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498 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXI - n° 10 - décembre 2012 MISE AU POINT Pertinence des modèles de tumeurs humaines primaires xénogreffées sur souris immunodéficientes Relevance of primary human tumors xenografted into immunodeficient mice D. Decaudin * * Laboratoire d’investigation pré clinique, département de recherche translationnelle ; départe- ment d’oncologie médicale, institut Curie, Paris. L e traitement des cancers s’est amélioré en raison d’une meilleure connaissance de l’oncogenèse et du développement de nouvelles thérapies ciblées. Dans le but de sélectionner les molécules les plus efficaces, les études précliniques représentent donc une étape importante. Différents modèles précliniques de cancers peuvent être utilisés, parmi lesquels les xénogreffes issues d’échantillons tumoraux humains directement transplantés sur souris immunodéficientes et connues sous le nom de “Tumor Grafts” (1). La réalisation de ces greffes constitue un processus à long terme comportant diverses étapes dont l’objectif final est de montrer que les modèles établis reproduisent leur tumeur humaine d’origine, possèdent une haute valeur prédictive de l’efficacité thérapeutique et imitent fidèlement des situations observées en oncologie − telles que les résistances aux traitements, les métastases et les récidives. Cette mise au point a pour objectif de discuter les critères proposés pour la constitution et la validation des modèles précliniques de cancers humains qui seront ultérieurement utilisés au cours des études pharmacologiques. Reproductibilité individuelle des xénogreffes La caractérisation histologique et moléculaire des xénogreffes constitue la première étape de leur vali- dation. En effet, il est important de déterminer au minimum les caractéristiques tumorales retenues dans la prise en charge des patients. La validation des modèles nécessite donc diverses évaluations liées aux types et sous-catégories de cancers. De plus, la caractérisation des modèles doit être effectuée de façon parallèle et concomitante pour la xénogreffe et la tumeur correspondante du patient. De même, les études histologiques doivent être réalisées par un anatomopathologiste expérimenté dans le domaine des cancers humains, qui doit déterminer si la xéno- greffe reproduit ou non les caractéristiques de la tumeur originale en examinant l’aspect des cellules tumorales et l’architecture de leur prolifération. De fait, bien que les cellules stromales et la vasculari- sation ne soient pas d’origine humaine, l’organisation histologique de la tumeur originale est générale- ment bien conservée dans les xénogreffes (2) ; c’est le cas, par exemple, dans les cancers du sein (3-5) et du côlon (6). En revanche, si les aspects morpho- logiques ont été largement décrits, très peu d’études ont étudié le stroma et la vascularisation des xéno- greffes et de leur tumeur humaine d’origine. Or, une étude sur des cancers du pancréas a souligné le rôle du stroma péritumoral et l’influence de la vasculari- sation sur l’efficacité thérapeutique (7), soulignant ainsi qu’une telle caractérisation accroîtrait la préci- sion de l’évaluation préclinique pharmacologique. Les analyses moléculaires constituent également une étape capitale dans la caractérisation des modèles. Deux critères principaux doivent être pris

Pertinence des modèles de tumeurs humaines primaires ... · et précliniques, H.H. Fiebig et al. ont observé une prédiction correcte de la sensibilité tumorale dans 90 % des cas

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498 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 10 - décembre 2012

MISE AU POINT

Pertinence des modèles de tumeurs humaines primaires xénogreffées sur souris immunodéficientesRelevance of primary human tumors xenografted into immunodef icient mice

D. Decaudin*

* L a b o ra t o i re d ’ i nv e s t i g a t i o n p r é c l i n i q u e , d é p a r t e m e n t d e recherche translationnelle ; départe-ment d’onco logie médicale, institut Curie, Paris.

