9
PHILIPPE MANŒUVRE PRESENTE De JOHNNY à BB BRUNES 111 ALBUMS ESSENTIELS ROCK FRAN ÇAIS

PHILIPPE MANŒUVRE PRESENTE K NS20fran%e7ais_blad16p.pdf · une pochette ad hoc. Celle-ci est épatante, avec une photo en plongée, du balcon de l’Olympia, montrant Johnny poussant

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

PHILIPPE MANŒUVRE PRESENTE

DeJOHNNY

à BB BRUNES

111 ALBUMS

ESSENTIELS�

ROCKFRANÇAIS

0 0 2

du genre. Joey Greco, soliste recruté à NewYork comme son camarade bassiste, Ralph Di Pietro, mène le jeu. Le rythmique ClaudeDjaoui, de Marseille, et le pianiste suisse Marc Hemmler étaient déjà présents àl’époque des Golden Stars, le précédentgroupe de Johnny. Le batteur anglais, Bobbie Clarke, s’est fait connaître au sein des Playboys de Vince Taylor. Son jeuspectaculaire ne craint pas la flamboyance des solos de guitare ni la puissance de la voix.

Une large place est laissée aux morceaux deLittle Richard et de Chuck Berry. En français,“Forty Days” donne “Rien que huit jours” et gagne en urgence. “Johnny, reviens !”(“Johnny B. Goode”) fait allusion au départpour l’armée. L’introduction à la Berry, sicaractéristique, fait démarrer le disque sur les chapeaux de roues. Les paroles de “Aurythme et au blues” (“Roll Over Beethoven”)sont moins drôles que celles de “ReposeBeethoven” par Mitchell. (Et pourtant, ilappert, quelques décennies plus tard, qu’ellessont également dues à Monsieur Eddy !) “Ô Carole” (“Carol”) fonctionne à merveille,comme un boulet de canon. Le texte imaginépar la jeune Manou Roblin, responsable depresque toutes les adaptations, colle avec lamusique et Johnny se régale : Ô Carol/ Ne meregarde pas comme ça ! La fulgurante versiondes Stones, sur le premier album, est sortie enavril 1964, quelques jours avant ces séances…En revanche, leur “Susie Q” paraîtraplusieurs mois après la “Susie Lou” de

Al’été 1964, avant de partir sous lesdrapeaux, Johnny Hallyday relève le défi que lui a lancé son copain etrival Eddy Mitchell qui a présenté, en octobre 1963, un album

incandescent, In London, voué à douzeclassiques du rock’n’roll. Montrer que l’on esttoujours un pur rocker constitue pour les deuxhommes une question d’honneur, de fidélité àun engagement tacite. D’ailleurs, en parlantde véritable profession de foi, celui qui a rédigéles notes au verso de la pochette a bien saisi la dimension religieuse du projet (le texte est signé Johnny, mais on soupçonne Lee, son cousin par alliance, d’en être l’auteur).

Un album aussi glorieux se doit d’arriver sousune pochette ad hoc. Celle-ci est épatante, avecune photo en plongée, du balcon de l’Olympia,montrant Johnny poussant un cri primal, un bras tendu vers le public. Il est vêtu d’unensemble en jean dont les revers au pantalon,découvrant des bottes noires, donnent le tonaméricain et fifties qui convient. Le nom duchanteur n’est pas mentionné, pas la peine…En revanche celui du groupe l’est, et pour unebonne raison : c’est vraiment le disque d’uneéquipe soudée, en osmose. Alors qu’Eddy estallé enregistrer à Londres avec des musiciensdu cru, Johnny reste à Paris, fin avril-débutmai 1964 (six jours en tout) au studio Philipsdu boulevard Blanqui, et s’entoure desShowmen qui l’ont si bien accompagné lors de sa récente série de concerts parisiens – cedont témoigne Olympia 64, autre classique

JOHNNY HALLYDAY“JOHNNY, REVIENS ! LES ROCKS LES PLUS TERRIBLES”

