) lui rappellerait.Lancelot prit l’habitude de venir réfléchir souvent dans cet

étrange cimetière où les tombes des morts côtoyaient celles desvivants.

Pendant ce temps, la nouvelle de la délivrance de la DouloureuseGarde était parvenue jusqu’à la cour du roi. Et tous de s’écrier :

— Qui a accompli pareil exploit ?— Un chevalier inconnu, fut la seule réponse que put donner le

messager.Le roi Arthur, curieux d’en savoir plus, envoya sur les lieux son

neveu Gauvain et quelques chevaliers.Ils chevauchaient sans méfiance quand Brandis le Félon, qui les

guettait, leur tomba dessus par surprise et les fit tous prisonniers.

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Le roi Arthur entra dans une grande colère et décida de se rendrelui-même au château de la Douloureuse Garde. La reine Guenièvreet toute la cour l’accompagnaient. Lorsqu’ils arrivèrent devant lechâteau, Lancelot était dans le cimetière. Il songeait et ne lesaperçut pas. Les gardes du château, n’ayant pas reçu d’ordres,refusèrent de laisser entrer le roi et son escorte. Ils durentrebrousser chemin.

En l’apprenant, Lancelot fut désespéré. Par sa faute, la reineGuenièvre – qu’il aimait si follement – s’était vu repousser duchâteau qu’il venait de conquérir ! Comment se le faire pardonner,lorsqu’elle l’apprendrait ?

Il fit aussitôt seller son cheval et, malgré les supplications deshabitants, partit à bride abattue(56) dans la forêt pour tenter derattraper le roi et sa suite.

Mais quelle direction prendre ?Un ermite sortait juste de sa cabane. Lancelot l’interrogea et

apprit à la fois la captivité de Gauvain et le piège que Brandiss’apprêtait à tendre au roi Arthur.

Le désespoir de Lancelot s’accrut, de savoir la reine Guenièvreen danger, par sa faute.

Il se précipita vers l’endroit de la forêt où Brandis préparait songuet-apens. Dès qu’il l’aperçut, il se jeta sur lui, l’épée haute,réussit à le jeter à terre et allait lui trancher la tête quand Brandislui rappela qu’il détenait Gauvain en otage. Sa mort entraîneraitcelle de Gauvain. Si, au contraire, Lancelot lui laissait la vie, ilpromettait de libérer tous ses prisonniers.

Le roi Arthur, qui arrivait avec sa suite, intervint aussi. Lancelotcéda et libéra Brandis.

Tous repartirent alors pour la Douloureuse Garde dont, cette fois,les portes s’ouvrirent devant Guenièvre et Arthur. Lancelot n’avait

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pas pris le temps d’enlever son heaume et personne ne l’avaitreconnu.

Personne non plus ne le vit partir, quelques heures plus tard,alors que le festin en l’honneur du roi et de la reine se déroulaitdans la grande salle du château.

Et quand le roi Arthur voulut enfin connaître le visage et le nomdu chevalier qui avait accompli de tels exploits, on ne put letrouver. Il avait disparu.

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Vinrent pour Lancelot des jours de chevauchéesolitaire. Il allait, remâchant ses pensées comme autantd’herbes amères et cherchant par quel exploit ilpourrait réparer sa faute envers Guenièvre.

Un matin, un chevalier l’aborda :— N’êtes-vous pas celui qui libéra de Brandis la

Douloureuse Garde ?— C’est moi, en effet.— Alors, suivez-moi vite. Car la reine Guenièvre

est retenue, par trahison, prisonnière en ce château.Elle vous fait chercher par tout le royaume, car vousseul pouvez la délivrer !

Lancelot avait enfin le moyen de réparer sa faute. Ilsuivit le chevalier. Arrivés à la Douloureuse Garde,ils ne virent que gens en pleurs et gémissant sur lebrusque départ du chevalier inconnu, qui les laissaitvictimes des sortilèges de Brandis.

Lancelot, impatient de délivrer la reine, ne prenaitpas garde à leurs propos.

