26
- 1 - Dermot Quinn était en plein milieu d’un rêve parti- culièrement doux et agréable lorsqu’il entendit frapper à la porte. A regret, il ouvrit les yeux. Il fut aussitôt ébloui par le soleil matinal qui filtrait sous le rideau de la chambre de sa péniche, et les referma aussitôt. Encore une belle journée sur Seattle aujourd’hui ! D’habitude il essayait toujours d’en profiter au maximum. Mais là, il n’avait pas envie de se lever tout de suite. Aujourd’hui, il avait envie de traîner au lit. Il se retourna et enfouit son visage dans son oreiller puis esquissa un sourire rêveur en reconnaissant le parfum féminin. Le parfum de Kelly. Elle avait passé la nuit sur la péniche. Ils s’étaient retrouvés dans un bar, la nuit dernière, comme ils le faisaient régulièrement et avaient partagé quelques verres avant de rentrer chez lui pour une nuit de sexe libre de tout engagement et de toute complication. Il jeta un coup d’œil au réveil. 8 heures. Kelly devait être partie faire son jogging, pour leur éviter la conversation gênée du matin, mais elle avait dû changer d’avis, et c’était elle qui revenait pour un nouveau corps à corps sensuel. A vrai dire, cette perspective ne lui déplaisait pas. Impatient, il enfila un jean et se dirigea vers la porte.

Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

  • Upload
    others

  • View
    10

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

- 1 -

Dermot Quinn était en plein milieu d’un rêve parti-culièrement doux et agréable lorsqu’il entendit frapper à la porte. A regret, il ouvrit les yeux. Il fut aussitôt ébloui par le soleil matinal qui filtrait sous le rideau de la chambre de sa péniche, et les referma aussitôt.

Encore une belle journée sur Seattle aujourd’hui ! D’habitude il essayait toujours d’en profiter au maximum. Mais là, il n’avait pas envie de se lever tout de suite.

Aujourd’hui, il avait envie de traîner au lit.Il se retourna et enfouit son visage dans son oreiller

puis esquissa un sourire rêveur en reconnaissant le parfum féminin.

Le parfum de Kelly.Elle avait passé la nuit sur la péniche. Ils s’étaient

retrouvés dans un bar, la nuit dernière, comme ils le faisaient régulièrement et avaient partagé quelques verres avant de rentrer chez lui pour une nuit de sexe libre de tout engagement et de toute complication.

Il jeta un coup d’œil au réveil. 8 heures.Kelly devait être partie faire son jogging, pour leur

éviter la conversation gênée du matin, mais elle avait dû changer d’avis, et c’était elle qui revenait pour un nouveau corps à corps sensuel.

A vrai dire, cette perspective ne lui déplaisait pas.Impatient, il enfila un jean et se dirigea vers la porte.

Page 2: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 11

Sa relation avec Kelly obéissait à une routine bien établie, mais il n’était pas contre quelques changements de programme, de temps en temps. Surtout quand il était question de sexe.

— Tu n’aurais pas dû verrouiller la porte en partant, lança-t-il en tournant la poignée avant de se figer net.

Ce n’était pas Kelly, de l’autre côté de la porte, mais son frère jumeau, Kieran.

— Bon sang, Dermot, lui lança ce dernier sans lui laisser le temps de réagir, tu ne réponds jamais au télé-phone ? Cela fait une heure que j’essaye de t’appeler !

— J’ai éteint mon portable. Mais, dis-moi, que fais-tu ici ? On est samedi. Tu fais la grasse matinée d’habitude.

Il remarqua soudain que le regard de Kieran était anormalement grave.

— Grand-père m’a appelé. Il veut nous voir tous dans son bureau, dans une demi-heure. Alors finis de t’habiller et nous filons.

Dermot fut incapable de masquer sa surprise.— Il veut nous voir un samedi matin ?— Oui, je sais, c’est étrange. Je t’avoue que je suis

même un peu inquiet.— T’a-t-il dit pourquoi il voulait nous voir ?— Non, mais, comme il a passé toute la semaine

enfermé dans son bureau, je me demande s’il n’a pas reçu une offre d’achat pour les chantiers navals.

Depuis leur plus jeune âge, Dermot et ses frères travaillaient dans l’entreprise familiale, les chantiers navals Quinn Yachtworks. Ils avaient commencé au bas de l’échelle, balayant les entrepôts puis jouant les coursiers ce n’est qu’au fil du temps qu’ils avaient acquis leurs responsabilités.

Leur grand-père Martin, un immigré irlandais, était

Page 3: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus12

arrivé aux Etats-Unis l’année de l’élection du président Kennedy. Veuf et père d’un garçon de deux ans, sans un sou en poche, il était déterminé à commencer une nouvelle vie. Quelques années plus tard, il avait créé son entreprise.

Après la disparition de leurs parents, tout le monde avait pensé que Martin prendrait sa retraite rapidement et que l’entreprise passerait entre les mains de ses frères et lui. Mais Martin n’avait toujours pas pris sa retraite.

Il ne semblait même pas pressé de le faire.— Tu ne penses pas qu’il est malade, tout de même ?

hasarda Dermot.— Pourquoi penses-tu cela ?— Je ne sais pas… Il a tout de même soixante-dix-

sept ans, il vieillit.— Je t’interdis de dire cela, rétorqua Kieran. Grand-

père va bien. De toute façon, si ce n’était pas le cas, nous le saurions.

Jugeant préférable de ne rien ajouter, Dermot ouvrit son placard et resta un instant immobile, pensif, comme s’il hésitait sur la couleur de la chemise qu’il allait porter.

