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Franz Cumont Le nom des planètes et l'astrolatrie chez les Grecs In: L'antiquité classique, Tome 4, fasc. 1, 1935. pp. 5-43. Citer ce document / Cite this document : Cumont Franz. Le nom des planètes et l'astrolatrie chez les Grecs. In: L'antiquité classique, Tome 4, fasc. 1, 1935. pp. 5-43. doi : 10.3406/antiq.1935.2978 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/antiq_0770-2817_1935_num_4_1_2978

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Franz Cumont

Le nom des planètes et l'astrolatrie chez les GrecsIn: L'antiquité classique, Tome 4, fasc. 1, 1935. pp. 5-43.

Citer ce document / Cite this document :

Cumont Franz. Le nom des planètes et l'astrolatrie chez les Grecs. In: L'antiquité classique, Tome 4, fasc. 1, 1935. pp. 5-43.

doi : 10.3406/antiq.1935.2978

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/antiq_0770-2817_1935_num_4_1_2978

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LES NOMS DES PLANÈTES ET L'ASTROUTRIE

CHEZ LES GRECS

par Franz Cumont

Si nous désirons consacrer ici quelques pages aux noms que les Grecs ont successivement donnés aux planètes, ce n'est point qu'un souci de lexicographe nous engage à en préciser l'emploi et la signification. Mais la vie de ces mots est liée à l'histoire de

qui les a créés et de la religion qui les a adoptés. Leur usage peut en outre aider à fixer la date approximative d'écrits dont la chronologie est incertaine. Sans doute ne sera-t-il donc pas inutile d'exposer ici brièvement ce que nous savons de cette onomastique planétaire et ce qu'elle nous apprend, car les

et les manuels les plus répandus expriment souvent à ce sujet des idées erronées, que j'ai longtemps partagées moi-même (*).

Primitivement, les Hellènes n'ont distingué de la foule des étoiles qu'une seule planète : c'est l'astre étincelant qui, au

apparaît le premier vers l'Occident ou qui, à l'Orient, annonce l'aurore et brille le dernier au firmament dans la lumière du jour. Déjà la poésie homérique lui donne l'appellation de Εωσφόρος, lorsqu'il précède le soleil levant, de "Εσπερος,

suit le soleil couchant (2). Ces noms, avec la variante Έφος au lieu de 'Εωσφόρος, se rencontrent fréquemment dès l'époque la plus ancienne (8) et Platon les emploie encore (4). Mais, dès avant son temps, les Pythagoriciens avaient reconnu ou appris

(1) Cf. p. ex. Astrology and Religion, 1912, p. 45. (2) 'Εωσφόρος : Homère, IL, Ψ 226 ; cf. Od., V. 93. "Εσπερος '.II, X, 317. (3) Pour ce fait bien connu, je me contente de renvoyer aux témoignages

réunis par Röscher, Lexikon, s. v. « Planeten », col. 2519 s. (4) Εωσφόρος: Timée 38 D (cf. infra p.l. n. 12); Έωσφόοος et '

ρος : Lois, 821 G } cf. Epinomiß, 9ß6 Ε : 'Εωσφόρον,

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que les deux étoiles qui alternativement apparaissent le matin ou le soir, n'en faisaient qu'une, la planète Vénus (}). Peut-être ont-ils déjà dénommé celle-ci Φωσφόρος, mais cette désignation semble plutôt n'appartenir qu'à une période postérieure (2).

Par son éclat comme par sa grandeur, Vénus devait frapper la vue (8). Parfois la lumière de cette rivale de la

lune était assez intense pour projeter des ombres (4) et à l'exemple

(1) Apollodork, De deis, fr. 2 [cf. note 2] ; Pline II, 37 ; Diogène Laerce. VIII, 14 et IX, 23 = Diels, Vorsokr., I8, p. 138, 26. — On voit attribuer cette découverte à Parménide au lieu de Pythagore (Diels, Vorsokr., l. c, et Doxogr., 345 b, 16), mais il ne fit certainement que la vulgariser. Les

connaissaient bien avant lui cette identité des deux astres. Cf. infra l'Epi- riomis, citée p. 4, n. 1 1.

(2) Un extrait d'Apollodore et une notice doxographique d'Aétius indiquer que les Pythagoriciens et Démocrite ont déjà usé du nom de

Φωσφόρος : Apollodore, De deis, fr. 2 = Diels, Doxogr., p. 467, 1 : èv τφ δευτέρφ περί Θεών ΙΙυθαγορείαν είναι τήν περί του τόν

αυτόν εϊναι φωσφόρον καΐ έσπερον δόξαν. Diels, Doxogr., p. 344, 16 : η*λιον, φωσφόρον αελήνην. (cf. infra, ρ.10 η. 1). Mais je soupçonne

qu'Apollodore et Aétius ont désigné Vénus par le terme qui était courant chez les astronomes de leur temps, sans qu'il eût été employé par ceux auxquels ils le prêtent. Π en a été de même pour Platon (cf. infra, p. 30 n. 3). Aucun texte où figure Φωσφόρος n'est antérieur à l'époque hellénistique. Les plus anciens sont, en vers, Méleagre de Gadara [vers l'an 100], Anth. Pal., XII, 114 : Ήοϋς άγγελε, χαίρε, Φαεσφόρε, καΐ ταχύς ελθοις [ "Εσπερος, f¡v απάγεις, λάθριος αΰθις αγων, en prose, Géminus, I, 24 ; Pseudo-Eratosthè- NE, Catas t. 43 ; Pseudo-Timée de Locres, p. 96 Ε ; Ps.-Aristote, De mundo, p. 392 a 23 ; 399 α 6. Il paraît donc probable que le nom de Φωσφόρος a la

origine que ceux des quatre autres planètes (Φαίνων, Φαέθων, etc.), dont nous parlerons plus bas p. 19 ss.

(3) La jjrandeur et la clarté de Vénus sont signalées par tous les auteurs qui en parlent. Papyrus du ne s. av. J.-C. publié par Wessely, Sitzungsb. Akad. Wien, CXLIII, 1900, p. 2 : Ό της 'Αφροδίτης λαμπρότερος

καΐ μέγιστος. Pline, II, 36 : Ingens sidas appellatum Veneris... mag- nitudine extra cuneta alia sidéra [Cf. note 4]. Pseudo-Eratosth., Catast., 43 : Πάντων μέγιστος τούτων των άστρων. Cf. Hygin, Astr., II, 42 ; Antiochus dans Mélanges Bidez, p. 153 avec ma note.- Cf. infra p. 18, n. 3.

(4) Pline, /. c. : Claritatis tantae ut unius huius stellae umbrae reddantur. Sosigêne le pÉRip. dans SiMPLicius,De CaeZo,504, 29 Heeberg: Ό της

èv άαελήνοις νυξΐ σκιάς πίπτ'ειν άπα των σωμάτων ποιεί. Mar- TiANUS Capella, VIII, 883 : Sola de quinqué sideribus umbra reddit ut luna, sola fulgori solis emergentis diu conspecta non cedit. Isidore de Seville De rerum natura, 23 (p. 45 Bekker) : Quemadmodum sol et luna, ita et haec um- bram faeit. Le phénomène de l'ombre projetée par Vénus se produit en effet, tout au moins en Syrie \ cf. Kegler, fm Bqnnkrefe Babels, 1910, ρ, 61.

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des Babyloniens, qui avaient formé la triade Sîn, Shamash et Ishtar, les Grecs l'associèrent parfois à Hélios et à Séléné (}). Il n'est pas surprenant que dès une époque très reculée, elle ait été pourvue d'un nom particulier, comme le fut aussi depuis l'âge d'Hésiode Sirius, la plus brillante des étoiles fixes (?). Mais les quatre autres planètes, qui s'imposaient moins à l'attention

. et dont la visibilité intermittente était souvent très faible, longtemps confondues dans la multitude innombrable des

étoiles anonymes. Lorsque les Grecs apprirent des Babyloniens à distinguer les

cinq astres errants de ceux qui formaient les constellations, suivant l'exemple de leurs devanciers (*), ils consacrèrent chacun d'eux à une divinité, dont le nom servit à le désigner. En Mésopotamie, depuis une haute antiquité, Mercure était l'astre de Nabou, Vénus celui d'Ishtar, Mars de Nergal, Jupiter de Mardouk, Saturne de Ninib. Nabou, scribe divin, maître du

comme l'était Thoth en Egypte, fut, de même que celui-ci, assimilé à Hermès. Ishtar, la grande déesse de l'amour et de la fécondité, devint naturellement Aphrodite. Ares prit la place du rouge Nergal, dieu guerrier, grand pourvoyeur des enfers, et Zeus, roi de l'Olympe, celle de Mardouk, le chef du panthéon à Baby- lone. Enfin, Ninib, farouche divinité des combats, fut identifié avec Kronos, le cruel meurtrier de son père et de ses enfants. Ainsi, à chacun des dieux babyloniens, on substitua, comme maître d'une planète, un dieu grec qui offrait avec lui quelque ressemblance de caractère (*).

(1) Démocrite, supra, p.6, n.2 ; Pline, Le. : Aemulum solis et lunae ; cf. Neue Jahrbücher für das klass. Alterth., 1911, I, p. 3 et mes Études syriennes, 1917, p. 189.

(2) Gundel, Realenc, s. v. « Sirius », p. 314. (3) Jensen, Kosmologie der Babylonier, 1890, p. 100 s. ; Jastrow, Religion

Babyloniens, II, 1912, p. 441 ss. et passim. ; Röscher, Lexikon, s. ν. « Sterne », 1479 ss. — Les noms correspondants en syriaque sont Nebo, Balti, Nerig, Bel, Kéoan ; et. Mon. Myst. Mithra, I, p. 135. Kéoan est dérivé de Kaimanou, infra, p. 19, n. 4.

(4) C'est ce qu'indique implicitement Diodore de Sicile, II, 30, 3: Τονς πέντε αστέρας τους πλανήτας καλουμένους ¿χεΐνοι (Χαλδαΐοι) xoivfj μέν έρημνεΐς ονομάζουσιν, Ιδία ôè τόν μέν ύπο τ&ν "Ελλήνων Κρόνον όνομαζόμενον ... καλοναιν ήλίον · τους δ' άλλους τέτταρας ομοίως τοις παρ' ήμίν αστρολόγοις όνομάζουσιν "Αρεος, 'Αφροδίτης } 'βρμοΰ, Διός

Nous dirons un mot plus bas 4e Saturne comme astre du soleil (p. 14, n. 2. Cf. p. 11 n. 5.

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8 F. CUMONT

Quels furent les auteurs de ces traductions approximatives? Probablement les Pythagoriciens. Ceux-ci, en effet, s'étant

à l'étude des révolutions célestes, imaginèrent leur célèbre théorie de l'harmonie des sphères (!), qui a pour base un

de sept planètes, formé des deux grands luminaires et des cinq astres mineurs. C'est un indice certain, à côté d'autres

de l'origine orientale de toute leur science astronomique, , que celle-ci, donnant aux planètes des noms divins, ait été ainsi liée dès l'origine à une astrolâtrie étrangère aux vieilles croyances helléniques et difficilement conciliable avec l'anthropomorphisme.

A quelle date remonte l'adoption de ce chiffre de sept planètes ? Il est difficile de le préciser, les Pythagoriciens ayant coutume d'attribuer à la sagesse de leur Maître des découvertes qui sont de beaucoup postérieures à lui. Il semble bien qu'ils ne soient pas arrivées à la connaissance des cinq petites planètes avant le ve siècle et pour préciser davantage, avant l'époque de Philolaos, à qui elle est expressément attribuée en même temps que la croyance à la divinité des corps célestes (2). Les appellations qu'avait adoptées Philolaos pour ces planètes étaient bien celles nous avons énumérées plus haut. La sagacité de Franz Boll en a découvert une preuve remarquable (3) : Dessinant dans le cercle du

des figures géométriques, le symbolisme pythagoricien aux angles des carrés et des triangles les noms de dieux hel-

(1) Cf. Zeller, Philos, der Griechen Ie, p. 534 ss. ; Heath, Aristarch of Samos, 1913, p. 105 ss. ; Erik Frank, Plato und die sogenannten Pgthagoreer, 1923, voudrait reporter la naissance de cette théorie jusqu'au ive siècle, ce qui nous semble inadmissible.

