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Automne 2013 Numéro 29 53 Attractivité, réactivité, compétitivité et complémentarité : les quatre grands enjeux du CHU de Grenoble Le CHU de Grenoble est implanté au cœur des Alpes, dans un bassin de population d'environ deux millions de personnes. Avec plus de 8000 professionnels médicaux et non médicaux, l’établissement est l'un des premiers employeurs de l'agglomération grenobloise. Plus de cent corps de métiers se côtoient quotidiennement pour contribuer directement ou indirectement à sa triple vocation de soins, d'enseignement et de recherche. Le CHU de Grenoble est composé de deux sites principaux : le site nord (l'hôpital Michallon, l'hôpital Couple-Enfant et divers pavillons de spécialités) et l’hôpital sud (Pôle locomoteur et rééducation), qui accueille un institut de rééducation et un centre de gérontologie. Deux sites annexes viennent compléter la structure : un centre de pédopsychiatrie ambulatoire et un EHPA. Après un effort d’investissement soutenu entre 2006 et 2010, le CHU de Grenoble poursuit sa réorganisation et sa modernisation, avec un projet 2011-2015 centré sur la performance et l’innovation en santé pour le territoire est, un projet baptisé PISTE 2015. L’établissement a orienté son projet stratégique autour de quatre grands enjeux : attractivité, réactivité, compétitivité et complémentarité. Perspective Nouveau Plateau Technique MIchallon Perspective Nouveau Plateau Technique MIchallon GRANDS REPORTAGES

Perspective Nouveau Plateau Technique MIchallon ... · un déficit de 7.8 millions d’euros. Le retour à l’équilibre est prévu pour 2014, nous allons donc faire en sorte de

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Page 1: Perspective Nouveau Plateau Technique MIchallon ... · un déficit de 7.8 millions d’euros. Le retour à l’équilibre est prévu pour 2014, nous allons donc faire en sorte de

Automne 2013 • Numéro 29 • 53

Attractivité, réactivité, compétitivitéet complémentarité : les quatre grands enjeux du CHU de GrenobleLe CHU de Grenoble est implanté au cœur des Alpes, dans un bassin de population d'environ deux millions de personnes. Avecplus de 8000 professionnels médicaux et non médicaux, l’établissement est l'un des premiers employeurs de l'agglomérationgrenobloise. Plus de cent corps de métiers se côtoient quotidiennement pour contribuer directement ou indirectement à sa triplevocation de soins, d'enseignement et de recherche.

Le CHU de Grenoble est composé de deux sites principaux : le site nord (l'hôpital Michallon, l'hôpital Couple-Enfant et diverspavillons de spécialités) et l’hôpital sud (Pôle locomoteur et rééducation), qui accueille un institut de rééducation et un centrede gérontologie. Deux sites annexes viennent compléter la structure : un centre de pédopsychiatrie ambulatoire et un EHPA.

Après un effort d’investissement soutenu entre 2006 et 2010, le CHU de Grenoble poursuit sa réorganisation et sa modernisation,avec un projet 2011-2015 centré sur la performance et l’innovation en santé pour le territoire est, un projet baptisé PISTE 2015.L’établissement a orienté son projet stratégique autour de quatre grands enjeux : attractivité, réactivité, compétitivité et complémentarité.

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GRANDS REPORTAGES

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Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - InterviewPrésentation avec Jacqueline Hubert, directrice générale du CHU de Grenoble

Vous avez pris vosfonctions en débutd’année, quel a étévotre constat lors devotre arrivée au CHU

de Grenoble ?Jacqueline Hubert : À

mon arrivée, le climat social ausein du CHU était assez tendu, car les urgentistesmenaçaient de démissionner si nous nerépondions pas à leurs attentes. Hormis cela,j’ai rapidement constaté que ce CHU était unétablissement particulièrement motivant. Ils’agit d’un établissement dynamique, doté d’uncorps médical et non-médical d’une grandequalité et très engagé dans la recherche etl’innovation.

Comment définiriez-vous votre établissement ?J.H : Le CHUG a beaucoup œuvré pour ledynamisme de la recherche et de l’innovation.Il nécessite encore des adaptations, notammentarchitecturales. Même si beaucoup de chosesont été faites, les adaptations sont loin d’êtreachevées. Le territoire de santé du CHUGs’inscrit dans l’arc alpin, allant de Grenoble àAnnecy, qui dessert une population de deuxmillions d’habitants.

