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Photographiesdecouverture:arrière-plan:©TomMerton/GettyImages;
bulles:Bogdanhoda/Shutterstock;plage:©MikhailStarodubov/Shutterstock;
chaussettes:©KseniiaPerminova/Shutterstock;milkshake:©KseniiaPerminova/Shutterstock;
hublot:©TylerOlson/Shutterstock;groupesurlaplage:©Merzzie/Shutterstock;
nuages:©irin-k/Shutterstock;ballons:©AndrekartPhotography/Shutterstock.
Photographiedel’auteur:©ZoeSugg.
Éditionoriginalepubliéeen2014sousletitreGirlOnlineparPenguinGroup,
PenguinBooksLtd,80Strand,LondonWC2R0RL,UK.
©2014,ZoeSuggTousdroitsréservés.
Pourlatraductionfrançaise:©2015,ÉditionsdeLaMartinièreJeunesse,unemarquedeLaMartinièreGroupe,Paris.
ISBN:978-2-7324-7067-2
www.lamartinieregroupe.comwww.lamartinierejeunesse.fr
CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.
Tabledesmatières
Copyright
Ilyaunan…
22novembre-Saluttoutlemonde!
Top10decequifaitangoisseruneadolescente:
Chapitre1-Aujourd’hui…
Chapitre2
15décembre-Ausecours!
Chapitre3
Chapitre4
Chapitre5
Chapitre6
Chapitre7
Chapitre8
17décembre-Peut-onselasserdesameilleureamie?
Chapitre9
Chapitre10
Chapitre11
20décembre-Affronternospeurs
Chapitre12
Chapitre13
Chapitre14
Chapitre15
Chapitre16
Chapitre17
Chapitre18
Chapitre19
Chapitre20
Chapitre21
Chapitre22
22décembre-Delapeuraucontedefées
Chapitre23
Chapitre24
Chapitre25
Chapitre26
Chapitre27
Chapitre28
Chapitre29
Chapitre30
25décembre-Croyez-vousàl’âmesœur?
Chapitre31
Chapitre32
31décembre-Peuimportelelieu,seulescomptentlespersonnes
Chapitre33
Chapitre34
Chapitre35
2janvier-BONNEANNÉE!
Chapitre36
Chapitre37
Chapitre38
Chapitre39
Chapitre40
Chapitre41
Chapitre42
Chapitre43
4janvier-Ducontedeféesàl’histoired’horreur
Chapitre44
Remerciements
ZoeSuggestnéeen1990.En2009,ellelancesachaîneYoutubesouslepseudonymedeZoella.Danssesvidéos,elleparledesavie,demodeetdebeauté.Lesuccèsestfulgurant:lachaînedeZoecompteaujourd’huiplusde6millionsd’abonnés!
Elle a remporté leCosmopolitanBlogAward, décernépar l’édition anglaise du célèbremagazineCosmopolitan,danslacatégorie«MeilleurBlogBeauté»en2011,puisdanslacatégorie«MeilleureBlogueuseBeauté»en2012.
ZoeSuggvitàBrighton,etGirlOnlineestsonpremierroman.
Jedédiece livreà tousceuxquiont rendusonexistencepossible.Aux internautesqui,de2009àaujourd’hui, se sont abonnés à ma chaîne YouTube et ont lu mes notes de blog. Merci pour votreincommensurablesoutien.Jen’aipaslesmotspourvousexprimertoutmonamour.Sansvous,celivreneseraitpasaujourd’huientrevosmains.
Ilyaunan…
22novembreSaluttoutlemonde!J’aidécidéd’ouvrirunblog.Monblog.Vousvousdemandezpourquoi?Parcequ’encemoment,j’ailatêtecommeunecanettedeCocaqu’onauraittropsecouéeetquiseraitsurle point d’exploser. Des milliers de pensées bouillonnent dans mon esprit, mais je n’ai pas assezconfianceenmoipourlesexprimer«envrai».Monpèrem’aconseillédetenirunjournalintime;d’aprèslui,ceseraitlemeilleurmoyend’exprimermesémotionsetmesidées,mêmelesplussecrètes.Ilpenseaussiqu’enmerelisant,plustard,jepourraiapprécier réellement mes années d’adolescence. Voilà qui prouve une seule chose : que papa acomplètementoubliécequec’estd’êtreunado…J’aiquandmêmetentélejournalintime.Auboutd’unepage,j’ailaissétomber.Voiciengroscequejeracontais:«Aujourd’huiilaplu,meschaussuressontbousillées.Jennyvoulaitsécherlesmaths,maisfinalementelleestvenue.Encoursdesciences,JohnBarrys’estenfoncéuncrayondanslanarineetasaigné.Ilnefaisaitpaslefier.Jen’aipaspum’empêcherderire.Bonnenuit.»OnestloindeBridgetJones!Enréalité,tenirunjournaloùjenem’adressaisqu’àmoi-mêmemesemblaitunpeuvain.J’avaisenviedesentirqued’autrespersonnespouvaientmelire.Voilàcequim’avraimentpousséeàtenterl’aventuredublog.Ledésird’avoirunendroitoùjepourraiécrirecequejeveux,quandjeveux,commejeveuxmaissurtout:enm’adressantàquelqu’un.Etqui,enmêmetemps,m’évitedemedemandersijepassepourunefillecoolouunepauvrecruche.Voilàpourquoimonblogestanonyme.Parcequejeveuxyêtrecentpourcentmoi.MonmeilleuramiWiki(cen’estpassonvraiprénom,biensûr,pourdesraisonsd’anonymat)ditque«secacherpourpouvoirêtresoi-même,c’estdel’ordredutragique-épique».Saufqu’ilnesaitpas,lui,cequec’estd’êtreuneadolescenteangoissée.
Parfois,jemedemandesilefaitd’êtreadolescenteneseraitpaslacausemêmedemonanxiété.Parceque,voyonsleschosesenface…jetraîneunsacrépaquetd’angoisses.
Top10decequifaitangoisseruneadolescente:1.Àl’adolescence,tuescenséeavoirunphysiqueparfait.2.Saufquec’estpilecemomentquechoisissentteshormonespourpartirenvrille.3.Etque,ducoup, tu traverses l’ère laplusboutonneusede tavie(cequi rend irréaliste lepetit1decetteliste).4.Adolescente,tueslibredefairetesproprescoursesetdoncd’acheterpleindechocolat(cequinefaitqu’empirerlepetit3).5.Dujouraulendemain,toutestesfringuessontscrutéesàlaloupe.6.Ellesaussidoivent(donc)êtreparfaites.7.Surtoutquetuasintérêtàavoirunealluredetopmodel.8.Puisquetuteprendsenselfietouslesjours.9.…Selfiequ’ilfautaussitôtpostersurlesréseauxsociauxpourquetestenuessoient,donc,scrutéesàlaloupe.10.Tudoisplaireàtouslesgarçonsquetucroises(malgrécequiaétécitéenpetits1,2,3,4,5,6,7,8et9).Pfff…Monrêvesecret, je l’avoue,ceseraitd’apprendrequetouteslesadolescentespensentetressentent lesmêmeschosesquemoi.Peut-êtrequ’alorsonpourrait,ensemble,arrêterdejouercettecomédieetêtreenfinnous-mêmes.En attendant ce jour béni, je vais déjà tâcher d’êtremoi-même sur ce blog. J’y raconterai ce quimechante…etj’adoreraisquevous(quiquevoussoyez)enfassiezautant.Onseraicientrenous,ceseranotre petit coin de web, un endroit où il est permis de parler de ce qu’on ressent vraiment en tantqu’adolescente.Sinon, je suis égalementpassionnéedephotographie. J’aime lacapacitéqu’ont lesphotosde fixer lesmomentsheureuxpourl’éternité…lessublimescouchersdesoleil,lesfêtesd’anniversaire,lescupcakescouvertsdeperlesdesucre…Surceblog,jeposteraidoncbeaucoupd’images…saufdesselfies,biensûr,pourdesquestionsd’anonymat!TVoilà.Mercidem’avoirlue.N’hésitezpasàmefairepartdevosremarquesci-dessous,danslazonedecommentaires.
GIRLONLINE.
Chapitre1Aujourd’hui…
Elliot:Penny!Devinequoi:Shakespearen’apasécrittoutessespièceslui-même!Dingue,non?
Je soupire en lisant le SMS d’Elliot.Voilà trois heures que j’assiste à la répétition deRoméo etJuliette (trois heures de ma vie que je ne récupérerai jamais…) pendant que mon meilleur ami mebombardede textossurShakespeare.C’estsympa, ilessaiedemedistrairemais, franchement :quiçaintéressedesavoirqueShakespeareaétébaptiséen1564etqu’ilavaitseptfrèresetsœurs?
—Penny,peux-tuprendreunephotodeJuliettesepenchantàlafenêtredesacaravane,s’ilteplaît?—Oui,monsieurBeaconsfield,jerépondsenattrapantmonappareil.JeffBeaconsfieldestnotreprofdethéâtre.Ilfaitpartiedecesenseignantsquirêventd’êtrecopains
avec leursélèves ; alorspour fairecool, il severseunpotdegelchaquematin sur la têteet réclamequ’on l’appelle par son prénom. C’est lui qui a décidé que notre version de Roméo et Juliette sepasseraitdansunquartierchauddeBrooklyn,etquelefameuxbalcondeJulietteseraitremplacéparuneroulotte.Megan,mameilleureamieaucollège,estfandeM.Beaconsfield…quileluirendbienenluiconfianttouslespremiersrôles.Moi,jetrouvecetypeunpeubizarre:jenecomprendspasqu’unprofpassesontempsàtraîneravecdesados.Pourquoinesecontente-t-ilpasdenoterdescopies,destresseravantuneinspection,etdeboireducaféensalledesprofs?
Jemontel’escaliermenantàl’estradeetm’accroupisauxpiedsdeMegan.Sursatête:unecasquetteportantl’inscription«SWAG»et,àsoncou,auboutd’unechaîne:unénormependentifdoréenformededollar.Croyez-moi:pourrienaumondeellen’accepteraitdesemontrerailleursdansunetelletenue!VoilàquienditlongsursonadorationpourM.Beaconsfield.
Jem’apprêteàprendrelaphotoquandMeganmesouffle:—Faisgaffeàmonbouton.—Hein?—Monboutonsurlenez.Jeneveuxpasqu’onlevoiesurlaphoto!Jeme décale à droite, et je zoome.De ce côté-ci l’éclairage n’est pas parfaitmais, aumoins, la
pustuleestcachée.Clic!Jemedépêcheensuitederevenirsurmespas.Enquittantl’estrade,jejetteuncoupd’œilàlasalle.Touslessiègessontvides,saufceuxdeM.Beaconsfieldetdesesdeuxassistants.Jesoupiredesoulagement.Jenesupportepasdememontrerenpublicetjen’aijamaiscomprisceuxquiaimentgrimper sur scène.Rienqu’ypasserencoupdeventpourprendreunephoto, çamemetmalàl’aise.
—Merci,Pen,ditM.Beaconsfieldalorsquejedescendslesmarches.C’estuneautredeshabitudesinsupportablesde«Jeff»:ilnousappelleparnosdiminutifs.Montéléphonebipeaumomentoùjerejoinsmonpetitcoinàl’écart.
Elliot:Àl’époquedeShakespeare,lerôledeJulietteétaitjouéparunhomme.IlfautquetudisesçaàOllie!J’imaginedéjàsatête☺
JelèvelesyeuxversOllieetlesurprendsentraindedévisagerMegan.—«Maisquellesoudaineclartéresplenditàcettefenêtre?»déclame-t-ilavecunfauxaccentnew-
yorkais.Jesoupire.Lecostumed’OllieabeauêtreencoreplusridiculequeceluideMegan–ilal’aird’un
SnoopDoggdesecondezone–,iln’enrestepasmoinscraquant.ElliotdétesteOllie. Il le trouvesuperficielet l’amêmesurnommé le«SelfieAmbulant» ;àvrai
dire,illeconnaîtàpeine.Elliotvadansuncollègeprivéetn’arencontréOlliequedeuxoutroisfois,parhasard,àlaplageouenville.
—Jenedevraispasêtresurlaphoto,moiaussi?questionnecedernier,aprèssonmonologue.Ilaprononcécesmotsavecsonpseudo-accentaméricainqu’ilnelâcheplusdepuisqu’ilaobtenule
rôledeRoméo.D’aprèslui,ceseraitunetechniqueutiliséeparlescomédiensdel’ActorsStudio.—Biensûr,Ol,répond«Appelez-moi-Jeff»avantdemefairesigne.Pen,s’ilteplaît?Jeposemontéléphoneetremontelesmarchesd’unpasrapide.—Prendsmonmeilleurprofil,mesouffleOllie.—Pasdeproblème.C’estlequel,déjà?Desoussacasquetteauxinitiales«N.Y.C.»cousuesdediamantsnoirs,Gangsta-Roméomefusille
duregard.Jerougisetajoute:—C’estpasévident…Tesdeuxprofilsm’ontl’airtrèsbien,àmoi…Lesolsedérobesousmespieds.Quelleréponsestupide!Çanetournevraimentpasrond,dansma
tête!Heureusement, Ollie se déride. Il sourit, ce qui, aussitôt, lui donne l’air beaucoup plus sympa et
accessible.—Monprofildroit.—Tadroiteoulamienne?—Dépêche-toi,Pen!lanceM.Beaconsfield.Onnevapasypasserlajournée!—Madroite,biensûr,répliqueOllieavecuncoupd’œileffaré.Jefaislaphoto,lesjouesécarlatesetsanslemoindreréglage.Puisjedégagevitefait.Larépétitiontoucheàsafin–j’aieuletempsd’apprendre,entre-tempsettoujoursgrâceàElliot,que
Shakespeares’étaitmariéàdix-huitansetqu’ilavaitécrittrente-huitpiècesentout.Toutelatroupedécided’allerboireunmilkshakeauCaféJB.Quandnousarrivonsaufrontdemer,Olliemerattrape.—Hey,çava,poulette?medemande-t-ilavecsonfauxaccentaméricain.—Euh,çava,merci…Ilestencoreplusbeausanssoncostume.Sescheveuxblond-surfeursontébouriffésjustecommeil
faut,etsesyeuxsontbleuscommelamer.Pourtoutdire,Ollien’estpasvraimentmonstyle–unpeutroplisse, tropparfait–maisc’est tellement rareque lebeaugosseducollèges’intéresseàmoique jenepeuxm’empêcherdemesentirtroublée.
—Jemedemandais…,commence-t-ilavecunsourire.J’imagineaussitôtcequivasuivre:«…Cequetuaimesfaireendehorsdubahut?…Pourquoijene
t’avaispasremarquéejusqu’ici?…Situvoudraisbiensortiravecmoi?»—…Situpourraismemontrerlaphotoquetuasprisetoutàl’heuresurscène?Pourvérifierqueje
suisbien,dessus.—Ah…euh…oui.Pasdeproblème.Jetelaferaivoiraucafé.
Etsurcesmots,jemanquedemevautrerdansuntrou.Pasungrostrou,maisunaccroctoutdemêmeassezprofondpourmefairetrébucheretmedonnerl’airaussidistinguéqu’unedecesfillesqu’onvoit,ivresmortes,arpenterlesruesdeBrightonlevendredisoir.S’ilyaunechosequejedéteste,danscetteville,c’estbiença:lachausséecribléedetrous,dontl’uniqueraisond’êtreestdevousfairetomberaupiremoment. Je parviensmiraculeusement àmasquermon faux pas en esquissant un geste faussementdécontracté.
AuCaféJB,jem’installetoutaufond,surlabanquette,etOllieserueàmoncôté.D’uncoupd’œil,jerepèrelaminecrispéedeMeganetmesens,instantanément,fautive.Cettefillealedondemefaireculpabiliser…
Jedétourne les yeux et les promène sur les décorationsdeNoël habillant la devanture. Il y a desguirlandes rougesetvertes, etunPèreNoëlmécaniquequi lancedes«Ho !Ho !Ho !» sonoresauxpassants. J’adore Noël ; c’est la période la plus apaisante de l’année. Après plusieurs secondes, jeramènemonregardverslatable.Soulagement!Meganestmaintenantfocaliséesursontéléphone.
Uneidéedenotedebloggermedansmonesprit–mesdoigtstressaillent.Lavieaucollègeressembleàunevastecomédie,danslaquellechacunjoueunrôle.Endehorsdes
coursde théâtre,Olliene s’assiérait jamaisàcôtédemoi ; il serait auprèsdeMegan. Ilsne sontpasensemble,maisilsappartiennentaumême«rangdecoolitude».Megan,parexemple,netrébuchejamaisdanslarue.Ellesemblemenerunevieaérienneetsansembûches,avecsescheveuxbrunsetétincelants,sonvisageparfaitetseslèvresenculdepoule…
LesjumellesKiraetAmaras’installentprèsd’elle.Ellesontunrôlemuetdanslapièce,cequinediffèrepasdelamanièredontMeganlestraitedanslavraievie:commedesimplesfigurantes.
—Qu’est-cequejevoussers?demandelaserveuseens’approchantdenotretable,calepinenmain.Chacuncommandeunmilkshake–saufMeganquineboitquede l’eau–puisOlliese tournevers
moi.—Alors?Tumemontres?—Ahoui!Jesorsl’appareildemonsacetpasseenrevuelesimages.Quandsonportraits’affiche,jeletendsà
Ollie.—Cool…,commente-t-il,àmongrandsoulagement.Elleestbien!—Jeveuxvoir lamienne!s’écrieMeganenluiarrachant l’appareildesmainsetenappuyantsur
touslesboutonsàlafois.Je me raidis. Ça neme dérange pas de prêter mes affaires – j’ai même donné la moitié demes
chocolatsdel’Aventàmonfrère,Tom–maismonappareilphoto,c’estniet!Jenepossèderiendeplusprécieux.Cetobjet,c’est…monfiletdesécurité.
—Penny!s’alarmeMegan.Qu’est-cequec’estquecettehorreur!Ondiraitquej’aiunemoustache!Elleposebrutalementleboîtiersurlatable.—ATTENTION!jem’exclame.Meganmetoise,puisseremetàtripotertouslesboutonsdel’appareil.—Commentonfaitpoureffacercettehorreur?Cettefois,jeluiretirecarrémentl’objetdesmains–avecunpeutropdevigueurcarundesesfaux
ongless’ébrèche.—AÏEUU!Tum’ascasséunongle!—Ettoi,tuauraispuabîmermonappareilphoto.—Iln’yaquecestupideappareilquicomptepourtoi?!riposte-t-elle.Jen’ypeuxriensituaspris
unephotoaussimoche!«Etjen’ypeuxriensitum’asdemandédecachertonbouton!»estlarépliquequimevientaussitôt
àl’esprit,maisjegardelesilence.
—Montre-moiça,intervientOllie.Ilaàpeineposélesyeuxsurl’imagequ’iléclatederire.Meganmemitrailleduregardetjesensma
gorgesenouer…Unesensationfamilière,malheureusement.J’essaiededéglutir:impossible.Soudain,jemesensétouffée,emprisonnée,piégéedanscecafé.
Pourvuqueçanerecommencepas…J’aiuneboufféedechaleur,j’arriveàpeineàrespirer.Lesstars,enphotosurlesmurs,semblentme
fixer.D’uncoup,lamusiqueparaîtstridente,lerougedessiègesm’aveugle.Jenemecontrôleplus!Mesmainssontmoites,moncœurtambourine.
«Ho!Ho!Ho!»hurlelePèreNoëlmécanique,maissonriren’aplusriendechaleureux.—Jedoisrentrer…,jemurmure.—Etmaphoto?selamenteMeganenrejetantseslonguesmèchesenarrière.—Jevaisl’effacer,promis.—Tunefinispastonmilkshake?demandeKira.Jesorsquelquespiècesdemonporte-monnaieetlesposesurlatableenespérantquepersonnene
remarqueramongestetremblant.—C’estcadeau.J’avaisoubliéquemamèrem’avaitdemandédel’aideràfaireuntruc…Olliemefixe,lesyeuxronds,etjecroisliredeladéceptionsursonvisage.—Tuirasfaireuntourenville,demain?medemande-t-il,sousleregardeffarédeMegan.Jerépondsd’unevoixfaible:—Oui.Monvisagemebrûleetj’aitellementchaudquejevoisflou.Ilfautquejesorted’ici,oujevaistournerdel’œil.JedoisfairetousleseffortsdumondepournepashurleràOlliedemelaisserpasser.—Cool,répond-ilenglissantsurlabanquette.Àdemain,alors.L’unedesdeuxjumelles(laquelle,aucuneidée)medemandesijevaisbien,maisjeneprendspasle
tempsdeluirépondre.Jemeprécipitehorsducaféetmeretrouvesurlefrontdemer.Lecridesmouettesmeparvient,suivid’unéclatderire.Ungroupedejeunesfemmescheminedansmadirection,lesjambesbronzées et perchées sur d’immenses talons. Chacune arbore un tee-shirt rose-Barbie, malgré latempératureglacialedecemoisdedécembre,etl’uneporteunturbandepapiertoilette.Beurk…Voilàladeuxièmechosequejedétesteleplus,àBrighton:lesenterrementsdeviedejeunefillequis’ydéroulenttouslesweek-ends.
Jetraverselarouteetfileverslaplage.Leventestd’unfroidpolaire–exactementcedontj’avaisbesoin.Deboutsur lesgaletshumides, je fixe lamer jusqu’àceque lemouvementrégulierdesvaguesapaiselespulsationsdemoncœur.
Chapitre2
Trouversamèreenrobedemariéedansl’escalierenrentrantchezsoi,çapeutêtreinquiétant…Saufpourmoi–c’estmêmelaroutine!
—Bonjour,chérie,melance-t-ellequandj’entre.Quepenses-tudecettetenue?Elles’appuiecontrelarampe,lebrasouvert,seslonguesbouclescaressantsonvisage.Larobeest
magnifique:c’estunmodèleivoire,decoupeEmpire,brodéedepâquerettesendentelle.Maisjemesenstellementmalquejenepeuxqu’acquiescerd’unsignedetête.
— C’est pour un mariage dont le thème sera le festival de Glastonbury, explique maman endescendantlesmarchespourm’embrasser.Elleestbelle,non?Biendansl’esprit«champêtre»…
Sonparfumfleuriembaumelevestibule.—Moui…,jemarmonne,avecuneffort.Trèsjolie.—Jolie?Tuveuxdirequ’elleestsomptueuse,sublime…—Allons,cen’estqu’unerobe!l’interromptpapaensurgissantàsontourdansl’entrée.Ilm’adresseunsourirecomplice,accompagnéd’unhaussementdesourcilsetjeluirépondsd’unclin
d’œil. J’ai beau ressembler à ma mère physiquement, j’ai tout pris de mon père au niveau de lapersonnalité.Luietmoi,onestdespragmatiques.
—Comments’estpasséetajournée,Pen?medemande-t-ilenposantunebisesurmesdeuxjoues.—Bien…Jerêveraisd’avoircinqanspourmeblottirdanssesbras,etqu’ilmeliseunehistoire…—Commentça,«bien»?questionne-t-ilenm’observant,lespaupièresplissées.«Bien…bien»,
ou«bien…bof»?—«Bienbien.»J’aieumadosed’émotionspouraujourd’hui,inutiled’enajouter…—Penny, intervientmaman, s’admirant à présent dans lemiroir du hall d’entrée, pourras-tu venir
donneruncoupdemainaumagasindemain?—Oui.Quand?—Seulementdeuxheuresdansl’après-midi,letempsdumariage.Maman et papa dirigent une société qui s’occupe d’organiser desmariages à thème. Leur agence
s’appelleÊtreetaimer,etsesitueencentre-ville.Ilsontmontécetteaffairequandmamanamisuntermeà sa carrière de comédienne pour s’occuper demon frère et demoi. Elle se fait un devoir d’essayertouteslesrobesqu’ellevendàsesclientes…J’aitoujourspenséquec’étaitunvestigedesongoûtpourlescostumes.
—Ondînedanscombiendetemps?jedemande.—Dansuneheureenviron,répondpapa.Cesoir,c’esthachisparmentier.
Saspécialité!Jemerégaled’avance.Voilàexactementcequ’ilmefallait.Jemontedansmachambreenattendantl’heuredurepas.Aupremier,jepassedevantlachambrede
mesparents,puisdevantcelledeTom.Unrefrainderaps’enéchappe,etjesouris.Avantsonentréeàlafac,jedétestaislesgoûtsmusicauxdemonfrère…Maismaintenantqu’ilpasselaplupartdutempssurlecampus,jesuisheureused’entendredessonss’éleverdesachambre:çaveutdirequ’ilestrentrépourlesvacances.Enpassantdevantsaporte,jelance:
—Salut,Tom-Tom!—Hello,Pen-Pen!Ma chambre se situe au dernier étage.C’est la plus petitemais çam’est égal, parce qu’avec son
plafondmansardé et ses poutres, c’est aussi la plus confortable. Surtout, elle est si haut perchée que,depuislafenêtre,j’aperçoislaManche.Mêmequandilpleut,mêmeenpleinenuit,savoirquelameresttouteprochem’apaise.J’allumelaguirlandedeloupiotesquiencadremonmiroir,etdeuxbougiesàlavanille.Puisjem’assoissurmonlit.
Maintenantquejesuischezmoi,ensécurité,jepeuxrepenseràcequim’estarrivéauCaféJB.C’estlatroisièmefoisquejeviscegenredemalaise:lapremière,j’aicruàunphénomèneisolé;j’aimisladeuxièmesurlecomptedelamalchance.Maisauboutdetroisalertes…
Jemeglisse sousmacouetteet laissemoncorps se réchauffer.D’uncoup,une imagemeviententête : la tente de couvertures et de coussins que m’avait fabriquée ma mère quand j’étais petite…J’adoraism’yréfugier,avecunepiledelivresetunelampedepoche.Jepouvaisyresterdesheures!
Mespaupièressefermentquandtroiscoupsretentissentcontrelemurdemachambre.C’estElliot!Jemeredresseaussitôtetrépondsdelamêmefaçon:«Toc!Toc!»
Elliotetmoi,onestvoisinsdepuistoujours.Passeulementvoisinsdemaisonsmaisaussivoisinsdechambres–letop!Pourcommuniquer,onainventéuncode:troiscoupssignifient:«Jepeuxvenirtevoir?»;deux:«Oui,jet’attends.»
Jesautedemonlitettroquematenuedecourscontreunsurvêt.Elliotdétestelessurvêts.Ilrépèteàquiveut l’entendreque« l’inventeurde telleshorreursmérited’êtrependupar lespiedsà la jetéedeBrighton».Parcequ’ilfautledire:Elliotesttrèsportésurlamode…Paslegenre«fashionvictim»,maisplutôt«j’assortis-plein-de-vêtements-de-styles-différents-et-ça-fait-trop-cool».J’adoreleprendreenphotoavecsonlookdéjanté.
Laporteclaqueetjejetteunregarddanslaglace…Jesoupirededécouragement.Cettefois,cenesontpasmestachesderousseurquimedépriment(jelesdistingueàpeineàlalueurdesbougies)maismescheveux.Cen’estdéjàpasfaciled’êtrerousse–oud’aprèsElliot:«blondvénitien»…–,ilfautenplusque jemecoltineces immondesfrisottis.Jerenonceàmecoiffer.Après tout,Elliotnemejugerapas;c’estmonmeilleurami,etpuisilm’avuequandj’avaislagrippeetquej’aipasséunesemainesansprendrelamoindredouche!
J’entendsmamanéchangerquelquesmotsavecluidansl’entrée,etj’imaginedéjàlascène:àtouslescoups,Elliotesttombéenadmirationdevantsarobedemariée!Detoutefaçon,iladoremamèreettoutcequ’ellefait,etelleleluirendbien–commetoutemafamille,d’ailleurs.Sesparentsàluisontavocatsetilstravaillentnon-stop,mêmelesoiretleweek-end.Unefois,Elliotm’aconfiéqu’ilsedemandaits’iln’avaitpasétééchangéavecunautrebébéàlamaternitétellementilsesentdifférentdesesparents.Etc’est vrai qu’ils ne comprennent rien à leur fils… Le jour où il a fait son coming-out, son père arétorqué:«Çatepassera.»Commesiêtrehomoétaitunelubie!
Despasrésonnentdansl’escalieretlaportedemachambres’ouvre.—LadyPenelope!lanceElliot,toutsourire.Ilporteuneveste rayée,unpantalonàbretellesetdesConverse rouges–cequi,pour lui,estune
tenuedécontract’.
—LordElliot! jem’exclameenretour– jeprécisequ’onapasséleweek-enddernieràregarderDowntonAbbey.
Ilmefixeàtraversseslunettesstylesixties,etdéclaredebutenblanc:—Toi,yaquelquechosequinevapas!Àcroirequ’illitdansmespensées!Jejouenéanmoinslesincrédules:—Non,non,toutvabien…—Pen,tuasuneminededéterréeettuesensurvêt:cheztoi,cesontdessignesdedéprime.Ilmerejointsurmonlitetm’observed’unœilsoucieux.—J’ai…j’aieuunenouvellecrised’angoisse…—Quand?demande-t-ilenpassantlebrasautourdemoi.Etoù?—AuCaféJB.—Alors tout s’explique…, ricane-t-il.Moi aussi, cet endroitme fait flipper !Mais sans blague,
racontecequis’estpassé.Jeluifaislerécitdemacrise,etàchaquephrase,jemesensplusgênée.Avecdurecul,cetaccèsde
paniquesembleridicule…—Moi,réagitElliot,cequejenecomprendspas,c’estquetutraînesavecMeganetOllie.—Çan’arienàvoiraveceux…C’estmoi.Toutmestresse…Lapremièrefois,d’accord…Mais
maintenant?—Pourquoinepasenfaireunpost?Elliotestleseulàsavoirquejetiensunblog.—Tucrois?Lesujetestunpeuplombant…—Justement,etçat’aideraitàextérioriser!Sanscompterquecertainsdeteslecteursviventpeut-
êtrelamêmechose.Rappelle-toilafoisoùtuasparlédetamaladresse…C’étaitilyasixmois,j’airacontécommentj’étaistombéelatêtelapremièredansunepoubelleen
pleinerue,etmonblogestpasséde202à1000followersenunesemaine!C’étaitlapremièrefoisquej’avaisautantdepartagesetdecommentaires.
J’observeElliotetadmets:—Mouais,t’aspastort…Ilsouritetréplique:—ChèreLadyPenelope,votreLordn’ajamaistort.
15décembreAusecours!Saluttoutlemonde!Merci beaucoup pour vos commentaires sur mes dernières photos. Je suis ravie que vous appréciiezautantquemoilesbrocantesetautreslieuxoriginaux!Aujourd’hui,vousallezlireunenoteunpeudifférente…Ellen’étaitpasfacileàpartagerparcequ’elleconcernequelquechosedetrèstrèspersonnel.Lorsquej’aidémarréceblog,j’aipromisd’yêtre100%sincère, seulement jenesavaispasàcetteépoquequevousseriezsinombreuxà lesuivre–quand jepensequevousêtes5432àmelire…çamedonnelevertige!Maisj’aiconfianceenvous,etWikipensequeçameferaitdubiend’extérioriser,alorsjemelance.Ilyaunmois,j’aieuunaccidentdevoiture.Personnen’estmort(c’estleplusimportant!),n’empêchequej’aivécuundespiresmomentsdemavie.Jerentraisàlamaisonavecmesparents.C’étaitlesoiretilpleuvaitàverse.Lesessuie-glacesétaientaumax,maisçanechangeaitrien.Onseseraitcrusdansuntsunami.Onvenaitd’entrersurunequatrevoiesquandunevoiturenousacoupélaroute.Après,jenesaispasexactementcequis’estpassé,maisjecroisquemonpèreapiléetbraquélevolant,saufquelarouteétaittellementglissantequ’onaheurtéleterre-pleincentral…etlavoitureafaitplusieurstonneaux.Jusqu’àcejour,jen’aijamaisrienvudetel,àpartaucinéma.Saufque,danslesfilms,lestonneauxseterminent toujoursenexplosion.Jenepensaisdoncqu’àunechose:«Onvamourir!»Jecriaissansarrêt«MAMAN!PAPA!»,etjelesentendaism’appeleraussi.Maisj’étaisbloquéeàl’arrière,seule,piégéeetlatêteenbas.Heureusement,quelqu’unavaitassistéàl’accidentets’estarrêtépournousaider.Ilaappelélessecoursquisonttrèsvitearrivés.Despoliciersnousontramenésàlamaisonetonapassélerestedelanuittouslestrois,ausalon,àboireduthé.Aujourd’hui,cetépisodeestdel’histoireancienne.Mesparentsn’aimentpastropenreparler,etilsontachetéunenouvellevoiture.Tousceuxquisaventcequinousestarrivém’ontdit:«Heureusementqu’il
n’y a pas eu de blessé ! »Bien sûr, c’est le plus important…Mais le fait de ne pas avoir de plaiesvisiblesnesignifiepaspourautantquetoutvabien.C’estàl’intérieur,quej’aiétébroyée.Depuis cet accident, j’ai des crises d’angoisse. Quand une situation m’inquiète, j’éprouve la mêmesensation d’oppression que celle que j’ai ressentie dans la voiture. J’ai des bouffées de chaleur, jetremble et j’ai du mal à respirer. Ça s’est déjà produit trois fois, et j’ai tout le temps peur que çarecommence.Jesuisdémunie.J’espèrequevousnem’envoulezpastropdevousracontertoutça.Jeprometsdereveniràmessujetshabituels dès la semaine prochaine ; je mettrai aussi plein de photos de mon café préféré (Choc-Ouhlà!)!Mais,sicertainsd’entrevoussont,commemoi,victimesdecrisesd’angoisse,jelesinviteàcommenterci-dessous.Jesuispreneusedetoutconseiletdetouteastuce!Déjàquejedétiensletitrede«CatastropheAmbulante»,jemepasseraisbiendeceluide«StresséedeService»!Merci!
GIRLONLINE
Chapitre3
Le lendemainmatin, jeme réveille au cri desmouettes.Les rayonspâles du soleil d’hiver filtrent àtraversmesrideaux.Etc’estplutôtunebonnenouvelle!Cesdernierstemps,jemeréveillaistellementtôtquelejourn’étaitmêmepaslevé.
Elliotaraison–çam’afaitdubienderacontermonhistoiresurmonblog.Audébut,j’étaisunpeuanxieuse mais au bout de trois phrases, les pensées et les émotions que je gardais enfouies depuisl’accidentontjailli.J’étaistellementvidée,unefoislepostpublié,quej’aifermémonordinateuretmesuismiseaulit.
Jemefrottelesyeuxetmonregardarpentemachambre.Commeledisentparfoismesparentspourmetaquiner:«Àquoibonmettredupapierpeintdanscettepiècevuquechaquecentimètredemurestcouvertdephotos?»D’ailleurs,depuisqu’iln’yaplusdeplacesurlesmurs,j’accrochemesclichésàunesortedefilàlingeau-dessusdemonlit.LaplupartdesimagesmontrentElliotfaisant lepitreàlaplage. Il y a aussima photo préférée : celle demaman, papa et Tom, assis au pied du sapin àNoëldernier, chocolat chaud enmain. J’adore saisir ces petits instants de bonheur…C’est ce qui fait mapassiondelaphoto.
Dèsque j’allumemon téléphone,dix,vingt, trentenotifications retentissent. Je clique surmaboîtemail : toutes sont des commentaires surmon blog, postés pendant la nuit. J’ouvremon ordi, le cœurbattant.Mes lecteursm’ont toujours gratifiée d’adorables retours,mais à chaquenouvelle publication,j’aipeurqueleventnetourne.Ets’ilsn’avaientpasappréciémonpostd’hier?Ilsl’ontpeut-êtretrouvétropimpudique…outropgrave?
Monœilscannelapage:lesmots«merci»,«courageuse»,«honnête»,«amour»reviennentsanscesse.Ouf!Jeprendsuneinspirationetremonteaupremiercommentairepour lirechaquemessageenentier.Auboutdedeuxphrases,leslarmesmemontentauxyeux.Mercidepartagertonexpérienceavecnous…Ondiraitquetusouffresdecrisesd’angoisse.Jeconnaisça…Jepensaisêtreuncasisolémaisgrâceàtoi,jemesensmoinsseule…Jecomprendsquetuaiesétébouleverséeparcetaccident…Mercipourtasincérité.Tuastestélarelaxation?Bravod’oserabordercesujet.C’esttrèscourageux.
Lalistesedérouleet,plusjelis,plusjemesensentouréededouceuretd’amour.C’estréconfortant
de savoir que d’autres souffrent desmêmes problèmes.Ça prouve que je ne suis pas folle…Et qu’ilexistetoutessortesdetechniquespourallermieux!Enfinunpeud’espoir!
J’entendslaportedelachambredemesparents,puislebruitdeleurspassurlepalier.Jesourisenpensantàpapaquis’apprêteàpréparerletraditionnel«Petit-déjeunerduSamedi»–àtoujoursécrireavecdesmajusculesparcequec’estunévénementdelaplushauteimportance!Aumenu:œufs,bacon,troisdifférentessortesdesaucisses,pommesdeterresautées,tomatesaufour,letoutsaupoudréd’herbesaromatiquesetaccompagnédedélicieuxpancakes…Rienqu’àypenser,monventregargouille!
Jetapecinqcoupscontrelemur–lecodequiveutdire:«T’esréveillé?»Elliotréponddetroiscoups(«Jepeuxvenirtevoir?»).Maréponse:«Oui,jet’attends.»
Je soupire et mes épaules se détendent. Tout va s’arranger. Mes crises d’angoisse sont dues àl’accident, et elles s’estomperont progressivement. Bientôt, je redeviendrai moi-même. En attendant,placeau«Petit-déjeunerduSamedi»!
—Œufsbrouillésouauplat,Elliot?demandemonpère.Ilarboresatenuedecuistotdusamedimatin:unsweatàcapuche,unjeanetuntablierrayéblancet
bleu.—Brouilléscomment?Laquestionpeutsemblerbizarre,maispasquandonparledesœufsdepapa.Ilconnaîtcentrecettes
différentes,etlesmaîtrisechacuneàlaperfection.—Aujourd’hui,chermonsieur,répond-ilenjouantlesmaîtresd’hôtel,pourvotremeilleuragrément,
nousvousproposonsnotrespécialité:œufsbrouillésauxoignonsetfinesherbes.—Yes!s’exclameElliotenlevantlamainpourlechecker.Paparépliqueavecsaspatule.Elliot est en pyjama et robe de chambre en soie. Il paraît sorti tout droit d’un film des années
cinquante.Nemanquequelapipe!Jeme sers en jus d’orange quand Tom entre dans la pièce.Mon frère levé avant neuf heures, un
samedimatin,c’estLApreuvequele«Petit-déjeunerduSamedi»estunetueriequepersonnenesauraitlouper.Celadit,ilestlevé,eneffet,maisréveillé…c’estuneautrehistoire.
—Salut!jelance.—Hmmm…,marmonneTomens’affalantsurunechaise,etplongeantlatêtedanssesbras.—Ouhlà,intervientElliot,toiiltefautdelacaféine!Monfrèresoulèvelatêtejusteassezpourprendreunegorgéedecaféfumant.—Hmmm…,émet-ildenouveau,lesyeuxmi-clos.—Bonjourtoutlemonde!chantonnemamanensurgissantàsontour.Elle est déjà habillée car elle part ouvrir la boutique juste après le petit-déjeuner. Et, comme
toujours,elleestradieuse:unerobedroiteémeraude,parfaitementassortieàsesbouclesauburn.Moi,quandjeporteduvert,jeressembleplutôtàunsapindeNoël…
Ellefaitletourdelatableendéposantunbaisersurlatêtedechacun,saufpapaqu’elleembrassedanslecou.
—Tusensbon,monamour…,murmure-t-ilensecontorsionnantpourl’enlacer.Tom,Elliotetmoidétournons le regard.C’estsympad’avoirdesparentsquis’aiment tant, surtout
comparésàceuxd’Elliotquis’adressentàpeinelaparole,maisleursétreintessontparfoisgênantes…Aprèsunedernièrecaressesurlescheveux,mamans’assoitàmoncôté.—ToujoursOKpouraiderAndreaaumagasincetaprès-midi?J’acquiesce,puisdemandeàElliot:
—Çateditd’allerfairedushopping,cematin?Tom pousse un gémissement. Il déteste tout ce qui concerne le shopping et la mode – comme le
prouventl’horriblemaillotdefootorangeetlebasdejoggingrougequiluiserventdepyjama.Elliot,lui,accueillemapropositionavecjoie.Jeprofitedecetenthousiasmepourtirerunpeusurla
ficelle:—Etauxjeuxd’arcadedufrontdemer?—Jamaisdelavie!proteste-t-ilaussitôt.Mamanselèvepourprendredusiropd’érabledansleplacard,etElliotmesouffle:—Aufait,bravopourtanouvellenotedeblog!Tuasvutouslescommentaires?J’acquiesceensouriantfièrement.—Jet’avaisditqueçamarcherait…—Qu’est-cequimarche?demandemamèreenserasseyant.—Rien,rien…,jem’empressederépondre.—Mamontre,prétendElliot.Ellemarcheàmerveille.
Deuxheuresplustard,Elliotetmoisommesauxjeuxd’arcadedufrontdemer.— Franchement, s’agace-t-il, assez fort pour que je l’entende par-dessus lamusique électronique
criarde,jenevoispascequetutrouvesàcesjeuxdébiles!Ilsn’ontaucunintérêt!Je glisse deux centimes dans l’ouverture et, lesmains jointes, observe lesmouvements du plateau
chargédemonnaiede l’autrecôtéduPlexiglas. Ilvibremaisnecèdepassous lepoidsdespièces.Jepousseunsoupir.
—Ilsn’ontaucunintérêt!jeréplique.UnpeucommeMyspace…oucommelesfrites.Jeglisseunesecondepièceetchantonnedansmatêtepournepasentendre lacomplainted’Elliot.
C’estalorsqueleplateaubasculeet…jackpot!J’applaudislamonnaiequisedéversedanslebac.—Yeah!jem’exclameenserrantElliotdansmesbras,rienquepourl’agacerencoreplus.Ilafficheunairrenfrognémaisjevois,àl’étincelledanssonœil,qu’ilseretientdesourire.— Bravo…, fait-il tandis que j’écope l’argent. Il doit bien y avoir cinquante centimes en tout !
Qu’est-cequetuvasbienpouvoirfairedetoutecettefortune?—Mettremafamilleàl’abridubesoin,jerépliqueavecunfauxairsérieux.Puisjem’offreuneMini
décapotableetensuite,j’achèteunsensdel’humouràmonamiElliotWentworth.Ilfaitminedemetaper,etj’esquivesongesteenriant.—Allez,jelance,unpeudelèche-vitrinesdanslesLanesavantquej’ailletravailler!
LesLanessontmonquartierpréférédeBrighton–àpartlefrontdemer,bienentendu.Arpenterce
labyrinthe de ruelles pavées, jalonné d’échoppes pittoresques, c’est comme voyager deux siècles enarrière.
—Tusavaisquecettebrasseries’appelaitautrefoisLePoissonetlalivre?demandeElliotquandnouspassonsdevantunvieuxpub.
—LePoissonet le livre, je corrige, tout enobservantune fillequi s’avanceversnous (avec songrandchapeaudefeutreetsonpantalonàmotifs,elleaunlookd’enfer!).
L’enviemedémangedelaprendreenphoto,maistroptard,elleadéjàdisparu.—Non,paslelivre:lalivre,insisteElliot.Unelivreestuneunitédemesurequ’onutilisepourles
produitsdelamer.Çaremonteàl’époqueoùBrightonétaitunvillagedepêcheurs.Elliot est un vraiWikipédia ambulant – c’est même pour ça que je lui ai donné le pseudonyme
«Wiki»surmonblog.Jenesaispascommentilfaitpourretenirautantdechoses!Montéléphonebipe.C’estunSMSdeMegan.Aussitôt,jerepenseàcequis’estpasséhierauCafé
JB,etmoncœurbatplusvite.
Megan:Coucou!Toujourspartantepourcesoir?Bisous
J’avaiscomplètementoublié!Endébutdesemaine,jeluiavaisproposédevenirdormirchezmoi,comme quand on était petites. C’était àmoitié pour blaguer, àmoitié pour renouer avec notre amitiéd’avant,quandtoutétaitplussimpleetplusléger.
—C’estqui?—Megan,jemarmonneenespérantqu’iln’entendrapas.—Hein?Qu’est-cequ’elleveutencore?—Savoirsijesuistoujourspartantepourcesoir.—Ilsepassequoi,cesoir?—Jeluiaiproposédevenirdormiràlamaison.—Euh…Penny,jeterappellequetuesentroisième.Jerougis.—Oui,jesais.Jenepensaispasqu’elleaccepterait.—Alorspourquoiluiavoirproposé?—Jemesuisditqueceseraitsympa…—Pfff…,soupireElliot.Aussisympaquedemeretrouvercoincéunsamedisoiravecmesparents…
Ceàquoituviensdemecondamner!—Désolée…Jepasselebrassouslesien.Ilporteunmanteauenlainestyleseventies,bienchaudetbiendouillet.—Pasgrave.J’aiunexposéd’histoirepourlundi,çam’obligeraàm’ymettre.Tiens!Tusavaisque
cettebâtisse,là-bas,étaitautrefoisledispensairedeBrighton?Voilàpourquoi j’aimeElliot : ilne reste jamais fâchéplusde trois secondes.Si seulement tout le
mondeétaitcommelui!AlorsquenouspassonsdevantChoc-Ouhlà! un jeune couple sort du café, laissant s’échapperun
délicieuxparfumdecookies.—Ilmeresteunedemi-heureavantd’alleraiderAndreaàlaboutique.Ons’arrêtechezTicTacpour
boireunchocolatchaud?—Évidemment,quellequestion!répliqueElliotsansattendre.NouscheminonsversTicTacetentrons.C’esticiqu’onboitlemeilleurchocolatchauddeBrighton.
Pendantqu’Elliotvacommandernosboissonsetunepartdegâteauaucomptoir, jechoisisunetableetrépondsàMegan.Penny:Biensûr.Viensvers20h.Bises
Elliotnetardepasàmerejoindre.—Devinequoi…Ilsfontunnouveaucupcake:fraise-café!Jet’enprendsun?J’acquiesce.Mêmeaprèsun«Petit-déjeunerduSamedi»,ilmerestetoujoursdelaplacepourun
cupcake!Tandisquemonamiregagnelecomptoir,jemereculedansmachaiseetlaisselachaleurambiante
m’imprégner.Laporte s’ouvre alors, et un jeunehomme fait son entrée.C’estSebastian, le frère aînéd’Ollieetsurses talons…:Ollie.J’attrape lacartedesdessertset faissemblantdem’yabsorber.Envain.
—Penny!Je lève les yeux : Ollie est posté devant moi et m’observe avec un grand sourire… Son fameux
souriresupercraquant.
Ilprendplaceàmatablesousleregardglacialdesonfrèrequim’observedepuislaqueue.Sebastianadeuxansdeplusquenous,etc’estundesgarçonsdulycéelespluspopulaires–l’undesplusarrogantsaussi. Ila laréputationd’êtreunebêteentennis, ilamêmeremporté le tournoirégionalcetteannéeetraconteàtoutlemondequ’ilaaidéAndyMurrayàperfectionnersonrevers.
—Jeteprendsquoi?lance-t-ilàsonfrèred’untonsec.—Unmilkshakeauchocolat!—Sérieux?rétorqueSebastian,pleindemépris.Medispasquetuveuxaussidesperlesdesucre?!Ollieacquiesce.C’estlapremièrefoisquejelevoisaussigêné,etilmefaitunpeupitié.—T’esvraimentqu’ungamin…,rétorquel’autre,ensecouantlatête.—Bon,prends-moiplutôtunExpresso, répliqueOllie, les joues écarlates ; puis il se tournevers
moi:C’estdrôledesecroiser,Penny.JeviensjustementdedemandertonnuméroàMegan.—Vraiment?réponds-jed’unevoixridiculementhautperchée.Jetoussotepourrectifierletir.J’ajoute:—Pourquoi?C’estpire!Maintenant,j’aiunevoixd’homme!Siseulementjepouvaismecachersouslatablepour
masquermesjouescramoisies!—Parcequejevoudraist’inviteràdéjeunerdemain.Jeledévisage.Jedoisêtreentrainderêver…Jemepincesouslatable…unpeutropfort.—Aïe!Olliem’adresseuncoupd’œilintrigué.—Qu’est-cequisepasse?—Rien…Je…—Tut’esfaitmal?—Oui.C’était…euh…Je…Vite,vite!Trouveruneexcuse!—…Jemesuisfaitpiquer.—Piquer?Parquoi?—Euh…Parunepuce.NONONONONONON!—Pasunevraiepuce,bien sûr !Commesi j’avaisdespuces…Maisonauraitditunepiqûrede
puce,voilàtout…Jem’enfoncedansmonsiège,cequifaitgrincerlerevêtementencuir…Ondiraitunbruitdepet!—C’estpasmoi!jem’exclameaussitôt,c’estmachaise!Pourquoifaut-iltoujoursquejechoisisseLAchaiseaveccoussinpéteurintégré?!JeremuepourreproduirelesonetprouveràOlliequejen’aipaspété…Bienentendu,impossible
d’obtenirlemêmebruit.Olliemescrute.Puisilreniflel’air…Ausecours!Ilcroitvraimentquej’ai lâchéungazenplein
lieupublic!Etquej’aidespuces,enplus!Si seulement un astéroïde pouvait s’écraser sur le caféTicTac, là,maintenant, tout de suite…En
désespoirdecause,etsansmêmeregardermamontreoumontéléphone,jem’écrie:—Eh,t’asvul’heure!Ilfautquej’ailletravailler!Jemelèveprécipitamment.—Etpourdemain?demandeOllie.—Euh,oui,c’estd’accord,avecplaisir,onfixelerendez-vouspartexto.Enfindesparolesquimedonnentunairàpeuprèsdigne!Saufqu’enprenantmonmanteauetcelui
d’Elliot,jetrébuchesurlafrangedemonécharpeetm’effondresurlaserveuse.Lesverresdesonplateausefracassentsurlesol,etunsilencedemorts’abatsurlecafé.Touslesregardssebraquentsurmoi.
—Onfile!jesouffleàElliotenclopinantverslui.—Etnoschocolats?—Apportelemienàlaboutique.Casdeforcemajeure!Jeluilancesonmanteauetmeprécipitedanslarue.
Chapitre4
Monvisagecramoisimetdeuxbonnesheuresàretrouversacouleurnormale.Quandj’airacontémamésaventureàElliot,ilaéclatéderire.Selonlui,j’auraisdûdireàOllie:«Lesgaz,vauttoujoursmieuxqueçasorte!»
Ilnecomprendpas…C’estlapremièrefoisquejesuisaussiprèsdesortiravecungarçon.Jedoisêtrelaseulefillesurterreàdireaugarçonquiluiplaîtqu’elleadespucesetdesflatulences.
Installéeàlacaissed’Êtreetaimer,jesurveillelaboutique.Andreaestaffairéeavecunecliente,quipeineàsedéciderentreunmariage«Barbie»etunmariage«Cendrillon».Lefiancédelajeunefemmeestaffalédansunfauteuil,visiblementdégoûtéqu’onn’aitpasretenusonthème«Formule1».
Iln’estquequinzeheures,mais le soleilcommencedéjààdécliner.Dehors, lespassantsavancenttêtebaissée,luttantcontrelevent.Jenesuispasplusmalici,mêmesic’estpourtravailler;d’ailleurs,mesaprès-midisàÊtreetaimernesontpasvraimentdutravail.Mamanenafaitunlieuaussiravissantqu’agréableaveccesbougiesparfuméesetcettemusiqued’ambiancetrèsdouce.Leslégerscraquementsdudisqueenvinyleapportentunpetitplus,surtoutquandcesontdeschansonsd’amour.Impossibledesortirdenotreboutiquesansavoirdescœurspleinlatête…sauf,biensûr,quandonvientdedireàungarçonquinousplaîtqu’onadespuces.Etdesgaz.
Oubliecettehumiliation…Pourme changer les idées, je vérifie la vitrine.Maman en change toutes les deux semaines pour
mettreenavantlethèmedumoment.Actuellement,c’est«DowntonAbbey»,etlemannequinporteunerobeàcolcheminéeetlonguesmanchesendentelle.Labrochesembleunpeudetravers,alorsjegrimpederrière la devanture pour la repositionner. Quand jeme retourne, je constate qu’un couple est postéderrière moi, sur le trottoir. La jeune femme contemple la robe et, sur ses lèvres, je lis les mots :«Commec’estbeau!»
