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design graphique agnès buatois crédit photographique : Anonyme, Petits garçons à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), 1942, © Mémorial de la Shoah/CDJC TSIGANE PEUPLE Le silence et l’oubli Z EXPOSITION du 21 JUIN au 9 DÉCEMBRE 2007 CENTRE D’HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE ET DE LA DÉPORTATION 14 avenue Berthelot 69007 LYON TÉL. 04 78 72 23 11 OUVERT DU MERCREDI AU DIMANCHE DOSSIER DE PRESSE

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PEUPLE

Le silence et l’oubli

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EXPOSITION

du 21 JUIN au 9 DÉCEMBRE 2007

CENTRE D’HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE ET DE LA DÉPORTATION14 avenue Berthelot – 69007 LYON – TÉL. 04 78 72 23 11 – OUVERT DU MERCREDI AU DIMANCHE

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LE SILENCE ET L’OUBLI

Exposition du 21 juin au 9 décembre 2007

1DOSSIER DE PRESSE

Introduction page 2

L’exposition page 4Une culture méconnueUne histoire sous surveillanceUne mémoire en construction

Le camp de Saliers page 7Un camp modèle……du dysfonctionnement des camps

Entretien avec Mathieu Pernot page 9

Autour de l’exposition page 10

Informations pratiques page 10

TSIGANEPEUPLE

Le silence et l’oubli

SOMMAIRE

AnonymePetits garçons à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales)1942© Mémorial de la Shoah/CDJC

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L’exposition, composée de deux partiesétroitement liées, rappelle tout d’abordl’histoire de l’internement des Tsiganesdepuis sa genèse, en revenant sur la poli-tique de la iiie République à l’égard desnomades. Elle présente également l’expo-sition Un camp pour les bohémiens, mémoi-res du camp de Saliers, conçue par lephotographe Mathieu Pernot, présentéeen 2001 aux Archives départementalesdes Bouches-du-Rhône à Marseille.

Le propos est d’amener graduellement levisiteur à découvrir la place singulièreréservée aux Tsiganesdans la société fran-çaise de la premièremoitié du xxe siècle.En effet, ce termegénérique renvoie àune réalité plus com-plexe qu’il n’y paraîtcar le peuple tsiganeest composé de gran-des « familles » dis-t i n c t e s p a r l e u r sorigines géographiqueset leurs métiers. Ainsi trouve-t-on enFrance des Manouches, des Yénishes, desRoms et des Gitans. Cette population, esti-mée à 25 000 lors du recensement de 1897, se fond dans un groupe bien plusnombreux « d’itinérants » : ramoneurs

savoyards, maçons de la Creuse, ouvriersagricoles des régions de montagne. Elle faitl’objet d’une surveillance exponentielle,qui rend compte des efforts fournis par laiiie République, soucieuse de mettre fin auxparticularismes. Ainsi, les « nomades »sont-ils dans un premier temps recensés,puis dotés à partir de 1912 d’un carnetanthropométrique d’identité, visé et tam-ponné par les autorités municipales lors dechaque halte. Clairement mis en place àdes fins de contrôle, ce carnet comporteégalement un volet réservé aux certificatsde vaccination, témoignage de la volonté

hygiéniste de l’État.

Stigmatisés, redou-tés pour leurs larcinssupposés et leurs prétendus pouvoirsoccultes, les Tsiganesvivent en marged’une société encorelargement rurale. Ilstrouvent cependantleur place dans l’éco-nomie des campa-

gnes, comme maquignons, étameurs ouencore ouvriers agricoles. Si les déplace-ments de certaines familles couvrent fréquemment plusieurs départements,notamment lors du pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer, d’autres restent dans les

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2DOSSIER DE PRESSE

INTRODUCTION Dès les prémices de la Seconde Guerre mondiale, les Tsiganes présents sur lesol français sont victimes d’une politique de suspicion accrue. Leur itinérance,source de possible contact avec l’ennemi, apparait comme un danger pour lasécurité du pays et ne correspond pas aux normes établies par la Révolutionnationale. Progressivement, ils sont internés dans différents camps, répartis surl’ensemble du territoire.Le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation a souhaité donner unéclairage particulier au sort de ces « voyageurs », contraints à l’immobilité dansla France occupée.