Les chevaux mis à l’écurie, Lancelot suivit denouveau le chevalier jusqu’à une porte en cuivre quifermait la tour centrale du château. Le chevalierl’ouvrit en disant :

— La reine est là.Lancelot se précipita. La porte retomba sur lui,

fermée. Il était à son tour prisonnier. Derrière unefenêtre grillagée de fer, un visage parut et une voix dit :

— Pardonnez notre pauvre ruse, sire chevalier. La reine n’estnullement prisonnière. Elle est partie d’ici voilà longtemps. Maisnous voulions vous voir revenir pour que cessent les enchantements

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dont nous souffrons. Si vous restez ici, quarante jours…Lancelot, tout joyeux de savoir la reine hors de danger, s’écria en

riant :— C’est trop long pour moi ! N’existe-t-il pas un autre moyen ?— Il y a bien les clefs des enchantements, fit la voix en hésitant,

mais le danger est grand d’aller les chercher…— Faites-moi sortir, ordonna Lancelot. J’irai les prendre.On le libéra et on le guida jusqu’à l’entrée d’un souterrain. Il y

pénétra l’épée à la main.Des cris horribles retentirent, coupés de gémissements à donner

le frisson, puis le sol vacilla, des lueurs l’éblouirent, d’affreusesodeurs l’étouffèrent presque, mais il continua d’avancer.

Soudain, il se trouva face à deux chevaliers de bronze qui, d’ungeste mécanique, levaient et abattaient leurs épées, croisant leurslames comme des fléaux(57) et si serrées qu’une mouche n’aurait pupasser.

Lancelot brandit son épée au-delà des statues et, tenant à deuxmains son écu sur sa tête pour la protéger, s’élança. Il reçut uneentaille à l’épaule et faillit tomber, mais il réussit à passer enplongeant sous les épées. Les cris augmentaient etl’assourdissaient, les vapeurs asphyxiantes devenaient d’épaissesfumées entourant un puits énorme qui barrait tout le passage. Uneautre statue mécanique se tenait derrière, une hache à la main. Unchevalier de taille fantastique ! Comment passer ?

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D’un bond, Lancelot sauta la largeur du puits et tomba sur lechevalier qu’il entraîna dans sa chute. Il réussit à le pousser aubord du puits et à l’y jeter.

Lancelot était à bout de souffle et de force lorsque enfin, devantlui, deux portes s’ouvrirent. Une jeune fille voilée lui tendit deuxclefs en disant :

— Celle-ci ouvre la colonne de bronze, celle-là le coffre desenchantements.

D’une main qui tremblait un peu, Lancelot ouvrit l’une et l’autre.Du coffre sortirent alors trente esprits diaboliques qui tenaient lechâteau sous leurs enchantements. Ils hurlaient et tourbillonnaientautour de Lancelot, qui tomba évanoui.

Lorsqu’il revint à lui, tout était calme et tranquille. Les statues, lepuits, le souterrain, avaient disparu. Et il était étendu dans unverger où chantaient des oiseaux…

À dater de ce jour, la Douloureuse Garde prit le nom de JoyeuseGarde. Mais les habitants, malgré leurs supplications, ne purentgarder Lancelot près d’eux. Il était trop impatient de revoir la reineGuenièvre…

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IV

GALEHAUT, SIRE DES ÎLESLOINTAINES

Lancelot se dirigeait vers la cour du roi Arthur, à petitesjournées(58), en rêvant à la reine Guenièvre et aux exploits qu’ilaimerait accomplir pour lui plaire. Quelle ne fut pas sa surprised’apprendre que Galehaut, sire des Îles lointaines, avait décidé des’emparer du royaume d’Arthur ! L’idée folle de posséder trenteroyaumes lui avait traversé l’esprit. Pourquoi trente ? Nul ne lesavait ! Jusque-là, Galehaut s’était contenté de son royaume deSorelois, riche et peuplé.

C’était, au demeurant, un homme courageux et un ennemi loyal.Mais ses troupes étaient nombreuses et le roi Arthur en passed’être vaincu.

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Lancelot arriva juste à temps pour l’ultime bataille. Pour n’êtrepas reconnu, il revêtit une armure noire – lui jusqu’alors toujoursarmé de blanc – et il se jeta dans la mêlée. Il combattit avec tant defureur que les troupes de Galehaut se replièrent.

Galehaut lui-même voulut connaître ce chevalier noir dont lavaillance lui avait volé la victoire.

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Il partit à sa recherche et l’invita sous sa tente si courtoisementque Lancelot ne put refuser. Les deux hommes parlèrent et seprirent d’amitié. Tant et si bien que Lancelot accepta de passer lanuit dans le camp de Galehaut. En l’apprenant, le désarroi fut granddans l’armée d’Arthur, et la reine Guenièvre se désespéra.