Le traitement des cancers s’est amélioré en raison d’une meilleure connaissance de l’oncogenèse et du développement de nouvelles thérapies

ciblées. Dans le but de sélectionner les molécules les plus efficaces, les études précliniques représentent donc une étape importante. Différents modèles précliniques de cancers peuvent être utilisés, parmi lesquels les xénogreffes issues d’échantillons tumoraux humains directement transplantés sur souris immunodéficientes et connues sous le nom de “Tumor Grafts” (1). La réalisation de ces greffes constitue un processus à long terme comportant diverses étapes dont l’objectif final est de montrer que les modèles établis reproduisent leur tumeur humaine d’origine, possèdent une haute valeur prédictive de l’efficacité thérapeutique et imitent fidèlement des situations observées en oncologie − telles que les résistances aux traitements, les métastases et les récidives. Cette mise au point a pour objectif de discuter les critères proposés pour la constitution et la validation des modèles pré cliniques de cancers humains qui seront ultérieurement utilisés au cours des études pharmacologiques.

Reproductibilité individuelle des xénogreffesLa caractérisation histologique et moléculaire des xénogreffes constitue la première étape de leur vali-dation. En effet, il est important de déterminer au

minimum les caractéristiques tumorales retenues dans la prise en charge des patients. La validation des modèles nécessite donc diverses évaluations liées aux types et sous-catégories de cancers. De plus, la caractérisation des modèles doit être effectuée de façon parallèle et concomitante pour la xénogreffe et la tumeur correspondante du patient. De même, les études histologiques doivent être réalisées par un anatomopathologiste expérimenté dans le domaine des cancers humains, qui doit déterminer si la xéno-greffe reproduit ou non les caractéristiques de la tumeur originale en examinant l’aspect des cellules tumorales et l’architecture de leur prolifération. De fait, bien que les cellules stromales et la vasculari-sation ne soient pas d’origine humaine, l’organisation histologique de la tumeur originale est générale-ment bien conservée dans les xénogreffes (2) ; c’est le cas, par exemple, dans les cancers du sein (3-5) et du côlon (6). En revanche, si les aspects morpho-logiques ont été largement décrits, très peu d’études ont étudié le stroma et la vascularisation des xéno-greffes et de leur tumeur humaine d’origine. Or, une étude sur des cancers du pancréas a souligné le rôle du stroma péritumoral et l’influence de la vasculari-sation sur l’efficacité thérapeutique (7), soulignant ainsi qu’une telle caractérisation accroîtrait la préci-sion de l’évaluation préclinique pharmacologique.

Les analyses moléculaires constituent également une étape capitale dans la caractérisation des modèles. Deux critères principaux doivent être pris

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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 10 - décembre 2012 | 499

RésuméLes xénogreffes issues d’échantillons tumoraux humains directement transplantés sur souris immuno-déficientes reproduisent fidèlement l’importante hétérogénéité des cancers humains, particulièrement lorsque des panels entiers d’un type tumoral spécifique peuvent être développés. Les procédures d’évaluation de l’efficacité thérapeutique sont désormais complètement standardisées ; elles permettent facilement d’étudier l’effet des traitements combinés, particulièrement lorsque des analyses statistiques objectives sont requises. Enfin, la possibilité de manipulations génétiques ou thérapeutiques ex vivo avant trans-plantation constitue un argument en faveur de leur utilisation. Ainsi, les modèles de tumeurs primaires humaines greffées chez la souris constituent un outil utile et intéressant dans l’évaluation pharmacologique des nouvelles thérapies anticancéreuses.

Mots-clés Cancers humainsXénogreffeSouris immunodéficientesCaractérisation moléculaire

Summary

Xenografts, obtained from patients tumor samples and directly transplanted into immunodeficient mice, accu-rately reproduce the marked heterogeneity of human cancers, particularly when large panels of a specific tumor type are available. Procedures for assessment of therapeutic efficacy have been well stan-dardized and readily allow eval-uation of combined therapies, particularly for the purposes of objective biostatistical assess-ment. Finally, the possibility of ex-vivo genetic or therapeutic manipulations before xeno-transplantation constitutes an argument in favor of the use of xenografted models. Hence, preclinical models of human cancers constitute a useful tool that should be used for further pharmacological assessments.

Keywords

Human cancers

Xenografts

Immunodeficient mice

Molecular characterization

en considération pour définir les marqueurs molé-culaires pertinents pour lesquels une caractérisation est nécessaire :

➤ ceux qui jouent un rôle dans l’oncogenèse, préco-cement ou tardivement ;

➤ ceux qui ont un impact sur le choix des traite-ments.

