Upload
serge-benaderette
View
215
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
4actualités
Actualités pharmaceutiques • n° 470 • Janvier 2008
Nouvellement
élu président
de la Fédération
des syndicats
pharmaceutiques
de France (FSPF),
Philippe Gaertner,
pharmacien d’officine
à Boofzheim (Bas-
Rhin), entend
conforter la position
du pharmacien
professionnel
de santé. Il s’explique
sur les évolutions
de l’exercice
pharmaceutique
qu’il juge nécessaires.
Actualités pharmaceutiques :
Quelles sont vos priorités
en tant que nouveau président
de la Fédération des syndicats
pharmaceutiques de France1 ?
Philippe Gaertner : Je souhaite tout d’abord faire évoluer le pharma-cien dans sa fonction de pro-fessionnel de santé et l’imposer comme maillon indispensable de la chaîne de soins. Il est beaucoup question d’accompagnement du patient pour une meilleure obser-vance thérapeutique, du maintien à domicile des personnes âgées, etc., évolutions que j’entends définir avec nos partenaires : patients, industriels du médica-ment et politiques.Mon autre priorité est d’obtenir une visibilité sur le devenir de la
pharmacie. La santé publique réclame une présence officinale au plus près des patients sur l’ensemble du territoire ; seule la répartition démogéographique peut l’assurer. N’est-il pas étrange que l’on cherche à déstabiliser l’accès au médicament en vou-lant libéraliser nos installations quand d’autres, pour ne citer que les médecins, réfléchissent à ins-taurer une présence aussi proche de la population que la nôtre sur l’ensemble du territoire ?À la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), nous sommes aussi parti-culièrement attachés à préserver le lien entre l’officine, le pharma-cien titulaire et le capital. Aussi récusons-nous l’injonction de la Commission européenne qui l’attaque. L’entrée de capitaux extérieurs dans les officines les livrerait à des investisseurs ayant pour seul but la rentabilité. Miser sur le volume de vente de médi-caments pour l’obtenir n’étant guère possible, il ne resterait qu’à miser sur la concentration du réseau, ce qui va à l’encontre des intérêts de la santé publique.
AP : En limitant les possibilités
de création de nouvelles offi-
cines et de regroupements,
l’article 59 de la loi de finan-
cement de la Sécurité sociale
pour 2008 préserve-t-il votre
spécificité?P.G. : Nous restons le pays où le nombre de pharmacies par rapport au nombre d’habitants est le plus élevé. La logique des transferts permet d’accompa-gner les mouvements de popu-
lation, plutôt que de conserver des officines en surnombre dans des zones qui se dépeuplent. Quant à la réduction du nombre d’officines, le gel des licences pendant 5 ans me paraît de nature à la limiter car ce délai n’est pas suffisant économi-quement parlant pour valoriser la logique du regroupement.
AP : Auditionné par les députés
de la Mission d’évaluation et
de contrôle des lois de finan-
cement de la sécurité sociale
(Mecss) sur la franchise de
50 centimes d’euros par boîte
de médicament, vous avez indi-
qué qu’elle sera pénalisante.
Qu’en est-il exactement ?
P.G. : Même si elle ne sera pas prélevée au niveau de l’officine, la franchise aura un impact dissua-sif sur la consommation. Dans les 3 premiers mois de 2008, les patients se rabattront sur leur armoire à pharmacie. Ensuite, ils limiteront leurs achats.On pourrait, à tort, croire qu’étant de 0,50 euros par boîte, la fran-chise sur le médicament se situe dans la fourchette basse des franchises, qui peuvent se monter jusqu’à 2 euros dans le cas du transport sanitaire. Or, notre franchise sera la plus éle-vée de toutes. En effet, le nom-bre de boîtes délivrées étant en moyenne de plus de 4 par ordon-nance, on dépassera donc, sur le médicament, le plafond des 2 euros par jour auxquels se limitent tous les autres cas de franchise. Autrement dit, nos produits supporteront la part la plus élevée puisqu’ils dépasse-
ront la franchise maximale jour-nalière fixée sur tous les autres actes. J’ai du mal à comprendre pourquoi certaines franchises sont limitées et pas d’autres.
