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Les enchères inversées pénètrent le monde de la pige ! p. 2 Le pigiste polonais à l’assaut du marché français p. 3 La délocalisation offshore gagne la presse p. 4 Le monstre abusait les jeunes femmes depuis des mois p. 5 Pigiste. Le mag’ des pigistes • hors-série n° 1 • avril 2006 S P É C I A L H O R S - S É R I E Après avoir séduit les collectivités dans le secteur des marchés publics, les enchères inversées sont en passe de révolutionner le statut de pigiste. Quand la dématérialisation casse les prix… U n éditeur d’envergure nationale, titulaire de plusieurs publications, vient de lancer un por- tail destiné à faire directement appel à des pigistes. Le système est simple : dès lors que le jour- naliste y est inscrit, il reçoit des offres de piges pour des revues spécifiées, en rapport avec ses compé- tences (voir encadré). L’éditeur en question, bien que n’ayant fait aucune publicité, croule déjà sous les demandes (ses coordonnées sont disponibles sur simple demande, par courrier électronique unique- ment). Clairement, il entend révolutionner le monde de la pige en alliant qualité rédactionnelle et prix plancher. Au vu du succès de son entreprise auprès des jeunes pigistes, on peut imaginer que d’ici quelques mois les enchères inversées deviendront le processus majoritaire des relations entre pigistes et rédacteurs en chef. La société dont émane l’idée, qui fournit et gère le système sécurisé du site, a déjà une dizaine d’autres demandes représentant près 30 % du marché des piges. L’idée ? Elle est simplement née du secteur des marchés publics, reconnaît son président. L’achat privé utilisait déjà ce système qui permet de faire baisser le prix en réduisant le temps de négo- ciation tout en obtenant un « produit » de qualité. Oui, la pige devient un produit comme les autres, même si on lui reconnaît encore une certaine valeur ajoutée. La méthode semblait pourtant avoir du plomb dans l’aile après la prise de position défavorable du gouverne- ment. Concrètement, il s’agit d’éviter qu’un employeur s’adonne au dumping social en proposant une offre d’emploi en ligne et en laissant les candidats y postuler pour tirer les salaires vers le bas. Pourtant, deux sites sont déjà installés sur ce créneau : jobdumping.de et jobdealer.net. Sécurité juridique Le principal frein au lancement des enchères inversées ne tenait donc plus qu’au règlement des problèmes de sécurité juridique et technique. Mais la société Idée-@l a réussi à développer une véritable place de marché qui prend totalement en charge le processus d'enchères. L’éditeur paie un abonnement et un forfait à la prestation, c'est-à-dire à chaque nou- velle enchère passée par le rédacteur en chef. Une charte de fonctionnement « sur mesure » a été éla- borée au profit de l’éditeur, lui permettant de se garantir contre des pigistes indélicats. Tout candidat souhaitant être référencé comme fournisseur officiel d’une ou plusieurs publications de l’éditeur doit impérativement signer la charte. Cette charte publique définit les aspects techniques et juridiques de l’enchère. Elle organise le déroulement de l'enchère et son issue. La charte fixe ainsi les modalités de l'enchère et sa durée, elle précise les critères d'attribution de la pige et la nature de l’offre du journaliste, qui devient ferme et définitive sous peine de devoir payer des indemnités compensa- trices au rédacteur en chef devenu acheteur. On y est, le pigiste est devenu un fournisseur ! - 2 - Les enchères inversées pénètrent le monde de la pige ! ARTICLES MOINS-DISANTS Comment ça marche ? Pour répondre aux offres de piges de l’éditeur, le journaliste indépendant s’inscrit sur un site prévu à cet effet. Après avoir montré patte blanche et donné toute information utile concernant son identité, ses références professionnelles et… bancaires, ses compétences, l’éditeur informe le candidat à la pige s’il est retenu. Dans ce cas, pas encore de piges à l’horizon mais le journaliste est alors référencé comme il se doit sous un ou plusieurs thèmes. On lui délivre alors un identifiant et un mot de passe qui lui permettront de suivre l’actualité du marché sur lequel il se trouve et surtout de répondre aux offres de piges. Plusieurs phases successives se mettent alors en place. Dans le cadre de telle ou telle publication, le rédacteur en chef lance une idée de sujet en précisant éventuellement l’angle et un calibrage global aux seuls candidats référencés pour son domaine d’activité. Il indique alors une date limite de remise des propositions de piges aussi détaillées que possible. Une fois cette remise effectuée, démarre la compétition proprement dite. Durant un temps limité, en général moins d’une heure et selon un rendez-vous fixé, les candidats pigistes s’affronteront en baissant les prix au fil de l’enchère… Tout candidat qui n’a pas fait de proposition pendant un laps de temps de 10 minutes au cours de l’enchère est automatiquement exclu de la compétition. Au bout du temps imparti, le journaliste le moins cher l’emporte dès lors qu’il reste dans le cadre des conditions initiales fixées par le rédacteur en chef. Ce dernier peut toutefois annuler l’enchère s’il considère que l’offre finale ne répond plus au papier qu’il avait demandé. Pigiste hors-série n° 1 - avril 2006