Jeretourneàlacaissequandretentitlelégercarillondelaporte.Lecoupleentredanslaboutique.—Jepeuxvousrenseigner?—Hello,répliquelafemmeavecunfortaccentaméricain.Cettetenueestmagnifique!Tousdeuxmesourientdeleursdentsdroitesetblanches.L’hommeenchaîne:—Vousfaiteslesmariagesàl’étranger?Ils’approche,etjesenssonparfum.Celan’ariend’unelotionaprès-rasagebasdegamme,comme
cellequeporteTom;c’estunesenteurpuissante,éléganteetépicée.Legenredefragrancequidoitcoûtercher…
Desmariagesà l’étranger?Bonnequestion…Mamanenadéjàorganisé,maisseulementpourdesamis.
—Vouspourriezmedonnerdesdétails?jedemande.
—NousdevonsnousmarieravantNoël,expliquel’homme,avantdepréciser:Oui,avantceNoël.C’est-à-dire la semaine prochaine. Sauf que la personne chargée de l’organisation nous a lâchés cematin…
—Ils’estenfuiaveclafiancéedesonderniermariage!s’exclamelajeunefemme.Jeréprimeunsourireetmecontentederépliquer:—C’esthorrible…—SurtoutquenoussommesvenusenAngleterrepournotretravail, ilnousestdoncimpossiblede
trouverunnouveauprestatairecheznous…Nousnousétionsrésolusàtoutannuler,etpuisnoussommestombéssurvotremagnifiquevitrine«DowntonAbbey».CettesériecartonneauxÉtats-Unis!
—Alorsonsedemandait,poursuitlefiancé,pourriez-vousprendrelerelais?Jem’empressederépondre:—Jesuislafilledeladirectrice.Ellen’estpaslàpourlemoment,maisjeluidiraidevousrappeler
dèsquepossible.—Trèsbien.Jem’appelleJimBrady.Voicimescoordonnées.Ilmetendunecartedevisiteautouchersoyeuxetauxlettresembossées.—Etmoi,jesuisCindyJohnson–futureMmeBrady.—Lasalleestdéjàréservée,biensûr,préciseJim,vousseriezdoncchargésdureste:ladécoration,
lestenues,lerepas…—NousnousmarionsàNewYork,àl’hôtelWaldorf-Astoria,expliqueCindy.Àsonairfier,jecomprendsquel’adresseestprestigieuse.—Unvraimariagedecontedefées!dis-jeavecunsourire.—Oh, j’adorecetaccentsobritish ! s’exclameCindyavantde se tournervers son fiancé.Chéri,
pouralleravecnotrethèmeDowntonAbbey,onpourraitéchangernosvœuxenprenantl’accentanglais!
—Pen!lancepapadèsquej’aipassélaportedusalon.Quelleestladifférenceentreunbabouinetunvoleur?
Tometluisontaffaléssurlecanapédevantunmatchdefoot.Ungrandboldepop-corntrônesurlatablebasse.Voilàcequisepassequandonleslaisseseulsàlamaison…
—Nerépondspas!suppliemonfrère.Tuleregretterasjusqu’àlafindetesjours!—Mais non, proteste papa en me faisant signe de venir m’asseoir. Penny partage mon sens de
l’humourtrèsfin!Il a raison, lui et moi avons le même sens de l’humour. En revanche, je n’aurais pas choisi la
qualification«trèsfin»…Jerépèteladevinette:—…Ladifférenceentreunbabouinetunvoleur?—Noooooon!sedésespèreTomenfourrantsatêtedansuncoussin.—Aucune,répliquemonpère,lesyeuxbrillants,parcequ’ilsonttouslesdeuxla«peaulisse»aux
fesses!Nouséchangeonsunregardavantdenousesclaffer.Unlonggémissements’élèvedesouslecoussin.Notrefourirepassé,papamedemande:—Alors,quoideneuf,aumagasin?—Riendespécial…Uneombrevoilesonregard.Laplupartdesmariagesontlieul’été,l’hiverestdonclasaisoncreuse.
Saufquecetteannée,elleestpluscreusequed’habitude…—Ahsi ! jem’exclamesoudainenmerappelant lavisitedesBrady.Uncoupled’Américainsest
venudemandersivouspourriezvousoccuperdeleurmariageàNewYork!—Vraiment?
—Oui,ilssontintéressésparlethèmeDowntonAbbey!IlsontprévudesemarieravantNoëlmaisleurprestatairelesalâchés.Ilestpartiaveclafiancéeduderniermariage…
Cettefois,c’estàTomd’éclaterderire.Laporteclaqueetlavoixdemamanrésonnedansl’entrée:—Ons’amusebien,ici,àcequejevois.Qu’ya-t-ildesidrôle?Iln’enfautpasplusàpapa:—Quelleestladifférenceentre…?—NON ! s’égosille Tom. Pas cette blague toute pourrie ! Écoute plutôt celle-ci : « Pourquoi un
coupled’Américainsa-t-ildûannulersonmariage?»Mamannousregardecommeunebandedefous.—Parcequeleurweddingplanners’estenfuiaveclamariée!—Qu’est-cequ’ilraconte?questionnemamère,mi-éberluée,mi-amusée.JeluiexpliquepourCindyetJim,sansoublierdepréciser:—Ilsontréservéunesalledansunhôtelappelé«Waldorf-Astoria».Mamanetpapahaussentlessourcils.—LeWaldorf-Astoria?—ÀNewYork…,ajoutemamère,lesyeuxrêveurs.JeluitendslacartedeJim.— Tu dois les appeler dès que possible. Je sais qu’on ne fait pas de mariages à l’étranger,
d’habitude,maisjemesuisditquetupréféreraisdécidertoi-même.J’espèrequej’aibienfait?—Ohqueoui,chérie,assuremamanenmeserrantcontreelle.Montéléphonebipeàcetinstant.
Elliot:Ladéprime…Monpèrevientdemedemandersij’aiuneCOPINE!Jevaisdevoiraccrocherunebanderolesurlepontonpourluifairecomprendre…Allez,bonnesoiréeavecMeg-arce!T
Jerépondssansattendre:Penny:Àcestade,c’estgrave!TudevraissuggéreràChoc-Ouhlà!debaptisersaprochainepâtisserie«Monsieur-Wentworth-votre-fils-est-gay».
Nouveaumessage.Maiscettefois,d’unnuméroinconnu:SalutPen,RDVàLuckyBeachdemainversmidi?Bise.Ollie.
Impossible de détacher mes yeux de l’écran. Ollie n’a pas été découragé par notre entrevuecatastrophiquechezTicTac?Ilveuttoujoursdéjeuneravecmoi?!!Moi,laCatastrophe-Ambulante-qui-se-fait-passer-pour-une-pestiférée-pleine-de-puces-et-de-gaz ! J’ai la sensation de planer…C’estmonpremierrendez-vousgalant!
Chapitre5
Lemeilleurremèdecontretoutejoieliéeaufaitquevousavezdécrochévotrepremierrencardest lavisiondevotremeilleureamieavachiesurvotre lit, l’airmaussade, le regarddans levide.Meganestarrivée il y a vingt minutes, et chaque phrase que j’ai prononcée a été accueillie par un haussementd’épaulesouun«nonmerci»pincé.Àquoibonvenirsic’étaitpourboudertoutelasoirée?Jecroisqu’ellem’enveutdeluiavoircasséunonglehierauCaféJB…
Jesuisvraiment stupidede l’avoir l’invitéeàdormir…Onn’aplusdixans !Meganetmoi,noussommesamiesdepuislepremierjourdecollège,quandleprofprincipalnousaplacéescôteàcôteencours demaths.Audépart, j’avais surtout peur de la solitude – j’étais persuadée que je neme feraisjamaisd’amisaucollège.Puisnotreamitiés’estdéveloppée.
MonmeilleursouvenirremonteàquandnousavionsdouzeansetqueMilo,monchien,estmort:dèsqu’elleaappris lanouvelle,Megana rappliquéchezmoi lesbraschargésdecadeaux,dontunpoèmeintituléPattesd’amouretunephotoencadréedeMilo.Elleétaitcommeça :affectueuseetgénéreuse.Puiselle s’estmiseau théâtreet toutachangé– surtoutquandelleaeusonpremier rôleà la télé.Etencore,«rôle»estunbiengrandmot…C’étaitunepubpourdelaSuperGlue.Megandevaitcollerdeuxboutsdecartonetsourireàlacaméraendisant:«LaSuperGlue,çamescotche!»Depuis,ellesecroitsupérieure à tout le monde – dont moi, bien entendu. Quand on est ensemble, j’ai tout le tempsl’impressiondepasserunentretienpourlejobdemeilleureamie,et j’aipeurdedonnerdemauvaisesréponses.Commeencemoment.
Meganbalaiemachambred’unregardmorneetsesyeuxseposentsurunedemesphotos.—Quelintérêtdephotographierunepierre?Mon estomac se serre. L’image représente un magnifique galet immaculé creusé de trois trous.
D’aprèsElliot,cesspécimensétaientutilisésautrefoiscommedesamulettes.—C’estunepierreporte-bonheur.—Enquoiporte-t-ellebonheur?questionneMeganavecunemoue.—Lespêcheursl’emportaientenmerpourrestersainsetsaufs.Ellericaneavantdeconclure:—Toi,Penny,t’esuneoriginale…D’habitude,j’aimebienêtrequalifiéed’«originale»,saufquandçavientdeMegan.Danssonesprit,
l’originalitéestlapiretaredumonde.J’aienviedelagiflermaisjemecanaliseenserrantuncoussin.Jenevaisjamaistenirtoutelasoirée…
—Sionsefaisaitunmasque?Ilmerestelepeelingàlafraisequ’onutilisaitavant…Megansecouelatêtepuis,d’uncoupdepied,ellejetteseschaussuresparterreets’étendsurmonlit.
—Qu’est-ce qui t’est arrivé, hier, au café ?me demande-t-elle, en examinant son ongle ébréché.Pourquoituétaissibizarre?
Vite,inventeruneexcuse!Je repense alors à mon post, et au bienfait d’avoir parlé de mes crises d’angoisse.Megan, elle,
ignoretoutdecequejevis…Ons’entendraitpeut-êtremieuxsij’étaisplushonnêteavecelle?Jemelance,aprèsavoirprisuneinspiration:—Tutesouviensdemonaccident,ilyaquelquessemaines?Elleacquiesce,intriguée.—Ehbien,depuiscejour,jefaisdescrisesd’angoisse.Jereviscequej’airessentidanslavoiture
etçamedonnedesboufféesdechaleur,jen’arriveplusàrespireret…—Jecomprendscarrément!m’interromptMegan.OnestàdeuxjoursdelapremièredeRoméoet
Juliette,etjesuistellementangoisséequejevaistoutrateràcoupsûr!—Maisnon,çavabiensepasser.Tuestop,surscène!— Tu trouves ? me demande-t-elle en levant vers moi son regard noisette. Je suis tellement
stressée…Etdirequetout lesuccèsdecettepiècereposesurmesépaules!Jeffm’aconfiéqueje luirappelaisAngelinaJoliejeune…C’estsympa,maisçamemeténormémentdepression…
—Toutirabien.Je suis envahie par l’amertume, la colère et la douleur. Encore une fois, elle a détourné la
conversationpourparlerd’ELLE!Alorsquejetentaisdeluiconfierquelquechosedegraveetd’intime!Enplus,ellecontinue:
—Heureusementquejem’entendssibienavecOllie.JeffnousacomparésàAngelinaJolieetBradPittquandilsjouaientdansMrandMrsSmith.C’estlefilmoùilssonttombésamoureux!
Ellemefixed’unœilinsistantetesquisseunrictus.—Tusais,Penny,Olliemeracontetout…J’aiunhaut-le-cœur.Elleestaucourant…—Alors,tusaispourdemain?Ellefroncelessourcils,sanscomprendre.—Demain?—Euh…on…onarendez-vouspourdéjeuner…,jebégaie,virantécarlate.Elleresteinterdite,maiss’efforcedegarderlesourire.—Vousavezrendez-vous?Oùça?—ÀLuckyBeach,versmidi.—Luiettoi?interroge-t-elle,commesic’étaitobscène.J’aienviedeluisauteràlagorge!Pourquoimameilleureamieest-elleincapabledeseréjouirde
monpremierrencard?!Iln’yaaucunejustificationpossible!Àmoinsque…—Tul’aimes,Ollie?jedemandedebutenblanc.Meganmetoise.—Biensûrquejel’aime.—D’amour?Meganbalancesescheveuxenarrièreetpousseunpetitrire.—Pasdutout!Ilestbientropjeunepourmoi!Jeladévisage,consternée.Quiestvraimentcettefille?
Chapitre6
Si leLivredesrecords créaitune rubrique :«Pire soiréepyjamade l’histoire», celled’hier soiryfigureraitenbonneplace.
Ce dimanche, je me réveille avant l’aube. Allongée dans le noir, je tente de communiquer partélépathieavecElliotàtraversnotremurcommun:
«J’aipasséunenuithorrible.»JetournelatêteetregardeMeganquidortprofondémentàl’autreboutducanapé-lit.Untitredepost
me vient à l’esprit : « Peut-on se lasser de sa meilleure amie ? » Aussitôt ma colère affleure,accompagnéed’unecertainetristesse.Jevoudraispouvoirrédigermanotelà,maintenant,toutdesuite,histoired’extérioriser.Commec’estfrustrantdedevoirattendre!Unefois,enpleincontrôledemaths,j’ai eu une idée de note géniale, sauf qu’en sortant de la salle, je n’arrivais plus à penser qu’à deuxlettres:xety.Impossibledemerappelermonidéegéniale…
Pourm’assurerdenepasoublierletitredemafuturenote,jemeréfugiesouslacouetteavecmontéléphone.Enl’allumant,jeconstatequ’Elliotm’aécritunSMSàminuit.Elliot:Commentçava,avecMeg-agaçante?Jetemanque?Mondevoird’histoireesttellementpourriquej’aienviedetouteffacer.Nonmaisqu’est-cequ’onaàfairedesLoiscéréalières!
Maréponse,sansattendre:Penny:J’aivéculapiresoiréepyjamadel’histoiredessoiréespyjama!Lapreuve,si jelistontextoseulementcematinc’estparceque…ons’estcouchéesà23h30!!!Bon,plussérieusement,jetesignalequelesloiscéréalièressontessentiellescarildevraitêtreOBLIGATOIREdeservirdespâtesoudurizàtouslesrepas…parcequej’adoreça!PS:OUI,TUMEMANQUES!
Àpeinemontextoenvoyé,unlégertapotementretentitcontrelemur.Deuxcoups,suivisd’uncoupisolé,puiscinqencore:«Je-t-adore.»Jem’apprêteàrépondrequandMeganpousseungémissement:
—C’estquoi,cebruit?—Euh…Riendutout.—C’estl’autre,quihabiteàcôté?Elliotetellesesontcroiséspleindefois,ellesaittrèsbiencommentils’appelle.Quelleteigne…—Franchement,Penny,poursuit-elle, jenecomprendspaspourquoi tu traînesavec lui. Il est trop
bizarre.J’enfoncemesonglesdanslematelaspourmeretenirdeluisauterdessus.
—Jepeuxavoiruncafé?enchaîne-t-elle,d’unevoixtoujoursensommeillée.—Biensûr!jeréponds,tropheureused’avoiruneraisondem’éloigner.Jebondisdulit,enfilemarobedechambreet,enmoinsdecinqsecondes,jedégringolel’escalier.
Jetrouvepapaàlacuisine,journalenmain,attablédevantunetassedethé.C’estunlève-tôt,comme
moi.Ilalescheveuxébouriffés,etunebarbedetroisjours.—Salut,Pen.Comments’estpasséetasoiréepyjama?Pourtouteréponse,j’esquisseunemoueblasée.—Àcepoint…,comprend-il.IlsaitqueMeganetmoinousentendonsdemoinsenmoinsbien.Je luienaiparlé ilyaquelques
semaines.—Papa?—Oui?—D’aprèstoi,c’estpossible,deselasserd’uneamie?—Bien sûr, ça arrivemême souvent. Surtout à ton âge où chacun change… Je t’ai déjà parlé de
TimothyTaylor?Jesecouelatête.—C’étaitmonmeilleur ami en primaire, explique-t-il enme faisant signe dem’asseoir. On était
inséparables.Maisquandonestentrésaucollège,jen’aiplusvoulutraîneraveclui.—Pourquoi?—Parcequ’ils’estmisaurugby!Monpèreestuninconditionneldufootetçaledépassequ’onpuissepréférerlerugby.—Maiscen’estpas tout,reprend-ilavecsérieux.Ilétaitdevenuarrogant.Onn’avaitplusrienen
commun.—Vousvousêtesdisputés?—Non,éloignéssimplement.Alorsnet’inquiètepaspourMadameMeganlaMarquise.Parfois,les
amitiésseterminent,c’estcommeça.Jemelèveetl’embrassesurlatête.Ilsourit.—Tuenasdelachance,d’avoirunpèresijeuneetpourtantsisage…,ironise-t-il.Quand je regagnema chambre,Megan est levée et habillée.Une lueur d’espoir ?Avecunpeude
chance,elleserabientôtpartie.—Voicitoncafé,dis-jeenposantlatasse.Elles’enemparesansdiremercietdemandesansdétour:—Alors,tumetsquoipourtondéjeuneravecOllie?Jerestemuette.Aveccettesoiréepyjamadel’enfer,jen’aimêmepasréfléchiàmatenue!— À ta place, j’opterais pour un look décontracté, suggère Megan. Tu ne dois pas donner
l’impressiond’être trop«à fond», tucomprends?Je teprêteraisbienmonsweatàcapuche,mais lacouleurnet’iraitpas…
Elleprendunegorgéedecaféetajoute,avecunsouriremesquin:—Dommagequetusoisrousse…Çanevapasavecgrand-chose…Cettefois,c’estclair:sijeveuxgardertantsoitpeuconfianceenmoipourmonrendez-vous,ilfaut
queMegandégage!—Monpèreveutquejeluidonneuncoupdemainàlaboutique,cematin.—Undimanche?questionne-t-elle,interloquée.—Oui.Désolée.Ilfautqueturentrescheztoi.Contretouteattente,Meganal’airdéçue.—Maisjevoulaist’aideràtepréparer!
—Jem’ensortirai.—T’essûre?—Ohqueoui!
Saufquejenem’ensorspasdutout.Meganestpartiedepuisàpeineunedemi-heure,quec’estdéjà
lechaosdansmachambre.Ilyadeshabitspartout,ycomprissuspendusàmalampedechevet,etpasunquiaittrouvégrâceàmonrefletdanslemiroir!Qu’est-cequejevaisbienpouvoirmettre?!
D’habitude,faceàunproblèmedefringues,jefaisappelàElliot.Maiscettefoisc’estimpossible:ilnevoudra jamaism’aiderpourunrendez-vousavecOllie.J’erredansmachambrecommeuneâmeenpeine.Mêmelavisiondelamer,auloin,nem’estd’aucunréconfort.
C’estalorsqu’unedrôledequestionmevientàl’esprit:Qu’est-cequetuasenviedeporter,toi?Sanstedemandercequevontenpenserlesautres?Instinctivement,jemedirigeversunepiledevêtementsaupieddemonfauteuilàbasculeetensors
unerobenoireparseméedepetitscœursviolets.Jelapasse,ainsiqu’unepairedecollantsopaques,puisjemeregardedanslemiroir.Çamevaparfaitement!Jemesensàl’aise,etj’ail’aird’avoirlataillesuperfine.Jevaispourenfilermesescarpinsàtalonsquandlafameusequestionrésonnedansmatête:
Qu’est-cequetuasenviedeporter,toi?Dufonddemonarmoire,jesorsmesbottesdemotarde,puisj’enfileunevesteencuirnoir.Jesuis
prête !Ou presque… J’attrapemon appareil photo et le glisse dansmon sac àmain. Je ne sors plusjamaissans,parcequ’onnesaitjamaisquandseprésentel’occasiondefaireunebelleimage.Etsiçasetrouve,j’enprendraipeut-êtreavecOllie?Jerougisrienqu’enimaginantunportraitdeluietmoi…J’aibeaudétesterlesselfies,jeferaisuneffortsic’estpouryêtretouslesdeux!
Chapitre7
Lestressmontedèsquej’arriveàlaplage.Ets’ilmeposeunlapin?Etsic’étaitunemauvaiseblague?Etsijetrébucheaumomentoùilm’embrasse?Pfff…commes’ilallaitm’embrasser…
Plutôtquedeprendrelebusquilongelapromenade,jedécidedemerendreaurendez-vousàpied.Laproximitédelamerm’apaiseracertainement.
Saufsitutrébuchessurlesgalets…Ceseraitdommagedefiniravecdesalguescolléesauxfesses,commeàl’anniversairedeTom!
Jeralentisetavanced’unpasplusprudent.Aularge,lesoleild’hiversereflèteàlasurfacedel’eau.Jerespirel’airiodé.
Etsituteprendsunefientedemouette?—Laferme!jelanceàvoixhaute.Jelèvetoutdemêmelatêtepourm’assurerqu’aucunemenaceneplane…Etaumomentoùjebaisse
lesyeux,j’aperçoisOllie,postéquelquesmètresplusloin.—Commentt’esvenu?jedemandequandnoussommesassezproches.—Euh…àpied,répond-ilsanstropcomprendre.Toutvabien?Deloin,j’aieul’impressionquetu
parlaistouteseule.—Je…jenefaisaisquechanter!—Chanter?—Jefredonnaisunechanson,quoi.—Merci,jesaiscequeveutdire«chanter».—Évidemment…MDR…MDR??J’aiosédire:«MDR»?!!!Laloose…çafaitàpeinedixsecondesquejesuisavecOllie
et jepassedéjàpourune follequichanteenmarchantetquiditdesdébilitésgenre«MDR» ! Jemedemandecequeréservelasuite…
—Tuasapportétonappareilphoto?—Oui,jeréponds,lecœurbattant.Ilpensedéjààfaireunselfiedenousdeux?—Tantmieux, poursuit-il, parce que j’aimerais que tu fasses quelques portraits demoi ici, à la
plage.Jevoudraisenavoirdesbelles,unpeustylées,pourmonprofilFacebook.Etcommejesaisquetuesunesuperphotographe…
Ilm’adresseundesessouriresravageurs.Jenesaispasquoipenser.Ceseraitdoncseulementpourcettehistoiredephotosqu’ilm’adonné
rendez-vous?!Non,jemesouviensbien:ilaprononcélemot«déjeuner».Lesportraits,c’estunpetitsupplément.Untrucauquelilvientdepenser.Jesorsmonappareiletsuggère:
—Onpourraitlesfaireprèsduponton?Nousavançons le longde laplageetune joggeusepasseen souriant.Elle adûpenserqu’onétait
ensemble,Ollieetmoi!Siseulementjepouvaisêtreunpeumoinsstressée…Trouveuntrucàdire…Untrucpastropbête…—Tudoisêtresuperfierdetonfrère.Olliemeregarde,perplexe.—Fier?Pourquoi?—Àcausedesonniveauentennis…Ollie marmonne quelques mots indistincts en fixant la mer. La clarté du soleil se reflète sur ses
pommettesparfaitementdessinées.L’imageseraitsuperbe,ennoirenblanc.—Nebougepas!jelanceenallumantmonappareilphoto.—Hein?—Gardecetteexpressionetcontinueàregarderlamer.Çaferaunechouettephoto.—Ah,d’accord!Aussitôt,ilreprendsapose.—Commeça?—Parfait.Jezoomeetajustel’angle.Puisj’appuiesurlebouton.—Montre!Ilsepenchesurlepetitécran.Nostêtessontsiprochesqu’ellessetouchentpratiquement.Moncœur
galope.—C’esttropbeau!Ilme regardeet sourit.De siprès, lebleude sesyeuxest encoreplus intense. Iln’yauraitqu’un
minusculemouvementàfairepourunbaiser.Nousnousobservonsencoretroislonguessecondes.—T’esvraimentdouée…,souffle-t-il.—Merci.Mais la gêne est trop forte, et je détourne le regard.Nous continuons d’avancer et croisons deux
autresjoggeursdontlafouléefaitcrisserlesgalets.—Etsituenprenaisuneoùjeseraisallongésurlaplage?Untrucunpeuoriginal,quoi.Jenousvisualiseaussitôtenlacéstouslesdeuxausol.Jerougisetchassecettepensée.—Tupourraisfaireunevueplongeante?demandeOllieens’étendantparterre.—Oui,bonneidée.Jemeposteàsagaucheettentedeprendrelaphoto,maisilyaquelquechosequicloche.L’imageest
malcentrée.—Ilfautquejememettejusteau-dessusdetoi.Olliesourit,etjesuisparcouruedefrissons.Jelèvelepiedetpasselajambedel’autrecôtédeson
bassin.Puisj’approchel’œilduviseur.—N’enprofitepaspourregardersousmajupe!—Jamaisdelavie!glousse-t-il.Bienjoué,Penny!Pasuneseulegaffepourlemoment!Rienqueduflirt,danslesrèglesdel’art!Saufqu’aumomentoùj’appuiesurlebouton,lesgaletssedérobentsousmespieds!Jetentedeme
redresser,envain…Jeglisse,glisse,etenmoinsdedeuxsecondes,jesuisàcalifourchonsurOllie!—Désolée…,jesouffle,enessayantdemerelever.Ilm’attrapeparlepoignetenriant.—Pasmoi!C’étaitdrôle!Tuesdrôle!Jeluijetteuncoupd’œilméfiant.Maissafaçondedire«Tuesdrôle»n’arienàvoiravecle«T’es
uneoriginale»deMegan.Sesmotssemblentaffectueux!
—Non,maisqu’est-cequevousfabriquez?!retentitalorsunevoixdansmondos.Jesursauteetmeretourne.Megansetientlà,àquelquesmètres,lesmainssurleshanchesetleregard
noir.Lesjumelles,plantéesderrièreelle,ontlesourirejusqu’auxoreilles.—Je…jeprenaisunephotod’Ollie,jeréponds,lesjouesenfeu.Puisj’aidérapé.—Maisbiensûr!riposte-t-elle,furieuse.Jeconstatequ’elleatroquésonjeanetsonsweatàcapuchedecematincontreunerobemoulanteet
desbottesàtalons.Jemerelèvetantbienquemal,pendantqueMegans’enprendàOllie.—Qu’est-cequevousfaitesici?Vousn’aviezpasprévuundéjeuner?—Commenttu…?murmureOllie,visiblementgêné.Écoute,cen’étaitriendutout.J’aisimplement
demandéàPennydemefairequelquesportraitspourmapageFacebook.UnrictussedessinesurlevisagedeMegan.Ellemelanceunregardtriomphant,commepourdire:
«Tuvoisqueçan’avaitriend’unrencard!»—Moiaussi,j’adoretesphotos,déclareKiraens’approchantdemoi.—Oui, renchérit Amara. Celles que tu as prises sur le ponton pour ton exposé d’arts plastiques
étaientmagnifiques.—Alors,oùest-cequevouscomptiezdéjeuner?questionneMegan,lesbrascroisés.—Nullepartenparticulier,répliqueOllieavecunhaussementd’épaules.—Ehbien,nous,onvachezNando.Vousvenez?—Carrément!répondOlliesansattendre.Jesuistellementirritéequejedonneuncoupdepieddanslesol.Ungaletfuseversunbichonmaltais
quipasseparlà.Lechienhurleetsonmaître–unvieuxmonsieurauxsourcilsbroussailleux–mefusilleduregard.
—Pardon,monsieur!Jen’aipasfaitexprès!J’auraispuajouter:«Nem’envoulezpas!JesuisuneCatastropheAmbulante.Dèsquejesuisen
colère,jefaisn’importequoi!»—Voyons,Penny!intervientMegancommesielleétaitmamère.Cepauvretoutou!Jedoismeretenirde luiprojeter,àson tour,ungaletdans la figure.À laplace, jemarmonne, les
dentsserrées:—Jevaisrentrer.—Vraiment?répliqueMegan,dissimulantàpeinesajoie.—Etmesphotos,alors?intervientOllie.Jenepeuxmêmepasleregarder.—Jetelesenverraiparmail.—OK,super!lanceMegand’unevoixfaussementlégère.Àdemain!J’ai déjà tourné les talons quand les jumelles me disent au revoir. Je bouillonne de rage et de
désarroi.Unechoseestcertaine:j’enaifiniavecMegan.Pourtoujours!
Chapitre8
Àpeinerentrée,jesommeElliotdevenirmevoir(dixcoupsfrappéssurlemur).Tandisqu’ilprendplacedansmonfauteuilàbascule,jepréviens:
—Avantdecritiqueroudefairedesremarques,attendsquej’aiefinidetoutraconter.—TuvasmeparlerdeMeg-agaçanteetduSelfieAmbulant?—Oui,mais s’il teplaît, attendsavantde tirerdegrandesdéductions.Et interditdeprononcer la
phrase:«Jet’avaisprévenue.»—Hein?Interditpourtoujours?Oujusteletempsdetonhistoire?—Pourtoujours.Elliotsoupire.—Ilvafalloirmebâillonner…—Elliot!—OK,OK.Promis.Entailleursurmonlit,leregardfixésurmacouette,jerelatelesévénementsdepuislasoiréepyjama
jusqu’aumomentoùOllieaprononcélesmots:«Cen’étaitriendutout.»—«Riendutout»?répèteElliot,estomaqué.Alors,ça,Pen,jet’avaispré…— Elliot ! C’est la dernière chose que j’ai envie d’entendre. Quand je pense que j’ai pris son
invitationpourunrendez-vousgalant!—C’estaussicequ’acruMega-Hétaïre!—Hétaïre?—C’estunmotqu’utilisaitShakespearepournommerlesgarces…—Ah…—Cettefilleestignoble,poursuit-ilavecdégoût.Jen’arrivepasàcroirequ’ellesesoitincrustéeà
tondéjeuneravecOllie.Jetel’avais…—Elliot!—Pardon,pardon!Ilréfléchituninstant,avantdereprendreavecunsouriremachiavélique.—Tudevraisretoucherlesphotosd’Ollie!Ajoute-luidesboutons…Etunebossesurlenez!Jesourisàmontour.C’estalorsqu’ungongretentit.—Ouais!s’exclameElliotentapantdanssesmains.C’estl’heureduconseildefamille!Mamèreagardépleind’accessoiresdethéâtredutempsoùelleétaitcomédienne.L’und’euxestun
énorme gong en cuivre, qui a pris place à l’entrée. Avec Tom, quand on était petits, on rivalisait deprétextespour le faire retentir.Résultat, nosparentsont décidéque legongne servirait plusqu’àunechose:convoquerlesconseilsdefamille.
L’exaltationd’Elliotmefaitsourire.—Ne t’emballepas trop,c’est sansdoute riende transcendant.À tous lescoups, ilsveulentnous
demandercequ’onaimeraitmangeràNoël.Ilsefigedanslecouloiretseretourneversmoi.—Commentça?Deladinde,biensûr!Commetoutlemonde.—Papavoudraittenterl’oie,pourunefois.—Del’oie?!s’écrieElliot,horrifié.Ceseraitatroce!—Atroce?Pourquoi?—Parceque…parceque…ceseraitatroce,c’esttout!Jehausselesépaulesetm’avanceversl’escalier.—Rekaosamti!—Qu’est-cequeçaveutdire?jedemande.—«Jet’avaisprévenue»…encroate.Ehbien,quoi?Dansunelangueétrangère,j’ailedroit!Jefaisminedeletaper,etnouséclatonsderire.
—Deladinde!C’estnotrederniermot!décrèteElliotdèsquenousentronsdanslacuisine.Maman,papaetTomsontassisautourdelatable.—PourleréveillondeNoël!préciseElliot,avecdétermination.Onveutdeladinde,pasdel’oie!
C’estbienlesujetdececonseil,non?—Pasdutout,répliquepapa.Encoreque,si,d’unecertainefaçon…Iljetteuncoupd’œilàmaman.Celle-cienchaîne,avecunsouriretriste:—Malheureusement,Elliot,tuneseraspasdesnôtrescetteannée,àNoël…—Pourquoi?!jedemande,abasourdie.—Nousneferonspasleréveillonàlamaison.—Hein?faitTomenseredressant.—Onseraoù?Monregardnavigueentremesparents.Tousdeuxéchangentunsourire,puis répondentd’uneseule
voix:—ÀNewYork!—Ah,non!protestemonfrère.Elliot,lui,semblebouleversé.—Nous avons accepté la mission des Brady, expliquemaman. Nous organisons leurmariage au
WaldorfsurlethèmedeDowntonAbbey.—Oh…,souffleElliot,lesyeuxronds.Penny,tuastropdechance…Saufquejemesenstoutsaufchanceuse!J’aichaud,d’unseulcoup,etmesmainssontmoites.Aller
àNewYork,çaveutdireprendrel’avion…Pourmoiquisupporteàpeinelesdéplacementsenvoiture,unvoldecinqheuresc’estinsurmontable!
—Ceserasansmoi,décrèteTomentapantdupoing.—Pardon?demandepapa.—MelanierentreàBrightonlasemaineprochaine.Pasquestionquejelaloupe.Onnes’estpasvus
depuisdesmois!MelanieestlacopinedeTom.EllefaitsesétudesenFrance,etlespublicationsfleurbleuedemon
frèresurFacebookmelaissentpenserqu’elleluimanqueénormément.—Tom,onnepeutpaspasserNoëlsanstoi,voyons!s’offusquemaman.Ilsecouelatête.—Alors,ilfautrester.—Moinonplus,jeneveuxpasyaller…,jeprécised’unepetitevoix.
—Co…comment?balbutiemamère.Vousnevousrendezpascompte!PasserNoëlàNewYork,c’estunechanceunique!
—Detoutefaçon,riposteTom,jenecomprendspaspourquoivousdevrieztravailleràNoël.—Parcequ’onnepeutpassepermettrederefuserlemoindrecontrat,expliquepapaavecgravité.
Cetteannéeestparticulièrementcalme,etlamissionquenousontproposéelesBradyestinespérée:ilsontdegrosmoyens,etnouspaierontl’équivalentdedixmariagesanglais!Sanscompterqu’ilsprennenttousnosfraisàleurcharge.
—Penny,tuescertainequetuneveuxpasvenir?insistemaman,désolée.—Jenepeuxpas…Jedois…—Faireunexposédesciences!complèteElliot.Lanotecomptedoubledanslamoyenne.—Voilà!jem’exclameenluiglissantunsourirereconnaissant.Jedoistravaillernon-stoppendant
lesvacances.Maisriennevousempêched’yallertouslesdeux.Ons’ensortiratrèsbienicisansvous.—Oui,allez-y!approuvemonfrère.OnfêteraNoëltousensembleàvotreretour.—Jenesaispas…,réagitmamanenadressantàpapaunregardincertain.Qu’enpenses-tu,Rob?—Prenonsletempsd’yréfléchir…Ilparaîtaussidéçuqu’elle.Jeme sens tellementmal ! Et si je leur disais la vérité ? Je pourrais leur expliquer que la seule
penséed’avoirunecrised’angoisseenpleinvolmedonnedessueursfroides…Non,impossible,jeneveuxpaslesinquiéter.Sijeleurdistout,ilsrenoncerontàcecontrat.Iln’yaqu’unesolution:resterici,àBrighton,pendantqu’euxpartentpourlesÉtats-Unis.C’estlemieux…maisçanem’empêchepasdemesentirtrèstriste.Plusmesangoissesgrandissent,plusmonhorizonserétrécit…
17décembrePeut-onselasserdesameilleureamie?Saluttoutlemonde!Toutd’abord,ungrandMERCIpourvoscommentairesetpourvosconseilssurmescrisesd’angoisse.Lesimplefaitdesavoircedontjesouffremefaitdubien.Çameprouveque,finalement,jenesuispeut-êtrepasfolle.Merciencore!Vousêtesgéniaux!☺Jevousavaispromisunenotepluslégère,saufqu’ilm’estarrivéquelquechosequejevoudraispartager.D’abord,unepetitehistoire:quandj’étaisenfant,j’avaisunmanteauquej’adorais.Ilétaitrougevifavecdesboutonsenformederoseetuncolenfourrure.Quandjelemettais,j’avaisl’impressiond’êtreuneprincesserusseounorvégienne.J’aimaistellementcemanteauquejeleportaistouslesjours,mêmeauprintemps.Quandilacommencéàfairevraimenttropchaud,jel’aiaccrochéaudossierdemachaise,bienenvueet,ennovembre,bienquelemanteau ait été un peu petit, je l’ai remis, et porté encore tout cet hiver-là.Mais l’année suivante,j’avaistellementgrandiquelesboutonsnefermaientplus.Mamèrem’aannoncéqu’ilfallaitracheterunmanteau,etçam’adévastée.Saufquequelquesjoursplustard, j’ai commencé à apprécier mon nouveau manteau, et j’ai même fini par l’adorer. Lui avait desboutonstoutsimples,etpasdefourrureàl’encolure,maisilétaitd’unbeaubleu-vert,uneteinteprochedecelledelamer.Auboutd’unmoment,j’aichangéderegardsurl’ancienmanteau,etsafaussefourrurem’asembléridicule.C’étaitcommes’ilnem’appartenaitplus,commesi jem’enétais lassée,alors jel’aiconfiéàmamèrequil’adonnéàuneœuvrecaritative.Voilàcequejevisencemomentavecunedemesmeilleuresamies.Jemesuislasséed’elle.Elleneditquedeschosesblessantes.Toutcequ’ellefaitestpuériletégoïste.Audébut,c’estàmoiquej’en voulais. Jeme trouvaisméchante de penser ça. Puis jeme suis rendu compte qu’une amitié peutdevenirétriquéeetinconfortable,commeunvêtement…Nonpasforcémentqu’onaitfaitquelquechosedemal,maisonestsimplementpasséàautrechose.
J’aiprisunedécision:jevaislâcherpriseavecMegan,etneplusêtreamiequ’avecdespersonnesquimefontdubien.Etvous?Vousvousêtesdéjàlassésdevosamis?Racontez-moi…Tchao!
GIRLONLINE
Chapitre9
Jusqu’àcematin,j’aimaisleslundis.Jesais,jesais,unevraiechtarbée!Maisvoilà,jetrouvaisexaltantd’aborderunenouvellesemaine,avecsesseptjourstoutneufs,unpeucommeauNouvelAn.Saufquecelundi-ciestcomplètementdifférent.Jel’abordeavecangoisseparceque:
1.J’aiprisconsciencequejem’étaislasséedemameilleureamie.2.Jedoispasserlajournéeavecellepourfinirlespréparatifsdelapiècedethéâtre.3. Je dois aussi passer la journée avec le garçon qui a assisté et contribué à ma dernièrehumiliation.4.C’estcesoirqu’alieunotrereprésentation!
Autantdirequejesuisaucombledustressquandj’arriveaucollège.—Salut,Pen!lanceM.Beaconsfielddèsqu’ilm’aperçoit.Il paraît très agité – tellement, même, qu’il a dû oublier sa dose de gel ce matin, et sa mèche
habituellementdresséeluipendouilledevantlesyeux.—Oùsontlesautres?jedemande,ensondantlehalldésert.—Ensalledethéâtrepourrépéter,pendantqu’on–enfinquetuprépareslascène.—Préparer?Comment?—Monamigraffeurm’afaitfauxbond,alorsj’aibesoindetonaide.Voilàdes semainesqueM.Beaconsfieldnousparledesonamiqui faitdu«street-art»etqu’il a
engagépourdonnerànosdécorsunaspectplus«ghetto».Onauraitdûsedouterquec’étaitduflan…M.Beaconsfieldesttoutsauf«ghetto».
—Jevoudraisquetudessinesdestagssurlemurdufondetsurlacaravane,poursuitJeff.Prendstontemps,jemontevoirlesautres.LapauvreMeganadegrostrousdemémoire.
—Quelgenredetags?jem’empressededemander,enjetantuncoupd’œilpaniquéàunstockdebombesmétalliques.
— Je ne sais pas,moi, quelques graffitis ! rétorqueM.Beaconsfield, d’un ton agacé.L’assistantedéco,c’esttoi,jeterappelle!Pasmoi!
Queltraquenard…Sij’avaissuqueleposted’«assistantedéco»exigeraitquejemetransformeenBanksy, je ne l’aurais jamais accepté. Ma carrière de tagueuse se limite à avoir gravé « J’M lesCanon1D»surunbancavecunboutdeboisilyatroisans!
—Jefileenrépétition,conclutM.Beaconsfield.Jeviendraivoirlerésultatàlapause.Etildétale.J’examinelaparoiviergeàl’arrièredel’estrade.C’estdelafolie!Jevaislamassacrer!Iln’ya
qu’unechoseàfaire,commedanstoutecrise:écrireuntextoàElliot.Jeconnaissonemploidutempspar
cœur,jesaisdoncqu’ilestencoursdelatin(avecunproftellementvieuxqued’aprèsElliot«iladûapprendrelelatinquandc’étaitencoreunelanguevivante!»).Penny : AU SECOUUUUUURS ! MON PROF DE THÉÂTRE M’A DEMANDÉ DE TAGUER LEDÉCORDENOTREPIÈCE !GENREFAIREDESVRAISGRAFFITIS !!!! IL PÈTELESPLOMBS,C’ESTLASEULEEXPLICATION…JET’ENSUPPLIE,AIDE-MOIOUJEVAISDEVENIRFOLLE!QU’EST-CEQUEJEDOISFAIRE????
J’appuiesur«Envoyer»,grimpesurlascèneetmedirigeverslacaravane.Jepourraism’entraîneren tentantunpetit tagà l’arrière.Si je loupemoncoup,personnene leverra.Etsi jemedécouvreuntalentinattendu,jepourraisauverladécorationdelapièce.
J’enlève le capuchond’une bombe.Que taguer ?Quedessineraient les habitants d’un ghetto new-yorkaisoùsejoueraitRoméoetJuliette?Uncœurbrisé?
J’appuiedoucementsurlepulvérisateur.Riennesort.J’appuieplusfort.Cettefois,unjetdepeinturemauve jaillit. Jem’efforce de former un cœur,mais cela ressemble plutôt à une paire de fesses…Àl’aide!Montéléphonebipe.Elliot:NETOUCHEPASÀCESBOMBES!!!Pen,crois-moi:tuespleinedequalités…maisPASentantquegraffeuse!Rappelle-toiledessindelapinquetuavaisoffertàlapetitefillequetugardais;elleenafaitdescauchemarspendantdesmois!Demandeplutôtàl’ingénieurlumièresdeprojeterunedetesphotosdestreet-art.IlyenadesgénialesparmicellesquetuasfaitesàHastings!PS:Monprofdelatinvientdesecasserunedentenmordantdansunepomme…
Je soupire.Elliot a trouvé la solution !L’espoir renaît !Cette journée ne sera peut-être pas aussihorriblequ’annoncé…
Justement,Tony,lelycéenquis’occupedeslumières,vientd’entrerdanslehallpourmettreaupointles éclairages. Je lui explique l’idée d’Elliot et, aubout de quelquesminutes,maplus belle photodestreet-arts’afficheau-dessusdel’estrade.Lerésultatestbluffant.
JenecroiseMeganqu’enmilieud’après-midi,etcontre touteattente, je restezen.M’exprimersurmonblogm’aaidéeàaccepterlasituation,etjemesuisfaiteàl’idéedepasseràautrechose.MêmelefaitdevoirOlliemechamboulemoinsqueprévu.De toutefaçon, l’unet l’autresontobsédéspar leurtrac,etcomplètementfocaliséssurleursrépliques.
Quelquessecondesavantleleverdurideau,M.Beaconsfieldréunittoutel’équipedanslescoulisses.—Çavabiensepasser,assure-t-il.Vousallezassurer!CommeleditmonidoleJay-Z,«Don’tlive
lifeuptight–liveitupinthesky».Toutlemondelefixe,consterné.— Bonne chance, ajoute-t-il, un peu gêné. Et Pen, j’aurais besoin que tu prennes des photos au
momentdusalutfinal.Tupourrasgrimpersurl’estradepourfairequelquesimages?Paniqueàbord.Moi?Montersurscènedevantlepublic?!C’ESTMONPIRECAUCHEMAR!Pas
le tempsdeprotester,M.Beaconsfieldadéjà tournéles talonset lesacteursontprisplacederrière lerideau.
Jesorsmonappareiletm’assoissurunstrapontinensoupirant.Toutirabien…Toutcequetuasàfaire,c’estmontersurscène,prendreunephoto,etredescendre.
Ilnepeutrient’arriver!
Chapitre10
Lareprésentationsedéroulesansheurt.Iln’yapasunseultroudemémoire,etmêmel’accentd’Olliesonne (àpeuprès) juste.Quandarrive la scènede lamortde Juliette, j’entendsquelques reniflementsémusdanslepublic.
À la fin du spectacle, les applaudissements sont nourris. M. Beaconsfield sautille de jubilationderrièrelerideau.
—C’étaitgénial,non?Ilsétaientformidables!melance-t-il,lesyeuxbrillants.—Parfaits,jeconfirmeensouriant.—Attendsquetoutlemondesoitenrangpourlesalutfinal,précise-t-il,avecmoiaucentre!J’acquiesceetallumemonappareil.Unàun,lescomédienss’avancentpourleursalutindividuel.Lepubliclesacclamedeplusenplus
fort,etc’estuntonnerredebravosquis’élèvepourOllieetMegan.Malgrénostensionsdecesdernierstemps,jesuisheureusedesonsuccès.
Àprésent,latroupesemetenrangetMeganfaitsigneàM.Beaconsfielddevenirlesrejoindre–unescènemaintesetmaintesfoisrépétée,ycomprislaprétenduesurpriseetl’airdefaussemodestiedeJeff.J’attendsqu’ilaitrejointlecentredel’estrade,puisjem’avance.
Finalement,cemomenttantredoutén’estpassiterrible.Lepublicalesyeuxrivéssurlesacteurs,ducoupjepasseincognito.
Tout se déroule sans problème jusqu’àmi-parcours…Mais, là, catastrophe ! Je trébuche surmeslacetsetm’écroule.Uneseulepenséem’obsède:nepascassermonappareilphoto!Ducoup,pourleprotéger,jemerattrapesurlescoudes,lesfessesenl’air.
Plusprécisément:lesfessesenl’air…faceaupublic.Il y a des cris dans la salle, suivis d’un silence terrible… Sauf dans ma tête où résonne une
questionne:«Maisd’oùvientcecourantd’air?»Je regarde en arrière et me rends compte avec effroi que, dans la chute, ma jupe s’est relevée,
exhibant ma culotte. Pire, j’ai eu la bonne idée d’enlever mes collants dans les coulisses parce quej’avais trop chaud et, comme par hasard, je porte aujourd’hui ma plus vieille culotte, tout élimée etdécoréedelicornesmulticolores…
Jerestefigéeàquatrepattes.Tétanisée.Paralysée.Puislepubliccommenceàapplaudir.Maiscenesontpaslesmêmesapplaudissementsquetoutàl’heure.Ceux-làsontinterrompuspardesriresmoqueursetdessifflements.JelèvelesyeuxetcroiseleregardeffarédeMegan.C’estalorsqu’unemainsetendversmoi;celled’Ollie.L’humiliationsuprême…
Debout,Penny!Descendsdecettescène!
Maisau lieudemelever, jequitte l’estradeÀQUATREPATTES…!Le tempsderegagner lepetitescalier,lehallrésonnederirestonitruants.Jemeredressemaladroitement,attrapemonsacetm’enfuisàtoutesjambes.
Jenem’arrêtedecourirqu’unefoisrentréeàlamaison.Titubantdanslevestibule,jem’efforcedereprendremonsouffleetfiledansmachambre.Là,jem’écroulesurmonlit.J’aitellement,TELLEMENThonte!JenepourraimêmepasenparleràElliot…Monseulespoir,c’estqu’àforced’angoisseetdeboufféesdechaleur,jemetransformeenpetiteflaqueetdisparaissepourtoujours.
Sauf que la réalité sera tout autre. Je vais devoir affronter le regard des autres… et ce serainsurmontable…JesorsmontéléphoneetvaissurInternet.QuandjenepeuxpasconsulterElliot,c’estàGooglequejem’adresse.
Jetapelaphrase«Commentseremettred’unehumiliation?»danslemoteurderecherche.Googlemeproposequarante-quatremillionsderésultats.Jetrouveraibienuneréponsedansletas!Jecliquesurlepremierlienetatterrissurunsiteintitulé«Penséepositive».
«Apprenez à tirer des leçons d’une expérience humiliante», stipule l’article. « Il est plus aiséd’accepterlesévénementslorsqu’onleurtrouveuneexplicationoudusens.»
Hum…Quellessontdonclesleçonsàtirerdecequim’estarrivécesoir?
1.Toujoursvérifierseslacetsquandonmontesurscènedevanttroiscentspersonnes.2.Des lacets défaits, c’est le risque de chuter si brutalement qu’on finit la jupe relevée au-dessusdesfesses.3.Quandonestenjupe,toujourschoisirunejolieculotte.4.Nejamais,JAMAIS,porterdeculotteàlicornesmulticolores.5.Nejamais,JAMAIS,porteruneculotteàlicornesmulticoloresmocheetRÂPÉE!6.Danslescasextrêmesdepersonnesassezstupidespourporteruneculotterâpéeàlicornesunjourdespectacle,etcapablesdeseretrouverlesfessesenl’airdevanttroiscentspersonnes:NEJAMAISQUITTERLASCÈNEÀQUATREPATTESENCONTINUANTÀMONTRERSACULOTTEÀTOUTLEMONDE!
Bref,jesuiscuite!Sansréfléchir,jeprendsmontéléphoneetmeconnecteàmonblog.Douzepersonnesontcommenté
madernièrenote.Jepasseenrevuelesmessages,etcelam’apaiseunpeu.Meslecteurssonttellementgentils…Décidément,monblogestledernierendroitoùjemesenteàmaplace.Salut,GirlOnline,jem’identifietellementàtoi…Onestpareilles!Moiaussi,jemesuislasséed’uneamie…Moi,jeveuxbienêtretonamie…Mercipourtasensibilité,GirlOnline…Pasderegrets!C’estellelaperdantedanscetteaffaire!Aurisquedeparaîtrebizarre,jeteconsidèrecommeunedemesplusprochesamies…
Leslarmesmeviennentetjem’allonge.Mesfollowersm’apprécientalorsquejesuiscentpourcentsincèreaveceux.C’estbienlapreuvequejenesuispassinazequeça,non…?
Je continue de raisonner : il paraît qu’il y a sept milliards d’humains sur Terre. Sur ces septmilliards,seulstroiscentsontvumaculotteàlicornes.Certes,laplupartsontdesgensquejecôtoietouslesjoursaucollègemaisquandmême!Ilsvontbienfinirparoublier,non?Jemeglissesousmacouetteetfermelesyeux.Jetentedemerassurer:
Ilyadesmilliardsdepersonnesquin’ontpasvutaculotte…Cettephraserésonnedansmatêtecommeuneberceuse,etjem’endors.
Le«ping!»demaboîtemailmeréveilleenpleinrêve…Àtâtons, j’attrapemontéléphonepour
l’éteindrequandunedeuxièmesonnerieretentit,puisunetroisième,etainsidesuite.J’entrouvrelesyeuxpour examiner l’écran. Il est une heure dumatin. Ce sont probablement des lecteurs qui laissent descommentaires sur mon blog… Sauf qu’en regardant de plus près, je constate que ce sont des alertesFacebook.
«Megan Barker vous a taggée dans une publication », annonce la première ; les notificationssuivantessignalentdescommentairessurcemêmepost.L’estomacnoué,jecliquesurlelien.C’estunevidéo,priseaumomentdusalutfinal.J’aiuneboufféedechaleurenlavisionnant:mevoilàmontantsurscènepuism’effondrant sur les coudes et lesgenoux.La caméra zoome surmaculotte ; le plan est sirapprochéqu’onvoitparfaitement les licornes, et l’endroit leplus râpé, à l’intérieurdemacuisse. Jejettemontéléphone.