Photo ci-contre :Carnet anthropométrique collectif.Coll. Archives départementales desBouches-du-Rhône.

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limites d’un canton, se déplaçant d’un vil-lage à l’autre et devenant de fait semi-sédentaires voire sédentaires.

En septembre 1939, les premières interdic-tions de circuler – notamment dans lesdépartements côtiers ou frontaliers – sontappliquées aux nomades, considéréscomme des espions potentiels. Un décretdu 4 avril 1940 les assigne à résidence enstipulant que « la circulation des nomadesest interdite sur la totalité du territoiremétropolitain pour la durée de la guerre ».Dès la fin de l’année 1940, ils sont progres-sivement internés dans des camps,construits initialement pour les réfugiésrépublicains espagnols.En 1942, des camps spécifiques leur sontdévolus, tel Saliers, situé dans lesBouches-du-Rhône, ou encore les campsde Jargeau dans le Loiret et de Montreuil-Bellay dans le Maine-et-Loire.

L’exposition apporte un éclairage particu-lier sur le quotidien des internés au campde Saliers, dont les façades dessinées « à la camarguaise » cachent mal ledénuement des familles parquées dansdes baraques sans chauffage, mal nour-ries et victimes de conditions sanitaireseffroyables.À cet égard, le traitement des Tsiganess’apparente hélas à celui de tous lesautres internés des camps français : Juifs,étrangers « indésirables », communistes…

Les Tsiganes de France, contrairement àceux d’Allemagne ou des pays contrôlés par le Reich (la Pologne en particulier) nefurent pas déportés vers les camps d’ex-termination nazis.Cette particularité ne doit nullementocculter la politique d’extermination dontfut victime ce peuple.Considérés comme « asociaux » du fait de

leur mode de vie (alors même que, para-doxalement, une bonne partie desTsiganes allemands étaient sédentariséset assimilés depuis plusieurs générations)et « de race impure », les Tsiganes furentdéportés dans tous les camps de concen-tration, victimes d’expériences pseudo-médicales, telles celles pratiquées àAuschwitz sur des enfants par le docteurMengele, et gazés dans les camps d’exter-mination. 10 000 d’entre eux périrentainsi à Birkenau, 3 000 dans la seule nuitdu 1er au 2 août 1944, quand fut liquidéela partie du camp qui leur était réservée.

Le sort des Tsiganes pendant les annéesnoires a été peu étudié en tant que tel.Il est connu par le biais de travaux surl’internement, sur la Déportation, sur laShoah et grâce à l’obstination d’un petitnombre d’historiens. Si l’exposition neprétend pas combler un vide historique,elle propose une synthèse des connais-sances existantes.Il s’agit aussi de mettre en garde le visiteurcontre les raccourcis trop hâtifs et de luifaire prendre conscience que la mémoirede l’internement des Tsiganes en Franceet celle du génocide dont ils furent victi-mes sont tout à la fois doubles et com-plexes. Les formes mémorielles, expressiontangible d’une culture, diffèrent entreTsiganes et « non-Tsiganes ». Imposer uneforme commémorative unique serait uneviolence supplémentaire.La question de la place des Tsiganes dansnos sociétés sédentaires est ancienne, maisne relève pas que de l’Histoire. Elle renvoieaussi au racisme et à l’ostracisme dontsont toujours victimes les populations tsi-ganes en Europe centrale et orientale. Cetteréalité ne peut laisser indifférent à l’heureoù la notion de libre circulation des person-nes demeure l’un des enjeux majeurs de laconstruction européenne.

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F. Bohny-ReiterEnfants à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales)

1942© Mémorial de la Shoah/CDJC

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Une culture méconnueSouvent victimes des préjugés, de la peurou tout simplement de l’ignorance dessédentaires, les Tsiganes n’en sont pasmoins un peuple riche d’une histoire etd’une culture hors du commun. Ce à quoil’exposition s’attache, en proposant enpréambule un rapide aperçu des originesde ce peuple, très certainement issu del’Inde du Nord au xve siècle. D’abord bienaccueilli en Europe centrale, il est rapide-ment mis en servage par les grands pro-priétaires terriens, avides de maind’œuvre.