Dans quelle mesure assumez vouspleinement votre rôle de proximité ?J.H : Un CHU a plusieurs vocations. C’est dansun premier temps un hôpital de proximité lié àsa ville, assurant les fonctions de maternité deniveaux 1 et 2 et de traitements de premierrecours. Le CHU est également, et surtout, unhôpital de premier ordre qui doit prendre encharge les cas les plus lourds dans les domainesde la traumatologie, de la greffe d’organes, desmaternités complexes, ou encore de la chirurgiecardiaque.

En dehors de vos deux sites principauxsur Grenoble, disposez-vous d’un nombreimportant de sites « satellites » ?J.H : Il existe encore quelques satellites assezpeu nombreux, chargés d’un certain nombred’activités, que nous souhaitons regrouper surnos deux sites principaux. Je pense notammentà nos structures de gériatrie que nous tentonsd’intégrer à notre site du sud de la ville.

Les forces du CHU de Grenoble...J.H : Outre le domaine de la recherche et del’innovation - très présent au sein de notrestructure - et la qualité de notre corps médical,nos points forts sont essentiellement liés à

notre position géographique. Les domaines deprise en charge relatifs aux activités demontagne sont importants pour nous. Nousdisposons d’un pôle de neurochirurgie et d’un« trauma center », qui accueillent la plupart despolytraumatisés du territoire, aussi bien enpériode hivernale qu’estivale.

Quel est l’état de santé financière duCHUG ?J.H : L’établissement est encore soumis à unplan de redressement car il avait connu,comme beaucoup de CHU, des difficultésfinancières relativement importantes. Nousavons terminé l’exercice de l’année 2012 avecun déficit de 7.8 millions d’euros. Le retour àl’équilibre est prévu pour 2014, nous allonsdonc faire en sorte de respecter ces prévisions.Ce plan comprend deux grands axes logiquespour un établissement comme le nôtre soumisà la T2A : une hausse de l’activité et une baissedes dépenses. Notre objectif est de faciliterl’activité du CHU et d’avoir les organisationsadministratives et techniques les plus perfor-mantes possibles afin d’en réduire les coûts.

Hôpital Couple Enfants

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Le développement de la chirurgie ambu-latoire fait-il partie de vos priorités ?J.H : Il s’agit là d’une des priorités des pouvoirspublics qui visent 85% de la chirurgie réaliséeselon cette modalité. Cet objectif ne sera pascelui du CHU, compte tenu de la lourdeur d’unepartie des actes réalisés, pour autant il estnécessaire que nous progressions en ce domaine,ne serait-ce que pour des raisons financières,la chirurgie ambulatoire étant mieux valoriséepour certains actes simples que la chirurgietraditionnelle. De plus, je viens d’un établissementmutualiste privé disposant d’un plateau dechirurgie ambulatoire de 70 places, je suisconvaincue que cette chirurgie répond aussi àla demande des patients. À ce jour, 24% de notreactivité de chirurgie se font en ambulatoire, cequi est honorable pour un CHU. Au regard dela taille de l’établissement, le plus importantreste d’organiser le bloc opératoire afin del’adapter à l’ambulatoire. En effet, la chirurgieambulatoire nécessite une importanteprogrammation et tout un travail d’informationdu patient en amont et en aval de son hospita-lisation, pour lui permettre de quitter l’établis-sement le plus rapidement possible dans desconditions de parfaite sécurité.

Ce développement de l’ambulatoirenécessite-t-il une réorganisationarchitecturale ?J.H : Pas nécessairement, les lits d’ambulatoirene sont pas fondamentalement différents deslits d’hospitalisation classique. Après uneintervention, les patients peuvent être conduitsdans des « salons de sortie » plutôt que d’êtreplacés en chambre individuelle. Les modificationssont surtout d’ordre organisationnel plutôtqu’architectural.

Quelles sont les grandes orientations devotre projet d’établissement pour 2015 ?J.H : Le développement de la chirurgie et de lamédecine ambulatoire fait partie de ces grandsaxes. Le projet d’établissement prévoit aussiune gouvernance renouvelée, avec des pôlesmédicaux adaptés et de bons outils de dialoguede gestion. Même si le découpage en pôles quenous avons effectué est intelligent, quelquesajustements doivent encore être opérés. Nouspoursuivons notre importante activité derecherche et d’innovation au travers descentres de recherches que nous mettons enplace, comme Clinatec, dans lesquels denombreux projets vont être menés. En augmentant

cette activité, nous espérons progresser dansle classement des structures hospitalières entermes de recherche ; nous sommes actuelle-ment 10ème.