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Elle pensait : « Si le chevalier noir nousabandonne, demain, Galehaut nous vaincra. »Et tous pensaient comme elle.

Pendant ce temps, Galehaut, pour mieuxtémoigner à Lancelot son admiration et ledésir qu’il avait de devenir son ami, s’écriaitavec enthousiasme – et imprudence :

— J’ai pour vous tant d’admiration que jesuis prêt à vous accorder tout ce que vous medemanderez ! J’en fais le serment !

— Vous ne devez rien promettre que vousne puissiez tenir ! répondit Lancelot, étonné.

— Aussi pouvez-vous me croire. Je suisconnu pour le plus loyal des chevaliers.

Ils dînèrent et se couchèrent. Pendant lanuit, Galehaut entendit Lancelot gémir et pleurer car, même dansses rêves, il pensait à la reine Guenièvre et à l’amour impossiblequ’il lui portait.

Mais quand, au matin, Galehaut tenta de le questionner sur lesraisons de sa tristesse, il répondit :

— Ce n’est rien. Un rêve.Puis il ajouta :— Vous souvenez-vous de la promesse que vous m’avez faite

hier soir ?— Certes, ami. Demandez ! Si c’est en mon pouvoir, vous aurez !— Allez au combat mais, lorsque vous serez sur le point de

vaincre le roi Arthur, proposez-lui la paix et remettez-vous entreses mains, renonçant par là même à conquérir son royaume. Pourmoi, je ne vous combattrai pas aujourd’hui et resterai à vos côtés.

La demande laissa d’abord Galehaut stupéfait, puis il dit :

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— Je vous l’avais promis. J’agirai donc comme vous me ledemandez.

Il tint parole. Au moment où les troupes du roi Arthur allaientêtre définitivement vaincues, on vit le chevalier noir faire un signe.Galehaut s’élança vers le roi qui se tenait tête basse sous le poidsde la défaite et le regardait tristement.

Alors, sous le regard incrédule de tous, Galehaut sauta de chevalet ploya le genou devant le roi, prononçant d’une voix forte cesmots incroyables :

— Sire, je viens vous faire droit(59) et, pour réparer le tort que jevous fis en envahissant vos terres, je me mets à votre merci.

Le roi Arthur le releva et lui donna longuement l’accolade,acceptant avec joie l’hommage ainsi offert.

C’était la paix. Tous riaient et applaudissaient.La reine Guenièvre se demandait qui était ce chevalier noir

capable d’un pareil miracle !Elle interrogea Galehaut mais il garda le silence, prétendant que

le mystérieux chevalier avait déjà quitté le camp. La reine ne lecrut pas et insista pour le rencontrer. En l’apprenant, Lancelotsoupira :

— J’ai fait le serment de ne revenir devant elle que lorsque mesexploits m’en auraient rendu digne !

— Laissez-moi faire, ami, dit Galehaut. Je vous la ferairencontrer sans que vous rompiez votre serment.

Vers la fin du jour, la reine vint dans une prairie un peu éloignéedu camp. Il y coulait une rivière. Sur un des bords se tenaitLancelot. Il n’avait plus son armure et Guenièvre le reconnut. Elles’avança. Galehaut, qui accompagnait la reine, murmura :

— Le chevalier noir, c’est lui.

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Puis il les laissa seuls. Lancelot était si troublé qu’il pouvait àpeine parler. Mais, quand la reine demanda :

— Pour plaire à quelle dame avez-vous accompli tantd’exploits ? Révélez-moi son nom. Je suis votre reine.

Il sourit :— C’est vous-même. N’ai-je pas juré que vous seriez ma Dame

le jour où vous m’avez ceint de l’épée ?La reine, troublée par l’aveu de cet amour et la beauté de

Lancelot, murmura :— Je suis votre amie et j’en ai grande joie. Je ne veux plus vous

voir de larmes.Elle l’embrassa. Puis, comme la nuit venait, Lancelot repassa la

rivière et rentra au camp de Galehaut.Ils se retrouvèrent plusieurs jours de suite dans la prairie et ils

étaient heureux. Mais vint le moment où Galehaut décida de rentrerdans ses terres du Sorelois. La reine lui confia alors Lancelot quiavait décidé d’accompagner son ami. Il était déchiré à l’idée dequitter Guenièvre, mais il savait son amour pour elle impossible.Et le roi Arthur venait de le faire chevalier de la Table Ronde ! Denouvelles aventures l’attendaient.