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Les enchères inversées pénètrent le monde de la pige! H O R S - S É R I E - 2 - S P É C I A L Sécurité juridique Après avoir séduit les collectivités dans le secteur des marchés publics, les enchères inversées sont en passe de révolutionner le statut de pigiste. Quand la dématérialisation casse les prix… ARTICLES MOINS-DISANTS Comment ça marche? Le mag’ des pigistes • hors-série n°1 • avril2006 Pigiste hors-série n°1 - avril2006

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Les enchères inverséespénètrent le monde de la pige ! p. 2

Le pigiste polonais à l’assaut du marchéfrançais p. 3

La délocalisation offshore gagne la presse p. 4

Le monstre abusait les jeunes femmes depuis des mois p. 5

Pigiste.✍Le mag’ des pigistes • hors-série n° 1 • avril 2006

SPÉCIAL

HORS-SÉRIE

Après avoir séduit les collectivités dans le secteur des marchés publics, les enchères inversées sont en passe de révolutionner le statut de pigiste. Quand la dématérialisation casse les prix…

Un éditeur d’envergure nationale, titulaire deplusieurs publications, vient de lancer un por-tail destiné à faire directement appel à des

pigistes. Le système est simple : dès lors que le jour-naliste y est inscrit, il reçoit des offres de piges pourdes revues spécifiées, en rapport avec ses compé-tences (voir encadré). L’éditeur en question, bien quen’ayant fait aucune publicité, croule déjà sous lesdemandes (ses coordonnées sont disponibles sursimple demande, par courrier électronique unique-ment). Clairement, il entend révolutionner le mondede la pige en alliant qualité rédactionnelle et prixplancher. Au vu du succès de son entreprise auprèsdes jeunes pigistes, on peut imaginer que d’iciquelques mois les enchères inversées deviendront leprocessus majoritaire des relations entre pigistes etrédacteurs en chef. La société dont émane l’idée, quifournit et gère le système sécurisé du site, a déjà unedizaine d’autres demandes représentant près 30 % dumarché des piges. L’idée ? Elle est simplement née dusecteur des marchés publics, reconnaît son président.L’achat privé utilisait déjà ce système qui permet defaire baisser le prix en réduisant le temps de négo-ciation tout en obtenant un « produit » de qualité. Oui,la pige devient un produit comme les autres, même sion lui reconnaît encore une certaine valeur ajoutée. Laméthode semblait pourtant avoir du plomb dans l’aileaprès la prise de position défavorable du gouverne-ment. Concrètement, il s’agit d’éviter qu’un employeurs’adonne au dumping social en proposant une offred’emploi en ligne et en laissant les candidats y postulerpour tirer les salaires vers le bas. Pourtant, deux sitessont déjà installés sur ce créneau: jobdumping.de etjobdealer.net.

Sécurité juridique

Le principal frein au lancement des enchèresinversées ne tenait donc plus qu’au règlement desproblèmes de sécurité juridique et technique. Mais lasociété Idée-@l a réussi à développer une véritableplace de marché qui prend totalement en charge leprocessus d'enchères. L’éditeur paie un abonnementet un forfait à la prestation, c'est-à-dire à chaque nou-velle enchère passée par le rédacteur en chef. Unecharte de fonctionnement « sur mesure » a été éla-borée au profit de l’éditeur, lui permettant de segarantir contre des pigistes indélicats. Tout candidatsouhaitant être référencé comme fournisseur officiel

d’une ou plusieurs publications de l’éditeur doitimpérativement signer la charte. Cette chartepublique définit les aspects techniques et juridiquesde l’enchère. Elle organise le déroulement del'enchère et son issue. La charte fixe ainsi lesmodalités de l'enchère et sa durée, elle précise lescritères d'attribution de la pige et la nature de l’offredu journaliste, qui devient ferme et définitive souspeine de devoir payer des indemnités compensa-trices au rédacteur en chef devenu acheteur. On yest, le pigiste est devenu un fournisseur !

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Les enchères inverséespénètrent le monde de la pige !

ARTICLES MOINS-DISANTS

Comment ça marche ?