(2) Diels, Vorsokr., I* 1, p. 306, 13 : Περί ôè τοντο (le feu central) δέκα σώματα Β ει α χορεύειν ; [ούρανόν] <μετα τήν των απλανών αφαΐραν> τους ε' πλανήτας, μεθ' οϋς ήλιον, ύφ' φ σελήνην, ύφ' f¡ τήν γήν} ύφ' f¡ ταν άντίχθονα, μεθ' â σύμπαντα τα πΰρ εστίας περί τα

τάξιν επέχον. Aristote (Météorol, 6, p. 342 b 33 = Diels, Vorsokr., I8, p. 299. 30), après avoir cité les pythagoriciens d'Italie, mentionne τον τον Έρμου αστέρα; cf. Simplicius, De cáelo, All, 4 (= Diels, I.e., p. 19, 6). Si ces Pythagoriciens ont connu Mercure, la moins visible des cinq planètes, ils ne peuvent avoir ignoré les autres. Il est vrai que certaines indications d'Aris- tote sur le système astronomique de Philolaos paraissent en réalité s'appliquer à des Pythagoriciens postérieurs à Platon (Frank, op. cit., p. 278 ss.). Mais il paraît bien difficile de croire qu'à la fin du ive s. un astronome ait encore cru à l'existence de Ι'άντίχθων.

(3) Poix,, Neue Jahrp. f. d. kl. 4#?, 1908, p. 119 s,

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Uniques. Le caractère froid et humide qu'il reconnaissait à Kro- nos, la nature ignée qu'il donnait à Ares sont précisément ceux que l'astrologie attribue aux planètes auxquelles ces dieux

(*). Bien mieux, le dodécagone portait le nom de Zeus (2), parce que la planète ainsi désignée parcourait la sphère céleste en douze ans, c'est-à-dire que chaque année elle franchissait un des côtés du polygone qui y était inscrit. Nous avons ici la preuve que les Pythagoriciens du temps de Philolaos connaissaient non seulement cet astre mais aussi la durée de sa révolution.

Nous savons d'ailleurs par Xénophon que dans l'Athènes du Ve l'on s'intéressait fort à l'étude des planètes et des comètes, de

leur parcours et de leur distance, et Socrate détournait ses de telles recherches, inutiles selon lui à la conduite de la

vie(8). Nous trouvons sur l'état de la science grecque à cette une indication précieuse dans un passage de Sénèque,

emprunté à Posidonius (4) : Democritus, subtilissimus

(1) Dikls, Vorsokr., Ia, p. 305, fr. 14 : Ό μέν Κρόνος παοαν ύφίστησι τήν ύγράν και ψυχραν ούαίαν, ό de "Αρης ηάσαν τήν Μμπυρον φύαιν. cf. Bouché Leclercq, Asir, gr., p. 94 ss., p. 98.

(2) DiELS, I. c, (p. 305, 25; 306, 1). Cette indication a été transmise par Eudoxe (p. 306, 2) et se rapporte donc certainement à des Pythagoriciens antérieurs à lui. Π ne paraît pas douteux que Philolaos songeait à des

inscrits dans le cercle zodiacal et dont les angles étaient consacrés à dieux, parce que pour l'astrologie les signes du zodiaque eux-mêmes

l'étaient. Pareillement, il attribuait aux Dioscures les deux moitiés du cercle géométrique τα ημικύκλια (ρ. 305, 29), parce que ces héros mythologiques, qui vivent et meurent tour à tour, étaient regardés comme des

des deux hémisphères célestes (Mon. myst. de Mithra I, p. 85 p. 10 ; Chapouthier , Les Dioscures, 1935, p. 306 s.

(3) Xénophon, Memor., TV, 7, 5. (4) Sénèque, Quaest. Nat, VIL 3, 2 : Zeller (Philos, Gr., F, p. 1106, 1108,

η. 2) me paraît avoir déprécié sans motif la valeur de cette indication d'une si exacte précision et Frank (op. cit., p. 202) a raison de l'accepter pleinement. Tout le livre VII des Quaest. Nat. relatif aux comètes est d'une érudition très sûre et d'une indiscutable valeur scientifique. Ce 'qu'il dit de Démocrite remonte probablement, comme la majeure partie de ce livre, à Posidonius et s'accorde remarquablement avec l'état de l'astronomie grecque,tel qu'il ressort de VEpinomis. La place donnée dans le système de Démocrite à la triade Lune- Vénus-Soleil semble exclure qu'il ait connu le cours de Mercure, beaucoup plus difficilement observable. Car Mercure, comme Vénus et plus encore que Vénus, était un compagnon inséparable du soleil et toute la science grecque depuis Platon (infra p. 12) associe ces deux satellites de l'astre du jour.

supposée d'un grand nombre de planètes, dont les mouvements étaient inconnus, est d'ailleurs d'accord avec la théorie bien connue de Péjnocrite <luç

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antiquorum omnium, suspicari se ait plures Stellas esse quae sed nec numervm Warum posuit, nee nomina, nondum com-

prehensis quinqué siderum cursibus. Démocrite, d'après ce que nous savons d'ailleurs (*), regardait comme le plus proche de la terre le groupe de la lune, de Vénus et du soleil, qu'il empruntait à Babylone (p. 7) ; dans une zone supérieure circulaient à des

variables des planètes dont il ne fixait pas le nombre — en quoi il était plus sage que les Pythagoriciens — et dont il ne

pas les révolutions et n'indiquait pas les noms. En ne pas les associations établies entre les corps sidéraux,pour

lui formés d'atomes, et les dieux de la Fable, qu'il ne reconnaissait pas, il se conformait à sa conception mécanique de l'univers et cette réserve s'imposait à lui, même s'il croyait les astres animés d'un feu divin (2).

L'abstention ou l'ignorance attribuée à Démocrite s'accorde admirablement avec un témoignage décisif de l'auteur de VEpi- nomis — peu importe pour le point qui nous occupe que cet

soit de Platon vieillissant ou plutôt de son disciple Philippe d'Opus. Nous traduirons ici ce passage capital, où, après avoir distingué huit puissances célestes et parlé du soleil, de la lune et des étoiles fixes, le philosophe poursuit (p. 986 E) :

« II reste cinq puissances dont la quatrième et, avec elle, la ont un mouvement et une révolution d'une vitesse à peu

près égale à celle du soleil, ni plus lente ni plus rapide, et sans doute cette triade est-elle toujours conduite par l'astre dont la raison y suffit. Disons que ces puissances sont celles d'Hélios, et d'Eô- sphoros et d'un troisième qu'on ne peut désigner par son nom, parce que celui-ci est inconnu : la cause en est que le premier qui fit ces observations fut un barbare. Car une antique contrée produisit ceux qui d'abord reconnurent ces vérités : favorisés par la beauté d'une saison estivale largement départie à l'Egypte et à la Syrie, ils

pour ainsi dire constamment tous les astres à découvert,

les comètes seraient formées par l'apparition simultanée de planètes (Aris- tote, Météor., I, 6, 1 p. 342 b 27 : ούμφααιν είναι αστέρων). Alexandre dans son commentaire a improprement introduit ici les noms des cinq astres. (Diels, Vorsokr. IIs, fr. 92, 45). — Sur cette doctrine de Démocrite, cf. Gundel, Realenc. s. v. " Kometen", p. 1167.

(1) Diels, Doxogr., II, 15 (p. 344, 14) ; Δημόκριτος τα μέν απλανή πρώτον, μετά ôè ταΰτα τού πλανήτας, εφ οϊς ήλιον, φωσφόρον, σελή- νην. Cf. Hippolyte, Réfut., I, 13, 4 (p. 17, 9 Wendi,.) : J2) Cf. Zew-er, ΡΛ, Gr,, V, p. 1158, n. 3.

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les nuages et les pluies étant toujours absents de la région du monde qu'ils habitaient C1). C'est delà que se répandirent partout et ici- même leurs connaissances vérifiées pendant une durée presque

d'années innombrables (a). Il faut donc avec confiance les mettre au nombre des lois de l'univers, car ne point honorer ce qui est divin ou refuser aux astres la divinité, est manifestement déraisonnable. Telle est donc la raison que l'on peut donner de ce que ces puissances n'ont pas de nom (δνομα) (8), mais ont reçu le surnom {επωνυμία) de dieux. Car l'étoile du matin (Εωσφόρος), qui est aussi celle du soir ("Εσπερος), (*) a été donnée à Aphrodite, non sans quelque raison et comme il convenait pour un nomenclateur syrien (·). Celle qui

dans sa course à la fois cet astre et le soleil, appartient à Hermès [987 c] II reste trois astres dont l'un est celui de Kro- nos, que distingue sa lenteur, mais certains le désignent par le

d'Hélios (e) ; celui qui, après lui, est le plus lent, doit être dit

(1) Cf. Aristote, De caelo, IL 12 p. 292 a 8 ; Cicerón, De divin., I, 1. 2. (2) Cf. Aristote, infra p. 13, n.2. Bouche-Le clercq, Astrol. grecque, p.38 Ss· (3) Cf. ce que Sénèque dit de Démocrite (supra p. 10). (4) Cf. supra p. 6 note 1. (5) La grande" déesse Syrienne" était généralement assimilée à Aphrodite*

— Le nom de νομοθέτης donné au nomenclateur s'explique par le Cratyle p. 388 e, ss.

(6) La vulgate donne ων είς μέν βραδύτητι διαφέρων αυτών εστί. Κρόνου Εαυτόν rtveç ¿πωννμίαιτφ&έγγονται. M. Bidez — a montré qu'au' lieu de Κρόνον,ϊΐ fallait lire 'Ηλίου avec les meilleurs mss.(Revue de Philologie, XXIX, 1905, p. 319). Nous reparlerons (p. 41 n. 2) de cette conception de

comme l'astre du Soleil. Elle fournit une preuve décisive de l'origine orientale des doctrines astronomiques de VEpinomis. Mais la phrase ainsi corrigée, reste boiteuse, car l'auteur nous dirait quel est le surnom que certains (τινές) donnent à Saturne, mais non l'opinion commune à laquelle s'opposait celle du petit nombre. Je pense donc qu'il faut lire. ...αυτών εστί Κρόνου. Ηλίου δέ τίνες. Mon ami, M. Bidez a bien voulu approuver cette correction et m'a communiqué les indications que voici. Des deux mss. dont il faut tenir compte, l'un (A) donne ήλιου, l'autre O (=Vaticanus 1) a aussi ηλίου, mais le mot a été souligné de points et la première main, celle de Jean le Calligraphe,a écrit au-dessus : Κρόνου (cf. Byzantion, t. IX, 1934, p.407). Le copiste a donc pu trouver dans l'archétype qu'il avait sous les yeux Κρόνου écrit en marge non comme variante, mais comme mot à suppléer, et s'être figuré qu'il fallait le substituer à ήλιου. L'hiatus ne peut être objecté avec une aussi forte

cf. dans le même passage (987 Β : ηλίου. iva). Théon de Smyrne qui cite abondamment VEpinomis (pp. 2, 15 ; pp. 7 à 9, p. 84, 8, p. 177, 24 Hiller) dit précisément à propos de Saturne (p.130,22): Ό τοϋ Κρόνου προσα- γορενό μένος } ώς δέ τίνες Ηλίου, et de pareils tours de phrases sont

à propos des diverses appellations planétaires, cf. infra, p. 15, n. 1, n. 3 ; p. 16, n. 6. Saturne est d'ailleurs l'astre de Kronos pour Ariçtote, çf, infra p. 13, n. 1.

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de Zeus et le suivant, d'Ares. Il est, de tous, celui dont la couleur est la plus rouge. Comme par sa nature notre été le cède à celui de cette région dont nous avons parlé, il nous a transmis plus tard la

de ces dieux cosmiques, mais admettons que tout ce que les Grecs ont reçu des barbares, ils ont fini par le perfectionner».