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V

LE VAL SANS RETOUR

LANCELOT, désormais, partagea son temps entre de longsséjours en Sorelois, auprès de Galehaut, et de brèves apparitions àla cour du roi Arthur – le plus souvent pour participer à destournois où il était toujours vainqueur. Il y gagna la réputation demeilleur chevalier du monde, même parmi ses pairs(60) de la TableRonde, dont les exploits étaient cependant renommés.

Parfois, il se lançait dans des chevauchées solitaires, en quêted’aventures et d’exploits dans des forêts perdues et ensorcelées, decombats de justice ou de libération. Il se montra toujours fidèle àson serment de chevalier qui voulait que si l’un d’entre eux, aucours de ses errances, disparaissait, les autres partent à sarecherche jusqu’à ce qu’ils l’aient retrouvé.

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Or, un jour, il apprit que justement Gauvain était prisonnier d’ungéant nommé Caradoc dans son château de la Douloureuse Tour. Ildécida aussitôt d’aller le délivrer.

Chemin faisant, il croisa une fille en larmes et, s’arrêtant, luidemanda la raison de ses pleurs.

— Hélas, dit-elle, je viens de perdre mon fiancé. Et par mafaute. J’ai voulu l’éprouver(61) et je l’ai fait aller dans ce vallonque vous voyez, là, devant nous. C’est le Val sans Retour de la féeMorgane. Il vient d’y être enfermé pour toujours et je ne peux vivresans lui !

— Je ne comprends pas, dit Lancelot. Quelle était l’épreuve ? Etpourquoi le val porte-t-il ce nom ?

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— C’est une longue histoire, mais je vaisl’abréger. La fée Morgane – la mauvaise ! –aimait un chevalier qui lui fut infidèle. Follede colère et de jalousie, elle le mena dans cevallon qu’elle ferma par un enchantement : unmur d’air invisible, transparent et pourtantaussi solide que du fer. Celui qui entre dansle Val sans Retour n’en peut sortir s’il a étéune fois, fût-ce en pensée, infidèle à cellequ’il aime. Seul un chevalier n’ayant jamaistrompé sa Dame pourrait leverl’enchantement. Mais…, ajouta-t-elle avectristesse, en existe-t-il un ? La nature des

hommes n’est pas d’être fidèle, je le sais bien !Et elle se remit à pleurer.Lancelot sourit. Comment aurait-il pu être infidèle à la reine

Guenièvre ? Sûr de lui et de son amour, il s’avança vers le val,traversa le mur enchanté qui, au même instant, disparut, sous l’œilébahi de la fille.

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Tous les prisonniers du Val sans Retour étaient désormais libres.La fée Morgane en éprouva une grande colère. Elle la cacha sous

un sourire menteur et, s’approchant de Lancelot, l’invita à souperchez elle.

Il ne pouvait guère refuser, car la fée Morgane était la demi-sœurdu roi Arthur, son suzerain. Il accepta donc au mépris de touteprudence, car on savait Morgane aussi perfide que méchante.

Au cours du repas, elle fit boire à Lancelot un philtre(62) quil’endormit profondément.

Il se réveilla le lendemain dans une chambre inconnue et neretrouva plus ni son armure, ni son épée. Adossée à une fenêtre,Morgane l’observait en souriant méchamment :

— Ne cherchez pas vos armes, dit-elle. Je les ai prises et je vousretiendrai captif ici tant que vous ne m’aurez pas donné la bagueque vous portez au doigt.

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C’était une bague à laquelle Lancelot tenait plus qu’àsa vie. La reine Guenièvre la lui avait donnée, dans laprairie, au bord de la rivière, quand il avait osé luiavouer son amour.

Morgane ne l’ignorait pas, mais elle voulait sevenger de Lancelot et éprouver sa fidélité.

— En ce cas, répliqua-t-il, il vous faudra prendremon doigt avec, car jamais librement je ne vousdonnerai cette bague.

— Nous verrons bien, dit-elle.Sur le seuil de la chambre, elle se retourna et ajouta

– la rusée :— Si vous restez enfermé, comment délivrerez-vous

votre ami Gauvain, prisonnier dans la DouloureuseTour du géant Caradoc ? Vous seul le pouvez !