Pour répondre aux offres de piges de l’éditeur, le journaliste indépendant s’inscrit sur un siteprévu à cet effet. Après avoir montré patte blancheet donné toute information utile concernant son identité, ses références professionnelles et…bancaires, ses compétences, l’éditeur informe le candidat à la pige s’il est retenu. Dans ce cas,pas encore de piges à l’horizon mais le journalisteest alors référencé comme il se doit sous un ou plusieurs thèmes. On lui délivre alors un identifiant et un mot de passe qui luipermettront de suivre l’actualité du marché sur lequel il se trouve et surtout de répondre aux offres de piges. Plusieurs phases successivesse mettent alors en place. Dans le cadre de telleou telle publication, le rédacteur en chef lance une idée de sujet en précisant éventuellementl’angle et un calibrage global aux seuls candidatsréférencés pour son domaine d’activité. Il indiquealors une date limite de remise des propositionsde piges aussi détaillées que possible. Une foiscette remise effectuée, démarre la compétitionproprement dite. Durant un temps limité, en général moins d’une heure et selon un rendez-vous fixé, les candidats pigistess’affronteront en baissant les prix au fil de l’enchère… Tout candidat qui n’a pas fait de proposition pendant un laps de temps de 10 minutes au cours de l’enchère estautomatiquement exclu de la compétition. Au bout du temps imparti, le journaliste le moinscher l’emporte dès lors qu’il reste dans le cadredes conditions initiales fixées par le rédacteur en chef. Ce dernier peut toutefois annuler l’enchères’il considère que l’offre finale ne répond plus au papier qu’il avait demandé.

Pigiste hors-série n° 1 - avril 2006

Vous avez été sensible au sex-appeal du plombier polonais ? Voici maintenant le pigiste polonais. Selon un article de La Libre République du 22 mars dernier,la France compterait 295 pigistes originaires de Pologne employés par des journaux français.

Ceux qui prédisaient une invasion de pigistes polonaisne se sont pas trompés », a indiqué la Commission deBruxelles dans un communiqué. C'est une réalité :jamais les pigistes n'auront autant fait parler d'eux,qu'ils parlent la langue de Voltaire ou celle de Varsovie.Cette semaine encore, dans notre boîte aux lettres, uncourrier a retenu notre attention. Il émane du Groupegénéral de presse qui propose des « piges en languepolonaise traduites en français par des traducteurstravaillant à leur compte, eux-mêmes polonais ». Puisle texte dramatise, en caractères gras : « Vous le savezsans doute, il y a un manque de pigistes en France »Les quelques articles que nous avons pu lire montrentque les rédactions concernées vont connaître quelquesdéboires face à des papiers mal traduits et bourrés defôtes d’hortaugraffes. Comme le précise la note à l’at-tention d’un rédacteur : « Votre article compte plus de150 fautes au feuillet […]. En le publiant, il y a unrisque pour que ça tourne mal. »

Le commissaire européen Fritz Blouktein, auteurcontesté du projet de directive sur la libéralisationdes services en Europe, ne pouvait pas deviner que saformule sur le « pigiste polonais » allait connaîtreune belle carrière. L'énervement des Polonais en estla cause. On était déjà « saoul comme un Polonais ».Les nouveaux entrants de l'Union européennen'avaient guère besoin que l'on en rajoute en faisantdu malheureux pigiste polonais la cause du « non »français au projet de Constitution. Il fallait réagir. Lacontre-attaque est venue du ministère de l'Économie,à Varsovie, dont dépend l'Organisation polonaise dela presse. Elle a d'abord pris l'allure d'une apparitionimberbe sur fond d'air pur et champêtre : un pigisteblondinet aux airs de Minitel rose, avec un stylo et unbloc papier porté en cor de chasse et une bretelle detablier subtilement arrachée pour dégager biceps etpectoraux. Et pour commentaire : « Je reste en Polo-gne, pigistes français, venez nombreux. »

Les pigistes français se rueront-ils désormais entranse vers les cités hanséatiques de Poméranie ou aufestival Chopin de Basse-Silésie ? L'effervescence sefait au moins sentir dans les rédactions polonaises.

Les appels téléphoniques sont incessants, la presseréclame des informations, les entrées quotidiennessur le site Internet (http://www.pigiste.pologne.net)ont quasiment quintuplé. « C'est fou, je n'ai jamaisvu un truc pareil ! observe Elzbieta Gdanisk, chargéede la communication au ministère de l’Économie. Onne s'attendait vraiment pas à ça… »

Émile Durand-Djarovik

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Le pigiste polonais à l’assautdu marché français

«

Pigiste hors-série n° 1 - avril 2006

Yves Barros • [email protected]

La direction du journal France Matin a confirmé ce matin les rumeurs quicirculaient depuis plusieurs semaines au sujet de l’éventuelle délocalisationd’une partie de son activité dans un pays « low-cost ».