C’est au xixe siècle que l’arrivée des Tsiganes en Europe occidentale devientmassive, suscitant crainte et fascinationdes autochtones. Désignés par les termesde « Bohémiens », « camps volants »,« Romanichels », ils font l’objet d’une pro-duction iconographique abondante. Lesphotographiessoulignent lestraits, jugésextravagants,de leur modede vie dans les roulottes et les « unes » desjournaux popu-laires ne man-quent pas desouligner leurc a r a c t è r efarouche, labeauté des femmes, leurs talents (inquié-tants) de montreurs d’animaux sauvageset… leur propension à figurer dans larubrique des faits divers.Le pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-

Mer, de plus en plus connu au début duxxe siècle, offre l’une des rares occasionsde présenter cette population sous unjour plus positif, à la faveur de sa ferveur religieuse.Cette vision stéréotypée et paradoxale seretrouve à toutes les époques, y comprisla nôtre.

Une histoire sous surveillanceParallèlement, l’exposition donne àdécouvrir la masse imposante des textesde loi régissant la circulation mais aussi lavie quotidienne de ces « gens du voyage ».C’est en 1912 que le carnet anthropomé-trique, familial ou individuel, devient obligatoire. Il met en application les tra-vaux récents de la police scientifique en faisant figurer les photos et empreintesdigitales de chaque individu – enfantscompris – autorisant de fait le fichage

de cette popu-lation.Les exemplairesprésentés dansl ’ e x p o s i t i o nproviennentdes Archivesd é p a r t e m e n -tales des Bou-ches-du-Rhône.Leur examenattentif permetde reconstituerl’histoire et le

parcours itinérant de ces familles,commune après commune, grâce auxtampons qui y figurent, scrupuleusementapposés à chacun de leur passage.

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4DOSSIER DE PRESSE

L’EXPOSITION

F. Bohny-ReiterArrivée de Tsiganes au camp de Rivesaltes

(Pyrénées-Orientales)1941-1942

© Mémorial de la Shoah/CDJCEn zone libre, l’utilisation des camps

« Troisième République » est également observée.C’est le cas de Rivesaltes dans les

Pyrénées-Orientales, d’abord camp d’instruction militaire, il héberge

successivement à partir de 1938 des aviateurs,des travailleurs indochinois, des groupes de

travailleurs étrangers. Puis en 1941,le site devient officiellement « centre

d’hébergement de Rivesaltes ». Il accueille alors des républicains espagnols,

des nomades ou Tsiganes, puis des Israélites.

Photo ci-contre :Berthe Renard1939Photographie extraite de son carnetanthropométrique – Coll. Archivesdépartementales des Bouches-du-Rhône.« Le 15 septembre 1943, j’ai été astreinte àrésider au camp de Saliers […]. Dans la nuit du6 au 7 décembre 1943, je me suis évadée ducamp avec l’aide de mon frère et de ma belle-sœur. Une fois sortie du camp, je me suis rendueà Saint-Étienne et ensuite à Limoges. J’aieffectué tout ce trajet à pied. Si j’ai quitté lecamp de Saliers, c’est uniquement parce que lanourriture y était très mauvaise et que je nepouvais de ce fait envoyer aucun colis à monmari qui est prisonnier. » (Extrait du procès-verbal d’arrestationétabli le 9 février 1944 à la gendarmerie deLimoges).

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Dès la déclaration de guerre, les « noma-des », pourtant français le plus souvent,sont interdits de circulation et assignés àrésidence aux périphéries des commu-nes : une telle situation ne manque pasd’exacerber l’inquiétude et la colère desriverains, dont on lira avec intérêt quel-ques extraits de lettres adressées auxautorités…