C’était bien là ce qui coûtait le plus à Lancelot. Mais pouvait-il,pour sauver son ami, trahir la reine ? Il aimait mieux mourir.

Dès lors, il refusa de boire et de manger. Il perdait ses forcesmais ne cédait pas.

Morgane, dépitée de voir qu’elle ne parvenait pas à vaincre savolonté, lui proposa un marché : il pouvait aller délivrer Gauvain – elle l’en laissait libre – mais il devrait, aussitôt après, revenir iciet y demeurer prisonnier.

Lancelot accepta et partit pour la Douloureuse Tour. Il eut la joiede battre en combat singulier le géant Caradoc et, ainsi, de libérerson ami Gauvain. Mais il ne put le suivre à la cour du roi Arthur,malgré tout le désir qu’il avait de revoir Guenièvre. Fidèle à sapromesse, il revint tristement chez Morgane se constituerprisonnier.

Enfermé dans cette chambre, les jours lui semblaient

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interminables. Pour se distraire, il se mit à peindre sur les murs desscènes de sa vie, surtout celles où figurait la reine Guenièvre dontil réussissait à rendre la beauté. Et il restait des heures à lacontempler.

Morgane finit par se lasser de son jeu cruel et laissa partirLancelot, lui imposant pour ultime condition de ne pas reveniravant une année à la cour du roi Arthur. Lancelot recommença doncses errances. Il se rendit d’abord en Sorelois chez Galehaut. Maisce dernier, inquiet de la longue absence de Lancelot, était parti, deson côté, à sa recherche. Lorsqu’il revint, gravement blessé,Lancelot était parti a son tour et ne devait plus le revoir vivant. Carpeu après, Galehaut mourut des blessures qu’il avait reçues lors dece dernier combat.

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VI

LA TRAHISONDE MORGANE

Or, pendant que Lancelot était en Sorelois, il se trouva que le roiArthur, passant un soir près du château de sa demi-sœur Morgane,s’y arrêta pour la nuit. Morgane le reçut avec des transports de joiequi n’étaient pas tous feints, car elle tenait enfin sa vengeance surLancelot.

Après un excellent souper, elle conduisit Arthur dans la chambrequ’avait occupée, pendant deux années, Lancelot. Le roi se couchasans prêter attention aux peintures des murs, peu éclairées par

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quelques torches.Mais au matin, lorsqu’il s’éveilla, le soleil frappait juste le

visage de la reine Guenièvre et Arthur se frotta les yeux ! Puis il vitles traits de Lancelot. Là, il ne crut plus à un reste de songe de lanuit !

Morgane le guettait. Elle entra, trop heureuse d’expliquercomment Lancelot avait passé des jours à peindre. Puis, baissantles yeux et mimant l’embarras, elle s’étonna que le roi n’ait passoupçonné ce que tous les gens de sa cour avaient depuis longtempscompris : Lancelot et la reine s’aimaient.

Le roi, furieux, la fit taire, mais il se rappela quelques sous-entendus qui lui avaient fort déplu, chez certains des gens de sacour. Et il partit le cœur désormais plein de soupçons.

Un de ses neveux, Agravain, frère de Gauvain – qui jalousaitLancelot –, décida de convaincre le roi de façon définitive entendant un piège à Lancelot dès son retour à la cour. Car l’annéed’exil exigée par Morgane touchait à sa fin. À peine revenu, et toutà sa joie de retrouver la reine Guenièvre, Lancelot oublia laprudence.

Un jour que le roi était à la chasse, il se rendit dans un pavillonisolé où la reine était seule.

À peine était-il entré qu’Agravain surgit, escorté de vingtchevaliers pour témoins.

Lancelot comprit quel piège on venait de lui tendre et, dans sacolère, se rua sur eux l’épée à la main, se fraya un passage etréussit à se réfugier dans la forêt.

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Sa fuite semblait un aveu. Quand le roi Arthur revint de lachasse, Agravain renouvela publiquement ses accusations et lareine Guenièvre fut condamnée à être brûlée, en dépit des effortsde Gauvain pour tenter de calmer le roi. Le bûcher était préparédans un pré un peu en dehors de la ville, près de la forêt.