Il résulte clairement de ce passage un peu enchevêtré, mais suffisamment intelligible, que, encore du temps de Platon, les cinq planètes mineures, sauf Vénus, étaient, à proprement par 1er, dépourvues de noms et qu'on les désignait par une

« l'astre de tel ou tel dieu ». Nous en trouvons une preuve nouvelle dans un passage du Timêe Q), où le philosophe, venant à parler des deux astres qui font escorte au soleil, les appelle «

και ό ιερός 'Ερμου λεγόμενος. Vénus se nommait depuis l'âge homérique Êôsphoros (p. 6), mais Mercure n'était encore que « celui qu'on dit consacré à Hermès ». Il était resté pour Platon une étoile anonyme (2). Dès lors, on ne s'étonnera pas que dans un mythe de la République (p. 617 A) où sont décrites les orbites des planètes, celles-ci soient désignées non par leurs noms, mais seulement par la couleur qu'on leur prêtait (8).

Le penseur athénien, on n'en peut plus douter aujourd'hui, a connu les doctrines de l'astronomie orientale par Eudoxe de Cnide(4). Nous pouvons donc être assurés que celui-ci aussi ne s'est pas servi d'autres appellations pour les cinq planètes que ο αστήρ τον Έρμου, της Αφροδίτης, τον "Αρεος, τον Διός, τον Κρόνον. C'est ce

(1) Platon, Timée, 11, p. 38 D : Ό θεός εθηκεν σελήνην εις τόν περί γήν πρώτον, ήλιον δέ εις τόν δεύτερον υπέρ γης, Έωσφόρον δε και τόν ιερόν Έρμου λεγόμενον εις τόν τάχει μέν ίσόδρομον ήλίψ κύκλον ¡όντας, τήν δέ εναντίαν είληχότας αύτφ δύναμιν · δθεν καταλαμβάνονσι τε και καταλαμβάνονται κατά ταύτα νπ' αλλήλων ήλιος τε και ό τον Έρμου καΐ 'Εωσφόρος. Cf. Lois, VIII, p. 821 C : Έώρακα και αυτός τόν τε Έωαφόρον καΐ τόν Έαπερον και άλλους τινας ουδέποτε Ιόντας τόν αυτόν δρόμον άλλα πάντη πλανωμένους. L'admiration que l'on

pour la langue de Platon a assuré à l'expression Εωσφόρος και δ τον Έρμου αστήρ une longue survivance : on la trouve encore dans Simplicius, De Caelo, p. 496, 26 Heiberg.

(2) Une notice doxographique (Diels, Doxogr., p.344, 17) contredirait cette assertion, mais elle est sans valeur pour le point qui nous occupe ici ; cf. infra, p. 30 note 3.

(3) Cf. Boll, Beobachtungen farbiger Sterne (Abhandl. Akad. München, XXX) 1918, p. 20 ss.

(4) Bidez, Platon, Eudoxe et l'Orient dans le Bulletin Acad, Belgique, 5, série t, JX? 1933, p. 195 «g., 273 s. s,

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que confirme un passage d'Aristote d'où il ressort que telle était la terminologie non seulement d'Eudoxe, mais aussi de son

Callippe Ç), comme, de nouveau, elle devait être plus tard celle de Ptolémée. Le grand Stagirite lui-même n'en a point adopté d'autre, car non seulement c'est la seule dont il se serve dans ses écrits (2), mais, comme l'a remarqué Franz Boll, qui, avec sa

coutumière, a aperçu ici la vérité (3), Aristote n'aurait pas affirmé dans le De Caelo (4) que les planètes ne scintillent pas (μή στίλβειν) sans y ajouter une réserve ou une critique, si de son temps Mercure avait déjà porté précisément le nom de Στίλβων, qui lui appartiendra plus tard. Théophraste aussi paraît avoir été fidèle à la nomenclature qu'il trouvait chez son maître (5).

Nous sommes ainsi conduits jusqu'à la période alexandrine. Un contact plus intime avec les religions de l'Orient devait alors

une grande confusion dans cette onomastique planétaire.

(1) Météorol., 8, p. 1074 b 17: Théorie d'Eudoxe sur le mouvement des sphères : Είναι ôè της τρίτης σφαίρας τους πόλους των μέν άλλων Ιδίους, τους ôè της 'Αφροδίτης κ αϊ τ οϋ 'Ερμου τους αυτούς. Κάλλιπος ôè την μεν θέσιν των αφαιρών την αυτήν ετίθετο Εύδόξφ. τοϋτ' ¿στι των αποστημάτων την τάξιν, τα ôè πλήθος τφ μέν τον" Διός xal τφ τον Κ ρ όν ου τα αυτά εχείνφ άπεδίδου. CI. en outre poux Eudoxe, Simpucius, De caelo, p. 496, 5 ss. éd. Heiberg.

(2) Aristote, De caelo, p. 292 a 5 : Την σελήνην έωράκαμεν διχότομον μεν οϋσαν, ύπερελθοϋσαν ôè τόν αστέρατοϋ "Α ρ ε ο ς... ομοίως ôè περί τους άλλους αστέρας λέγουσιν οί παλαΙ τετηρηκότες εκ πλείστων ετών Αιγύπτιοι καί Βαβυλήνιοι. Cf. Météorol., 6, p. 343 b 30 : ΑντοΙ

τον αστέρα ταν τοϋ Δίας των èv τοις Διδύμοις συνελθόντα τινί. Cf. ibid., p. 342 b 33, cité plus haut, p. 8, n. 2.

(3) Boll dans Röscher, Lexikon, s. v. " Planeten", p. 2522, note — Boll note encore qu'Aratus, qui a composé son poème vers 270, ne mentionne les cinq planètes qu'en bloc (v.456 ss.), sans les nommer, ni les définir, et paraît avoir été fort mal informé sur elles. (24) De caelo, p. 490 a 17. : "Οπερ αίτιον τοϋ στίλβειν φαΐνεοθαι τους

αστέρας τους ενδεδεμένους, τους ôè πλαν^τας μη στίλβειν. Cf. par contre. SiMPLicius,De caelo, p.454, 19 Heiberg : "Οτι καί ó Ερμής στίλβει, οηλοΐ καί το δνομα τοϋτο προσκείμενον αύτψ.

(5) Théophraste, Περί σημείων, VI,46 (p. 396, 25 Wimmer) Ό του αστήρ χειμώνος μέν φαινόμενος ψύχη σημαίνει, θέρους ôè καύμα ;

cf. Proglus, In Tim., Ill, ρ . 151, 2, Diehl, et Pfeiffer, Stadien zum antiken Sternglauben, 1916, p. 49 ss.

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14 P. cütooNT

Celle-ci reposait sur des identifications de dieux sémitiques avec ceux de l'Olympe, qui étaient toutes approximatives et plus ou moins arbitraires. A la terminologie adoptée en Grèce au moins

le Ve siècle, nous l'avons vu, on en opposa une autre qui se réclamait des « Chaldéens », c'est-à-dire, des astronomes

de l'époque séleucide ou de leurs disciples grecs. Si Saturne était, selon l'opinion commune, l'astre de Kronos,

les Babyloniens, qui le regardaient comme la plus puissante des cinq planètes (*), faisaient de lui, suivait un système de

dont on a d'autres exemples, le représentant nocturne du soleil, et de nombreux auteurs grecs et latins notent que Saturne est Γ « astre d'Hélios » (2).

Si Jupiter restait, selon les astronomes chaldaïsants, l'étoile de Zeus (^»substitut naturel de Bel (4), Mars n'appartenait plus pour eux

(1) Diodore, II, 30, 3; Epigène dans Sénèque, Quaest. Nat., VII, 4; Tacite, Hist, V, 4 ; Martianus Capella, II, 197 ; Diodore de Tarse dans PHOT.,BibL, 223, p. 211, 29. cf. Odapsus (ou Hystaspe), Cat. codd. astr., VIII, 3 p. 92, 8 ss.

(2) Déjà dans le texte de VEpinomis, tel que l'a rétabli Bidez (supra p.l 1, note 6 et qui remonte à Eudoxe); en outre dans le papyrus dit d'Eudoxe (cf. infra, p. 26), chez Diodore, II 30, 3, (p. 7, n. 4) ; Theon de Smyrne, p. 130, 23 Hiller ; Ηυοιν,ΙΙ, 42 ; IV, 15, 18 ; Ptolem, Tetrab.,11, 3, p. 64, 14. Simplicius, De Caelo, p. 495, 28 Heiberg, et dans d'autres passages qui ont été réunis par Fr. Boll, Kronos-Helios, dans Archiv, für Religionsw., XIX, 1919, p. 342-6. — Des monuments figurés où Saturne apparaît comme le Soleil noctume,mon- trent que la conception qui faisait de cette planète et du soleil une seule et même divinité, se manifestant dans les deux astres les plus puissants, celui du jour et celui de la nuit, était commune aux Babyloniens et aux Syriens (cf. mes Études Syriennes, p. 80, n. 2 ; l'autel palmyrénien du Capitole que j'ai

Syria,lX,1928, p.104, cf. pl.XXIX; et OussAUD,Monuments Piot, XXX, 1929, p. 99 ss). Lorsque VEpinomis parle des Syriens, il est parfaitement

que ce soit en effet par l'intermédiaire de la Syrie que son auteur ait cette doctrine caractéristique des Babyloniens.

(3) Nous en trouvons une preuve certaine dans le thème de géniture du roi Antiochus de Gommagène (que nous aurons à citer aussi dans les notes suivantes) II date de l'année 97 av. J.-G. et montre les planètes Jupiter, Mars, Mercure réunies dans la constellation du Lion avec les inscriptions Φαέθων Διός,Στίλ- βων Απόλλωνος, Πυρόεις Ηρακλέους. (Humann et Püchstein, Reisen in Nord-Syrien, Berlin, 1891, pl. XI et p. 333 ; Bouche-Leclebcq, Astrol. grecque, p. 373, η. 2, p.439 ; Saglio-Pottier, Dict.,&. v."Zodiacus", fig. 7587.) Get horoscope d'un prince oriental, disciple des mages, exprime naturellement la tradition chaldéenne.

(4) Bel est toujours resté en Syrie le nom de la planète Jupiter ; cf. Mon,

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LÈS NOMS t>ES PLANÈTES CHEZ LES GfcÈCS 15

à Ares mais bien à Héraklès Q). Les inscriptions du roi Antiochus de Commagène, nous apprennent que le syncrétisme oriental

une seule et même divinité planétaire d'Héraklès, d'Ares et du Véréthragna mazdéen, dont partout ailleurs aussi le nom est regardé comme un équivalent de celui d'Hercule (a).

Vénus n'a plus, selon les disciples des Chaldéens, pour patronne Aphrodite,mais Héra (8). Pn Babylonie, la déesse qui commandait à la planète Vénus était souvent Bëlit « la Dame », assimilée à Ish- tar(4), et, en Syrie, elle continua à être régulièrement appelée

Myst. Mithra, I, p. 135. — Pour les Harraniens, ci. Chwolsohn, Die Ssabier, II, p. 22 et p. 169. — tPour les Mandéens, Lidsbarski, Ginza, p. 28, 116, a.

(1) Epiqêne, Schol. Apoll. BJiod., III, 1377 ; [cf. infra, p. 20 n. Il : Πυρόεντα, προσαγορευόμενον ύπο Ελλήνων "Αρεως, νπό ôè ^Χαλδαίων 'Ηρακλέους.^ A^RRoti dans Macrobe, Sat, III, 12, 16 : Chaldaei stellam Herculis vocant quean reliqui omnes Mortis appellant, Ps. Asustóte, De mundo, II, 7 : Πνρόεις Ηρακλέους re καΐ "Αρεος προσαγορευό μένος ; cf. Apulée, De mundo, 2. Pline, II, 34 : Sidus Mortis, quod quidam Herculis vocant ; Hygin, II, 42 ; Stella Mortis, quam alii Herculis dixerunt. Théon de Smyrne, p. 130, 24 : Πνρόεις δν "Αρεως καλονσι, ol ôè 'Ηρακλέους. Servios, Aen., VIII, 275 : Hercules qui et Mars ; nom et 'stellam [Chaldeis dicenti bus] unam habere dicuntur. — Sur l'origine chaldéenne de cette attribution, transmise

par Posidonius au Ps.-Aristote, à Varron et à Pline, cf. Schnabel, Be- Tossos, p. 117 ss. ; Kroll, Die Kosmologie des Plinius, 1930, p. 10.