Àla surprise générale, les services informati-ques du groupe de presse ne sont pasconcernés par la réorganisation à venir. En

revanche, sa rédaction sera délocalisée à Pondichéryà compter du 1er juin 2006. Objectifs pour FranceMatin : réduire les coûts de fonctionnement etrevenir à l'équilibre d'ici à la fin de l’année 2007.

Au total, 11 journalistes en CDI et 23 pigistes sontconcernés. La direction leur laisse le choix entre unlicenciement ou un nouvel emploi en Inde. Pourconserver leur poste, il leur faudra toutefois signer unnouveau contrat de travail mais aux conditionslocales selon le principe de territorialité. « Cette situ-ation est intolérable », s’indigne Pierre Julien, jour-naliste pigiste pour France Matin depuis plus devingt ans. « La direction a rompu tout dialogue avecnous. Nous sommes déjà très mal payés à Paris. Nosrécents contacts avec nos confrères indiens du Cal-cutta Soir nous font par ailleurs craindre le pire. EnInde, les journalistes du groupe sont rémunérés enhonoraires et ils sont très peu payés. Ils n’ont nitickets restaurants ni congés payés. Bien sûr, lescotisations sociales sont également à leur charge… »

Une cinquantaine de salariés du groupe ont entaméune grève illimitée pour protester contre cette déci-sion. Ils sont soutenus par le SNJ, la CGT, SUD et laFISPO (Fédération intersyndicale des pigistesoutsourcés). Créée au début du mois de mars à l’ini-tiative des salariés de La Bannière – quotidien qui aquant à lui choisi d’externaliser en partie sa rédactionen Colombie –, cette dernière association entenddéfendre les pigistes confrontés aux délocalisations.

Christophe Dutheil

Avertissement au lecteur : les personnages et grou-pes de presse de cet article pouvant devenir réels,toute ressemblance avec des individus et sociétésimaginaires serait purement fortuite.

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La délocalisation offshoregagne la presse

OUTSOURCING EN INDE

Pigiste.✍Rédaction : http://www.pigiste.org

Président de Profession : Pigiste, directeur de publication :Yann KERVENO (06 08 49 89 54 - [email protected])

Rédacteur en chef : Christophe BELLEUVRE (06 72 70 19 01 [email protected])

Rédaction : Yves BARROS - Hélène DION - Émile DURAND-DJAROVIK - Christophe DUTHEIL - Alice TOIRDROLL -Dominique ZNAMIROWSKIMaquette : Dominique ZNAMIROWSKICommunication – Relations presse : Marie-Jeanne MARTI

Éditeur : Profession : Pigiste (loi 1901), l’association des journa-listes pigistes de la presse écrite, 66, rue Labrouste, 75015 Paris.E-mail : [email protected] • Web: http://www.pigiste.org

Toute reproduction intégrale ou partielle sans le consentement de l’auteur est

strictement interdite - Article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle.

Pigiste hors-série n° 1 - avril 2006

Yves Barros • [email protected]

Un nouveau scandale touche le magazine Un corps de rêve dont la journalistepigiste chérie des lectrices, Annie Callipyge, vient de révéler dans les pages de Cannes-Dimanche qu’elle est en réalité un homme. L’émotion est à son combledans la rédaction et chacun s’avoue stupéfait, même si certains affirment qu’ils avaient des doutes.

La célèbre chroniqueuse de mode Annie Callipyge n’était donc pas

celle que l’on croyait. L’affaire a débuté lors de la présentation à la presse

de chaussettes montantes en pure laine de yackorganisée par la marque italienne Pedestro.

Le célèbre fabricant transalpin remettait à chaque journaliste un joli pot à vin garni de ses fameuses

chaussettes et organisait un gentil concours intitulé « Le plus beau mollet », doté de nombreux

lots. À cette occasion, toutes les journalistesparticipantes ont remarqué qu’Annie Callipyge

refusait obstinément de participer. Et déjà, les commentaires allaient bon train, comme

nous le confirme Marie-Chantal Dubois, rédactrice mode chez Paris Folies :

« Quand elle – enfin, il – a refusé d’enfiler ses chaussettes, nous avons cru qu’elle – enfin, il – avait une jambe de bois. Ou pire, qu’elle –enfin, il – n’était pas épilée ». L’émotion était

également insoutenable chez les équipes de Pedestro, ainsi que le rapporte l’assistante

du P-DG, qui préfère rester anonyme : « J’ai biencru que Cochonnet, euh… que le président allait

avoir une attaque. Il était sûr qu’elle était passée à la concurrence, qu’elle préférait les bas

en peau de zébu. » Le maître d’hôtel,stratégiquement posté à proximité du buffet,

a pu observer toute la scène. « Elle avait des panards commacs mais pas un cul de vache.