Dans ces 2 situations, il convient de noter que les marqueurs moléculaires évoluent continuellement avec le progrès des connaissances. Ainsi, afin de créer des modèles précliniques utiles, il est nécessaire de définir avec précision la liste des marqueurs molécu-laires pour chaque type de cancer, et de le faire dans le cadre d’une étroite collaboration entre cliniciens, anatomopathologistes et chercheurs. Les analyses génétiques et génomiques des xéno-greffes et des tumeurs humaines correspondantes constituent une autre étape nécessaire de la carac-térisation initiale des modèles, afin de savoir si les anomalies présentes dans les tumeurs humaines sont modifiées au cours du processus de transplan-tation in vivo et si elles sont maintenues en l’état au cours des passages successifs chez la souris. Ce point est particulièrement important lorsque ces anomalies sont impliquées dans l’oncogenèse ou qu’elles possèdent en clinique une valeur pronos-tique. En réalité, très peu d’études ont comparé les statuts génomiques entre les xénogreffes et les tumeurs originales des patients. Une telle compa-raison réalisée dans 4 types de cancers (cancers du sein, tumeurs gynécologiques, adénocarcinomes pancréatiques et glioblastomes) a montré que les 2 échantillons (xénogreffes et tumeurs humaines correspondantes) s’appariaient ensemble, suggé-rant ainsi une forte stabilité génomique au cours du processus de transplantation in vivo (2). De même, dans le cas des mélanomes choroïdiens, sur l’en-semble des xénogreffes et tumeurs correspondantes des patients, nous avons observé une concordance totale du statut du chromosome 3 (8) et des statuts mutationnels des gènes GNAQ, GNA11 et BAP1 (données personnelles). Si de telles observations ont été rapportées pour d’autres types tumoraux (2), une étude a montré que des anomalies additionnelles pouvaient néanmoins apparaître dans les xéno-greffes (9). Enfin, beaucoup plus rarement, les profils

d’expression génique ont été comparés, montrant un degré élevé de conservation de l’expression des gènes tumoraux, mais également une perte d’expres-sion des gènes humains liés au stroma (gènes de la réponse immunitaire, de la matrice extracellulaire, de l’adhésion cellulaire et de l’angiogenèse) [10, 11].

Reproductibilité collective des panels de xénogreffesDu fait des progrès continus réalisés dans les connais-sances sur les cancers humains et leurs divers sous-types, l’homogénéité initiale a totalement disparu, chaque tumeur spécifique d’un organe étant désor-mais subdivisée en sous-catégories hétérogènes. Des marqueurs moléculaires, des anomalies génétiques et des profils d’expression génique sont actuellement employés pour définir ces nouveaux sous-ensembles qui nécessitent un diagnostic et une prise en charge thérapeutique adaptés. Il paraît donc nécessaire d’établir et de caractériser des panels de modèles tumoraux qui reproduisent autant que possible l’ensemble des sous-catégories observées chez les patients atteints de cancer. De même, la recherche de marqueurs moléculaires prédictifs de réponse ou de résistance tumorale nécessite une sélection objective et non biaisée pour laquelle des panels de xénogreffes sont particulièrement utiles.

La création d’un panel de xénogreffes tumorales comportant les diverses sous-catégories bien défi-nies des cancers humains n’est cependant pas aussi simple qu’il y paraît, et ce pour 2 raisons princi-pales :

➤ la “prise tumorale” diffère fortement selon les sous-groupes histologiques de cancers ; dans notre expérience, elle est élevée pour les cancers du côlon et du poumon (> 50 %), intermédiaire pour les cancers de l’ovaire et les mélanomes uvéaux (35 %), limitée pour les cancers du sein (9 %) et particulière-ment faible pour les cancers de la prostate (< 1 %) ;

➤ les tumeurs capables de croître chez la souris proviennent fréquemment de patients dont le pronostic est médiocre, tant pour la survie sans réci-dive que pour la survie globale (3, 8). Dans ce cas, il peut arriver que les sous-groupes correspondant à