(2) Horoseope d'Antiochus [supra, p.l4,n.3J: Πυρόεις Ηρακλέους ; Jalabery et Mouterde, Jnscr. Syrie, 1, 1. 55 ; 35, 1. 7 ; 52, 1. 21 : 'Αρτάγνης *Ηραχλή§ "Αρης. Artagnès, le Véréthragna avestique, Vahram en pehlvi, est le nom de la planète Mars et l'assimilation de ce dieu à Héraklès est constante. C'est sous les traits d'Hercule que le dieu est représenté sur un des bas-reliefs du Nemroud- Dagh ; cf. Mon. Myst Mithra, I, p. 135 et 143.

(3) Timee de Loores, p. 96 Ε: Δύο δ' Ισόδρομοι αελίφ ivxl Έρμα re xal "Ηρας, τόν Άφροδίτας καΐ Φωοφόρον χοϊ πολλοί καλέοντι. Ps.- Aristote, De mundo, p. 392 a 26 : Φωσφόρου δν 'Αφροδίτης, oí ôè "Ηρας προσαγορεύονα ιν ; Apul., De Mundo, 2 : Phosphorus lnuonia immo Veneris stellet. Pune, II, 37 : Veneris sidus... alii Inuonis appellaoere. Hygin, II, 42 : Stella Veneris quam non nulli Junonis esse dixerunt; cf. Schol. Aral., p. 185 Breysiq. St Augustin, Cío. Dei, VII, 15 : Luciferum quidam Veneris, quidam dicunt esse Iunonis ; sed, ut solet, Venus vincit.

(4) Certains textes font entre Ishtar et Bêlit la même distinction que les Grecs entre Pnosphoros et Hésperos, considérant l'une comme l'étoile du matin» l'autre comme celle du soir. cf. Röscher, Lexikon, s. v." Astartc", col. 648 ss. Le culte de Bêltis avec celui de Bel a pénétré à Palmyre (Tessère dans Vogué, Inscr. sém., 155 a ; cf. 52) - Bar-Bahloul dans Payne Smith, Thés. Syrian., l, p. 326 : Chaldaei (appellent l'étoUe Venus) Belthi (ou Belathi) cf. p. 18, n. 3.

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16 fr

Baltis Q). Elle apparaissait ainsi moins comme la protectrice de la fécondité que comme l'épouse du Baal céleste, elle-même « reine des cieux » (2), et son nom fut par suite traduit en grec par Héra (3), comme celui de Bel par Zeus. Jusqu'à l'époque romaine, on l'a

représentée en Syrie sous l'aspect de cette déesse plutôt que d'Aphrodite (*), et les théologiens païens spéculaient éperdument sur le double caractère de cette divinité stellaire (6).

Dans ce nouveau système de patronages, Mercure n'est plus soumis à Hermès mais à Apollon (6). L'origine chaldéenne de cette attribution n'est pas douteuse. Nabou, le maître babylonien de la plus petite des cinq planètes, a vu en Mésoptamie et en Syrie son nom rendu régulièrement par 'Απόλλων (7) ; celui-ci est par suite le dieu de Mercure dans les incription du roi Antiochus (8).

( 1) Mon. Mystères de Mithra, I, p. 135· Même nom chez les Harraniens : Chowlsohn, op. cit., II, p. 122, p. 171 ss.

(2) Jeremie, XLIV, 17 ss. etc. Cf. Payne Smith, I.e. ; Abydenus dans" Eu- sèbe ; Prép. Ευ., IX, 41 : Ή βασίλειαβήλτις.

(3) Hésychius, Βήλθις · ή "Ηρα ή 'Αφροδίτη. Plut., Vita Crass., 17, et JRealene., s. ν. " Baltis". Pour Lucien, De dea Syria, 1 et 32, la grande déesse d'Hiérapolis est une Héra avec certains traits d'Aphrodite. Cf. CI. L, III, 159.

(4) Dans la série des planètes représentées sur des statues du Zeus Helio- politanus, Vénus est Héra, non Aphrodite ; cf. Syria, II, 1921, p. 40.

(5) Après avoir exposé que les dieux représentent la raison unie à l'âme (ψυχή) que figurent les déesses, Plotin, III, 5, 8 ajoute : Eîrf àv ή γνχή τον Δίας ή 'Αφροδίτη, μαρτυρούντων τούτφ τφ λόγω Ιερέων καΐ

οι εις ταύτα "Ηραν καΐ Άφροδίτην άγονοι καΐ τόν της αστέρα έν ούρανφ "Ηρας λέγοναιν. Cf. St Augustin, I.e. {p. 15 η. 3]

(6) Ps.-Arist., De Mundo, p. 392 a 25 : Στίλβων δν Ιερόν Έρμον καλοϋ- αιν êvioij τινές δέ 'Απόλλωνος ; cf. Apulée, De Mundo, 2 : Stilbon, cui quidam Apollinis, ceteri Mercuri nomen dederunt. Pline, II, 39 : Mercurii sidus a quibusdam appellation Apollinis. Cf. infra, p. 17, η. 2..

(7) Cf. mes Fouilles de Doura-Europos, p. 200. Clermont-Ganneau, Recueil d'archéol. orientale, III, p. 212 ss., a ingénieusement expliqué un passage du Pseudo-Méliton (ßpicil. Syr. de Cureton, p. 215, 14) où il est dit qu'une image d'Orphée représentait Nabou à Mabboug, en suggérant que c'était en réalité une statue d'Apollon citharède. Cette conjecture est corroborée par une tessère palmyrénienne ; cf. Ingholt, Actes du Ve Congrès d'hist. des religions, Lund, 1930, p. 144-146.

(8) L'horoscope d'Antiochus porte Στίλβων 'Απόλλωνος Ses inscriptions combinent les quatre noms 'Απόλλων Μίθρας "Ηλιος Έρμης. Jalabert et Mouterde, op. cit., n° 1, 1.54 ; 33, 1. 6 ; 52, 1.20. Puchsteim a déjà supposé que Hermès avait été joint à Apollon parce qu'ils étaient les deux divinités de la planète Mercure. Mais Hermès, le dieu psychopompe, a pu être aussi

de Mithra comme conducteur des âmes {Mystères de Mithra 8, 1913, p. 146, n. 2).

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LES NOMS DES PLANÈTES CHEZ LES GRECS 17

Les Égyptiens ont reçu des Chaldéens leur astrologie, mais ils en ont modifié et développé les doctrines. Ceci est vrai en

des divinités planétaires qui, sur le zodiaque de Dendérah datant de l'époque romaine, se montrent encore sous l'apparence de dieux indigènes (*). Si l'on semble avoir accepté dans l'Egypte hellénistique que Mars dépendît d' Herakles et Mercure d'Apollon (2) comme le voulaient les Chaldéens, les Grecs n'ignoraient pas

que le premier s'appelait dans la langue du pays « Έρ- τωσί», c'est-à-dire « Horus le rouge», mais ils ne comprenaient plus le sens de ce mot barbare (3). Naturellement Jupiter et Vénus devinrent les étoiles des grands dieux nationaux Osiris et Isis (4). Saturne, l'astre malfaisant, y fut celui de Némésis, la vengeance divine, et cette doctrine a laissé des traces dans les traités

(5).

(1) Cf. Boll, Sphaera, p. 233 ss. et pi. III. (2) Du moins Achillk, Isag. in Aratum,17 (Maas, Comm. in Aratum, p. 43),

l'affirme : Ό του "Αρεος ... παρά Αίγυπτίοις Ηρακλέους αστήρ, ό του Έρμου ... παρά Αίγυπτίοις 'Απόλλωνος αστήρ.

(3) Vettius Valens,VI, 2 [cf. infra, p.21,n.4] dit que les Égyptiens appellent Mars "Αρτης} ¿πει των άγαθοποιών καΐ της ζωής παραιρέτης εστίν. L'explication qu'il ajoute montre qu'il dérive άρτής de αίρέω, celui qui enlève, "qui détruit". Mais on a rapproché, ce nom de celui d" Ερτωσί que porte Mars suivant Lydus, De mens., IV.34 (p. 92, 3 Wünsch = Cedrenus I, 295, 4 Bonn : "Αρης ... καλείται ΑΙγυπτιαστΙ Έρτωσί · τοΰτο ôè σημαίνει παντός γένους ζωογονίαν και πάσης ουσίας και ϋλης κατά φύσιν καΐ δύναμιν διατακτικήν ζωογονικήν. Cí.Estienne, s.v., où Jablonsky propose une

de ce mot aussi arbitraire que celle de Lydus. D'après une note que veut bien me communiquer le Père Suys, Mars à l'époque gréco-romaine porte l'épithète de Hr-dSr = " Horus le rouge". Mais dès le nouvel Empire, le r final devient i, sans être écrit autrement, et les dentales se confondent vers la période ptolémaïque, en sorte que Έρτωσί répond bien phonétiquement au nom égyptien. Cf. H. Brugsch, Die Aegyptologie, 1891, p. 336.

(4) Achille, Ibid.: Ότου Διός ... κατά Αιγυπτίους Όσίριδος. Le sur Vénus est mutilé. — Pline, II, 37 : (Luciferum) alii Isidis appellavere.

Selon Ptolémee, Tetrab., II, 3 (p. 64, 14) les peuples de l'Asie σέβουσι τόν της 'Αφροδίτης αστέρα ΎΙσιν όνομάζοντες. Sur ces attributions, cf. Roscheh, l. c, col. 2527. — L'assertion de Ptolémee s'explique par le syncrétisme qui identifiait Isis avec toutes les grandes déesses de l'Asie : Atargatis, Anaïtis, Nanaïa, la déesse Syrienne, Astarté ; cf. la litanie du Pap. Oxyrr.1380, 1.100 ss. et Lafaye, Revue de Philol., XL, 1916, p. 63 sq. avec ma note p. 133.

(5) Achille, l. c. : Του Κρόνου αστήρ λέγεται ... παρά ΑΙγυπτίοις Νεμέσεως αστήρ. Vettius Valens, I, 1. (p. 2, 22 Kroll) : Ό τοΰ

...εστί Νεμέσεως αστήρ. De même Rhétorius, Cat. codd. asir., VII, a

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18 F· CUMONT

D'autre part, en Phrygie on établit une liaison entre la plus éclatante des planètes et la principale déesse de la religion ana- tolique : Vénus y fut consacrée à la Mère des Dieux (*).

Ainsi, de même qu'après Alexandre, une« sphère barbare de figures étranges d'astérismes égyptiens,chaldéens ou ana-

toliques (2), tendit à se substituer aux constellations que les Grecs reconnaissaient traditionnellement sur la voûte du ciel et qu'avait décrites en vers Aratus, de même les cinq planètes changèrent de maître sous l'influence des religions orientales et l'on vit se multiplier les appellations qui les désignaient (3).

Une telle confusion n'était point sans offrir des inconvénients et les astronomes, qui étaient des hommes de science, durent néces-

p. 247, 17 ; cf. Boüche-Leclercq. Asir, gr., p. 94, 1. — Dans la théorie des sept sorts, telle qu'elle était exposée dans le Panaretos d'Hermès Trismégiste, le κλήρος Κρόνου est celui de Némésis (Paul Alex., K, 2 ; Cat. codd. astr., I, p. 168, 25 ; IV. p. 81) ; cf. Bouché-Leclercq, p. 307. — Héphaistion de Thèbes veut qu'on consacre les statues de Némésis êv τοΐς τον Κρόνου ζωδίοις και ύψώματι (Cat, VIII, 1, ρ. 151, 12).