Avec la défaite, l’occupation militaire etl’instauration du régime de Vichy, le sortdes Tsiganes se détériore rapidement.Ils subissent les mesures répressives, dontla finalité obéit à une stratégie conjonctu-relle : besoin demain-d’œuvre pourdégager les voies decommunication,politique de stig-matisation enversdes populationsjugées « impures »par les Allemands et mise en œuvred’une politique deredressement moralpour le régime deVichy, qui passe parune sédentarisationforcée…L’ i n t e r n e m e n tdevient inéluctable.D è s 1 9 4 2 , d e scamps spécifiquessont institués pourles Tsiganes.Ce dispositif s’inscrit dans une politiquede réorganisation générale du systèmecarcéral français, visant à le « rationnali-ser ». Ainsi des camps sont réservés aux

Juifs voués à la déportation et à l’extermi-nation, d’autres aux Tsiganes qui neseront pas déportés de France, à l’excep-tion du convoi parti du Nord rattaché aucommandement allemand de Bruxelles.

Une mémoire en constructionL’exposition inclut une part importantedu travail de Mathieu Pernot, qui s’estattelé, de 1997 à 2000, à un travail derecherche approfondi sur le camp deSaliers.Situé en Camargue, dans les environsd’Arles, ce camp a été conçu spécifique-ment pour l’internement des Tsiganes du

Sud de la France.Aujourd’hui, il nereste plus aucunvestige de ce lieu,recouvert par desr iz ières. Mais àdéfaut d’empreintesvisibles, MathieuPernot a su retracerles itinéraires d’uncertain nombre defamilles qui y furenti n t e r n é e s e n t redécembre 1942 et1944. L’expositionprésente ainsi lesphotos de face et deprofil prises lors deleur arr ivée aucamp. Certains deleurs membres ontpu être interviewés

par le photographe : le témoignage audiode six d’entre eux vient donner vie à leurportrait, présenté en regard de celui réalisé presque soixante ans auparavant,

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5DOSSIER DE PRESSE

Paul Demeter1934

Photographie extraite de son carnet anthropométrique – Coll. Archives départementales

des Bouches-du-Rhône.La famille Demeter avait l’habitude de voyager

dans la région Auvergne. Elle semble avoir été arrétée en 1941 à Blazac puis conduite au camp de Rivesaltes.

Photo ci-contre :Jésus GimenezAnnées trente.Photographie extraite de son carnet anthropométrique – Coll. Archives départementales des Bouches-du-Rhône.La famille de Jésus a été internée dans les campsd’Argelès, Bacarès et Rivesaltes.

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sous la contrainte. Tous parlent, avecdifficulté, de ce traumatisme qu’a consti-tué leur internement, de leur lutte pour lasurvie, de leur évasion parfois.

Petites lueurs d’humanité dans cette his-toire grise : l’aide apportée par quelques« non Tsiganes », ces personnes qui ontrecueilli chez elles des enfants et ces institutrices qui ont tenté d’éduquer lesplus jeunes livrés à eux-mêmes.La lecture de certains documentsconsterne au contraire le visiteur : ainsicette circulaire n° 1987 cd/ri du 26 octo-bre 1943, qui précise que les internés doivent recevoir des rations identiques àcelles attribuées aux détenus dans lesprisons.

Heureusement, serait-on tentéde penser, les évasions furentparticulièrement nombreuses.Elles étaient à la fois favoriséespar la complaisance de certainsgardiens pas toujours zélés,l’état d’esprit des prisonniers,par définition épris de liberté, etla structure même des camps,rarement clos.

La Libération de la France nemarque en rien la fin des politi-ques de discrimination : ainsi ledécret assignant à résidence lesnomades n’a été abrogé que le 10 mai 1946. Quant au carnetanthropométrique, il restera en vigueurjusqu’en 1969.Plus que toute autre, la construction

d’une « mémoire tsigane » semble com-plexe. L’histoire même des Tsiganes enFrance est méconnue, souvent confondueavec celle de l’extermination perpétréepar les nazis dans les camps de Pologne.Or, il se trouve que l’occupant allemandne demanda pas qu’on lui livre les popu-lations tsiganes de France.Cette spécificité, attachée à la commu-nauté tsigane française, ne doit cepen-dant pas occulter qu’elle fut loin d’être larègle en Europe. Et c’est bien à cetteéchelle qu’il convient d’analyser l’histoire

de ce peuple, intimement liée à celle denotre continent.