— Dépêche-toi, s’impatienta Kieran. Peu importe ce que tu mets, mais habille-toi. Nous devons passer prendre Cameron sur le chemin et discuter. On retrouvera Ronan directement sur place.

— De quoi devons-nous « discuter » ? Nous ne savons même pas pourquoi grand-père veut nous voir.

— Cela ne nous empêche pas de nous préparer. Si grand-père a l’intention de vendre, nous devons pouvoir lui faire une contre-proposition sans attendre.

Surpris, Dermot fixa son frère.— Tu es sérieux ?

Page 4: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 13

— Oui, évidemment. Tu veux conserver ton emploi, n’est-ce pas ?

A vrai dire, il ne s’était jamais posé de question sur son avenir. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il aimait travailler pour l’entreprise, qu’il gagnait bien sa vie et qu’il était libre de ses horaires. Il savait aussi que son poste de directeur des ventes lui permettrait de voyager et de rencontrer des gens intéressants.

Cette vie n’était peut-être pas celle à laquelle il rêvait lorsqu’il était enfant, mais on ne gagnait jamais sa vie avec ses rêves d’enfants, n’est-ce pas ? En plus, sa vie actuelle était plutôt agréable.

Il n’avait donc pas à se plaindre.Kieran, lui, occupait le poste de directeur financier.

Pas étonnant d’ailleurs, il avait toujours été le plus orga-nisé de la fratrie, celui qui pouvait se concentrer sur les projets à long terme, cet emploi lui revenait donc d’office. Cameron, leur frère aîné, était le chef du département design. Il était en charge des équipes d’architectes et de designers. Quant à Ronan, il supervisait la construction.

A eux quatre, ils couvraient tous les départements clés de l’entreprise et, depuis leur arrivée à ces postes, cette dernière n’avait jamais autant prospéré.

— Peut-être essaye-t-il de décider à qui confier les rênes de l’entreprise, suggéra-t-il soudain en finissant de s’habiller.

— Peut-être… Selon toi, qui devrait être le patron ?— Moi, répondit-il, devinant que cette réponse irri-

terait son frère.Il comprenait d’ailleurs que Kieran nourrisse les mêmes

ambitions que lui. Après tout, il était peut-être celui qui avait la vision la plus globale de l’entreprise.

D’un autre côté, sans Cameron, sans son génie créatif,

Page 5: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus14

les chantiers navals Quinn ne résisteraient pas à la concur-rence féroce qui régnait dans le secteur. Mais cela ne voulait pas dire qu’il n’avait pas, non plus, un rôle capital.

— Sans directeur des ventes, sans mon talent de négociateur, nous ne vendrions pas beaucoup de bateaux. Et si nous ne vendions pas de bateaux, les chantiers n’existeraient pas.

— Tu n’as aucune idée de comment l’entreprise est gérée, lui rétorqua Kieran. Avec toi, nous déclarerions faillite en un an.

— Cameron pense que ce devrait être lui le patron et je n’y suis pas opposé, poursuivit Dermot. Nous ne pouvons pas nous passer de ses talents. Quant à Ronan, à vrai dire, je crois que cela lui importe peu.

Kieran le dévisagea, les yeux écarquillés.— Es-tu en train de me dire que moi, au contraire, je

pourrais être remplacé ? s’étonna Kieran.— Oui, tout comme moi.— Dans ce cas-là, Cameron devrait en effet être

le patron. Nous sommes d’accord. Si grand-père nous pose la question tout à l’heure, nous saurons donc quoi lui répondre.

Dermot ne répondit pas tout de suite, il finit d’abord d’enfiler ses chaussures.

— Je suis prêt, nous pouvons y aller.Le trajet entre sa péniche et l’appartement de son frère,

dans le quartier de la Reine Anne, leur prit une dizaine de minutes.

Lorsqu’ils arrivèrent, Cameron les attendait déjà devant la porte.

— Alors, les gars, avez-vous une idée du pourquoi de la réunion ? leur demanda aussitôt Cameron en montant dans la BMW de Kieran.

Page 6: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 15

— A mon avis, ce n’est rien de grave. Si ça se trouve, grand-père veut simplement que nous signions quelques papiers. Ou peut-être a-t-il décidé de prendre quelques jours de vacances.

— Peut-être, répondit Kieran en hochant la tête. Mais je n’y crois pas trop. Grand-père a passé toute sa vie à travailler. Il adore ça, pourquoi commencerait-il à voyager à son âge ?

— Il a toujours parlé de faire le tour du monde en bateau, leur rappela Cameron.

Dermot ne répondit pas et Kieran non plus. Le silence s’installa dans la voiture, et Dermot aurait parié que, tout comme lui, ses frères se demandaient encore et toujours ce que leur grand-père voulait leur dire.

Cette réunion était vraiment étrange.Elle l’était d’autant plus que leur grand-père les avait

rarement conviés tous les quatre dans son bureau en même temps. La dernière fois qu’il l’avait fait, c’était pour leur annoncer que l’entreprise allait racheter un concurrent. Mais avec la crise économique à laquelle ils devaient faire face en ce moment, aucune OPA n’était envisageable. Il y avait donc autre chose.

Mais quoi ?La grille de l’entreprise était ouverte lorsqu’ils arrivèrent

et Kieran se gara à côté du 4x4 de Ronan.Les bureaux de Quinn Yachtworks étaient situés dans le

quartier de Salmon Bay. C’était le lieu idéal pour lancer les yachts luxueux qu’ils construisaient. Leur entreprise était l’une des plus prospères de la côte Ouest, et ils avaient de nombreuses stars du sport ou du cinéma comme clients.