(1) Pline, Ζ. c : Alii Matris Deum appellavere. (2) Boll, Sphaera, 1903, p. 349 ss ; cf. Saglio-Pottie^Dicí., s. ν. Zodiacus,

col. 1049. (3) Vénus notamment était, dans les différents pays, placée sous le vocable

des divinités les plus diverses. Bar Bahloul, i.e., [p. 15 n.4] n'énumère pas moins de seize noms qui lui sont donnés : ils sont commentés par Lagarde, Gesammelte Abhandlungen, 1866, p. 14 ss. Les Arabes en particulier rendaient un culte fervent à Al-Uzza (Wellhausen, Reste Arabischen Heidentums3 p. 40 ss. ; Noiville, Le culte de l'étoile du matin chez les Ar. préislamiques, dans Hesperis, 1928, p. 368 ss.), qu'on appelait communément Χαβάρ, " la grande" (Cî.Sgria, VIII, 1927, p. 363). On mettia ce surnom en rapport avec l'insistance que les astronomes mettent à signaler la grandeur de la planète (supra p. 6 n. 3) — Un fragment grec attribué à Zoroastre et Osthanès expose une mythologie astrale ou à côté des dieux planétaires ordinaires une série de sept autres dieux sont

comme ξφοροι : Ares, Aphrodite, Demeter, Dionysos, Athéna, Héphaistos, Artemis. (Cat. codd. astr., VIII, 3, p. 121, 10). La signification de cette hebdo- made est obscure. — Jene mentionne que pour mémoire les nombreux nomina barbara dont sont gratifiées les planètes dans les prières (Cat. astr., VIII, 2, p. 173 ss) ou les textes magiques (par ex. Preisendanz, Pap. gr. magic, II, p.. 53, p. 160) et qui sont souvent inintelligibles. Cf. Gundel dans BoLL-BEzoLD,Sfern- glaube3, p. 125. — La Pistis Sophia, c. 137 (p. 235 trad. Schmidt) assure qu'à côté des noms que leur donnent les hommes, les cinq planètes ont des noms immortels (άφθαρτοι) pour Kronos, Orimuth, pour Ares, Munichunaphôr, pour Hermès, Tarpetanûph, pour Aphrodite, Chôsi, pour Zeus, Chônbal. Les explique qui pourra.

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LES NOMS DES PLANÈTES CHEZ LES GRECS 10

airement éprouver le besoin de créer une terminologie fixe, qui ût soustraite à la variabilité des croyances religieuses et

pour tous les érudits. Tel fut sans doute le motif qui fit pour les cinq planètes des noms tirés, non de leurs rapports

avec telle ou telle divinité, mais de leur aspect physique. Saturne fut le Lumineux, Φαίνων Ç), Jupiter le Resplendissant, Φαέθων, Mars le Rutilant ou l'Igné, Πνρόεις ou parfois Πνροεώής (2), Vénus le Porte-Lumière, Φωσφόρος (3), et Mercure le Scintillant, Στίλβων.

A cet égard aussi, les astronomes chaldéens avaient été les de leurs confrères helléniques et ceux-ci ne l'ignoraient

pas. A côté des appellations divines dont nous avons déjà dit un mot (p. 7), les planètes, comme plusieurs étoiles fixes, avaient reçu en Babylonie des noms qui leur appartenaient en propre et le Lexique d'Hêsychius nous en a transmis quatre sous leur forme exotique, preuve qu'ils avaient été phonétiquement

dans quelque ouvrage écrit en grec, peut-être celui de Bé- rose (4). Il est infiniment probable que cette onomastique orien-

(1) Letronne, qu'a suivi Boll (Röscher, l. c, 2522 note) a mis ce nom en rapport avec la qualité ά'έρμηνεΐς que, selon Diodore, les Chaldéens donnaient aux planètes (supra p.7, n.4). Saturne étant la plus puissante d'entre elles (p. 14, n.l), aurait été l'interprète par excellence, qui aurait révélé (φαίνειν) l'avenir. Mais tous les noms de cette série expriment simplement l'impression matérielle que les planètes produisent sur l'observateur, sans aucune idée astrologique» et φαίνω est d'un emploi si fréquent en grec, pour dire qu'un astre luit, qu'il est inutile, je crois, d'y chercher une signification plus profonde. L'étymologie de Vettius Valens (VI, 2, p. 249, 2 Kroll) : Βαβυλώνιοι Φαίνοντα αύτον (τον Κρόνον) προσηγόρευσαν ¿tn ε Ι πάντα τψ χ ρ ό ν ψ

γίνεται est manifestement une invention de grammairien, par un calembour : L'explication de "Αρτης, qui suit, est aussi

; cf. supra, p. 17, n. 3. (2) Πυροειδής est la forme adoptée par l'auteur du papyrus d'Eudoxe [cf.

infra, p. 26] et par le Pseudo-Eratosthène, Cat., 43. Elle se retrouve dans Plutarqtje, Fr. IX, De Daedalis, 5. Cf. aussi infra p. 25, n. 1 ; p. 37, n. 1.

(3) Φωσφόρος pour Εωσφόρος paraît appartenir à cette nomenclature et n'être pas antérieur ; cf. supra, p. 6, n. 2.

(4) Les gloses d'Hêsychius sont les suivantes: Βελέβατος 'ô του πυρός αστήρ. Βαβυλώνιοι — Δέλεφατ · ó της 'Αφροδίτης αστήρ ύπό ΧαλδαΙων —Μολοβά- βαρ. δ του Δίας αστήρ παρά Χαλδαίοις — Σεγές.τοϋ ' Ερμου αστήρ.

Schnabel, qui a réuni tous les vocables babyloniens que contient le lexique d'Hêsychius (Berossos, 1923, p. 260), note que l'un d'eux est donné comme

de Bérose et que d'autres ont probablement la même source. — ¿ Des quatre noms planétaires deux se retrouvent, sans doute possible, dans les textes

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20 Fí CUMONT

tale a inspiré aux Grecs l'idée de lui créer un équivalent dans leur langue et donné ainsi naissance à la série Φαίνων, Φαέθων, etc, Une des gloses d'Hésychius paraît d'aileurs en fournir une preuve assez frappante : le lexicographe qui a expliqué le nom

de Mars par ô τον πυρός αστήρ, doit l'avoir trouvé dans sa source rendu par Πνρόεις.

Plusieurs autres indices nous ramènent à la même origine. Parmi les textes qui révèlent l'usage de ces noms planétaires, un des plus anciens, peut-être même le plus ancien (p. 24) est un extrait d 'Épi- gène de Byzance cité dans les scholies d'Apollonius de Rhodes (*). Dans son livre sur l'astrologie des Chaldéens, chez qui l'on sait

cunéiformes. Αέλεφατ est Dil-bat (Jensen, Kosmologie der Babylonier, 1890, p.H8),qu'il vaut mieux lire Dili-bat d'après une note que veut bien me

M. Thureau-Dangin. Μολοβάβαρ pour Jupiter, répond exactement à Moulou-babbar. (Jensen, p. 126). Σεχές correspond probablement à Sa-gas (ibid., p. 124) et Βελέβατος peut-être à *Idib-bat (ibid., p. 97 ; mais cf. Ros- CHER, s.v. Planeten,^. 2526 note). — Saturne, qui n'a pas été recueilli par Hésy- chius, s'appelait Kaimânou, qui répond à l'hébreu et au syriaque Ke'vân

p.113 ; cf. supra p. 7, n. 3). — II n'est pas indifférent pour notre sujet de noter que les deux noms qui sont donnés par Hésychius comme " chaldéens", Dil-bat et Moulou-babbar, par opposition aux noms "babyloniens", se retrouvent en effet dans des textes de l'époque hellénistique ; p. ex. dans les horoscopes des années 258 et 141 av. J.-C. publiés par Kugler, Sternkunde in Babel, II, p. 254.

(1) Schol. Apoll. Rhod., III, 1377. Le texte doit être lu, semble-t-il : El δέ τις λέγοι τφ Πνρόεντι αυτόν (Jason) όμοιωκέναι, περί οϋ Έπι- γένης έν τφ περί της Χαλδαικής < μαντικής > των μαθηματικών προειπών περί των πλανήτων λέγων (1. λέγει) ύφ' êv είναι τον Πν- ρόεντα} προσαγορευόμενον δέ υπό μεν Ελλήνων "Αρεως, υπό δέ Χαλ- δαίων 'Ηρακλέους... δ δέ Πυρόεις δυσκίνητος έστιν. — Le texte de cette scholie, comme celui d'Apollonius lui-même, n'a été conservé que par un seul archétype, un Laurentianus, qui est très fautif, comme les découvertes de papyrus ont achevé de le prouver. Le ms. a Περιγένης ; Lobeck a corrigé Έπιγένης avec raison comme le montre Schnabel, Beros- sos, p. 114 ss. — De plus, le Laurentianus donne 1. 2 Χαλκιδικής, 1. 4 Χαλκι- δέων, mais la correction est rendue certaine par une comparaison avec VEtym. magnum s. ν. Πνρόεις (p. 697, 53) : Πυρόεις απολάμπεται à σ - τ ή ρ, 'Απολλώνιος, δτι 6 αστήρ ο "Αρης υπό μεν Ελλήνων "Αρης

ύπό δέ Αιγυπτίων και αστρονόμων Πυρόεις, υπό δέ Χαλδαίων 'Ηρακλής. — Après Χαλδαικής, un mot est certainement tombé : j'ai suppléé μαντικής,ψιζ sa ressemblance paléographique αν&οΧαλδαικής a pu faire sauter facilement par le copiste. — ύφ' êv είναι est suspect, mais je ne trouve pas la vraie leçon.

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LES NOMS DES PLANÈTES CHEZ LES GRECS 21

qu'Ëpigène s'était instruit (*), traitant des planètes, il nommait Πνρόεις l'astre que les Grecs assignaient à Ares et les Chaldéens à Hercule. D'autre part, nous avons vu (2) qu'en l'an 97 avant notre ère, les noms Πνρόεις 'Ηρακλέους furent gravés à côté de Φαέθων Διός et de Στίλβων 'Απόλλωνος sur le bas-relief

du roi Antiochus, sectateur de ce mazdéisme « chaldaïsé » que pratiquaient les mages de Mésopotamie et d'Asie Mineure. Ces mages prétendaient donner pour maître aux Chaldéens leur prophète Zoroastre et parmi les ouvrages grecs apocryphes qui, à l'époque hellénistique furent attribués au réformateur religieux de l'Iran (3), transformé en astrologue babylonien, se trouvaient des A potélesmatiques dont deux chapitres, qui nous sont parvenus, ont, — fait exceptionnel — gardé pour les planètes la nomenclature Φαίνων, Φαέθων, Πνρόεις, Φωσφόρος, Στίλβων. Ces noms étant ainsi employés dans les ouvrages de « Chaldéens » — vrais ou faux — on s'explique qu'on ait pu, sous l'empire romain, les

comme appartenant en propre à ces astronomes. Vettius Valens affirme que « les anciens Babyloniens ont appelé Saturne Φαίνων)) (4) et beaucoup plus tard Jean Lydus, dissertant sur les jours de la semaine, à laquelle il donne pour auteurs « les Chaldéens Zoroastre et Hystaspe », en même temps que les Égyptiens, leurs attribue en particulier d'avoir nommé Saturne Φαίνων (5). On

(1) Sénèque, Quaest. Nat, VII, 4, 1 : Duo certe, qui apud Chaldaeos studuisse se dicunt, Epigen.es et Apollonius Myndius.