Non,cen’estpaspossible…!J’avaiscomplètementoubliéquelareprésentationétaitfilmée!Jetrembled’horreuretdehonte.Que
faire?!!Respire.Lasolutionestsimple:tun’asqu’àeffacerlapublication…Jeprendsmonordinateurparterreetallumemalampedechevet.Nouveau«ping»d’alerte.D’une
maintremblante,jemeconnecteàFacebook.Lapetiteicônerouge,enhautàdroite,m’informedevingt-deuxnotifications.Quelcauchemar…
Dix-septpersonnesont«aimé»lavidéo.Enlégende,Meganaécrit:«Oups!»Àcontrecœur,jeparcourslescommentaires.Ilyasurtoutdes«LOL»etdessmileysquirougissent.PuisjelislecommdeBethany,lafillequijouaitlanourricedanslapièce:Beurk!Tropdégeu!
Endessous,Olliearépondu:Maisnon,elleestmimi.
J’aiunhaut-le-cœur.Jecliquesurletag«PennyPorter»,entêtedelapublication.Aussitôt,lavidéodisparaîtdemonmur,maismonfild’actualitéresteinfestédecommentairesetdepartagesquis’affichentlesunsaprèslesautres.CommentMegana-t-ellepumefaireunetellecrasse?
Jeluiécrisunmessageprivé:«Enlèvecettevidéo,STP.»Lesyeuxrivésàl’écran,j’attendssaréponse.—Allez…,jemarmonnelesdentsserrées.Envain.Meganneréagitpas.L’activitéenlignesecalmeauboutd’environtrenteminutes.Toutlemondeadûallersecoucher.Je
devraisenfaireautant,maisc’estimpossible…Demainmatin,plusdemondeencoreverralavidéo.Jesuisunevraiebombeàretardement.
Je reste allongée dans mon lit pendant des heures, les paupières grandes ouvertes, vérifiant etrevérifiantmontéléphone.Monseulespoir:queMeganaitvumonmessageetsupprimélavidéo.Àcinq
heuresetdemie,auborddudélire,jeluirenvoieunMPenlasuppliantd’effacerlapublication.Puisjefermelesyeux.
Çavaaller.Dèsqu’elleseréveillera,elleverratesmessagesets’exécutera.Àl’aube,jesombredansunsommeilagité,puisj’entendslescoupsd’Elliotsurlemur.Jemedresse
ensursautetluirépondsdevenirsur-le-champ.Aumêmeinstant,monportablebipe.PourvuquecesoitMegan…Elliot:Attendsquejesoislàavantdeteconnecter!J’arrive!
J’entends claquer la porte de sa maison, puis ses pas résonner sur le trottoir. Je file au rez-de-chausséepourluiouvrir.Jen’aipasletempsdedirebonjourqu’ildemande:
—Tuviensdeteréveiller?J’acquiesce.—Bon,c’estdéjàça…Jenevoudraispast’inquiéter,maisilestarrivéquelquechose…—Jesuisaucourant.—Tuesaucourant?répète-t-il,unbrindéçu.Elliotadoreêtreporteurdemauvaisesnouvelles…—Oui,situparlesdelavidéo.Papasortdesachambrequandnouspassonssurlepalier.—Tusaisqu’ilestseptheuresdumatin,Elliot…?—Septheuresmoinsune!précise-t-ilenconsultantsamontre.—Jeveuxdirequ’ilestunpeutôtpourunevisite,non?— Il n’est jamais trop tôt pour apporter son soutien moral à une amie ! proteste Elliot d’un ton
solennel.Papam’adresseunregardinquiet.—Qu’est-cequinevapas,chérie?—Toutvabien.C’estjusteun…—Undevoiràrendreenurgence!coupeElliot.Quelleplaie,cesconjugaisonsdefrançais…—Pennynefaitpasdefrançais!—Elle,non,maismoi,oui!préciseElliot,rapidecommel’éclair.—Ah…, fait papa en se grattant la tête. Bon, eh bien quand vous aurez clarifié cette histoire de
conjugaison,venezàlacuisine,jevousprépareraidesœufs.NousdevonsreparlerdeNewYork.—D’ac!jelancepar-dessusmonépaule.Dèsquenoussommesdansmachambre,jefermelaporteàdoubletour.—Pen!Pourquoitunem’asriendit?— J’avais trop honte. Et puis ça va s’arranger : j’ai envoyé deux messages à Megan pour lui
demanderd’effacersonpost.Avecunpeudechance,lavidéon’yestdéjàplus.Elliotmedévisage,catastrophé.—Rappelle-moiladernièrefoisquetut’esconnectéeàFacebook?—Verscinqheuresdumatin…De nouveau, la nausée me saisit. Je sens bien qu’Elliot me cache quelque chose… D’ailleurs,
commenta-t-ilpuvoirlavidéo?Jem’ensuispourtantdétaggéeetElliotn’estamiavecpersonned’autredemoncollège.
J’ouvremonordinateuretrafraîchislapage.—Ohnon!Ungarçondequatrièmem’ataggéedansunlienmenantàYouTube!Jesuiségalementidentifiéedans
unlienverslapage«nonofficielle»ducollège.Lavidéos’ytrouveaussi.
—Jesuisvraimentdésolé,souffleElliot,maistuesentraindefairelebuzz…
Chapitre11
—Penny!s’écriemamanquandj’entredanslacuisine.Quesepasse-t-il?Jem’attable, la têteentre lesmains.Si jen’étaispasaussianesthésiéepar lechoc, j’éclateraisen
sanglots.—Elleestentraindefairelebuzz,expliqueElliotens’installantàcôtédemoi.—Lebuzz?répètepapa,sanscomprendre.—Elleacréél’événementenligne,traduitElliot.CommelavidéodeRihannanuesurTwitter.—IlyaunevidéodetoinuesurInternet?!s’exclamemonpère,effaré.—Non!—Pasnue,d’ailleurs…,corrigeElliot,toujoursausujetdeRihanna.Àdeminue.—IlyaunevidéodemafilleàdeminuesurInternet?Mesparentséchangentuncoupd’œilcatastrophé.Mamans’assiedàcôtédemoienprenantmamain.—Raconte-nous,chérie!Iln’enfautpaspluspourquejefondeensanglots.—Il…y…a…une…vidéo…de…moi…en…petiteculotte…àlicornes…surFacebook!—Etça,souligneElliot,c’estpresquepirequed’êtrenue…—Unepetiteculotteàlicornes?répètemonpère.Qu’est-cequec’est?Etd’oùsortcettevidéo?
Quelqu’unpeutm’expliquer?— Penny a trébuché sur scène hier soir en faisant une photo de la pièce, interprète Elliot, et en
tombant,elleamontrésaculotteàtoutlepublic.—Maculottelaplusmoche!jegémisenlevantversmamèredesyeuxpleinsdelarmes.C’étaitma
préférée…jusqu’àhier.Maintenant,jen’aiqu’uneenvie,c’estdelabrûler.—Brûlerquoi?demandeTomenentrantdanslacuisine,lescheveuxenpétard.—Saculotteàlicornes,déclareElliot.—Bien, bien…, répliquemon frère. Il n’y a qu’une explication possible à cette phrase : je suis
toujoursendormietceciestunrêve.—Alorstun’espasnuedanscettevidéo?insistemonpère.—Plusdedoute,marmonneTomens’affalantsurunechaise,jesuisenpleinsommeil…—Non,papa,jet’assure.—Alors toutvabien ! conclut-il avecespoir.Onvoit ta culottedeux secondes, il n’y apasmort
d’homme!Toutlemondeacertainementdéjàoublié.—MonDieu…,gémitmonfrère,jevousensupplie,confirmez-moiquejerêve…—Cen’étaitpasdeuxsecondes!jesanglote.Toutaétéfilméetpostésurleweb…engrosplanetau
ralenti!Lesgenspourrontpasseretrepasserlascène.Etdirequ’elleétaitcomplètementrâpée…
—Qu’est-cequiétaitcomplètementrâpé?interrogepapa,deplusenplusperdu.—Laculotteàlicornes!répondons-nousd’unemêmevoix.—Bon,reprend-ilenposantlesdeuxmainssurlatable.Quiamiscettevidéoenligne?—Megan.—Mega-odieuse,rectifieElliotàmi-voix.—Megan?répètemaman,sidérée.—Oui,elle l’apostéesursapageFacebooketquelqu’unl’arelayéesurYouTube,puisquelqu’un
d’autresurlapageFacebookducollège.Leslarmesremontentquandjepensequetouslesélèvesverrontmaculotte.Tommedévisage.—C’estuneblague?Jesecouelatête.—Iln’yaqu’unechoseàfaire,décide-t-ilenbondissant,soudainéveillé.—Quefais-tu?demandemaman.—Je fileaucollège ! Jevais retrouver lespersonnesquiontpubliécettevidéoet les forcerà la
retirer.Jen’aijamaisvumonfrèreaussiremonté.Mamansedresseàsontouretl’attrapeparlebras.—Tunepeuxpasfaireça.Tun’esplusinscritdanscetétablissement.—Etalors?Pennyestmasœur.Jenevaispasrestersansrienfaire!Jeluiadresseunsourirereconnaissant,maispapasecouelatête.—Jem’enoccupe,fiston.Ladernièrechosedontonabesoin,c’estquetut’attiresdesennuis.Ilmeprendparlesdeuxbrasetajoute:—Net’inquiètepas,trésor.Jemerendsaucollègedèscematinetjeleurdemanded’enlevercefilm
deleurFacebook.—Cen’estpaslapageofficielle,papa…Leproviseurnel’administrepas.Detoutefaçon,tropde
personnesontdéjàpartagélepost,ilnousacomplètementéchappé.Jem’imaginearrivantaucollègesouslesregardsdédaigneuxetlesriresmoqueurs.D’uncoup,j’aila
sensationqu’onm’agrippeparlespiedsetquejecoule.Jenepeuxplusrespirer,jenepeuxplusavaler.Moncorpstoutentiersecontracteettremble.
—Pen?Çava?chuchoteElliot.Lesvoixautourdemoisebrouillent,etjen’entendsplusqu’unbrouhahainsupportable.—Pen?—Penny?—Donnez-luidel’eau!—Ellevatournerdel’œil!Jesensdesmainsm’attraperlesépaules–lesmainsfortesdepapa.—Respirelentement,chérie.Trèslentement.—Voicidel’eau,ditTom.Jefermelesyeuxetprendsuneprofondeinspiration.Puisuneautre.Dansmatête,jevoislamer,le
sacetleressac.Peuàpeu,j’arrêtedetrembler.—Machérie,ques’est-ilpassé?Mamanparaît tellement inquièteque j’aiencoreplusenviedepleurer.Mais j’ai troppeurque les
larmesneprovoquentunenouvellecrised’angoisse,alorsjemeconcentresurmarespiration.—Çavamieux?demandepapa.Soncontactm’apaise.Ilm’apporteunesensationd’ancrage.—Tuveuxquejeleurdise?questionneElliotàvoixbasse.
J’acquiesce.Et, alorsque je continuedeme focaliser surma respiration,Elliot leurparledemescrisesd’angoisse.
Mesparentssontlivides.—Jesuisdésolée…,jemurmure.—Pourquoi?répliquepapa,stupéfait.Pourquoies-tudésolée?—Tuauraisdûnousenparler…,intervientmaman.—Jenevoulaispasvousinquiéter.Etpuisjepensaisqueças’arrangerait,letempspassant…—Jenousprépareunthé?proposeTom.Toutlemondeledévisage.Tomneproposejamaisdepréparerquoiquecesoit…C’estquel’heure
estgrave.J’acquiesceenm’efforçantdesourire.—Toutd’abord,commencepapacommes’ilétaitenréunionprofessionnelle,nousallonst’aiderà
réglercescrisesd’angoisse.— Oui, il existe un tas de solutions, renchérit maman. Je connais d’excellentes techniques de
respiration,jelesutilisaisautrefoiscontreletrac!—Toi,tuavaisletrac?!Difficiledel’imaginerayantpeurdequoiquecesoit!—Oh que oui, et c’était terrible. Parfois même, je vomissais avant d’entrer en scène.Mais j’ai
apprisàmaîtrisercessymptômes,chérie,ettuyparviendrasaussi.—Toutàfait,abondepapa.Quantàmoi,j’appelletoutdesuitelecollègepourdirequetuesmalade.
Tuvastereposerjusqu’auNouvelAn,histoirededonneràcetorageletempsdepasser.Detoutefaçon,ilnerestequedeuxjoursavantlesvacances.
—Merci,papa.—Cen’est pas tout, ajoute-t-il en lançantun regard appuyéàmamère, nousvoulonsque tunous
accompagnesàNewYork.—Maisje…—Etnoussouhaitonsqu’Elliotsoitduvoyage.—Pardon?!faitcedernier,abasourdi.—Nousavionsdetoutefaçonprévudevousenparler,précisemaman.Cequivientdeseproduire
rendencoreplusindispensabletavenue,Elliot.—Nousne resteronsquequatre jours, expliquepapa.Départ jeudi et retour dimanche, le soir de
Noël.Ilenvoieunclind’œilàTomavantd’ajouter:—Cequinouspermettradepasserleréveillontousensemble.Elliotirradiedebonheur.Ondiraitqu’ilvientdegagnerauloto.—Quantàtoi,Pen,poursuitmamère,celateferadubiendetechangerlesidées,demettrederrière
toil’accident,maisaussicettestupidevidéo.—Toutàfait,renchéritpapa,ànotreretour,cetteaffaireseradel’histoireancienne.—Iln’apastort,souligneElliot.Àcetinstant,sontéléphonesonne.Ilconsultel’écran,lessourcilsfroncés.—Salut,papa…,dit-ilendécrochant.JesuischezPenny.D’accord,d’accord,j’arrive.Ilraccrocheetnousadresseunregarddésolé.—C’étaitmonpère,ilmefaitremarquerquejedevraisêtreenroutepourlecollège.Jeferaismieux
dem’activer.Ilmesaisitlesmainsetajoute:—Jesaisqueprendrel’aviont’angoisse,Pen,maisonvatoustesoutenir!Illanceuncoupd’œilàmesparentsquis’empressentd’acquiescer.—Biensûr,chérie,renchéritmaman.
—Noussommestoujourslàpourt’aider,précisepapa.Denouveau,lasonneried’Elliotretentit.—Oui,oui,maman…C’estcequejeviensdedireàpapa…Chezlesvoisins!…Jerentredansdeux
minutes.Ilrangesonportableetsoupire.—Àcroirequ’ilsnesedisentvraimentrien!Pfff…J’espèrequ’ilsmelaisserontpartiravecvous…—J’irailesvoirmoi-même,prometmaman.Ilsneverrontprobablementpasd’inconvénientàceque
tunousaccompagnes.Surtoutquenosclientsprennentenchargetouslesfrais.Elliotacquiesce,visiblementrassuré.Ilsetourneversmoiet,lesyeuxpleinsd’espoir,medemande:—Alors,Pen?Qu’est-cequet’endis?Jeprendsuneinspirationetannonce:—NewYork,nousvoilà!
20décembreAffronternospeursSaluttoutlemonde!Merciencorepourvosdernierscommentaires !Au risquedevousparaîtrebizarre,puisqu’onnes’estjamais rencontrés en vrai : je vous considère comme de véritables amis – vous êtes si gentils et sigénéreux…Jeneseraispaslamêmesansvotresoutien.Vousvoussouvenezprobablementdemanotesurlescrisesd’angoisse.Ehbien,cettesemaine,j’aiconnuun«syndromedeCendrillon».Le«syndromedeCendrillon»,c’estl’expressiondemoncopainWikipourdécrireunesituationd’abordhorriblequi se transformeenexpériencemerveilleuse,commedansCendrillon:ellecommenceparperdresapantoufledevairetaufinal,elleépouselePrincecharmant.Cette semaine, j’ai vécu un événement horriblement humiliant, qui m’a donné de nouvelles crisesd’angoisse.Maisjecrois(etj’espère)quecettemésaventurevasetransformerenuneaventurepositive:en effet, je pars bientôt en voyage, ce qui veut dire que je vais prendre l’avion. Cette perspectivem’inquiètebeaucoup,maisj’aiunespoir:surmontermaphobiedel’avionenl’affrontantunebonnefoispourtoutes.Quandj’étaispetite,j’étaispersuadéequ’unesorcièrevivaitcachéesouslelitdemesparents.Chaquefoisquejepassaisdevantleurporte,jememettaisàcourirpourquecettesorcièren’aitpasletempsdemetransformerencrapaud.Unjour,monpèrem’avueetm’ademandécequisepassait.Quandjeluiaiexpliqué,ilm’afaitentrerdanssachambreetaéclairélesolsoussonlitavecunelampedepoche.Iln’yavaitriend’autrequ’unevieilleboîtedechaussures.Moralité:parfois,ilfautaffrontersespeurspourserendrecomptequ’ellessontinjustifiées.Cettesemaine,donc,enembarquantdansunavion,j’affronteraiunedemespeurs.Etvous,alors?Quellessontvospeurs?Commentenvisagez-vousdelessurmonter?
Jevousraconteraicomments’estpassélevoldansmaprochainenote!
GIRLONLINE
Chapitre12
—Ce qu’il te faut, m’annonce Elliot quand nous nous installons dans le petit café de la salled’embarquement,c’estunéquivalentdeSashaFierce.
—Unquoi?Mon cœur bat à tout rompre. D’ici peu, on nous appellera pour monter à bord d’un avion qui
s’élanceraensuitetrèshautdanslecieletparcourracinqmillekilomètressanss’écraser.Ouimais…s’ils’écrase?Si…
—SashaFierce!reprendElliot.Tusaisbien!LedoublescéniquedeBeyoncé.—Qu’est-cequeturacontes?Elliotsereculedanssachaiseetétendseslonguesjambes.Ilporteunsweatvintagedel’université
Harvard,unslimàrayuresetdesConversevertpomme.Commentpeut-ilêtreaussidétendu?!—QuandBeyoncéadémarré,explique-t-il,elleétaittrèstimideetdétestaitseproduireenspectacle.
Alors,elles’estinventéunalteregoextravertietpleind’assuranceetl’abaptiséSashaFierce.Àchaquefoisqu’elleentraitenscène,elleseglissaitdanslapeaudecetteSashadécidée,confiante,lescheveuxauvent.
—Lescheveuxauvent?—Benoui,tusais…Elliotbalancelatêtedegaucheàdroite,enmimantlacheveluredeBeyoncé.—Jenevoispascommentcettehistoirepeutm’aider…—IlfautquetuinventestapropreversiondeSashaFierce,etquetutemettesdanssonétatd’esprit
quandtuembarqueras.Jepropose:«SarahSauvage»!—«Barbare»,tantquetuyes!Je jette un coup d’œil vers le comptoir oùmes parents commandent trois cafés et une camomille
(pourmoi, bien sûr). Je frémis…Quand ils auront payé, ils reviendront à notre table, on sirotera nosboissonspuisceseral’heured’embarquer…Lemomentfatidiqueserapproche.
—CarolineConfiance?J’observeElliotd’unœilconsterné.Ilsoupire.—D’accord,d’accord…Trouves-enun,toi!Unefemmepasseprèsdenous,traînantderrièreelleunevaliseroseàroulettes.Elleporteunjean
grismoulant,desbottinesàboutpointuetunemagnifiquecape.Elleparaît forteetnaturelleà la fois.Mêmesescheveuxsontparfaits–uncarrénoiretbrillant,avecdesrefletsacajou.Quandellepasseprèsde moi, je vois qu’elle porte autour du cou des petits pendentifs qui forment le mot :«B.A.T.T.A.N.T.E.»C’estunsigne…
—Lenomdefamilledemonalteregosera«Battante»,jedéclare.
Elliotacquiesce.—Parfait!Etleprénom?Je réfléchis un instant. Qu’est-ce que je voudrais être, en plus de « battante » ? Calme ? Sauf
que«CalmeBattante»,ceseraitridicule.Quem’évoquelecalme?Uneimagemevientàl’esprit:lamer.
—Océane!Elliotapprouve:—OcéanelaBattante.C’estsuper!OcéanelaBattante.Monnouveaupseudonymetournedansmatête.Jem’imagineensuperhéroïnede
bandedessinée,arborantunbodybleu-vertetunecapedemêmecouleur.Mes longuesbouclesauburndescendenttrèsbasdansmondos…
«JesuisOcéanelaBattante», jemerépète.Et, incroyablemaisvrai, lesbattementsdemoncœurs’apaisentetmagorgesedénouelégèrement.
« Je suis Océane la Battante… » J’imagine mon double dressé sur une vague, les mains sur leshanches,surveillantl’horizon.
C’estàcemomentquemesparentsarriventavecnosboissons.—Toutvabien?questionnemaman.—Oui,jeréponds,réussissantmêmeàsourire.PendantquemesparentsdiscutentavecElliotde tous lesendroitsqu’ilsvoudraientvisiteràNew
York,jemeconcentresurlesexercicesderespirationquemamanm’aappris,etjecontinueàénumérermentalementlesqualitésd’OcéanelaBattante.Elle,elleprendraitl’avionsansciller!Elles’avanceraittranquillement jusqu’à la porte d’embarquement, la tête haute et le regard droit.D’ailleurs, elle ne seserait jamais laissée terrasser par l’angoisse de l’accident ! Elle aurait continué à combattre lesméchants,avecforceetdétermination.
Montéléphonevibre…Findelarêverie.C’estuntextodeMegan.Megan : Hello, Penny ! Kiram’a dit que tu passais les vacances àNewYork. C’est vrai ? Tu peuxm’acheterunparfumChanelendutyfree?Jeterembourseàtonretour!Bisous
Bienquejen’aiepasremislespiedsaucollègedepuislespectacle,c’est lapremièrefoisqu’ellem’écrit.MêmeOlliem’aenvoyéunmessageFacebookpourprendredemesnouvelles.Etévidemment,ellenes’estpasexcuséepourlavidéobienqu’ellel’aitretiréedesapage.
J’éteinsmontéléphoneetlerangedansmonsac.QueferaitOcéanesionpostaitunevidéod’ellesurleweb ?Elle en rirait d’un air détaché, avant de sauter sur sa planchede surf en quête de nouvellesaventures.Ilseproduitalorsunphénomèneétrange:d’uncoup,jemesensbien.Certes,ilm’estarrivédeschosesdouloureusescesdernierstemps,maisjeneveuxpasmelaisserabattre!J’aibeauêtreunecatastropheambulante,uneangoisséeetporterdesculottesélimées,jesuisentraind’embarquerpourunvoyagegénial.Parcequejesuisgéniale!«IamOcéanelaBattante!»
Chapitre13
Nos quatre places sont sur lamême rangée, dans la section centrale de l’avion. Jem’installe entreElliotetpapapourmerassurerautantquepossible.Pourtant,dèsquelemoteurdel’appareilvrombit,jesensmagorgeseserrer.
—Dis-m’enplussurOcéanelaBattante,meglisseElliot.—Elleaunesuperplanchedesurf…,jerépondsenm’agrippantauxaccoudoirs.—Excellent!Illuifautaussiunesortedeslogan…La voix du pilote retentit dans les haut-parleurs, claire et décidée un peu comme celle de papa :
«PNC,préparez-vousaudécollage!»—Commentça,«unesortedeslogan»?jedemandeàElliot,pourm’occuperl’esprit.—LesTortuesNinjadisent«Cowabunga!»etBuzz l’Éclair«Vers l’infinietau-delà !»…Une
phrasecommeça!—Jevois…Maisjetepréviens,jenechoisiraipas«Cowabunga!»L’avionsemetenmouvement–jefermelesyeuxetmeconcentresurmarecherchedeslogan.Dès
quenousprenonsdelavitesse,j’aiunflash:notrevoiturequitraverselaroute,lespneusquicrissentsurle goudron trempé, et les hurlements de maman. Je lui jette un coup d’œil inquiet : elle discutetranquillementavecpapa.
—Pourquoipas:«Quoid’neuf,doc?»,suggèreElliot.—Çaexistedéjà,non?—Oui,c’estlaphrasefétichedeBugsBunny…Jem’esclaffe,maismonrireestmêléàdelapeur.Sousmespiedsetdanstoutmoncorps,jesensla
lourdecarlinguesesoulever,puisgrimperdanslecielàtoutevitesse.—Çava?demandeElliotenposantsamainsurlamienne.Jehochelatêteetserrelesmâchoires.—Continueàmeproposerdesslogans,jemarmonneentremesdents.Quandnousatteignonsl’altitudedecroisière,Elliotm’aénumérélesslogansdetouslessuper-héros
del’histoiredessuper-héros,depuisCaptainAmericaàWolverine.—Commenttesens-tu,Pen?medemandepapa.J’acquiescepourlerassurer.Elliotserévèleêtrelemeilleurdescompagnonsdevol.C’estbiensimple,jusqu’àl’atterrissage,il
n’arrêtepasuneminutedeparler ! Ilcommentemême les filmsquenous regardonsensemble surmonécran.
Dans les raresmoments oùpointe l’angoisse (par exemplequand s’allume le signe« attachezvosceintures»pendantquelquesturbulences),jemeconcentresurmarespirationetjevisualiselasilhouette
toniqued’OcéanelaBattante.L’équipagesepréparepourl’atterrissage,etjeressensunfrissond’excitation.Plusl’aviondescend,
pluslespassagerssecollentauxhublots–moi,jerestefigée,lesyeuxrivésausiègededevant.«Jesuisunebattante,jesuispuissantecommel’océan»,jemerépèteenboucle.Aprèsunlégerrebond,l’avionsepose.Mesyeuxseremplissentdelarmesdejoieetdesoulagement.—Onestarrivés!Onaréussi!Enmelevantpourrassemblermesaffaires,jejetteuncoupd’œildehors.Rienqued’aprèsletarmac,
onsaitqu’onestenAmérique!Ilyad’immensescamionsaulongnezmétalliqueetdestechniciensencasquetteettreillis.
—Salut,NewYork…,murmureElliotavecunimmensesourire.Riennepeuttempérernotreenthousiasme,pasmêmelesdeuxheuresdequeueàladouane.Dansla
filed’attentedestaxis,Elliotetmoisommestellementsurexcitésqu’ondoitnousprendrepourdesfous.Lestaxisjauness’élancentlesunsaprèslesautresunefoisleurspassagersàbord.Onsecroiraiten
pleintournagedefilm!Toutparaîtsidifférent…etenmêmetempssifamilier.Maman, elle, n’a pas le temps de se réjouir : depuis la seconde où nous avons atterri, elle a
commencé à passer des coups de fil pour l’organisation dumariage.En cemoment, elle discute avecSadieLee, le traiteur.D’aprèsceque j’entendsde leurconversation, lescaillesprévuesdans lemenuDowntonAbbeyneserontpaslivréesàtemps.
—Alors, il faudranousenpasser,conclutmamèreenfaisant lescentpas.Enrevanche,n’oubliezpasdepréparerlacrèmeanglaisepourlepudding!
Papaposeunemainsursonépauleetelleseblottitcontrelui.Avectoutescesémotions,j’aioubliéquemamanétaiticipourletravail!Jelesrejoinsetnousnousétreignonstouslestrois.
Enfin,noussommesentêtedelafiled’attente.—Destination?questionnelechauffeurensautantdesontaxi.Ilporteunpullnoiretunjean,etal’airparticulièrementrenfrogné.—AuWaldorf-Astoria,s’ilvousplaît,répondpapa.—C’estleplusbeaujourdemavie!s’exclameElliotsousleregardatterréduchauffeur.Ce dernier aperçoit alors notre montagne de bagages.Maman a dû prévoir deuxmalles pour les
tenuesdesmariés.—C’estuncamiondedéménagement,qu’ilvousauraitfallu!bougonnel’homme.Mamanluiadresseunsouriredésolétandisque,àcontrecœur,ilchargenosvalisesdanslecoffre.—Leschauffeursdetaxisnew-yorkaissontobligésd’êtredésagréables,meconfieElliot.C’estleur
signedistinctif.Lechauffeurseraidit.—Qu’est-cequet’asdit?!Elliotsursaute.—Euh…Riendutout!Simplementque…vousjouiezàmerveillevotrenumérodechauffeurdetaxi
new-yorkais.—Qu’est-cequet’entendspar«monnuméro»?—Ehbien…votrerôledetypeunpeu…bourru,avanceElliot,lesyeuxausol.—Çan’ariend’unnuméro,fiston!J’suiscommeça,c’esttout!Maintenant,montez.Nousnousexécutons.Jen’osepasregarderElliotdepeurdepiquerunfourire.Letaxiquittel’aéroportetjeretiensmonsouffle.Toutestsiimmense,del’autorouteàsixvoiesaux
gigantesquespanneauxpublicitaires!—Vousavezeudelaneige?demandepapaqui,enparfaitAnglais,sesentobligédeparlerdela
pluieetdubeautemps.
—Nan,répliquelechauffeur,avantdesepencherparlafenêtrepourinjurierunautomobilistequiluiafaitunequeuedepoisson.
Jeserrelespoingssifortquemesongless’enfoncentdansmapeau.MamanetElliot,àmagaucheetàma droite, posent chacun unemain surmon genou. Je ferme les yeux et pense très fort àOcéane laBattante.
NousentronsdansManhattan.Lespaysagessonttellementincroyablesquej’enailatêtequitourne.J’étais préparée à voir des gratte-ciel… mais pas à ce qu’ils grattent littéralement le ciel ! Je nem’attendaispasnonplusàvoiruntelmélangedebâtimentsultra-modernesetd’immeublesanciens.LesNew-Yorkais eux-mêmes me fascinent encore plus ! Les trottoirs grouillent d’hommes d’affaires encostume,defemmesentailleuretdebadaudsvenusfaireleurshoppingdeNoël.Ilsuffitquejerepèreunlook original pour qu’un autre, plus déjanté, entre dans mon champ de vision ! Une femme en vestecintrée,chausséedetennisbleus,sefaufileàtraverslacohueavantdedisparaîtredansunbar.Unjeunelatino,auxcheveuxmauves,émerged’unelibrairiepuissemêleàlafoule.Plusloin,enpleincarrefour,unpolicierdégusteunhot-dogetunereligieuseenhabitglisseàtraverstouscesgenscommesiellenelesremarquaitpas.Toutcelasurfonddesirèneshurlantesmêléesauxklaxonsetauxcris.Elliotmeserrelebras,foud’excitation.
NousabordonsParkAvenue.Larouteestsilargequelesfeuxrougessontsuspendusau-dessusetsebalancent au vent.Mes yeux s’arrondissent à chaque palace que nous dépassons. Combien de photosgénialesjevaispouvoirfaireici!
Le taxi stoppedevantnotrehôtel et nous restons tous sansvoix.La façadedepierregrise semblehautedeplusieurscentainesdemètres.DeuximmensessapinsdeNoëlsontdressésdepartetd’autredelargesportes tournantes.Jesorsduvéhiculeetperçoiscommeunepetitepiqûrefroidesurmonnez. Ils’estmisàneiger…
—Bonjour,mademoiselle!lanceunportierenuniforme.—Bonjour…,jerépondstimidement.—BienvenueauWaldorf,reprend-ilens’avançantpourprendrenosbagages.Lesdécorationsrougeetordessapins,lesfloconsquitombentducielcommedesperles…jen’ai
plusl’impressiond’êtredansunfilmmaisdansuncontedefées.Jecroiselesdoigtsenespérantquelafinseraheureuse.
Chapitre14
Imaginezlepalaceleplusmagnifiqueetleplusluxueux…Ajoutez-yencoredel’or,deschandeliers,dumarbreetducristal…VousvoilàauWaldorf-Astoria.
—Paspossible…,murmureElliotencontemplantlehalld’entrée.—C’estpasl’aubergedejeunessedeHastings,hein?ironisepapaavecunclind’œil.Maman,elle,paraîtterrorisée.—C’esténorme…,souffle-t-elle.Jenesaispassielleparleduhall,del’hôteloudumariagequ’elledevrayorganiser.Elliotetmoiarpentonslescouloirs,bouchebée,jusqu’ànoschambres.Letopdutop,c’estqu’elles
ontuneportecommunicante!—Voilàcequ’ilnousfautàBrighton!s’exclameElliotenouvrantlebattant.Ceneseraitpasgénial,
quejepuissevenirtevoirsansmêmedevoirsortir?—Ohquesi!jeglousse,entestantlematelas.Avecsonmobilierenacajoufinementsculpté,machambresembletoutdroitsortied’unmanoir.Les
couleursdominantessontl’oretlebordeaux–desteintesquejenechoisiraisjamaispourchezmoimaisqui, ici, fonctionnent à merveille. Je m’avance vers la fenêtre dont les rideaux en velours grimpentjusqu’auplafond.Etlà,derrièrelesvoilages…
—…L’EmpireStateBuilding,s’exclameElliot.Nous admirons longuement les hauts immeubles deManhattan, puis nous échangeons un regard et
bondissonscommedesenfantslematindeNoël.Mesparentspassentl’après-midiàdiscuterdumariageavecCindy,JimetSadieLee,letraiteur.Ils
nousontsuggérédenousreposeràcausedudécalagehoraire,maisnoussommesbientropexcitéspourdormir. Nous voilà donc installés sur mon lit, entourés de coussins et, télécommande en main, nouspassonsenrevueleschaînesaméricaines.
Enmêmetemps,ElliotfaitdesrecherchessurleWaldorf-Astoriasursonordinateurportable.Jen’aipas sorti le mien dema valise. J’ai décidé de ne pas y toucher jusqu’à la fin du voyage. J’ai aussidésactivé toute connexion Internet surmon téléphone. Je compte bien profiter du fait qu’un océanmesépareducollège!
—Pen,écouteunpeu!«LeWaldorf-Astoriafutcréépardeuxcousinsrivaux,WaldorfetAstor,quifirent bâtir deux hôtels voisins. Puis ils se réconcilièrent et firent ajouter un couloir entre les deuxbâtiments.»
—C’estdingue!—Ouaip!Maisl’hôteloriginaladûêtredémolipourfairedelaplaceàl’EmpireStateBuilding.
Celui-cidatede1931.
Jejetteuncoupd’œilparlafenêtreet,unefoisdeplus,unfrissonmeparcourt.J’ail’impressiondevivreunrêve!
—Etdevinequoi,poursuitElliot,lesyeuxronds,c’estauWaldorfquefutinventéleroomservice!ET il y avait une station de métro secrète au sous-sol, pour les VIP qui voulaient arriver incognito,commeleprésidentdesÉtats-Unis!
Ilmefixe,presqueentranse.—Oh,Pen!J’adorecetendroit!Enhommageàl’inventeurduroomservice,nousnousfaisonslivrernotredînerdansmachambre:
unesaladeWaldorf–autreinventionlocale–etuneénormepizzaMargarita.Quandmesparentsfrappentà laporte, la fatiguecommenceàpoindre.Papaa l’airaussidétenduqued’habitude,maismamann’ajamaisparusistressée.
—Ilyatantàfaire!selamente-t-elleens’asseyantsurmonlit.Onauraitdûarriverplustôt,jelesavais…
—Tout irabien,assurepapa. Il reste toutdemainpour travailler.Sanscompterque le traiteurestexceptionnel.
Mamanacquiesce.—Oui,SadieLeeestsuper.Ellenousafaitgoûtersonpudding:exquis!Ellesetourneversmoi,etpoursuit:—Dis-moi,Pen,CindyetJimsouhaiteraientquetuprennesdesphotosdescoulissesdumariage.Ils
ontengagéunprofessionnelpourlesclichésofficiels,maisilsvoudraientgarderaussidessouvenirsdespréparatifs.
—Pourquoimoi?—Jeleuraimontréquelques-unesdetesréalisationsetilsontétéimpressionnés.—Trèsimpressionnés!précisepapa.—Ilyadequoi!faitremarquerElliot.Pennyestuneexcellentephotographe.—C’estd’accord!jem’exclame,fièrecommeunpaon.Jecommencequand?—Demain,pendantlamiseenplacedeladécoration.—Net’inquiètepas,Elliot,ajoutemonpère,pendantquelesfillesserontoccupées,onirafaireun
peudetourismeentrehommes.Tuaimeraisvoirquelquesmusées?Àmagrandesurprise,jeconstatequemonamialeslarmesauxyeux.—Ohoui,j’adorerais…,souffle-t-il.Vousêtessympas,vraiment.Mercidem’avoiremmené.—C’estunplaisir,assuremaman.Etnousleserronstousdansnosbras.
Chapitre15
Lelendemainmatin,jesuisréveilléepardescoupsfrappésàlaporte.—Pen,tueslevée?L’espaced’uninstant,jemedemandepourquoij’entendssibienlavoixd’Elliotàtraverslemurde
ma chambre… Puis j’ouvre les paupières, et les draps blancs soyeux me rappellent que je suis auWaldorf-Astoria.JesuisàNewYork.J’aisurvécuauvol!
—Oui!Entre!Elliotsurgitparlaportecommunicante.—Jesuisdeboutdepuisdesheures!explique-t-il.Commentdormiralorsqu’onestàNewYork!Uncoupd’œilàmonréveilmerévèlequej’aidormidixheures.Unexploit!Elliots’assoitauboutdemonlitetouvresonordinateur.—JesaisquetuveuxgardertesdistancesavecInternetmaisilyauntrucquetudoisvoir.—Elliot,s’ilteplaît…Jeneveuxpluspenseràcettestupidevidéo.—Rienàvoiraveclavidéo.Ils’agitdetonblog.Jeledévisage.—C’est-à-dire?—C’est-à-direquetuasencorefaitlebuzz,machère.Maisdubonbuzz,cettefois!—Hein?Jem’approche.C’estmanotesurlespeurs.—Regardelescomms…Mesyeuxparcourentlapage.Ilyatroiscentvingt-septcommentaires.C’estlapremièrefoisquej’en
reçoisautant!— Ils ont tous parlé de leurs phobies, explique Elliot, et comment ils comptent les affronter. Et
regardeunpeucombiend’abonnéstuasgagnés!—Hein?Dixmille?!—Dixmilleseptcentquinzeexactement.Jemeredresse,souslechoc.—Tudevraisleslire,Pen.Certainssonttrèsémouvants.Ilyaunefillequiexpliquequ’ellevadire
sesquatrevéritésàuneélèvequilatyrannise,etuneautrequiveutdépassersapeurdudentiste.Ah,etcelui-ci:ilfautquetulises!
Elliotpointedudoigtuncommentaire.SalutGirlOnline,
Moi,mespeurssontunpeuparticulières…Jusqu’àaujourd’hui,jen’enavaisjamaisparlé.Maissitoi,tutrouveslecouraged’affrontertesangoisses,jedoispouvoirsurmonterlesmiennesaussi.C’estmamère,quim’effraie.Enfin,paselle–saconsommationd’alcool.Depuisqu’elleaperdusontravail,elleboitdeplusenplus,etjenesupportepassonétatquandelleatropbu.Elledevientcolériqueetparano,etellemecrietoutletempsdessus.Maiscequimefaitlepluspeur(désolée,çavasemblerdébile),c’estsatransformation…Quandelleboit,ellesefoutdetout,delavie,desautres…mêmedemoi.Tanotedeblogm’adonnélecouraged’agir.Aujourd’hui, j’aiprévudeparleràmatante.Jemedoutequ’ellenepourra rien résoudre,mais elle saurapeut-êtremedonnerdes conseils.Et rienqued’enparler, jemesentiraipeut-êtremieux.Mercid’êtresicourageuse,etdenousinciteràl’êtreaussi.Bisous
MISSPÉGASE
JeregardeElliot,leslarmesauxyeux.—Jesais,acquiesce-t-il.Maintenant,lisledernier.Jedescendsjusqu’enbasdelapage.
Re-salutGirlOnline,Je voulais te dire que j’ai parlé àma tante et qu’elle a été adorable.Elle est venue à lamaison et aproposédenoushébergerquelquetemps.Mamannes’estpasmiseencolère–jecroisqu’elleétaitplutôttristeet,déçued’elle-même.Elleditqu’elleveutsefaireaider.Mercidetoutcœur,GirlOnline,tuasmillefoisraison:ilfautaffrontersespeurspourserendrecomptequ’ellesnesontpasjustifiées.Bisous,
MISSPÉGASE
JerenifleetfixeElliot.—Jen’arrivepasàcroireque…quemanoteaitpu…Ilpasselebrasautourdemoi.—Jesuisfierdetoi,OcéanelaBattante.—Merci,Elliot.Jemelovecontrelui,etilajoute:—Tuveuxdire:merci«Waldorfl’Indomptable»!C’estmonnouveaupseudo!
Sipapaestlechampionincontestabledupetit-déjgrâcesesPetits-déjeunersduSamedi,lamédaille
d’argentrevientsanscontesteau«morningbuffet»del’hôtelWaldorf.Aprèsnousêtrerégalésdebaconetdepancakesausiropd’érable,mamanetmoiprenonsnosquartiersdanslessalonsoùdoitavoirlieulemariage,pendantquepapaetElliotpartentsepromener.Jesuis trèsflattéed’avoirétéchoisiecommephotographedescoulissesdumariage,maisaussiunpeufrustréedenepaspouvoiralleràladécouvertedeNewYork.
Jeretiensuncriquandj’entredanslesalonquiserviradesalledecérémonie.—Maman!C’estl’endroitidéal!—Jesuisd’accord,approuve-t-elleensouriant.Ces tableaux aux murs, ce tapis luxueux, ce mobilier ancien, voilà qui rappelle les décors de
DowntonAbbey.MamanposesonplanificateursurunguéridonArtnouveauet,instinctivement,jeprends
lacompositionenphoto:ellesemblesymboliseràelleseuletoutlemariage.— C’est ici qu’aura lieu la cérémonie, explique maman en désignant les chaises à pieds dorés
disposées en rangs face à une majestueuse cheminée. Ensuite, les invités passeront à côté pour laréception.
Elleouvreladoubleporte,etjedécouvreunepièceencoreplusvasteparseméedetablesrondes.Desuperbes lustrespendentauplafond, et aucentredechaque table s’épanouitunmagnifiquebouquetderoses blanches et de gui. Tout au fond, la table des mariés est décorée de fanions aux couleurs duRoyaume-Uni.OnsecroiraitenAngleterre…audébutdusiècledernier!
—Hello,hello!résonneunevoixdansnotredos.TudoisêtrePenny?Jemeretourneetaperçoisunefemmed’uncertainâge.Elleporteunpullàcolrouléetunélégant
pantalonàpince;seslongscheveuxgrissontrelevésenchignon.Elleesttrèsbelle,avecsespommetteshautes,sonregardbruntrèsdouxetsonrougeàlèvrescarminquicontrasteavecsapeauclaire.
—Bonjour,SadieLee,répondmaman.Eneffet,jevousprésentemafille.—Enchantée.J’aibeaucoupentenduparlerdetoi.Jen’aipas le tempsderépondrequ’ellemeserredanssesbras.Ellesentsibon…unmélangede
savonetdecannelle.—Biendormi?demande-t-elleennousregardantl’unepuisl’autre.—Trèsbien.Maismamèresecouelatête.—Pasmoi,j’étaistroptenduepourdormir.— Inutile de vous faire du souci, répliqueSadieLee.Commeon dirait àDowntonAbbey : « Ce
mariageseradiantrementréussi!»Elleéclatederire…unrireclairetnaturel.Pasdedoute,SadieLeeestdecesgensqu’onaimeau
premiercontact.—LesBradyontdemandéàPennydephotographierlescoulissesdumariage,déclaremamère.— J’allais justement commencer à préparer les amuse-bouches ! Tu pourrais m’accompagner en
cuisine,Penny?— C’est une bonne idée, approuve maman. Tu pourras faire quelques prises de vue. Pendant ce
temps,jedescendraiàlaretouchepourvérifierquelescostumesdesserveusesontétéajustés.Quand elle a tourné les talons, je rejoins Sadie Lee dans la cuisine. Contrairement au mobilier
classiqueetà l’ambiancefeutréedessalons, lacuisineressembleàunlaboratoireultra-moderne,avecsonplandetravailenInoxreluisantetsesfoursdetailleindustrielle.
—Lerepasserapréparédemain,biensûr,expliqueSadieLee,maisjevaisdémarreraujourd’huilescanapéspourlevind’honneur.
—Vousn’avezpasd’équipe?—Pasaujourd’hui.Maisdemain,nousseronsunedizaine!JeprendsplusieursphotosdeSadieLee,lesmainsdanslapâte,etlescomplètedegrosplansdeson
livrederecettes.Puisjedécided’allerphotographierlasalleàmanger…saufquejemetrompedeporteetmeretrouvedansunautresalon.Aucentredelapièce, ilyaunegrandepistededanseentouréedepetites tables. Je rebrousse chemin quand un accord de guitare résonne au fond de la salle. Il faittellementsombrequejedistingueàpeinelasilhouetteassisesurl’estrade.
Jem’avanced’unpasprudent,etperçoisunevoixquiaccompagnelamusique.Letimbreestgraveetjenediscernepaslesparoles,maislamélodieestmagnifiquebienqu’unpeutriste.Jeprogressesurlapointedespiedsetaperçois,dosàmoi,unjeunehommeassisentailleur.Ilestentouréd’unebatterie,d’unsynthéetd’unpieddemicro.Cettevisionest tellementmagiqueque jene résistepasà faireunephoto. Je dégaine mon appareil, zoome et… Catastrophe ! j’ai oublié d’enlever le flash ! Un jet delumièreéclairelascène.
—Eh!Commentêtes-vousentrée?faitl’inconnuenselevantd’unbond,lesmainssurlevisage.Quivousenvoie?
—Pardon!Jen’aipaspum’enempêcher…Tuparaissaissi…Jemeravise:mieuxvautalleràl’essentiel.—… Je suis photographe pour la réception qui doit avoir lieu ici. Et toi ? Tu répètes pour le
mariage?Il me scrute entre ses doigts. Un petit tatouage en forme de croche orne son poignet droit. Je
m’approchedel’estrade,etilreculecommesijeluifaisaispeur.—Àtaplace,jenejoueraispascettechansondemain…,jesuggère.Il semble tellement stupéfait que sesmains se relâchent.À présent, elles ne couvrent plus que la
moitiédesafigure.—Pourquoipas?—Disons…que ça ne fait pas très «mariage ».Lamélodie est belle,mais je l’ai aussi trouvée
tellementtriste…Inspire-toiplutôtdeDirtyDancing,çamarchetoujours!VousconnaissezlefilmDirtyDancing,ici?
Cettefois,ilbaisselesbrasetmedévisagecommesij’étaisuneextraterrestre.Jesuisstupéfaiteparles traitsdesonvisage.Avecsescheveuxnoirsenbataille,sespommetteshautesetciselées,sonjeandélavéetsesbottesdemotardusées,ilaunlookde«Rocker-beau-gosse».
—Euh,oui,réplique-t-ild’unaircettefoisamusé,onconnaîtDirtyDancingauxÉtats-Unis.C’estunfilmaméricain,enfait.
Ma première bourde !Ça devait arriver !Même à sixmille kilomètres de chezmoi, je reste unecatastrophe ambulante… Et même, vu ma situation géographique, une catastrophe ambulanteinternationale!Commeàchaquefois,lesolsedérobesousmespieds…Maisbientôt,c’estuneautresensationquim’envahit:delaforceetdeladétermination.
Pasquestiondemeridiculiserpendantceséjour !Mêmesi,pourcela, jedoisme limiteràparleruniquementàmesparentsetàElliot…Etmêmesiçasignifiedeneplusm’adresserauRockeur-beau-gosse.
—Pardondet’avoirdérangé,jelance,lesjouesécarlates.Bonnechancepourdemain!Etjetournelestalons.
Chapitre16
—Jenechantepasaumariage.Jemeretourne.—Ahbon?Ilmesourit…unsourireravageur,unpeuencoin,quicreuseunefossettedanssesjoues.—Alors,qu’est-cequetufaisici?—C’estmonmétier,ironise-t-il,jem’infiltredanslesgrandshôtelsetjem’yinstallepourjouerdes
mélodiestristes.—Superchoixdecarrière!—Oui,maislesalaireestbof…Siçasetrouve,cetypeestfou…S’ilestvraimententréincognito,est-cequejedoisledénoncer?
Quefaire?!—T’enfais,unetête…,commente-t-il.—Jeréfléchis.—Àquoi?—Jemedemandesi…tuneseraispasfou,parhasard?Iléclatederire.—Non!Enfinsi…maisdans lebonsensdu terme!Lavieestplussavoureuseavecungrainde
folie,non?J’acquiesce.—Commenttut’appelles?questionne-t-ilenposantsaguitaresurunpied.—Penny.—Penny…J’adorecommentilleprononce,àl’américaine.—Moi,c’estNoah.D’aprèstonaccent,jepariequetuesanglaise.—Oui.—Tropcool.Etphotographe?— Oui. Enfin, photographe amateur…Mais j’espère en faire mon métier. Ma mère organise un
mariagedanscethôtel,etonm’ademandédefairedesimagesdescoulisses.—Sérieux?Magrand-mèreaussitravaillepourcemariage!—Tagrand-mère?—SadieLee.Elleestencuisine.—Jelaconnais!Quelsoulagement!Avecunegrand-mèreaussimerveilleusequeSadieLee,ilnepeutpasêtrefou!
—Jel’aiaccompagnéeenvoiturecematin,poursuit-ilavecunsourire,etellem’aditquejepouvaisresteràl’hôteltantquejenedérangeaispersonne.Ducoup,jemesuisunpeubaladé,j’airepérécetteguitareetj’aieuenviedel’essayer.
—Tuesmusicien?—Disonsquec’estun…à-côté,répond-ild’unairénigmatique.Tuasfaim?—Unpeu.Ilsauteaubasdelascèneets’avanceversmoi.Plusils’approche,plusjeletrouvebeau.Sesyeux
bruns sont aussi doux que ceux de Sadie Lee et semblent étinceler quand il sourit. Je me senstransportée…
—Allonsvoircequeconcoctemagrand-mère,propose-t-ilensedirigeantverslaporte.Uneodeuralléchanteflottedanslacuisine.Desdizainesdecupcakesreposent,alignéssurleplande
travail,prêtsàêtreenfournés.PluslointrônentceuxqueSadieLeeadéjàcuits.Cettedernièrenettoieunboldemixeurau-dessusd’unimmenseévier.
—Hello,Mam’!lanceNoah.Tun’auraispasbesoindegoûteurs?Pennyetmoi,onmeurtdefaim…—Noah!s’exclamegaiementSadieLee.EtPenny!Vousavezfaitconnaissance?—Oui,Pennym’aprispourlechanteurdumariage.—Pourlechanteurdu…?répèteSadieLee.—Cherchepas,c’estentrenous,coupeNoahenm’envoyantunclind’œil.Alors,Mam’?Qu’est-ce
quetumijotesdebon?Ilscruteunplateaudecanapés.—Ohquenon ! s’exclame sagrand-mère, en le chassant d’un coupde torchon.C’est pour le vin
d’honneur!—Tout?!—Oui,tout.Maissivousavezvraimentfaim…Elles’interromptcarmamanentreentrombedanslacuisine.—Queldésastre!crie-t-elle.Noahetsagrand-mèrel’observentd’unairaffolé.Pourmapart,jelaconnaisassezbienpoursavoir
quelemoindreamuse-bouchetropgrillélaferaitpaniquer.—Qu’est-cequisepasse,maman?—Lediadèmeestcassé!explique-t-elle,enprenantàpeineletempsd’arrêtersonregardsurNoah.
Il s’estbriséd’uncoup, alorsqueCindyveut absolumentporterundiadèmed’époque ! J’ai laisséunmessagechezdeuxantiquairesmais…
Sontéléphonesonne,etelleleplaquecontresonoreille.—Allô?…Oui!Mercidemerappeler…Jedoismeprocurerundiadèmeédouardien.C’est très
urgent…Pourunmariagequialieudemain…Sonvisagesedétendpeuàpeu.—Àquelprix?…Ilestenbonétat?…Parfait,jeleprends!Mettez-le-moidecôté…Jepasseraile
chercherdèsquepossible!…Oui,merci!Aurevoir.Elleraccrocheenpoussantunsoupir.—C’étaituneboutiquedeBrooklyn,ilsontcequejecherche!Puissonexpressions’assombrit.—Saufquejen’auraijamaisletempsdefaireunaller-retouràBrooklyn!Jedoisencorem’occuper
desessayagesdesdemoisellesd’honneur,fairelepointavecCindyetJim…—Pasd’inquiétude,assureSadieLee,Noahsechargeradudiadème!—Biensûr,confirmeaussitôtcedernier.—Noahestmonpetit-fils,explique-t-elleavecunclind’œil.—Désolée,répliquemamanenluitendantlamain,jenemesuismêmepasprésentée…
—Yapasdemal,assureNoahavecunsourire.Oùest-cequ’ilfautserendreexactement?Mamèrenotel’adressesurunboutdepapieretilsetourneversmoi.—Tuveuxm’accompagner,Penny?Commeça,tuverrasBrooklyn.Moncœurbatplusvite.J’adresseunregardinterrogateuràmaman,maisellealesyeuxrivéssurson
portable.—Oui,oui,trèsbien…,marmonne-t-elleentapantunSMS.Jeluiprendslamainetd’unevoixcalme,déclare:—Toutvabiensepasser.—Merci,trésor.Jevaisrappelerlaboutiquepourdonnermescoordonnéesdecartebancaire.Quant
àtoi,prendsceci.Dehors,ilfaitfroid.Elleenlèvesavesteetmelatend.—Merci,Noah,luidit-elleavecunsourirereconnaissant.—Yapasdequoi.Ilsetourneversmoiet,avecunfauxaccentbritannique,annonce:—Jevouspriedebienvouloirmesuivre,gentedamoiselle,votrecarrossevousattend.