Johnny ! Un indispensable salut au maître,Gene Vincent, est rendu avec “Franckie etJohnny”. Hallyday n’a jamais fait mystère de son admiration pour Presley et rentre dans “My Baby Left Me” (“Tu me quittes”)avec un naturel sidérant. Il retrouve troismorceaux qui figuraient déjà à son répertoireen 1959. “(Let Me Be Your) Teddy Bear” avait alors été adapté en “Ton petit ours en peluche”, supplique d’un dominé à samaîtresse. La mouture de 1964, “Celui que tu préfères”, est plus sage. “Party” (“Oh !Laisse-la partir”) était également interprétécinq ans auparavant, ainsi que “ReadyTeddy” (“Belle”). Même si d’autres versionspeuvent faire référence (on songe à Presleymais également à Vince Taylor), il s’agitévidemment d’un original du génial LittleRichard, tout comme “Sally” (Long TallSally”). Les soufflants – Jean Tosan au saxo et Yvan Jullien à la trompette – sont d’unetotale discrétion, à peine remarqués au coursde “Lucille”, qui doit plus aux frères Everlyqu’à son compositeur, Little Richard.Laissant derrière lui cette bombe sonique, le rocker part faire son service. Une mise au vert (kaki) qui lui laisse le temps decomposer les musiques de Johnny chanteHallyday, autre très beau disque, dignesuccesseur des Rocks les plus terribles.JEAN-WILLIAM THOURY

1964

0 0 5

C’est une forme de justice, l’authenticité finit par payer… Si les arrangements sontbrillants, c’est en grande partie grâce à untravailleur émigré, le guitariste noir américainMickey Baker qui, en studio, a déjà joué pour Screaming Jay Hawkins, Ray Charles,les Drifters, entre de nombreux autres toutaussi prestigieux. La voix de Ronnie se fonddans l’accompagnement, ce qui n’est pas sans rappeler le parti pris de certains groupes anglais de cette époque, et l’effet est enthousiasmant.

Le site américain allmusic.com définit RonnieBird, né Ronald Méhu en 1946, comme Thebest 60’s French rock singer. Pas moins. Cetteaccolade est probablement en grande partiedue à un excellent niveau général ; d’unechanson à l’autre, la qualité et l’énergie sontconstantes. La voix, juste et bien en place, sedouble parfois elle-même. Elle ne dramatisepas. Même dans les blues, quand les parolessont naturellement plus tristes, Ronnie saitrester en retrait, sans froideur mais avec unedistanciation chic, ne se départant jamaisd’une distinction vraie, l’une de sescaractéristiques principales. Il est plusmusicien que comédien. Nourri de rock anglo-saxon, il interprète à sa manière des airsimportés. Aux inévitables Stones, il emprunte« The Last Time » (« Elle m’attend ») et« Down Home Girl » (« Pour être à toi »),qu’avait créé Alvin Robinson. Comme euxfasciné par James Brown, il chante « Jevoudrais dire » d’après « I’ll Go Crazy »,également aux répertoires des Moody Blues,

Avec un peu d’expérience, on peut sans trop se tromper juger un albumà sa pochette. Ce n’est pas uneprovocation mais une réalité, et leRonnie Bird peut servir de parfait

exemple. D’abord, la coupe de cheveux.Toujours une indication capitale ! Ici, lafrange lissée sur les sourcils annonce sansambiguïté le fan de Brian Jones. Le petit pullen shetland sur la chemise à rayures blancheset roses trahit le Parisien dans le coup, stylebande du Drug. La pose devant un storevénitien indique une exigence d’esthète. Le regard par en dessous comme la cigarette sont des marques d’insolence… Conclusion ?Nous sommes en présence d’un rockermoderne et élégant. La manière dont son nomest imprimé, en grosses lettres noires, rappellele verso du premier Lp des Stones, qui sontainsi confirmés dans le rôle de référents.Pourtant, aussi parlant soit-il, le décryptagedu recto ne prépare qu’imparfaitement au choc que provoque la découverte du contenu, sa ferveur, son intensité !

Ronnie Bird a beau se présenter comme unartiste solo, sa manière est celle d’un chanteurde groupe. Ses orchestrations ne s’écartent pasde la formule magique guitare-basse-batterie,avec comme épices quelques interventionsd’orgue, de piano ou d’harmonica. Cettediscipline garantit un son uni, reconnaissabled’une plage à l’autre. C’est aussi, de surcroît,un passeport pour l’éternité puisque, comme ila été constaté à maintes reprises, la simplicitéest la meilleure arme pour affronter les ans.

RONNIE BIRD“RONNIE BIRD”