Miriam, la secrétaire de leur grand-père, était à son poste lorsqu’ils arrivèrent devant le bureau. Comme toujours,

Page 7: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus16

elle les salua poliment, mais ne leur donna aucun indice sur ce qui les attendait à l’intérieur.

— Asseyez-vous, leur lança Martin lorsqu’ils entrèrent enfin, quelques secondes plus tard.

Installé sur le canapé en cuir, Ronan releva la tête et leur adressa un regard inquiet.

— J’imagine que vous vous demandez pourquoi je vous ai fait venir, commença Martin, alors je ne vous ferai pas languir plus longtemps. Mon avocat m’a rappelé il y a quelque temps que le moment était venu pour moi de penser à ma succession.

Dermot fixa son grand-père et remarqua une lueur désabusée sur le visage de ce dernier.

Martin Quinn n’aimait pas qu’on lui rappelle qu’il n’était qu’un simple mortel.

— Tu ne vas pas prendre ta retraite, n’est-ce pas ? demanda-t-il.

— Pas demain, non, répondit son grand-père. Mais mon avocat a raison, je dois penser au futur de l’entreprise.

— Tout va bien ? le coupa Cameron, d’une voix trahissant l’inquiétude. Tu n’es pas malade, au moins ?

— Non, je suis en pleine forme, les rassura le vieil homme, mais je dois penser au futur. Et pour organiser l’avenir, j’ai dû repenser au passé. Lorsque vos parents sont morts, vous m’avez rejoint. Vous avez passé tous vos week-ends à travailler, à apprendre, au lieu de vous amuser comme tous les adolescents. Je pensais à l’époque que c’était la meilleure façon pour vous de faire votre deuil. Aujourd’hui, je comprends que c’était surtout la meilleure façon, pour moi, de faire mon deuil.

— Mais nous aimions travailler avec toi, grand-père, répliqua Kieran, comme un cri du cœur.

— Je le sais, mais vous aviez aussi d’autres rêves,

Page 8: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 17

comme tous les enfants. Dermot, je me souviens que tu souhaitais devenir vétérinaire. Et toi, Cameron, tu rêvais d’être archéologue.

— Paléontologue, corrigea celui-ci.— Et toi, Kieran… Je ne me souviens pas bien…— Je voulais devenir cow-boy, ou alors sergent dans

la police montée canadienne, acheva Kieran.— Quant à toi, Ronan, poursuivit Martin, tu souhai-

tais simplement retrouver tes parents. Si je vous dis tout cela aujourd’hui, c’est que je me suis rendu compte que je ne vous ai jamais donné la chance, la possibilité, de poursuivre vos rêves. Et, maintenant que l’heure est venue de décider si je vous lègue cette entreprise ou si je la vends, j’ai l’impression que vous n’êtes peut-être pas prêts à prendre une décision concernant votre futur. Je ne veux pas vous obliger à renoncer à vos rêves pour vous occuper de l’entreprise.

— Grand-père, jamais nous ne…, commença Dermot.— Laissez-moi terminer, s’il vous plaît.Son grand-père croisa les mains sur son bureau puis

les regarda, lui et ses frères, l’un après l’autre.— Je suis arrivé dans ce pays avec pour seul bagage

cent dollars en poche et la volonté de réussir, d’offrir une existence convenable à mon fils, reprit le vieil homme. J’ai créé ma vie de toutes pièces, ce que vous n’avez pas eu la chance de pouvoir faire et…

— Nous adorons travailler avec toi, le coupa Cameron. Les chantiers Quinn sont une entreprise familiale et nous voulons qu’elle le reste.

— Cela me fait plaisir que vous le pensiez, mais j’ai pris une décision. Je vais donner à chacun de vous cent dollars, une carte de crédit de la société et un ticket de bus. Je veux que vous quittiez Seattle et que vous passiez du

Page 9: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus18

temps dans le monde réel. Trouvez un travail, rencontrez des gens, découvrez à quoi ressemble la vie de M. tout-le-monde. Croyez-moi, sans tout le confort auquel vous êtes habitués, vous pourrez enfin découvrir ce que vous attendez de l’existence.

Dermot ouvrit la bouche pour protester, mais son grand-père le coupa d’un geste de la main.

— Donnez-vous six semaines. Si, en revenant, vous êtes toujours décidés à poursuivre l’entreprise familiale, alors j’en serai très heureux.

— Tu te moques de nous ? s’exclama Cameron, à l’évidence aussi incrédule que Dermot. Tu veux que nous abandonnions notre poste pendant six semaines ? Mais j’ai des projets en cours, moi !

— Même si vous pensez tous être indispensables, je suis persuadé que la société pourra se passer de vous, répondit son grand-père.

Puis il se tut, se leva et leur tendit à chacun une enveloppe.— Je vous laisse la journée pour payer vos factures,

mettre votre appartement en ordre et faire vos bagages. Vous quittez Seattle demain matin. Partez à l’aventure, découvrez le monde, et lorsque vous reviendrez, vous pourrez décider de la vie que vous souhaitez mener.

— Vulture Creek, au Nouveau-Mexique ! s’exclama Cameron en ouvrant son enveloppe.

Dermot l’imita et sortit son propre ticket de bus.— Moi je vais à Mapleton, dans le Wisconsin. Autant

te dire que je n’ai jamais entendu parler de Mapleton.— Quant à moi, direction Bitney, dans le Kentucky,

marmonna Kieran. Génial !— C’est moins loin que Sibleyville, dans le Maine,

leur fit remarquer Ronan. Je vais passer au moins une semaine dans le bus !

Page 10: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 19

Abasourdi, Dermot dévisagea ses frères. Il était telle-ment incrédule qu’il ne savait même pas comment réagir.