Quelles sont vos orientations stratégiquespour les trois prochaines années ?J.H : Nous souhaitons poursuivre l’adaptationarchitecturale du CHU, avec la rénovation dubloc opératoire du site Michallon, la mise enplace du « nouveau plateau technique » quiprévoit la reconstruction des réanimations etl’aménagement d’un héliport directement reliéau plateau technique et la rénovation del’hospitalisation de Michallon qui compte 1200lits. Nous poursuivrons également l’adaptationde nos pôles de gestion et le déploiement ducontrôle de gestion. Les grands axes que noussouhaitons développer sont l’orthopédie, latraumatologie, la neurochirurgie, mais aussi lacardiologie, avec le projet de centre dechirurgie cardiaque unique sur la ville deGrenoble. Nous allons renforcer nos activitésde cancérologie en réorganisant nos domainesde chirurgie, de radiothérapie, de médecine nucléaire et de chimiothérapie. Les afflux saisonniersauxquels nous faisons face rendent notre serviced’urgences tout aussi important, l’adaptationdes locaux est donc aussi une de nos priorités.La médecine et la gériatrie devront aussi fairel’objet d’adaptations ambitieuses.

Quelles sont les modifications majeuresque vous devez apporter au serviced’urgences ?J.H : Les grandes salles d’accueil des urgencessont maintenant très inadaptées et nous avonsopté pour des box individuels, qui offrent plusd’intimité aux patients et permettent l’accueildes familles et humanisent la prise en chargeau sein du service. Nos urgences de pédiatrie,notamment, accueillaient les familles dans desconditions innommables, d’où le souhait de créerun centre couple-enfants qui a grandementimpacté nos services de pédiatrie et de maternité,rendus beaucoup plus attractifs. La dernièreréorganisation des urgences générales remonteà 1995, les flux de patients ont beaucoupaugmenté depuis 18 ans. Pour autant, durantles travaux, nous allons devoir mettre en placeune structure modulaire pour accueillir lespatients et maintenir l’activité, ce qui rendra lefonctionnement des urgences plus difficilependant quelques mois, mais nous n’avons pasle choix !

Quels sont les éléments visant à développerl’attractivité de votre établissement ?J.H : Nous devons poursuivre nos travaux etdiffuser un message positif sur notre CHU.Nous devons développer l’esprit d’entrepriseet faire adhérer le personnel de l’établissementà nos convictions, en améliorant la communi-cation interne et externe. L’amélioration denotre image doit aussi se faire au travers denos relations avec la médecine de ville et lesétablissements privés. Le CHU doit travaillersur son image, tout en s’inscrivant dans unecomplémentarité de l’offre de soins et en sepositionnant correctement vis-à-vis de sesconcurrents et de ses parts de marché. Nousdevons également renforcer nos relations etnotre interactivité avec la population du sillonalpin, en communiquant sur des thèmescomme la PMA (Procréation MédicalementAssistée) et le cancer. Pour cela, nous devonsdévelopper nos compétences internes enmatières de vulgarisation et de communicationpédagogique.

Comment s’articule le secteur privé surGrenoble ?J.H : La ville de Grenoble dispose de deuxcliniques privées à but lucratif et à actionnariatmédical et d’une clinique mutualiste. Cesétablissements développent des activités dechirurgie et de maternité.

Comment pouvez-vous maintenir unschéma de restructuration ambitieux touten étant soumis à un contrat de retour àl’équilibre ?J.H : Cela reste compliqué car, du fait desinvestissements passés, nous sommes à cejour très logiquement endettés. La politique dedésendettement que nous devons mener, limiteconsidérablement nos possibilités d’investis-sement, bien que nous soyons à la recherchede subventions. Nous savons néanmoins que,si nous développons l’activité d’ambulatoire,nos besoins en matière d’hospitalisationcomplète se feront moindres. L’enjeu est derester prudents et de proposer une offre desoins prenant en compte le développement del’ambulatoire, l’hyperspécialisation de lamédecine aiguë et le développement del’activité gériatrique, en raison du vieillissementde la population. Lors de la rénovation du bâtimentMichallon, nous pourrons opérer une réductiondu nombre de lits ou créer plus de chambresindividuelles, pour obtenir une offre hôtelièrede meilleure qualité.