1964

des Kingsmen, de Zoot Money et des Standells.« Don’t Bring Me Down » des Pretty Things semue en « Tu perds ton temps » sans rienperdre de sa sauvagerie. Plus intéressé par lavaleur intrinsèque des morceaux de référenceque par leur placement dans le top, Ronnieaborde des thèmes relativement obscurs tels« Find My Way Back Home » des NashvilleTeens (« Tu perds ton temps ») ; « BlackNight » d’Arthur Alexander (« Tout seul ») ;« Sporting Life » de Brownie McGhee (« Mavie s’enfuit »)… Même internationalement,« Come On Back » est désormais plus célèbreen français (« Où va-t-elle ? ») que par lesHollies ! Mickey Baker apporte deuxcompositions, « Je ne mens pas » et « Ons’aime en secret » qu’agrémentent desinterventions de guitare fulgurantes sur temposurvolté. En ce qui concerne les textes, l’équipereste performante en s’appuyant sur ClaudeRighi, un auteur qui a parfaitement saisi lesrègles du jeu. De même que les lecteurs deDisco-Revue, le magazine français qui lesoutient à bloc, de même Ronnie garde unetendresse pour le rock des pionniers et salueavec une sincérité indubitable la mémoire deBuddy Holly par « Adieu à un ami »,judicieusement placé juste après une versionde « Love’s Made a Fool Of You » (« L’amournous rend fou »). Le tout forme un album vif,cohérent, fluide, intelligent, équilibré etsmart… Un album stylé ! La pochette nementait pas : nous sommes en présence d’unrocker moderne et élégant.JEAN-WILLIAM THOURY

0 0 6

omniprésent. En matière de rock stricto sensu,l’artiste n’ira jamais aussi loin qu’avec lefrénétique « Shu ba du ba loo ba » !

Trop occupé ailleurs, notamment par lacomédie musicale Anna, Gainsbourg attendjuillet 1967 pour faire sortir un nouveaudisque, réalisé à Londres avec David Whitaker.Les quatre titres ont une consonance anglaise.Pour le public rock français, le tempo dans levent, c’est alors celui du rhythm’n’blues façonStax. Cela n’a pas échappé à la sagacité deGainsbourg, qui l’adopte pour « Chatterton »(une liste de personnages qui se sont donné la mort), « Hold-up » (on n’y vole que desbaisers), « Torrey Canyon » (inspiré par lenaufrage d’un pétrolier, reportage écologiste etdirect à la manière de Dylan quand il proteste).Le titre principal du recueil, « Comic Strip »,bénéficie de la présence de Brigitte Bardot, qui se charge des onomatopées importées del’univers de la bédé : Clip, crac, shibann, paho, blop, wizz… Les quatre morceaux font,parallèlement, l’objet d’une belle productionsignée Georgio Gomelsky, avec des guitarestrop en retrait mais un généreux emploi del’orgue à la Brian Auger et des parties decuivre bien présentes. On découvrira ce travailen 1996, en bonus sur une réédition en CD.

Avec B. B., Gainsbourg enregistre ensuite un vrai duo, « Bonnie and Clyde ». Selon sonpropre aveu, Bardot, c’est la Rolls. De leurhistoire d’amour, il ne se remettra jamaistotalement et cela lui inspire les fameuses

Cet album est la réunion de trois super45 tours. En janvier 1966, Gainsbourgquitte définitivement les styles rivegauche, jazz et typique pour s’adonnerà la musique beat qui a permis

aux chevelus d’outre-Manche de conquérir laplanète. On est dans le coup ou on ne l’est pas.C’est ce qu’il exprime très bien dansl’emblématique « Qui est “in”, qui est “out” ».Lui a choisi son camp et le proclame à grandrenfort de guitare fuzzée ! Le texte multiplie les références à l’univers branché de l’époque,le Bus Palladium, club parisien dans le vent ;Barbarella, héroïne de bande dessinée incarnée au cinéma par Jane Fonda ; les P’tits Gars de Liverpool… Il a remplacé sonorchestrateur habituel, Alain Goraguer, par un Anglais, Art Greenslade, qui lui assure lesound voulu. Le tempo ne faiblit pas quandarrive « Marilu », première incarnation de laLolita que l’on retrouvera à maintes reprisesdans l’univers gainsbourien. Laisser Parispour Londres ne déplaît pas à celui qui sereconnaît snob, donc anglophile, notammenten ce qui concerne les cigarettes et les voitures.L’ambiance anglaise le pousse à se pencher surle cas du Docteur Jekyll. Comment ne pasreconnaître dans cette parabole le cas del’artiste lui-même, qui a tué sa premièreincarnation d’homme timide, complexé parson physique, pour devenir son contraire ? Les mots clés sont matraqués par des choristes à l’accent charmant, un procédé que Gainsbourg utilise à profusion. Sur larythmique alerte, l’orgue électrique est

SERGEGAINSBOURG“INITIALS B.B.”