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Pertinence des modèles de tumeurs humaines primaires xénogreffées sur souris immunodéficientes

MISE AU POINT

des tumeurs de mauvais pronostic chez les patients soient surreprésentés, comme ce que nous avons pu constater pour les cancers du sein triple-négatifs (3, données personnelles). Cependant, si la repré-sentation des différents sous-types tumoraux n’est pas toujours strictement superposable à ce qui est observé en clinique, l’établissement de modèles correspondant à des tumeurs de mauvais pronostic répond tout de même au besoin de développer sur ces indications particulières des stratégies théra-peutiques efficaces.

Prédictivité des xénogreffes

Le deuxième critère auquel les modèles pré cliniques de tumeurs humaines doivent nécessairement répondre consiste en la possession d’une forte valeur prédictive de l’efficacité clinique des trai-tements évalués in vivo. Deux approches peuvent être employées :

➤ comparer la réponse thérapeutique de la xéno-greffe à celle de la tumeur correspondante du patient ;

➤ comparer la réponse d’un panel de xénogreffes à celle d’une cohorte correspondante de patients.

La première approche a rarement été décrite dans la littérature, probablement en raison des difficultés liées à la comparaison de ces 2 situations différentes. Plusieurs études ont cependant tenté de réaliser une telle comparaison, et ont trouvé des taux de concor-dance d’environ 75 % (2). Cependant, si l’efficacité des traitements (chimiothérapie, radiothérapie, anti-corps monoclonaux et autres composés ciblés) peut être identique dans les expérimentations précliniques et la pratique clinique, leurs circonstances d’utilisa-tion se caractérisent par 3 différences principales :

➤ les patients reçoivent fréquemment des traite-ments combinés, ce qui ne permet pas l’évaluation d’une thérapie spécifique ;

➤ les patients peuvent être atteints de tumeurs de différentes tailles et localisations, contrairement aux études précliniques, où les tailles tumorales sont homogénéisées ;

➤ les critères de réponse sont différents entre les patients et les souris transplantées.

La seconde approche, qui compare la sensibilité de panels de tumeurs humaines primitives chez la souris à celle de cohortes de patients atteints de tumeurs du même type, a été largement décrite dans la littérature, à la fois pour divers agents

thérapeutiques et différents types de cancer (2, 12). Sur la base de la totalité des données publiées, la réponse préclinique des greffes tumorales aux agents chimiothérapeutiques conventionnels paraît étroi-tement corrélée aux résultats cliniques observés de façon rétrospective ou prospective. Ainsi, dans une série de 80 comparaisons entre réponses cliniques et pré cliniques, H.H. Fiebig et al. ont observé une prédiction correcte de la sensibilité tumorale dans 90 % des cas (19 tumeurs sur 21) et une prédiction correcte de la résistance tumorale dans 97 % des cas (57 tumeurs sur 59) [13]. Ainsi, la validation de la valeur prédictive élevée de tumeurs précliniques traitées par des agents chimiothérapeutiques conventionnels pour l’éva-luation de l’efficacité clinique constitue une étape initiale et nécessaire de la caractérisation d’un modèle. Cependant, dans la prise en charge molé-culaire moderne des affections malignes, la véri-table question concerne la valeur prédictive de la réponse des xénogreffes à des thérapies ciblées. Dans ce cadre, il est important de préciser que les thérapies ciblées ne sont pas régies par des critères classiques de type “dose maximale tolérée”, et que les données pharmaco dynamiques sont plus à même d’indiquer l’atteinte éventuelle de la cible théra-peutique. De ce point de vue, par l’abondance du matériel tumoral, les xénogreffes offrent un outil adapté à ces nouvelles approches.

Capacité des xénogreffes à reproduire des situations cliniques

Le dernier défi que les modèles précliniques de tumeurs humaines doivent relever est d’imiter très fidèlement certaines situations cliniques observées durant l’évolution des cancers humains. Malheu-reusement, 3 situations cliniques principales sont fréquemment observées : les progressions méta-statiques, les récidives après l’obtention d’une rémis-sion complète induite par un traitement initial et les résistances primaires ou secondaires aux traitements.