Chapitre17
—Zut,j’aioubliédedireuntrucàSadieLee!s’exclameNoahquandnousarrivonsauxascenseurs.Jereviens!
Je le regarde s’éloigner vers la cuisine, et j’imagine ce que pourrait êtremon statut Facebook dumoment:
PennyPorter–àBrooklyn–avecunNew-YorkaistoutdroitsortideRollingStonesMagazine.J’ail’impressionderêver…—Onpeutyaller!lanceNoahquirevientaupasdecourse,unlargesourireauxlèvres.Danssesmains,deuxcupcakesdeSadieLee!—Elleneremarqueramêmepasquejelesaichipés,assure-t-il.Etpuis,onrendserviceauxmariés
en jouant les goûteurs ! Ils seraient bien embêtés si leurs invités tombaient raides morts en pleineréception!
—C’estsûr,j’acquiesce,hilare.Jeprendsunebouchée.Legâteauestsionctueuxqu’ilfondsurmalangue.—Hmmm…Noahhochelatête.—SadieLeeestlameilleurepâtissièredeNewYork,souligne-t-ilenappelantl’ascenseur,voiredu
mondeentier.Penny,raconte-moil’anecdotelaplusdrôledetavie.—Pardon?Ils’esclaffe.—J’adoretonaccent!Ilyaun«ding!»etnousentronsdansl’ascenseur…Souslesspots,difficiledemasquermesjoues
écarlates.—Allez,insisteNoahenenfilantunbonnetenlaine.—L’anecdotelaplusdrôledetoutemavie?—Oui.Jemecreuselecerveau,maisdansmatête,c’estlenéant.Jefixeledécomptedesétages:20,19,
18…L’anecdotelaplusdrôle…?17,16,15…J’aitellementpeurdenepastrouverderéponsequejelancesansréfléchir:—LaJournéeMagiqueetMystérieuse!—Hein?Maintenant,c’esttoutmonvisagequiestenfeu.
—LaJournéeMagiqueetMystérieuse…,jemarmonne.—C’estquoi?5,4,3…—Uneinventiondemesparentspourmonfrèreetmoiquandonétaitpetits.Çaavaitlieuunefoispar
an.Lesportess’ouvrentsurunparkingsouterrain,maisNoahnebougepas.—Etçaconsistaitenquoi?Jeluijetteuncoupd’œiltimide.Àmagrandesurprise,ilparaîtsincèrementintéressé.—Çatombaittoujoursunjourdesemaine,ducoup,onn’allaitpasàl’école.Monpèrepréparaitun
énormegâteauqu’ondégustaitàtouslesrepas:petit-dèj,déjeuneretdîner.L’autreobligation,c’étaitdefaireunesortieMagiqueetMystérieuse.Mamanetpapadépliaientunecartesurlatable,etl’undenousdésignaitunendroitlesyeuxfermés.Puis,c’étaitpartipourl’aventure!
Lesportesdel’ascenseursereferment,etNoahlesretientjusteàtemps.—C’esttropcool…,commente-t-il,d’untonadmiratifetnostalgiqueàlafois.Rassuréequecettedrôledetraditionfamilialenelerefroidissepas,jepoursuis:—C’étaitnotrepetitsecret.Touslesautresenfantsétaientàl’école,pendantquemonfrèreetmoi,on
serégalaitetons’éclataitenfamille.Lemieux,c’étaitquecettejournéearrivaittoujoursparsurprise.Onl’apprenaitlematinmême,quandnosparentsvenaientnousréveiller.
Nousavançonsdans levasteparkinget,malgré la faible intensitédesnéons, jevoisqueNoahestimpressionné.Jem’empressedepréciser:
— Interdit de le répéter !Tometmoi, on a toujours gardé le secret ! Il faut dire quenos parentsracontaientaudirecteurdel’écolequ’onétaitmalades…
—Et,cetteJournéeMagiqueetMystérieuse,ellealieutouslesans?—Non,onnelafêteplusdepuisplusieursannées.Onapassél’âge.Noahfroncelessourcils.—Tutrouvesqu’onpeutpasserl’âgedemangerdugâteaumatin,midietsoir,etdevivredessuper
aventures?J’éclatederire.—Bienvu!Noahsortsesclésdevoitureetappuiesurlebouton.Un«bip»s’échapped’un4×4noirreluisant,
dontlespharessemettentàclignoter.—Tuasquelâge?—Quinzeans,bientôtseize.Nooooon!Pourquoicetteprécision?!Ilvacomprendrequetucraquessurlui…—Moi,dix-huit,réplique-t-il.C’est donc certain : on n’a, ni l’un ni l’autre, passé l’âge de manger du gâteau et de vivre des
aventures.—Vraiment?jequestionne,lesyeuxronds.Ilhochelatête,puisjetteuncoupd’œildesdeuxcôtés,commepourvérifierquepersonnenenous
entend.— On a déjà eu notre part de gâteau… Maintenant, c’est l’heure de la Tournée Magique et
MystérieusedeBrooklyn!Jepeuxàpeinecontenirmajoie.—Oh,c’estgénial!—Tropcooool,tuveuxdire!enforçantsonaccentnew-yorkais.DanslaGrossePomme,«coool»
estleseulmotquicompte!—Alors,c’esttropcoool,jecorrige,hilare.
J’ouvrelaportièredu4×4.—Tuveuxconduire?demande-t-il,interloqué.—Non…Pourquoiveux-tuque…Ah,d’accord!Je viens dem’apercevoir que l’intérieur est inversé par rapport aux voitures anglaises ! Le siège
passagern’estpasàgauchemaisàdroite.—Désolée,j’avaisoubliéquevousconduisiezdumauvaiscôté,auxÉtats-Unis.—C’estvous,lesBritish,quiconduisezdumauvaiscôté!riposteNoahpendantquejecontournela
voiture.Surmonsiègereposeuncalepincorné.Jem’assoiset leposesurmesgenoux.Çamefaitbizarre,
d’êtreassiseàlaplaceduconducteur…Noahentreàsontour.Ilmeprendaussitôtlebloc-notesdesmainsetlefourredanslaboîteàgants.À
son air gêné, je me demande ce que renferment ces pages froissées. Noah serait-il un écrivain endevenir?Unpoète?Ilalelookpour,entoutcas…
Jesondel’intérieurdelavoiture.DesboîtesdeCDetdesmédiatorsjonchentledessusdutableaudebord,etilyaunesortedebraceletdeperlesnoiresaccrochéaurétroviseur.MêmelavoituredeNoahalatouche«Rockeur-beau-gosse»!
—Danslaplupartdespaysonrouleàdroite,tusais,mefait-ilremarquerenmettantlecontact.—Cen’estpasunargument,jerétorqueenattachantmaceinture.Chezvousilyaaussilesguerres,
lesQCMaucollègeetleCocaCherry!—LeCocaCherry?—Maisoui,vousêteslesseulsàboirecetrucimmonde!Unvraigoûtdemédicament!Cen’estqu’enabordantParkAvenuequejeprendsconscienced’êtredansunevoituresansressentir
aucune anxiété. Finalement, avoir un beau brun à son côté, c’est plus efficace que les techniques derespirationet les alter ego !Mais, à l’approchedupremier carrefour, je suisprised’un frisson.Hier,dans le taxi, jeme sentais unpeuprotégéeparceque j’étais à l’arrière et en sandwich entreElliot etmaman.Mais,aujourd’hui, jesuisàl’avant…àlaplacequidevraitêtrecelleduconducteur!Riendemieuxpoursesentirendanger…
J’agrippeleborddemonsiègeetm’efforcedepenseràautrechose.—Tuesétudiant?jedemandepourlancerunediscussion.—Non,jefaisunepause.—Uneannéedecésure,tuveuxdire?—Unpeu.Maisparlez-moidevous,plutôt,mademoisellePenny:sivousdeviezvousréincarneren
instrumentdemusique,lequelchoisiriez-vous?Untaxinousdoubleàtoutevitesseparladroite,etjesuisauborddelacrisecardiaque.Jefermeles
yeux et tente de me raisonner… Sans succès. Je ne pense qu’à deux choses : le choc et la mort. JemobilisetoutesmesforcespourrépondreàNoah.
—Jeseraisunvioloncelle,vuquec’estmoninstrumentpréféré.—Çanem’étonnepas.J’ouvrelespaupièresetluienvoieunregardenbiais.—Pourquoi?—Parcequelevioloncelleestuninstrumentbeauetmystérieux.Etàmagrandesurprise:ilrougit!—Tuneveuxpassavoirquelinstrumentjeserais?questionne-t-il,retrouvantsonflegme.—Si…—Aujourd’hui, jediraisune trompette,mais çadépenddes jours.Hier, j’auraisplutôt choisi une
grossecaisse.—Jecomprends,dis-je(bienquejenecomprennepasdutout).Alors,pourquoiunetrompette?
—Parcequ’unetrompette,c’estjoyeux.Écouteunpeu…Ilallume l’autoradioet le sond’uncuivreemplit lavoiture. Jene reconnaispas lemorceaumais,
d’aprèslesCDquepapaécouteauvolant,jesaisquec’estdujazz.Noaharaison:latrompetteaunesonoritéclaireetentraînante.Ilbaisselesonetmeregarde.
—OnapprochedupontdeBrooklyn.Tul’asdéjàtraversé?Jesecouelatête.—Onestarrivéshier.Jen’aivuquel’hôtel.—Alorsçatombebienqu’aujourd’huisoitlaJournéeMagiqueetMystérieuse!Unevoituresurgitsurnotredroite.—Attentioooooon!jehurleavecungrandgeste.—Pasdepanique!Jeterappellequ’ilestduboncôté!Jesuisparalysée,maismonesprit,lui,esteneffervescence.Lesimagesdecettenuitglacialetournent
dansmatête…Jerevislestonneaux…lescris…lechaos…Calme-toi,Penny!PenseàOcéanelaBattante!Envain…Lecrissementdesfreinscouvremavoix intérieure.Jememords les lèvrespournepas
pleurer.Siseulement jepouvaisoubliercemauditaccident !Uneboufféedechaleurmonteenmoi.Jen’arriveplusàavalerniàrespirer.Qu’onmelaissesortirdecettevoiture,sinon,jevaismourir!
Noah continue de parler, mais sa voix est lointaine et comme étouffée. J’ai les oreilles quibourdonnent. Les larmes coulent à présent sur mes joues brûlantes. Je retiens tant bien que mal ungémissementdedésespoir.Jeveuxqueças’arrête!Quecescrisesmelâchent!Pourquoicetaccidentest-ilsiduràsurmonter?!
Chapitre18
—Toutvabien?medemandeNoah,d’unevoixplusforte.Jevoudraisacquiescermaisc’estimpossible,jesuistétanisée.Jesenslavoitureprendreunvirage
avant de stopper. J’ouvre lentement les yeux. Nous stationnons dans une petite rue bordée de hautsimmeubles.Noahm’observed’unœilinquiet.
—Jesuis…dé…désolée…,jebégaieenclaquantdesdents.Aprèsmonpicdechaleur,jesuisàprésentglacée.Noahseretourneetattrapeunecouvertureàcarreauxsurlabanquettearrière.—Tiens,dit-ilenmelaposantsurlesgenoux.—Merci.—Explique-moicequis’estpassé.Sa voix est si douce et il semble tellement soucieux que je dois redoubler d’efforts pour ne pas
fondreenlarmes.—Jesuisdésolée…,jerépètemachinalement.Noahrepoussemescheveuxenarrièreetm’observeattentivement.—Tun’aspasàêtredésolée.Raconte-moi,plutôt.Je trembleencore,et jesuisplusdéçueque jamais.Jen’arrivepasàcroirequ’après lesuccèsdu
voyageenavion,unetellecriseaitpuseproduire.Jenemedébarrasseraidoncjamaisdecesmauditesangoisses?!
Noahouvrelaboîteàgantsetfouilleàl’intérieur.Ilensortunebarrechocolatée.—Iltefautdusucre.Jemeforceàprendreunebouchée.Eneffet,jemesenstoutdesuitemieux.—Jesuisdéso…—Si tu redis que tu es désolée, je te force à écouter tout l’albumde country de SadieLee !me
coupe-t-ilavecunsourireencoin.Etcrois-moi,c’estunevraietorture!Tuveuxconnaîtreletitrephare?«Tuasjetémoncœurdanslestoilettesdudésespoir»!
—D’accord,alorsjenesuispasdésolée…—Bien.Maintenant,dis-moicequit’estarrivé.—J’ai…j’aieuunaccident.C’étaitilyaunmois,maisjecontinueàfairedescrisesd’angoisse.—Mapauvre…,réagitNoahavecsincérité.Tuauraisdûmeprévenir!—Jesais…maisjem’amusaistellement!—Vraiment?Nouséchangeonsunregard.UnsouriresedessinesurleslèvresdeNoah.Puisilredevientsérieux.
—Qu’est-ceque tupréfères : qu’on laisse labagnolepour finir le trajet enmétro ?Ouque je teramèneàl’hôtel?
—Non!JeveuxalleràBrooklyn!Lecomble,ceseraitquecettecrisemetteuntermeàmonescapadeavecNoah!Ilyaunsilence(encorequ’àNewYork,lanotiondesilencesoittrèsrelative!)mais,bizarrement,
celui-cin’estpasgênant.Jemesuisdévoiléeàungarçonquimeplaît,pourtantjen’éprouvepaslemêmeembarrasqu’avecOllie.Noahaquelquechosequim’apaise.
—J’aiuneidée,déclare-t-ilenfin.Jevaiscontinueràconduiremais,cettefois,trèslentement,etjet’expliquerai tout :quand je tournerai,quand jem’arrêterai, et si je repèrequelquechosequipourraitt’angoisser,jetepréviendrai.
Jehochelatêteavecreconnaissance.—Çapassera,crois-moi,ajoute-t-ilensecontorsionnantpoursemettre faceàmoi.Tuconnais le
proverbe:«Letempspansetouteslesplaies»?J’acquiesce.—Lapremièrefoisquej’aientenducetadage,poursuit-il,çam’aénervé.Jepensaisquec’étaitde
simplesmots qu’on prononçait en guise de réconfort.Mais c’est la vérité. Le temps soigne toutes lesplaies.Peuàpeutuirasmieux,jetelejure.
Ilyaquelquechosedanssonregardquimefaitcroireàsesparoles.—Merci…—Jet’enprie,dit-ilenremettantlecontact.Onyva?—Onyva.Commepromis,nousprogressonslentement.Noahcommentelesmoindresdétailsdenotreparcours,
comme un guide, sauf qu’au lieu deme décrire lesmonuments, ilm’indique quand on approche d’uncarrefour,quandilaccélère,quandiltourne…
ArrivéeaupontdeBrooklyn,j’ailesentimentd’avoirreprisledessus.Etc’esttantmieuxparcequecepontestvraimentmagnifique,avecsesimmensesarcadesgothiquesauxdeuxbouts,etcespoutresenacierquilesoutiennentsurtoutelalongueur.Lavueestincroyable.
—Commentçava?s’enquiertNoahquandnoussommesàmi-chemin.J’acquiesce,sansdétacherleregarddesimmeublesau-devant.TandisqueceuxdeManhattansontde
verre ou de pierre blanche, les bâtiments de Brooklyn sont faits de briques rouges et brunes qui sedétachentsurlecield’azur.
—Bienvenuedansmaville!lanceNoahquandnousquittonslepont.—TuhabitesBrooklyn?—Ehouais!Alors,çateplaît?—J’adore!çamerappellel’automne.N’importequoi!Tunepeuxpasparlernormalement?!—Lescouleurs,tuveuxdire?demandeNoah.—Oui,dis-je,soulagéequ’ilm’aitcomprise.—Je suisd’accord.C’est comme tes cheveux…euxaussime rappellent l’automne.Et l’automne,
c’estlasaisondesplusbellescouleurs.Jenepeuxm’empêcherdesourire.Nous nous enfonçons dans Brooklyn et pénétrons dans un quartier calme et résidentiel, aux rues
étroitesetarborées.Jepeuxenfinmedétendre.—Merci,Noah.Jemesensmieux.— Je t’en prie, répond-il avec un sourire.Allons récupérer le diadème, puis on continuera notre
TournéeMagiqueetMystérieuse.—Bonneidée.
La voiture s’engage dans une rue jalonnée de cafés et de petites boutiques.On dirait une versionaméricainedesLanesdeBrighton.
—Tuessûrequeçava?medemandeNoahensegarantdansunpetitparking.—Sûreetcertaine.Ilattrapeunevesteencuirtannésurlabanquettearrière.Puis,enl’enfilant,ilscruteparlafenêtre
commepourvérifierquelquechose.Enfin,ilsortduvéhiculeetjel’imite.Çafaitdubiend’êtresurlaterreferme!J’inspirel’airsecetfroid.
—Laboutiqueestparlà,expliqueNoahenpointantdudoigtlarue.Nouspassonsdevantunelibrairiedelivresd’occasionetlaportes’ouvre,laissantparaîtreunejeune
femme.ElleobserveNoahcommesielleleconnaissait.Lui,aucontraire,accélèrelepas.—Jecroisqu’onacroiséuneamieàtoi,jefaisremarquerenallongeantmafouléepournepasme
laisserdistancer.—Hein?—Lafillequ’onvientdevoir.Jejetteuncoupd’œilpar-dessusmonépauleetconstatequ’ellecontinuedenousfixer.Pourtouteréponse,Noahremontelecoldesavestepourseprotégerdufroid.—Nousyvoici!annonce-t-ilsoudain.Nousnoustrouvonsdevantuneéchoppebaptisée:Autempsperdu.Lavitrinefourmilledetrésors.
Noahmefaitsigned’entreret,àpeinelaportefranchie,j’ai l’impressiond’êtredanslacaverned’AliBaba.Jevoudraispouvoirprendreenphotochaquerecoindelaboutique!Surlesétagèrestrônentunevieillemachineàcoudreetungramophone.Plusloin,j’aperçoisdestringlesentièreschargéesdefripes.Elliotdeviendraitfoudansuntelendroit!
Noahs’avanceverslecomptoir,aufonddelaboutique,maismonregardrestefixésurunesuperbepoupéeenporcelainevêtued’unerobedeveloursbleu,avecuncolendentelleunpeujauniparletemps.Ses longs cheveux sont de la même teinte cuivrée que les miens, et de délicates taches de rousseurparsèmentsonnez.Installéesurunepiledevieuxlivres,ellealatêtepenchéed’uncôté,cequiluidonneun air mélancolique. En moins de deux secondes, je sors mon appareil et la prends en photo. Noahsursauteenpercevantleflashetfaitvolte-face,maisdèsqu’ilmevoit,ilsedétend.
—Cettepoupéeparaîtsitriste,jeluiexplique.Jemedemandecommentelles’estretrouvéeici…Jelasoulèvedélicatementetlissesarobe.— Je déteste les jouets abandonnés. Quand j’étais petite, j’avais même créé un orphelinat pour
jouets!Àchaquefoisqu’onpassaitdevantunebrocante,jetannaismesparentspourqu’ilsachètenttouslesjouetsexposés.Poureux,c’étaitl’enfer!
Arrêtederacontertavie!—Jecomprendstrèsbien,déclareNoahcontretouteattente.Jel’observe,éberluée.—Jefaispareilaveclesinstrumentsdemusique,enchaîne-t-il.Jenesupportepasdevoiruneguitare
abandonnée.Uninstrument,çanevitquesionenjoue!—Commelesjouets…—Toutàfait.Nouséchangeonsunregardetsourions,alorsj’éprouveunesensationbizarre,commesinousvenions
denous…imbriquer.Derrièrelecomptoir,unvieuxmonsieuràmoustachelitunlivre.—Oui?fait-ilsansmêmeleverlesyeux.—Onvientchercherundiadème,expliqueNoahenconsultant lepapierdemaman.C’estpourun
mariage.L’hommeposesonouvrageetnoustoisepar-dessusseslunettes.
—Vousn’êtespasunpeutropjeunespourvousmarier?—Non,non!jem’exclameaussitôt.Paspournotremariage!Noahfroncelessourcils.—Quoi,tunevoudraispasm’épouser?—Non…euh…si…,jebalbutieenrougissantàvued’œil.—Aprèstoutcequ’onapartagécesdernièrescentvingt-septminutes?!Jesourisetentredanslejeu:—Désolée,malgrétoutcequ’onavécuensemble,jenesuispasencoreprêteàm’engager.Noahregardelevendeuretdéclame,àlafaçond’untragédien:—Brisé!Moncœurestbrisé…L’hommenousconsidèreavecméfiance,puisils’envadansl’arrière-boutique.—Etvoilà,ilsecachepourpleurer!Cequetupeuxêtrecruelle,Penny…Jen’aipasletempsderépliquerquelevendeurrevient,uncartonentrelesmains.Ilposelaboîtesur
lecomptoiretsoulèvelecouvercle.Unmagnifiquediadèmereposedanslecoffret,suruncoussinetdesatin.Jesourisenpensantausoulagementdemaman.
—Mamèreabienpayépartéléphone?—Oui,répondlevieuxmoustachuenrefermantlepaquetqu’ilglisseensuitedansunsac.—Merci,monsieur.—Derien,marmonne-t-ilenretournantàsonlivre.—Bonnejournée!Pasderéponse.—Trèsagréable…,jecommenteàvoixbassequandnousapprochonsdelasortie.—Àlanew-yorkaise…,répliqueNoahavecunclind’œil.Ilpasselebrasderrièremoipourmetenirlaporte.—Maisrassure-toi,ajoute-t-il,onn’estpastouscommeça…Etcesmotstoutsimplesmetransportentdebonheur.
Chapitre19
Dehors,lespassantsmarchentlatêterentréedanslesépaulespourseprotégerdufroid.—T’asfaim?medemandeNoah.—Oui,jesuismêmeaffamée.—Jeconnaisunsuperendroitoùonauraunbonrepasetdel’aventure.LelieuidéalpourlaJournée
MagiqueetMystérieuse.—Alors,onfonce!Nousretournonsauparkinget,surlechemin,jereconnaislajeunefemmedetoutàl’heurequidiscute
autéléphonedevantuncafé.Dèsqu’ellenousaperçoit,ellearrêtedeparleretdévisageNoah.—C’estelle!jelance.Lafillequisemblaitteconnaître.Iljetteunrapidecoupd’œil,ettireunpeuplussursonbonnet.—Jamaisvuedemavie,marmonne-t-ilenpressantlepas.Aumomentoùnouspassonsdevantelle,j’entendssesparoles:—Jetejure!assure-t-elleénergiquementàsoninterlocuteursansquitterNoahdesyeux.Je nevois qu’une explication : il est tellement charmant qu’il attire tous les regards.Unvéritable
aimantàfilles!D’uncoup,jesuisassailliededoutes:quisuis-jeréellementpourlui?Siçasetrouve,ilest déjà casé… À la réflexion, c’est même certain ! Comment un mec aussi beau pourrait-il êtrecélibataire?
—C’estquoi,cetairtriste?medemande-t-ilquandnousarrivonsau4×4.—Rien,rien,jeriposteenprenantunairdétaché.Toutvatrèsbien.Jegrimpedanslavoitureetlanceuncoupd’œilparlafenêtre.Lajeunefemmes’avanceversnous
d’unpasrapide,sontéléphonetoujoursenmain.—Allez,go…,ditNoahens’empressantdefairerugirlemoteur.Jem’agrippeinstinctivementàmonsiège.Heureusement,unappeldemamancaptemonattention.Je
n’aimêmepasletempsdedire«allô»qu’elledemande:—Vousavezlediadème?—Oui!Ilestsplendide.J’entendssonsoupirdesoulagement.—Dis,maman,onpensaitallermangerunmorceau…Àl’autreboutdufil,j’entendsdesriresd’enfants,puismamanquivocifère:—On nedanse pas sur les tables !… Pardon, Penny, ce sont les demoiselles d’honneur… elles
sont…commentdire…pleinesd’énergie.Tudisais?—Est-cequejepeuxallerdéjeuneravecNoah?
—NON!s’égosillemamère.Onnes’essuiepas lesmainssur leventre,vousallezfiniravecduchocolatpleinvosrobes!
Ellebaissed’untonetreprend:—Penny…jevaisdevenirfollesilesmèresneviennentpaslescherchertrèsvite!Pourreveniràta
question:oui,biensûr,allezdéjeuner.TonpèreetElliotvontaucinéma,àTimesSquare,alorstupeuxprendretontemps.Amusez-vousbien!
Danslefond,lescrisd’enfantsredoublent.—Merci,maman.Àplustard.—Àplust…NON!!!ONNEMANGEPASLESFLEURS!Jeraccrocheetm’aperçoisquenoustraversonsàprésentunezoneindustrielle.Entrelesimmeubles,
onaperçoitl’EastRiver.—Mamèreestauborddelacrisedenerfs,maisj’aisonfeuvertpourledéjeuner.—Tropcoool!réagitNoah.Enfin…jeveuxdire:coolquejepuisset’emmenerdéjeuner,pasqueta
mèresoitauborddelacrisedenerfs!Maisrassure-toi:personnenepéteralesplombsenprésencedeSadieLee.Magrand-mèreestlapersonnelaplusréconfortantedumonde.
—Lamamieidéale!—C’estcertain…Ilyaunenotedegravitédanssavoix.Sonvisage,pourtant,resteneutreetsesyeuxfixéssurlaroute.—Auprochaincroisement,jetourneàgauche,puisonseraarrivés.Noussommesdansunquartierd’usinesdésaffectées.Lesecteursembledésert.Jedoutequ’ontrouve
ici un super restau…Après un virage, nous débarquons sur un terrain vague, jonché d’ordures et demauvaises herbes. Noah se gare devant un entrepôt de briques grèges. Les murs, couverts de vieuxgraffitis, s’effritent par endroits.Les fenêtres sontmurées ou fermées par d’épais barreaux.Même lesraresarbresalentourparaissentflétris.
—Jesaisceque tudoispenser,déclareNoah,maisunefoisà l’intérieur, tucomprendrasquecetendroitvautledétour.
—Tum’emmènes…là-dedans?Jen’aivuuntelbâtimentqu’unefoisdansmavie,etc’étaitdansunfilmd’horreur.Lespersonnages
étaienttousdangereuxetsurarmés.—Tuvasaimer,jetelepromets!s’esclaffeNoah.Finalement,ilestpeut-êtrebienfou…etpasdanslebonsensduterme!—Mais…c’estquoi,exactement?—Uncafésecretréservéauxartistes.Voilàquiattisemacuriosité…—Presque personne n’en connaît l’existence, poursuitNoah. Ils ne font aucune pub et on y entre
seulementsurinvitation.—Ettoi,alors?Commenttuassu?—L’atelier demon père se trouvait dans cet entrepôt. Ça remonte aux années soixante-dix : des
artistesontinvestilelieuquandilacesséd’êtreutilisépourdesmarchandises.Audébut,ilssquattaientpuis,danslesannéesquatre-vingt-dix,lesautoritésontvouluraserlebâtiment;lesartistesontmontéuncollectifetlemaireaacceptédeleurfaireunbailspécial.
Noahmarqueunepause,avantd’ajouterd’untonnostalgique:—C’estmonendroitpréféré…sanscompter,précise-t-ilavecunsourire,quec’estl’escaleidéale
dansnotreJournéeMagiqueetMystérieuse:unlieutopsecretoùonpeutmangerdugâteau!—Génial!Noussortonsdelavoitureetlefroidmesaisit.Noahenlèveaussitôtsonécharpe.—Metsça,dit-ilenmel’enroulantautourducou.
Jeresteimmobile.Ilestsiprochedemoiquejen’osed’abordpasleverlesyeux.Puisjemedécide,etnouséchangeonsunregard…trèsintense.Jenepeuxm’empêcherdepenser:«Onestfaitsl’unpourl’autre…»
—Enroute,dit-ilenposantlamainsurmondos.Nous franchissons une petite ouverture dans le grillage et descendons une pente hérissée de
chiendent.Noahcomposelecoded’unegrandeporteenferetmefaitsigned’entrer.Nousvoicidansuncouloiréclairédenéonsquigrésillent.Lesmursenbétonsontcouvertsdetags;contrairementàceuxquej’ai vus dehors, ceux-ci sontmagnifiquement colorés. À bien y regarder, ce sontmême de véritablesœuvresd’art.
Unefemmesurgitaufonddupassage.Elleporteunelonguerobedélavéeetdesdreadlocksattachéesenqueue-de-cheval.
—Noah!s’écrie-t-elle.—Hey,Dorothy!Tuvasbien?—Super.Jeviensd’apprendrequ’unegaleriedeManhattanvaexposermestoiles.—Tropcoool!Noahs’avanceverselleetl’étreintpourlaféliciter,puisilmeprésente:—VoicimonamiePenny.Elleestanglaise.Jevoulaisluimontrerunendroitoriginal.—Salut,Penny,bienvenueàNewYork,répliqueDorothyavecungrandsourire.Noaht’aemmenée
aubonendroit!Allez,jevouslaisse,j’airendez-vousaveclegaleriste.Ah!Maisj’allaisoublierleplusimportant:félicitations,Noah!Jesuistrèsfièredetoi.
Elleluiredonneuneaccolade,puisdisparaît.—Onvadéjeuner?proposeNoah,visiblementgêné.Lerestauestausous-sol.—PourquoiDorothyt’afélicité?jedemandeendescendantlesmarchesd’unpetitescalier.—Rien,c’étaitpourrire.—Pourrire?—Oui,parcequej’étaisavectoi.Jem’immobilise,perplexe.—…Parceque tu esune fille ! précise-t-il en rougissant.Dorothymebassinedepuisdes lustres
pourquejemetrouveunecopine…Nonpasquetusoismacopine,biensûr,mais…Ilestécarlate!Nousnouscontemplonsuninstant,puisilhausselesépaulesetnousreprenonsnotredescente.Jesuissiheureusequejepourraispousseruncridejoie!Noahn’apasdecopine!
Chapitre20
Quandnousarrivonsenbasdel’escalier,Noahs’avanceversuneporte.—D’abord,ilferatrèssombre,prévient-il.Çaira?J’acquiesce,maisjenedoispasavoirl’airconvaincuparcequ’ilmeprendlamain.—Pasd’inquiétude,précise-t-il.C’estseulementqu’ilfautêtredanslenoircompletpourpouvoiren
profiter…Jenecomprendsrienmaisçam’estégal–toutm’estégald’ailleurstantqu’ilmetientparlamain!—Prête?—Oui.Ilappuiesuruninterrupteuret,d’uncoup,unmerveilleuxmondesous-marins’animeautourdenous.
Lespeinturesnoires,quicouvrenttoutelahauteurdesmurs,sontdécoréesdepoissonsetdecoquillagesphosphorescents,ainsiquedelonguesalguesémeraude.
—C’estunepeinturespéciale,expliqueNoah.Lesampoulesultraviolettesreflètentlesdessins.Tuaimes?
—J’adore!Jepivotelentementpourtoutabsorber.Chaquedétailestuneœuvreensoi.—Décris-moicequeturessens…—Cequejeressens?—Oui,d’aprèsmonpère,ilfauttoujourssedemandercequ’onéprouvefaceàdel’art.—C’estunesensationdecalmeetdepaix.Commesij’étaisunesirène…dansunmondemagique.—C’estvraiqueturessemblesàunesirène…Avecteslongscheveuxondulés.Jesouris.Moiquiaitoujoursdétestémescheveux–troproux,troplongs,tropbouclés–voilàqu’il
m’enrendfière!—…Maisencoreheureuxquetun’aiespasdequeuedepoisson!ajoute-t-ilenserrantmamain.Parcequeoui:ilmetienttoujourslamain!—Viens,jeveuxtemontrerquelquechose.Nous longeons lemur et nousnous arrêtonsdevant une imagede coffre au trésor pleind’or et de
bijoux.—Tuvoiscetteétoiledemerturquoise?—Oui.—C’estmoiquil’aipeinte,annonce-t-ilfièrement.—Vraiment?Tuaspeinttoutça?—Pastout!L’essentiel,c’estmonpère.Maisilm’ademandéd’ajoutercedétail.J’avaisdixans.Et
ilnemel’amontrésouslalumièreultraviolettequ’unefoislafresqueterminée.Ilm’ad’abordplongé
danslenoir,commejel’aifaitpourtoi,puistouts’estéclairé.Jen’oublieraijamaiscejour.Ilsouritenprononçantcesmots,maisilyaquelquechosedetristedanssavoix.—Moinonplus,jenel’oublieraijamais.Ilmefixeuninstantetj’ailesentimentqu’ilvamedirequelquechose…Aucontraire,ilmelâchela
main.—Allonsdéjeuner…,suggère-t-ilseulement,enreprenantsonavancéedanslecouloir.Aufond,ilyaunepieuvreauxtentaculesmulticolores.Noahenattrapelenez,quiserévèleêtreune
poignée, et me fait signe de le suivre. J’ai l’impression d’être Alice au Pays des merveilles… JetomberaissurleChapelierFouqueçanem’étonneraitpas!
La porte cachée s’ouvre sur un charmant restaurant. La pièce est sombre et meublée de vieilleschaises,chacunedifférente,disposéesautourdetablesdeboisbrut.Aucentredechaquetablebrilleunegrosse bougie à la cire dégoulinante. Les murs, peints en bordeaux, sont parsemés de photos et depeintures.Surtout,unparfumappétissantflottedanslapièce:desodeursdetomates,d’origanetdepainchaud.
—Tuaimeslespâtes?J’acquiesce.—Tantmieux.C’estlaspécialitéduchef,ilestitalien.Noahmeconduitversunepetitetablenichéedansunealcôve.Nousprenonsplacedansl’angledela
banquette.—JoyeuseJournéeMagiqueetMystérieuse!lanceNoah.—C’estlameilleuredetoutemavie!—Etellen’estpasencorefinie…Ilprendunecarteet se rapprochedemoipourquenous laconsultionsensemble.Noussommessi
prochesquej’arriveàpeineàmeconcentrersurlemenu.—Jeteconseilleleslasagnes.Je tourne la têteet l’observe.Deuxmots tournentdansmatête :«Embrasse-moi!»Ilmeregarde
aussi,ets’avancetrès légèrement.Pense-t-ilà lamêmechose?Jenelesaurai jamaiscar legérantdurestaurantsurgitàcetinstant.
—Salut,mec!lance-t-ilàNoah.Çafaitunbail!Commenttuvas?Ildoitavoirlavingtaine.Grandetfin,ilporteunbaggyetuntee-shirtdeskate.—Jem’occupe…,répliqueNoah.—Tum’étonnes!— Penny, je te présente Antonio. Antonio, voici Penny. Elle a traversé l’Atlantique pour venir
déjeunerici,alorsjecomptesurtoipournepasladécevoir.—Danscecas,uneseulerecommandation:mesboulettesdeviande!Ilprendappuisurnotretableetsepencheversnous,commepournousdireunsecret:—J’aiunerecetteultra-confidentielleetultra-délicieuseauxtomatesséchées.Ellevientdelagrand-
mèredemagrand-mère.—Vendu!Penny?—Çamevaaussi!Antonioenvoieunclind’œilàNoah.—Mignon,sonpetitaccent…Jerougis.QuandAntonioadisparu,jebalaielasalleduregard.Lesclients–tousdeshipsters,enjeanslimet
T-shirt pastel – sont occupés àmanger, à discuter ou à travailler sur leur ordinateur portable. Je n’aijamaisvuunrestaurantàl’ambianceaussidécontractée.
—J’aimebeaucoupcelieu.
—Jesavaisqu’ilteplairait.—Ahoui?—Oui,parcequ’ilmeplaît,àmoi.Onabeaucoupdepointscommuns,touslesdeux…De nouveau, il semble sur le point de me faire une révélation.Mais, au contraire, il se lève en
annonçant:—Jevaisfaireuntourauxtoilettes.Àtoutdesuite.Jeleregardes’éloigner.Jen’arrivetoujourspasàcroirequemoi,lafillequiaexhibésaculotteà
licornes,seretrouvedansuntelendroit,avecungarçoncommelui,etqu’onsesentesibienensemble.Unefemmes’avanceversunvieuxjuke-box,etyintroduitunepièce.LachansonWhatawonderful
worldrésonne,etjeressensunbonheurintense.C’estlachansonpréféréedepapa–cellequ’ilmetquandilyaquelquechoseàfêter.Deslarmesdejoiememontentauxyeux.
Noahrevients’asseoir.—Jedonneraischerpourconnaîtretespensées…,souffle-t-ilenconstatantmonémotion.—Tun’auraispaslesmoyens…—Dommage…Moi,jeveuxbientedireàquoijepense.—Jet’écoute.—Jemedisaisquej’étaisbiencontentd’avoiremmenéSadieLeeauWaldorfcematin.Etd’yêtre
restépourjouerunpeudeguitare.Moncœurbatàtoutrompre.—Àcepoint?—Oui,répond-ilavecunsouriremalicieux.Maisilfautdirequec’étaitunetrèsbelleguitare.Puisildétournelesyeux.
Chapitre21
—Àtoi.—Quoi?—Àtoidemediretespensées.—Jet’aidéjàrépondu:ellessonthorsdeprix.—C’estinjuste!réplique-t-il.Jet’aiconfiélesmiennes,tumedoislamêmechoseenretour.Etau
mêmetarif!C’estlaloi!—Laloi?En réalité, je tente de gagner du temps car mon unique pensée, depuis plusieurs minutes, est :
«Embrasse-moi!»—Allez,Penny,jet’écoute.Rienàfaire.Moncerveauestbloquésurcesdeuxmots.—Jeréfléchissais…àcettejournéeparfaite.—Vraiment?J’acquiescesansoserleregarder.—Jecroisque…—Etdeuxassiettesdeboulettes!Deux!Nous sursautons, et Antonio plaque deux plats fumants sur notre table. Les boulettes ont l’air
délicieuses, n’empêche qu’à cet instant, je pourrais les envoyer valser dans la figure du cuistot ! Iln’auraitpaspulesapporteruneminuteplustard?HistoirequejesachecequevoulaitdireNoah?Maisjenesuispasauboutdemespeines…Voilàqu’Antonioselancedansuninterminablemonologuepournousvanterlesqualitésdesagrand-mère,surnommée«Lareinedelasaucetomate»,etnousraconterque les gens rappliquaient autrefois des quatre coins deNaples pour goûter sa fameuse recette. Bienentendu,quand–enfin!–ilsedécideànouslaisser,lecharmeentreNoahetmoiestrompu.
Jepousseunsoupiretm’attelleauxspaghettisquiaccompagnentlesboulettes.Saufqu’àmi-chemindemabouche,ilssedéroulentàmoitiédemafourchette.
—Qu’est-cequetupensesdesboulettes?medemandeNoah.—Mmmm…Délifieuves, je marmonne en aspirant dix bons centimètres de pâtes pendant à mes
lèvres.Whatawonderfulworldseterminepileàceinstant:mon«slurp»sonoreemplitlasalle.Cerisesur
legâteau:j’aidelasaucetomatepleinlevisage!Noahm’observeavecunsourire.Mais,aulieudesemoquerdemoi,ilenrouleuntasdespaghettis
autourdesaproprefourchetteet,àsontour,aspirebruyamment.Unegrossegouttedesauceatterritsursonfront.Nousnousesclaffonstouslesdeux.
Décidément,Noahnemeplaîtpasseulementphysiquement–c’esttoutesapersonnequej’apprécie,ycomprissamentalité.Voilàquiest,deloin,leplusimportant.
—Bougepas…,recommande-t-ilenprenantsaserviette.Il s’approcheet,d’ungestedoux,essuieune trace rougesousmapaupière,uneautreau-dessusde
monsourcil.Puissurmonfront,surmonmenton,malèvreinférieure,et…—J’enaivraimentpartout!—Non,c’estmoiquiaimenettoyerlevisagedesfilles.C’estuntoc.Maispasd’inquiétude,d’après
monpsy,jesuisinoffensif.J’éclatederireet,àmontour,luiessuielefront.—Eh!T’aslemêmetoc!Jet’avaisbienditqu’onavaitdespointscommuns!Nous poursuivons notre repas, et tout du long, des frissons de joieme parcourent jusque dans les
pieds.—Alorscommeça,tonpèreestartiste?jequestionne.Silence.Noahaarrêtédemangeretsesyeuxsontrivésàsonassiette.—Non.Monpèreest…mort.Demêmequemamère.Jeposemescouverts.—Pardon…Jenesavaispas.—C’est rien…,assure-t-ilavec tristesse. Ilssontmorts ilyaquatreans…Çacommenceàdater,
alorsjepeuxenparler.Je reste interdite. Je ne peuxmêmepas imaginer ce que ça doit être de perdre un parent…Alors
deux!—TuvisavecSadieLee?—Oui,etmapetitesœur,Bella.—Elleaquelâge?—Quatreans,bientôtcinq.Elleétaittoutbébéquandilssontmorts.SadieLeeestunesupermaman
desubstitutionetmoi,j’essaied’êtreunbongrandfrère.Ilrepoussesonassietteetmeregardeattentivement.—Ilsonteuunaccidentdeski.Emportésdansuneavalanche.Aprèsleurdisparition,j’aivulavie
d’unautreœil.Dis,Penny,tuasdéjàfaitunbeaurêvequi,d’uncoup,setransformeencauchemar?Jehochelatête.C’estcequejevispresquetouteslesnuitsdepuisquelquetemps…—Voilàcequejeressentaisenpermanence.Avantl’accident,jen’avaispeurderien,lemondeme
paraissait sûret accueillant ; ensuite, tout estdevenu terrifiant.Voilàpourquoi jecomprendsceque turessensenvoiture.Tonaccidentt’afaitvoiràquelpointl’existenceestfragile.
—Exactement…Ilserapprocheetpoursuit,entriturantlecoindesaserviette:—Jevaisteraconterquelquechose.C’estunpeuembarrassant…maisaprèstout,jet’aivuepleine
desaucetomate,j’endéduisqu’iln’yaplusdegêneentrenous.Aprèslamortdemesparents,j’étaistrèsangoissé. J’avais peur qu’il n’arrive quelque chose à Bella ou à Sadie Lee, du coup, dès que jem’absentais, je les appelais sans arrêt. C’est devenu insupportable. Je n’arrivais plus à me détendreailleurs qu’à la maison. Heureusement, Sadie Lee a compris que quelque chose clochait et elle m’aemmenévoirunepsy.
—Ellet’aaidéàdépassertesangoisses?—Oui.Elle,etl’écriture.Jerepenseaucalepincornédansle4×4.—Qu’est-cequetuécris?—Mespensées,mespeurs,messouvenirs.Çafaitdubiendecouchertoutçasurpapier.Voilàquimerappellemesnotesdeblog…
—Tuterappelles,quandj’aidit:«Letempspansetouteslesblessures»?C’estSadieLeequim’acitécettephraseaprès lamortdemesparents.Sur lemoment,çam’aparustupideetenrageant ;maisaujourd’hui,jesaisquec’estlavérité.
Ilmeprendlamainetsourit.—Tufinirasparsurmontertonaccident.Cesangoissesnetepourrirontpaslaviepourtoujours.Tu
saiscequem’aditmapsy?«N’yrésistezpas.»—Commentça?—Quandtusensvenir l’angoisse,n’yrésistepas.Çanefaitquelarenforcer.Dis-toiplutôt :«Je
suisangoissée,maiscen’estpassigrave.»—Etçamarche?—Pourmoi,oui.Mapsym’aaussiapprisuntruc:imaginerquelapeurauneformeetunecouleur,
etlavisualiserdanssoncorps.Àforcedel’observer,del’accepter,ellefinitpardisparaître.Ilmarqueunsilence,puismeconfiemi-ironique,mi-dépité:—Désolé,jenepensaispasquenotredéjeunerprendraitunetelletournure.—Aucontraire!Toutcequetuviensdemeraconterm’aidebeaucoup!Rends-toicompte:jusqu’à
récemment,jepensaisquejedevenaisfolle!—Tun’espasfolle,assure-t-ilavantdepréciseravecunclind’œil:Enfin,seulementdanslebon
sensduterme.Mon téléphone sonne.Pfff…Jenepourrai jamaisêtreunpeu tranquilledansmapetitebulleavec
Noah?—Jedoisprendrel’appel.C’estprobablementmaman.Maisc’estleprénomd’Elliotquis’inscritsurl’écran.Jetergiverseunesecondeetbasculel’appel
verslamessagerie.Jeluiexpliqueraiplustard;ilcomprendra.—Riend’urgent,dis-jeenrangeantletéléphone.C’étaitjusteElliot.—Elliot?—Monmeilleurami.Ilestduvoyage.Monpèrel’aemmenéfairedutourismecetaprès-midi.—Tuneveuxpaslerappeler?—Paslapeine,onseverraplustard.—Cool,conclutNoahensouriant.—Aloooooors?!faitunevoixtonitruante.Cesboulettes?Antonios’approchedenotretable,hilare.Jeserrelesdents.Cetypeneméritequ’unechose:mourir
noyédanslasaucedesagrand-mère!—Unrégal!affirmeNoah.—Délicieuses,jerenchérisàcontrecœur.—Tantmieux!seréjouitAntonio.Aufait,Noah,t’asétébienoccupé,ondirait!—Ouais, se contente-t-il de répondre en posant sa serviette sur la table. Désolé,mec,mais faut
qu’onyaille.JedoisraccompagnerPenny.Antoniodébarrassenosassiettes,etNoahsortuneénormeliassededollarsdesapoche.Jeressensunmélangedesoulagementetdedéception: tristessededevoirquittercelieumagique,
maisbonheurd’avoirbientôtNoahrienquepourmoi.NoussaluonsAntonioet regagnons lecouloiraudécorsous-marin.Noahattendavantd’allumer la
lumière.—Jesuisheureuxd’avoirvécucetteJournéeMystérieuseetMagiqueavectoi,dit-ild’unevoixsi
doucequejel’entendsàpeine.—Moiaussi,jemurmure.Illèvelebrasversl’interrupteur,etsamainfrôlelamienne.Unsimpleeffleurementquiirradiedans
toutmoncorps.
Chapitre22
Quandnousémergeonsdel’entrepôt, jesuiséblouiepar lesoleilblafard.Jemefrotte lespaupières,commesijesortaisd’unlongrêve.Noahetmoiéchangeonsunlongregard.Toutparaîtdifférent.Quandnoussommesentrésdanslebâtiment,nousétionsdeuxpersonnesdistinctes ;àprésent,c’estcommesinousétionsunisparunlieninvisible.
Sonportablesonne.—C’estSadieLee,explique-t-ilavantdedécrocher.Allô,mam’?Oui,trèsbien…Hein,qu’est-ce
quisepasse?…Ahd’accord.Àtrèsvite.Ilraccrocheensoupirant.—Ondoitrentrer.TamèreveutvoirlediadèmeetSadieLeeabesoinquejelaconduisechercher
Bellaàl’école.Ilbalaielesolavecsonpied,puisdemande:—Turestesjusqu’àquand?—Jusqu’àdimanchematin.Moncœurseserre.Lemariageoccuperatoutelajournéededemain,etnousdécollonstôtdimanche.
Jebaisselesyeux,dépitée.—Tuveuxdirequ’onnesereverrapas?J’acquiesce sans unmot,mais intérieurement, je bouillonne. C’est trop injuste ! Voilà qu’enfin je
rencontreungarçondrôle,gentil,etquimeplaît…etjen’aiqu’unepauvrejournéeàpartageraveclui!—Danscecas,jeviendraitevoirenAngleterreauxprochainesvacances,conclutNoah.Jedoisfaireuneffortsurhumainpoursourire.Nousregagnonsle4×4d’unpaslent.Surlecheminduretour,commeàl’aller,Noahcommentetoutessesmanœuvres,etnouséchangeons
quelquesbanalités.Mais,aufond,jesuisanesthésiéeparlatristesseetlafrustration.Letempsd’arriverauparkingdel’hôtel,jesuisauborddeslarmes.
—Tusaiscequec’estqu’un«événementperturbateur»?demandeNoahencoupantlecontact.Jesecouelatête.—C’est lemoment,dansunehistoire,où lehérosvitquelquechosequichange lecourantde son
existence.CommedansHarryPotter : l’événement perturbateur, c’est quandHagrid annonce àHarryqu’ildeviendrasorcieretluidonnel’invitationàPoudlard.
Jel’écoutesansriendire.Ilbaisselesyeuxetajoute:—C’estcequetuespourmoi.—Unesorcière?—Non!Monévénementperturbateur.Ilyaunsilence.Danslalueurblanchedesnéons,j’observesonvisageparfait.Alors,jesouffle:
—Toiaussi,tuesmonévénementperturbateur.
Danslacuisine,mamanetSadieLeesontaffairéesautourd’unemagnifiquepiècemontéeornéedepersonnagesdemariésentenuedesannéesvingt.Bizarrement,monexaltationnesautepasauxyeuxdema mère… Je suis pourtant tellement excitée que j’ai la sensation d’irradier comme les poissonsphosphorescentsdelafresque!
—Elliotetpapasontrentrés,dit-elle.Ilssontdansleurchambre.—Merci,maman.SadieLeesetourneversNoah.—Tuesprêtàmeconduireàl’écoledeBella?J’aiuncoupaucœurensongeantqu’ilvapartir,et jemeraccrocheàlaconfidencequenousnous
sommes faite dans le parking : nous sommes chacun l’événement perturbateur de l’autre. Ça ne peutvouloirdirequ’unechose:onsereverraforcément.
Noahs’approchedemoi.—J’aiadorépassercemomentavectoi.—Moiaussi…Ilvapourm’étreindre,et–allezsavoirpourquoi–jerépondsparun«check»sortidenullepart!
Alorsquejen’aijamaischecképersonnedemavie!—Euh…D’accord…,réagit-ilenadaptantsongeste.Puis ilm’attrape lamain et, pour rire,me checke « gangsta-style », épaule contre épaule. Je suis
mortifiée!—Jet’appelleplustard,mesouffle-t-il.Etils’éloigneavecSadieLee.Jen’aipasletempsdesortirlediadèmequeletéléphonedemamanretentit.—Bonjour,Cindy!Je pose la boîte sur le plan de travail en chuchotant : «Voilà le diadème », puis je file dansma
chambre.Jen’aipasencoreatteintl’ascenseurquejereçoisunSMSdeNoah.
Noah:Mercipourcettejournéetropcooool.Àplustard.N.
Jem’empressedepianoter:Penny:MerciàTOI.Bisous
«BisouS»,aupluriel?C’estpeut-êtretrop…?Surtoutqueluinel’apasprécisé,mêmeausingulier.J’efface lederniermot.Mais, du coup, le textoparaît froid. J’ajouteun smiley…non, ça fait gamine.Alorspourquoipasunclind’œil?Tropambigu…Alors,ceseraunsimple«P»,pourPenny.Non,ondiraitquejecopiesonmessage…Jedoisquandmêmefairepreuved’originalité!Troisfois,lesportesde l’ascenseur s’ouvrent et se ferment sans que j’entre. Je rédige, j’efface, je repianote, je re-efface.J’optefinalementpourunsobre«MerciàTOI.Penny»,cequinem’empêchepasderegretteraumomentd’appuyersur«Envoyer».
Dèsquej’arrivedansmachambre,jevaistoqueràlaportecommunicante.—Elliot,tueslà?J’entrouvrelebattant.Ildort.Jemeretirediscrètementet,àmontour,vaism’allongersurmonlit.Je
fermelespaupièreset,uncoussindanslesbras,merepassechaqueminutedecetteincroyablejournée.