« Initials B.B. ». La chanson est enregistrée à Londres avec l’aide d’Art Greenslade. Un reportage télévisé d’époque montreGainsbourg en studio, travaillant sur lamusique. Devant la caméra, il a soudainementl’inspiration pour cette fameuse orchestrationqui caractérise le morceau… Les férus demusique classique ont dû bien rigoler en levoyant ainsi manipuler son monde, ce qu’ilvient d’inventer étant tout simplement lepremier mouvement de la « Symphonie no 9 »Du nouveau monde de Dvorak ! Cette petite guignolade ne retire rien au génie deGainsbourg, qui a toujours su puiser à labonne source, au bon moment, avec undiscernement farouche et un savoir-faire plein de tact. Ne revendiquant ni authenticiténi crédibilité, il hume le vent de la mode ets’adapte en fonction sans pour autant passerpour un suiveur servile. Opportun plusqu’opportuniste. « Initials B.B. » sort en 45 tours, accompagné de trois autres r&b gainsbouriens, aux titres évidemmentbrittolâtres, « Bloody Jack » (sur un autremythe anglais, Jack the Ripper), « FordMustang » (la voiture convoitée par les jeunesgens dans le coup) et « Black and White » (unejolie fable contre le racisme). « Initials B.B. »connaît suffisamment de succès pour donnerson titre à un album composé des trois 45 toursen question. Ainsi réunis, ils constituent le disque le plus rock du grand Serge.JEAN-WILLIAM THOURY

1968

0 0 9

puissance phénoménale, leur architecture, leurapparence martiale et l’attitude provocatricedes Kobaïens (voir leurs tenues et leur manièrede saluer). Cette musique originale surgie denulle part, cet étrange rock qui ne ressemble àrien de connu, ses postures vaudront à Vander& Co des imprécations et des rejets violents,mais aussi un véritable culte voué par des adorateurs inconditionnels. On aimeMagma de façon absolue ou on le déteste. En 1971, la sortie de 1001° Centigrades élargitencore le cercle des admirateurs, mais c’estdeux ans plus tard, avec Mekanïk DestruktïwKommandöh, que le groupe gagne vraiment en notoriété et en popularité. Enregistré au Manor Studio de Virgin et aux studiosAquarium à Paris, le disque est produit parGiorgio Gomelsky, un des personnages les plusétonnants des scènes rock françaises et anglo-saxonnes. Il prit en charge un temps aussi bienla carrière des Rolling Stones que celles de SoftMachine et de Gong, managea et produisit lesYardbirds, Julie Driscoll… et créa plusieurslabels. En trois ans, la formation a beaucoupévolué, ce sera l’une des caractéristiques deMagma au fil des années, des dizaines demusiciens y ayant transité. Outre Vander,Lasry et Blasquiz sont toujours là. Sontarrivés : Claude Olmos à la guitare, JannikTop à la basse, Jean-Luc Manderlier auxclaviers, René Garber, clarinette et voix, etStella Vander (oui, la jeune chanteuse d’« Unair du folklore auvergnat » à l’heure du yéyé et femme de Christian) qui dirige les chœurs.On pourrait commencer la description desdifférents morceaux par « Hortz Fur Dëhn

Do werï wïsëhndo woraï. C’est par cesquelques mots de kobaïen, au-dessusd’un martèlement impressionnant etinquiétant, que démarre MekanïkDestruktïw Kommandöh, troisième

disque du groupe Magma, sans doute le plusabouti, le plus puissant, le plus dense et le plus célèbre. Mais qu’est-ce que le kobaïen ? Une langue inventée par le batteur, pianiste,chanteur et compositeur Christian Vanderlorsqu’il fonde Magma, en 1969, deux ansaprès la mort du saxophoniste John Coltrane,à qui il voue une admiration sans bornes. Cetteinvention d’un langage décrivant un univers descience-fiction lui permet de travailler encoreplus librement sur les sons et les rencontresmusicales que ne l’aurait autorisé le françaisou l’anglais. Batteur, il est fasciné par lesrythmes du compositeur russe Igor Stravinskyet par la scansion des chœurs monumentauxde l’Allemand Carl Orff. Il réunit donc unaréopage de musiciens exceptionnels, venus du rock et du jazz : Klaus Blasquiz au chant,Claude Engel à la guitare, François Cahen aupiano, Francis Moze à la basse et une sectionde cuivres avec Teddy Lasry, Richard Raux et Alain Charlery. Sous sa direction, ilsenregistrent, sur Philips, un premier et doublealbum simplement intitulé Magma, paru en1970. S’ensuivent d’innombrables concerts àtravers toute la France, en particulier dans lecircuit des MJC (Maisons des Jeunes et de laCulture). En ces temps de rock libertaire et decommunion avec le public, les prestationsscéniques de Magma atomisent les spectateurset les prennent à contre-pied par leur

MAGMA“MEKANIK DESTRUKTIW KOMMANDO”