— Bonne chance mes garçons, ajouta simplement leur grand-père. Je vous reverrai dans six semaines.

A bout de souffle, Rachel Howe tentait de monter un sac de cinquante kilos de fourrage à l’arrière de son pick-up.

— Avez-vous besoin d’aide, ma petite dame ?Elle jeta un coup d’œil vers les deux hommes adossés à

la devanture de la coopérative agricole. Ils la regardaient avec un grand sourire aux lèvres.

— Non, répondit-elle en se forçant à sourire alors que le sac glissait entre ses bras. Je me débrouille, ça va aller.

Puis, elle se concentra et rassembla toute l’énergie qu’il lui restait. Elle y était presque, plus que quelques centi-mètres et ce maudit sac serait chargé. Mais, tout à coup, ses forces l’abandonnèrent et le sac retomba à ses pieds.

Folle de rage soudain, elle jura et donna un coup de pied dans le sac.

Si elle ne parvenait même pas à charger le fourrage dans son camion, comment espérait-elle faire prospérer la ferme ? Ce n’était pas son vieil oncle âgé de quatre-vingts ans qui allait l’aider !

Mais elle était pleine de bonne volonté, se rappela-t-elle pour se donner du courage. Et puis son père avait fait fonctionner la ferme jusqu’au jour de sa mort, sans la moindre aide. Alors, si un homme de soixante-quinze ans y était parvenu, sa fille de vingt-cinq ans pouvait bien y arriver. Il n’y avait pas de raison.

Elle avait tout de même mis une petite annonce à l’épicerie. Hélas ! personne n’y avait répondu, même pas un lycéen désireux de gagner un peu d’argent de poche.

Sans doute les ouvriers potentiels pensaient-ils, comme

Page 11: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus20

tous les habitants de Mapleton, qu’elle ne tarderait pas à mettre la clé sous la porte et à renoncer à sa toute nouvelle vocation d’agricultrice.

Peut-être avaient-ils raison.Peut-être ferait-elle mieux de vendre la ferme et de

retourner à sa vie d’avant.Enfin… L’heure de faire un choix n’était pas encore

venue. Elle avait un peu de temps.Refoulant ses doutes dans un coin de sa tête, elle se

baissa une nouvelle fois et attrapa le sac, déterminée à ne pas faiblir devant Harley Verhulst et Sam Robson, ses deux spectateurs.

— Vous êtes sûre que vous ne voulez pas un petit coup de main ? insista Harley.

— Non, rétorqua-t-elle d’un ton sec. Je vais y arriver.— Une jeune fille comme vous ne devrait pas s’occuper

d’une ferme toute seule, ajouta Sam. Vous devriez vous trouver un mari.

— Un mari bien musclé, précisa Harley.Un mari ? Non merci, elle ne cherchait pas encore à

se marier.Pour l’instant, tout ce qu’elle désirait c’était un bel

homme, bien musclé, et totalement nu, pour combler son abstinence forcée. En échange de quelques caresses, elle était même prête à laver ses chemises ou à les repasser. Ce serait une sorte de troc, une sorte d’arrangement à bénéfices mutuels.

Serrant les dents, elle tenta encore une fois de rassem-bler ses forces afin de lever le sac.

Lorsqu’elle parvint enfin à le poser à l’arrière du pick-up, elle souriait. Elle pouvait être fière d’elle. Puis elle baissa les yeux, et se rappela qu’il lui restait d’autres sacs

Page 12: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 21

de fourrage à porter. Son sourire s’évanouit aussitôt et elle laissa échapper un juron.

Sa décision était prise.A partir d’aujourd’hui, elle se ferait livrer le fourrage,

au lieu de faire croire qu’elle pouvait s’en occuper toute seule. Ce serait encore une dépense dont elle se serait passé, mais elle n’avait pas le choix si elle voulait avoir le temps de s’occuper de la ferme.

Car elle voulait s’en occuper. Elle refusait de s’avouer vaincue. Du moins, pas encore.

Elle tourna la tête et remarqua que les deux hommes la regardaient toujours, un sourire moqueur aux lèvres.

— Vous n’avez donc rien de mieux à faire que me regarder et vous moquer ? Je suis persuadée que vos femmes seraient ravies de savoir ce que vous faites de vos journées. La prochaine fois que je les croiserai à l’épicerie, je leur dirai combien votre aide m’a été précieuse !

Pour toute réponse, les deux hommes baissèrent la tête puis, penauds, rentrèrent dans le bâtiment de la coopérative agricole, la laissant seule avec ses ballots de fourrage.

Son fourrage… Jamais elle ne parviendrait à le charger seule dans son pick-up. Du moins avant le coucher du soleil.

— Pense au sexe, murmura-t-elle pour se donner du courage. Pense à combien cela te manque depuis un an. Défoule-toi.

— Je peux vous donner un coup de main ? fit soudain une voix masculine derrière elle.

Encore un fermier qui se moquait…Déterminée à refuser poliment cette offre, elle se

retourna et… se figea en voyant l’homme qui lui souriait.Un homme jeune, magnifique, séduisant…Sous le choc, elle retint son souffle.Il portait une chemise en toile épaisse et un jean qui

Page 13: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus22

mettait en valeur un corps parfaitement musclé. Sur l’épaule droite, il portait nonchalamment un sac de voyage en cuir.

Lentement, elle baissa les yeux vers ses chaussures. Des chaussures bien cirées. Pas le genre de chaussures que portaient les clients habituels de la coopérative.

— Vous allez bien, mademoiselle ?Incapable de répondre, elle continua à le détailler du

regard.Il était si beau. Des yeux aussi bleus que l’océan, des

cheveux noirs épais qui descendaient sur sa nuque : une vraie gravure de mode.