—Merci,merci,merci…,jesouffleauDieudesÉvénementsPerturbateurs.Pendantquelquesminutes, j’attends lesommeil.Puis jemerendsà l’évidence : jesuis tropagitée
pourdormir.Jemelèveetsorsmonordinateurdemavalise.Évitantconsciencieusementmailsetréseauxsociaux,jemeconnecteàmonblog.J’aiàprésentplusdequatrecentscommentairessuiteàmanotesurlespeurs.Je les likelesunsaprèslesautres,puis jerépondsàMissPégase, lafillequiaparlédesamèrealcoolique.Enfin,jecréeunenouvellepageetcommenceàtaper.
22décembreDelapeuraucontedeféesSaluttoutlemonde!Je viens de lire vos commentaires et j’en ai les larmes aux yeux – des larmes d’émotion et dereconnaissance.Merci,vousêtesgéniaux!Avantd’ouvrirceblog,jemesentaistrèsseule.Jepensaisquepersonnenemecomprenait(àpartWiki).Maisenlisantvostémoignages,j’aiprisconsciencequedescentaines–peut-êtremêmedesmilliers–depersonnesvivaientdeschosessemblablesetmecomprenaient.Mercid’avoirétésihonnêtessurvospeurs–etbravod’avoireulecouragedelesaffronter.Et,s’ilvousplaît,continuezàleraconter,jesuispersuadéequeçaaidetoutlemonde.Aujourd’hui,jevoudraisvousparlerdequelquechose…d’incroyable.MonsyndromedeCendrillons’estréalisé,etpascommejel’avaisimaginé.Une chose est certaine : je suis maintenant convaincue qu’affronter sa pire crainte permet ensuited’accéderàunesorted’universparallèleoùtoutdevientpossible.Voicilagrandenouvelle:j’airencontréquelqu’un.Ungarçon.Quimeplaît.Etqui,jecrois,m’apprécieaussi.Àl’attentiondemesnouveauxabonnés(d’ailleurs,merciii!!!),consultezmesanciennesnotesintitulées«Jesuisunecatastropheambulanteetjen’aipasdemec»et«Lamalédictiondutroudansletrottoir»,vouscomprendrezquecegenredemiraclen’arrivehabituellementpasàunefillecommemoi.Faceauxgarçons,jesuisdugenreàavoirdesticsnerveux!Surtout,jeneleurplaisjamais :ilsveulentdemoicommeamie,riendeplus.Oupoursemoquerdemoi.Saufquecematin,j’airencontréungarçonàquijesembleplairevraiment–jel’appellerai«BrooklynBoy».Leplusmerveilleux,c’estquejen’aipaseubesoindejouerunrôle.Jesuisrestéemoi-même,et
jeluiaiquandmêmeplu.Endébutd’après-midi,j’aieuunecrised’angoissedanssavoiture.Ilnem’apasprisepourunefolle;aucontraire,ilétaittrèsattentionnéetm’adonnédesuperconseilsquejevoudraispartageravecvous.Voici le plus important : « le temps panse toutes les blessures ». Autrement dit : rien ne dure pourtoujours.EtsachezqueBrooklynBoyparled’expériencecarilaperdusesdeuxparents.Aprèscettemort,ilavaitconstammentpeurdeperdretousceuxqu’ilaimait.Ilaconsultéunepsyquiluia recommandécepetit exercice :quandonéprouvede l’angoisse, ilne fautpasy résister. Il suffitdel’accepteretdelavisualiser.Si vos peurs vous donnent la migraine, des nausées ou une oppression dans la poitrine, donnez-leurmentalement une forme et une couleur. Puis songez que ce n’est pas si grave d’être angoissé – alorsl’angoissesedissipera.Jen’aipasencoretestécetteméthode,maisBrooklynBoyditqu’elleluiavraimentréussi.Alors, à tous ceux qui ont partagé ici leurs peurs, pourquoi ne pas tenter cette technique la prochainefois?Moi,j’essaierai,c’estcertain.Onpourratousfaireunpetitcompterendusurceblog.JequitteNewYorkaprès-demain,et jenesaispasceque l’avenirnous réserve,àBrooklynBoyetàmoi…LMaisjelesens,quelquechoses’estdéjàpasséentrenous.Cenepeutdoncpasêtrelafin.LePrincecharmantn’apaslâchél’affaireavecCendrillon,ilmesemble?Ilacherchéunesolutionjusqu’àcequ’ilssoientréunis.C’estentoutcascequejeferai,parceque,quandontrouveunepersonnequinousapprécievraimentetviceversa,ondoittoutmettreenœuvrepournepaslaperdre.Jevousaimedetoutmoncœuretvousremerciepourvotresoutien.Continuezàracontervospeurs…etàcroireauxcontesdefées!
GIRLONLINE
Chapitre23
—Qu’est-cequetufabriquaispendanttoutcetemps?!J’ouvrelesyeuxetmapremièrevisionestcelled’Elliot,quimefixe.Ilporteunenouvellemonture
delunettesauxcouleursdudrapeauaméricain.—Ilestquelleheure?jemarmonneenjetantuncoupd’œilàlafenêtre.Les immeubles scintillants de New York se découpent sur le ciel nocturne. J’ai dû dormir tout
l’après-midi.—L’heuredemeracontercequetuasfaitdetajournée!Elliots’installesurmonlitet,sansmelâcherduregard:—QuiestceBrooklynBoy?!Jeregardemonordinateurportable,posésurmatabledenuit,ettoutmerevient.Elliotadûlirema
dernièrenotedeblog.—Jel’airencontrécematin.Sagrand-mèreestletraiteurdumariage.—Ettuestombéeamoureuse?!—Non,je…Elliotsortsontéléphoneetlitd’untongrandiloquent:—«Quandontrouveunepersonnequinousapprécievraimentetviceversa,ondoittoutfairepour
nepaslaperdre.»Jegrimace.Luedecettefaçon,laphraseestforcémentridicule.—Dis-moitout,Pen:tuasbu?—Hein?Maisnon!—Tuesentréedansunesecte?—Pasdutout!—Alorscommentpeux-tuêtreamoureused’untypequetuviensseulementderencontrer?— Je ne suis pas amoureuse, je proteste, agacée de devoir me justifier. On a passé un moment
ensembleetonabienaccroché,riendeplus.Elliotfroncelessourcilssifortqueseslunettesmanquentdeglisser.—Vousavez«bienaccroché»?—Oui,onadestasdepointscommuns.—Ilaquelâge?—Dix-huitans.—Ilestétudiant?—Non.—Alorsilfaitquoi?
—Rien.Enfin,jenesaispas.Ilestenannéedecésure,jecrois.J’ail’impressiond’êtredevantuntribunal.—Donctupensesavoirrencontrél’âmesœur,saufquetunesaismêmepascequ’ilfaitdanslavie?—Jen’aipasséquequelquesheuresaveclui…Elliotm’adresseunsouriretriomphant.Il commence àm’énerver. Pourquoi est-il si dur ? Et dire que j’étais impatiente de lui parler de
Noah!—Onnes’estpasattardéssurlessujetssuperficiels.—Mouais…Tesparentssontaucourant?—Non!Surtoutqu’iln’yarienàraconter!—Rienàraconter?Pourtant,tut’eslargementrépanduesurlatoile!Jemeredresseetledéfieduregard.—Jenemesuispas«répanduesurlatoile»!J’aiécritunenotedeblog,c’esttout!Enpensantque
çaaideraitlesgensàaffronterleurspeurs.Noahm’adonnéd’excellentsconseils,figure-toi.Elliotmetoiseenretour.—Ahoui?Etquiétaitavectoidansl’avion?Pourquoitun’endisrien,deça,surtonblog?D’uncoup,jesaisis.Elliotestjaloux!—Maisenfin…jeparletoutletempsdetoidansmesposts!Lafoisoùtum’asaidéeàchoisirma
robepourlafêteducollège!Etcelleoùtum’asapprisàmasquermesfauxpas!Envain.Elliotparaîtblessé.— Je n’arrive pas à croire que tu aies abordé le sujet sur ton blog avant même de venir me
raconter…Moi,sijerencontraisquelqu’un,tuseraislapremièreàlesavoir.Cettefois,jemesensvraimentnulle.Jeposelamainsursonbras.—J’aivouluteraconter…Mais,quandjesuisrentrée,tudormais.—Tuauraispumeréveiller,réplique-t-il.Ettuauraispumerappeler,aprèsmonappelmanqué.—Pardon…Mais,entrenous,cen’estpaslapeined’enfaireundrame:jenelereverraisansdoute
jamais.Ilyaunsilence,puisElliotmeprendlamain.—Non,c’estmoiquisuisdésolé.Çam’afaitbizarrede lire tanotedeblog,voilà tout…J’aieu
l’impressiond’êtremisàl’écart.—Jenetemettraijamaisàl’écart,voyons!Tuesmonmeilleurami!Jeleserredansmesbras,maisunepointededéceptionpersistedansmapoitrine.J’avais tellement envie de lui faire le récit dema rencontre avec Noah, d’en parler pendant des
heures,danslesmoindresdétails…Aveccemalaise,c’estdésormaisimpossible.Ontoqueàlaporte,etlavoixdepapas’élève:—Hey,mafille!lance-t-ilavecunfauxaccentaméricain,pireencorequeceluid’Ollie.Tuesprête
pourlerestaurant?
La soirée aurait dû être merveilleuse. Nous avons dîné dans le quartier chinois, aux Baguettesguillerettes,unrestaurantoùlesserveursétaientdéguisésenpersonnagesdeNoël.Elliotétaitredevenului-même,etmamanparaissaitenfindéstresser,maispourmapart : impossibledemedétendre.J’étaishantéeparunepensée:
Tun’auraispasdûfairecepostsurNoah.La réactiond’Elliotm’adéstabilisée.C’est lapremière foisqu’ilditquelquechosedenégatif sur
monblog.Alors,biensûr,jedoute…Tuaspeut-êtremalinterprététarencontreavecNoah…Cesoi-disant«lien»entrevous,tul’as
peut-êtreimaginé…
Quandnousrentronsàl’hôtel,jen’aiqu’unobjectif:effacerlanote.—Qu’est-cequec’estquecetteboîtedevanttaporte,Penny?demandemamanenapprochantdema
chambre.Monregardsetourneversunpaquetposéparterre.—Unebombe?suggèreElliotennousregardant,lesyeuxronds.—Pourquoivoudrait-onfaireexplosermachambre?—Jenesaispas…Tun’espeut-êtrepaslavraiecible.Je secoue la tête.Même en tant que « catastrophe ambulante internationale », je ne pense tout de
mêmepasquemachambred’hôtelpuisseêtrecibléeparhasardpardesterroristes.— On a dû se tromper de porte, avance mon père en ramassant le colis. Il suffit d’appeler la
réceptionet…Tiens!C’estbienpourtoi,Pen.Regarde!Moncœurbatplusvite.UncadeaudeNoah?IlestleseulàsavoirquejeséjourneauWaldorf…Jeprendslepaquetetl’examineàmontour.Surledessus,ilyaécrit:«PourPenny.JoyeuseJournée-Tu-Sais-Quoi!N.»—C’estdelapartdeNoah,jemurmureenréponseauregardsoupçonneuxdepapa.—QuiestNoah?—Lepetit-filsdeSadieLee,expliquemaman.IlaemmenéPennychercherlediadèmederechangeà
Brooklyn.—Etdanslaboîte?questionnepapaavecunhaussementdesourcils.Jefeinsunbâillement.—Jenesaispas…Maisjetombedefatigue.Jevaismecoucher.Tousm’observent.Mesparentséchangentuncoupd’œil,et jevoismamanadresseràmonpèreun
sourirerassurant.—Bonnenuit,chérie,réplique-t-elle.Àdemain,fraîcheetdispose!—Mais…,commenceElliot.—Bonnenuit!jecoupe.Et,sansunmotdeplus,jemeglissedansmachambre.Vite!Qu’ya-t-ildanscetteboîte?J’ouvrelecouvercle,etaperçoisunemassedecheveuxauburnet
soyeux…Lapoupée!Ilyaaussiuneenveloppeetdedans,unelettre.
HeyPenny,En repassant devant la boutique, cette poupéem’a soufflé que son plus beau rêve serait d’être
adoptéeparuneAnglaiseaugrandcœur,auxjoliestachesderousseuretauxcheveuxmagnifiques.Jen’aipaspurésister!Mêmesiçam’obligeaitàreparlerauVendeurInfernal…Cettefois,ilm’adit:«Tun’aspaspassél’âgedejoueràlapoupée?»Haha!
Pour que le règlement de la Journée Magique et Merveilleuse soit respecté jusqu’au bout, jet’envoieenmêmetempsunepartducélèbrefondantauchocolatdeSadieLee.
N.
Eneffet,jetrouveaufonddupaquetunepartdegâteaudansdupapieralu.Je pose la poupée sur mon oreiller et observe ses yeux verts. Elle a déjà l’air beaucoup plus
heureuse !Toutes les tensionsde lasoirées’évaporentd’uncoup.Noahestadorable,et ilm’apprécievraiment.Cen’étaitpasunrêve,c’estlaréalité.
Chapitre24
Je suis en train d’écrire un SMS de remerciements à Noah quand Elliot frappe à notre portecommunicante.
—Pen,jepeuxentrer?—Biensûr.Le battant s’ouvre et il entre d’un air penaud. Il est en pyjama, avec une casquette desYankees à
l’envers.Ilaenlevéseslunettes.—Salut…,dit-ilensondantmachambreàlarecherchedumystérieuxpaquet.Sonregardtombesurlapoupée.—Oh!Jenepeuxm’empêcherdesourire.—Elleestsuperbe!s’écrieElliotens’asseyantsurmonlit.—Ellevientdelaboutiqueoùonaachetélediadème.Cematin,enlavoyant,j’aiditàNoahquela
vuedejouetsabandonnésm’attristait…Alorsilestretournémel’acheter.J’attendsuneréactioncinglante,maisaucontraire:Elliotsaisitlapoupéeetluilisselescheveux.—Quellebellerobe…,commente-t-il.Destylevictorien!Tusaiscombienelleacoûté?Jesecouelatête.—Cher, à tous les coups…, émet-il. Elle n’a rien d’une vulgaireBarbie ! Il t’a aussi envoyé du
gâteau?—Oui.Faitparsagrand-mère.C’estunecuisinièrehorspair.Elliotreposelecadeausurl’oreilleretsourit.—Jecomprendsmieuxpourquoituaseulecoupdefoudre.Allez,lâche-toi!—Quoi?—Ehbien,raconte!Jeveuxtoutsavoir!NousnousglissonssouslacouetteetjedécrisàElliotlajournéemagiquequej’aipasséeavecNoah.
Quandjementionnelemomentoùnosmainssesonteffleurées,ilsetortilled’excitation.Maisjechoisisdetairel’épisodede«l’événementperturbateur»…J’aienviequecelaresteentreNoahetmoi.
—C’esttropbeau!s’exclameElliotàlafindemonrécit.SitouslesBrooklynBoyssontcommelui,j’émigre!
J’éclatederireetcroqueàpleinesdentslefondantdeSadieLee.—Pardond’avoirétédésagréable,toutàl’heure,Penny…Dèsqu’ilprononcecesmots,jerepenseàmanotedeblog.Aveccettehistoiredepoupée,j’aioublié
del’effacer…—C’estmoi.J’auraisdûteparlerdeNoahavantd’écriremonpost.
Nouséchangeonsunlongregard.Quelsoulagement…Toutestrentrédansl’ordre.Enfin,Elliotselève.—Jetelaissedormir.Demainseraunegrossejournée.—Oui,etpourtant,jen’aipresquepaspassédetempsavectoiaujourd’hui…Jesuisdésolée.—Jemesuiséclatéavectonpère!Demain,leprogrammec’est:StatuedelaLibertéetvisitedu
NewYorksecret!—LeNewYorksecret?—Ouaip!Onverramêmeletombeaucachédesvingtmillevictimesdelafièvrejaune!—Tropcooool!Elliot parti, je vais m’installer dans le fauteuil près de la fenêtre avec mon téléphone et une
couverture. Je tape le numéro de Noah, et la tonalité américaine ronronne à mon oreille. Plus lessecondespassent,plusjesuistendue.Heureusement,àlatroisièmesonnerie:«Salut,toi…»
—Salut,jeréponds.Mercipourlapoupée.—Jet’enprie,missPenny…Dis-moi,tuesprèsd’unefenêtre?—Oui!—Tuvoislalune?—Non,attends…J’ouvreunbattantet regardedehors.Uneparfaitepleine luneestsuspendueau-dessusde l’Empire
StateBuilding.Maiscenesontnisataillenisaformequimesidèrent;c’estsacouleur.Unrouxintenseetluisant.
—Magnifique!Maisd’oùvientcetorange?— D’après moi, c’est l’œuvre d’extraterrestres tagueurs, mais Sadie Lee prétend que c’est la
pollution…—Ah…Jepréfèretonhistoired’extraterrestres.—Moiaussi.Bon,jedoisteconfierquelquechose:danslamesureoùtuaseubeaucoupd’effetsur
moi…—Commentça?—Disonsquecen’estpasdansmeshabitudesd’acheterdespoupéesenporcelaine…J’éclatederire.—Jedisaisdonc:…lamoindredeschosesseraitqu’onserevoieavanttondépart.—J’adorerais!Maisquand?—Sijepassaisdemain,aprèslemariage?SadieLeepensequelaréceptionserafinieversminuit.Jesongeaussitôtàmesparents.Ilsn’accepterontjamaisquejesorteaprèsminuit.—Onnequitteraitpasl’hôtel,biensûr,précise-t-ilcommes’illisaitdansmespensées.—Ceseraitgénial!Jeserrelacouverturecommesic’étaientlesbrasdeNoah.—Super,réplique-t-ild’unevoixdouce.Àdemain,alors.—Oui,àdemain.—Bonnenuit,Penny.—Bonnenuit,Noah.Jeposemontéléphoneetprendsuneinspiration.Puisjeregardedehorsetfixecetteluneincroyable.
Jemesensdifférente.Pourlapremièrefois,j’ail’impressiond’êtreauxcommandesdemonexistence.
Chapitre25
Lelendemainmatin,avantmêmed’ouvrirlesyeux,jesaisquejevaisvivreunejournéemerveilleusepour une simple raison : je vais revoirNoah. J’ouvre les yeux et aperçois la poupée quim’observe,allongéesurlecôté.
— Coucou, bien dormi ? je souffle, tellement exaltée que parler à un jouet ne me pose aucunproblème.
J’imaginesaréponse:«Pastrop,non…Mespaupièressontcollées,çan’aidepasàpasserdesnuitssereines!»
Jeme lèvepourprendreunedouche,puism’installeen tailleur surmon lit,mescheveuxmouillésenroulés dans une serviette, et j’ouvremonordinateur.Mon cœur palpite pendant que j’accède àmonblog.
Etsiteslecteursonttrouvétadernièrenoteridicule?Lescommentairessontpeut-êtrenégatifs,cettefois?
Il n’en est rien. Les réactions sont toutes plus adorables les unes que les autres. La plupart desinternautes ont répondu d’un petit cœur et demandent des précisions sur Brooklyn Boy. Je souris,soulagée.
Montéléphonebipe.PourvuquecesoitunSMSdeNoah…!Gagné!
Noah:J’airêvéquejetefaisaisvisitertoutNewYorketquechaqueendroitsetransformaitengâteau.Qu’est-cequeçapeutbienvouloirdire?!N.
Jem’empressederépondre:Penny :Que tuasété frappépar lamagiede laJournéeMagiqueetMystérieuse?Super rêve,en toutcas…Imagineàquoiressembleraitl’EmpireStateBuildingmétamorphoséengâteau!Noah:Tuasregardéparlafenêtre?Penny:Non,pourquoi?Laluneestverte?
Jem’avancevers la fenêtre et tire les rideaux. Il neige !Laville semble avoir été saupoudréedesucre…
Penny:Magnifique!Noah:Ouaip!çasentNoël!Passeunebellejournéeetrendez-vousàminuit!Penny:Merci!Toiaussi!
Cette fois, c’est certain : jem’apprêteàvivre la journée laplus longue demavie, parcequemaseulehâte,c’estd’êtreàcesoirpourretrouverNoah!
Lesinvitésdumariagecommencentàarriver,etlessalonsréservéspourlacérémonieetlaréceptionressemblentàs’yméprendreàl’intérieurdel’abbayedeDownton.Leshommes,encostumegrisetnoir,cheveuxplaquésenarrière,sonttoustrèsélégants.Quantauxfemmes,ellesoffrentunfestivalderobescolorées,styleannéesvingt,ensatinetendentelle,ornéesdeperlesetdesequins.Mêmelesenfantssonten tenued’époque,et ressemblentàdespoupéesàbottines lacées.Àcôté,mapropre tenueestunpeudécevante:unesimplerobenoiredeserveuserehausséed’untablierblanc.
Tandis que le photographe professionnel fait poser les témoins, je me faufile dans la foule, monappareilenmain,pourcapterdesscènesplusimpromptues,parexempledeuxdemoisellesd’honneursechuchotantàl’oreille.Puisunevoixannoncel’entréedelamariéeet,alorsquelesinvitésprennentplace,jefaisunephotodeJim,seuldevantl’autel,l’airaussiheureuxquestressé.
L’échangedesvœuxesttrèstouchant(lesmariésontfinalementrenoncéàimiterl’accentanglais…sagedécision!),ponctuéd’anecdotesrigolotes.Àlafindelacérémonie,jesuisenlarmes…
Quandlesinvitéssedirigentverslasallederéception,mamanmeprendàpart.—Pen, tunedevineras jamais!mesouffle-t-elle, lesyeuxbrillants.Onm’aproposéunenouvelle
mission,ici,àNewYork!—Quoi?Quand?—Lasemaineprochaine!Tuvois,lajeunefemmeunpeuforte,là-bas,avecdelongscheveux?Jesuissonregardetacquiesce.—Elle fête ses trente ans le 31décembre, et voudrait que j’organiseune soirée sur le thèmedes
rockersdesannéessoixante.—Mais…onrentreàBrightondemain!Tunecomptesquandmêmepasrestericitouteseule?—Laclientepaierapourleprolongementdenotreséjour.CequisignifiequenouspasseronsNoëlet
leNouvelAnici!Tun’imaginespascombiencespersonnessontriches…—OnpasseNoëlici?jerépète,hébétée.—Oui,j’enaiparléàtonpère,ilestd’accord.—Mais…etTom,alors?EtElliot?—Elliotpeutrester,tantquesesparentssontd’accord.QuantàTom,ilm’aenvoyéunmessagece
matindemandantlapermissiondepasserleréveillondanslafamilledeMelanie.Jeprendsconsciencedecequesignifiececoupdethéâtre…:jevaispouvoirpasserdutempsavec
Noah!Riennepourraitmerendreplusheureuse!Pourtant,lemeilleurresteàvenir:—EtSadieLeeaproposéqu’onpasseNoëlchezelle,àBrooklyn!précisemaman.
Elliot et papa nous attendent dans la salle de réception. Elliot est très beau, en costard cravate.
Dommagequejenesoispasà lahauteuravecmatenuedeserveuse…Surtout, j’auraisaiméêtreplusapprêtéepourvoirNoah…
Cindyet Jimdansent leurpremièrevalse,entourésde leurs invités ravis.Cindy,quis’estéclipséepour se changer, arbore à présent une superbe robe à franges argentées qui reflète les lumières
scintillantes.PuislesmusiciensexécutentlespremièresnotesdeUnchainedMelodyetjerepenseàmapremière vision de Noah, hier, sur cette même estrade. Un coup d’œil à la grande horloge, et j’ail’impressiond’êtreCendrillon–saufquemoi,j’aihâted’êtreàminuit!
—Tunevaspastechanger,chérie?Jemetourneversmamèrequiobservematenue.—Mechanger?—Jenet’aipasdit,pourlarobe?Jeluirenvoieunregardperplexe.—Pardon,j’aidûoublier…Vavoirdansmachambre,ilyaquelquechosepourtoi.Elleme tend sa clé, avec un sourire énigmatique. Je prends une dernière photo d’une demoiselle
d’honneurrampantsouslatableavecunecuissedepoulet,puisjefileauxascenseurs.
Mapremièreréaction,quandj’entredanslachambredemesparents,estd’éclaterderire.Lecôtédepapaestpresquevide–seuletrônesursatabledenuitlabiographied’unobscursportif,etsavaliseestrangéecontrelemur.Ducôtédemaman,c’estl’apocalypse:deshabits,desaccessoiresetdesboîtesdemaquillagereposentenpagaillesurlelitetausol!J’enjambelessacsetleschaussurespouraccéderaulit.
Unemagnifique robeensoieémeraude,avecun liserédeperles,estétenduesur lematelas. Ilyaaussiunserre-têtebrillant,etunepairedesalomésàtalons.Latenueestsibellequejemedemandesielleestbienpourmoi,puisj’aperçoisunPost-itsurlecintre:
«Penny»Aussitôt,ledoutem’assaille…Etsicettetenuetevamal?Sielletedonnel’airridicule?Jem’emparetoutdemêmedelarobe.Commentêtreridiculelà-dedans?Jeretiremapanopliede
serveuse et passe levêtement.Le tissu est si douxque j’en frémis.Puis jemepostedevant lagrandeglace… et je souris. Cette coupe et cette couleurme vont àmerveille. On dirait une star de cinéma.J’enfile leschaussures,puis j’observemescheveuxdans lemiroir. Jepourrais les releverenchignon,maisçanecolleraitpasaveclestyleannéesvingt…
Jesaisislabrossedemamansursatabledenuitet,unefoismacrinièrelissée,jefaisdeuxtressesque j’attacheencouronne,puis j’ajoute leserre-tête. Jeprendsplacedevant lacoiffeuseetdessineuntrait d’eyeliner sur mes paupières. Une touche de poudre, une goutte de parfum et je suis prête. Jem’avanceverslapsychépourunedernièrevérification.
Jerepenseaumatinoùjemepréparaispourmonrendez-vousavecOllie…Commej’étaisstressée!Rienàvoiravecaujourd’hui…pourtantc’étaitilyaseulementunesemaine!Àprésent,jesuisunetoutautrepersonne.
Chapitre26
MesparentsetElliotsontattablésdanslecoindelasallederéception.—Chérie!m’appellemaman.Paparestebouchebéequandilm’aperçoit.—Tues…—Frange-tastique!s’exclameElliot.Jefaisuntoursurmoi-mêmeavantdem’asseoir.—Mercibeaucoup,maman!—Mapetitefillequigrandit…,commentemonpèreavecmélancolie.—Arrête,papa!jerépliqueenrougissant.—Jevais essayer de rappelermesparents, intervientElliot en se levant.Croisez les doigts pour
qu’ilsm’autorisentàpasserNoëlici…Tandisqu’ils’éloigne,mamansepencheversmoi.—SadieLeem’aditqueNoahpassaittevoirplustard?J’acquiesce.Papatoussote:—OndiraitquejevaisdevoirfairelaconnaissancedecefameuxNoah…—C’estchezsagrand-mèrequenoussommesinvitéspourNoël,expliquemaman.Cesmotssontcommeunedoucemélodieàmonoreille…complétéeparunbipdetexto.
Noah:Salut!Tupourraist’échapperenavancedelaréception?N.Penny:Enavancedecombien?Noah:Degenre…maintenant?Penny:Tuesàl’hôtel?Noah:Oui,auparking.Onpeutseretrouveràlacuisinesituesdispo…
Mesparentsselèventpourdanser.Jelesretiensavantqu’ilss’éloignent.—C’étaitNoah!Ilestdéjàarrivé.Jepeuxallerlevoir?—Biensûr,acquiescemamère.— Et ramène-le ici, suggère papa par-dessus son épaule. Cindy et Jim n’y verront aucun
inconvénient.
Je file à la cuisine et tombe sur Sadie Lee en pleine vaisselle. Je ne l’ai presque pas vue de lajournéetellementelleaétéoccupée.
—Bonjour,majolie,melance-t-elleavecsonsourireradieux.Elle a le visage un peu rouge et quelques mèches se sont échappées de son chignon, mais cela
n’enlèverienàsaclassenaturelle.—Commetuesbelle!ajoute-t-elleenmecontemplant.—Merci,c’estmarobedesoirée…—Superbe…Laisse-moiregarderdeplusprès.Elles’approcheetexaminelesperlessurmesmanches.—Tume rappelles une photo dema grand-mère, elle était parmi les premières de son époque à
porterdesrobesàfranges.TuvasdonnerletournisàNoah!Jenepeuxm’empêcherderougir.—Justement,ilestarrivé…Ilestauparking.—Jesais,répliqueSadieLeeavecunsourirecomplice.Pourmasquermonexcitation,jepoursuisladiscussion.—Mercidevotreinvitationpourleréveillon.—Jet’enprie,machérie.J’adorerecevoiràNoël.Çamerappelleletempsoù…Elles’interrompt.EllepensecertainementauxparentsdeNoah…—J’aiappris…,jesouffle.Pourl’accident.Jememordslalèvre,craignantdem’êtretropavancée.MaisSadieLeemerépondavecdouceur:—Noaht’adit?J’acquiesce.—Ilt’appréciebeaucoup,tusais.—C’est…réciproque.—Jesuissincèrementheureusequ’ilt’aitrencontrée,Penny…Qu’ilaitunepersonneàquiparler.Il
subitbeaucoupde…—Hello,missPe…Jefaisvolte-faceetmetrouvenezànezavecNoahquimefixe,lesyeuxronds.—Qu’est-cequejet’avaisdit!meglisseSadieLeeavecuncoupdecoude.—Tues…radieuse!souffleNoah,toujourspostédansl’embrasuredelaporte.—Merci…Ilporteunjeanslimnoiretunevesteencuirtannépar-dessusunsweatàcapuchegris.Ilsourit,et
sesfossettessecreusent. Ilestsicraquantquejenesaispascedont j’ai leplusenvie : leprendreenphotooul’embrasser!
Iljetteuncoupd’œilàsagrand-mèreetdemande:—Tul’as?—Etcomment!rétorque-t-elleenexhumantunpanieràpique-niquedesousleplandetravail.—Chèredemoiselle,meditalorsNoahsuruntondegentleman,accepteriez-vousdepique-niqueren
macompagnie?—Unpique-nique?—Oui.Maispasunpique-niquebasique,précise-t-il,uneétincelledans l’œil.Unpique-niqueau
clairdelune!…Moncœurseserre.Mamanetpapanemepermettrontjamaisdequitterl’hôtel…—…SurlaterrassesecrèteduWaldorf,ajouteNoah.Elleestjustederrièrecettecuisine.SadieLeeglousse.—Avecplaisir,jerépondsavecunsourire.SadieLee,vouspourriezprévenirmesparents?Ilssont
entraindeseridiculisersurlapistededanse…
—Biensûr.Maistunerisquespasdemourirdefroid,danscetterobe?—T’inquiète,Mam’,intervientNoah.J’aipenséàtout.—Voilàquinem’étonnepasdetoi!Amusez-vousbien,lesjeunes.Maisnetardezpastrop.Jene
voudraispasquelesparentsdePennypensentqu’elleaétéenlevée!SadieLeepartie,Noahsoulèvelepanier.—Situpouvaisinviterunpersonnagedefilmàpique-niqueravecnous,quiceserait?Décidément,Noahaledondesquestionsbizarresquidétendentl’atmosphère!—Gus,deNosétoilescontraires.Pourpouvoirlerameneràlavie.—Excellenteréponse.Moi,j’inviteraisl’espècedemauviettedeTwilight.Pourl’étrangler.Jeriset,quandnosregardssecroisent,jesuistraverséeparuncourantsipuissantquej’enperdsle
souffle.—Jesuiscontentdetevoir,déclareNoah,d’unevoixdouce.—Jet’enprie,c’estmoi.Hein?«Jet’enprie,c’estmoi»??!Qu’est-cequec’estquecetteréponsebidon?Encoreuncoupdu
DieudesMomentsGênants…—C’esttoi?répète-t-ilsanscomprendre.—Non…—Alors,tun’espascontentedemevoir?insiste-t-il,inclinantlatêteavecunsourireencoin.—Biensûrquesi!Cen’estpascequejevoulaisdire.Je…Jemedétournepourmasquermesjouescramoisies,puisjecorrige:—Jevoulaisjustediremerci.—Jet’enprie,c’estmoi!répliqueNoah,etnouséclatonsderire.Allez,enroute!Ilmeconduitversunepetiteportequej’avaisprisepouruncagibi.Elles’ouvresuruncouloirétroit
menantàl’escalierdeservice.—C’esticiquelesemployésdel’hôtelviennentfumer,confieNoah.Ilesquisseunsourireavantd’ajouter:—Mais,pasd’inquiétude,onvaenfaireuncoinsupersympa!Parcontre,j’aibeautrouvertarobe
sublime,çam’ennuieraitquetuattrapesunepneumonie…Toutenparlant, ilsortunsecondsweatàcapuchedesonsacetmeletend.Jel’enfileaussitôt.Le
vêtementesttellementgrandqu’ilm’arriveauxgenoux.—Iltevadixfoismieuxqu’àmoi!commenteNoah.Etvoilà:enunepetitephrase,ildécuplemaconfianceenmoi.Nousnoustrouvonsàprésentsuruneterrasseentouréederambardes.Noahmemèneversunepetite
alcôve,etétendausollacouvertureàcarreauxdesavoiture.—Aprèsvous,gentedemoiselle,dit-ilavecungested’invitation.Ils’installefaceàmoietsortdupanierunThermosetdeuxtasses,puisdeuxassiettesenporcelaine
etdes couverts enargent. Il déballeplusieurspetitesboîtes entouréesdepapier alu et jedécouvreunassortimentdecanapésetdecupcakesauchocolatetàlafraise.
—Etça,commente-t-ilenbrandissantdeuxbougiesetuneboîted’allumettes,c’estlapetitetouchedeSadieLee…Magrand-mèreestuneromantiquedansl’âme!
Ilallumelesmèchesetnousgardonsuninstantlesilence.— J’espérais que la nuit serait claire, avoue Noah en levant la tête, histoire qu’on voie la lune
ensemble.—Toutestparfait.LarumeurdeNewYorkgronde,maisnoussommessihautquelessirènesetlesklaxonssontaussi
douxquedeschantsd’oiseaux.
—Onpourrapeut-êtres’écrirequandtuserasrentréeenAngleterre…,suggèreNoahenouvrantlagourdedonts’élèventdesvolutesdevapeur.Etpuisseskyperetsewhatsapp’er?
Ilsoupireetajoute:—J’aimeraistellementquetunepartespasdemain.Jesouris.Visiblement,SadieLeeneluiapasditquenousprolongionsnotreséjour.Àtouslescoups,
elleavoulumelaisserceplaisir!—Paslapeinedeprendreunairsiravi!rétorqueNoah.—Jenesuispasraviedepartir.Jesuisraviederester!Mamèreorganiseunesoiréed’anniversaire
ici,le31décembre.Onnepartqu’après!—Tuplaisantes?—Eh,non!Del’index,ilmefaitsignedem’approcher.Jem’exécuteetilattrapemamain.Jesuissiheureuse
quej’enailetournis.Jeprendsuneinspirationetcontinue:—Maislemieux…—Parcequ’ilyamieux?—Oui!C’estqueSadieLeenousainvitésàpasserNoëlchezvous!—C’estvrai?C’esttropcooool!D’uncoup,ildevientsérieux.—Donc…—…Donc…,jerépète,lecœurbattant.Noussommessiprochesque jedistingue lesmoindresdétailsdesapeau,etmêmeunemini-tache
d’encresursajoue.Ilmeserrelamainplusfort,cequimécaniquementmefaitavancerencoreunpeu.Nosvisagesnesontplusqu’àquelquescentimètresl’undel’autre.
Ilvam’embrasser!Ilvam’embrasser?!!Qu’est-cequ’ilfautfaire?!Jefermelespaupièresetsensseslèvressurlesmiennes.Jel’embrasseenretour.Et,incroyablemais
vrai,jesaism’yprendreenbaiser!Ilm’attirecontreluietm’enlace.Nousnefaisonsplusqu’un.Montéléphonesonnemaisjenedécrochepas.—Jetel’avaisdit,murmureenfinNoah,tuesmonévénementperturbateur…J’acquiesce.—Ilfautquejeregardequim’aappelée,dis-je,enpriantpourquecenesoitpaspapamedemandant
derentrertoutdesuite.Maislecoupdefilmanquévientd’Elliot.J’écoutesonmessage:«Penny!T’esoù?Tamèrem’adit
que tu avais filé avec ton Prince charmant. Reviens vite, s’il te plaît. C’est la cata :mes parents neveulentpasquejereste.Ilsm’ordonnentderetourneràBrightonpourNoël…Toutseul,enplus!Saufsi…»
Moncœurseserrequandilprononcelesderniersmots:«…tuveuxrentreravecmoi?»
Chapitre27
Noahm’observed’unairinquiet.—Qu’est-cequisepasse?Ondiraitquetuviensd’apprendreunemauvaisenouvelle.Rassure-toi,
cettehistoirede«PèreNoëlquin’existeraitpas»,c’estunesimplerumeurlancéeparlesadultes!Jefeinsunéclatderire,maislecœurn’yestpas.—C’estmonamiElliot.Sesparentsrefusentqu’ilprolongesonséjour.Ildoitrentrerdemain.—Dommage…Nousnousregardonsuninstant,puisNoahbranditleThermos.—Unthé?J’acquiesce.Mais laquestiond’Elliotcontinuedemetournerdansla tête.Jesuis tiraillée…Jene
souhaitepasqu’il rentre seulenavion,mais j’ai encoremoinsenviedequittermesparents, et surtoutNoah…
Jeprendsunegorgéede thé : c’estunarômecitronnéet très sucré,unpeucommede la limonadechaude.
—Délicieux…—EncoreunespécialitédeSadieLee,souligneNoah.EnCarolineduSud–làoùelleagrandi–,ils
enboiventl’étéavecdelaglace.Magrand-mèreainventélaversionhivernalepourNewYork.Jeprendsunedeuxièmegorgéeettentedemeremettredansl’ambiance.Envain.Mespenséessont
focaliséessurElliot.—Çat’ennuiesionretourneàlaréception?Monpoteavaitl’airsuperstressédanssonmessage.Il
voudraitmeparler.Noahsembledéçu,et jemesenscoupable.Mais jenepeuxpasfaireattendreElliot,surtoutaprès
notredisputed’hier.—Toi,valevoir,réplique-t-il.Jevaisrentreràlamaison.—Non!Enfinjeveuxdire,tuneveuxpasm’accompagner?—Jenepeuxpasm’incrusteràunmariage!Detoutefaçon,onsevoitdemain.—TaprésencenedérangeraitpasCindyetJim!C’estmêmemonpèrequimel’adit!Ilssonttrès
sympas.Jeleurexpliqueraiquetueslepetit-filsdeSadieLee…etqu’onestensemble!Ilhausselessourcils.—Ah,vraiment?répond-ilavecunsourire.Onestensemble?—Oui!Neparspas,s’ilteplaît.—Quandjesuisvenucesoir,jepensaisquec’étaitpourtedireaurevoir.Maisturestesencoreune
semaine entière, alorspasde stress !Çanem’ennuiepasd’attendre jusqu’àdemain.Vavoir ton ami.Mieuxvautquejenevousencombrepas.
—Tunenousencombreraispas,tu…Noahposel’indexsurmeslèvres.—Chhhut…—Etnotrepique-nique?—Onenreferatouslesjourssituveux.Allez,varejoindreElliot.Maisd’abord…Ilm’attireàluietm’embrasse,entenantmonvisageentresesdeuxmains.—Waouh…,fait-ilquandnousreprenonsnotresouffle.—Topniveau!jesouligne,fidèleàmonhabitudedefaireuncommentairedébiledanslesmoments
lesplusdélicats.—C’estsûr,approuveNoah,amusé.Jesuisécarlatemaisçam’estégal.JesaisqueNoahn’yprêtepasattention.
Quandjeregagnelaréception,meslèvresfourmillentencoredenosbaisers.Maislavisiond’Elliot,
seulàtableetl’airabattu,mefaitviterevenirsurTerre.—T’étaisoù?medemande-t-ildèsqu’ilm’aperçoit.—Désolée.Noahm’aemmenéepique-niqueret…—Pique-niquer?—Oui.Maisnet’inquiètepas,je…—Etmaintenant,ilestoù?—Rentréchezlui.—Hein?Pourquoi?Jet’aiditquetupouvaisl’amener.—Ilnevoulaitpass’incruster.—Çan’auraitpasdérangéCindyetJim!—Jesais…Maisraconte-moiplutôt…Qu’ontdittesparents?—Ilsontpaniqué,réplique-t-ilenépoussetantmachinalementlanappe.Poureux,pasquestionqueje
passeNoëlici.D’aprèsmonpère,«cen’étaitpascequiétaitconvenu»…Ilspréfèrentmefairerentrerenaviontoutseul,soi-disantparcequ’ilestimportantdepasserlesfêtesenfamille.Celadit…
Ilmarqueuntempspourdonnerplusdepoidsàsesparoles.—…Ilsontditquetuseraislabienvenuecheznoussituvoulaisrentreravecmoi.—Je…—Ah!Terevoilà!s’exclamepapaens’affalantsurunechaise.D’aprèssesjouesrouges,ils’estdonnéàfondsurlapistededanse!Mamans’assoitàsoncôté,visiblementmoinsessoufflée(ilfautdirequ’ellegardedebonnesbases
del’époqueoùelleétaitcomédienne).—OùestNoah?demande-t-elle.—Rentré.—Déjà?Ilauraitpusejoindreànous!LesBradyn’yauraientvuaucuninconvénient.Décidément,ilssesontpassélemot!—JevoulaisvoirElliot.Àproposdesesparents.Papaprendunairdésolé.—Noussommesaucourant…Queldommage.SansnotrecherElliot,ceneserapastoutàfaitNoël.Cederniersoupire,avantdeseretournerversmoi.—Alors,Pen,verdict?—Jenesaispas…Commentm’ensortirsansleblesser?—Àquelsujet?questionnemonpère.
—MesparentsontditquePennyétaitlabienvenuecheznouspourNoëlsielleavaitenviederentreravecmoi.
Jejetteuncoupd’œild’espoiràmesparents,etlessupplietélépathiquementdem’interdiredepartir.Mamanesquisseunemouesceptique.Elliotinsiste:
—Les plats surgelés demes parents ne valent pas vos festins,Rob…Mais peu importe puisque,cetteannée,vousdînerezàl’hôtel.
—Non,réagitmaman,SadieLeenousinvitechezelle.—SadieLee?—Letraiteur.—Jenesavaispas…MERCI!!!Voilàquim’évited’avoueràElliotquejen’aiaucuneenviederentreraveclui.Jepeux
toutmettresurledosdemesparents!—Onnerestequ’unesemainedeplus,jepréciseenobservantsaminedéfaite.—Huitjours,tuveuxdire!—Oui,huitjours.Onpourraseskyper.—Situn’espastropoccupée…Soudainmonpèresedresse,l’indexbrandi.—Eh!C’estnotrechanson!Jetendsl’oreille;eneffet,lespremièresnotesdeWhenaManLovesaWomanretentissentdansla
salle.Papatendlamainàmaman.—Madame,m’accordez-vouscettedanse?—Maisavecleplusextrêmeplaisir!Je souris alorsqu’ils sedirigentvers lapiste.Pendant longtemps, leurs effusionspubliquesm’ont
misemal à l’aise – c’était comme s’ils appartenaient à un « Club des Super Couples » dont l’accèsm’étaitdéfendu–,maisàprésentquejesuisavecNoah,cettevisionmeprocureunprofondbien-être.
—Jevaisbouclermavalise…,déclareElliot,l’airsombre.Jemelèveenmêmetempsquelui.—Jet’accompagne!Siseulementjepouvaistrouverquelquesparolesderéconfort…—Unfestindeminuit,çatedit?jetente.J’aitoujourslepanieràpique-nique…—J’aipasfaim.—Mêmedefraisesauchocolat?—Ilt’aapportédesfraisesauchocolat?!J’acquiesce,unpeuinquiète…Jepeineàcernersonétatd’esprit…—Cetypen’avraimentaucundéfaut?ajoute-t-il,agacé.Parprincipe,jerétorque:—Biensûrquesi!Alorsqu’envrai,jeneluienconnaisaucun…
Cen’estqu’aprèsavoirbouclésavalisequ’Elliotsedérideenfin.—Désolé,Penny…, s’excuse-t-il en s’affalant sur son lit. J’étais tellementdéçudenepaspasser
Noëlavecvous…Maisdanslefond,cen’estpasplusmalquejerentreàBrighton.Unesemainedeplusicietjemetransformaisengrosdindon…
Jem’assoisàsoncôté.—Tusais,fais-jeremarquer,Noahetmoi,onhabiteàdixmillekilomètresl’undel’autre…—Quatremille!
—Quatremille, si tu veux. Ça reste un océan, donc notre relation ne risque pas d’affecter notreamitiéàtoietmoi.Cettehistoire,c’estseulement…
—Unamourdevacances?—Voilà,unamourdevacances.Ilsourit,etjesuistroubléeparunepensée.Depuistoutescesannées,c’estlapremièrefoisquejelui
mens.
Chapitre28
J’ai lu dans unmagazine que nos rêves avaient un sens caché. Par exemple, rêver qu’on grimpe unemontagnesansenatteindrelesommet,çasignifiequ’onsesentcoincédanssavie.Rêverqu’onperdsesdents,c’estsesentirvulnérable…Ilexistemêmedesprofessionnelsdel’interprétationdesrêveset,encetteveilledeNoël, jemedemandecequ’ilsdiraientdemoncauchemardecettenuit.J’étaisdansuntrainavecMeganetOllieet,àchaquearrêt, leconducteurfaisaituneannoncegênanteàmonsujet.Aulieuduclassique:«Mesdamesetmessieurs,nousentronsengarede…»,onentendait:«Mesdamesetmessieurs,saviez-vousquePennyPorteramontrésaculotteaumondeentier?»,etMeganetOllieriaientauxéclats.Pire,ilsmeretenaientparlamancheàchaquefoisquejevoulaism’enfuir.Àlafin,monsiègesetransformaitengâteauetjemeretrouvaislesfessespleinesdechocolat.
J’allumemalampedechevetetm’assois.Jedétestelesrêves…cesontdestraîtresquinousobligentàrepenserauxchosesetauxpersonnesquinousontblessés.Jeserrelapoupéedansmesbras.
Soudain, j’aiunefurieuseenviedeconsulter la fameusevidéosurFacebooketYouTube.Combiencomporte-t-elledecommentairesàprésent?
Non,Penny!Pourquoit’infligerça?AlorsquetuasréussiàécartertoutecetteaffairedepuistonarrivéeàNewYork!
Je parcours la chambre du regard, et la tristessem’envahit. C’estmon derniermatin auWaldorf-Astoria…Bizarrement,jemesuisattachéeàcelieu.C’esticiquemavies’esttransforméeencontedefées.Iciquej’aicomprisquej’avaislescommandesdemavie.
Jedécidedefairequelquesphotos.D’abord,jeprendsmonlitdéfait,aveclapoupéesurunepiledecoussins;puislapiècesousdifférentsangles,ainsiquelavue.Enfin,jephotographielefauteuildevantlafenêtre,aveclacouverturedusoirdelalunerousse.
Après cette session, j’ai l’impression d’y voir plus clair :Megan,Ollie, le spectacle… tout celaappartientaupassé.Mamission:garderlecapsurleprésent,c’est-à-diresurNewYorketsurNoah.
Lecœurplusléger,j’allumelatélé–MTVdiffusedesclipsdeNoëlencontinu.JevirevoltesurVivelevent,tantetsibienquej’oublieunebonnefoispourtoutesmoncauchemar.Enfin,jem’étendssurlelitensouriantàmapoupée.
—JoyeuxNoël!luidis-je,horsd’haleine.
Àlatabledupetit-déjeuner,jeretrouvel’Elliotjoyeuxquej’aime.—J’aimanigancéunplan,meglisse-t-iltandisquejeversedusiropd’érablesurmespancakes.Ça
s’appelle:«OpérationsabotageduNoëldemesparents.»Aprèsça,jepeuxtedirequ’ilssemordrontlesdoigtsdem’avoirobligéàrentrer.
—Raconte!
— D’abord, je leur annoncerai que je quitte le collège pour rejoindre une communauté hippie.Ensuite,jeleurrévéleraimonnouveaunomhippie:GouttedePluie.
Quandilatteintledixièmepoint–«JeleurferaicroirequejesorsavecungarsprénomméHanketmembredesHell’sAngels»–nousavonstouslesdeuxdescrampesàforcederire.
Après le petit-déjeuner, mes parents et moi déposons nos bagages à la consigne de l’hôtel etaccompagnonsElliotàl’aéroport.
— Je te plains de devoir faire le vol tout seul…, je lui glisse quand le taxi stationne devant leterminal.
—Çava,y apire…Si ça se trouve, çamedonneraunairmystérieuxet sexy…Aumoins, jenepasseraipasinaperçu.
Jem’esclaffe.—Surtoutdanscettetenue!Ilarboresonblazerpréféré,deschaussuresencuirvernietunmonocle–unmonocle !–avecsa
désormaisinamoviblecasquettedesYankees.Et,commetoujours,çaluidonneunstylesuperclasse.—Tuvasmemanquer,Pen-Pen,murmure-t-ilenmeprenantdanssesbras.—Toiaussi…—Profitebiendetonamourdevacances.—Moui…—Si,vraiment!insiste-t-il,ensereculantd’unpaspourmeregarderdanslesyeux.Tulemérites,
aprèstoutcequetuastraversé.Leslarmesmemontentauxyeux.—Merci…—Etprépare-toi:àtonretour,jevoudraiconnaîtrelesmoindresdétails!Leshaut-parleursannoncentsonvolet,aprèsundernieraurevoir,ils’avanceverslesdouanes.—SadieLeem’aenvoyéunSMS,déclaremamanquandnousregagnonslafiledetaxis.Ellenous
attendavecunefournéedebrowniestoutfrais!Montéléphonevibreàsontour.C’estNoah.
Noah:Salut!Tuesdouéeendécorationdesapin?Penny:Tuparlesàlatriplechampionnedumondeendécodesapin☺Noah:Triple?Çaferal’affaire.TAlorsdépêche-toid’arriver,ÉvénementPerturbateur!Masœur,lesapinetmoi,ont’attend!
Àl’aller,j’étaistellementfocaliséesurElliotquejen’aimêmepaspenséàlaroute.Maisletrajetretour est une tout autre histoire, et quand le taxi s’arrête devant leWaldorf-Astoria où nous devonsrécupérernosbagages,jen’aiqu’uneidée:ensortiretrejoindreBrooklynàpied!
Tupeuxlefaire!TuesOcéanelaBattante!Mais,Elliotparti,cettetechniquemarchemoinsbien…Jepenseàmonami,seuldanssonavion,et
j’ailagorgenouée.PuisjemerappelleleconseildeNoah.Pendantqueleportierchargenosbagagesdansletaxi,jem’efforcedesentiroù,dansmoncorps,se
situemonangoisse.Elleestlogéedansmagorge…làoùçaserre.Jefermelespaupièresettentedeluidonnerunecouleuretuneforme.C’estunemainrouge,quim’agrippelatrachée–unevisionterrifiantequi,d’abord,medonneenviederouvrir lesyeux!Maisjem’obligeàrespirer lentementetàacceptercetteimage.
Mes parents discutent avec le chauffeur, qui vient de remettre le contact pour nous emmener àBrooklyn, pourtant leur voix n’est qu’un bruit de fond. Je reste concentrée sur lamain écarlate…quiparaîtmoinsviveàprésent.Pluspetite,aussi.
Toutvabien…Lentement,jemedétends.C’estmaintenantunnœudquimeserrelagorge,etnonplusunpoing.Respire…Toutvabien…Alors,lenœudpâlitpuisdisparaît.Mamanmedonneuncoupdecoude.—Tuasvucommecepontestbeau,chérie?J’ouvrelesyeux:nouspassonsdéjàsouslapremièrevoûtedupontdeBrooklyn!Àl’autrebout,les
immeublesdeBrooklynscintillentausoleil.Aprèslepont,lavoitures’engagedansuneruerésidentiellebordéed’arbresetdemaisonsdepierre
brune,hautesdequatreétages.Nousstopponsaupiedd’unescalierconduisantàuneporte rouge.UnecouronnedeNoëlyestaccrochée.
—Ravissant!s’émerveillemaman.Àpeineémergéedutaxi,jesuisassailliedepenséesnégatives.EtsiçatournaitmalentreNoahetmoi?SipasserNoëlensembleétaitunemauvaiseidée?Heureusement, je n’ai pas le temps deme torturer l’esprit : la porte s’ouvre et une petite fille se
précipiteau-dehors.Sescheveuxnoirsetbrillants formentdeparfaitesanglaisesautourdesonvisage.Ellenousobserved’unœiltimide.