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6DOSSIER DE PRESSE

Photo ci-contre :Lettre censuréeVers 1942 – Coll. Archives départementalesdes Bouches-du-Rhône.Cette lettre figurait dans le carnetanthropométrique de Félix Capel. Sur l’enveloppefigure le numéro de la cabane du destinataire aucamp d’Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales).

Roger Demetrio1944

Photographie extraite de son carnetanthropométrique – Coll. Archives

départementales des Bouches-du-Rhône.La famille Demetrio a été successivement internée

aux camps de Rivesaltes, Gurs, Noé et Saliers.Deux des frères de Roger vont s’évader du camp

de Saliers en 1943. Pris par un détachementallemand, ils seront déportés au camp

de Buchenwald. Le reste de la famille quittera lecamp de Saliers au moment de la Libération.

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Un camp modèle…Par ailleurs, la construction de ce campparticipe d’un acte de propagande, des-tiné à rassurer les gouvernements étran-gers quant au sort des nombreux internésdu régime de Vichy. Tout dans sa mise enœuvre se devait d’être particulièrementsoigné.Cette construction s’inscrit du reste dansla démarche culturelle du gouvernementde Vichy, qui a entrepris de recenser etpréserver les éléments patrimoniaux(architecture, folklore) des différents ter-roirs français. L’édification du camp estconfiée à l’architecte des monuments his-toriques du département, MonsieurVan Migom, qui s’inspire de l’architecturetraditionnelle camarguaise, notammentdans les choix des matériaux. Peu importeque les baraques ainsi construites soientpratiquement inhabitables, sans chauf-fage, ni eau, ni électricité. Ni que leur solen terre battue et leur toit en chaume lesrendent humides et insalubres.

Du camp subsistent des plans deconstruction, dont certains sont exposés,quelques photos et, une fois de plus, les

lettres de protestation des riverains,inquiets de voir s’installer des nomades àproximité de leurs propriétés.

… du dysfonctionnement descampsRapidement, le fonctionnement du campse heurte à d’insurmontables problèmes,amplifiés par l’incompétence du person-nel (le recrutement des gardiens s’avèreparticulièrement difficile, comme entémoignent les offres d’emplois quiparaissent dans la presse locale).Pour les internés, les mois passés à Salierssont une véritable épreuve : mal ou peuvêtus – ils n’ont pas eu le droit d’amenerleurs affaires personnelles au camp –, ilsendurent le froid et les parasites. Lesrations alimentaires fournies sont totale-ment insuffisantes tandis qu’une bonnepartie des vivres est détournée au profitdu marché noir. À cela s’ajoute le surpeu-plement et la promiscuité entre les famil-les qui engendrent des tensionspermanentes.Ce sont les enfants qui souffrent le plusde ces conditions de vie. Le 15 février 1943,

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7DOSSIER DE PRESSE

LE CAMP DE SALIERS

En mars 1942, le gouvernement de Vichy décide, de sa propre initiative, de regrou-per dans un même camp tous les Tsiganes assignés à résidence en zone sud.Le choix se porte, pour l’implantation de ce qui doit devenir un camp modèle,sur la Haute-Camargue, censée être le « berceau de la race tsigane », en raisondu pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Le site se trouve à une dizaine dekilomètres d’Arles.Un premier groupe d’une cinquantaine de Tsiganes y est envoyé, en provenancedu camp de Rivesaltes. L’objectif est d’amener sous la contrainte les nomades àla sédentarisation en leur offrant la possibilité d’exercer une activité considéréecomme « traditionnelle » : la vannerie, l’osier poussant en abondance sur ces terres marécageuses.

Maisons du camp de Saliers en constructionÉté 1942

Coll. privée – Fonds Francis Bertrand.

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le sous-préfet d’Arles fait paraître dans lePetit Marseillais un appel pour le placementdans des familles d’accueil des orphelins.Cette demande trouve peu d’écho auprèsde la population. Une soixantaine d’entreeux sera toutefois placée, avec ou sans le consentement de leurs parents, dansdes œuvres religieuses ou à l’Assistancepublique.Loin des objectifs affichés, les autorités ducamp peinent à fournir du travail auxinternés, sauf à les « louer » à l’extérieurpour des travaux agricoles.

