Père Castor Noix de Coco et son ami 1956

7/30/2019 Père Castor Noix de Coco et son ami 1956

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Père Castor Noix de Coco et son ami 1956 1






NOIX DE COCOet son ami

RÉCIT DE MARIE COLMONTIMAGES DE NATHALIE PARAIN

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LES ALBUMS DU PÈRE CASTOR

FLAMMARIONDroits de traduction et de reproduction

réservés pour tous les pays

© 1940, text and Illustrationby Ernest FlammarionPrinted in France







C'était un petit chien de la forêt sauvage, brun et de poil rude. Un affreuxouragan qui avait inondé le vallon où il vivait l'avait séparé des siens avant qu'ilfût sevré. Il dut apprendre à se nourrir tout seul, et, au lieu du bon lait de samère, mangea toutes sortes de bêtes qui grouillaient dans son estomac.

Mais il vécut tout de même, car il était très robuste. A vrai dire, ce n'était pasune vie amusante, car il lui fallait sans cesse se défendre contre la faim, le froid et

toutes sortes de morts.Un hibou qui lui voulait du bien lui dit un jour : — Si tu avais un ami, ce serait plus facile. — Bon, dit le petit chien, je vais en chercher un.







Veux-tu être mon ami, demanda-t-il le lendemain à un petit animal qui

faisait le gracieux dans le soleil et qui lui ressemblait beaucoup (c'était un jeuneloup).

— Je veux bien. Qu'est-ce que c'est ? — C'est nous défendre l'un l'autre contre la faim, le froid, le danger ; c'est

jouer ensemble, nous comprendre et nous aimer. — Soit !

Ils partirent pour une charmante promenade. Soudain, ils bondirent commedes flèches : un lapereau venait de se lever sous leur nez.Plus agile, le loup l'attrapa et s'en régala.

— Eh bien ! Et le partage ? dit le petit chien. — Quel partage ? Je l'ai attrapé, je le mange ! Et avise-toi de me le

prendre ! Grrr... — Ce n'est toujours pas celui-là qui sera mon ami, dit le petit chien en

partant la queue basse.







Le lendemain, il vit l'ours qui se baignait dans un ruisseau.. Ils'aspergeait avec ses larges pattes et mille gouttelettes dansaient autour de lui

dans la lumière. — Quelle magnifique fourrure ! dit le petit chien. — Un peu chaude en cette saison, répondit l'ours. — J'ai toujours froid la nuit, gémit le petit abandonné. — Viens dormir près de moi, proposa l'autre, aimablement. — Quel brave garçon ! songeait le petit chien en se glissant près de lui

cette nuit-là.Mais tout à coup un grognement terrible le réveilla : — N'as-tu pas bientôt fini de remuer ? Impossible de dormir avec toi !Et, d'un grand coup de patte, voilà le pauvre chien jeté dehors.

— Celui-là non plus ne sera pas mon ami, dit-il en regagnant toutfrissonnant sa tanière ouverte à mille courants d'air.







Un jour qu'il rêvait tristement, le lièvre s'approcha de lui. — Qui es-tu ? dit notre ami relevant la tête.

— Ne me connais-tu pas ? Vraiment ? — Non. — Eh bien ! Je suis le Brave des Braves, je n'ai peur de rien et je protège

tout le monde. — Peux-tu me protéger un peu ? J'ai peur de tout et je suis si petit ! — Ne crains rien désormais.

Ils firent quelques pas en devisant. Puis, comme ils parvenaient à une landefleurie : — Phui-û ! cria soudain la buse qui tournait à l'affût dans le ciel.Le lièvre se coula entre deux sillons et la buse fondit sur le petit

chien.Ce fut un beau combat, dont celui-ci sortit vainqueur.

— Prendre ce couard pour ami ! songeait-il dédaigneusement en regagnant

tout sanglant son logis.







Il y demeura las et meurtri plus de trois jours, mâchant desherbes pour se guérir.

A peine fut-il sorti qu'il aperçut un singe, suspendu par la queue à la bassebranche d'un chêne.

— Veux-tu jouer ? dit le plaisant animal. — Je suis faible encore, répondit le petit chien, mais j'aime tant le jeu !

Et la partie commença.Le singe était agile, le chien lourd et fiévreux. Bientôt la tête lui tourna devantcet être insaisissable qui bondissait partout, l'accablait de claques, lui tirait sansrépit les oreilles et la queue.

— Ce n'est pas jouer, cela, dit le petit chien en se retirant. Tu ne seras pasnon plus mon ami.




Une patte dans l'eau du lac, le héron songeait gravement. — Comme il doit être intelligent ! se dit le petit chien qui l'observait de loin.

J'aimerais converser avec lui, car je m'ennuie tout seul. Monsieur le Héron,poursuivit-il en s'approchant, que diriez-vous d'un petit entretien ?

— Glop..., glop..., répondit le héron. — Hum!... La pêche est-elle fructueuse ?

— Glop..., glop... — Que pensez-vous de la température ? — Glop..., glop... — C'est à vous dégoûter de tout, rageait le petit chien en s'en allant. Vouloir

prendre pour ami un idiot pareil !