—VousêtesvenuspourNoël?demande-t-elleavecunadorableaccentnew-yorkais.—Ehoui!répliquepapad’untonjovial.SadieLeesurgitàsontour,vêtued’untablier.—Hello!Derrièreelle:Noah.—Salut,lance-t-ilquandnosregardsserencontrent.—Salut…J’entreprendsdesoulevermavalise,histoiredemasquermagêne,etilseprécipiteàmonsecours.—Jem’enoccupe!Ildévalelesmarcheset,arrivéàhauteurdepapa,seprésente,lamaintendue.—Bonjour,jesuisNoah.—Ravidefairetaconnaissance,répliquemonpèreavecchaleur.Moi,c’estRob.Ouf!Jusqu’ici,toutvabien!Pendantquejemontel’escalier,Bellamedemande:—C’esttoi,Penny?—Oui.Ettoi,jepariequetuesBella.Elleacquiescetimidementetsetourneverssonfrèreavecunsourire.—Tuavaisraison,luisouffle-t-elle.—Àquelsujet?jedemande.—Turessemblesàunesirène…—Bella!s’exclameNoahd’unairfaussementcontrarié.Jecroyaisquetusavaisgarderunsecret!Lamaisonsembletoutdroitsortied’unecomédiedeNoëlaméricaine.L’entréefaitlatailledemon
salon, avecunemagnifiquehorlogedresséedansuncoin etun largeescalier.NoahetSadieLeenousconduisentdansunevastecuisine,quiembaumelesbrowniestoutjustesortisdufour.
SadieLeeproposeàmesparentsdes’installerdanslachambred’amis.—Toi,Penny,ajoute-t-elle,tudormirasavecBelladanssonlitsuperposé.—Maisilfautquetuprenneslacouchettedudessus!prévientlafillette.Moi,jel’aimepas,parce
quej’aipeurdetomber.
—C’estparfait,j’assureensouriant.—Tuveuxvenirvoir?medemande-t-elleenmeprenantlamain.JeconsulteNoahduregardetilacquiesce.—Maisfaitesvite!Jevousrappellequ’onaunsapinàdécorer!LachambredeBellasetrouveaudeuxièmeétage.Unpanneauestsuspenduàlaporte:«INTERDITAUXALIENS!»—C’estNoahquimel’afait,explique-t-elle.Parcequejedétestelesextraterrestres.—Superidée,dis-jeenm’efforçantdegardermonsérieux.J’entrealorsdanslaplusbellechambred’enfantdumonde…Undesmursesttapissédepersonnages
decontesdefées,deBlancheNeigeauPetitChaperonrouge.—C’estmonpapaquil’apeintquandjesuisnée,expliqueBella.Maintenant,ilestauparadis.—Noahm’adit…Jesuisvraimentdésolée…—Etmamanaussi.Àmonavis,elles’esttransforméeenange.—C’estcertain.—Ça,c’estmonlit,reprend-elleendésignantlacouchettedubas,entouréed’unpetitvoilage.J’aime
bienm’imaginerquejesuisdansunetente!Ellemarqueuntempsetreprend:—J’adoretavoix.EllemerappellecelledelaprincesseKate.JesuisfandelaprincesseKate!Jeposemavalisedansuncoinetensorsunpull.—Oh!c’esttapoupée?questionneBellaenremarquantlecadeaudeNoah.—Oui.—Tropcoooooool!Elleserueverssonlitetplongederrièrelerideau.Elleémergepresqueaussitôtenbrandissantune
poupéedechiffon.—VoiciRosie!annonce-t-elleenl’approchantdelamienne.Ellespeuventêtreamies?—Biensûr.J’enfilemonpull.—Bonjour,lanceBellad’unevoixhautperchée,jem’appelleRosie!Ettoi?Ellemejetteuncoupd’œilinterrogateur.—Euh…Ellen’apasdenom,jeréponds.Tupourraisluientrouverun?Ellesoulèvelapoupéeetlaconsidère,sourcilsfroncés.—Jesuis…Princessed’Automne!déclare-t-elleavecsolennité.Puisellesepencheversmoiet,d’untondeconfidence,explique:—«Automne»,c’estlesurnomquet’adonnémonfrère.Maischut,jenesuispascenséeteledire.
Tul’aimes,Noah?—Euh…je…Onvientseulementdeserencontrer,alors…—Lui,jecroisqu’ilt’aime.Ilt’amêmeécritunechanson.C’estlapremièrefoisqu’ilfaitça.Mamy
ditqu’ilaété touchéparCupidon.Çaveutdirequesoncœuraététranspercéparuneflèched’amour.J’aivérifiésurGoogle.
Cette fois, jenepeuxm’empêcherde rire.Noahm’adonnéunsurnom! Ilm’aécritunechanson!SadieLeeaditqu’ilavaitététouchéparCupidon!!!
Bellas’esclaffeàsontour,etsesanglaisesrebondissentautourdesonvisage.—Çarigolebienici!faitsoudainlavoixdeNoah.Noussursautons…puisré-éclatonsderire.—Vousvenezdécorerlesapin?—Oui,oui,oui!s’exclameBellaenfonçantdanslecouloir.Dèsqu’elleadisparu,Noahmejetteunregard.
—Vousvousentendezbien,ondirait…J’acquiesce.—Jesuistellementcontentquetusoislà,ajoute-t-il.—Moiaussi…Jem’approche, enpensant qu’il vam’embrasser.MaisBella resurgit à cet instant et nous agrippe
chacunlamain.—Plusvite,banded’escargots!Noahm’adresseunsouriredésolé,etmoncœuresttranspercéparuneflèched’amour…
Chapitre29
Le sapin touche presque le plafond du salon et ses branches aux aiguilles épaisses et brillantess’épanouissentdevantlabaievitrée.Uneagréableodeurdepinemplitlapièce.Noah,Bellaetmoinousaffaironsà ladécoration.Chaquebouleetchaqueguirlandeasonhistoire,queSadieLeenousracontedepuislefauteuilàbasculed’oùellenousobserve.
—CepetitPèreNoël, explique-t-elle, c’estmamèrequi l’a acheté l’annéedemes seize ans.Cebonhommedeneige-làappartenaitàmonpère–Stanley.Lerennevientd’unekermessedeCharlston…
Enfin,touslesaccessoiressontenplace.—Presque!préciseSadieLeeentendantuneboîteàBella.—Lessucresd’orge!Eneffet,laboîteestpleinedepetitescannesrayéesrougeetblanc.Ils’endégageundélicieuxparfum
dementhe.Nouslesaccrochonssoigneusementauxbranchesdusapin.—Miam!lanceBellaquienavaleune.—Crapule!répliqueNoahavecunsouriretaquin.—Quoi?Elleasautédansmabouche!Tout lemonde s’esclaffe, etNoahm’offre un sucre d’orge. Le goûtme rappelle les bonbons à la
menthequ’ontrouveàBrighton.—Onpeutinstallerl’ange?demandeBellaàsagrand-mère.—Oui,chérie.Noah ouvre un coffret et, d’un geste soigneux, déballe un petit paquet de crépon rouge. Celui-ci
contientunangeauxcheveuxblondsondulés,vêtud’unerobedesoieivoire;desondosémergentdeuxailesengazedorée.Noahgrimpesurunechaiseetplacel’objetausommetdusapin.Bellaapplaudit.
—Jepeuxallumerlaguirlandelumineuse,mamy?—Biensûr.Nous patientons pendant qu’elle se faufile derrière les branches. Puis sa petite voix lance un :
«JoyeuxNoël!»hautperchétandisques’éclairentdesdizainesdeloupiotes.C’estsibeauquej’enailesoufflecoupé.—JoyeuxNoël…,mesouffleNoahenpassantlebrasautourdemataille.Jemelovecontrelui.C’estlemeilleurNoëldemavie…
Cen’estquedansl’après-midiquejeprendsconsciencequejen’aipaslemoindrecadeauàoffrir.
Noah n’étant pas adepte de shopping, Sadie Lee m’emmène faire le tour des boutiques du quartier.J’achète une bougie parfumée à la citrouille et des sels de bain pour maman, un livre de recettesaméricainespourpapa,unalbumsurlesprincessespourBellaet,profitantd’uninstantoùellealedos
tourné,descouvertsàsaladeenboissculptépourSadieLee.J’entrechezundisquairepouracheteruncadeau pour Noah, mais à peine la porte franchie, je m’aperçois que je ne connais pas ses goûtsmusicaux.
—QuelgenredemusiqueaimeNoah?—Cegarçonapprécietouteslesmusiques!répliqueSadieLee,toutsourire.Mais,situcherchesune
valeursûre,jeteconseilled’acheterunvinyle.Iladorelesvinyles.Jefileverslefonddelaboutiqueoùsontdisposéslesbacset,aprèsavoirpasséenrevueplusieurs
dizainesdedisques,j’optepourl’albumd’uncertainBigBillBroonzyparcequesonnommeplaît.—Excellentchoix,mefélicitelevendeuràlacaisse.—Merci,jeréponds,trèsfière(mêmesic’estunpurhasard).—Joliaccent…D’oùes-tu?—DeBrighton,enAngleterre.—Voilàquiilluminemajournée!s’écrie-t-ilenm’attrapantlesmains.J’adore sonallure, avec sesdreadlocksgrisonnanteset sonpendentif argentéen formedecrâne…
Aprèsunehésitation,j’osedemander:—Jepourrais…vousphotographier?—Biensûr,jeunefille!Tuveuxquejepose?demande-t-ilenbombantletorse.—Aunaturel,jerépliqueenprenantmonappareil.Ils’exécuteetjeprendslaphoto.—Merci.—Pasd’quoi.Ilmetendunecartedevisite.—Tiens,ajoute-t-il,àtonretourenAngleterre,tupourrasraconterquetuasrencontréSlimDaniels.Je suis aux anges ! J’ai le sentiment d’être une personne complètement nouvelle. Disparue, la
collégiennegaffeuseetnaïve–voicilanouvellePennyquifaitd’«excellentschoix»chezundisquairedeBrooklynetquiprendenphotodes«SlimDaniels»!Riennepeutbrisermonbonheur!
Quandnousrentrons,mamanjoueàlaprincesseavecBella,etNoahetpapadécoupentdeslégumesàlacuisine.Jelessurprendsenpleinfourire.C’estpresquetropbeau.
—Cesoir,jeproposeundînerléger,ditSadieLeeenenfilantsontablier.NousdevonsgarderdelaplacepourlefestindeNoël.
—Bonneidée,approuvepapa.Tuasbesoind’uncoupdemain?—Oui,pourlasaladeCésar.—Çatombeàpic,répliquemonpère,laCésarestjustementunedemesspécialités!Pennypeuten
attester…—Jeconfirme.Onvaserégaler.—Nousoui,intervientSadieLee.Mais,Penny,pasdesaladeCésarpourtoi,cesoir.—Exact,renchéritNoah.Jeleuradresseunregardperplexe.Tous,ycomprispapa,m’observentcommes’ilsmefaisaientune
blague.—Ilfautménagertonappétitpourdemain,avanceNoah.—Lemieux,ajoutemonpère,seraitquetujeûnespendantvingt-quatreheures.—Quoi?!Tousdeuxéclatentderire.— Pas de panique ! réagit Noah. La vraie raison, c’est que je t’emmène pique-niquer. Deuxième
édition!—Àcesujet,intervientsagrand-mère,toutestprêt?
Ilacquiesceetmeprendparlamain.—Sivousvoulezbienm’accompagner,gentedemoiselle, jevousconduirai àvotrecouverturede
pique-nique.Jeglousse.—Vousêtestropforts!Noahmeconduitdansl’entréeetnousdescendonsausous-sol.Celui-ciressembleàunvastesalon,à
l’ambiance trèsdétendue. Ilyadeuxcanapésmoelleuxcouvertsd’unplaidetdecoussins,ainsiqu’unénormeécranaccrochéaumur.Deuxlampesàlavecoloréesdiffusentunelueurorangéedanslapièce.Toutaufond,jedistingueunetabledebillard.Lacouvertureàcarreaux–lafameuse–estétaléeaupieddescanapés,agrémentéeduplusincroyabledespique-niques.
—C’estmagnifique!—Après le loupéd’hier, j’aidécidédesortir l’artillerie lourde,plaisante-t-il.D’ailleurs, tonami
Elliotestbienrentré?Mince…Voilàquimefaitpenserquejen’aimêmepasconsultémesmessages!Maismontéléphone
estdanslachambredeBella…Ilfaudraitquej’aillelechercher…Etjen’aiaucuneenvied’interrompreencoreunpique-nique,surtoutvulemalques’estdonnéNoah.J’acquiescedonc,sansdonnerdedétails.
—Oui,sonavionabienatterri.—Super,réplique-t-il.Dis,jemedemandais…—Oui?Illèvelesyeuxversl’écranetpoursuit,l’airgêné:—Avantlamortdemesparents,onavaitunrituellesoirdeNoël…J’aimeraislerefaire…avectoi.—Biensûr.C’estquoi?—OnregardaitenfamilleLavieestbelledeFrankCapra.—Avecplaisir!C’estundemesfilmspréférés!Nousvisionnonslefilm,adossésaucanapé,ennousrégalantdudélicieuxpique-nique.J’adoreles
filmsennoiretblanc…Commelesphotos,jelestrouveplusesthétiques,plusdramatiquesqueceuxencouleur.Noahserapprochedemoi,etnosépaulessetouchent.Nousrestonsainsi,encontact,jusqu’àlascèneoù JamesStewart crieà sonangegardienqu’ilneveutpasmourir ; ilveut revivreet revoir safemmeetsesenfants.Noahs’écartelégèrement.Jemetourneversluiet,àlalueurdel’écran,remarqueunelarmesursajoue.
—Çava?Ils’empressed’essuyersonvisage.—Oui,toutvabien.Unepoussièredansl’œil.Quedire?Quefaire?Jecomprendsd’uncoupcequesignifiepourluicefilm.—Tu…tupensesàtesparents?Ilrested’abordplacide,puisacquiesce,leregardbas.—Bravo,mec,marmonne-t-il,riendeplussexyquedepleurerdevantunefille…Jevoudraisleprendredansmesbras,maisjenesaispassic’estlebonmoment…—Çanemedérangepas,j’assureenluicaressantlebras.Ilsoupireavantd’expliquer:—Jepensaisquejetiendraislecoup…Queceseraitsympaderevoircefilm…—Parcequec’étaitlapremièrefoisdepuis…?Ilhochelatête.Je voudrais tant le réconforter, mais je ne trouve pas les mots. Ce qu’il a vécu est terrible, et
tellementextrême…—C’étaitunemauvaiseidée,conclut-il,latêtetoujoursbaissée.—Jenesuispasd’accord.Aucontraire,c’étaitadorable.
—Vraiment?Pourquoi?—Parcequec’esttafaçondeterappelertesparents–degardervivantleursouvenir.Surl’écran,JamesStewartcourtàprésentdanslaneigeenhurlant:«JoyeuxNoël!»Noahesquisse
unsouriretriste.—Cettescènefaisaittoujourspleurermamère.Etpapal’embrassaitpoursécherseslarmes.Instinctivement,jem’approchedeluietposeunbaisersursajouehumide.—Çavaaller,jemurmure.Çavaaller…
Chapitre30
—Penny!Penny!Jemedressedansmonlitetmefrottelesyeux.Lefaisceaud’unelampetorchem’éblouitdanslanuit
noire.—Ilestpassé!s’écrieBella.Lalumièreéclairesonvisagequisurgitausommetdel’échelle.—Quiestpassé?—LePèreNoël,évidemment!Jesourisetmerallonge.—Debout!insisteBella.Jeveuxvoircequ’ilnousaapporté!—J’arrive.Jepasselamainsousmonoreillerpourconsulterl’heuresurmontéléphone:5h30!Jeremarque
aussiquej’aireçuunmessageetjesoupiredesoulagement.Hiersoir,enmontantmecoucher,j’aitrouvétroistextosd’Elliot,unsursonvoletdeuxsursesparents.Jemesentaiscoupabled’yavoirrépondusitard,mais s’il s’estmanifestédepuis,c’estqu’ilnem’enveutpas.Saufqu’encliquant sur leSMS, jeconstatequelemessagevientd’Ollie.Ollie:JoyeuxNoël,Penny!J’espèrequetut’éclatesàNewYork.Hâtedetevoir.Bise.
Hein?Ollieahâtedemevoir ?! Je reste stupéfaite,puis jeme remémore la séancephoto sur laplage…Àtous lescoups, ilveutqu’onrefassedesportraits.Jerangemonportablesousmonoreiller,blasée.
—Allezlatortue!appelleBella,quiaregagnésacouchette.Elledonnedescoupsdansmonmatelas.—J’arrive,j’arrive!Je descends l’échelle et passe la tête derrière le petit rideau. La fillette est assise en tailleur, sa
lampedepocherivéesurdeuxbasdeNoëlvisiblementbiengarnis.Unfrissond’excitationmetraverse.Àcroirequ’onneselassejamaisvraimentdecettemagie!
—Jepensaisnerienrecevoir,cetteannée,avoueBella.—Pourquoi?—Parceque j’ai fait unegrossebêtise à l’école, souffle-t-elle, et je croyais que lePèreNoël le
savait.—Ilsaitquec’estdifficile,d’êtresageenpermanence.—Ah,çaoui!répliqueBellaavecungrandsoupirdetragédienne.
Nousvidonsnosbas(lemienétaitremplidebonbonsetdesavonsavec,enplus,unjolipetitangeenverre), et je convaincs Bella de retourner se coucher.Mais une fois sous ma couette, quelque chosem’empêchededormir.C’estletextod’Olliequim’adéstabilisée…Etjem’inquièted’êtresansréponsed’Elliot.IlestmidienAngleterre…Pourquoinem’a-t-ilpasencoresouhaitéJoyeuxNoël?Est-cequ’ilm’enveutd’avoirtardéàluirépondrehier?
JerepenseàmasoiréeavecNoah.Ils’esttellementexcuséd’avoirpleuréquej’aidûluirappelermacrisedelarmesdanssavoiture,àpeineuneheureaprèsnotrerencontre!«Onestàégalité!»jeluiaidit.Saufquec’estbienplusqueça…Oserpleurerdevantquelqu’un,c’estunepreuvedeconfiance.J’aibeausavoirencorepeudechosessurNoah,étrangement,j’ailesentimentdeleconnaîtredepuistoujours.C’estpeut-êtreça,qu’onappellel’«âmesœur»?
Soudain,l’envied’écrireunenotedeblogmedémange.Àpasdeloup,jedescendsdemacouchetteet traverse la chambre pour récupérermon ordinateur dansma valise. Bella dort à poings fermés enserrantsonnouveloursenpeluche.Jeremontesacouettesursesépaules,puisjeregagnemonlit,ordienmain,etmeconnecteàmonblog.
25décembreCroyez-vousàl’âmesœur?Saluttoutlemonde!JoyeuxNoël!J’espèrequevouspassezunebellejournée!VousavezéténombreuxàmedemanderdesprécisionssurBrooklynBoy.Alorsvoici…Depuis toujours, je suis fascinée par le concept d’« âme sœur » – c’est-à-dire par le fait qu’il existeforcément, quelque part, une personne qui vous convient parfaitement. Sauf que je n’avais jamaisenvisagéquejepuisserencontrerlamienne…Vumapoisselégendaire,jepensaisqu’elledevaitvivrequelquepartdanslaforêtamazonienneoudansundésert,etquenoscheminsnesecroiseraientjamais.Puis,j’aifaitlaconnaissancedeBrooklynBoy.Jeleconnaisdepuisseulementquelquesjoursetpourtant,j’ailesentimentdel’avoirtoujoursconnu.Jenesaispasquiestsonchanteurpréféréniquelestsonparfumfavori,maisjesaisquejepeuxtoutluidire.Etquejepeuxpleurerdevantlui,luimontrermapartdefragilitésansqu’ilmejuge.Luiaussipeutpleurerdevantmoietmemontrer sapart fragile, jene le jugepas–aucontraire, jenel’aimequeplusfort.Pourrésumer,j’ailasensationd’avoirtrouvélapersonnequimecorrespond.CommeCendrillonetlePrincecharmant.OucommeBarbieetKen(enfin…vousvoyezcequejeveuxdire!).Alors,donnez-moivosavis…Pensez-vousqueBrooklynBoysoitmonâmesœur?Etquejen’auraipasàm’aventurerdanslaforêtamazonienneoudansledésertpourtrouverlegarçonquimecorrespond?J’attendsvoscommentaires!Jevousembrasse
GIRLONLINE
PS:Pourceuxquin’auraientpascompris…Oui,jesuistoujoursàNewYork!Onrestejusqu’auJourdel’Anet…onlogechezBrooklynBoy!Lapreuvequelescontesdeféespeuventdevenirréalité…☺
Chapitre31
Montéléphonebipequandjecommenceàm’assoupir.Enfinunmessaged’Elliot?Noah:Alors,lePèreNoëlestpassé?
Jesourisetpianoteenréponse:Penny:Ohqueoui!Bellaetmoionétaitsurlepontà5h30!☺Noah:Hein?Vousnem’avezpasattendu?RDVàlacuisine!
PreuvesqueNoahestmonâmesœur:1.Jepeuxpleurerdevantlui.2.Ilpeutpleurerdevantmoi.3.Quandjesuisaveclui,c’estcommesitout«s’imbriquait»parfaitement.4. J’ai l’impression qu’on est « assortis » – un peu comme des rideaux, mais en plusromantique!5.Quandilmedit«RDVàlacuisine!»,jenepensepas«Ausecours!Jenesuisnimaquilléenicoiffée!»Jemecontented’enfilermonsurvêtléopardetd’allerlerejoindre.
Uneodeurappétissanterègnedanslacuisine,oùSadieLeeetpapafontéquipeauxfourneaux.Noah
estinstalléàlagrandetableenpin,vêtud’untee-shirtdebase-balletd’unjogging.Dèsqu’ilm’aperçoit,ilsouritetm’inviteàm’asseoiràsoncôté.
—JoyeuxNoël!dit-ilquandjem’installe.Sympa,tatenue.—Merci,jemesuisditquelelook«léoparddesneiges»seraitparfaitpourNoël.—JoyeuxNoël,Penny!s’écrientpapaetSadieLee.Si nous tournions un film deNoël, cettematinée serait la fameuse séquence, sur fond deVive le
vent!,oùtoutlemondeestdétenduetheureux.Onnousverraitentraindecomparernoscadeauxtrouvésdans lesbasdeNoël ;Noahetmoiconstruisantune«damebonhommedeneige»dans le jardinpourBella;mamanetmoiaidantSadieLeeàéplucherunmilliondelégumes…Seuleombreautableau:jen’ai toujourspasdenouvellesd’Elliot.J’ai tentédel’appelerplustôtmaisjesuistombéedirectementsursamessagerie.Et je luiaienvoyéquatreSMS.Àprésent, ilestquatorzeheuresàNewYork,doncdix-neufheuresenAngleterre…Maintenant,c’estcertain,ilmeboycotte.
Pendantquenousdressonslatabledudîner,Noahmevoitvérifiermontéléphonepourlacentièmefois.
—Toutvabien?—Oui…Jem’étonnejustedenepasavoirdenouvellesd’Elliot.—Ilprofitepeut-êtredecettejournée?—Bof…Lemot«profiter»n’estpastrèstendancedanssafamille.NoahposesurlatableunesalièreetunepoivrièreenformedePèresNoël.—Ilvat’écrire,t’enfaispas.D’uncoup,jeréalisequejen’aivuNoahutilisersontéléphonequ’unefois,pourrépondreàSadie
Lee.—Toi,tun’espastrès«portable»…—Jefaisunecurededésintoxpendantlesfêtes,explique-t-il.Jeluiretourneunregardinterloqué.—Unsevraged’Internetetdetéléphone,précise-t-il.Tudevraisessayer,çafaitdubien!Jefroncelessourcils.Malgrécequim’estarrivéaveclavidéo,jenepourraisjamaismepasserde
montéléphone!Ilreprend,l’airplusgrave.—Moi,ilyadesmomentsoùjedétesteInternet,pastoi?—Pourquoi?Ilsoupireavantd’articuler:—Parceque…C’estàcetinstantquemamanentredanslasalleàmanger,unverredevinàlamain.—Alors,vousavezfini?Sescheveuxondulentsursesépaulesetsonvisagerayonne.J’aimelavoirsidétendue.—Oui,terminé,confirmeNoah.Lavoixdepaparetentit:—Chauddevant!lance-t-ilensurgissantàsontour,chargéd’uneénormedinderôtie.J’éteinsmonportable,etnouspassonsàtable.
LerepasdeNoëlesttellementexquisquenousinstituonsunerègle:chaquefoisquequelqu’undira
«Mmmm,c’estdélicieux!»,ilouelleglisseraunbilletdansuneboîte.Àl’heuredudessert,lacagnottecontientvingt-septdollars!
—C’estl’heuredescadeaux!s’exclameBella.—Passûrquejeréussisseàmelever…,plaisanteNoah,affaissésursachaise.Jesuisre-pu!— Idem, renchérit papa en adressant un coup d’œil àmaman.Chérie, tu vas peut-être devoirme
porter…—Danstesrêves!s’esclaffe-t-elle.Nousparvenonsànousdéplacerjusqu’ausalonoùBellaaentreprisderépartirlescadeauxenpiles
souslesapin.—J’enaibeaucoupplusquetoi,m’annonce-t-elleavecsérieux,maisc’estnormal:Noëlestlafête
desenfants.Ilsl’ontditàlatélé.Pasvrai,mamy?—Toutàfait,trésor.—Si je reçoisquelquechosequinemeplaîtpas,ajoute la filletteenmeprenant lamain, je te le
donnerai,d’accord?—Merci,c’esttrèsgentil.Noah et moi sommes les derniers à échanger nos cadeaux. Je le regarde défaire l’emballage du
vinyle,etledoutem’assaille.Ets’illedéteste?SiSlimDanielsétaitàcôtédelaplaque?
Heureusement,àsonlargesourire,jevoisquelecadeauluiplaît.—Commenttuassu?medemande-t-il,lesyeuxronds.J’adoretoutcequ’afaitBigBillyBroonzy!
Çafaitunbailquejeveuxm’achetercetalbum.Ilenvoieuncoupd’œilàSadieLee.—Jeneluiairiendit!assure-t-elleavecunsourire.Mentalement, j’ajoute un petit 6 à la liste des « preuves queNoah estmon âme sœur » : je sais
d’instinctquoiluiacheterpourNoël!Ilmetendàsontourunpaquet,enveloppéd’autantdegrosscotchquedepapier.—Désolépourl’emballage…,précise-t-il.Cen’estpasmonpointfort…Après quelques tâtonnements, c’est avec la pointe d’un tire-bouchon que je parviens à ouvrir le
paquet.Ils’ytrouveunlivredephotosdeNewYorkennoiretblanc.—Commetuaimeslaphoto,jemesuisdit…Maissitupréfèresdesimagesplusmodernes,jepeux
retourneraumagasinet…—Non,c’estparfait !Lesphotosennoiretblanc,c’estceque jepréfère.Je lesvoiscommedes
petitsboutsd’histoirefixéspourtoujours.Nousnousregardons,etjemesenssiprochedelui…Jen’aiqu’undésir:l’embrasser.Siseulement
nousétionsseuls…Commes’illisaitdansmespensées,Noahselèveetmedemande:—Jevaisprendreunverred’eauàlacuisine,tuenveux?Dumoins, je crois que ce sont ses paroles…Parce que je suis tellement obsédée par l’envie de
l’enlacerquejen’entendspresquerien.Jehochelatêteetmelèvepourlesuivre.Noahs’arrêteprèsdel’horlogedansl’entrée.Lelourdpendulesemblemimerlesbattementsdemon
cœur.—Penny,je…Ilplongesonregarddanslemien.—Penny…,répète-t-iletilprendmonvisagedanssesmains.Nousnousembrassons.Etmoncorpstoutentierdevientpoussièred’étoile.
Chapitre32
Jusqu’à la finde la journée,Noahprofitedechaqueoccasionpourmevolerunbaiser.Quandarrivel’heuredemecoucher,jesuisivredebonheur.J’aivéculeplusbeauNoëldetoutemavie…
Maistoujoursaucunmessaged’Elliot.Lelendemainmatin,unléger«toctoc»metiredusommeil.Jedescendsl’échellesansbruit.Bella
est allongée sur sa couchette, entourée de Rosie et Princesse d’Automne, ses bouclettes formant uneauréolesursonoreiller.Jem’avancediscrètementverslaporte.
Noahsetientdanslecouloir,unlargesourireauxlèvres.—Salut…,jesouffle,intriguée.Ilestquelleheure?—Bientôtseptheures.—Dumatin?!—Biensûr!Couvre-toietprendstonappareilphoto.Onsort!Enmoinsdedeux, jepasseun jean,desbottes et ungrospull, puis jedescends le rejoindre.Une
odeurdecaféfraisembaumelacuisine.—Prête?demande-t-ilenrangeantdeuxThermosdanssonsac.—Oui…Pouralleroù?—Cematinestleseuldel’annéeoùlavilledeNewYorkdortpourdebon,m’explique-t-ilenme
prenantlamain.C’estdonclemeilleurmomentpourtelafairevisiter!Tupourrasprendredesphotosoriginalesentoutetranquillité.
IlposeunPost-itsurlatable:
Onestpartissepromener.Onrentrebientôt.
NetP.
—Merci,jedisensouriant.Ilfaituntempsmagnifique.Lesruessontcouvertesd’unépaistapisdeneigequiétouffetouslessons.
Noahm’emmènevoirsonancienneécole,sonbarpréféréetlemagasinoù,enfant,ildépensaitsonargentdepocheenbonbonsetbandesdessinées.Puisilmeconduitdansunparcvoisin.Hormisunhomme,auloin,promenant sonchien,noussommesseuls,et laneigeausolest immaculée.Noahs’assoit surunebalançoire,leregarddistant.
—Monpèredisaitqu’enmepropulsantassezhaut,jem’envoleraisdansl’espace,murmure-t-il.Etmoi,jelecroyais!Imagineunpeul’énergiequej’aidépenséesurcettebalançoire!
Ilaunpetitrire,puisredevientsérieux.—Pourquoiest-cequ’oncroittoutcequedisentnosparents?
Jeprendsplacesurlabalançoired’àcôté.—Parcequ’onlesaime?Parcequ’onabesoindelescroire?Mamèremeracontaitquemesjouets
s’animaientlanuit.Ducoup,lematin,enmeréveillant,jefilaisdansmatentepourvérifierleurposition,etbanco:ilsavaientbougé!
—Euh…Tatente?—Oui! jeglousse.Mamèrem’avaitconstruitunetenteencouverturesaupieddemonlit.C’était
monendroitpréféré.Jem’ysentais…àl’abri.J’aicomprisplustardqu’elles’yglissaittouslessoirsetdéplaçaitmesjouetshistoiredemettreunpeudemerveilleuxdansmavie.Jesuisheureusequ’ellem’aitfaitcroireàcettemagie.
—Pasfaux,admetNoah.Maisquandcequ’ilsnousdisentneseréalisepas…—…Ondoitcroireàautrechose.Ilmeregardeetsourit.—Çameplaît.Ilsecontorsionnesursabalançoirepourmefaireface.—Jecroisentoi,Penny,déclare-t-ilenmefixantdroitdanslesyeux.—Moiaussi,jecroisentoi.Nousnousobservonsuninstant,puisNoahfaitquelquespasenarrièrepourprendredel’élan.—Aupremierquis’envoledansl’espace!lance-t-il.Ni l’un ni l’autre ne décolle, mais nous nous balançons assez haut pour apercevoir le toit de la
maisondeSadieLee.Nousfinissonsessoufflésethilares.PuisNoahgrimpeàuneéchelledecordeet,lebraslevé,s’écrie:—JesuisleroideNewYork!Ilsemblesiheureux!Instinctivement,jesorsmonappareilphoto.—Ilfautimmortalisercemoment!Tuestropdrôle!—Drôle?Cen’étaitpaslebut…—C’étaitquoi,alors?—Bah…,fait-ilensautantàterre,j’espéraisplutôtparaîtreénergique…vigoureux…conquérant?Ilvientseplanterjustedevantmoi.—Legenredemecquetuaiesenvied’embrasser.Moncœurbatlachamade.—Alorsc’estréussi…—Vraiment?—Vraiment.D’un geste doux, il dégagemes cheveux et se penche pourm’embrasser. L’hiver nous enveloppe.
NoussommesseulssurTerre.
Cen’estqu’enfind’après-midiquejereçoisenfinunmessaged’Elliot.Elliot:JoyeuxNoël.J’espèrequetut’esbienamusée.
C’esttout?!Pasunpointd’exclamation,pasuneémoticôneetpasun«bisou»…?Plusdedoute:ilyaungrosproblème.Jedoisluiparler.JeprofitedecequelesautressontinstallésdevantLeMagiciend’Oz pour me réfugier dans la chambre de Bella. Je grimpe sur ma couchette et appelle Elliot.Heureusement,cettefois,ildécroche.Jel’interrogesansdétour:
—Qu’est-cequisepasse?—Commentça?—Tontexto.Ilétaitglacial.
—SituavaispasséNoëlavecmesparents,tuseraispeut-êtred’humeurglaciale,toiaussi.Unelueurd’espoir…Ilseraitdoncencolèrecontresesparents?—J’attendaisdetesnouvellesdepuishier,jefaisremarquer.Ilyaunlongsilence,puisElliotarticule:—Jenevoulaispastedéranger…Encoreunsilence.—Tum’asditquecettehistoiren’étaitqu’unamourdevacances.Prisedecourt,jebégaie:—Il…on…jenesaispascequec’est.—Pourtant,danstanotedeblog,çasemblaittrèsclair.—Faux.C’estmêmepourçaquej’enaifaitunpost.Parcequejesuisembrouillée.—Et,danscecas,tupréfèresteconfieràdesinconnusqu’àmoi?—Non!c’estjusteque…tun’espluslà.—Commetudis.—Oh,Elliot,s’ilteplaît!—Bref…Ondiscuteradetoutçaàtonretour.—D’accord.Àlasemaineprochaine,alors.—OK.Àplus.Je raccroche les larmes aux yeux. Pourquoi, pourquoi, pourquoi dès que je vis des choses
merveilleusesfaut-ilquetoutsegâte?!Moiquinem’étaisjamaisdisputéeavecElliot,depuispeuj’ailesentimentdeleperdre…Etjenesaismêmepaspourquoi!Alors,unepenséeterriblesurgit…Ets’ilmerejette àmon retour ?Ce seraitpireque tout…Noahàdesmilliersdekilomètres…Plusdemeilleurami…Jeseraisseule!
Jeserremonoreilleretdegrosseslarmescoulentsurmesjoues.—Nesoispastriste…,soufflealorsunepetitevoix.JemeredresseetaperçoislatêtedePrincessed’Automneausommetdel’échelle.Bellasurgitàson
touretgrimpesurmonlit.— Quand on se sent triste, il faut penser à trois choses heureuses, annonce-t-elle en asseyant la
poupéeàsoncôté.C’estNoahquimel’adit.Alorsvas-y!Dis-moitestroispenséesheureuses.—Toi,jerépliquesanshésiter.Tumerendstrèsheureuse.Ungrandsourireéclairesonvisage.—Ensuite?—Êtreici,danscettemaison.Elleacquiesce.—Et?—Noah…,jemurmureenrougissant.—Toiaussi, tu le rendsheureux.Avantde terencontrer, ilétaitdemauvaisehumeur.Maisdepuis
qu’ilteconnaît,ilestredevenujoyeux.J’aimerais lui demander la cause de cette mauvaise humeur, mais je ne veux pas paraître trop
curieuse.—Etmoiaussi,tumerendsheureuse,ajouteBella.EtaussiPrincessed’Automne,pasvrai?Ellesoulèvelapoupéeetluifaitrépondre,desavoixhautperchée:«Ohoui!Pennymerendtrès
heureuse.Mêmesiellenem’apasdonnédenom!»J’éclatederire.Toutvabien.Elliotetmoi,onrégleranotremalentenduàmonretour.Pourlemoment,jeveuxprofiter
àfonddeNoah.EtdeBella.EtdePrincessed’Automne.
31décembrePeuimportelelieu,seulescomptentlespersonnesUnété, avecma famille, on a fait escaledansuneville appelée«Bidon».Àpart sonnomcomique,l’endroitn’avaitriend’exceptionnel.Iln’yavaitquedesmaisonssanscharme,unbistrot(fermé)etunestationessence.Cejour-là,monpèrem’adit:«Peuimportelelieu,seulescomptentlespersonnes.»End’autresmots : onpeut vivredes chosesmerveilleusesn’importeoù, tout dépenddesparticipants.Eneffet,onavécuàBidondesmomentsgéniaux,commeuncache-cachegéantdansuneforêtvoisineetungoûterimproviséchezunevieilledamecroiséedanslarue.IlenvademêmepourNewYork:cettevilleestensoihorsducommun,maisc’estdeladécouvriravecBrooklyn Boy qui l’a rendue vraiment merveilleuse. Le comble étant que je n’ai pas vu une seuleattractiontouristique!BrooklynBoyapréférém’emmenerdanssesendroitspréférés,commeuneplageduNewJersey(complètementdésertevuletemps…c’étaitmagique!).OnaécritnosnomsdanslesableetsiroténosThermosdechocolatchaud.J’aipuprendredesphotosmagnifiques.Surtout,j’aisurvécuàl’allerETauretourenvoituresanslamoindrecrised’angoisse!On a aussi visité une galerie d’art où se tenait une super expo photo. Le thème, c’était l’espoir.Monimagepréféréemontraitunepetitefille,levisagecollécontrelavitrined’unmagasindejouets.Maiscequi a fait toute la différence, c’était d’être accompagnée deBrooklynBoy.Comme il est ami avec legaleriste, on a pu faire la visite de nuit, quand le lieu était fermé au grand public – une expérienceformidable(etmêmedoublementformidableparcequ’ellem’aépargnédem’humilierentrébuchantsurunecordetraînantausol.C’étaitenréalitéuneœuvred’artbaptiséeSerpent…etquiauraitmieuxfaitdes’appeler:Obstacle!Danger!).Etvous?Quepensez-vousduproverbedemonpère?Vousavezdéjàvécudesexpériencessimilaires?JevoussouhaiteunsuperréveillonduNouvelAn–avecdessuperpersonnes!
GIRLONLINE
Chapitre33
LesDieuxdu tempsnesontpas toujoursnosalliés…Lesheurespassent très lentementquandonvitquelquechosededésagréable–uncontrôledemaths,un rendez-vouschez ledentiste,unehumiliationpublique à la fin d’un spectacle… – et filent dès qu’il nous arrive un truc chouette comme tomberamoureused’ungarçon.
Cematin, c’est le 31 décembre. Nous rentrons demain enAngleterre, et je vais devoir quitter legarçonque j’aime.Enunesemaine, lenombredepreuvesqueNoahestmonâmesœurn’a faitquesemultiplier.Jenelesaipasajoutéessurmonblog,depeurdecontrarierencoreElliot,maisj’aitoutelalisteentête:
–onesttouslesdeuxfansdethrillers;–ilm’emmènedansdesendroitsgéniauxquejen’auraisjamaisconnussanslui;–jesaisexactementoùjel’emmèneraiss’ilvenaitàBrighton;–ilaimemesphotosetditquejedevraisexposer;–aveccegenredepropos,ilmedonnedel’assuranceetdelaforce;–luiaussidétestelesselfies;–…etadorelebeurredecacahouète.
Pourtant,jevaisdevoirrentreràBrighton.Jevaisretrouvermespseudo-amis,tousplussuperficiels
lesunsquelesautres,etmonsoi-disant-meilleur-ami-qui-ne-m’adresse-plus-la-parole.JefixeleplafonddelachambredeBella,etmesensvide…Tellementvide…
Auboutd’unmoment, jedécidedemesecouer.Pourmechanger les idées, jedescendsaurez-de-chaussée.DelacuisineparvientlavoixdeSadieLee:
—Jepensequetudevraisluidire…—Non!répliqueNoah.Àsontonferme,jemefige.Maisunbruitdepasdansmondosmefaitsursauter.—Coucou,chérie!Jefaisvolte-faceetaperçoispapa,enhautdel’escalier.Ilyaunremue-ménagedechaisesdansla
cuisineetNoahsurgitdansl’entrée.—Ah,salut,Penny.Bonjour,Rob.Descrêpes,çavousdit?—Unpeumonn’veu!répliquemonpèreendévalantlesmarches.Jemeforceàsourire,maislesparolesquej’aientenduesm’ontmisemalàl’aise.Dequoiparlaient
Noahetsagrand-mère?Est-cequec’estàmoiqueSadieLeeluiconseillaitdeparler?Quepeut-ilbienmecacher?
Ces questions tournent toute la journée dansma tête. Lorsque arrive l’heure fatidique de fairemavalise, jeme suispasséet repasséenmémoire lesmoindres instantsvécusavecNoah, à la recherched’un indice.Forceestdeconstaterqu’enunesemaine,pasunamin’estvenu lui rendrevisite…Iln’ad’ailleurs ni pris ni eu de nouvelles de personne… Il faut dire qu’il est en pleine désintoxication deportable–ceciexpliquepeut-êtrecela.Ilyaaussil’histoiredel’annéedecésure.Jen’aitoujourspasvraimentcompriscequ’ilfaisaitdesontemps…Ilaévoquéunboulotàmi-tempsdansuneboutiqueducentre-ville,maisseulementaupassé.
Je soupire.Me revoilà assaillie par despenséesnégatives…Jem’efforcede changerdepoint devue:Noahm’aemmenéeàlagaleried’art,etilm’aprésentéeàsesamissurplace.C’estbienlapreuvequ’iln’arienàmecacher!SadieLeeparlaitpeut-êtredequelqu’und’autre…Quoiqu’ilensoit,jen’aiplusquequelquesheuresdevantmoi,autantnepaslesgâcher.
En find’après-midi,nous jouons tousensembleauMonopolyaméricain–saufBellaqui s’installesouslatablepours’amuseravecsapoupée.
—Alors,Pen,contentedevoirTimesSquarecesoir?medemandemonpèreendistribuantàchacunsesbilletsmulticolores.
PapaadoreêtrelabanqueauMonopoly,surtoutqu’ilgagneàtouslescoups…Lesdeuxsontpeut-êtreliés…
—Oui,j’aihâte,dis-jeavecunsourire.Mais c’est unmensonge. Certes, vivre les douze coups deminuit à Times Square est une chance
incroyable…maisàminuitetuneminute,onbasculeradansl’annéeoùjedevraiquitterNoah.Leslarmesmemontentauxyeux…Pourlesretenir,jemeconcentresurlesdifférencesentrelesMonopolyaméricainetanglais.Maiscommentsepassionnerpourdesnomsderuesquandonalevagueàl’âme?
Noahmeprendlamainsouslatable.—Toutvabien?mesouffle-t-il.J’acquiesce.—Jevousvois!s’élève,desouslanappe,lavoixfluettedeBella.Nouspouffons.—Mam’,ditNoahensetournantversSadieLee,situlesaccompagnaisàTimesSquare?Tuasbien
méritéunepetitesortie…JeresteraiicipourgarderBella.Lanappes’agite:—Eh!Jen’aipasbesoind’êtregardée!Jenesuispasunbébé!— Pardon, frangine… Je voulais dire : pour passer la soirée en compagnie de ma chère petite
sœur?Jesuisstupéfaite.—EtPenny,alors?questionnejustementSadieLee.— Elle voudra peut-être rester avec nous ? réplique Noah en m’adressant un coup d’œil plein
d’espoir.J’aienviedesauterdejoieetdereconnaissance!JepréfèremillefoisresteràlamaisonavecNoah
quejouerdescoudesdanslacohuenew-yorkaise!— Elle doit avoir envie de fêter la nouvelle année à Times Square ! proteste Sadie Lee en me
consultantduregard.—Pastantqueça.Àchoisir,j’aimeautantresterici.—C’estlafoulequitefaitpeur?demandemamère,soucieuse.—Euh…oui,c’estça…—Nousdevrionspeut-êtretouspasserlasoiréeici,décidealorsmonpère.Surtoutquenousdevons
nouslevertôtdemainpourprendrel’avion.
—Non!jem’écrie.Nelaissezpastomberpourmoi!SurtoutquejeseraivraimentraviedegarderBella!
— Qu’est-ce que j’ai dit ! s’agace cette dernière, émergeant de sous la table, les mains sur leshanches.
Jerisetl’attiresurmesgenoux.—Jesais,tun’espasunbébé…Désolée.Elleseblottitcontremoi,etjel’entouredemesbras.—Tuvasmemanquer,Penny,chuchote-t-elle.—Toiaussi…Papahochelatête.—Situessûredetoi,conclut-il.Jeleregardeensouriant.—Certaine.Jen’aimêmejamaisétéaussicertainedemavie.
Unefoismesparents,SadieLeeetBetty(uneamiedeSadieLee)partis,NoahdemandeàBellace
qu’elleaenviedefaire.Lafilletteréfléchitquelquessecondesavantderépondre.—Onpourraitjouerauxprincesses?Noahéclatederire.—Jeseraisqui,moi?PrincesseNoah?—Maisnon,idiot!Toituesleprincerockeur!J’approuved’unclind’œil.—Mouais…,faitNoah.—Penny,c’estPrincessed’Automne,etmoijesuisPrincesseBellaIII.—QuesontdevenueslesdeuxpremièresBella?—Dévoréespardesaliens.Jememordslalèvrepournepaséclaterderire.—Vacherchertaguitare!poursuit-elle.Toi,Penny,tudoist’habillerenprincesse.—Désolée,Bella,maisjen’aipasdecostume…—Etpourquoipastatenuedusoirdumariage?suggèreNoah.Jemontedanslachambredemesparentsettrouvelarobedanslavalisedemaman.Jel’enfilemais
décidederesterpiedsnusetlescheveuxlâchés.Quand je reviensausalon,Noahest installé sur l’accoudoirducanapé,uneguitarenoireentre les
mains.Ilmesouritetcommente:—Toujoursaussibelle…—Merci,monsieurlePrinceRockeur.—Jevousenprie,chèrePrincessed’Automne.Bella,vêtued’unerobedeprincesseensatinmauve,batdesmainsenmevoyant.—Onvatrops’amuser!Noah,joue-luitachanson!—Quellechanson?—Tusaisbien!Cellequetuluiascomposée…Noahrougit.—Impossible,ellen’estpasterminée…LachansondeLaReinedesNeiges,c’estaussibien,non?Ilm’envoieunclind’œiletprécise:—BellaavuLaReinedesNeigesunmilliarddefoisminimum…—Oui!s’écriecettedernière.ChanteLibérée,délivrée!Noahjouequelquesaccords,puissemetàfredonner.
—J’adorecettechanson!lanceBellaentournoyantavecsonoursenpeluche.Moiaussi, je suis sous le charme…LavoixdeNoahest sibelle, sidouce,un rienenrouée…Le
genredetimbrequiattiretoutdesuitel’attention.Surtout,ilmefixeenchantant,etjemedemandesilesparolesqu’ilprononcemesontdestinées.Unfrissonmetraverse.
—Danseavecmoi,Penny!s’exclameBellaenmetirantparlebras.Nous tournons vite, plus vite. Comme si la voix de Noah nous portait et nous rendait fortes,
invincibles,libres.Jesuisfolled’amourpourlui.
Chapitre34
Auboutdedeuxheuresdechant,dedanse,deprincessesetdePrinceRockeur,Bellaestépuisée.—J’enconnaisunequinevapas tarderà rejoindre lepaysdes rêves…, fait remarquerNoah,en
posantsaguitare.—Non!protestesasœur,affaléesurmesgenoux.—SiPennytelisaitunehistoirependantquejerangelesalon?—D’accord!Noahsourit.—Prenezvotretemps,meconseille-t-il.J’aideuxtroistrucsàfaire.UnefoisBellaconfortablementinstalléedanssonlit,jeplacePrincessed’Automnesursonoreiller.
Ellemesouffled’unevoixensommeillée:—Jesuistristequetudoivespartir…—Moiaussi,dis-jeenluicaressantlescheveux.Maistusaiscequimeferaitplaisir?Quetugardes
Princessed’Automne.—Pourdevrai?—Oui.Elleseraplusheureuseiciqu’àBrighton.—EtpuisàchaquefoisquejejoueraiavecPrincessed’Automne,jepenseraiàtoi.—Exactement.Jelabordeet inventeunehistoireoùleprinceWilliametlaprincesseKatesauventlareined’une
invasiond’extraterrestres.Bellafinitpars’endormir.Jel’embrassesurlefront.Aumomentoùjequittelachambre,Noahapparaîtàlaporte.
—Bravo,souffle-t-ilenvoyantsasœurassoupie.Jevenaisluifaireundernierbisou.Jeterejoinsausous-sol.
J’éprouveuneétrangesensationdepeurmêléed’excitation.Noahetmoiallonsenfinêtreseuls!Depuislepetitescaliermenantausous-sol,j’aperçoisdesloupiotesdorées.D’abord,jesongeàla
guirlanded’unsapinmais,enm’approchant, jevoisquelalumièreprovientdelatabledebillard…etquecelle-ciestcouverted’ungranddrap.
DerrièremoimeparviennentlespasdeNoah.—Jet’aiconstruitunetente,explique-t-il.Pourterappelertonendroitpréféréquandtuétaispetite,
l’endroitoùtutesentaisbien…Mesyeuxseremplissentdelarmes.—C’étaitunemauvaise idée? s’inquiète-t-il. Jenevoulaispas te fairepleurer…C’était stupide,
pardon.Je…—Non,jehoquète.C’estlachoselaplusgentillequ’onaitfaitepourmoi…
—Vraiment?—Oui,jepromets.Merci…Mercidet’enêtresouvenu.—Aucuneraisondemeremercier,c’estnormal.Ilm’attrapelamainetajoute:—Viensvoiràl’intérieur…Jeglousseenlesuivantsouslatente.Àl’entrée,ilaaccrochéunepetiteaffiche:
CECIESTLATENTEDEPENNY.DÉFENSED’ENTRER.
(…Saufsitut’appellesNoah)
Ilsoulèveledrapetmefaitsignedem’avancer.Jem’exécute,àquatrepattes.Lesolestcouvertdecoussins multicolores, et l’intérieur est décoré de guirlandes scintillantes. Dans un coin, il y a unebûchettedeNoël faiteparSadieLee.Dansunautre,unecruchede limonademaison,etdeuxverresàpied.
—C’estmerveilleux…—Vraiment,çateplaît?—Oui!Etcettetenteestencoreplusbellequecelledemonenfance…Iln’yavaitniguirlande,ni…Jem’interrompsenpleinephrase.—Niquoi?Nosvisagessontsiprochesquejesenssarespiration.—…NiPrincecharmant,jecomplèteenbaissantlesyeux.—Penny?Jerelèvelatête.—Oui?—Jet’aimebeaucoup,tusais.—Moiaussi,jet’aimebeaucoup.—Jeveuxdire…vraimentbeaucoup.Tellementquecepourraitbienêtre…Jeretiensmonsouffleenattendantqu’ilprononcelesmotsfatidiques:—…del’amour.—Moiaussi,jet’aimetellementquecepourraitbienêtredel’amour.Ilaunpetitrire:—Mêmedanslesfilms,lesdialoguesnesontpasaussifluides!Puisilm’attireversluietmurmure:—Jesuissitristequetut’enailles…Jeposelatêtesursonépaule.—Moiaussi…Maisçanesignifiepasquetoutsoitfinientrenous…Ilyaunsilence.Jelèvelesyeuxetleregarde.Unemècheluimasquelevisage.Jemeretiensd’y
passerlesdoigts.—J’irai tevoirenAngleterre,et toi, tupourrasrevenir.Entretemps,onskyperaet j’arrêteraimon
sevrageduweb–maisc’estbienparcequec’esttoi!—Quelhonneur!Ilsouritpuism’embrasse–depetitsbaiserslégersdanslecreuxdemoncou,puissurmonvisage,
mespaupières,leboutdemonnez,jusqu’àcequ’enfiniltrouvemeslèvres.Etcebaiserestd’unetelleintensité!
Bip!Bip!Bip!Jesursaute.—Qu’est-ceque…?