(2) Cf. supra, p. 14, n. 3. (3) Nous traiterons de ces ouvrages et de leur date dans une édition de leur

fragments que nous publierons bientôt, M. Bidez et moi. (4) Vettius Valens, VI, 2 (p. 248, 29 Kroll) : 01 παλαιοί τοις χρώμασι

τους αστέρας άπείκασαν. τον μεν οΰν του Κρόνου μέλανα, έπεϊ εστί αημεΐον · βράδυς γαρ ό Θεός ' ëvθεv Βαβυλώνιοι Φαίνοντα

αυτόν προσηγόρευσαν ' επεϊ πάντα τφ χρόνφ φανερά γίνεται (cf. supra, p. 19, η. 1) ... τόν δε του "Αρεως κιρρόν · πυρωτος γαρ και τόμος καΐ κατεργαστικας ό θεός. Αιγύπτιοι γαρ καΐ "Αρτην αΰτον προσηγόρευσαν, επεϊ των άγαθοποιών (άγαθώνΊ) καϊ της ζωής παραιρέτης εστί.

croit donc que Phainôn est un nom babylonien de Saturne, comme Artès est un nom égyptien de Mars (cf. supra, p. 17, n. 3).

(5) Lydus, De Mensib., II, 4 : ΟΙ περί Ζωροάστρην και Ύστάσπην Χαλδαΐοι καϊ Αιγύπτιοι από του άριθμοϋ των πλανήτων εν έβδομάδι τάς ημέρας ανέλαβον. Cf. II, 6 (ρ. 23, 18 Wünsch) où Zoroastre est de

cité ; II, 12 : Την έβδόμην ήμέραν Αιγύπτιοι καϊ Χαλδαΐοι προαφο- Φαξνονχι, ο$τ<α κατ' αϋτοφξ προααγορβυομένω α,αχέο^ι .

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22 F- CUMONT

sait que, par suite de la conquête parthe, la vallée inférieure de l'Euphrate fut séparée du monde occidental et que les institutions et la civilisation de l'époque hellénistique s'y maintinrent sans y suivre les transformations qu'elles subirent dans l'empire romain. C'est ainsi que les noms planétaires Φαίνων, Φαέθων, etc.. y

d'un usage courant jusque vers la fin du 11e siècle de notre ère, comme le prouve un horoscope découvert à Doura (!). Peut- être faut-il rappeler enfin, dans le même ordre de faits, que les Ophites de Celse mettaient en relation avec le plus élevé de leurs sept archontes, l'astre Φαίνων (2).

Si les appellations dont nous parlons ont eu une vie si longue dans l'Orient sémitique, la raison en est donc que dès l'origine elles appartenaient à la langue des astronomes et astrologues disciples des Chaldéens. Mais quel auteur a le premier imaginé ces substituts helléniques des cinq noms babyloniens des

Nous l'ignorons. Roscher a invoqué, pour prouver leur emploi dès le ive siècle, le témoignage d'Hygin (3) qui rapporte une fable qu'aurait racontée Héraclide Pontique sur la planète Phaéthon, c'est-à-dire Jupiter (p. 28). Théoriquement, il ne serait pas impossible que cet élève de Platon, esprit curieux, qui s'était intéressé aux croyances de l'Orient, puisqu'il avait écrit un

intitulé Ζωροάστρης (4), et qui avait conçu une théorie à propos des orbites de Vénus et de Mercure (5), fût aussi

ôè αύταν "Ελλησιν ë6oç καλεΐν. Sur les Égyptiens cités ici, cf. infra, p. 41 s. ; Sur l'ensemble du morceau p. 41 note 4.

(1) Horoscope tracé à la pointe, dans le crépi d'une maison privée : Baur et Rostovtzeff, Excavations at Dura, Second season of work 1928-29, New Haven, 1931, p. 162 et pi. LI : dans les signes du zodiaque ΦΑΙΝ ΦΑ[ΕΘ] ΠΥ ΦΩΣΦ ΣΤΙΛΒ. Cf. J. Johnson, Dura Studies, Philadelphia, 1932, p. 1 ss. Suppl. Epigr.Gr.,\ll, 363. — Après la conquête romaine du πΐβ siècle, les

de Doura portent les noms Κρόνος, Ζευς, etc., en usage alors dans tout l'Empire ; cf. Comptes rendus Acad. Inscr., 1931, p. 173 et Report IV (1930-31) New-Haven, 1933, p. 106 ss. ; Suppl. Ep.Gr., VII, 364 ss. Cf. infra, p. 36, n. 3.

(2) Origènè, Contra Celsum, VI, 31 (p. 101, 11 Koetschau) : ΦααΙ τφ λεοντοειδεΐ αρχοντι σνμπαθεΐν αστρον τόν Φαίνοντα.

(3) Hygin, II, 42 ; Schol. German.AraL, p. 185 Breysig. (4) Realenc, s. v. « Herakleides », p. 482, n° 50. (5) A Héraclide reviendrait le mérite de la découverte que Vénus et Mercure

tournent autour du soleil. Schiaparelli, Origine del sistema eliocentrico (dans iUi sull' astronomía, II, ρ, 113 ss,) a vouty démontrer qu'il avait d.éfe.ndu

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LES NOMS DES PLANÈTES CHEZ LES GRECS 23

le créateur de la terminologie dont l'usage devait se généraliser à l'âge suivant Q). Mais en fait, l'assertion assez ambiguë du médiocre compilateur qu'est Hygin, ne mérite aucune créance. Il est infiniment probable que le Pseudo-Erastothène, à qui il emprunte ce catastérisme, s'est emparé d'une fable qu'Héraclide Pontique racontait de Phaéthon, héros de nombreuses légendes, et qu'il l'a accrochée à la planète homonyme de ce personnage mythique. Nous reviendrons plus loin (p. 27) sur le peu de

que méritent les légendes planétaires du Pseudo-Eratosthène. Or, on n'a point d'autre indice, si je ne m'abuse, qu'Héraclide ait jamais, usé pour désigner les cinq astres, d'un autre langage que Platon (2).

Boll croyait encore (8) que le plus ancien exemple de l'emploi des vocables Φαίνων, Στίλβων se trouvait dans les vers cités par Théon de Smyrne sous le nom d'Alexandre d'Étolie (né vers 315), qui vécut avec Aratus à la cour de Macédoine, mais depuis, on a reconnu que ces vers sont en réalité d'Alexandre d'Ëphèse, qui composa un poème astronomique au temps de Cicerón (5).

Dès qu'il s'agit de la transmission de la science chaldéenne aux Hellènes, on songe naturellement à Bérose, qui écrivit ses

Βαβυλωνιακά au début du 111e siècle. Si vraiment c'est lui, comme on l'a supposé (6), qui a appris aux Grecs les noms

la même révolution héliocentrique pour les planètes supérieures. Mais la critique de Heath (Aristarchus of Samos, 1913, p. 255 ss.) le conteste et E. Frank (Plato und die Pythag., p. 211 ss.) dépouille même Héraclide de toute originalité, pour n'en faire qu'un simple vulgarisateur.

(1) Qu'Aristote l'ignore encore (p.13.) n'exclut pas absolument l'hypothèse qu'elle ait été proposée par Héraclide.

(2) Chalcidius, c. 110, citant Héraclide, donne à Vénus les noms de Lucifer, et Hesperus. Lucifer dans ce passage (cf. ch. 108) traduit Εωσφόρος, Hesperus est naturellement "Εσπερος. L'un et l'autre se trouvent dans Platon, cf. supra p. 12 note 1.

(3) Röscher, Lexik., l. c, col. 2522. (4) Théon de Smyrne, p. 138, 19 Hiller ; 238 Dupuis. (5) L'erreur est due à Théon, non à sa source, Adraste, car Chalcidius, qui

dérive aussi de celle-ci, cite les mêmes vers comme étant d'Alexander Milesius (c. 72, p. 140 Wrobel). Heraclite (All. Horn., 12) donne le vrai nom ô "Βφέαιος 'Αλέξανδρος. Ces vers adoptent pour la succession des planètes, l'ordonnance « chaldéenne », qui ne s'est pas introduite dans la science

avant le n· siècle ; cf. ma Théologie solaire, p. 472 s. et Poll, Realenc, s. y, « Hebdomas », col. 2567*

(Ç) Qt supra p. 19, n. 4,

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24 F. CUMONT

babyloniens des planètes, il est vraisemblable qu'il en avait une traduction. Mais nous n'avons malheureusement aucune

indication précise sur ce point et en sommes réduits aune simple conjecture.

Nous savons au contraire positivement qu'Ëpigène, auditeur des Chaldéens, employait dans son livre sur leur astrologie tout au moins le nom de Πνρόεις (ρ. 21). Est-il l'auteur de toute la terminologie nouvelle? S'il ne l'inventa pas, il dut au moins la répandre. Mais nous ignorons la date où il écrivit, bien que la vraisemblance soit en faveur du 111e siècle.

Dans son livre Περί μαντικής le stoïcien Diogène de Babylonie, né vers 240, accordait, nous dit-on, une valeur limitée à l'astrologie, la divination de sa patrie, et il a dû nécessairement parler des

Mais nous ignorons sous quels noms il les citait (*). Au milieu de tant d'incertitudes, Ptolémée nous fournira enfin

un point de repère exactement daté. Il nous a conservé dans Y Almageste sept observations astronomiques de Dionysos

qui vécut sous Ptolémée Philadelphe (2), et dans l'une d'elles, il a laissé subsister le nom de Στίλβων, au lieu de lui

comme il le fait ailleurs pour Mercure, Mars et Jupiter, les désignations habituelles de son temps. Cette observation est datée de l'an 486 de l'ère de Nabonassar (747), soit 261 av. J.-C. (3). Nous acquérons ainsi un terminus ante quern d'une précision

Donc, dans la première moitié du ine siècle — cette s'impose — la nomenclature Φαίνων- Στίλβων était déjà celle

de l'observatoire d'Alexandrie où, notons-le, on se servait de l'ère babylonienne de Nabonassar.

En dehors de l'Egypte, Archimède (287-212), bien qu'écrivant en dorien, paraît avoir adopté la même terminologie, dont deux noms Πυρόεις et Στίλβων ont subsisté dans un fragment de son traité Περί σφαιροποιίας, (4) mal transmis par St Hippolyte.

(1) Cic. De Divin. II, 90. (2) Realenc, s. v. « Dionysos », n° 143, p. 991. (3) Ptolem., SynL, IX, 7 (II. p. 264, 19 Heiberg) : Έώος δ Στίλβων τον

λαμπρότατου ουραίου εν Αιγόκερω διεΐχεν είς τα προς ακρτους αε- λήνας γ*.

(4) Hippolyte, Refut, IV, 8, 6 ss. (p. 41 Wend laxo)= Archimedis opera, éd. Heiberg, t. II, p. 552. — Archimède donnait les distances des orbites της Άφρο- § τον Έρμου, τον Πυρόεντος, voy Διόο} τον Κρόνου, puis (α 9.) τον

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LES NOMS DES PLANÈTES CHEZ LES GRECS 25

Cette manière de s'exprimer semble donc avoir été largement répandue dans les milieux scientifiques dès le me siècle.

Les Égyptiens ont reçu des Babyloniens le présent fatal de l'astrologie, mais ils ont mis leur fierté à faire preuve

envers ces donateurs étrangers. Il en a été ainsi dans le cas qui nous occupe et les noms des cinq planètes qu'avaient adoptés les Chaldéens hellénisés, ne furent pas acceptés d'abord sans modification par le clergé du royaume des Ptolémées. Ma- lalas, citant à ce propos comme autorité Sotatès (Sotadès ?), affirme que l'historien Manéthon appelait Saturne Λάμπων, Jupiter, Φαέθων, Mars, Πνρώδης ou Πνρόεις, Vénus, Κάλλιστος et

Στίλβων i1). Bien que les assertions de Malalas soient suspectes, ce renseignement paraît de bon aloi, mais les

de Λάμπων et de Κάλλιστος ne se sont retrouvées jusqu'ici dans aucun texte astrologique, confirmant la véracité du chro- nographe d'Antioche. Certainement l'initiative de Manéthon ne doit pas avoir été très suivie.