Hi ! hi ! hi ! pleurnichait-il un peu plus tard. Personne n'a voulu medonner chaleur ou pitance, ni me défendre, ni jouer gentiment ; personne nem'aime ni ne me comprend !

— Mais si... moi, je t'aime... dit une petite voix. — Qui es-tu ? — Pikip la puce. — Où es-tu ? — Derrière ton oreille gauche...Et, comme pour ponctuer ce discours, une piqûre épouvantable fit sursauter

l'infortuné. — Mais pourquoi me piques-tu si tu m'aimes ? — Ne faut-il pas que je vive ? dit la puce. Et quand j'aurai tous mes petits

enfants, ne seras-tu pas heureux de leur donner un peu du sang de ton grandcorps ?

— Mais pas du tout! En voilà une façon d'aimer les gens ! cria le chien trèsen colère.

Hélas ! il eut beau se secouer, il ne réussit pas à se débarrasser del'indiscrète.







Après tous ces déboires, on peut penser que le chien en avait par-dessus latête de l'amitié. Et il devenait plus triste de jour en jour.

Sur une grève au bord du lac, il vit un jour une étrange bête à deux pattes.C'était un trappeur des grands bois qui faisait cuire du lard sur un feu de braise.Il connaissait bien les bêtes de la forêt et la solitude lui faisait le cœur bon. Il lançadoucement quelques succulents morceaux sous le nez du petit chien.

— Tiens! se dit ce dernier en se souvenant du loup, celui-là me donne àmanger !

La nuit venait. L'air fraîchissait. L'homme attisa son feu, s'enroula dans unelongue étoffe, posa la tête sur son sac et alluma sa pipe. — Viens ! dit-il doucement en soulevant un pan de la couverture.Le chien hésita longtemps, puis il se glissa près de l'homme. Souvent dans la

nuit claire, il entr'ouvrit un œil inquiet ; mais, au petit matin, ils dormaient,confiants, l'un près de l'autre.

— Ah ! dit en s'éveillant le petit chien, qui se souvenait de l'ours, celui-là ne

m'a pas marchandé sa chaleur !







Maintenant, l'homme parlait doucement au chien : — Tu es brun.

Tu as de longs poils rudes. Je t'appellerai Noix-de-Goco. Viens te baigner !Un peu plus tard, on joua sur le rivage avec une corde. Chacun tirait de son

côté. Souvent, le petit chien gagnait ; il tournait alors, très fier, la tête droite etlevant haut les pattes, avec cinq mètres de corde derrière lui. Et, se souvenant dusinge :

— Celui-là, grognait-il entre ses dents, au moins il sait jouer !

Un peu plus tard, on entendit des cris déchirants dans les taillis. — Qu'est-ce qu'on fait à mon nourrisson ? s'écria l'homme. Et ils'élança le bâton levé.

Le pauvre Noix-de-Coco ne criait plus. Une bête affreuse, le grand serpentdes herbes, ondulait de son long corps et de sa tête sinistre à deux mètres de l'in-fortuné. Zip ! Zip ! Deux fois siffla le bâton et ce fut fini de ce cauchemar.







Oh ! sanglotait le petit chien, dans les bras du trappeur, toi, au moins, tu

défends tes amis ! — Ça prouve, disait l'homme pendant ce temps-là, qu'un petit chien

comme toi ne doit pas courir n'importe où à son gré. Nous allons te dresser.Sac au dos, l'homme partit de son grand pas allongé et la leçon commença.

— Je me souviens, se disait le petit chien en remuant la queue, de ce héronstupide qui ne savait dire que "Glop... glop...". Toi, quand tu dis "Noix-dé-

Coco", je sais bien que c'est de moi qu'il s'agit. Quand tu dis "Ici", il fautrevenir, et "Derrière", marcher sur tes talons. Quelle joie de comprendre !A la halte, le trappeur dit :

— Noix-de-Goco, tu es pourri de puces.Il se mit en devoir de peigner la toison inculte, et, chaque fois qu'il apercevait

une puce, ma fois, clac ! il l'écrasait. Et Noix-de-Coco, dans un grand rire de sesbabines :

— Hé ! la puce ! Celui-là ne me pique pas pour me prouver qu'il m'aime !







Alors, le soir revint et voici aussi la fin de mon histoire.

Quand les deux voyageurs eurent de nouveau dressé leur camp au bord dulac, cuit et mangé leur repas et tout rangé, ils s'assirent côte à côte pour regarderla nuit descendre sur l'eau pâle.

Vint à passer le hibou sur ses ailes de feutre. — Petit chien, de nouvelles bêtes sont arrivées dans la forêt. Peut-être

trouverais-tu parmi elles un ami ?

— Merci, dit Noix-de-Goco, mon ami, je l'ai trouvé. Et il posa sa grossetête aimante sur le genou toutproche.

— Oui, dit l'homme ému, oui, mon petit gars...Le hibou s'envola. Après cela il n'y eut plus de bruit. La grande lune d'or

monta dans le ciel et dansa sur le lac.











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