Après l’établissement in vivo du modèle, son poten-tiel métastatique doit être évalué. La façon la plus simple d’étudier ce potentiel est d’effectuer, après le sacrifice éthique des souris, un examen anatomo-pathologique des différents organes à la recherche de cellules tumorales. Une limitation majeure de cette approche expérimentale est cependant l’intervalle

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Figure. Schémas expérimentaux de la prévention des récidives.

Jours après la transplantation

Jours après la transplantation

Chimiothérapie + traitement expérimental

Chimiothérapie

Traitement expérimental

Délai de croissance

Délai de croissance

A

B

Tumeur initiale

Tumeur initiale

Régression tumorale

Régression tumorale

Maladie microscopique

Maladie microscopique

Rechute tumorale

Rechute tumorale

?

?

Volu

me t

umor

al m

édia

n (m

m3 )

Volu

me t

umor

al m

édia

n (m

m3 )

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MISE AU POINT

relativement court entre la transplantation in vivo initiale et le sacrifice de la souris, délai qui peut ne pas être suffisant pour le développement de méta-stases. D’autres approches expérimentales doivent donc être élaborées dans le but d’améliorer le taux de métastases dans les modèles de xénogreffes tumorales :

➤ l’injection de cellules tumorales par voie intra-veineuse ou intracardiaque ;

➤ l’exérèse chirurgicale de la tumeur primitive afin d’augmenter le temps pour que la dissémination métastatique se produise avant le sacrifice éthique de la souris ;

➤ la réalisation de passages sous-cutanés en série de métastases pulmonaires dans le but d’obtenir une xénogreffe métastatique spontanée (14) ;

➤ l’implantation orthotopique de la tumeur.

Les récidives après rémission complète (RC) initiale sont fréquentes durant l’évolution des cancers humains, et elles sont dues à la persistance de cellules malignes résiduelles qui ont pu résister au traitement de première ligne. Dans la majorité des expérimentations pharmacologiques, l’évolu-tion tumorale, et donc la survenue d’une rechute locale, après obtention par le ou les traitement(s) testé(s) d’une RC est rarement évaluée. De même, en cas de RC chez la souris, la confirmation d’une RC pathologique (pRC) est très exceptionnelle-ment recherchée par une étude histologique du site initial de la greffe tumorale. Le développement de modèles précliniques définis par une RC initiale post-thérapeutique et, après un délai de quelques semaines, une réapparition constante de la tumeur, permet l’évaluation de nouvelles thérapies dans la prévention des rechutes, soit associées au traite-ment initial, soit administrées en adjuvant après obtention de la RC, soit les 2 (figure). Ce schéma préclinique mime ainsi les situations cliniques à risque au cours desquelles de nombreuses récidives surviennent après une RC initiale.

Du fait de leur fréquence élevée en pratique onco-logique, les résistances primaires et secondaires doivent être modélisées dans des expérimentations précliniques. Divers modèles précliniques de résis-tance thérapeutique peuvent ainsi être développés à partir des xénogreffes :

➤ sélection des tumeurs résistantes d’emblée aux traitements et maintien in vivo sous pression théra-peutique ;

➤ induction d’une résistance secondaire à un trai-tement maintenu de façon continue ;

➤ traitement des tumeurs par une molécule inno-vante après évolution sous traitement standard. Cette approche est particulièrement pertinente en termes d’évolution clinique des patients (prise en charge thérapeutique d’une progression de la maladie sous traitement).