Κρόνου,τοΰ Διός,τοϋ Πυ ρ ό εντός, τον Στίλβοντος,τής 'Αφροδίτης. Comme il n'est pas admissible que Mercure ait été appelé d'abord Έρμης et

après Στίλβων,οη ne saurait douter que la première fois,le nom ancien a été modifié par les copistes de ce livre d'Hippolyte, qui n'est conservé que par des mss. récents, et il est infiniment probable qu'il en a été de même de ceux de Saturne, Jupiter et Vénus dans les deux listes. Nous parlerons plus loin de ces altérations dues à la substitution d'un sigle astronomique aux noms écrits en toutes lettres (p. 42). — La corruption certaine des chiffres donnés dans ce passage (cf. Tannery, Mém. scient.,1, p. 393 s. et Histoire de l'astronomie, 1893, p.333) a fait regarder tout le morceau comme apocryphe, mais son authenticité paraît garantie par une citation de Macrobe.

(1) Malalas, p. 25 Bonn : Ταύτα δε <rà> παλαιά και αρχαία βασίλεια των Αιγυπτίων Μανέθων συνεγράψατο. εν οίς συγγράμμασιν αυτόν εμφέρεται άλλως λέγεσθαι τας επωνυμίας των πέντε πλανήτων

τον γαρ λεγόμενον Κρόνου αστέρα εκάλονν τόν Λάμποντα} τον ôè Δίας τόν Φαέθοντα, τόν ôè "Αρεως τον Π υ ρ ώ δ η (Πυ- ρόην Οχ., lire Πυρόενταΐ), το δε 'Αφροδίτης τον Κάλλιστον, τον δέ Έρμου τον Στίλβοντα. ατινα μετά ταϋτα Σωτάτης ό σοφότατος ήρμήνευσε. D'après Müller, F.H.G., II, p. 533, fr. 5, ce morceau pourrait être tiré des Φυσικά de Manéthon. On a proposé, au lieu de Σωτάτης, Σωτάδης. Mais nous ne connaissons aucun astronome de ce nom. — La même indication sur les noms des planètes se retrouve dans la Chronique Paschale (p. 84, 8 Bonn), dans une chronique publiée par Cramer, Anecdocta Parisina, II, p. 237, et dans un ms. astrologique de Madrid (Cat. codd. astr., XI, 2, p. 134) II semble que tous ces textes dérivent; de Malais, La men^ion^ ty Sq- tatès a partout été omise,

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Un siècle environ après Manéthon, peu après l'année 193, fut rédigé un opuscule que nous a conservé un papyrus du Louvre et qu'on appelle abusivement « papyrus d'Eudoxe » ou mieux « didascalie de Leptine » (x). C'est en réalité un manuel élémentaire d'astronomie, rédigé avec beaucoup de négligence, mais qui offre pour nous cet intérêt de nous apprendre quel était à cette époque le langage de l'enseignement. Dans le paragraphe sur la durée de la révolution des planètes, cet auteur inconnu indique le nom de chacune, qui est suivi — sauf pour Mars où cette addition est oubliée — de celui du dieu auquel l'astre était consacré. Nous lisons ainsi successivement "Εωσφόρ ο ς 6 της 'Αφροδίτης

αστήρ et "Εσπερος puis Στίλβων [ό "Ερμον] ensuite ΙΤνροει- δής plus loin Φαέθων ο τον Α ιός αστήρ enfin Φαίνων ô τον

(2). Cet anonyme a donc conservé les anciennes appellations de 'Εωσφόρος et "Εσπερος et ignore ou néglige celle de Φωσφόρος. Cette manière de s'exprimer, qui place en tête le nom de la

Φαίνων- Στίλβων, suivi de« qu'on dit de tel dieu » προσαγορενόμενος), se retrouve dans l'Introduction de Gémi-

nus et ailleurs (3) et ce devait être la formule habituelle des écoles à l'époque hellénistique.

De même que dans le papyrus dit d'Eudoxe, Φωσφόρος fait défaut, dans un ouvrage plus étendu, je veux dire les Prognos- tica ex decubitu attribués à Galien (4), mais qui n'ont aucun

avec les écrits du célèbre médecin de Pergame, dont le nom

(1) Publiée par Brunet de Presle, Notices et extraits des mss., XVIII, 2 (1865), p. 25 ss. puis par Blass, Eudoxi ars astronómica (Festschr.Kiel), 1887 ; traduite par Tannery, Hist, de l'astron., p. 283 ss. - Le texte cité se trouve col. V.

(2) Sur l'attribution de Saturne au Soleil, cf. supra, p. 14, n. 2. (3) Géminus, I, 24-29 ; la notice doxographique sur Platon (infra, p.30,n.3)

le Ps.-Aristote, De mundo (infra, p. 31, η. 3), Théon de Smyrne (infra, p.32, n. 2, et deux horoscopes égyptiens (infra, p. 39). — Au contraire, l'astrologue Antiochus (p. 31, n. 1) et CJéomède (I, 3, p. 38, n. 3) renversent l'ordre des deux membres de phrase et disent « l'astre de Kronos appelle Phainôn » et ainsi de suite ; cf. Cicerón, De nat. aeor., Il, 26, 52 ss. Censorin, fr. 13 ; Pseudo-Eratosthène, Catast. 43.

(4) L'édition de Kuhn, Galeni opera, t. XIX, p. 528 ss. ne peut qu'induire en erreur. Je me permets de renvoyer pour ce qui suit à mon article sur ces Pro- gnostica qui paraîtra dans le Bulletin de l'Institut belge de Rome, t. XV, 1935, p. 191-131. Us ne sont pas, comme on l'a cru, postérieurs à Galien, mais

à lui, et leur tradition est entièrement distincte 4e celle des œuvres du célèbre médecin,

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LES NOMS DES PLANÈTES CHEZ LES GRECS 27

ne figure dans le titre que par suite d'une erreur de copiste. Ce sont en réalité des extraits d'un traité d' « iatromathématique » dont la date est incertaine, mais qui reproduit les doctrines

d'astrologie médicale que professaient, disait-on, Hermès Trismégiste et Néchepso (11e s. av. J.-C). D'un bout à l'autre de son œuvre, l'auteur employait, pour les planètes, exclusivement les noms de Φαίνων, Φαέθων, Πνρόεις, "Εσπερος, Στίλβων. C'est à notre connaissance, le seul écrit où "Εσπερος apparaisse

sans "Εωσφόρος ou Φωσφόρος. La série Φαίνων-Σχίλβων connut une singulière destinée chez

les mythograpties. Toute une famille de textes grecs et latins dans les Catastérismes du Pseudo-Eratosthène Q), dans les

d'Hygin, (2) dans les scholies latines d'Aratus (8), remontent à un ouvrage alexandrin (4) dont l'auteur, quel qu'il soit, s'est attaché à pourvoir d'une légende chacune des constellations, et étendant son activité littéraire aux planètes, a fait la tentative désespérée de rattacher à la mythologie des vocables qui avaient précisément pour caractère essentiel de n'avoir rien de religieux (p. 19). Il était d'une rare absurdité de prétendre transformer de simples épithètes, tirées de l'éclat des cinq astres errants, en personnages de la Fable. On peut mesurer le niveau intellectuel de ce conteur puéril à ce détail qu'ayant interverti l'ordre des deux planètes supérieures, Saturne et Júpiter, et donné à celui-ci la première place, il n'a pas fait subir la même permutation à leurs noms : Jupiter est ainsi devenu chez lui Φαίνων et Saturne, Φαέθων (5), la ressemblance des deux mots ayant pu faciliter la confusion. Suivant Héraclide Pontique qui transformait un

hésiodique (e), Phaéthon — non Phainôn — était un enfant

(1) Ps.-Eratosth., 43 (p.51 Ouvieri). Le sec résumé grec n'a conservé que pour Mercure le motif du nom donné.

(2) Hygdî, Astron., II, 42. (3) Maas, Comm. in Aratum, p. 272 ss. Germanici Aratea cum scholiis, éd.

Breysig., p.102 et p. 227 ss. M. Fragstein, (Isid. Ό. Sevilla und die sog. Germani- cus scholien, Diss. Breslau, 1931) a démontré que les prétendues scholies de Ger- manicus étaient en réalité un ouvrage indépendant de lui, remontant à VAratus latinus et probablement l'œuvre d'Isidore de Seville. — Cf. infra p. 37, n. 4.

(4) Cf. Realenc, s. v. « Eratosthenes », p. 378 ss. (5) La confusion a déjà été notée par Roscher, s. v. « Planeten », col. 2523,

mais non son vrai motif. (6) Sur l'origine de ce récit, le nécessaire a é%é dit par HoscpEjt, {. ç. ; cf. jb,

8. v, « Phaéthon », coï. 2176,

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28 F. CUMONT

d'une merveilleuse beauté que Prométhée, qui l'avait formé, cacher à Jupiter, mais Cupidon révéla son existence au des dieux, qui le transporta au ciel. Le Pseudo-Eratosthène

n'a point hésité à identifier ce Phaéthon avec la planète (1). Mars devait son nom de Πυρόεις à l'ardeur de son amour

pour Vénus : il aurait, en effet, mis comme condition au mariage de la déesse avec Vulcain qu'elle serait placée à côté de lui

les astres (2). Mais il sera superflu d'insister sur ces catastéris- mes absurdes, qui ont eu dans la littérature antique une fortune imméritée.

Si l'entreprise du Pseudo-Eratosthène n'est que l'effort isolé d'un mythographe pour donner une signification religieuse à une terminologie scientifique, celle-ci jouissait au contraire, au Ier siècle avant notre ère, de la faveur générale des érudits. Nous avons déjà fait allusion (p. 26) au passage de Y Introduction de Géminus, où celui-ci énumérait les cinq planètes avec leurs noms et les

divins qu'elles avaient reçus (3). Géminus, qui écrivait vers l'an 70 avant notre ère, était l'élève de Posidonius de Rhodes, et nous acquérons, grâce à lui, une quasi-certitude que son maître

(1) Hygin, l. c. : Stellas quinqué... planetas Graeci dixerunt, quarum una est Iovis, nomine Phaenon (Pheton codd.), quem Heraclides Ponticus ait quo tempore Prometheus homines finxerit, hune pulchritudine corporis reliquos praestantem fecisse ; cumque supprimere cogitaret, neque Iovi ut ceteros redderet, Cupidinem Iovi nuntiasse. quo facto missum Mercurium ad Phaenonem (var. Phaethonta) persuasisse, ut ad Iovem veniret et immortalis fieret. itaque eum inter astra collo- catum. Cf. Schol. Germanie., p. 185 Breysig :Iovis stellam Heraclides Ponticus referí quendam hominem fuisse conditum a Prometheo cunctis forma praestantio- rem.quem cum occulisset et Cupido Iovi indicasset,a love Mercurius missus dicitur, qui eum tanquam ad immortalitatem vocaret. qui non ante annuit quam a love potione accepta, dum eum proprio nomine honoraret, caelo receptus et Iovis stel- la est honoratus. Cf. ibid., p. 102.

(2) Hygin, /. c. ; Germanie. Schol, pp. 103, 185. (3) Géminus, Elem. astr., I, § 24 (p. 1 2 Manitius) : 'Υπό τήν των

σφαΐραν κείται Φ α ί ν ω ν , δ τον Κρόνου προσαγορενό μένος αστήρ ... ύπο δε τόν Φαίνοντα κατώτερον αύτον φέρεται Φ α έ θ ω ν} ο τον Διός προβαγορενόμενος αστήρ... υπό ôè τούτον τέτακται ΣΤ ν - ρ ó ε ι ς ο τον * Άρεως ' ... την δε εχομένην χώραν κατέχει ό ήλιος, κατωτέρω δε τούτον κείται Φωσφόρος, ó της 'Αφροδίτης

... ύπό τοντον ôè <Σ τ ί λ ß ω ν> ό τον Έρμον αστήρ κείται. Cf. XVII, §38, ρ. 134.; Πολλάκις εν τω αντω ζωδίω τφ ήλίω

αστέρες των πέντε πλανήτων ol μέγιστοι, Φ ν έ θ et) vf φ ω σ- ψ ό Q ο ί, Π ν Q ό β » ς,

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LES NOMS Í)ES PLANÈTES CHEZ LES GRECS 2§

stoïcien, magnus astrologus idemque philosophus (*), usait du même langage que son élève dans son grand ouvrage Περί μετεώρων. Nous en trouvons une autre preuve, indirecte, mais assez

dans une inscription de Rhodes (2) contemporaine de savant qui y tenait école. C'est une table où sont indiquées

jusqu'à la minute les positions occupées par ΣΤΙΛΒΩΝ ΠΥΡΟΕΙΣ ΦΑΕΘΩΝ ΦΑΙΝΩ Ν. Le nom de Phosphoros qui se trouvait en tête a disparu.