Stekëhn West » et finir par « KreühnKöhrmahn Iss de Hündin », mais, en réalité,bien qu’il ait lui-même subdivisé son œuvre, on prend l’ensemble comme un bloc, unemétéorite en pleine gueule. On l’affronte avantd’être totalement submergé par les déferlantessonores et de s’y immerger. Toute résistanceest broyée par la force percussive insufflée par Christian Vander, batteur inégalable,presque sans équivalent dans le monde. Les voix, omniprésentes, sont elles-mêmesutilisées comme des percussions au milieud’instruments propulsés à des vitesses de plus en plus vertigineuses, à la recherche de la note suprême, peut-être ce longsifflement aigu qui précède le silence final.Personne n’en sortira indemne. Unique.Publié sur Vertigo, l’album bénéficieégalement d’une diffusion en Europe et auxÉtats-Unis, ce qui lui permet, au-delà desventes, qui restent relativement modestes, de seconstituer un réseau de fans un peu partoutdans le monde. Alternant périodes d’activité et mises en sommeil qui laissent du temps àChristian et à Stella Vander pour se consacrerà des projets parallèles, Magma est toujoursbien vivant, d’autant qu’avec la création de Seventh Records les fans accèdentrégulièrement aux nouveautés et à denombreuses archives. Enfin, assister à un concert du groupe (quelle qu’en soit la composition) reste aujourd’hui encore une expérience à ne pas manquer. PHILIPPE THIEYRE

1973

retrouve sa place de guitariste aux côtés d’unnouveau venu, Louis Bertignac. Benarroch est remplacé par Patrick Giani. Certainesprestations laissent une impression indélébilesur un grand nombre de spectateurs, comme celles de la Fête de l’Humanité ou duPavillon de Paris à La Villette. D’autres fois,cela se passe moins bien. Le chanteur joueparfois les rock stars agressives ou les divas, et il lui arrive alors de quitter la scène aprèsseulement quelques morceaux. Cependant, en général, ses shows énergétiques, à travers toute la France, lui valent d’élargirconsidérablement son public, d’autant qu’un nouvel et excellent opus, Irradié, en 1975, dans la lignée du précédent, conforte son image.Alors que Bertignac part fonder Téléphone,Higelin, de plus en plus en confiance, va prendre totalement en charge textes et musiques pour les disques suivants. Le rock s’y est adouci et le succès populairedevient de plus en plus considérable pourAlertez les Bébés, en 1976, et No Man’s Land, en 1978, avec des titres comme « Géant Jones », « Je veux cette fille », « Le Minimum », « Denise », « Pars »,« Banlieue boogie blues ». Même si, à partirdes années 80, le chanteur est revenu à uneapproche plus traditionnelle de la chanson,sans rien perdre de son énergie, BBH75 a profondément modifié le paysage à la fois de la chanson et du rock français, en faisant éclater les clivages.PHILIPPE THIEYRE

0 0 1 0

Jacques Higelin n’est pas vraiment unnouveau venu lorsque sort, en 1974, ceBBH75. Après avoir fait ses débuts dansle monde du spectacle comme acteur,il se tourne vers la chanson grâce à

ses rencontres avec le guitariste de jazz Henri Crolla, puis avec Pierre Barouh. Sespremiers enregistrements datent du milieu desannées 60 et sont principalement consacrés àBoris Vian, avant de prendre une voie plusoriginale en compagnie du percussionnisteAreski Belkacem et de la chanteuse BrigitteFontaine pour trois productions sur le labelSaravah. En dépit du (relatif) succès de titrescomme « Cet Enfant que je t’avais fait », il nejouit pas encore d’une énorme reconnaissancepublique, se situant au confluent de la chansonà textes, qu’on qualifiait à l’époque de rivegauche, et de l’underground, qui expérimentetoutes les formes de spectacle dans les annéespost-68, y compris dans des lieux inhabituels.S’impliquant à fond dans ces nouveaux modes de vie, il se retire un temps pours’immerger dans la vie communautaire.Pour son retour discographique, BBH75 est un titre qui désigne simplement les trois musiciens présents : Simon Boissezon,responsable de la plupart des musiques, à la basse et à la guitare, un ancien membredu groupe Crouille Marteau de Jean-PierreKalfon ; Charles Benarroch, passé par Zoo et bien d’autres, aux percussions, et JacquesHigelin au chant. Gravé dans les studiosPathé, ce disque marque un changementradical pour celui-ci, aussi bien dans le look,cheveux courts, maquillage et blouson de cuir,que musicalement, un trio de rock électrique

JACQUES HIGELIN“BBH75”