AP : Le plafond annuel des
50 euros ne sera-t-il pas plus
vite atteint, voilà tout ?
P.G. : Certes, mais dans ce cas, ce sera le médicament qui entraî-nera l’atteinte des 50 euros. Or, le traitement différentiel du médica-ment par rapport aux autres actes est injuste. Nos patients aussi trouveront injuste qu’une partie importante de la franchise soit supportée par le médicament.
AP : Comment réagissez-vous
à la question du passage
des médicaments délivrés
sans ordonnance devant le
comptoir ?
P.G. : Première chose : nous ne sommes pas demandeurs. Toutefois, la ministre Roselyne Bachelot-Narquin s’est large-ment positionnée en faveur d’un accès accompagné. Je ne suis donc pas dans une logique d’opposition puisqu’elle affirme sa volonté de conforter le mono-pole de l’officine. Cela m’appa-raît le plus important. Ensuite ? Cela dépend des décisions poli-tiques. Ne l’oublions pas, nous sommes dans un domaine qui relève à la fois de la profession de santé et du commerce. L’in-térêt, pour le patient, de dispo-ser d’un libre choix se conçoit. En tant que consommateur, ceci ne peut être contesté et, comme pharmacien officinal, je pense qu’on peut l’accompagner.
Entretien
Philippe Gaertner,
priorité à la santé publique
et à l’accompagnement des patients
© D
R
5 actualités
Actualités pharmaceutiques • n° 470 • Janvier 2008
À l’occasion de la tenue prochaine,
du 16 au 19 janvier 2008, à Paris,
des XVIIIes journées européennes
de la Société française de cardiologie
(SFC), le Pr Nicolas Danchin, président
de la SFC, a dressé un état des lieux de
la mortalité cardiovasculaire.
En France sont dénombrés, chaque année,
100 000 infarctus générant une hospitali-
sation, 120 000 angioplasties coronaires
et 25 000 pontages coronaires. Alors qu’en
2004, les hommes mouraient davantage de
tumeurs (34,5 %) que de maladies cardio-
vasculaires (28,4 %) et que, chez les femmes,
les maladies cardiovasculaires arrivaient en
tête (31,7 %) devant les tumeurs
(25,2 %), le bilan est positif puisqu’en
vingt ans, le nombre des décès relatifs à
une affection cardiovasculaire a décliné de
façon importante, passant de 444,9/100 000
en 1980 à 214,4/100 000 en 2004.
À ces résultats, plusieurs raisons et, notam-
ment, les progrès médicaux et la diminu-
tion de la consommation de cigarettes en
France. Pourtant, le développement de
“nouveaux” facteurs de risque cardiovascu-
laire préoccupe la communauté médicale.
La croissance du surpoids, qui concernait
28,5 % de la population française en 1997,
29,4 % en 2000 et 30,3 % en 2003, et de
l’obésité, qui touchait,
ces mêmes années, res-
pectivement 8,2 %, 9,6 % et
11,3 % des Français, est ainsi
particulièrement inquiétante, d’autant
plus que la part des patients cardiaques
souffrant d’obésité a parallèlement consi-
dérablement augmenté.
Le Pr Danchin conclut donc que, si « des progrès énormes ont été accomplis [...] beaucoup reste à faire et [que l’on] peut craindre à relativement court terme l’im-pact négatif des “nouveaux” facteurs de risque ». �
E.D.
Facteurs de risque
Actualités des maladies cardiovasculaires
© F
otol
ia/A
rtiso
las
AP : N’est-ce pas une brèche
dans laquelle les grandes surfa-
ces pourraient s’engouffrer ?