Face à la situation, les autorités sontcontraintes, dès le début de l’année 1943,de procéder à des libérations et des trans-ferts vers d’autres camps.Le camp est évacué en août 1944, aprèsavoir été, le 17 août, la cible des tirs alliés

qui l’avaient confondu avec un camp allemand.

Les Tsiganes internés à Saliers – 700 envi-ron – ont de plus été spoliés de tous leursbiens, en particulier de leur roulotte. Cespertes n’ont à ce jour jamais été indemni-sées par le gouvernement français.

Il reste des images du camp de Saliers.Tous les cinéphiles les connaissent.En effet, le camp, désert, a servi de décor« naturel » au film Le Salaire de la peur,tourné par Henri-Georges Clouzot en1953. En échange du prêt du site, le réali-sateur s’était engagé à le raser après letournage, afin de lui restituer une affecta-tion agricole. Clouzot tint parole, le siteredevint rizière et c’est seulement en 2006qu’une plaque y fut apposée.

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8DOSSIER DE PRESSE

M E R M É D I T E R R A N É E

O C É A N A T L A N T I Q U E

M A N C H E

MER DU NORD

PARIS

VICHY

Saliers

Le BarcarèsRivesaltes

Argelès-sur-Mer

Lannemezan

Mérignac

Arc-et-Senans

Moloy

Peigney

Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes

Linas-Montlhéry

Jargeau

CorayPlénée-Jugon

Pontivy

Moisdon-la-Rivière

Choisel

Barenton

Montsûrs

Grez-en-BouèreMulsanne

Coudrecieux

La Morellerie

Montreuil-Bellay

Louviers

Boussais

PoitiersMonsireigne

Les Alliers

Rennes

Camps d’internement pour nomades

Zone non occupée

Ligne de démarcation

Zone occupée

Zone annexée

Zone réservée

Zone interdite

Zone d’occupation italienne

Zone rattachée augouvernement allemandde Bruxelles

Carte réalisée par Agnès Buatois d’après la carte de Jo Saville10 km

0 50 km

Saliers.2001

© Mathieu Pernot

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Mathieu Pernot est photographe, diplômé de l’École nationale de la photographied’Arles (ENP).En 1997, il découvre par hasard l’existence « d’un camp de concentration pournomades » tout près de sa ville, à Saliers. Il y consacre trois années d’étude,mêlant son regard de photographe à ses recherches historiques.Plus récemment, Mathieu Pernot a travaillé sur les milieux carcéraux et lesmémoires urbaines. D’une manière générale, il définit son œuvre comme « enga-gée auprès de ce qui risque de disparaître et [il] tente, par une forme documen-taire, d’en sauver une ultime apparence ».

Comment vous est venu cet intérêt pour la population tsigane ?J’ai rencontré les premières familles lorsque je faisais mes études à Arles, à l’école dephotographie. Je n’avais aucune raison particulière de les croiser, si ce n’est l’envie deconnaître ces personnes et l’intuition qu’il pouvait peut-être se passer quelque chose.Mais je ne connaissais pas cette communauté (ses origines, sa langue, etc.) et n’avaisaucune idée de la nature des photographies que je souhaitais réaliser. Il a donc fallu quela rencontre se fasse.

Au début, votre travail était-il essentiellement historique ?Non. Saliers est venu après trois années de travail photographique réalisé auprès desfamilles qui vivaient dans la région d’Arles. Saliers est d’abord une découverte de photographe.

Comment êtes-vous passé des archives à la recherche physique deshommes et des femmes qui vécurent à Saliers ?Lorsque j’étudiais les archives concernant les personnes internées à Saliers, je ne pouvais m’enlever de la tête l’idée de retrouver ces personnes et de savoir ce qu’ellesétaient devenues. J’ai donc travaillé longuement sur les carnets anthropométriques pourobtenir un maximum d’informations sur elles (nom des parents, des frères et sœurs,date de naissance, zone où les familles avaient l’habitude de voyager, etc.) et puis je suisallé à la rencontre des Tsiganes que je fréquentais pour leur demander s’ils connaissaient d’anciens internés. C’est comme cela que j’ai pu commencer à remonter le fil de l’histoire.