1974

en remplacement des cheveux longs, del’allure baba et des instruments acoustiques.S’agit-il d’une sensation de végéter dans un style qui s’essouffle ? Du triompheinternational du rock théâtralisé et urbain de David Bowie et de Lou Reed ? Ou de lafréquentation assidue de la bande de laCoupole avec Jean-Pierre Kalfon, l’acteurPierre Clémenti, Valérie Lagrange ? Quoiqu’il en soit le résultat est là. La premièrechanson, « Paris - New York, New York -Paris », dont les paroles évolueront au fil des concerts et des localités traversées, donnele ton et est suivie d’une pause à la structureplus proche de la chanson traditionnelle,« Cigarette », avant de repartir de plus bellevers le rock et des sonorités plus agressives,« Mona Lisa Klaxon » et « Chaud, Chaud,Bizness Show ». Rythmique de fer et guitarede feu, tout s’enchaîne sur un rythme binaireavec des intitulés coups de poing, « Est-ce que ma guitare est un fusil ? », « Œsophage-Boogie, Cardiac’blues », pour finir enapothéose sur « Boxon ». Les mots claquentcomme les sons, sans perdre leur sens. C’est làque résident la force et l’originalité d’Higelin,cette capacité à savoir jouer avec les textes, à les modeler pour les faire s’accorderpoétiquement, tout en les recrachant avecviolence au milieu d’un furieux mur du son.Le résultat des ventes du disque n’affiche pasde prime abord des chiffres record, mais lechanteur, qui a conservé ses contacts, entameune série de concerts qui attireront de plus enplus de monde. Le groupe s’est étoffé et prendl’appellation de Super Goujats : après unintermède Jean-Pierre Kalfon, Boissezon

0 0 1 3

démago. Quoi qu’il en soit, cette œuvre faitmouche. Elle se vend comme des petits pains,assurant aux quatre musiciens la pérennité deleur statut de rock-star. Le 5 novembre 1980,un double disque de platine leur est mêmeremis pour les 500 000 ventes de “Crache TonVenin”. C’est une grande première pour ungroupe de rock français. Grâce à eux, ce genredénigré va enfin pouvoir se réinstaller avecfierté dans le paysage audiovisuel hexagonal.Téléphone est plus qu’un simple groupe, c’estun phénomène qui incarne le renouveau d’unstyle, au même titre qu’un Jacques Higelin. Par la suite, Jean-Louis Aubert, LouisBertignac, Richard Kolinka et CorineMarienneau enregistreront de jolies choses(“Cendrillon”, “Le Jour S’est Levé”) mais plus jamais d’album conceptuel.Ils avaient au moins compris une chose, c’est que l’on ne peut rester jeune toute sa vie.Les velléités anarchisantes des Métal Urbain,Guilty Razors, Stinky Toys, Asphalt Jungle etautres groupuscules sont tuées dans l’œuf par un clown belge. Plastic Bertrand, uneépingle de nourrice habilement plantée à sa joue gauche, incarne aux yeux du grandpublic l’esprit de révolte censé animer le rock.Les Téléphone, de leur côté, récoltent le travail de défrichage de ce mouvement. Leur rhythm’n’blues aux réminiscencesstoniennes séduit la classe adolescente, celle qui achète les disques, et leur premier 33 tours est le seul à véritablement marquerde son empreinte cette année-là. Deux ans plus tard, le 2 avril 1979 très exactement,

En 1977, le punk français est mort. Les velléités anarchisantes des MétalUrbain, Guilty Razors, Stinky Toys,Asphalt Jungle et autres groupusculessont tuées dans l’œuf par un clown

belge. Plastic Bertrand, une épingle denourrice habilement plantée à sa joue gauche,incarne aux yeux du grand public l’esprit derévolte censé animer le rock. Les Téléphone,de leur côté, récoltent le travail de défrichagede ce mouvement. Leur rhythm’n’blues auxréminiscences stoniennes séduit la classeadolescente, celle qui achète les disques, et leurpremier 33 tours est le seul à véritablementmarquer de son empreinte cette année-là.Deux ans plus tard, le 2 avril 1979 trèsexactement, paraît leur deuxième opus,intitulé “Crache Ton Venin”. Devenus lesporte-parole d’une génération, leurs refrainsvont faire le tour des cours de récréation. Fautdire que les médias sont déjà entièrementacquis à leur cause et que le public est devenufidèle à la moindre de leurs apparitions. MêmeJacky Berroyer leur consacre un livre,“Rock’n’Roll Et Chocolat Blanc”, et Jean-Marie Périer un film, “Téléphone Public”. Lethème général de cette livraison tourne autourdes problèmes de la puberté, ce mal de vivreque l’on ressent à quinze ans, lorsque le coconfamilial devient par trop étouffant. “Mets tespatins, r’tire tes chaussures/ Attention tesmains sur les murs/ Ne t’assieds pas sur lecanapé/ T’as les cheveux sales tu vas l’tacher/J’suis parti d’chez mes parents/ J’en avaismarre de faire attention” sonne un brin