Il lui sourit et, aussitôt, elle sentit sa température grimper de quelques degrés et une foule d’images particulièrement osées lui envahirent l’esprit.

Merci mon Dieu !Dieu avait-il entendu sa prière et décidé de lui accorder,

enfin, un peu de réconfort ? Et elle qui pensait qu’aucun homme digne de ce nom n’habitait dans le comté de Waukesha… A l’évidence, elle s’était trompée.

A moins que ce bellâtre ne se soit échappé de l’Etat voisin de l’Illinois.

Si seulement il pouvait arrêter de la dévisager ainsi, peut-être parviendrait-elle à lui répondre.

— Vous me semblez perdu, parvint-elle finalement à marmonner après avoir pris une profonde respiration. A moins que vous ne sortiez tout droit de mon imagination.

— Quoi ?— Vu votre allure, vous n’êtes pas d’ici. Les hommes

comme vous n’habitent pas des régions reculées comme celle-ci. Mais rassurez-vous, si vous continuez tout droit, vous tomberez sur l’autoroute 39 qui vous mènera à Chicago. Vous devriez y arriver d’ici trois heures.

Page 14: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 23

— Pourquoi pensez-vous que je suis égaré et que je cherche la route de Chicago ?

— Parce que vous êtes un homme de la ville, cela crève les yeux. Il suffit de regarder votre sac et vos chaussures pour en avoir la preuve.

Elle se baissa de nouveau pour attraper le fourrage, mais il la stoppa dans son élan.

— Laissez-moi faire, mademoiselle, dit-il avant de poser son sac de voyage au sol.

Puis, d’un seul geste, il lança le sac de fourrage à l’arrière du pick-up.

— Vous en avez d’autres ? lui demanda-t-il ensuite.Abasourdie, incapable de prononcer le moindre mot,

elle se contenta pour toute réponse d’un geste de la tête en direction de la palette.

— Vos vaches doivent être très gourmandes pour avoir besoin de tant de fourrage, remarqua-t-il en attrapant un nouveau sac.

— Il s’agit de chèvres. J’élève des chèvres, pas des vaches.

— Voilà qui est intéressant. Je n’ai jamais rencontré d’éleveur de chèvres jusqu’à présent. Mais, pour être honnête, je ne connais aucun éleveur de bovins non plus.

Elle éclata de rire avant de s’apercevoir, non sans une certaine gêne, que cela pourrait paraître impoli. Cet homme essayait de l’aider et voilà qu’elle se moquait de lui !

— Excusez-moi, je ne voulais pas me moquer de vous alors que vous êtes si gentil. C’est juste que… Certains jours, les chèvres ne me paraissent pas très intéressantes.

Elle fit un pas en arrière et le regarda charger un autre sac.

— Je gère une petite exploitation agricole familiale.

Page 15: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus24

La ferme a appartenu à mes grands-parents puis à mon père. Et maintenant, elle est à moi.

— Dans ce cas-là, vous devez être Rachel.Surprise, elle écarquilla les yeux.Il la connaissait ? Soudain, elle eut un doute. L’avait-elle

rencontré au lycée ? S’agissait-il d’un ami d’un de ses frères ? Elle avait beau chercher, elle n’en avait pas la moindre idée.

— Oui, c’est bien moi, répondit-elle néanmoins.— J’ai vu votre annonce à l’épicerie. L’homme à la

caisse m’a dit que vous veniez de passer et que je vous trouverais peut-être ici. Si j’ai bien compris, vous avez besoin d’aide au ranch.

— A la ferme. Je ne m’occupe pas d’un ranch mais d’une ferme.

— Je croyais que vous produisiez du lait.— C’est le cas, du lait de chèvre.Cet homme était-il vraiment là pour son annonce ? Si

oui, c’était un miracle.— J’espère que vous avez toujours besoin d’aide, car

je recherche un travail et un endroit pour dormir, pour-suivit l’homme.

— Vous voulez travailler pour moi ?Elle avait du mal à en croire ses oreilles.Pourquoi un homme aussi beau accepterait-il un travail

aussi mal payé, sans la moindre de chance d’évolution ou de promotion, sans aucun avantage ?

— Vous ne ressemblez pas à un ouvrier agricole.— Et vous, vous ne ressemblez pas à une fermière,

répondit-il en souriant. Pour tout vous dire, je suis à Mapleton pour six semaines et je recherche un travail ainsi qu’un endroit pour dormir, un endroit bon marché.

Page 16: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 25

Je suis prêt à travailler dur en échange d’un salaire rai-sonnable, du gîte et du couvert.

— Un salaire raisonnable… C’est-à-dire ?— Je ne sais pas. A quoi pensiez-vous ?— Pour un emploi à temps plein, je devrais vous offrir

deux cents dollars par semaine, plus le gîte et le couvert. Hélas je ne peux guère vous offrir plus de cent dollars, en liquide, avec le gîte et le couvert.

— Cent dollars, cela me semble correct. Du moment que les repas sont bons.

Il déposa un nouveau ballot dans le pick-up.— Je charge tous les sacs ? lui demanda-t-il ensuite.Elle se contenta de hocher la tête et continua à l’observer.Elle n’en revenait toujours pas.Un homme beau comme un dieu venait de faire irruption

dans sa vie. Cela lui semblait irréel. Il devait forcément y avoir un truc, une astuce. Les miracles n’existaient pas. En tout cas, elle n’en avait jamais vécu.