La reine arriva, en un lent cortège, au milieu des pleurs despetites gens qui l’aimaient. Le roi avait ordonné à Agravaind’exécuter la sentence, puisqu’il était l’accusateur. Deux de sesfrères et des sergents l’accompagnaient.

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Soudain, comme on approchait du bûcher,Lancelot et quelques chevaliers qui lui étaientfidèles sortirent de la forêt. Ils tuèrentAgravain et ses frères, dispersèrent le restede l’escorte et enlevèrent la reine.

Lancelot l’emmena dans ce château de laDouloureuse Garde qu’il avait jadis conquis.

À la cour, ce fut la consternation. Gauvainle cria durement au roi :

— Je vous avais prévenu ! Qu’avez-vousgagné ? Mes frères sont morts et la reine estavec Lancelot !

Dès lors, les chevaliers se divisèrent : lesfidèles de Lancelot le rejoignirent, les autresvinrent avec Arthur et Gauvain assiéger le

château.La lutte s’éternisait, faisant beaucoup de morts dans les deux

camps autrefois amis.Le pape intervint et envoya l’évêque de Rochester ordonner à la

reine Guenièvre de retourner vivre auprès du roi qui, de son côté,promettait de la traiter avec honneur et d’oublier les accusations.

La reine écouta et demanda à Lancelot son avis.— S’il ne dépendait que de moi, dit-il avec tristesse, je vous

supplierais de rester ici. Mais je préfère votre honneur à tout. Sivous n’acceptiez pas l’offre que le roi vous fait, on vous jugeraitcoupable. Il vous faut retourner près de lui.

Elle comprit à quel point il l’aimait et elle acquiesça. Lancelotlui rendit alors la bague qu’elle lui avait donnée dans la prairie, aubord de la rivière, pour qu’elle la porte en souvenir de lui.

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Il savait que, plus jamais, ils ne se reverraient seuls. Lelendemain, il conduisit lui-même la reine jusqu’à la tente du roiArthur.

— Sire, dit-il, si j’aimais la reine d’un amour coupable, commecertains vous l’ont fait croire, je ne vous la rendrais pas !

— Je vous en remercie, dit le roi. Et vous l’avez sauvée d’unjugement injuste. Mais en tuant mes neveux, vous m’avez coûté biencher. Je ne désire plus vous voir à ma cour.

Lancelot demanda alors :— Si je vous quitte et, traversant la mer, rejoins l’ancien

royaume de mon père, me réservez-vous la paix ?— La guerre, dit Gauvain avec force. Tant que la mort de mes

frères ne sera pas vengée !Le roi garda le silence et Lancelot rentra, triste et pensif, dans

son château. Deux jours plus tard, il s’embarqua pour la Petite-Bretagne et le royaume de Bénoïc que l’un de ses cousins avaitreconquis sur Claudias de la Déserte. Il savait qu’il ne pourraitoublier ni la reine Guenièvre, ni Arthur, ni aucun de sescompagnons de la Table Ronde. Pour lui, une époque s’achevait.

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VIII

LA MORT D’ARTHURET DE LANCELOT

Une autre ère commençait, faite de deuils et de guerres en Petite-Bretagne. Les amis d’autrefois s’affrontaient dans des combatscruels où moururent beaucoup d’entre eux, dont Gauvain. Tous lepleurèrent amèrement.

Le roi Arthur, vieux et découragé, repassa la mer à l’annoncequ’une révolte fomentée(63) par le traître Mordred avait éclaté dansson propre royaume.

Ce fut, dans la plaine de Gladstonbury, l’ultime bataille du roi etla fin de son royaume. Ses derniers chevaliers y périrent.

Le roi, vaincu, agonisant de plus de vingt blessures, se traîna

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jusqu’au bord d’un lac proche que le brouillard enveloppait. Il crutvoir une barque d’où une femme descendait : la Dame du Lac. Ellevenait vers lui, comme au jour de cette chasse où, tant d’annéesauparavant, elle lui avait amené Lancelot pour qu’il en fît l’un deses chevaliers.

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Il mourut en lui tendant la main et elle l’entraîna dans la

légende…En apprenant la trahison de Mordred et la mort du roi Arthur,

Lancelot décida de le venger.Quittant la Petite-Bretagne, il repassa la mer une dernière fois,

avec ses hommes, livra combat à Mordred, le vainquit et, comme iltentait de s’enfuir, le tua.