—Désolé, dit-il, c’estmamontre. Je l’avais programmée surminuit pour qu’on ne loupe pas lepassageàlanouvelleannée.
Ilmeserrecontrelui.—Bonneannée,Penny.—Bonneannée,Noah,jeréponds.Ilm’inviteàm’allongersurletapisdecoussins.Blottiecontrelui,j’imploreleDieuduTempsd’être
monalliépourunefois,etdetoutfigerpourquenosbaisersdurenttoujours.
Chapitre35
JeDÉTESTElesDieuxduTemps.Jelesdétesteencoreplusquelespestesdemoncollège,etencoreplusquelescornichons.
Entoutetpourtout,Noahetmoin’avonseuqu’UNEHEUREentêteàtêteavantleretourdeSadieLeeetdemesparents–uneheurequiafilécommeunéclair.Pourmeconsoler,jerepenseàcesminutesmagiquesquenousavonsvécues,etmapeaupicotelàoùNoahl’atouchée.Alorsjerevislamagiedenotresoirée.
C’est ce souvenir qui m’occupe, le lendemain matin, en attendant maman et papa dans le halld’entrée.Assisesurmavalise,lespaupièresfermées,jerepenseauxcaressesdeNoahdansmescheveuxetsurmondos.
—Perduedanstespensées?J’ouvrelesyeux.Adossédansl’embrasuredelaporte,Noahm’observe.—Jerepensaisà…latente,jeconfesseenrougissant.—Moiaussi.Non-stop.Ils’approcheetmeprendlesmains.—Vat’ycacher…Jeraconteraiàtesparentsquetuasétéenlevéepardesextraterrestresetqu’ilfaut
rentrerenAngleterresanstoi.—Siseulement…,jerépondsavecunsouriretriste.Ilm’entouredesonbras.Jesuissiheureuseauprèsdelui…Lavieestinjuste.—Toutirabien…,promet-ilàvoixbasse.Toutirabien…J’acquiescesansconviction…Comment«toutpourrait-ilaller»quandnousvivonssi loinl’unde
l’autre?En route pour l’aéroport, une boule de chagrin grandit enmoi commeune tumeur. Papa etmaman
voyagentàborddelavoituredeSadieLeeavecBella,etNoahetmoidansson4×4.Maiscettefois,iln’a pas besoin de commenter sesmanœuvres sur la route :mon chagrin est si fort qu’il neutralise lamoindreangoisse.
Unefoisauparking,Noahéteintlemoteuretsetourneversmoi.—Penny…Lesadieux,cen’estpasmonfort,alorsjepréféreraistedireaurevoirici.Pourprofiter
d’êtreencorejustetouslesdeux.Jehochelatêtemalgréunepointededéception.NoahsortunCDviergedelapochedesonblouson.—Unpetitcadeau…faitmaison.—C’estlachansondontparlaitBella?
—Oui.Jel’aienregistréesurmonordi,ducouplaqualitén’estpastop,maisjevoulaisteladonneravanttondépart.Pourquetusachescequejeressens.
—Onpeutl’écoutermaintenant?jedemandeenregardantl’autoradio.— Je préfère que tu attendes d’être chez toi. Ce sera comme un petit message de ma part à ton
arrivée.Monchagrins’estompeunpeu.—Merci,dis-jeenluiprenantlamain.Maisjesuisgênée,jen’airienpourtoi…—Tum’asdonnébeaucoup.Tun’imaginesmêmepas.Pourtouttedire,avantnotrerencontre,mavie
devenaitunpeu…Ilestinterrompuparungrondementdemoteur.LavoituredeSadieLeestationneàcôtédu4×4.Noahprendmonvisagedanssesmainsetmeregardedroitdanslesyeux.—Penny,jet’aimetellementquecepourraitbienêtredel’amour.—Moiaussi…Moncœurs’emplitd’espoir.Onsurmontetoutgrâceàl’amour!Ycomprisl’océanAtlantique!SadieLeevientd’ouvrirsaportière. Ilne resteplusbeaucoupde temps…Noahm’embrasseavec
ardeur.—Jevousavaisbienditqu’ilss’aimaient!lanceBellad’unevoixforte.
Pendant tout le vol, jeme cramponne à cette dernière conversation comme à un radeau. Dès que
pointentl’anxiétéoul’amertume,jerepenseàcequej’aivécupendantceséjouràNewYork…Jerentretransformée.Jen’aiplusbesoind’unalteregopourm’affirmer…Àprésent,jepeuxmecontenterd’êtremoi-même.Àchaquezonedeturbulence,jefocalisemonattentionsurcequej’aiaccomplienquelquesjours:
–j’aiapprisàmaîtrisermescrisesd’angoisse;–j’aiétéchoisiecommephotographeàunmariagedepremierplan;–j’aiachetéunvinylechezunsuperdisquairedeBrooklyn;–j’aipassémonpremierNoëlàl’américaine;–jesuistombéeamoureuse.
Jesuistombéeamoureuse!Malgré le petit avionqui sedéplace sur l’écran, et qui creuse à chaque seconde la distance entre
Noah et moi, je parviens à me répéter que « tout va bien ». Car j’en suis persuadée, notre relationrésistera.
Cinqheuresplustard,l’avionsepose.Àmonsoulagementd’avoirsurvécuàcedoublevols’ajouteunenouvelleassurance,néedemonamourpourNoah.Jesuisdécidéeàallerdel’avant:jevaisréglermonmalentenduavecElliotetfairedeséconomiespourmepayerunbilletpourNewYorkauplusvite.L’affairedelavidéoestdel’histoireancienne,etMeganetOlliesont lescadetsdemessoucis.Jemesuisdélestéedemonancienneviecommed’unemue.Jel’imagineàladériveenpleinocéan.
Nous arrivons chez nous peu après minuit. Tout semble différent. La maison est glaciale et lesdécorationsdeNoëlparaissentfanées.
Je filedansmachambre,avecunobjectif impérieux :écouter leCDdeNoah.Mais jen’aipas letemps de m’asseoir que des coups résonnent contre le mur. Elliot ! Je retiens mon souffle et tendsl’oreille.Deuxcoups,puisdeuxencore,puissept:«Tumemanques.»Soulagement!
DepuisNoël,nousn’avonspaséchangélemoindreSMS.C’étaitlapremièrefoisquejerestaisaussilongtempssansnouvellesd’Elliot.Jen’aipas le tempsderépondrequ’il refrappe:«Jepeuxvenir tevoir?»
«Oui,jet’attends.»
J’écouterai le CD plus tard. La priorité, c’est de m’expliquer avec Elliot. D’ailleurs, j’entendsclaquerlaportedechezlui,puisretentirnotresonnetteetlavoixdepapaquiluiouvre.Àprésent,despasretentissentdansl’escalier;jelescompte,parréflexe,jusqu’àcequemaportes’ouvre.Une,deux,trois,quatre…
—Penny!s’écrieElliotenseruantdansmachambre.Pardon!Tum’astellementmanqué.Tu…tuesfâchée?
Jesouris.—Pasdutout.—Oh,merci!Ils’installeprèsdemoi,surlelit,etreprend:—Jem’enveuxd’avoir été si pénible…Mais tun’imaginespas la pression !C’était leNoël de
l’enfer…Devinelecadeauquem’ontfaitmesparents…Jehausselesépaules.—Unabonnementpourlaprochainesaisonderugby!s’exclame-t-il,outré.Alorsqu’ilssaventtrès
bienque je déteste ce sport !Et pour couronner le tout, on amangéde la fondue… le soir deNoël !L’hallu!
—Monpauvre…—Jesais.Cesontdescasdésespérés.Ilsoupireavantdereprendre,avecunpetitsourire:—Raconte,toi,plutôt.—Raconterquoi?—TonPrincecharmant!—Tuveuxvraiment?—Oui,assure-t-il.Je lui fais donc le récit de ma semaine avec Noah, en passant sous silence les moments trop
romantiquespournepasattisersajalousie.Àlafin,jeluijetteunregardinquiet,maissonexpressionestindéchiffrable.
—Etcommenttugèresdenepluspouvoirlevoir?demande-t-il.—Onvatrouverdessolutions.—Dessolutions?répète-t-il,sceptique.Jeterappellequ’ilvitàNewYorkettoiàBrighton…—Jesuisaucourant,merci.Maisçan’empêchepasdesevoirpendantlesvacances.Ilacquiescemais jevoisdanssonregardqu’iln’estpasconvaincu.Unepremièrebrèchedansma
toutefraîcheassurance…—Tuasunephotodelui?Jesorsmontéléphoneetluimontrecellequej’aipriseauparc.—C’étaitlelendemaindeNoël…Onestalléssebaladerdanssonquartier.Elliotscrute l’imageet jeguetteunsigned’approbation.J’aimerais tantqu’ilapprécieNoah,qu’il
m’apportesonsoutien…—Ilaunairfamilier…,dit-ilenfin.Peut-êtrecespommetteshautes?çaluidonneunairdeJohnny
Depp…Ilmerendleportableetenchaîne:—Çatedirait,untourenville,demain?Jerêved’acheterunechemiseàcarreauxpouralleravec
monchapeaudecow-boy.Je restemuette.Notre discussion au sujet deNoah n’a duré que quelquesminutes. Elliot est déjà
passéàautrechose.Àprésent,ilm’expliquecommentilcompte«américaniser»sonstyle,etmoijesuisde plus en plus déçue. Il devrait se réjouir que sa meilleure amie ait rencontré quelqu’un ! Je ne
comprends pas ce qui l’embête tant ! Surtout maintenant que je suis rentrée, et que des milliers dekilomètresmeséparentdeNoah!
DesmilliersdekilomètresmeséparentdeNoah…Àcetteseulepensée, jemesensglisserdansun troude tristesse…C’estalorsquemon téléphone
bipe.JeconsulteleSMSpendantqu’Elliotcontinuedemonologuer.Noah:J’espèrequetuesarrivéeàbonport…maisjepréféreraisencorequetusoistoujoursici.Tumemanques,monÉvénementPerturbateur…
Jesouris.—Tuveuxquejetelaisse?demandeElliotenlançantunregardàmonportable.—Hein?fais-je,focaliséesurlaréponsequejecommencedéjààtaper.—Tupréfèresresterseule?—Ehbien…j’avouequelevoyagem’alessivée…Ilselèved’unbond.—Àdemain,alors.—Ouais.Dèsqu’ilaquittélapièce,j’envoiemontexto.
Penny:Oui,bienarrivée.Maistoiaussi,tumemanquesetj’aimeraisêtredanstesbras.Jem’apprêteàécoutertonCD.
J’allume la bougie à l’orange et à la cannelle offerte par Sadie Lee, ainsi que la guirlande deloupiotesquiencadremacoiffeuse.Nouveau«bip».Noah:Gloups…J’espèrequetuaimeras!
JesorsleCDdemavalise.D’uncoup,jesuisprisedeparanoïa.Etsij’étaisàcôtédelaplaque?Jem’attendsàentendredesparolesromantiques,maisjemetrompepeut-être…C’estpeut-êtreunechansonsatirique,quitourneendérisionmapassionpourlebeurredecacahouète!
Jeglisseledisquedansmachaîneetappuiesur«lecture».Dès le premier accord de guitare, très doux, je comprends que j’ai eu tort de m’inquiéter. Je
m’assiedsconfortablementsurmonlit,adosséeaumur,etmesyeuxtombentsurunpapierpliéenquatreàl’intérieurducoffret.JeledéplieetdécouvrelesparolesécritesdelamaindeNoah.Jeleslisenmêmetempsquesavoixrésonnedanslesenceintes.
FILLED’AUTOMNEFilled’Automne
Tum’astransforméEtasfaitdemonhiverUnesaisondorée
J’étaisperdu
Tum’asaidéàmeretrouverTonsouriresidoux
M’arendulegoûtd’espérer
Filled’AutomneTum’astransformé
EtasfaitdemonhiverUnesaisondorée
Àprésent,tuespartie…
TuesloindemoiJefermelesyeuxEtalors,jevois
Tachevelured’auroreTapeauirisée
CesbrasdanslesquelsJevoudraismelover
Filled’Automne
Tum’astransforméTum’astransforméTum’astransformé
Àladernièrestrophe,moncorpsvibreaveclamélodie.Noahaécritcesparolespourmoi!Jesaisismontéléphoneetpianotesansattendre:Penny:Jel’adore!Merci!☺Pleindebisous.
Laréponsearriveaussitôt:Noah:Pourdevrai?Tuaimes?Penny:Oui!!!!C’estdelabeautéàl’étatpur!Noah:C’esttoi,labeautéàl’étatpur.
Jem’apprêteàrépondrequandilm’envoieunnouveautexto.Noah:Tuesleplusbelévénementperturbateurdetoutel’histoiredesévénementsperturbateurs.Penny:Toutpareil.Encoredesbisous.
Cette nuit-là, je m’endors au son de la voix de Noah et je rêve que nous sommes sous la tente,enlacés.Et,pourlapremièrefoisdepuisbienlongtemps,manuitestsanscauchemars.
2janvierBONNEANNÉE!Saluttoutlemonde!J’espèrequevousavezpasséunsuperNoël!Je suis de retour enAngleterre, et pour inaugurer la nouvelle année, je vousproposeunenote sur lesbonnesrésolutions.Dansl’avion,j’ailuunarticlequiconseillaitdechoisirtroisrésolutionsseulement–çaaugmenteraitnoschancesdelestenirvraiment.Ehbien,jesuis100%d’accord!Avant,jemultipliaislesbonnesrésolutions.Jem’ennotaisdespagesetdespages,toutçapourconstaterenfévrierquejen’enavaispasencoreréaliséuneseule,ducoupjelaissaistomber.Donc, cette année, je ne vais choisir que trois résolutions. Faites-en autant et partagez-les ci-dessous.Commeça,onsuivranosprogrèsrespectifs!Jemelance:cetteannée,mesrésolutionssont:1.Êtreheureuse2.Affrontermespeurs3.CroireenmoiVoussavezcedontjemerendscompte?QuegrâceàmarencontreavecBrooklynBoy, jesuisdéjàentrainderéalisercesrésolutions.Sivoussaviezcommeilmemanque…D’ailleurs,mercidevotresoutien.Merciàvoustousquim’avezditquenotrerelationallaitdurer.D’ailleurs,sijepeuxmepermettred’ajouterunequatrièmeminirésolution,ceseraitcelle-ci:quenotrehistoiredure.
Àtousceuxquim’ontdemandédeposterunephotodeBrooklynBoy:jenepeuxpas.J’espèrequevousmecomprendrez…L’identitédespersonnesdontjeparleicidoitresterprivée.Désolée…Bonneannéeàvoustous–j’aihâtededécouvrirvosrésolutions!
GIRLONLINE
Chapitre36
Unefoismanotepubliée,jemepréparepourmasortieavecElliot.Ilestbientôtmidi,etmesparentssontpartis fairedescoursespour remplirnotre frigovide.Tomestdanssachambre,concentré surundevoirpourlafac.Bref,lavieressembleàcequ’elleétaitavantNewYork,àundétailprès:moi.Del’extérieur,jesuislamême;c’estmonregardsurmoiquis’esttransformé.C’estunpeucommedanslesthrillers,quandondécouvreàlafinquelegentilétaitenréalitéleméchant.Dansmoncas,j’aiapprisquejen’étaisniridiculenimoche,etquelesdétailsquejedétestaisdansmonapparenceétaientenréalitéceuxquiontpluàNoah.Plusbesoindecachermestachesderousseursousquinzecouchesdefonddeteint…Plusbesoinnonplusd’attachermescheveuxpourmasquerleurcouleur…
Je regarde la photo de Noah scotchée à mon miroir. Je l’ai imprimée ce matin, au réveil, pourpouvoirlacontemplerquandjeveux.
—Merci…,jeluisouffleenmecoiffant.Bipbip!Jesaisismontéléphoneetmoncœurseserre.C’estuntextodeMegan.
Megan:SalutPenny!Tuesrentrée?Onsevoit?Bisous
Je fixe l’écran. Ma transformation intérieure peut s’exprimer, là, tout de suite. Je clique sur«Répondre»:Penny:Nonmerci.
Moncœurbatàcentàl’heure.Laréponsenetardepasàarriver:Megan:Pardon???!!!
Jeprendsuneinspiration.Penny:Jen’aipasenviedetevoirparcequejen’airienàtedire.
J’attendssaréplique.Jel’imagine,avecsaboucheenculdepoule,rejetantsescheveuxenarrière.Elleme paraît tellement ridicule, maintenant ! Tellement gamine…Traverser la moitié du globem’aaidéeàvoirlaréalité.
Bipbip!
Megan:Hein??!!Aprèstoutcequej’aifaitpourtoi?!!
Jerestestupéfaitequelquessecondes,puisjeréponds…sansplusaucuneappréhension:Penny : Tu parles de la vidéo que tu as publiée sur Facebook ? Ou de toutes les fois où tu m’asrabaissée?Àpartirdemaintenant,jemepassedecegenred’amitié.Inutiledemerecontacter.
J’ai beau trembler de rage quand j’appuie sur « Envoyer », je ressens une réelle fierté. Je viensd’accomplirmestroisrésolutionsd’uncoup!
Voilàquimefaitpenseràmadernièrenotedeblog…Jemeconnecteetconstatequej’aidéjàreçudescommentaires.Salut,GirlOnline!Bonneannéeàtoiaussi!Mestroisrésolutionssont:1.Êtrefièredemonphysique2.Lireplus3.MangerplussainementBisous
AMBER
Jerépondssansattendre:Merci,Amber.Boncourage(surtoutpourtarésolutionno3!)Bises
Mesyeuxpassentaucommentairesuivant,etmonsangseglace.Pourmapart,uneseulerésolution,cetteannée.Neplusfairepasserlemondevirtuelavantlemonderéel.
WALDORFL’INDOMPTABLE
Waldorfl’Indomptable…Lepseudod’Elliot!Normalement,ilnelaissejamaisdecommentairesurmonblog…C’estcommeunerègletacitequis’estimposéedèsledébutpourassurernotreanonymat.Etilparledemoi,c’estcertain.
Je scrute l’écran, tentantdecomprendre…Iladûêtrevexéque je reparledeNoahsurmonblog.Maiscommentpeut-ilm’envouloir?Iln’aqu’àmesoutenir,aulieudegardercetteespècededistancebizarre ! Mes lecteurs, eux au moins, m’encouragent ! Et apprécient que je parle de mon histoired’amour!
Onsonneàlaporte.Elliot?Iln’estpascensépassermeprendreavantuneheure…Avecunpeudechance,ils’enveutpoursoncommentaireetvients’excuserenpersonne.
Despas résonnentdans l’escalier. Jeperçois lavoixdeTometuneautrevoixmasculine. Jeposemonordinateursurmonbureauquandonfrappeàmaporte.
—Entrez!Contretouteattente,c’estOlliequiapparaît.
—Salut,Penny.Ilpasselamaindanssescheveux,l’airgêné.—J’espèrequetunem’enveuxpasdedébarqueràl’improviste.Tonfrèrem’aditquejepouvais
monter.Jeledévisage,sanssavoirquoirépondre.Quefait-ilici?Chezmoi?—Ehbien…Entre…Ils’avance,etjevoisqu’iltientunpaquetàlamain.—Je…euh…jet’aiachetéuncadeaudeNoël.—Sérieux?!jem’exclame,sanspouvoirmasquermonébahissement.Jeprendsl’objetetleposesurmonlit.—Tu…tupeuxt’asseoir…Enfin,situveux…—Tuasl’airenforme,remarque-t-il.Enfin,c’étaitdéjàlecasavant,biensûr…D’uncoup,uneidéehorriblemetraversel’esprit.Meganl’aurait-elleenvoyéici?Poursevengerde
mestextos?Non,c’estimpossible…Ollieestarrivébientropvite…—Alors,tut’eséclatéeauxÉtats-Unis?—Ouais,c’étaitgénial.RienquederepenseràNewYork,jemedétends.Cefaceàfaceestcertestrèsétrange,maisjepeux
legérer.—Dis…,reprendOllie,leregardfuyant.Je…Jevoulaistevoiravantlarentréepour…tedemander
pardon.—Pardonpourquoi?—Pour ce qui t’est arrivé après le spectacle…Même si ce n’est pasmoi qui ai posté la vidéo.
D’ailleurs,jenel’aimêmepaspartagée.Jemerappellesoncommentaire:«Maisnon,elleestmimi.»Ilpoursuit:—N’empêchequejesuisdésoléquetuaiessubiça.Etqueçat’aitobligéeàmanquerlescours.Je le dévisage, à la recherche d’indices prouvant son double jeu…Mais il semble parfaitement
sincère.—Letruc,Penny,c’estque…jet’aimebien.Hein?!!Jeresteuninstantbouchebée.Puisjereprendsmesespritsetmarmonne:—Je…J’aibesoind’allerauxtoilettes…Jedoism’éloigner…memettreaucalmepourraisonner!—Euh…OK,répliqueOllie,dérouté.Jefilem’enfermerdanslasalledebainsoùj’entreprendsdefairelescentpas(cequin’estpasaisé
dansunepiècedequatremètrescarrés).Ollie«m’aimebien».Qu’est-cequeçaveutdire?Qu’ilm’aime…«toutcourt»??!Nooooon,c’est
impossible…Pendant des années, j’ai rêvé qu’il prononce ces mots. Combien de nuits passées à imaginer la
scène!Etlebaiserfougueuxqui,forcément,seseraitensuivi!Maisvoilàquemonfantasmeestdevenuréalité…etjeneressensRIEN!MarencontreavecNoahm’afaitprendreconsciencequemessentimentspourOllien’étaient pasde l’amour.Uncoupde cœur, seulement.Surtout, ils ne reposaient pas sur laréalité,uniquementsurdesfantasmes.
Enattendant,cequivientdesepassern’ariend’abstrait,etjedoisyfaireface…Unpeud’eausurmonvisage,etjemeregardedanslemiroir.
Tupeuxlefaire!Quandjereviensdansmachambre,OlliesetientraidecommeunIdevantmacoiffeuse.—Toiaussi,tucraquessurcemec?medemande-t-ilendésignantlaphotodeNoah.
—Pardon?—NoahFlynn.Megann’arrêtepasdeparlerdeluietdesondernieralbum.J’aibeauluirappeler
qu’ilestavecLeahBrown,ellerestesouslecharme.Jemeretiensaudossierdelachaisepournepasvaciller.—Qu’est-cequetuasdit?Olliedésignedenouveaulaphoto.—LechanteurNoahFlynn.Toiaussi,tucraquessurlui?
Chapitre37
Jenecomprendsrien.Pourtant,ilyaforcémentuneexplication.Jetentedem’exprimer:—Je…jeleconnais.—Maisbiensûr!répliqueOllieavecunsourireincrédule.—Jetejure…Jel’airencontréàNewYork.Moncerveaubouillonne.Ilfautquejem’assoie.Qu’avouludireOlliequandilaprononcélesmots
«Toiaussi,tucraquessurlui»?Etpourquoiprétend-ilqueNoahestavecLeahBrown?LeahBrown,lamégapopstaraméricaine…
Cettefois,Ollieal’airimpressionné.—Vraiment,tuleconnais?J’acquiesce.—Waouh!TuvasrendreMeganultra-jalouse!Raconte,ilestcomment?—Ilest…trèssympa…Maisjen’aipascompriscequetuasdit,toutàl’heure.SurLeahBrown…—Ilssontensemble.Apparemment,ilamêmeécritunechansondesonprochainalbum.Ollie parle avec un tel détachement que j’ai presque envie de rire. Cette histoire est absurde. Et
invraisemblable.Àmoinsque…Subitement,jerepenseàlaconversationquej’aisurpriseentreNoahetSadieLee.Ceseraitàcela
qu’ellefaisaitallusion?Quandelleluiconseillaitdemeparler?Impossible…Ceserait tropénorme.CommentNoahpourrait-il êtreune star et sortir avecunechanteuseultra-célèbre–etméga-sublime–sansquejelesache?Ollieleconfondforcémentavecquelqu’und’autre.
—Tuessûrquec’estlui?Ollieselèvepourétudierlaphoto.—Sûretcertain.Jereconnaissontatouagesurlepoignet.Ilseretourneetmefixe.—Pourquoicettequestion?Tudoisbiensavoirqu’ils’agitdeNoahFlynnsitul’asrencontré.—Oui,je…D’uncoup,jemerendscomptequeNoahnem’ajamaisdonnésonnomdefamille.Jevaistournerde
l’œil…—Je…jenemesenspastrèsbien.Ollieposelamainsurmonépaule.Nouveauhaut-le-cœur.—Mieuxvautquetut’enailles…,jemarmonne.—Mais…Tuallaistrèsbien,ilyacinqminutes!—Ehbien,plusmaintenant.Tantpispourlapolitesse.Jen’aiqu’uneidée:êtreseulepourtirerauclaircetteaffaire.
—D’accord,consent-ilenfin.Maisj’allaiste…jemedemandaissitu…CommentNoahpourrait-ilêtreunerockstar?C’estinvraisemblable!Etpourtant…c’estvraiqu’ila
unevoixsuperbe.Etilyalamagnifiquechansonqu’ilm’aécrite.Maisd’ailleurs,pourquoim’aurait-ilécritunechansons’ilétaitavecquelqu’und’autre?
Ollieterminesaphrase:—…Çatediraitd’allermangerunepizza,unsoir?Ouautrechose?—Hein?jerétorque,ahurie.—Penny,jesaiscequeturessenspourmoi.Meganm’atoutdit.Jevisuncauchemar…quinefaitqu’empireràchaqueseconde.—Etilsepeut…,poursuit-il,quejeressenteenfinlamêmechosepourtoi.Enfin?!!T’essérieux,là?—Ilfautquetut’enailles,jerépètesansdétour.—D’accord.Mais…çaveutdire«oui»?—Non!çaveutdireNON!Tuveuxbienpartir,maintenant?Olliemedévisage.—Bon,marmonne-t-ilenfin.Onsevoitaucollège,alors.—Oui.Salut.Dèsqu’ilestparti,jemeruesurmonordinateurettape«NoahFlynn»danslabarrederecherche
Google.C’estuneerreur,forcément.Jenesaispascommentnipourquoi,maisOllieconfondNoahavecquelqu’und’autre.
Pourtant…Jeplaquemesdeuxmainssurmaboucheenvoyantdesmilliersderésultatss’affichersurmonécran.
Ilyaunephotoàcôtédudeuxième :Noah,guitareenmain.Jecliquesur le lien.C’estunarticlequititre:«NoahFlynn,phénomèneduweb,signeavecSony».
Le cœurbattant, je parcours le texte.Tout a commencé il y a deux ans.Noah aouvert une chaîneYouTubesurlaquelleilapostédeschansons;auboutdequelquessemaines,ilavaitplusd’unmilliond’abonnés.Jusqu’àlaconsécration,ilyadeuxmois,quandilasignéchezSony.QuellefiertéjeressensenlisantlesproposduP-DGdelamajor: ilévoquele«talentbrut»deNoah,etsoulignesajoiedeproduireunpremieralbumsiréussi.
Jerepensealorsàcequ’aditOllieausujetdeNoahetdeLeahBrown.Ça,pourlecoup,cenepeutpasêtrevrai!LeahBrownestuneméga-star,legenrequivoyageenjetprivéetquiremplitdesstades.Toml’amêmevueenconcertilyaunan.
Presqueàcontrecœur,jetape:«NoahFlynnetLeahBrown».Laplupartdesrésultatsproviennentdesitespeopleaméricains.Tousdatentd’ilyaunmois,etrelatentlamêmeinfo:«LeahBrownetNoahFlynnamoureux».
J’arrive à peine à respirer. La page Twitter de Leah Brown arrive en cinquième position desrésultats. Jeclique, et tombesur son tweet leplus récent,oùelle souhaiteunebonneannéeà ses fansdepuisLosAngeles;lesecondparledesonnouvelalbum.Letroisième…:@LeahBrown:SupersoiréedeNoëlchez#Sonyavecmonchéri@NoahFlynn.
Endessous,unephotod’elleenlaçantNoah.Lapublicationdatedelaveilledenotrerencontre.J’aienviedevomir.
Jecliquesurletag«@NoahFlynn»pourvoirsonprofil.Depuisl’ouverturedesoncompte,Noahn’a posté que trois tweets, tous au sujet de son contrat. Je lève la tête vers sa photo scotchée àmonmiroir, et des larmes de ragememontent aux yeux. Comment a-t-il pume faire une chose pareille ?
Comment a-t-il pu me mentir aussi effrontément ? Il a une copine ! Et pas n’importe qui ! Une starinternationale!J’enveuxmêmeàSadieLee…Commenta-t-ellepulelaisserfaire?!
Monportablebipe,etjefrémisensongeantquecepuisseêtreNoah.Quedire?Quefaire?Jesaisisletéléphone.C’estunmessaged’Elliot.Elliot:Finalementpasenviedefaireuntourenville.Jerestechezmoi,j’aidesdevoirsdemaths.Bisou.
Ilneregrettedoncpassoncommentairesurmonblog.Pire:ilneveutplusmevoir!Cettefois,c’estlacolèrequimesubmerge!Danslefond,c’esttantmieuxqu’Elliotn’aitplusenviedesortir.Aumoins,jen’auraipasàluiraconterlesderniersretournementsetlevoirs’enréjouir!
Maislaragelaisseviteplaceaudésespoir.C’estcommesilaTerres’ouvraitsousmespiedsetquemavietombaitenruine…
Jemeréfugiesousmacouetteetéclateensanglots.Moncerveauestenvahidetouscesdétailsqui,rétrospectivement,prouventqueNoahmementait.Ilyalafillequilefixaitlejouroùilm’aemmenéeacheterlediadème.Jetentedemerappelercequ’elledisaitautéléphone…«Jetejure!»Jelarevois,s’avançantvers le4×4, etNoahs’empressantdemettre lecontact…Est-cequ’il s’est renducomptequ’elle l’avait reconnu ?Et la soirée à la galerie d’art, alors ? Ilm’a présentée à quelques amis quidevaientbienconnaîtresonhistoireavecLeahBrown…Pourquoiprendreuntelrisque?Voilàquimeconduitàdespenséesencoreplussombres…QuandDorothée l’a félicité,dans lecouloir,elleparlaitévidemmentducontratavecSony.Çan’avaitrienàvoiravecmoi!Ilm’adoncmenti,enmeregardantdroitdanslesyeux.
Jesuistellementsouslechocquej’entremble.Etleflotdesouvenirs,vussousunnouveaujour,necessed’affluer…JemerappellecommentilainterrompulaconversationavecAntonioetprécipitélafindenotrerepas…Moiquim’imaginaisqu’ilvoulaitpasserdutempsàdeux!Àmonchagrinsemêleàprésentdelafureur.
—ESPÈCEDESALEMENTEUR!jehurleensautantdemonlit.Jefonceversmacoiffeuseetarrachelaphotodumiroirpourladéchirerenmillemorceaux.—MENTEUR!MENTEUR!MENTEUR!Je m’effondre par terre, et pleure toutes les larmes de mon corps. Comment ai-je pu croire que
j’allaiséchapperàmamalédiction…Penserqu’onpuissem’aimersincèrement?!Cettehistoiren’étaitqu’une tromperie !Etmoi, j’en ai fait desnotes deblog…! J’ai raconté aumonde entier que j’avaisrencontrél’âmesœur!
Jerestedesheuresdansmonlit,incapabledebouger,secouéeparlessanglots.Heureusement,mesparentscroientquejesuisépuiséeàcausedudécalagehoraireetneviennentpasmevoir.
Àlanuittombée,jeretrouvequelquesforces.Jerepousselacouetteetfixemachambreplongéedanslenoir.
Tunevaspasresterpourtoujoursblottiedanstonlit…Ilfautfaireface.J’allumemontéléphoneetun«bip»retentit.C’estNoah…Jefrissonnedespiedsàlatête.
Noah:Salut,ÉvénementPerturbateur!Tumemanques…Fais-moisignequandtutelèves,onpourraitskyper.
Quelgoujat!Commentose-t-ilm’écrireuntelmessagealorsqu’ilaunecopine?!
Penny:Çanefonctionnerajamaisentrenous,jeneveuxplusdecontact.Désolée.
Pourquoi«désolée»?Jen’aipasàm’excuser!J’effacelederniermotetappuiesur«Envoyer».Puisj’éteinsletéléphoneetretournemecoucher.
Sousmacouette, jemeremémoreleconseildeBella: ilfautpenseràtroischosesheureusespourchasserlatristesse.Jemecreuselecerveau.Uneseuleidéemevient:monblog.C’estmaseuleraisond’être. Là, au moins, on m’aime et on me comprend. C’est une lueur d’espoir… Demain matin, jepublieraiunenotesurcetteaffaire–jen’entreraipasdanslesdétailsmais j’expliqueraiqueBrooklynBoyétaitunimposteur.Meslecteurssaurontcommentréagir.Ilsm’aiderontàsurmontercetteépreuve.
Chapitre38
Àmonréveil,ilfaitencorenoir.Quelleheureest-il?Queljoursommes-nous?Dansquelpayssuis-je?Unhaut-le-cœurmesaisitetjemerappellecequis’estpassé.
Jerefermelesyeux…Jeveuxmerendormir,sombrerdansl’oubli.Peineperdue…Noahm’amenti.Surtout.C’estunerockstar.EncontratavecSony.Etilaunecopineaussicélèbrequelui.Moi,jenesuisqu’unesimplecollégiennedeBrighton.Lespeople,jenelescôtoiequ’àtraversles
médias.Sauflafoisoùj’aicroiséparhasardFatboySlimàlaterrassed’uncaféetoùj’aiéternuésifortquemonchewing-gumaatterrisursonblouson.
Soudainjemedresse,harceléeparlesquestions.Noahn’a-t-ilfaitquememanipuler?N’yavait-ilriendevraientrenous?N’étais-jequ’unedistraction,pendantqueLeahBrownavaitledostourné?Jenepeuxpasm’yrésoudre!
Jecherchemontéléphonedanslenoiretl’allume.MessonneriesdeSMSetdenotificationsdeblogretentissentenmêmetemps.EtdirequejevaisdevoirexpliqueràmeslecteursqueBrooklynBoyn’étaitqu’unescroc!J’enail’estomacretourné.
IlyadeuxtextosdeNoah.Lepremierdatedejusteaprèslemien.Noah:Hein?Plusdecontact??Tuplaisantes,j’espère?!J’aiessayédet’appelermaisjetombesurtamessagerie.Rappelle-moiSTP!
Lesecondaétéenvoyéàcinqheurestrentedumatin,c’est-à-direilyamoinsd’uneheure.Noah:J’espèrequ’ilst’ontfaitungroschèqueavecpleindezéros.Rassure-toi:iln’yauraplusaucuncontactentrenous.D’ailleurs,j’aichangéd’adressemailetjerésiliecenumérodetéléphone.Jeneveuxplusjamaisavoirdetesnouvelles.J’avaisconfianceentoi.
Jerelistroisfois.«J’avaisconfianceentoi»?!Cen’estpasmoilamenteuse!Jenesuisencoupleavecpersonne!
Tropencolèrepourraisonner,jetapeaussitôtuneréponse:Penny : TOI, tu me faisais confiance ????!!! Et moi, alors ? Tum’as menti ! Et tu as cru que je nedécouvriraisrien?Oupire:tutefichaisdemefairemal,c’estça?
Jesuisenrage.ÀpeineleSMSenvoyé,unmessaged’erreurs’affichesurmonécran.Noahadéjà
changédenuméro!Ilm’aécartéedesavieàlaminuteoùj’aivuclairdanssonjeu.Jesuisconsternée…Jenecessedemesurercombienjemesuistrompéeàsonsujet…IlaprobablementpeurqueLeahBrownnedécouvresoninfidélité.Commesij’allaisl’appelerpourluidire:«Eh,Leah,tunemeconnaispas–normal,jenesuisqu’unepauvregaminedeBrighton–maispendantquetufêtaisNoëlàLosAngeles,moijemetapaistonmecàNewYork!»
Àmon indignationvient semêlerduchagrin. Jeprendsconsciencede ladistancequimesépareàprésentdeNoah,etquin’arienàvoiravecl’océan.
Pourmechangerlesidées,tantbienquemal,jeconsultemesmails.«237nouveauxmessages».Meslecteursontdûpartagerleursrésolutions…
Sauf qu’en parcourant lesmessages, je constate que lamoitié sont des notificationsTwitter.C’estlouche…Jen’utiliseTwitterquepourdiffusermesnotesdeblogetpoursuivrel’actualitédequelquesphotographesetblogueurs;jen’aiaucuneraisonderecevoirdesnotifications.Jecliquesurlapremière:@girlonline22,tumedonnesenviedevomir.
Pardon?@NoahFlynntrompe@[email protected]??
Lapaniquemegagne.Quisontcesgens?Pourquoicestweets?Commentsont-ilsaucourant?Endeuxclics,jesuissurmonfilTwitter.Quelquesnotificationsviennentdemeslecteursdeblogqui
demandent,ensubstance:«BrooklynBoyseraitdoncNoahFlynn?»ou«QuiestceNoahFlynn?».Maislamajoritésontl’œuvredeparfaitsinconnusquim’insultentsansdétour.Commesi@LeahBrownavaitlemoindresouciàsefaire!@girlonline22esttropmoche!Alors@girlonline22,ons’achètequelquesminutesdegloire?Jedétestelesgensquiracontentlavieprivéedesautres!Zéroclasse@girlonline22!
Etçan’arrêtepas…Auboutdeplusieursdizainesdetweets,j’envoisunquivientdeCelebMag,unmagazinepeopleenligne:
Quandlechatn’estpaslà…?Liseznotreexclu:«Enl’absencedeLeahBrown,NoahFlynnflirteaveclablogueuseanglaise@girlonline22.»
Jecliquesurlelienetparcoursl’articleavecépouvante.
En l’absence de Leah Brown partie passer Noël en famille sur la côte ouest, Noah Flynn, sonnouveau compagnon, a trouvé quelqu’un d’autre à embrasser sous le gui : la blogueuse anglaisePennyPorter,mieuxconnuesouslepseudo«GirlOnline».
Jefixel’écranavecstupeur.Ilsconnaissentmonnom!Comment?
Sursonblog,PennyPorteraracontétouslesdétailsdesarencontreavecNoahFlynn,surnommé«BrooklynBoy».Unesacréedésinvoltureàl’égarddeLeahBrown,qu’ellen’évoquepasuneseulefois ! Certains sont décidément prêts à tout pour qu’on parle d’eux ! En attendant, personne nesouhaiteraitêtreàlaplacedeNoahquandsacompagnerentreradevacances…
Sousl’article,s’affichentcinquante-sixcommentaires.Jelislepremier:Quellegarce,cettePennyPorter!Quelqu’unarépondu:Moi,jetrouvequ’elleal’aircool.L’ordure,c’estFlynnquiatrompésacopinequandelleavaitle
dostourné.Répliqued’unautreinternaute:SaufquePennyPortersavaitforcémentqu’ilavaitunecopine…
Commentpeuvent-ilsmejugersansmeconnaître?Jeremontelapageetvoisquel’articlecontientun
lienversmonblog–etcelienmèneàmonpremierpostsurNoah.Jerelislapublicationenmemordantlalèvreetconsultelecommentaireleplusrécent:Pourinfo,lePrincecharmantn’étaitpasunsalaud,etCendrillonn’avaitriend’unetraînée!
Les commentaires qui suivent sont dans le même registre, sauf certains fidèles lecteurs quidemandent:«C’estvrai,cettehistoire?»Àlafin,ilyaunmessagedeMissPégase.Penny,Tu n’as probablement rien à faire demon avismais je te le donne quandmême. Jusqu’à aujourd’hui,j’étaisheureusedesavoirquetuavaisrencontréquelqu’un…maissortiravecunepersonnedéjàmaquée,c’estunemauvaise idée.Çacausebeaucoupdesouffrance.Pour tedonnerunexemple : lesproblèmesd’alcooldemamèreontcommencéquandmonpèreestpartiavecuneautrefemme.Alorstuvois,c’estunsujetparticulièrementsensiblepourmoi.Jenepensepaspouvoircontinueràliretonblog.
MISSPÉGASE
Jesuisfigéed’effroi.D’horriblesrumeurscirculentsurmoipartoutdanslemondeetonm’adressedesmessagesdehaine.Ceux-ciproviennentdegensquejeneconnaispas,maiseuxsaventquijesuis.Ilsontmonnom.Ilsconsultentmonblog.Ets’ilsdécouvrentoùj’habite?
Jesuisprisede tremblements.Magorgeseserre– impossiblededéglutir,derespirer.J’aibesoind’aide.Mesmembressontlourdscommedubéton.Laportesemblesiloin…Horsdeportée.Quefaire?Des images tournentdansmonesprit,dehordesdepersonnesassiégeantmamaison.Elles lancentdespierresetbrandissentdesmessagesd’insultes.Jesuisendanger…Meslecteursmedétestent…Toutlemondemedéteste!Jeredoubledesanglots.Jen’aijamaiseuaussipeur,jenemesuisjamaissentiesiseule.
Chapitre39
—Penny!Penny!Quesepasse-t-il?Mamanseprécipitedansmachambre.Jesuisrouléeenboule,parterre.—Rob!Rob!Viensvite!appelle-t-elleenallumantlalumière.Jelasensquis’accroupitprèsdemoietquiposelamainsurmonbras.—Toutvabien,chérie,jesuislà…Jene pleuremêmeplus – je gémis. J’entendsmon râle,mais je suis commedéconnectée demoi-
même.—Tupeuxt’asseoir?Despasrésonnentdansl’escalieretlavoixdepapas’élève:—Qu’est-cequ’ilya?…Oh!Pen!Sesbrasfortsm’entourentetjetrouvejusteassezdeforcepourmeredresser,lentement,etmeblottir
contrelui.Jevoudraisredevenirunbébéetn’avoirplusaucunsouci.—Dis-moi…,soufflemonpère.Mamanposemacouettesurmesjambesetdemande:—Tuaseuunecrised’angoisse?J’acquiesce,incapabledeparler.Jeclaquedesdentscommes’ilfaisaitmoinsquinze.—Raconte-nouscequit’aangoissée…,suggèrepapad’unevoixdouce.CommentleurexpliquerqueNoahm’amentietquelemondeentiermedéteste?—Jenesaispas…,jemarmonne.C’estlestressderetournerdemainaucollège.Jesenspapaseraidir.—Ilyaeudessuitesàlavidéo?Parcequesic’estlecas,je…—Non!Jesuisfatiguée,voilàtout.Etledécalagehorairen’arrangerien.Maman esquisse unemoue peu convaincue.Mais je ne peux rien leur dire, j’en suis certaine. La
véritélesinquiéteraittrop.—Est-cequ’unthéteferaitdubien?J’acquiesce.—Etunbonpetit-déjeuner?proposepapa.Jehocheencorelatête,bienquej’aielagorgebientropnouéepouravalerquoiquecesoit.Jeme remets au lit sous le regard anxieux demes parents et, dès qu’ils ont tourné les talons, je
m’empare demon ordinateur. Jeme connecte àmon blog et en quelques clics, efface toutes les notesconcernant Noah, puis je désactive les commentaires sur les posts restants. Rien que ça, ça metranquilliseunpeu.
JeretournesurTwitter.Vingtnouvellesnotifications.Sansenlireuneseule,jecliquesurl’option:«Supprimervotreprofil».Unedeuxièmeportedefermée.IdemsurFacebook.
Puisjefermemonordinateur.Lebrouillardd’angoissesedissipe,etjem’efforcederaisonner.QuiaparlédemoiàCelebMag?Quilesainformésdemonblog?
Ollie ? Je ne vois que lui. Il est le seul à savoir que «mon»Noah etNoahFlynn sont lamêmepersonne…Saufquejeneluiaipasracontécequ’ils’étaitpasséentrenous.EtpuisOllienesaitriendemonblog.Leseulquienconnaissel’existence,c’estElliot.
Elliot…Iln’auraitjamaisfaitunetellechose…Saufquecesdernierstemps,ils’estmontréimprévisible.La
preuve:soncommentairemesquin…Maisçanetientpas:luinonplusneconnaissaitpaslavéritableidentitédeNoah.Àmoinsque…Qu’a-t-ildit,déjà,quandjeluiaimontrélaphotopriseauparc?QueNoahavait«unairfamilier»…Aprèsquoi,ils’estempressédechangerdesujet.Est-cequ’il l’avaitreconnu?
Jenepeuxpaslecroire…Elliotauraitdoncmouchardé?Jel’imaginedanssachambre,envoyantunmessageanonymeàCelebMag.Lespiècesdupuzzles’assemblent…Elliotm’envoulaitd’avoirparlédemonhistoired’amoursurmonbloget,quandilareconnuNoahsurlaphoto,ilatrouvél’occasiondesevenger!Voilàpourquoiilaannulénotresortied’hier : ilavaitdéjàprévudemetrahiret,depuis, ilaforcémentvuledéchaînementdesinternautescontremoi…Mais,alorsqu’ils’étaitmontrétrèsprotecteursuiteà lapublicationde lavidéo,cette fois-ci, rien.Pasdenouvelles,etencoremoinsdemessagedesoutien.
Cesontdescoupsdepoingdansmestripes.D’abordNoah,maintenantElliot.Lesecondestencorepirequelepremier.Elliotetmoi,onseconnaîtdepuistoujoursetonestmeilleursamis.Onl’était,dumoins…
Quandmamanrevientavecunthéfumant,ellemetrouvedenouveauenlarmes.Elleposelatassesurmatabledenuitets’assiedprèsdemoi.
—Tuessûrequeriend’autrenetetracasse,chérie?Jesecouelatête.—Bon…Tusaisoùmetrouversibesoin.Jepuisedansmesdernièresforcespouresquisserunsourire.Aprèssondépart,jeresteassisesurmonlit,lesyeuxfermés,enattendantl’arrivéedepapa.—C’estlarecettedeSadieLee!annonce-t-ilenmeprésentantuneassiettedepancakes.Cesmotssontunnouveaucoupdansleventre.MoiquiappréciaistellementSadieLee…Ellen’est
enréalitéqu’unetraîtresseparmilesautres.Aprèss’êtreàsontourassuréquejen’avaisbesoinderien,papaseretire.Jeposeleplatprèsdela
tasse,sansytoucher.Jesuisanesthésiée,meurtrie,épuisée.Monseuldésir:resteraufonddemonlit.Àchaquemail, je frémisd’effroi.Jefinisparéteindremontéléphoneetenfouirmonordinateurau
fondduplacard,sousunepiledevêtements.Çavamieuxdurantquelquessecondes,puisj’imagineleflotdemessageshaineuxquiremplissentl’armoire.Ilsm’engloutirontdèsquej’ouvrirailaporte.
L’angoisses’emparedemoi,encore…Maiscettefois,jemerappellequoifaire.Lesyeuxfermés,jevisualiseuneboulenoiredansmonthorax.«Toutvabien,luidis-je.Toutvabien.»Et,aulieudelutter,jem’efforced’acceptermesémotionsetdeleurfaireface,àl’intérieurdemoi.Jerespirelentement.
—Toutvabien,jemurmure.Lapeurcommenceàs’estomperet,parallèlement,jeprendsconsciencequ’eneffet«toutvabien».
Jenevaispasmourirdemonangoisse.Etjenevaispasnonplusmourirdecetteaffaire.Qu’ellesoit terrifianteetblessante,oui,pasdedoute.Maiselleneme tuerapas.Toutvabien. Je
prendsunenouvelleinspiration.Lapeurcontinuederétrécir;ellenefaitplusquelatailled’uneballede
tennis. Elle est moins noire aussi, plutôt grise, et bientôt elle vire au blanc. Puis à l’or. Dehors, lesmouettescriaillent.Jepenseàlamer.Toutvabien.Jepeuxcontrôlermesémotions.Jem’imaginesurlaplage,moncorpsbaignédanslaclartédusoleil.Toutvabien.
Je reste ainsi plus d’une heure, les paupières fermées, concentrée surma respiration et le cri desmouettes.Puisonfrappeàmaporte.
—Pen,jepeuxentrer?J’ouvrelesyeuxetmeredresse.C’estTom.—Oui!C’estouvert.Aupremiercoupd’œil,jesaisqu’ilsait.Iln’ajamaisparuaussiinquiet.—C’estvrai?demande-t-ildebutenblanc,ens’asseyantsurmonlit.NoahFlynnettoi,vous…Jebaisselesyeux.Faceàmonsilence,ilreprend:— C’est le Noah dont maman et papa n’arrêtent pas de parler ? Celui qui vous a hébergés à
Brooklyn?J’acquiesceetprécise:—Jenesavaispasquiilétait.Toi,tuavaisdéjàentenduparlerdelui?—Oui.J’ailurécemmentunarticlesursoncontrataveclemêmelabelquesacopine,LeahBrown.Il
net’ariendit?—Non!Jenesortiraisjamaisavecunmecmaqué!Tomfroncelessourcils.—Alorsilt’amenti?—Ilfautcroire…Commenttuassu?—OnneparlequedeçasurFacebook,Twitter,Tumblr…—Jenesaispasquoifaire,Tom,jeconfie,lesyeuxbrûlantsdelarmes.J’aipeur.—Çavaaller,frangine,assure-t-ilenmeprenantlamain.Tuvast’ensortir.Commentcesitea-t-il
su,pourvotrehistoire?—Quelqu’unadûlescontacter.—Maisqui?—Aucuneidée…JenepeuxpasluiavouerquejesoupçonneElliot–pasavantd’avoirunepreuve.—Pasgrave.L’important,c’estquetupuissesdonnertaversiondesfaits.—Hein?Non!JeneveuxplusallersurInternet!Tommeregardedroitdanslesyeux.— Pen, tu te rappelles quand j’étais en sixième ? Un gamin de ma classe – Jonathan Price –
m’embêtaittoutletempsetlançaitdesrumeursàmonsujet.—CeluiquitevolaittesKitKat?—Oui. Pour l’éviter, je faisais souvent semblant d’êtremalade et je suppliaismaman de ne pas
m’envoyeraucollège.Maisunjour,tum’asdit…Ilprenduntonsuraigupourmeciter:—«Situneretournespasenclasse,personnenesauraqueJonathanracontedesbobards!»—Vraiment?J’aiditça?—Ouaip,maispasavecunevoixdeSchtroumpf, réplique-t-il avecun sourire.N’empêcheque tu
avaisraison.Etc’esttonconseilquim’aremissurlechemindubahut.Jeledévisage,sidéréed’avoireuunetelleinfluence.—Tuavaisraison,poursuit-il.Sij’étaisrestéterrédansmachambre,toutlemondeauraitcrucesale
gosse!Etpersonnen’auraitsucombienjesuisuntypegénial!—Génialetmodeste,jecorrigeavecunrictus.
—Biensûr.Alors,jetedonnelemêmeconseil:siturestesplanquée,tulaisserasproliférertoutesceshorreursàtonsujet,etpersonnenesauraquetuesaucontraireunefilleexceptionnelle.
—Tom!jem’écrieavecémotion.—C’estvrai!Tuesunefillesuper!Jetesoutiendraiquelquesoittonchoix,maisjet’encourage
vraimentàt’exprimer.Ilmarqueuntempsavantd’ajouter,avecunemineféroce:—Etjeveuxquetumedonnesl’adressedeceNoahFlynnpourquej’aillemoi-mêmeluicasserla
gueule.Jem’esclaffe.Ilmeprenddanssesbrasetajoute:—Jet’aimetrèsfort,sœurette.—Moiaussi,jet’aimetrèsfort.Jetedemandeuneseulechose:s’ilteplaît,nedisrienauxparents.
Jeneveuxpasqu’ilss’inquiètent.Tomacquiesce.—D’accord.Quantàmoi,jereportemonretouraucampus,aucasoùtuauraisbesoind’aidepour
tonretouraucollège.—Vraiment?Tunevaspast’attirerdesennuis?—Jenem’attirejamaisd’ennuis!Ilsouritetjeressenstantdegratitude.J’aiperduNoahetsansdouteElliot,maisj’aimafamille.Pour
toujours.
Chapitre40
Pourmedétendre, jeprendsunbainauxhuilesessentielles.Je laisse lachaleurparfuméeenveloppermoncorpset j’éprouveuneétrange sensationde sérénité. Jene suispasmoins triste,mais jemesensmoins seule. Je plonge la tête sous l’eau et mes cheveux flottent autour de moi. Les mots de Noahrésonnentdansmesoreilles:
«Turessemblesàunesirène.»Jemeredresse.Trop tard…Merevoilàassailliepar lesquestions :commentpeut-onfeindreàce
point lagentillesseet la sincérité ?Commenta-t-il pu tenir sonmensongeaussi longtemps?Pourquoim’a-t-ilfaitça?!!