C’est un détail que j’ai remarqué tout de suite, ça collait pas », se souvient Paul Mirliton

qui ajoute : « Et puis, elle a repris trois fois des toasts aux rillettes. J’avais jamais

vu ça en trente années de banquets de presse féminine. »

Nous avons toutes été trompées !

C’est alors que les salons de thé bruissaient de rumeurs, des plus plausibles comme « Annies’est brûlée à la cire chaude » jusqu’aux moins

improbables telle que : « Elle a touché un chèque du Syndicat des bas résille », que la nouvelle est tombée. Notre confère Cannes-Dimancheannonçait en première page : « Annie Callipyge est un homme ! », photos à l’appui. Dans les colonnes de notre estimable confrère, le monstre, puisque c’est bien ainsi qu’il faut désormais l’appeler, tente de justifiersa forfanterie : « J’étais pigiste dans la presse

automobile. Mais avec la hausse du pétrole, ça ne se vendait plus. » Et d’ajouter, sans vergogne : « Une amie m’a parlé d’un dossier à piger dans Un corps de rêve sur le massage.Comme j’ai beaucoup pratiqué, j’ai envoyé un synopsis qui a été accepté. » Comble de l’insolence et de l’irresponsabilité, il précise : « La rédactrice en chef a cru que j’étais une femme, je ne l’ai pas détrompée. » Eh bien il en va de notre devoir de journaliste

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Le monstre abusaitles jeunes femmes

RÉVÉLATIONS EXCLUSIVES

Pigiste hors-série n° 1 - avril 2006

Yves Barros • [email protected]

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RÉVÉLATIONS EXCLUSIVES

Pigiste hors-série n° 1 - avril 2006

intègre de répondre haut et fort à cet être abject :« Môssieur, vous nous avez toutes trompées ! »

Les conséquences de ce scandale sont déjà perceptibles. Outre le fait qu’une partie de nos lectrices s’est réfugiée dans la lecture

sans risque de Mode et Tricots, des événementsautrement plus significatifs sont en préparation.

Une source bien informée nous a d’ores et déjàconfirmé qu’un véritable séisme est sur le point

de se produire. « Nous avons reçu des consignestrès strictes. Plus aucun échantillon au-dessus

du 44 ne sera proposé aux journalistes » nous confie Sophie L., qui précise :

« Et nous devrons examiner, discrètement mais quand même, les lèvres supérieures

à l’entrée des salles de conférence. » Les conséquences de cette sinistre farce

vont se faire sentir très rapidement. De nombreuses collègues ne pourront

plus tester les articles ni assister aux conférences de presse.

Parce qu’un malotru imaginait avoir besoin de travailler, c’est toute une filière

professionnelle qui est fragilisée. C’est notre liberté, toute la liberté de la presse,

qui est remise en cause.

Alice Toirdroll

Toujours soucieux d’informer ses lecteurs,Pigiste a retrouvé l’ex-Annie Callipyge pour lui poser les questions qui nous intéressent tous. Entretien.

Pigiste : Annie, comment ce journal ne s’est-il aperçu de rien ?

Annie Callipyge : Je travaillais surtout par courriel. Je ne passais jamais à la rédaction et quand j’avais la rédac chef au téléphone, c’était facile. Un peu de médisance, beaucoup de parti pris et trois fois la même question dans la même phrase. Emballé, c’est pesé !

Oui, mais vous êtes allé à des conférences,vous avez participé à des présentations…

Là, c’était plus délicat. Surtout au début, mais après j’avais une tactique sûre : tu embrasses tout le monde, mais sans toucher la joue. Tu lances un éclat de rire avant la fin de la phrase.Et surtout, surtout, tu ne manges rien au buffet.C’est ça le plus dur.

Mais quand même, tous les dircom’ne sont pas aveugles…

J’avais une botte secrète ! Prononcer dans la même phrase les trois mots magiques…

Des mots magiques ?

Oui, et à énoncer dans cet ordre: intérêt, article et le nom d’un concurrent. C’est comme à la pêche.D’abord tu appâtes, ensuite ça mord et enfin tu ferres.

A. T.

D. R.

Ce hors-série de Pigiste a été révisé par une société de correction en ligne installée au Maroc, la réalisation matérielle effectuée au Québec, par des employés pakistanais.