TELEPHONE“TELEPHONE”

paraît leur deuxième opus, intitulé “CracheTon Venin”. Devenus les porte-parole d’unegénération, leurs refrains vont faire le tour des cours de récréation. Faut dire que lesmédias sont déjà entièrement acquis à leurcause et que le public est devenu fidèle à lamoindre de leurs apparitions. Même JackyBerroyer leur consacre un livre, “Rock’n’RollEt Chocolat Blanc”, et Jean-Marie Périer un film, “Téléphone Public”. Quoi qu’il ensoit, cette œuvre fait mouche. Elle se vendcomme des petits pains, assurant aux quatremusiciens la pérennité de leur statut de rock-star. Le 5 novembre 1980, un doubledisque de platine leur est même remis pour les 500 000 ventes de “Crache Ton Venin”.C’est une grande première pour un groupe derock français. Grâce à eux, ce genre dénigréva enfin pouvoir se réinstaller avec fierté dans le paysage audiovisuel hexagonal.Téléphone est plus qu’un simple groupe, c’est un phénomène qui incarne le renouveau d’un style, au même titre qu’un Jacques Higelin. Par la suite, Jean-Louis Aubert, Louis Bertignac, RichardKolinka et Corine Marienneau enregistrerontde jolies choses (“Cendrillon”, “Le Jour S’estLevé”) mais plus jamais d’album conceptuel.Ils avaient au moins compris une chose, c’estque l’on ne peut rester jeune toute sa vie.JEAN-WILLIAM THOURY

1977

le mot d’ordre de cet album foudroyant. L’air de rien, on le pose sur la platine, sans se douter... et ce n’est certes pas de la désinvolture qui saute à la gorge : une claque magistrale sur toute la ligne.Chacun a rechargé ses batteries dans son coin,laissé traîner ses oreilles dans différentesdirections, accumulé les flashes. Puis ils ont vidé leurs bagages, mis les trésors encommun, amalgamé les souvenirs individuelspour se recréer une mémoire collective et tout recracher en vrac : les soirs de cuite, les champs de bataille d’une fille à soldats, les cordes décapantes façon tribu US, une excellente reprise d’un morceau des Nus...Longue attente avant de recommencer, les guitares ont enflé. Le son aussi. Ça se bouscule comme un trop plein d’énergie,jaillit brut et violent comme le sang d’uneartère sectionnée, la fureur d’un torrent encrue, un flot de paroles et de décibels troplongtemps contenus. Les meilleures chansonsdu groupe, les plus abouties, sont ici alignées,qui prouvent un progrès constant et ajoutent à notre impatience d’entendre la suite.Toujours plus à l’Ouest. Dès le premier mini-LP, en 1987, la ligne d’horizon était toutetracée et depuis, les Bordelais n’ont cessé defixer la mer, les yeux tournés vers le NouveauMonde. C’est de là qu’est venu, par deschemins détournés, leur premier ange gardien,Théo Hakola, producteur et moteur, la mainsur les manettes et le coup de pouce vers unemaison de disques. La mer encore était là pour leur premier grand succès commercial et

Où veux-tu qu’je r’garde ?” Toujours plus à l’Ouest. Dès lepremier mini-LP, en 1987, la ligned’horizon était toute tracée et depuis,les Bordelais n’ont cessé de fixer la

mer, les yeux tournés vers le Nouveau Monde.C’est de là qu’est venu, par des cheminsdétournés, leur premier ange gardien, ThéoHakola, producteur et moteur, la main sur lesmanettes et le coup de pouce vers une maisonde disques. La mer encore était là pour leurpremier grand succès commercial et l’autrecontinent également, plus au sud, mais tousdeux par erreur, via un “Aux Sombres HérosDe L’Amer” transformé en “Sombrero De La Mer”. Qu’importe le lapsus, le succès,lui, n’avait rien d’une erreur. Plus dures à supporter furent les critiques injustes qui accompagnèrent l’album suivant, “Du Ciment Sous Les Plaines”, critiquess’attaquant aux paroles, par facilité et paresse.