Peut-être cet homme était-il un criminel en cavale.— Comment vous appelez-vous ?— Dermot. Dermot Quinn.— D’où venez-vous ?— De Seattle.Il se redressa et essuya ses mains sur son jean.— Etes-vous en train de me faire passer un entretien

d’embauche, Rachel ? Si c’est le cas, sachez que je suis plutôt costaud, comme vous pouvez le voir. Je suis aussi bricoleur et intelligent. J’ai tendance à obéir aux ordres, sauf lorsqu’il s’agit d’une bêtise mais, dans ce cas-là, je le dis.

— Vous êtes bricoleur, dites-vous.— Oui. Je peux tout réparer si vous avez les bons

Page 17: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus26

outils. Je pourrai même vous fabriquer un bateau, si vous le souhaitez.

— Je n’ai pas besoin de bateau, répondit-elle en continuant à le scruter comme si cela lui permettrait de lire en lui. Mais y a-t-il autre chose que je devrais savoir avant de vous offrir le poste ?

Il hocha la tête, comme s’il hésitait.— Je… Je préfère la bière au vin, finit-il par répondre.

Je ne suis pas fan des purées de légumes et je n’aime pas faire la lessive. Et puis, je dors nu. Est-ce ce genre de détails que vous vouliez savoir ?

Il avait à peine fini sa phrase que déjà elle l’imaginait nu, dans son lit. Elle sentit aussitôt ses joues s’empourprer.

— En fait, non. Je voulais juste savoir si vous aviez un casier judiciaire. Mais je suis heureuse d’avoir ces informations.

— Je n’ai pas de casier, rassurez-vous. Pas même une simple amende pour excès de vitesse.

— Si vous n’avez pas de casier, pourquoi cherchez-vous un travail ? Que fait à Mapleton un homme disposant de vos… De vos talents ?

— Etes-vous en train de m’offrir un emploi imaginaire ?— Non, pas du tout. J’essaye simplement de comprendre

pourquoi vous ne cherchez pas un emploi mieux payé, un travail où vous ne seriez pas obligé de nettoyer une étable, les pieds dans la boue.

— C’est une longue histoire, mais, si vous m’engagez, je vous promets de vous la raconter.

Devait-elle lui faire confiance ?Elle hésitait un peu.Après tout, elle ne le connaissait pas. Elle ne savait de

lui que ce qu’il avait bien voulu lui révéler.— Attendez, lança-t-elle soudain avant de courir vers

Page 18: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 27

la coopérative. Harley, Sam, pouvez-vous venir un instant, j’ai besoin de vous.

— Avez-vous enfin renoncé à essayer de charger vos sacs de fourrage ? lui demanda Harley.

— Non, j’ai besoin de témoins.Sans un mot, les deux agriculteurs la suivirent dehors

et, d’un geste de la main, elle leur indiqua l’homme qui se tenait à côté de son pick-up.

— Dites-leur votre nom, demanda-t-elle ensuite à ce dernier.

— Dermot Quinn.Elle se tourna alors vers Harley et Sam.— Vous voyez cet homme ? Il va venir travailler à la

ferme avec moi. Si dans quelques jours mon corps sans vie est découvert dans un fossé, c’est lui que vous devrez rechercher.

Elle se tourna de nouveau vers Dermot.— Pouvez-vous me rappeler d’où vous venez ?— De Seattle.— Avez-vous une pièce d’identité sur vous ? demanda

Harley.Le dénommé Dermot sortit son portefeuille de sa

poche arrière, attrapa son permis de conduire puis le tendit à Rachel.

— Si mon permis ne vous suffit pas, je peux vous donner d’autres références.

Sans attendre sa réponse, il lui tendit une carte de visite.— Tenez, vous pouvez appeler mon bureau.Elle tendit les deux documents à Harley qui jeta un

coup d’œil au permis de conduire.— Ces papiers me semblent en règle, dit l’agriculteur.

Mais si j’étais vous, Rachel, je le ferais quand même dormir dans l’étable.

Page 19: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus28

C’était sans doute la solution la plus sage, même si l’idée de ne pas proposer son lit à un homme aussi sexy lui semblait du gâchis pur et simple.

— Il semble digne de confiance, intervint Sam. En plus, si je peux me permettre, il est plutôt bien fait de sa personne.

Il s’adressa ensuite au jeune homme.— Tenez-vous bien, monsieur Quinn. Sinon, vous

aurez affaire à nous. Et à Eddie. Croyez-moi, s’il le faut, ce dernier n’hésitera pas à utiliser sa carabine contre vous.

— Vous pouvez être rassurés, messieurs, je serai un modèle de probité, leur promit Dermot Quinn.

— Je ne sais pas trop de quoi vous parlez, lui murmura discrètement Harley. Mais ça me va : selon moi, un homme qui utilise des mots compliqués est toujours digne de confiance.

Et, sans attendre sa réponse, les deux fermiers retour-nèrent à l’intérieur de la coopérative.

— Qui est Eddie ? lui demanda Dermot Quinn une fois qu’ils furent seuls.

— C’est mon oncle. Il habite à la ferme avec moi, mais il n’est pas aussi méchant que tout le monde veut bien le dire. Bon, vous avez le poste.

— Dans ce cas-là, je pense que je ferais mieux de finir de charger ce fourrage.

Le trajet jusqu’à la ferme donna l’occasion à Dermot d’en savoir un peu plus sur sa jolie patronne.

Elle était plutôt bavarde et lui raconta que son père, veuf, était décédé, qu’elle avait deux frères et une sœur plus âgés qu’elle et qu’elle avait travaillé à Chicago.

Lorsqu’elle tourna enfin sur un petit chemin de terre, il reporta toute son attention sur la maison qui venait

Page 20: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 29

d’apparaître. La ferme de Clover Meadow semblait tout droit sortie d’un film avec son étable de bois rouge, sa grande maison de bois toute blanche et dotée d’un large porche. Non loin, il y avait également une petite maison de pierre, presque une cabane.