P.G. : Quel est l’intérêt aujourd’hui de mettre les médicaments en grande surface ? Le but est-il d’augmenter la vente des médi-caments ? J’ai cru comprendre que non. Et puis, ce n’est pas la grande surface qui dira au patient si l’achat de tel ou tel pro-duit n’est pas dans son intérêt.
AP : Dans son rapport sur le “low cost”, Charles Beigbeder, patron
de Poweo, propose d’instaurer
la concurrence sur les OTC pour
obtenir des baisses de prix2.
Selon lui, les officines n’auraient
pas à craindre une chute impor-
tante de chiffre d’affaires. Qu’en
pensez-vous ?
P.G. : J’ai beaucoup de mal à m’ap-proprier un rapport dont l’auteur n’a interrogé aucun professionnel de santé sur le point particulier du médicament. Quel crédit peut-on alors lui accorder ? C’est comme si, amené à faire un rapport sur la vente de médicaments, je me met-tais à parler électricité sans inter-roger les acteurs de ce secteur.
Ensuite, le fond du rapport est la logique du “low cost” qui repose sur le principe suivant : stimuler les ventes pour baisser les prix. Est-ce que la volonté d u p a y s e s t aujourd’hui d’aug-menter les ventes de médicaments ? S’il est répondu “non” à ce t te question, il n’y a pas lieu de rentrer dans une logique de “low cost”. C’est aussi sim-ple que cela. En définitive, il ne me paraît pas sérieux de parler du médicament dans un tel rap-port. Veut-on mettre des médi-caments à disposition entre les lessives et l’alimentaire ? Cela me paraît aberrant.
AP : Que pensez-vous de
la commission Attali sur la
libération de la croissance
française ?
P.G. : Là aussi, il y a matière à s’in-terroger. Est-ce que la libération de la croissance appliquée à l’officine passe par une augmentation des ventes ?
Je reste persuadé que l’officine est et restera un facteur de crois-sance. Les effectifs salariés ont augmenté depuis 10 ans alors qu’en volume, tel n’est pas le cas
pour l’activité. Cela signifie que, tant dans l’organisation interne qu’auprès du patient, le ser-vice rendu a gagné en efficacité. Peut-on faire plus ? Je suis prêt à étudier
ce genre de piste.Qu’est-ce qui permet d’aug-menter la croissance générale ? Entre autres, l’augmentation des salaires. Et bien nous y parti-cipons pleinement. Au regard d’autres domaines industriels, où le nombre de salariés diminue, nous sommes en phase avec la logique de croissance. Bien sûr, nous ne le serions plus si l’offi-cine voyait ses produits partir ailleurs. Que signifie la crois-sance sur un produit particulier comme le médicament ? Faire du volume ? Si tel devait être le cas, des risques seraient pris en termes de santé publique.
AP : Roselyne Bachelot-Nar-
quin a invité la Haute Autorité
de santé (HAS) à faire preuve
de « davantage de sélectivité dans la définition du panier de soins ». Cela annonce-t-il des
déremboursements ?
P.G. : Je crains que cela ne soit dans l’air du temps. Mais je pré-fèrerais que ce soit elle qui le dise. Là aussi, la question relève de choix sociétaux. Mais, on ne peut pas nier le déficit de la “sécu” que l’on ne saurait laisser à la charge des générations futures... �
Entretien réalisé par
Serge Benaderette
Journaliste, Courbevoie (92)
Veut-on mettre des médicaments à disposition entre
les lessives et l’alimentaire ?
Notes1. Philippe Gaertner a été remplacé
à la tête de l’UTIP, qu’il présidait depuis
novembre 2003, par Thierry Barthelmé
qui occupait auparavant la fonction
de secrétaire général.
2. “Le “low cost” : un levier pour le
pouvoir d’achat”. Rapport remis le 12
décembre 2007 par Charles Beigbeder à Luc Chatel, secrétaire d’État chargé
de la Consommation et du Tourisme.