Conclusion

La constitution de modèles qui reproduisent fidèle-ment des situations tumorales cliniques en termes de caractéristiques biologiques, d’histoire natu-relle in vivo et de réponse aux traitements offre les conditions expérimentales nécessaires à l’éva-

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Pertinence des modèles de tumeurs humaines primaires xénogreffées sur souris immunodéficientes

MISE AU POINT

1. Garber K. From human to mouse and back: “tumor-graft” models surge in popularity. J Natl Cancer Inst 2009; 101(1):6-8.2. Decaudin D. Primary human tumor xenografted models (“tumorgrafts”) for good management of patients with cancer. Anticancer Drugs 2011;22(9):827-41. 3. Marangoni E, Vincent-Salomon A, Auger N et al. A new model of patient tumor-derived breast cancer xeno-grafts for preclinical assays. Clin Cancer Res 2007;13(13): 3989-98.4. Cottu P, Marangoni E, Assayag F et al. Modeling of response to endocrine therapy in a panel of human luminal breast cancer xenografts. Breast Cancer Res Treat 2011; 133(2):595-606. 5. DeRose YS, Wang G, Lin YC et al. Tumor grafts derived from women with breast cancer authentically reflect tumor pathology, growth, metastasis and disease outcomes. Nat Med 2011;17(11):1514-20.

6. Julien S, Merino-Trigo A, Lacroix L et al. Characterization of a large panel of patient-derived xenografts representing the clinical heterogeneity of human colorectal cancer. Clin Cancer Res 2012;18(19):5314-28.7. Olive KP, Jacobetz MA, Davidson CJ et al. Inhibition of Hedgehog signaling enhances delivery of chemotherapy in a mouse model of pancreatic cancer. Science 2009; 324(5933):1457-61.8. Némati F, Sastre-Garau X, Laurent C et al. Establishment and characterization of a panel of human uveal melanoma xenografts derived from primary and/or metastatic tumors. Clin Cancer Res 2010;16(8):2352-62.9. Jeuken JW, Sprenger SH, Wesseling P et al. Genetic reflec-tion of glioblastoma biopsy material in xenografts: charac-terization of 11 glioblastoma xenograft lines by comparative genomic hybridization. J Neurosurg 2000;92(4):652-8.10. Bergamaschi A, Hjortland GO, Triulzi T et al. Molecular profiling and characterization of luminal-like and basal-like

in vivo breast cancer xenograft models. Mol Oncol 2009; 3(5-6):469-82.

11. Reyal F, Guyader C, Decraene C et al. Molecular profiling of patient-derived breast cancer xenografts. Breast Cancer Res 2012;14(1):R11.

12. Voskoglou-Nomikos T, Pater JL, Seymour L. Clinical predictive value of the in vitro cell line, human xenograft, and mouse allograft preclinical cancer models. Clin Cancer Res 2003;9(11):4227-39.

13. Fiebig HH, Maier A, Burger AM. Clonogenic assay with established human tumour xenografts: correlation of in vitro to in vivo activity as a basis for anticancer drug discovery. Eur J Cancer 2004;40(6):802-20.

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Références bibliographiques

luation de domaines fondamentaux en cancéro-logie : les marqueurs prédictifs de réponse et de résistance identifiant les mécanismes impliqués dans diverses voies de signalisation moléculaire, la biologie des cellules malignes résiduelles et de celles qui génèrent des tumeurs, les caractéristiques des métastases, l’angiogenèse et les interactions entre la tumeur et le stroma. La large disponibilité du matériel tumoral et la possibilité de répéter les expérimentations constituent 2 des facteurs plaidant pour l’utilisation des modèles de tumeurs primaires. De plus, dans certaines situations, des analyses complémentaires de tissus tumoraux

frais, fixés et/ou congelés constituent des moyens d’accroître la précision des résultats précliniques. Des “va-et-vient” continus entre ces 2 échan tillons tumoraux devraient faciliter la validation et la géné-ration de nouvelles hypothèses mécanistiques, permettant ainsi d’obtenir de nouvelles connais-sances sur l’onco genèse. La constitution de modèles pré cliniques de tumeurs primitives humaines est donc un outil utile pour les oncologues, les biolo-gistes du cancer et les chercheurs, pour qui l’objectif final peut se résumer en quelques mots : assurer la prise en charge thérapeutique optimale des patients atteints de cancer. ■ Une expertise

en biotechnologie

a Novartis Company

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Juin

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Au sommaire du prochain numéro : Rétrospective 2012coordonné par le Pr Jean-François Morère

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