Puis il s’en alla et marcha toute la nuit, seul.Au matin, il se trouva au bord de ce même lac où était mort

Arthur. Des moines y avaient élevé une chapelle et un petitermitage. Lancelot resta avec eux et mourut là. Ainsi s’acheva lavie de Lancelot du Lac.

… Des premiers chevaliers de la Table Ronde, choisis au jourde Pentecôte par le roi Arthur et Merlin l’Enchanteur, tous étaientmorts sans parvenir à ramener le mystérieux Graal du château duRoi Pêcheur, symbole de l’impossible quête de l’absolu.

Mais leurs prouesses imaginaires, leurs aventures fantastiquesresteraient. Perceval le Gallois et Lancelot du Lac deviendraientles figures légendaires d’un monde médiéval, féodal et chrétien :celui de la chevalerie.

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Jacqueline Mirande

est née dans le Bordelais.Enfant, elle a beaucoup aimé les histoiresque lui racontait l’une de ses grand-mères.

Elle a eu envie, à son tour, d’en écrire pour les jeunes :des récits et légendes inspirés du folklore mais aussi

des romans historiques et des romans d’aventuresqu’elle prend grand plaisir à imaginer.

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Odile Alliet

INFLUENCESLes vieux livres illustrés, la bande dessinée

et Tolkien, les gravures de Gustave Doréet Rembrandt, les films de Dreyer et de Bergman.

AMOURSLa Nature, ses mystères et ses merveilles,

que l’on devine et s’invente !L’Histoire et les civilisations anciennes.

Les rencontres, ces voyages à travers toutes les cultures.Rêver, dessiner et raconter des histoires.

La tolérance.

PARCOURSLe dessin depuis toujours, comme joieet raison de vivre. Après un détour en

« création textile » aux Arts appliqués de Paris,elle a fait des décors pour la publicité,

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le théâtre et le cinéma…Elle partage aujourd’hui son temps

entre ses passions anciennes– toujours le dessin, les histoires illustrées –

et les nouvelles : la peinture à l’huile et la gravure.

ENVIESContinuer à dessiner et à raconter des histoires,en petit et en grand, sur papier, sur toile, et sur

mur ou en bandes dessinées… et ne jamais s’arrêter !

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1 Garde, n. f : rebord placé entre la lame et la poignée, et servantà protéger la main.

2 Pommeau, n. m. : tête arrondie de la poignée d’une épée.3 Chevalier, n. m. : seigneur de souche noble possédant des

terres, admis dans l’ordre de la chevalerie.4 Chandeleur : fête catholique célébrée le 2 février.5 Pentecôte : fête chrétienne célébrée le septième dimanche

après Pâques.6 Sacre, n. m. : cérémonie par laquelle l’Église confirme la

souveraineté royale.7 Coureur, n. m. : éclaireur.8 Bannière, n.f : drapeau d’un seigneur à la guerre.9 Chalumeau, n. m. : flûte, composée d’une simple tige percée de

trous.10 Haut bout, bas bout : le seigneur s’installait à un bout de la

table (le haut bout) et les plus misérables à l’autre bout (le basbout). La table symbolisait la hiérarchie à respecter.

11 Celte, adj : désigne un groupe de peuples dont la civilisations’étendit sur l’Europe de l’Ouest, du Xe siècle au IIIe siècle avantJ.-C.

12 Clerc, n. m. : a) Moine, b) Personne instruite, lettrée.13 Braies, n.f pl. : sorte de pantalon ample.14 Prud’homme, n. m. : un homme important, à la fois sage et

droit.15 Bonne fin : une mort honorable.16 Écu, n. m. : bouclier.17 Vermeil, adj. : en argent recouvert d’une couche d’or un peu

rouge.18 Brodequin, n. m. : chaussure d’étoffe ou de peau, recouvrant

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le pied et le bas de la jambe.19 Sénéchal, n. m. : grand officier royal.20 Frère de lait : se dit de deux enfants ayant été nourris par le

lait de la même nourrice, et élevés ensemble.21 Preux, n. m. : un chevalier brave et vaillant.22 Fou, n. m. : bouffon attaché à la personne du roi ou du prince.23 Dépit, n. m. : amertume, jalousie.24 Toiser, v. tr. : regarder avec mépris.25 Dépouiller, v. tr. : arracher, enlever.26 Soufflet, n. m. : gifle.27 Hermine, n.f. : fourrure blanche tachetée de noir.28 Adouber, v. tr. : au Moyen Âge. un jeune homme noble était

fait chevalier, recevait les armes et un équipement, au cours d’unecérémonie appelée l’adoubement.