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Institut de Biologie et de Pathologie

Hôpital Sud

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CHU Nord et Bulles de Grenoble

Grâce à votre expérience dans le mondehospitalier, quels sont les éléments qui vouspermettent d’avoir une vision du fonction-nement d’un établissement sur 10 ans ?J.H : Les CHU vont s’orienter vers des plateauxtechniques plus performants, réduits, concentréset extrêmement techniques. Mon expériencedans le secteur privé m’a appris que lesconsultations avancées seront cruciales dansles zones où nous n’aurons plus de plateauxtechniques, afin d’éviter que certaines partiesde la population n’aient plus accès aux soins.Au CHU, nous ferons donc tout pour nouséquiper d’un plateau technique le plusmoderne possible, tout en luttant contre lesdéserts médicaux et en envoyant desspécialistes au bon endroit, comme l’endoscopieque nous réalisons au CH de La Mure. Lesystème de santé s’organisera autour defilières de soins qui prévoiront un accom-pagnement plus important et plus directif despatients à l’intérieur des structures médicaleset de parcours de soins parfaitement balisés.Il faudra aussi faire face au vieillissementaccéléré de la population et développer desfilières d’aval pour ces personnes qui nedoivent faire que de courts séjours dans lesstructures hospitalières qui sont trèscoûteuses.

Quelle importance apportez-vous aumanagement des relations humaines ?J.H : C’est un élément fondamental que nous

développons sur plusieurs points, à commencerpar les relations avec les médecins. Grâce à lanouvelle gouvernance, ces relations sontbeaucoup moins cloisonnées qu’auparavant. Leplus important reste d’entretenir un dialoguede proximité de qualité avec les praticiens, afinque nous puissions comprendre leurs attenteset qu’ils comprennent nos contraintes. Ledialogue social doit être maintenu régulièrement,notamment avec les organisations syndicales.J’ai d’ailleurs insisté pour qu’une rencontreannuelle soit mise en place pour préservercette écoute mutuelle, afin de prévenird’éventuels conflits sociaux au sein del’établissement. Nous devons égalementmotiver et être à l’écoute de nos cadresintermédiaires, car ils représentent le lienentre la direction et le personnel. Ce sont euxqui assurent la cohésion sociale. La communicationdoit être retravaillée par l’intranet et lesdocuments que nous distribuons, car cetaspect est devenu important. Je suis trèssoucieuse de montrer au personnel le respectqui lui est dû et la reconnaissance que nousavons, au sein de la direction, du travail effectué.

L’hôpital d’aujourd’hui correspond t-il à l’idéalque vous aviez au début de votre carrière ?J.H : Dans les années 90, lors de mes premierspas dans le monde hospitalier, nombre de mesespoirs étaient fondés sur la tarification àl’activité. Sûrement en raison de mon profilfinancier, je pensais que la T2A permettrait de

récompenser les établissements les plus actifset de développer un dynamisme facilitant leprogrès médical. L’instabilité des règlesd’allocation des ressources empêche aujourd’huiles établissements de mettre en place desstratégies fortes, ce qui les fragilise et discréditeles discours tenus, tant à l’égard des médecinsque des personnels. Ce qui est vrai une annéene l’est plus l’année suivante. Nous sommesloin d’avoir atteint l’hôpital idéal, mais il mesemble qu’aucun pays, à l’heure actuelle, n’aréussi cet exploit. Pour l’atteindre nous devonstravailler les parcours de soins pour que chacundes maillons de la prise en charge soit attributaired’une juste rémunération.

Quel message souhaiteriez-vous fairepasser aux collaborateurs de votreétablissement ?J.H : J’aimerais leur assurer que je suis fièred’être à la tête du CHUG, qui est un établissementtrès motivant. Il sait très bien réagir danstoutes les situations d’urgences. Je mettraitout en œuvre, avec leur aide, pour que nouscontinuions à avancer ensemble et pour fairede cet hôpital un établissement de santé encoreplus performant qui compte dans le paysagehospitalier national.

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