Un accueil médiatique mitigé, comme pourcontrebalancer l’enthousiasme suscité par leprécédent. Une méfiance déniée en bloc par lepublic, plus chaleureux que jamais. Mais uneméfiance usante, comme les tournées troplongues et trop intenses. Autant d’éléments qui imposaient une pause. Né du doute ou de la confiance retrouvée, après une périodede silence ressemblant à s’y méprendre à unsplit, “Tostaky” remet les pendules à l’heure.Glissée au détour de la chanson homonyme,une petite phrase, “Soyons désinvoltes,n’ayons l’air de rien”, restera

NOIR DESIR“TOSTAKY”

l’autre continent également, plus au sud, maistous deux par erreur, via un “Aux SombresHéros De L’Amer” transformé en “SombreroDe La Mer”. Qu’importe le lapsus, le succès,lui, n’avait rien d’une erreur. Plus dures àsupporter furent les critiques injustes quiaccompagnèrent l’album suivant, “Du CimentSous Les Plaines”, critiques s’attaquant auxparoles, par facilité et paresse. Glissée audétour de la chanson homonyme, une petitephrase, “Soyons désinvoltes, n’ayons l’air derien”, restera le mot d’ordre de cet albumfoudroyant. L’air de rien, on le pose sur laplatine, sans se douter... Chacun a rechargéses batteries dans son coin, laissé traîner sesoreilles dans différentes directions, accumuléles flashes. Puis ils ont vidé leurs bagages, misles trésors en commun, amalgamé lessouvenirs individuels pour se recréer unemémoire collective et tout recracher en vrac :les soirs de cuite, les champs de bataille d’unefille à soldats, les cordes décapantes façontribu US, une excellente reprise d’un morceau des Nus... Longue attente avant derecommencer, les guitares ont enflé. Le sonaussi. Ça se bouscule comme un trop pleind’énergie, jaillit brut et violent comme le sangd’une artère sectionnée, la fureur d’un torrenten crue, un flot de paroles et de décibels troplongtemps contenus. Les meilleures chansonsdu groupe, les plus abouties, sont ici alignées,qui prouvent un progrès constant et ajoutentà notre impatience d’entendre la suite.JH.M.

1992

0 0 1 4

JOHNNY HALLYDAY / LES CHAUSSETTES NOIRES / LES CHATS SAUVAGES / LES PIRATES / LONG CHRISEDDY MITCHELL / FRANCOISE HARDY / RONNIE BIRD / HUGUES AUFRAY / LES CINQ GENTLEMEN /ANTOINE / JACQUES DUTRONC / SERGE GAINSBOURG / NINO FERRER /LES PROBLEMES / MAGMAVARIATIONS / ZOO / GERARD MANSET / MICHEL POLNAREFF / ANGE / TRIANGLE / DASHIELL HEDAYATDICK RIVERS / DYNASTIE CRISIS / RED NOISE / AU BONHEUR DES DAMES / ALBERT MARCŒUR /GONG /MAGMA / FRENCHIES / HELDON / HIGELIN / TELEPHONE / BIJOU / LITTLE BOB STORY / METALURBAIN /STARSHOOTER / THE DOGS / TAXI GIRL / LILI DROP / SERGE GAINSBOURG / EMMANUEL BOOZ /MARIE FRANCE / ELLI & JACNO / CHAGRIN D’AMOUR / TRUST / MATHEMATIQUES MODERNES / EDITHNYLON / STRYCHNINE / LES PLAYBOYS / ETIENNE DAHO / CHRISTOPHE / LIO / BASHUNG / KASPRODUCT / MARQUIS DE SADE / OBERKAMPF / BERURIER NOIR / LES SATELLITES / RITA MITSOUKOORCHESTRE ROUGE / ROCKIN’ REBELS / THUGS / OTH / LA SOURIS DEGLINGUEE / LA MANO NEGRALES NEGRESSES VERTES / LES VRP / LE CRI DE LA MOUCHE / CARTE DE SEJOUR / OUI OUI / PARABELLUMLES WAMPAS / JAD WIO / NOIR DESIR / KAT ONOMA / PASCAL COMELADE / MIOSSEC / PIGALLE / NTM /STEPHAN EICHER / SINCLAIR / LES SHERIFFS / FFF / M / TANGER / MANU CHAO / BERTRANDBURGALAT / AIR / DAFT PUNK / INDOCHINE / LOUISE ATTAQUE / PAUL PERSONNE / THUGS / NOONE IS INNOCENT / HELLBOYS / DIONYSOS / AS DRAGON / KATERINE / DANIEL DARC / PLASTISCINESULTRA ORANGE / TETES RAIDES / BURNING HEADS / EXTRABALLE / EIFFEL / DOLLY / PHOENIX /SEBASTIEN TELLIER / ARNO / IZIA / BB BRUNES...

DeJOHNNY

à BB BRUNES

111 ALBUMS

ESSENTIELS� ROCKFRANÇAIS