29 Accolade, n. f : coup donné avec le plat de l’épée surl’épaule, qui accompagne la cérémonie par laquelle quelqu’un estarmé chevalier.

30 Merci, n.f : crier merci signifie demander grâce, pitié.31 Pourpre, n. f : étoffe teinte en rouge vif, symbole de richesse

ou d’un haut rang social.32 Vair, n. m. : fourrure de petit-gris, sorte d’écureuil de Russie.33 Brocart, n. m. : riche tissu de soie, rehaussé de dessins en fil

d’or ou d’argent.34 Prieur, n. m. : supérieur d’un couvent, assurant la direction.35 Garnison, n. f : troupes qu’on met dans une place, pour en

assurer la défense.36 Combat singulier : combat entre une seule personne et un seul

adversaire.37 Gué, n. m. : endroit d’une rivière où le niveau de l’eau est

assez bas pour qu’on puisse la traverser à pied.

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38 Lieue, n. f : mesure de distance (environ 4 km).39 En amont, en aval : au-dessus et en dessous du point

considéré.40 Brèche, n. f. : ouverture faite à un mur, ou à une colline

comme ici.41 Orfroi, n. m. : broderie d’or.42 Courtepointe. n. f. : couverture de lit. rembourrée et piquée.43 Étriller, v. tr. : nettoyer la peau des chevaux avec une brosse

métallique.44 Échevelé. adj. : les cheveux en désordre, dépeigné.45 Rapetasser, v. tr. : raccommoder un vêtement.46 Pénitence, n.f : punition, châtiment.47 Prendre du champ : reculer pour prendre de l’élan.48 Vassal, n. m. : homme lié à un seigneur qui lui donnait la

possession d’un fief (domaine, terres).49 Courtois, adj. : au Moyen Âge, la littérature courtoise exalte

subtilement l'amour. Un chevalier courtois est un chevalier quiagit selon les principes de l’amour raffiné et idéal.

50 Enchantement, n m. : opération magique, sortilège.51 Dame, n. f : nom donné à toute femme détenant un droit de

souveraineté. Femme de haute et bonne naissance.52 Suzerain, n. m. : dans le système féodal, seigneur qui était au-

dessus de tous les autres, dans un territoire donné.53 Joute, n. f : combat singulier à la lance et à cheval.54 Chenets, n. m. : pièces métalliques placées dans une

cheminée pour soutenir les bûches. L’expression signifie ici : resterau coin du feu.

55 Ermite, n. m. : religieux retiré dans un lieu désert.56 À bride abattue : rapidement, vite.57 Fléau, n. m. : instrument à battre les céréales, composé de

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deux bâtons liés bout à bout par des courroies.58 Journée, n. f : voyager à petites journées signifie par petites

étapes.59 Faire droit à : rendre justice.60 Pair, n. m. : personne de même rang.61 Éprouver, v tr. : mettre quelqu’un à l’épreuve.62 Philtre, n. m. : breuvage magique.63 Fomenter, v. tr. : préparer, entretenir une révolte ou des

troubles.

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Table des Matières

Arthus 6I LA NAISSANCE D’ARTHUR 9II ARTHUR DEVIENT ROI 12III LE MARIAGE D’ARTHUR 18IV LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE 23

Perceval Le Gallois 29I PERCEVAL ET LE CHEVALIER VERMEIL 32II PERCEVAL DEVIENT CHEVALIER 46III PERCEVAL AU CHÂTEAU DE BLANCHEFLEUR 51IV PERCEVAL CHEZ LE ROI PÊCHEUR 65V PERCEVAL ET L’ORGUEILLEUX DE LA LANDE 79VI RETOUR AUPRÈS D’ARTHUR 84

Lancelot du Lac 97I ARRIVÉE DE LANCELOT À LA COUR DU ROIARTHUR 100

II L’ENFANCE DE LANCELOT 109III LANCELOT À LA DOULOUREUSE GARDE 116IV GALEHAUT, SIRE DES ÎLES LOINTAINES 138V LE VAL SANS RETOUR 151VI LA TRAHISON DE MORGANE 159VIII LA MORT D’ARTHUR ET DE LANCELOT 170

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