Un vieil homme était justement assis devant cette maison de pierre, une petite chèvre noire sur les genoux.

— Nous y voilà, lui lança Rachel en sortant du pick-up.Il attrapa son sac de voyage et la suivit en direction

de la maison, mais il dut s’arrêter soudain, sentant une douleur dans sa jambe. Il baissa les yeux et vit que la petite chèvre était en train de le mordiller.

— Arrête-toi, lança-t-il à l’animal.Sans succès.— Stop, Benny, dit alors Rachel avant de se tourner

vers le vieil homme. J’espère que tu ne laisses pas cette chèvre entrer dans la maison.

Le vieil homme ne répondit pas.— Oncle Eddie, je te présente Dermot Quinn, pour-

suivit-elle néanmoins. Je l’ai embauché pour travailler à la ferme. Il a six semaines de libres devant lui et rien à faire. Je pensais qu’il pourrait nous aider à finir les réparations sur la maison.

— Dermot Quinn, répéta l’homme en grimaçant. Drôle de nom.

— C’est un nom irlandais, répondit Dermot.— Montrez-moi vos mains, lui demanda-t-il ensuite.Dermot posa son sac au sol puis s’approcha de l’homme

et lui tendit ses mains.— Je suis prêt à travailler dur, monsieur, insista-t-il

comme pour le convaincre, et se convaincre. Je suis fort et je n’ai pas peur de l’effort.

— Savez-vous traire une chèvre ?

Page 21: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus30

— Non, mais je suis persuadé que j’y arriverai si vous me montrez comment faire.

— Ne vous inquiétez pas, intervint Rachel. La traite ne se fait plus manuellement. Nous avons des machines qui s’occupent de tout, aujourd’hui.

Elle se tourna ensuite une nouvelle fois vers le vieil homme.

— Eddie, j’aimerais installer notre nouvel employé dans la chambre à l’étage de ta maison. Tu n’y vois pas d’objections ?

— Au contraire, cela me permettra de garder un œil sur lui, répondit-il à Rachel avant de se tourner vers Dermot. Un pas de travers, monsieur, et vous aurez affaire à moi. J’ai une carabine et je sais m’en servir.

Dermot se garda bien de faire le moindre commentaire. En d’autres circonstances, la menace aurait été ridicule venant d’un aussi vieil homme, mais le ton était clairement menaçant. Les deux fermiers avaient raison, il ne valait mieux pas plaisanter avec l’oncle Eddie.

— Venez, reprit Rachel en montant les quelques marches devant la porte de la maison de pierre. Je vais vous montrer votre chambre.

Il la suivit à l’intérieur et ils montèrent à l’étage jusqu’à ce qu’elle s’arrête devant une porte.

— A-t-il déjà tiré sur quelqu’un ? demanda-t-il, juste pour savoir.

— Oui. Mais juste pour le faire fuir, pas pour le tuer.Si cette réponse était censée le rassurer, alors c’était

un échec.Après réflexion, peut-être ce travail n’était-il pas une

si bonne idée.A moins que…

Page 22: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 31

Il baissa les yeux vers la jeune femme, ses courbes sensuelles, sa peau laiteuse.

Si, il avait pris la bonne décision.— Cette maison est la plus ancienne, lui expliqua

Rachel visiblement inconsciente de son trouble. Elle a été construite en 1870 par mes arrière-arrière-grands-parents.

Elle ouvrit la porte et l’invita à entrer dans la chambre. La pièce comprenait un lit ancien en fer forgé, recouvert d’un quilt, un fauteuil en velours et une commode au-dessus de laquelle étaient accrochées des photos anciennes.

— Mes arrière-grands-parents vivaient ici, avant de construire l’autre maison, continua-t-elle. Mes grands-parents s’y sont installés lorsque mes parents ont repris l’exploitation.

Elle s’interrompit pour prendre une profonde inspiration avant de poursuivre.

— Cette chambre n’est pas équipée de l’air condi-tionné, mais, si vous en avez besoin, je vous apporterai un ventilateur.

— C’est parfait. En plus, cette chambre est très jolie, répondit-il, en faisant un gros effort sur lui-même pour ne pas dire combien elle aussi, elle était jolie.

Il avait toujours imaginé les filles de fermiers comme de belles filles, mais pas à ce point.

Certes, elle portait un jean usé et un T-shirt tout simple, mais elle n’en était pas moins d’une beauté à tomber par terre. Ses cheveux dorés étaient retenus en queue-de-cheval et elle ne portait aucun maquillage, mais elle était bien plus séduisante que toutes les femmes sophistiquées qu’il avait l’habitude de fréquenter à Seattle.

Elle devait travailler dur, car son corps mince et incroyablement sexy semblait très musclé.

— La salle de bains est au rez-de-chaussée, derrière la

Page 23: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus32

cuisine. Il n’y a pas de douche, juste une baignoire. Mais vous trouverez des douches dans l’étable. D’ailleurs, sans doute vaut-il mieux aller là-bas pour ne pas déranger Eddie.

— Vous avez raison. Je ne crois pas qu’il m’aime beaucoup.

Elle éclata de rire.— Rassurez-vous, Eddie n’est pas un mauvais bougre,

une fois que vous le connaissez. Si vous voulez juste un conseil, ne le laissez pas vous convaincre de vous débar-rasser du putois installé dans la grange. La dernière fois que ce dernier a été déplacé, nous l’avons senti pendant une semaine !