Mais jem’oblige à chasser ces pensées. Peu importe les « comment » et les « pourquoi ». Seulscomptentlesfaits.
Jesorsdubainetmetartinedecrèmehydratante.Puisj’enfilemarobedechambrelaplusdouilletteetretournedansmachambre.J’allumelaguirlandelumineuseautourdemacoiffeuse…Mauvaiseidée–celamerappellelatentedeNoah.J’éteinslesloupiotesetmerabatssurmalampedechevet.Del’autrecôtédumur,j’entendsclaquerlaportedelachambred’Elliot.
C’estencoreleplusefficacepourcesserdepenseràNoah:laisserlibrecoursàmacolèrecontremonsoi-disantmeilleurami.Ilaforcémentvulesattaquesdesinternautes,pourtantilnem’atoujourspasfaitsigne,pasunmessagecodé,pasuntexto,pasunappel!Àmoinsqu’iln’aitessayédemetéléphonerpendantmonbain?Jesorsmonportabledel’armoire.Rien.Retouràlacase«colère».
Toutestsafaute!C’estlui,quim’abalancéeàCelebMag!MaisTomaraison.Jenepeuxpasresterterréedansmachambre.JedoisaffronterElliotetluidirecequej’aisurlecœur.
Cen’estqu’enremontantd’unpasdécidél’alléedelamaisondesWentworthquejemerendscomptequejen’aipasmislespiedschezeuxdepuisdeslustres.J’appuiesurlasonnetteetmeretrouvefaceaupère d’Elliot. Ilme regarde d’un air surpris et un peu dédaigneux – son expression habituelle,mêmequandilregardesonfils.
—Oui?fait-il,commes’ilnemereconnaissaitpas.—Elliotestlà,s’ilvousplaît?Ilsoupire.—Uninstant.Jeresteplantéedanslefroidpolaire.—Elliot!appelle-t-il.Tuasdelavisite!J’entendsuneréponseauloin,maispasassezdistinctepourquej’endiscernelesmots.—Iln’estpasdisponiblepourlemoment,décrèteM.Wentworth.—Quoi?Mais…
—Merci.Aurevoir.Etlaportesefermepourdebon.Je regagnemachambreenfurie.Dommagequ’Elliotetmoin’ayonspasprévuuncodepourdire :
«Jetedéteste,espècedelâche!»Jem’assiedssurmonlitetsondelapièce,hagarde,avantdebondiràmafenêtre.Sijeresterivéelà,jefiniraibienparlevoirsortirdechezlui!Etalors,jen’auraiplusqu’àlecoincerdans la rue…Saufque jeneserais jamaiscapablede faireça…Endésespoirdecause, jeprendsmontéléphoneetluiécrisuntexto.Penny:Jen’arrivepasàcroirequetuaiesfaitunechosepareille!Tuparlesd’unmeilleurami!
Pourcalmermonchagrin,jemerépète:«Tun’espasseule»,enpensantàmaman,papaetTom.Jenesuispasseule…Pourtant,jenemesuisjamaissentieaussidémunieetaussiisolée.
J’attendslaréactiond’Elliot.Uneminute,deuxminutes…Dixminutes.Rien.C’estdeplusenplusfrustrant.IlnevautpasmieuxqueNoah!Leurméthode:jeteblesse,puisjemeplanque…Étourdieparlacolèreetlatristesse,jeprendsalorslapiredesdécisions:j’exhumemonordinateuretmeconnecteàInternet.
D’abord,jemerendssurlapageTwitterd’Elliotsanstropsavoircequejecherche–lapreuvequ’ilasurférécemmentsurleweb?Uneallusionàmoi?Maissonderniertweetremonteau25décembre:@ElliotWentworth:C’estlepireNoëldemavie.
Impossible de vérifier son profil Facebook sans réactiver mon compte, du coup je vais voir surInstagram. Il n’y a rien posté non plus depuisNewYork – un selfie de lui etmoi à la table du petit-déjeuner.EnrevoyantlasalleàmangerduWaldorf,jeregrettedenepaspouvoirremonterletempspourtoutrefairedifféremment.
Saufquecen’estpastoiquiastoutfaitcafouiller!À présent, je tape « Noah Flynn » dans Google. Il y a du changement parmi les résultats : les
premièresentréesmeconcernent.EtilyaunnouvelarticledeCelebMagintitulé«NoahFlynn,victimed’unedépressionaprèslamortdesesparents».
Jecliquesurlelien,lecœurbattant.
S’il y en a un qui doit regretter d’avoir croisé la route dePennyPorter,mieux connue sous lepseudo«GirlOnline»,c’estbienNoahFlynn.Car,nonseulementlablogueusearévéléleurliaison,elleaaussiracontéqueNoahavaitfaitunedépressionsuiteàlamorttragiquedesesparentsilyaquatre ans. Cette instabilité psychologique explique-t-elle l’infidélité du rockeur ? Ce mal-êtrel’habite-t-il toujours?L’agentde lastarn’apassouhaitécommenter.LeahBrowns’est,elleaussi,abstenue de tout commentaire. Girl Online a quant à elle effacé ses notes de blog concernant«BrooklynBoy».Troptard,MissPorter,lemalestfait…
Ilyaunlien,aprèsladernièreligne,intitulé:GirlOnlinerévèlelescoinspréférésdeNoahFlynnàBrooklyn.J’yprêteàpeineattention;jesuistropchoquéeparcequejeviensdelire…Qu’est-cequec’estquecettehistoirededépression?Commentpeut-oninventerdetellessornettes?Jemecreuselatêteetsoudain,jemerappellemanotesurlesconseilsdeNoahpourfairefaceauxpeurs…
Jen’ai jamaisécritqu’ilavait faitune«dépression» ! Jen’aimêmepasparléde lamortdesesparents–justequ’ilavaitperdudesêtreschers!Macolèrenefaitquegrandir,mêléenéanmoinsàunelégèreculpabilité.
JereviensàlapageGoogleetparcourslasuitedesrésultatsjusqu’àenvoirunquimetétanise.C’estunlienYouTube,intitulé:«VIDÉO:LanouvelleconquêtedeNoahFlynns’afficheenpublic!»
Oh,non…Je clique : c’est bien la vidéo de ma chute à la fin du spectacle. Je reste un instant éberluée…
Commentl’ont-ilstrouvée?Riendeplusfacile,enréalité.Unesimplerecherchewebavecmonnomadûsuffire.Lavidéocomporteàprésentdesmilliersdecommentaires…
Fermecetordinateuretrange-ledanstonplacard!Tutefaisdumal!Maisjesuisaniméed’uneforceautodestructrice…«Beurk»,«Dégueu!»et«Pauvrefille»sont
lesmots lesplusaimablesque jeglaneparmi lespremierscommentaires…Le resteestd’unecruautésansnom.Pasdedoute:lesfansdeLeahBrowns’enprennentàmoi.
Lavoixdemamans’élèvedelacuisine:—Penny!Àtable!Jevoudraisrépondrequejen’aipasfaim,maiscelaneferaqu’augmentersoninquiétudeetcellede
papa.Jemetraînedonc,telleunezombie,aurez-de-chaussée.—Toutvabien?questionnemamèrequandjem’attable.—Çava.—J’aiencoredécrochéuncontratàNewYork,annonce-t-elleens’installantàmoncôté.Unbalpour
laSaint-Valentin.JevoudraisproposerlebuffetàSadieLee,maisimpossibledelajoindre.—Commec’estétrange…,marmonneTom.Jeluiadresseunregardalarmé.—Pourquoidis-tucela,Tom?questionnemaman,intriguée.—Pourrien…Mamanl’observeuninstant,puisreprend:—C’estunebonnenouvelle,non?NousallonspouvoirtousretourneràNewYork!Maseulepensée:«SijeremetslespiedsauxÉtats-Unis,jesuiscertainedemefairelyncher!»Jeparviensnéanmoinsàacquiescer.Pendantquemesparentsdiscutentdeleursaffairesdésormaisflorissantesdepuisl’affluxdeclients
américains,jemâchelentementmeslasagnes.Lesimagesdemachutetournentdansmatête.Etdirequ’àl’époque oùMegan les a postées, il ne pouvait rien m’arriver de pire… À présent, des milliers depersonneslesregardent!Toutça,parlafauted’Elliot…
Àmi-repas, je repoussemon assiette.Heureusement,maman et papa sont tellement absorbés dansleurconversationqu’ilsme remarquentàpeinequand jesorsde table.De retourdansmachambre, jevérifiemestextos.Toujourspasdemessaged’Elliot.J’aienviedehurler.
Repriseparmonélanautodestructeur, jedécided’effacertoutesles imagesdemonappareilphoto.Maisaumomentd’appuyersur«Supprimer»,uneforceétrangemeretient.Jecontinueàfairedéfilerlesphotosetatteinscellesdemachambred’hôtel.Cetteépoquesemblesilointaine,commesiellesdataientd’uneautrevie…Unevierêvée.Puisdesdétailsattirentmonregard: lacouverturesur lefauteuil.Lavue de l’Empire State Building. Princesse d’Automne assise sur l’oreiller. Cela a bien existé. J’airéellementséjournédanscettechambre.Jemesuislovéedanscesiège.Etj’yaiperçu,pourlapremièrefois,quej’étaisauxcommandesdemavie.
Jesorslacartemémoireetlaglissedanslafentedemonordinateur,puisj’imprimetouteslesphotosprisesauWaldorf-Astoria.Uneàune,jelesafficheautourdemonmiroiretlescontemple.Lesémotionsetlespenséesquej’aieuesdanscelieuétaientcertesduesàNoah…maispasseulement.Ellestenaientaussiàmoi,rienqu’àmoi.C’estmoiquiaidécidéd’affrontermaphobiedel’avion.Moiquiaichoisidemefaireconfiance.MoiencorequiaicruenNoahetquisuistombéeamoureusedelui.Peuimportecequeracontelapresse;jesaiscequis’estvraimentpasséparcequec’estl’histoiredemavie.Etcette
passaderatéenesignifiepasquejenevivraijamaisd’histoired’amour.Jepeuxfairecequejeveuxdemonexistence–tantquejen’oubliepasqu’ellen’appartientqu’àmoi,etàpersonned’autre.
Jecaptemonrefletdanslemiroir.Mesyeuxsontrougesd’avoirtantversédelarmesetj’aiunteintspectral.Jedétachemescheveuxetlessecoue–j’apprécietoujoursleurrousseur.Voilàcequirestedel’amour,malgrélesmensonges.J’éteinsmonordinateur,jecoupemontéléphoneetmemetsaulit.
Chapitre41
Lelendemainmatin,dèslelever,jevaism’asseoirdevantlesphotosduWaldorf,m’imprégnantdecessouvenirsheureuxcommeonrechargeunebatterie.
OnfrappeàmaporteetTomapparaît.—Jet’emmèneaubahut,propose-t-il.Jeresteraidevanttoutelajournéeaucasoùtuauraisbesoin
demoi.—Tunepeuxpasfaireça!Tuvasmourird’ennui!—Jeseraidansmavoitureavecmonordi.J’enprofiteraipourfinirmonmémoire.—Merci,dis-jeavecsincérité.Monfrères’avanceversmoietm’entouredesonbras.—Tuvasyarriver,sœurette,net’inquiètepas.
Enmarchantverslecollège,jemerépètelesparolesdeTomcommeuneformulemagique:«Tuvas
yarriver…Tuvasyarriver…»Surmonpassage,toutlemondesetait.C’estimpressionnant,biensûr,mais je préfère encore ce silence aux commentaires haineux d’hier. Même les coups de coude entreélèvesetlesregardspesantsnemedérangentpastantqueça.Celafaittoutdemêmebizarred’êtreàcepointlecentred’attention.Jusqu’àprésent,jevivaisdansl’ombredeMegan…Maintenant,toutlemondemeremarque.Enremontantlecouloirversmaclasse,jepenseàTomgaréàl’entrée.Çamerassuredelesavoirsiprès!
J’entredanslasalleetlesilencesefait.Toutlemondem’observe.Aprèsmatraverséedelacouretdupremierétage,quelquespairesd’yeuxenplusnemefontrien.Uneseulechosem’importe:jen’auraipas à affronterMegan etOllie avant le cours de théâtre, puisque nous ne sommes pas dans lamêmeclasse. Jem’installe à une table à côté deKira etAmara.Toutes deuxme dévisagent.D’un ton aussitranquillequepossible,jedis:
—Salut.—Salut,répliqueAmara.Tu…tuvasbien?—Çava.—Vraiment?insisteKiraensepenchantversmoi.J’acquiesceenrougissant.Toutelaclassecontinuedemefixer.Kirarapprochesachaiseet,àvoixbasse,medemande:—C’estvraiquetuas…—Non,jecoupevivement.—Non?répèteAmaraenéchangeantuncoupd’œilavecsasœur.—Non,j’assure.Cesiteneracontequedesmensonges.
—Donctun’espasGirlOnline?—Si.Maisleresteestfaux.Entoutcas,çanes’estpaspassécommeçaaétérapporté.—J’adoreGirlOnline!s’écrieKiraensouriant.J’aidécouvertsonblog– tonblog– ilyadeux
moisenfaisantunerecherchesurleSnooper’sParadise.LanotequetuaspubliéesurFatboySlimétaithilarante!
—Moiaussi,jesuisfan!renchéritAmara,hochanténergiquementlatête.Ellesontl’airsincères…et,visiblement,nemejugentpas.Ellescollentleurschaisesàmatable.—Raconte!reprendKira.QuiestvraimentBrooklynBoy?Jeprendsuneinspirationavantderépondre:—C’estbienlui.NoahFlynn.Maisjenelesavaispas.Jen’avaisjamaisentenduparlerdelui.—Moinonplus,admetAmara.—Alors,ilt’amenti?soupiresasœur.J’acquiesceenréprimantunhaut-le-cœur.Combiendetempsfaudra-t-ilpourquejepuisseparlerde
cetteaffairesansavoirlanausée…?—Nous,onenétaitsûres,quetunesavaisrien…,déclareKira,enposantunemainsurlamienne.Je
l’aiditetreditàMegan.D’ailleurs,audébut,jenelacroyaispasquandelleracontaitquetuétaisGirlOnline.Etpuisl’affaireaenfléet…
—Bonjourtoutlemonde!C’estM.Morgan,notreprof,quivientd’entrer.—Unpeudesilence,s’ilvousplaît.Lesvacancessontterminées!Lesjumellesseremettentàleurtableetsortentleursaffaires.Moi,jerestefigée.LesmotsdeKira
tournentdansmatête:«Jel’aiditetreditàMegan.D’ailleurs,audébut,jenelacroyaispasquandelleracontaitquetuétaisGirlOnline.»
Pendanttouteladuréeducours,jesuisplongéedansmespensées.Meganconnaissaitdoncmonblogavanttoutecetteaffaire?Quiapuluienparler?Elliot?Impossible, ilssedétestenttrop…Ducoup,Meganserait-ellelamouchardequiadonnémonnometl’adressedemonblogàCelebMag?
Dèslafinducours,jefileverslesjumelles.—Quandest-cequeMeganvousaparlédemonblog?—Mardisoir,aucafé,répondKiraenrangeantsatrousseetseslivres.Ellenousl’amontrésurson
téléphone.Ellenesavaitpasqu’onétaitdéjàabonnées!—Dis,Penny,tuvascontinueràpublierdesnotes?questionneAmaraavecinquiétude.J’adoreles
sujetsquetuabordes.Jeluisourisetreprendsmoninterrogatoire:—Qu’est-cequ’elleaditsurNoah?—Qu’ilavaittrompéLeahBrownavectoi.—Mais je luiai toutdesuitefait remarquerquecen’étaitpasdutout tongenredefaireça !Pas
volontairement,dumoins.—Pourtoutdire,enchaîneKira,jen’apprécieplusautantMeganqu’avant.Jel’aitrouvéevraiment
pestedepubliercettevidéodetoisurFacebook.Jepourraislaprendredansmesbras!Maisjemeretiens,depeurd’éclaterensanglots.M.Morgannousinterpelledepuissonbureau:—Allons,jeunesfilles,vousavezbienunprochaincours?Toutenselevant,Amarameglisse:—Onsevoitaudéjeuner?J’acquiesce.—Net’inquiètepas,complèteKira.Onvas’occuperdetoi.—Oui,onnepeutpaslaissertomberGirlOnline!
Cetéchangeéclairelasuitedemamatinée,jusqu’aucoursdethéâtre.Quandj’entre,toutlemondeest
déjàlà,saufOllieetMegan.—Pen!lance«Appelez-moi-Jeff».Commentvas-tu?Aupremiercoupd’œil,jesaisqu’ilsait,toutcommelesvingtélèvesquiaussitôtmedévisagent.PenseàtachambreauWaldorf!Tuesauxcommandesdetavieettuconnaislavérité.—Çava,jeréponds.Etjem’avanceversmaplaced’unpasassuré.Àl’heuredudéjeuner,jemedétendspourdebon:MeganetOlliesontmalades.Quantauxautres,
loindememépriser,ilsmetémoignentunesortederespect.LeahBrownn’avisiblementpasbeaucoupde fans àBrighton…Kira etAmara semontrent adorables et personnenevientm’embêter pendant ledéjeuner.Avantderetournerencours,jesorsfaireuncoucouàTom.Ilestavachisurlevolantetdortprofondément.Jeleréveilleentoquantàlafenêtre.
—Quoi?Dis-moi!s’écrie-t-ilensursautant.Qu’est-cequis’estpassé?!—Toutvabien.Tupeuxrentreràlamaison.Ilsefrottelesyeux.—Vraiment?—Oui,toutlemondeestsympa.Etsansrire,ilfautquetudormes…dansunvrailit.—Jegardemontéléphoneallumé.Situaslemoindresouci…—…Jet’appelle,conclus-jeavecunsourire.Jeregardelavoitures’éloignerquandmonportablevibredansmapoche.C’estunSMSd’Elliot!
Moncœurseserre.Elliot :Nem’en veux pas.Mon pèrem’avait confisqué ordi ET téléphone, je viens seulement de lesrécupérer.Onétaitenpleineengueuladequandtuespasséeàlamaison,c’estpourçaquejenesuispasvenuteparler.PS:J’aifugué.
Danscemessage,pasd’indicequ’Elliotsoitl’auteurdelafuite…Àcestade,autantêtredirecte:Penny:C’esttoiquiasinforméCelebMagdemaliaisonavecNoah?Etdemonblog?Elliot :CelebMag?Connaispas.Penny, jeculpabilise tropdemoncommentairedébile.Maisc’étaitl’enferàlamaison,jen’arrivaisplusàraisonner.PS:J’AIFUGUÉ…END’AUTRESMOTS:JEMESUISTIRÉDECHEZMOI!
Cen’étaitpasElliot!Quelsoulagement!Ducoup,jemesenscoupabledel’avoirsoupçonné.Maisqu’est-cequec’estquecettehistoiredefugue?Penny:Commentça,tut’estiré?Oùça?Elliot:Jesuisauponton.Penny:Tuasfuguéauponton?Elliot:NON!J’aifuguéetlà,maintenant,toutdesuite,jesuisauponton.J’aimeraistevoir!
Sansréfléchir,jememetsenroute,toutentapantsurmonclavier.
Penny:Moiaussi,jeveuxtevoir!Elliot:Viensmerejoindre!S’ilteplaît!Jejoueraimêmeàtonstupidejeud’arcade…Penny:Suisenchemin.
Chapitre42
Dèsquej’aperçoisElliot,jecomprendsquelasituationestgrave:satenuen’estpasdutoutstylée.Ilaassociéuneénormedoudounebordeauxàdesbottesdepluievertesetunetoqueenfaussefourrure.
—Qu’est-cequis’estpassé?demandons-nousd’uneseulevoixdèsquenoussommesfaceàface.Nouséclatonsd’unmême rire,puisElliotmeprenddans sesbras.Peuàpeu,mon rire semueen
sanglots.—Au…ausecours,jefinisparbalbutierententantdemedégagerdesonanorak.Jen’arriveplusà
respirer!—Pardon,réagit-ilensereculant.Pen…Jesuistellementdésolé.—Désolédequoi?jequestionne,denouveausoupçonneuse.—Demoncommentaire.C’étaitstupideetméchant.Mais,avectoutcequisepassaitàlamaison…Ils’interrompt,levisagesombre.—…Àpartirdecesoir,jesuisSDF.—Mais,tuvasmourirdefroid!Onestenpleinhiver!— Tu crois que je me suis déguisé en pêcheur russe pour le plaisir ? Le but, c’est d’éviter
l’hypothermie.—Maispourquoit’enfuir?—Monpèreaditqu’ilmedéshériteraitsijesortaisavecungarçon.Ilbaisselesyeux.Leslumièresclignotantesdesjeuxd’arcadeéclairentsonvisage.—Ilmemettraàlaportesijedeviensun…Ils’interromptpourmimerdesguillemets.—…«homosexuelpratiquant».Ducoup,ons’estengueuléset ilm’aconfisquémonordietmon
téléphone.—Pourquoi?—Ils’estmisentêtequej’avaisrencontréunmecpendantmonséjouràNewYork…C’étaitpour
m’empêcherdelerecontacter.—Pourquoiilacruça?—Tutesouviensdel’opération«SabotageduNoëldemesparents»?—IlacruàHankdesHell’sAngels?—Ouaip.Mamauvaiseblaguem’estrevenuedanslafigure.J’aiditàmonpère:«Tunepeuxpriver
unadod’Internet!C’estcommelepriverd’oxygène!»—Et?—Jeterappellequ’ilestavocat.Ilm’asortidixmillecontre-arguments.C’estàcemomentquetuas
sonné.D’ailleurs,pourquoitun’aspastoquéaumurcommed’habitude?C’estbienàçaquesertnotre
code!Ettontextofurieux?C’étaitàcausedemoncommentairesurtonblog?Jesuisvraimentdésolé.J’étaisjaloux…
—Jaloux?Dequoi?—DeNoah…,répond-il,gêné.Etdetoi.—Pourquoi,moi?—Parcequetoutt’estsifacile!Turencontresquelqu’un,ettesparentsl’accueillentdeboncœur.Ils
vontmêmepasserNoëlchezlui!Moi,sijerencontremonPrincecharmant,mesparentsmerejetteront.—Oh,Elliot…Jel’étreins.Jenesavaispasqu’iléprouvaitcegenredesentiments,etcombiensavieétaitdifficile.
Iléclateensanglots.—Jem’enveux,Pen…,hoquète-t-il.Tuesmameilleureamie…Maseulevraieamie…et jen’ai
paspartagétonbonheur…Maisj’avaispeur…sipeurdeteperdre.—Pasderisque…,jeréplique,enriantjaune.Ilsereculepourexaminermonvisage.—Qu’est-cequec’estquecettevoix?Ils’estpasséquelquechose?—Tun’aspaslu?—Luquoi?—Surleweb…—Non.Jeviensseulementderemettrelamainsurmonordietmontéléphone.J’aimêmedûentrer
incognitodanslebureaudemonpèrepourlesrécupérer.—Noahestunerockstar.AuxÉtats-Unis,dumoins.Etil…Jedoismarqueruntempsavantdemerésoudreàprononcercesmots:—…ilsortavecLeahBrown.Elliotrestebouchebée.—LeahBrown?Lachanteuse?J’acquiesce,lesyeuxhumides.—Maisc’esthorrible!Ilparaîtsincèrementchoqué.Pasunelueurdesatisfactionsursonvisage.—Commenttuassu?Jeluiracontetouslespetitsindices,çàetlà,quejen’avaispasrelevés…—Maistoutesceschosesdonttuasparlésurtonblog?Quandtudisaisqu’ilétaittonâmesœur…?—Jemesuistrompée…,jeréponds,étrangléeparlechagrin.Etlemondeentierlesaitparcequ’un
sitederagotsatoutrévélé!Monblogn’estplusanonyme!—Jenecomprendsrien…Noahsavaitquetutenaisunblog?—Non,tuétaisleseulaucourant.Elliotmefixeensilence.Puisilmurmure:—Uneminute…IlsortsontéléphoneetconsultesesSMS.—Tuascruquej’avaiscafté!—Seulementparcequ’iln’yavaitquetoiàsavoir!Enfin,c’estcequejepensais…—Quid’autre?—Megan.—Hein?s’écrie-t-il,ahuri.Mais…comment?— Je ne sais pas… Elle a peut-être glané quelque chose la dernière fois qu’elle est venue à la
maison.Àmoinsque…Jeréfléchisavantdefinir:—…l’infonevienned’Ollie.Ilestpasséchezmoimardi.Ilapeut-êtrefouillédansmonordi.
Elliotmefixe,lesyeuxexorbités.—Àpartirdemaintenant,Penny,parsduprincipeque toutesmes réponses sont :«C’estquoice
délire?!!!»Parceque…c’estquoicedélire?!!!QuefaisaitleSelfieAmbulantcheztoi?—Ilestpassém’offriruncadeaudeNoël–quejen’aimêmepasouvert,d’ailleurs.C’estluiquim’a
ditqueNoahétaitmusicienprofessionnelquandilavusaphoto.Elliotm’agrippelebras.—Penny, tuconnais la règle : lemeilleurmoyendegérerunesituationdecrise,c’estd’enparler
autourd’unmilkshake.Alorsdirection…—…Choc-Ouhlà!jecomplète.Brasdessus, brasdessous, nousprenons le chemindu café.Malgré le froidmordant, uneondede
chaleurs’estravivéeenmoi.Mespirescraintessontévaporées.Jenesuispasseule.Ilyamafamille,lesjumelles,etj’ailemeilleurdesmeilleursamis.
Chapitre43
J’attends d’être arrivée àChoc-Ouhlà ! pour me détendre. Aucun des scénarios catastrophes que jecraignaishierne s’estproduit.Nousavons traversé toutBrightonàpiedetpersonnenem’a reconnue.Conclusion:tantquej’évited’allersurleweb,toutirabien…
Nouscommandonschacununmilkshakeetnous installonsaufondducafé.D’habitude, j’aimebienêtreprèsdelaportepourvoirentrerlesclients,maisaujourd’hui,vulescirconstances,jepréfèreêtrecachée.
—Quandonypense,déclareElliotendézippant sadoudoune,c’estNoahquiestàplaindredanscetteaffaire.Toi,c’estcertain:tutourneraslapage;lui,entantqu’imposteur,ilnevivrajamaisheureux.
J’acquiesce,maisj’aidumalàêtreconvaincue…—Merci, Elliot. J’ai de la chance de t’avoir commemeilleur ami. Personne ne pourra jamais te
remplacer,jetelejure.Mêmesi,parmiracle,jerencontraisunjourunvraiPrincecharmant!Subitement,sonvisages’assombrit.Sonregardfixequelquechosederrièremoi.—Tiens,tiens,tiens…,murmure-t-il.JemeretourneetaperçoisMeganetOllie,s’approchantducomptoir.Paniqueàbord!Quefaire?
Quedire?RiendutoutcarElliotprenddéjàleschosesenmain…IlsedresseetlanceàMegan:—Eh!Mega-Enflure!Lecouplesursauteetnosregardssecroisent.Àcet instantprécis,à leuraircoupable, jesaisque
MeganetOlliesontresponsablesdemonmalheur.—Venez,onvousagardéuneplace!insisteElliot,d’untonprovocateur.—Nonmerci…Onallaitpartir…,répliquenerveusementMegan.—Ahbon?riposte-t-ilens’avançantverseux.Bizarre,pourdesgensquiviennentd’entrer!Jemelèveàmontour.—Salut,Penny,marmonneOlliesansosermeregarder.JeviensmeplanterdevantMegan.—C’esttoiquim’asbalancée?Elleaussiévitemonregard.—Jet’aiposéunequestion!—Balancéquoi?persifle-t-elle.Quetuesunetraînée?—Jen’aitrompépersonne!JeneconnaissaispaslavraieidentitédeNoahetencoremoinscellede
sacopine!—Maisbiensûr.Pourquoiavoirtoutracontésurtonblogsinonpourtefairedelapub?—C’estunblogANONYME!Enfinc’était…!Jusqu’àcequetuledécouvres!JemetourneversOllieetletoise.
—C’esttoi,pasvrai?Tuasfouillédansmonordiquandtuétaisdansmachambre?Sonvisageestécarlate.—Ilétait justelà,sedéfend-il, tonblogétaitaffichésurl’écran…J’enailujusteunboutpendant
quetuétaisauxtoilettes…—Tuesmalplacéepourjuger,Penny,décrèteMegand’untonhautain.Elliotintervientaussitôt:—Tuasprisdescours,pourêtreaussipesteouc’estnaturel?—Toi,jen’airienàtedire,réplique-t-elle,perfide.—Tantmieux,çamelaisseplusdetempspourt’expliquercequejepensedetoi.Ils’avanced’unpas,collantpresquesonvisageausien.—Tueslapersonnelaplussuperficiellequejeconnaisse–situneconnaispascemot,cherchedans
ledictionnaire.Situn’avaispasblessémameilleureamie,jeneperdraispasunesecondedemontempsàteparler.
MegansetourneversOllie,l’airscandalisé.—Tulelaissesfaire?Aucuneréaction.Elliotéclatederire.—Laissetomber!Laseulequestionquetonmecsepose,c’est:«Est-celebonmomentpourfaire
un selfie ? »Mais je n’en ai pas fini avec toi, Megan. Parce qu’en plus d’être la personne la plussuperficielleaumonde,tuesaussilafillelapluslaidequej’aiejamaisrencontrée!
Elleaunmouvementderecul.—C’estlavérité,insisteElliot.Tonamertumeettafaussetétranspirentpartouslesporesdetapeau.
Commedupus!Meganretientuncri.C’estàcetinstantquelaserveuseposenosmilkshakessurlecomptoir.—Jevouslessersici,demande-t-elle,ouàvotretable?—Onvalesprendreici…,répliqueElliot.Avecnosamis!Ilm’envoieunclind’œildiscretetmefaitsignedeprendremonverre.—Prête?—Prête!Et, d’un même mouvement, nous projetons nos milkshakes sur Megan et Ollie ! Si le lancer de
milkshakesynchroniséétaitunedisciplineolympique,Elliotetmoidécrocherionslamédailled’or.Megan et Ollie restent immobiles tandis que de grosses gouttes de caramel dégoulinent sur leurs
cheveux.—Levoilà,lebonmomentpourtonselfie!ironiseElliot.Ilsetourneversmoietajoute:—Allez,viens,Penny,onferaitmieuxd’yaller.—Ouaip,jeréplique,lecœurléger.Maisavantdem’éloigner,jeglisseàMegan:—Tuespitoyable.Etjenesuispaslaseuleàlepenser.
Elliotetmoicouronsjusqu’àlagarecommedeuxgamins.Jedoismetenirlescôtespourreprendre
monsouffle.—C’étaitgénial!lanceElliot,enhaletant.Mieuxquedansmesplusbeauxrêvesdevengeance!—Parcequetufaisdesrêvesdevengeance?!—Ohqueoui!D’uncoup,sonvisages’assombrit.—J’avaisoubliéquej’avaisfugué…
NotreregardestattiréparunSDFassissurletrottoir.Ilalevisagesaleetseshabitssontcrasseux.—Pasquestionquetudormesdehors,jedéclare.Tuviensàlamaison!Mesparentsserontd’accord
pourt’héberger.Pasplustardqu’hier,ilsdisaientcombientuleurmanquais.Etpuisonpourrademanderàpapadeparleràtesparents?Ilestfort,engestiondecrise.Ilsauraquoidire.
Et en effet, papa est l’allié idéal. À peine rentrée, je lui raconte ce qui est arrivé à Elliot, et saréponseestsansambiguïté:«Noust’hébergeronsaussi longtempsquenécessaire.»Puis, ilvasonnerchezM.etMmeWentworth.Cettedernièreestencorebouleverséedupetitmotlaisséparsonfilsavantdefuguer–enfin,un«petitmot»àlaElliot,c’est-à-direquatrepagesA4!Elleprometàpapad’avoirunebonnediscussionavecsonmariquandilrentreradubureau.
Nouspassons lasoiréedevantdevieuxépisodesdeFriendsenmangeantdespizzas.De tempsentemps, l’undenousmurmure :«Lesmilkshakes !»etnouspartonsd’unmême fou rire.C’estbonderetrouverunetellecomplicité,etlesjoiessimplesdelavie!Mêmesicelles-cin’annulentpaslatristessequejeressensaufonddemoi.
Versvingtheures,lepèred’Elliotsonneetdemandeàparleràsonfils.Jepatienteausalonpendantquetousdeuxdiscutentàlacuisine.Contretouteattente,iln’yapasd’éclatsdevoix,etjelesentendsmêmerigoler.Enfin,Elliotapparaît,avecunsouriregêné.
—Jerentrechezmoi,mesouffle-t-il.Avecmontéléphoneetmonordi.—Et…cequ’ilt’aditsurlesgarçons?—Ilm’aassuréqu’il irait«voirquelqu’un»,répondElliotenmimantdesguillemets,pourmieux
accepterma…«sexualité».—C’estdéjàpasmal!Ilacquiesceetmeprenddanssesbras.—Jet’aimetellement,maPen…—Moiaussi.Quand ils sont partis, jeme prépare une tisane etmonte dansma chambre.Quelle journée… ! Je
pousseunlongsoupir.Tomavaitraison:çam’afaitdubiend’affronterlesregardsetdedireàMegancequej’avaissurlecœur.
J’aperçoisjustementlecadeaud’Ollie,bienempaqueté,surlesol.Intriguée,jedéchirelepapieretdécouvreunephotoencadrée…d’Ollie!L’unedecellesquej’aiprisesàlaplage!J’éclatederire…Ilfautêtrevraimentégocentriquepouroffrirunephotodesoi !Cettepenséemerappelle lescadeauxdeNoah : la ravissante Princesse d’Automne, le livre de photos noir et blanc, la chanson composée ensecret…Tousserapportaientàmoietàmesgoûts.C’estcequ’onappelledevraiscadeaux.
Jevais àmon lecteurCD, appuie sur«Eject», et range le disquedans sonboîtier, ainsi que lesparoles.Endeuxpas,jesuisau-dessusdemapoubelle,lebraslevé.Maisc’estau-delàdemesforces…Mesdoigtsrestentcramponnésaucoffret.Endésespoirdecause,jelefourreaufonddemonarmoire.
Mamaineffleuremonordinateur.Affrontes-turéellementlemondesituévitesInternet?Non…Lemondeduwebexisteettudoisy
faireface.Sorscetordietconnecte-toi.Tuvasyarriver!JepenseàOcéanelaBattanteetm’installesurmonlitpourconsultermesmails.Iln’yenaqu’un.De
CelebMag.De:[email protected]À:[email protected]:Interviewexclusive!Uneoccasionenor…Bonjour!
Vouslesavezcertainement,nousavonsparlédevotrerelationavecNoahFlynnsurnotresiteweb.Nousvousproposonsàprésentdepartagervotreversiondesfaitsavecnos5300000lecteurs,etvousoffrons20000$contreuneinterviewexclusive.Lavisibilitédevotreblogs’entrouveraittrèsfortementaccrue,cequipourraitvousamenerdescontratscommerciaux.Dansl’attentedevotreréponse.Biencordialement
L’ÉQUIPEDECELEBMAG.
Jerestefigée,ahuriedetantdeculot.C’estmaintenantqu’ilsmedemandentmaversiondesfaits?!!Aprèsavoirracontétantdebobardsàmonsujet?!Commesij’allaisaccepterleurargentminable!!!
Jem’apprêteàrépondrerageusement,quandunemeilleureidéemevient.Direction:monblog.
4janvierDucontedeféesàl’histoired’horreurSalutàtous!Vous savez sans doute que ce blog a été le centre de beaucoupd’attention ces dernières quarante-huitheures.Voilàquedeparfaits inconnusdiffusentdesmensongesàmon sujetpartout sur leweb.Les rédacteursd’unsitepeopleontmêmeécritdesarticlessurmoisansmeconsulter.CespersonnesnemeconnaissentPAS.VOUSnemeconnaissezpas.Personnenesaitcequim’estréellementarrivé.Pourtant,celanevousapasempêchédedonnervotreavisetdemebombarderd’insultes.Jeme suis toujours efforcée d’être sincère enversmes lecteurs. C’était d’ailleurs tout l’intérêt de ceblog!Avoirunendroitoùjepuisseêtremoi-même.Jen’aiécriticiquelavérité.Mêmesi,parfois,cen’étaitquelavéritéqu’onmedonnaitàvoir.Je ne savais pas qui était réellementBrooklynBoy. Je savais qu’il s’appelaitNoah et qu’il aimait lamusique,maisj’étaisloindemedouterqu’ilavaituncontratavecSonyetencoremoinsqu’ilavaitunecopine.Sijel’avaissu,rienneseseraitpasséentrenous.Ilm’amenti.Ilm’abrisélecœur.Et,pourcouronner le tout,unepersonnemalveillanteadécouvert l’existencedecebloget révélémonidentitéaumondeentier.Auplusfortdecettetempête,j’aicruquemonmondes’écroulait.
Cesdeuxderniersjoursm’ontobligéeàvoirlacruautéetlapetitessedumondeduweb.Danscemonde,onattaquedespersonnesqu’onneconnaîtpas,toutenrestantplanquéderrièreunpseudo.MêmedegrossitestelsqueCelebMagsepermettentdepublierdesinformationssanslamoindrevérification.Aujourd’hui,CelebMagm’acontactéeetm’aproposéune interviewexclusivesurma« relationavecNoahFlynn»enéchangede20000$.Onm’expliquemêmeaussiqueceseraitunesuperpubpourmonblog!Commesi j’allaismelaisseracheterparunebandedementeurs!Etmêmes’ilsne l’étaientpas, jenevendrais jamaisd’information surpersonne–encoremoins surquelqu’unque j’aime–mêmes’ilm’ablesséeprofondément.Voicicequejevoudraisvousdire:àchaquefoisquevouspostezenligne,vousfaitesunchoix,soitvousapportez du bonheur dans lemonde – soit vous en retirez.Or, lemalheur est déjà bien assez présentautourdenous,inutiled’enajouter.Ceciestmadernièrenote.Àceuxquim’ontsoutenue:mercidetoutcœur.Jenevousoublieraijamais.
PENNYPORTERALIAS:GIRLONLINE
Chapitre44
Lelendemainmatin,jemeréveilleausondumessagecodé:«Jepeuxvenirtevoir?»«Oui.»Jemefrottelesyeuxetconsultel’horlogedemonportable:6h30!Jepanique.Ques’est-ilencore
passé?D’unpasgroggy,jedescendsluiouvrir.—Penny,commence-t-ilens’introduisantdansl’entrée,jesaisquetuasannoncéquetuarrêtaiston
blog.Maisilyaunechosequetudoisvoirabsolument.Ilm’agitesontéléphonesouslenez.—SiçaaàvoiravecNoah,laréponseestnon.Elliotsourit.—Oui,çaaunpeuàvoir,maisc’estchouette.Promis.Jesoupireavantdecéder:—Montre…Surl’écran,j’aperçoislalistedenotificationsdesoncompteTwitter.—Tuastonproprehashtag!s’écrie-t-il.—Hein?Jeregardelestweets.Toussefinissentpar#OnaimeGirlOnline.— Il y a aussi « #RendeznousGirlOnline » et « #OnveutGirlOnline », poursuit Elliot fièrement.
Depuistanoted’hiersoir,ilsfontlebuzz.Je lis lespremiers tweets : des compliments surmonblog,des appels ànepas l’abandonner et à
ignorerlesproposhaineux.PuisjerepèreuntweetdeMissPégase…Pardondet’avoirjugée.Reviens!#OnaimeGirlOnline
—Tesfansréclamenttonretour!C’estgénial,non?—Oui…Euh,non…Jenesaispas.Mesrécentesmésaventuresm’ontrendueplusqueméfiante…Jenesuispascertained’avoirenviede
reprendremonblog–surtoutquejenepeuxplusmeréfugierderrièrel’anonymatdeGirlOnline…—Lewebn’estpasqu’unmondevirtuel,poursuitElliot,ilestconnectéauréel.Tonblogestréel.Ildésignelestweetssursontéléphone.—…Toutcommelesoutienetl’amourdeteslecteurs.
Pendantdeuxjours,jemetriturelecerveaupoursavoirsijereprendsounonmonblog.Elliotmefait
descomptes-rendusrégulierssurlatendancedemeshashtags.
Dimanche,jemeréveilleauxpremierscrisdesmouettes.Pournepastournerenronddansmatête,jedécidedesortirprendredesphotos.Quandj’entredanslacuisinepourprendreunen-casàgrignoterenchemin,j’ytrouvepapaentraindelirelejournal.
—Tusors?medemande-t-il,surpris.—Oui,jevoudraisprofiterdel’heurematinalepourfairedesimagesdelaplage.Jefourreunebananedansmapoche.—Tuenaspourlongtemps?—Uneheureoudeux.—D’accord,répliquemonpèreenfronçantlessourcils.Maisturentresdirectementaprès.—Biensûr.Pourquoi?—Poursavoirquandjecommenceàpréparerledéjeuner.Àtoutàl’heure!Etilredisparaîtderrièresonjournal.Jem’apprêteàpasserlaportequandmamansurgitdansl’entrée.—Penny!Tuestombéedulit?—Jen’arrivaispasàdormir…Ettoi,alors?D’habitude,mamèreneselèvepasavantdixheuresledimanche.C’estleseuljouroùellepeutfaire
lagrassemat’.—Commetoi,jen’arrivaispasàdormir.Jehausselesépaules,compatissante.—Tantpis…Allez,àplustard!—Commentça,«àplustard»?—Jevaisàlaplage,fairedesphotos.Jeserairentréeavantledèj.—Bon,préviens-nouss’ilyaunchangementdeprogramme.—Promis.Àtoutàl’heure!Ce n’est qu’une fois en route que je comprends : ils s’inquiètent depuis ma dernière crise
d’angoisse…Aussitôt,j’envoieuntextoàpapa.Penny:Jeseraiauvieuxponton.
Çalerassureradesavoiroùjesuis.
Laplageestdéserte,surplombéeparuncielgrischatoyant.Bizarrement, je trouveçabeau.J’aimeêtreseulefaceàlamer.Abritéesousunepetitetentedeplage,j’observeleva-et-vientdesvagues.Lechagrin,d’uncoup,mesubmerge.MaintenantquemespenséessontmoinsaccaparéesparElliot,MeganetOllie,etmêmeparmonblog, lessouvenirsdeNoahpeuventproliférer. Jesongeà toutcequi s’estpassémaisneressensplusdecolère–seulementdelatristesse.
Auboutd’unlongmoment,jemeforceàmelever.Ilfautpasseràautrechose.Appareilenmain,jem’avanceverslevieuxponton.
J’adorelevieuxpontondeBrighton.Saleetdélabré,ilsemblesortitoutdroitd’unfilmd’horreur–surtoutaujourd’hui,aveclesbourrasquestourbillonnantesetlesvaguesquis’écrasentcontrelespilotis.Derrièremoirésonneunlongsifflement,sansdouteunmaîtreappelantsonchien.
Jem’accroupisetzoomesurleponton.Nouveausifflement,pluslongetplusinsistant.Lechienadûs’éloigner, ou peut-être est-il parti nager ? Je me retourne… Personne. Puis j’aperçois une tache decouleurausommetdelatentedeplage…Unéclatauburn.Sansréfléchir,jebraquemonobjectifdessus,maisaumomentd’appuyersurlebouton,jemefige.
—Qu’est-ceque…?Jeclignedesyeuxetregardedenouveau.
C’est Princesse d’Automne, installée sur le toit du petit abri !Comment est-ce possible ?! Je l’aipourtantlaisséeàBella!Lesgaletscrissentsousmessemellestandisquejem’avance.Ilyaforcémentuneexplication…C’estunepoupéequiluiressemble…Mais,plusjem’approche,mieuxjedistinguesarobe de velours bleu, la teinte crème de son visage et ses cheveux soyeux, balayés par le vent… Jem’immobilise et scrute les environs. Papa et maman l’auraient-ils rapportée sans me le dire ?Maispourquoi ? Et quelle idée de la laisser là ? Je sonde le largemais n’aperçois toujours rien…Alors,j’entendsunbruitdepasderrièremoi.Jemeretourned’unbond.
—Oh!Noahestlà,devantmoi,lacapuchedesonsurvêtremontéesurlatête.Ildevaitêtreaccroupiderrière
latente.—Tapoupéeselanguitdetoi,déclare-t-ilenladésignantdumenton.C’estBellaquimel’adit.Jerestemuette.C’estunehallucination,forcément.Ils’avanced’unpaset,instinctivement,jerecule.—Ilfautquejeteparle.—Je…jenecomprendspas…Unebourrasqueglacialemegifleetmeramèneàlaréalité.Jem’écrie:—Tum’asmenti!Pourquoi?Pourquoi?!—Jesuisdésolé.Jevoulaistouttedire,maisj’aieupeurdetoutgâcher.Mastupeursemueencolère.—Merévélerquetuavaisunecopine–oui,ç’auraitcertainementtoutgâché!Noahenfoncelesmainsdanssespochesetréplique:—Jen’aipasdecopine.Etjen’enavaispasquandons’estrencontrés.—Jerêve…Tuesvenujusqu’icipourcontinueràmementir?!—Cen’estpasunmensonge.—Iln’yaqu’àallersurInternet!Lestweets,lesarticles,les…—Desconneries.—Hein?LestweetsdeLeahBrownettoi?—Surtoutceux-là!Jeletoise.—Qu’est-cequetuentendspar:«surtoutceux-là»?—LedernieralbumdeLeahafaitunflop…Pourfaireremonterlesventes,lesgensdechezSonyont
voulumettre en scèneune faussehistoired’amourentre elle etmoi. Ilsprétendaientquece serait bonaussi pourmon album.Ça neme branchait pas,mais onm’a promis que c’était l’affaire de quelquesphotosetdedeux-troistweets.J’aivoulurefuser,maismoncontratétaitdéjàsigné.Jetepromets,Penny,quejen’avaispasdecopine…Jusqu’àcequetuentresdansmavie.
Jem’efforced’intégrertoutescesinformations.—Leahettoi,vousn’êtespas…—Non!Etonnel’ajamaisété.—Alors,ellen’apasétéblesséeparcequis’estpasséentrenous?Noahs’esclaffe.—Certainementpas!Çal’aunpeuagacéeaudébut,parcequecettehistoireluidonnaitl’airbête,
maislesventesdesonalbumontexploséetelles’esttrèsviteremise!—Jesuissidéréequ’unemaisondedisquesmonteuntelscénario…—Ouais,répond-ilenhaussantlesépaules.Apparemment,çaarrivesouvent.—Maispourquoinepasm’avoirexpliqué,toutsimplement?—J’yaipensémillefois…EtSadieLeem’ypoussait…Maisj’avaistroppeur.—Peurdequoi?
—Deteperdre.Iltournesonregardverslamer.—Quivoudraitd’untypequitrempedansdesbobardsmarketing…?Jenepeuxpasm’empêcherdesourire.Jen’aiplusdecolère.Noahestici.SurlaplagedeBrighton,
à quelquesmètres demoi. Il a traversé l’océan. Il n’a pas de copine. Il ne sort pas – et n’est jamaissorti–avecLeahBrown.Cependant…
—Pourquoim’avoirenvoyécetextoaccusateur?Etavoirchangédenuméro?—C’étaitunecrisedeparano…J’aicruquetuavaisfaittoutçapourdonnerdelavisibilitéàton
blog.—Jenesavaismêmepasquituétais!D’ailleurs,presquepersonnen’aentenduparlerdetoi,ici!À
partmonfrère,maisilécoutedestrucstellementbizarres…—Euh…merci!—Pardon,jevoulaisdire…Noahsouritàsontour.Etlaseulevuedesesfossettesréveillemesfrissons.Ilpoursuit:—J’aipaniqué,voilàtout.Surtoutquandestsortiel’histoiredemadépressionsuiteàlamortdemes
parents… et l’adresse demes endroits préférés. Je suis une personne très secrète, et jeme suis sentiagressé.
—Jenepeuxquecomprendre…Noahafficheaussitôtuneminesoucieuse.—Commenttugèresça,toi?—J’aifaitunecurededésintoxduweb…Ilrit,puisdemande:—Alors,tun’aspasvumanouvellevidéosurYouTube?Jesecouelatête.Ilmeprendparlamainetm’entraîneverslatentedeplage.Nousnousabritonsdu
ventetNoahsortsontéléphone.Endeuxclics,ilafficheunevidéodeluiquidit:«Cesdernierstemps,destasderumeursontcirculéàmonsujet.JenesuispasadeptedeTwitter,alorsjevaism’enteniràceque jeconnais lemieux :unechanson.Celle-ci sera la premièredemonnouvel album.Elle s’intituleFilled’Automneetparledel’uniqueamourdemavie.»
Àlafindelachanson,Noahmurmure:—Jesuisvraimentdésolé,Penny…—Cen’estpasgrave.—Quandj’ailutanotedeblog,jemesuissentitellement…tellementnul.Ilposesamainsurlamienne.—Onpourraitreprendre?—Entantqu’amis?Ilsecouelatête.—Entantqu’événementsperturbateurs.Parceque…«jet’aimetellementqueçapourraitbienêtre
del’amour».Etjenedispasçaàtouteslesfilles.—MêmepasàLeahBrown?jequestionneavecmalice.—JamaisàLeahBrown!Ilserapproche.—Jepeuxt’embrasser?—Oui,s’ilvousplaît.Sesmainsentourentmonvisage.—Vousêtessacrémentpolies,vous,lesAnglaises…Nousnousembrassonsmaisc’estunbaisertimide,presquecraintif.—Commentes-tuarrivéjusqu’ici?jedemande.
—J’aiprisl’avion.—Sansblague?!jepouffe.Jevoulaisparlerdelaplage.—C’esttonpèrequim’adéposé.—Quoi?Ilsavaitquetuvenais?—Ouais.J’avaisdemandéàtesparentsdegarderlasurprise.—Opérationréussie!Nous nous levons, mais mon pied glisse et je m’écroule sur la tente de plage. Je me relève
maladroitement,lesjouesrouges.—Sympa,tonroulé-boulé!jetteNoah.Jepeuxessayer?Ilprend sonélanet se jette sur l’abri.Nous roulons sur laplage,braset jambesentremêlés, riant
commedeuxenfants.Enquelquessecondes,lesdernièrestensionssontdissipéespourdebon.—Tum’astellementmanqué,ÉvénementPerturbateur…,souffleNoah.Etcettefois,notrebaisern’ariendecraintif.Cebaiser-làmedonnelasensationd’être,enfin,chez
moi.
Remerciements
Jetiensàremerciertoutel’équipeéditorialedePenguinpoursonaidedansl’écrituredemonpremierroman, en particulier Amy Alward et Siobhan Curham qui m’ont accompagnée pas à pas dans cetteentreprise.
MillemercisàmonagentDomSmales(Dombledore),l’hommeleplusattentionnédumondequi,parsonsoutiensansfaille,m’aaidéeàdevenirunefemmeplusassurée,etquim’aépauléetoutaulongdecetteaventurefaitedebienplusde«hauts»quede«bas».
JeremercieégalementMaddieChesteretNatalieLoukianos,mestalentmanagers,qui,avecdouceuretgentillesse,m’ontaidéeà tenirmesdélais (mêmequand j’étaiscomplètementàcôtéde laplaqueetincapabledem’organiser).
JedoisaussiungrandmerciàAlfieDeyesquiasupportébiendesnuitsconsacréesàl’écritureouàlarelecturedecelivre,etquim’aréconfortéequandlestressmegagnait.
Merciencoreàmafamille:papa,maman,monsuper-frangin,mesmamiesetmonpapiadoré–tousm’ontapportéunsoutiensansfaille.J’espèrelesavoirrendusfiers.
Je veux aussi remerciermes amis, anciens et nouveaux, dans la vraie vie et en ligne.Chacunmedonnel’énergied’avanceretdefairechaquejourcequej’aime.C’estunechanceimmensedevousavoirdansmavie.
MerciégalementàmaChummyLouised’êtrerestéesipositivedepuisquatreans,etdem’avoirtenulamainentouttemps,heureuxetdouloureux.
Tantdepersonnessesontréuniespourm’épauleraucoursdecetteaventure:jeprometsdetousvenirvousembrasserenpersonneunjouroul’autre(mêmesiceladoitmeprendreuntempsfou!).
Avectoutemonaffection,
ZoeSugg