Comment s’est déroulée la rencontre ?Très bien. Je crois que les gens étaient contents de voir qu’un “gadjé” pouvait s’intéres-ser à cette histoire et j’ai toujours été très bien accueilli. Il y avait, à chaque fois, l’émo-tion et la douleur de se retrouver confronté à une période terrible de leur vie, maispeut-être aussi le réconfort de trouver quelqu’un qui souhaitait les entendre sur cettepériode. Je leur ai toujours expliqué qu’il était important que ce soit eux qui racontentet que cette histoire devait être connue de tous. Je leur ai aussi dit qu’il me semblaitnécessaire de faire un livre sur Saliers à partir de leurs témoignages et de leurs photo-graphies. La quasi totalité des personnes rencontrées partageaient cette idée qui n’allait pourtant pas de soi au sein d’une communauté n’ayant pas pour habitude d’inscrire son histoire.

Aujourd’hui, quel rapport entretenez-vous avec les Tsiganes ?Je les respecte et les admire toujours autant. Je garde des liens forts avec certainesfamilles. Ce sont les derniers “sauvages”, les ultimes résistants.

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9DOSSIER DE PRESSE

ENTRETIEN AVEC

MATHIEUPERNOT

Extraits de la bibliographiede Mathieu Pernot– Le grand ensemble,

Le Point du Jour éditeur,2007

– Hautes surveillances,Actes sud, 2004

– Un camp pour les bohémiens,Actes sud, 2001

– Tsiganes, Actes sud, 1999

Page 11: PEUPLE TSIGANE - cache.media.education.gouv.fr · Une culture méconnue Souvent victimes des préjugés, de la peur ou tout simplement de l’ignorance des sédentaires, les Tsiganes

VISITES COMMENTÉES– Samedi 30 juin, 8 septembre à 15 h.– Samedi 6 et dimanche 7 octobre à 15 h.– Samedi 17 et dimanche 18 novembre à 15 h.– Samedi 1er et dimanche 2 décembre à 15 h.

Sur réservation au 04 78 72 23 11

JOURNÉES DU PATRIMOINESamedi 15 septembreMusique tsigane, concert acoustique du quartet Chez NonoDans la cour du Centre Berthelot. Entrée libre.

CONFÉRENCESVendredi 1er juin Dans le cadre du Festival du 6e continent sur les Roms, organisé par l’association Aralis.Intervention d’Isabelle Doré-Rivé et Mathieu Pernot.

Jeudi 15 novembreConférence à quatre voix avec Mathieu Pernot (photographe), Henriette Asséo et Marie-Christine Hubert (historiennes) et Emmanuel Filhol (maître de conférences àl’Université de Bordeaux i).Au CHRD.

Sous la direction d’Isabelle Doré-Rivé, directrice du CHRD Commissariat : Marie-Clothilde MeillerandPhotographie : Mathieu Pernot, photographeProduction : Marion Vivier, Jean-Louis BegonCommunication : Magali LefrancGraphisme : Agnès Buatois

Peuple tsigane. Le silence et l’oubliExposition présentée du 21 juin au 9 décembre 2007,dans la galerie d’exposition temporaire.

ACCÈSCentre Berthelot – 14, avenue Berthelot – 69007 LyonTram T2, station Centre BerthelotMétro A, station Perrache ou Métro B, station Jean MacéVélo’vParking, rue de Marseille

HORAIRESDu mercredi au vendredi de 9 h à 17 h 30Samedi et dimanche de 9 h 30 à 18 h.

TARIFSTarif normal : 4 a

Tarif réduit (étudiants, groupes adultes) : 2 a

Visite commentée : 3 a

Centre d’Histoire

de la Résistance

et de la Déportation

PEUPLE TSIGANE,

LE SILENCE ET L’OUBLI

Exposition du 21 juin au 9 décembre 2007

10DOSSIER DE PRESSE

AUTOUR DE L’EXPOSITION

INFORMATIONS PRATIQUES