— Je m’en souviendrai.— Je vais ouvrir un peu la fenêtre pour aérer, si vous

voulez.Elle essaya d’ouvrir la fenêtre, mais celle-ci était de

toute évidence coincée. Il s’approcha d’elle pour l’aider, mais, à l’instant où son corps frôla le sien, un puissant désir l’envahit. Sous le choc, et aussi peut-être parce que la fenêtre venait enfin de céder, il bascula en arrière, entraînant Rachel qui manqua de tomber.

Il posa ses mains sur ses frêles épaules pour la rattraper et ils se retrouvèrent face à face. Incapable de résister, il riva son regard au sien.

C’était sans doute une erreur, il le savait bien, mais la tentation était trop forte. Hypnotisé par sa beauté naturelle, il se pencha et, doucement, effleura ses lèvres sensuelles.

Mais Rachel se redressa aussitôt. Honteux, il fit un pas en arrière.

— Je suis désolé, Rachel… Je… Je n’aurais pas dû vous embrasser. D’habitude, je ne me conduis pas ainsi…

— Cela m’a plu, l’interrompit-elle.— Quoi ?

Page 24: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 33

— Ne t’excuse pas, Dermot. J’avais envie que tu m’em-brasses, marmonna-t-elle, les joues roses et un sourire nerveux aux lèvres. Une femme seule vivant dans une ferme n’a pas souvent l’occasion d’embrasser un homme aussi beau.

Elle s’interrompit soudain, comme si elle venait de se rappeler quelque chose.

— Rassure-moi, tu es célibataire ?— Absolument.— Tant mieux, mais… Comment est-ce possible ?

Un homme aussi beau que toi pourrait avoir toutes les femmes qu’il désire.

— Il faut croire que je n’ai pas encore trouvé la femme parfaite.

— En tout cas, ce n’est pas ici que tu la trouveras, répondit-elle en rigolant. Mapleton, Wisconsin, n’est pas réputé pour ses femmes.

— J’en ai pourtant déjà trouvé une, répondit-il avec un clin d’œil charmeur. Et pourtant, cela ne fait que quelques heures que je suis là.

Tout en parlant, il la vit s’empourprer un peu plus.— Tu as déjà le poste, Dermot. Tu n’es pas obligé de

flatter la patronne.— Tu es très belle, je suis un séducteur… Après

réflexion, je crois que nous allons très bien nous entendre.Elle lui répondit par un sourire coquin, et il eut l’im-

pression, la très agréable impression, qu’elle appréciait leur petit flirt.

Mais il était sincère, il la trouvait vraiment très belle. Si belle que, tout à coup, la perspective de se trouver coincé pendant six semaines à Mapleton ne lui semblait plus aussi déprimante.

Page 25: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus34

Il avait trouvé un travail, le gîte, le couvert, et une femme incroyablement sexy pour hanter ses rêves.

Que pouvait-il espérer de plus ?— Je vais te laisser t’installer, reprit-elle, le tirant

de ses réflexions. Nous avons un peu de temps avant de commencer la traite. Nous trayons les chèvres deux fois par jour, à 5 heures du matin et 5 heures du soir.

— Elles ne peuvent pas le faire seules ?— Non, mais ne t’inquiète pas, tu t’en sortiras très bien,

répondit-elle avant de se diriger vers la porte. Lorsque tu seras prêt, je te ferai visiter la propriété.

Elle sortit enfin et il resta là, à écouter ses pas s’éloigner dans l’escalier jusqu’à ce qu’il entende la porte d’entrée claquer.

Esquissant un sourire, il se mit à déboutonner sa chemise.Qu’est-ce qu’une femme comme Rachel faisait seule

dans cette ferme ?Peut-être était-ce cela son problème.Toutes les belles femmes qui l’intéressaient vivaient

dans des campagnes reculées, attendant qu’il vienne les secourir.

Il ouvrit son sac de voyage et en sortit un T-shirt propre puis il fixa son reflet dans le miroir.

En dépit du fait qu’il venait de passer deux jours dans un bus, il n’avait pas l’air trop fatigué. Il avait juste besoin de se raser et de prendre une douche.

Cela dit peut-être valait-il mieux attendre la traite avant de prendre une douche.

Il passa une main sur sa joue. En attendant, il pouvait au moins se raser.

Torse nu, il attrapa sa trousse de toilette puis descendit à la salle de bains.

Page 26: Plaisirs inattendus - De si brûlantes retrouvailles

Plaisirs inattendus 35

Il venait juste de se mouiller le visage lorsque Eddie apparut dans l’encadrement de la porte.

— J’allais me raser, dit-il au vieil homme, mais je peux le faire dans l’étable si vous voulez la place.

— Les chèvres ne verront pas si vous êtes rasé ou pas. Par contre, évitez l’eau de toilette, elles n’aiment pas ça.

L’homme se tut, mais ne bougea pas. Dermot se garda bien de lui faire une remarque, mais il l’observa du coin de l’œil tout en se rasant.

Il devrait remercier son grand-père. Coincé entre une femme bien trop belle et un vieil homme grincheux, son séjour allait être une véritable aventure, un véritable défi.

Soudain, il songea à ses frères. Etaient-ils arrivés à destination ? Avaient-ils trouvé du travail ?

Il était vraiment tenté de les appeler pour savoir s’ils avaient eu autant de chance que lui, mais son grand-père les avait obligés à laisser leurs portables. Ils étaient seuls, seuls pour vivre une autre vie pendant six semaines.

Lorsqu’il avait quitté Seattle, ces six semaines lui paraissaient une éternité. Mais maintenant qu’il avait fait la connaissance de Rachel Howe, cela lui semblait soudain trop peu, trop court.