L'école stoïcienne n'était pas seule à se servir de cette Des Péripatéticiens, comme Adraste d'Aphrodisias, y

restent fidèles (3) et les Pythagoriciens ne s'exprimaient pas Cette nomenclature, en effet, s'est conservée dans un

nombre d'emprunts ou d'allusions à leur doctrine de des sphères, musique céleste produite par la révolution

des sept planètes régulièrement espacées (p. 8). Le plus ancien de ces textes est la pièce de vers d'Alexandre de Milet,

de Sylla, dont nous avons dit un mot précédemment (p.23) ; plus tard on peut citer plusieurs passages de Plutarque (4), le commentaire dit de Probus aux Géorgiques (6), Censorin, De die

(1) Définition de St Augustin, Civ. Dei, V, 5. (2) I. G., XII, 1, n° 913. Les caractères sont du premier siècle avant J.-C.

cf. IIultsch dans Realenc, s. v. «Astronomie», col. 1851; Tannery, Mém. scientifiques, II, p. 499.

(3) C'est ce que prouve la comparaison de Théon de Smyrne (infra, p. 32, n. 2 et de Chalcidius, Comm. sur le Timée, 66 (p. 133 Wrobel), 70 (p. 137 s.), qui remontent tous deux à Adraste. L'on place d'ordinaire celui-ci, d'après des

chronologiques assez vagues, au milieu du ne siècle, mais il doit être plus ancien si Théon, comme il semble certain, a écrit son ouvrage à l'époque

(infra p.32, n.l) - Sur le Pseudo-Aristote, De Mundo, cf. infra, p.31, n.3. (4) Plutarque, De animae procr. in Timaeo, 32, p. 1029 Β : Έν πέντε δια-

στήμασι τετάχθαι τους πλάνητας, ών τα μέν έΰτι τα από σελήνης εφ' ή- λιον καΐ τους ομοδρόμους ήλ(ω} Στίλβωνα και Φωσφόρο ν, §τερον το από τούτων επί τον "Αρεως Πνρόεντα, τρίτον δέ τό μεταξύ τούτου και Φαέθοντος, είθ' έξης το επί Φ α ι ν ω ν α και πέμτον ηδη τό άπα τούτου προς τήν απλανή σφαϊραν. Cf. ibid., c. 31, p. 1028 Β; c. 31, p. 1029 A. où sont nommés Στίλβων et Φωσφόρος. De même De defectu Oracul., 36, p.430 A; Fragm. IX, De Daedal., 5 : Ό Πυροειδής "Αρης επω- νόμασται.

(5) Probus, Georg., I, 336 : Frígida Saturn i... Infra Solem Veneris Stella est tribus hemitoniis seposita intercedentibus. Superior Sole Mariis Stella est quae Πυρόεις appellatur tono intercedente altior. Inde hemitonio superior est Jovis, quae appellatur Φαέθων. Summa est Saturni quae, quia proprior est ergs-

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natali (1). L'érudition de tous ces auteurs remonte à des pythagoriciennes et l'on voit que grâce à elles les noms Φαί-

νων- Στίλβων ont passé même en latin, tardivement, il est vrai (2).

L'usage des Platoniciens ne différait pas de celui de la secte pythagoricienne avec laquelle ils avaient une si intime accoin- tance. C'est ainsi que s'explique une singulière notice doxogra- phique sur l'ordre des planètes (3), qui fait parler à Platon le

de l'époque alexandrine en nommant les planètes Φ αίνων, Φαέθων, etc.. L'auteur de cette notice, qui y commet d'ailleurs une erreur flagrante (4), doit avoir consulté, non les écrits de

lui-même, mais l'ouvrage de quelque commentateur, ou peut- être un scholiaste du passage de la République où les planètes ne sont désignées que par leurs couleurs (p. 12). Il faudrait, à

des Platoniciens, citer encore l'astrologue Antiochus d'Athè-

tallo, hoc est caelo, in ea deficit calor Solis. Rapit enim eum ad se Πνρόεις, quae stella ardore suo honorem a frigore Saturnio venientem in loue tempérât. Cyllenius autem Mercurii stella est, quae duobus tonis infra Saturnum est et vocatur Στίλβων.

(1) Censorin, C.13. : Ab terra ad lunam Pythagoras putavit esse circiter stadio- rum CXXVI milia, idque esse toni intervallum ; a luna autem adMercuri stellam, quae Stilbon oocatur, dimidium eius, velut hemitonion, nine ad Phosphoron, quae est Veneris stella, fere tantumdem, hoc est aliud hemitonion, inde porro ad solem ter tantum... a sole vero ad stellam Martis, cui nomen est Pyrois, tantumdem inter- valli esse quantum a terra ad lunam, idque faceré tonon ; hinc ad Iovis stellam, quae Phaethon appellatur, dimidium eius, quod faciat hemitonion, tantumdem a love ad Saturni stellam, cui Phaenon nomen est, id est hemitonium — Sur le Fragmentum Censor., cf. infra, p. 35, n. 3.

(2) Cf. infra, p. 34. (3) Aetii, Placita, II, 15 (Diels, Doxographi, p. 344, 17) : Περί τάξεως

αατέρων. Πλάτων μετά τήν των απλανών θέσιν πρώτον Φ α ί ν ω ν α λεγόμενον, τόν τοΰ Κρόνου, δεύτερον Φαέθοντα τόν του Διός, τρίτον Πυρόεντα τον τον "Αρεος, τέταρτον 'Εωσφόρον τόν της 'Αφροδίτης, πέμπτον Στίλβοντα (var. Στίλβωνα) τον τον Έρμου, έκτον ηλιον, ίβδομον σελήνην. Cf. II, 16 (ρ. 346, 14). Περί της των αστέρων φόρας. Πλάτων καΐ ol μαθηματικοί ίαοδρόμονς είναι τόν ήλιον, τόν Εωσφόρον και τόν Στίλβοντα. Il suffit de rapprocher la, teneur du premier extrait des passages de Géminus, etc. cités plus haut (p. 28, n. 3, cf. p. 31, η 3) pour qu'on soit fixé sur la date où il faut le placer.

(4) Platon n'a pas situé Vénus avant Mercure, mais après lui, et il la regardait comme la planète la plus proche du soleil ; cf. Boll, Realenc, s. v. « Hebdomas », çol. 2566, 22 ss.

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LES NOMS DES PLANETES CIÎEZ LES GRECS 31

nés, s'il était prouvé qu'il fût identique à Antiochus d'Ascalon, lequel fut directeur de l'Académie f1).

La nomenclature planétaire adoptée par Posidonius et ses se transmet aux auteurs de l'âge suivant qui

de cette philosophie. Cicerón la mentionne — en grec — dans le Dénatura deorum (2), le Pseudo-Aristote du Περί κόσμου, l'introduit dans sa cosmologie (3) et Philon d'Alexandrie,

les appellations mythologiques, n'en veut point connaître d'autre (4). Plus tard encore, sous le règne d'Hadrien, Théon de

(1) Cf. Mélanges Bidez, Bruxelles, 1933, p. 145 ss. J'ai suggéré, sous toutes réserves, la possibilité de cette identification. M. Bidez m'a fourni depuis en sa faveur un argument assez puissant. Thrasylle, l'astrologue de Tibère, était, comme Antiochus d'Ascalon, un Platonicien éclectique (Zeller, Philos.Gr., IV3, p. 611). On voit que la divination astrale avait envahi l'Académie comme le Portique.

(2) Cicerón, De nat. deor., II, 20, § 52 ss. : Ea quae Saturni Stella dicitur, Φαίνων que a Graecis nominator, a terra abest plurimum.... Infra autem hanc proprius a terra Iovis stella fertur, quae Φαέθων dicitur... Huic autem proximum inferiorem orbem tenet Πνρόεις, quae stella Mortis appellatur.... Infra hanc autem stella Mercurii est ; ea Στίλβων appellatur a Graecis.... infima est quinqué erran- tium, terraeque próxima, stella Veneris, quae Φωσφόρος Graece, Lucifer latine

cum antegreditur solem, cum subsequitur autem, "Εσπερος. (3) Pseudo-Aristote, De mundo, p. 392 a 23 (p. 53 éd. Lorimer) : Πάν-

τας (τους πλάνητας) ύπό της των απλανών σφαίρας περιειλήφθαι. συνεχή δέ Μχει άεί την θέσιν ταύτβ δ τοϋ Φαίνοντος άμα καΐ Κρόνου καλούμενος κύκλος, εφεξής δέ ό τοϋ Φαέθοντος καΐ Διός λεγόμενος, είθ' δ Π υ ρ ό ε ι ς, 'Ηρακλέους τε καϊ "Αρεος προσαγο- ρευόμενος, εξής δ Σ τ i λ β ω ν, δν ιερόν Έρμου καλονσιν ëvioi, τινές δέ 'Απόλλωνος, μεθ' δν δ του Φωσφόρου, δν 'Αφροδίτης, οι δ ε "Ηρας προσαγορεύουσιν, είτα δ ήλιου, και τελευταίος δ της σελήνης, μέχρις ής ορίζεται δ αίθήρ. Cf. ρ. 399 a, 6 (ρ. 87 Lorimer) : Σελήνη μέν έν μηνΐ τον εαυτής διαπεραίνεται κύκλον ... ήλιος δέ έν ένιαυτω καϊ οι τούτου Ισόδρομοι δ τε Φωσφόρος καϊ δ 'Ερμου λεγόμενος, δ δέΠυρόεις εν διπλασίονι τούτων χρόνφ, δ δέ Α ι ό ς έν έξα- πλασίον ι τούτου, καϊ τελευταίος δ Κρόνου λεγόμενος έν

καϊ ήμίσει των ύποκάτω. (4) Philon d'Alexandrie, De decálogo, 12, § 53, cf.infra, p. 35, η. 5,-Quís re-

rumdwinaiumsitheres, 45, §224 (t. III, p. 50, 16, C. W.) Surl'ordre des planètes : "Αριστα δ' έμοϊ στοχάζεσθαι δοκοϋσιν οι τήν μέσην άπονενεμηκότες ήλίω τάξιν, τρεις μέν υπέρ αυτόν καϊ μετ* αυτόν τους ϊσους εϊναι

· υπέρ αυτόν μέν τους Φαίνοντα, Φαέθοντα, Π υ ρ ό- εντα, είθ' ήλιον, μετ1 αυτόν δέ Στίλβοντα, Φωσφόρον τήν αέρος γείτονα σελήνην. Cf. In Exodum, II, 75 (trad. Aucher) ; De

7, § 22 (t. I, p. 175, 12) ... τάς περιόδους των επτά αστέρων τας μέν Ισοδρόμους, ήλιου καϊ 'Εωσφόρου καϊ Στ (λ βοντος έπίκλησιν, τάς δέ ανισοδρόμους.

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Smyrne Q), à l'exemple d'Adraste, s'en sert presque dans son livre « Des connaissances mathématiques utiles à

la lecture de Platon » (2). C'est le traité grec d'astronomie le plus récent où soient encore employés régulièrement à la façon « des anciens», les noms Στίλβων, Φωσφόρος, Πυρόεις, Φαέθων, Φαί- νων (3).

II est caractéristique que ces noms dépourvus de signification religieuse et, si j'ose dire, laïques, se soient imposés pendant la période alexandrine, où le rationalisme scientifique régna sur les esprits plus qu'à aucune autre époque de l'antiquité. Ils devaient avoir la préférence de tous ceux qui ne voyaient dans les

de la nature que le jeu de forces physiques et croyaient leur cours fatal déterminé par des lois inflexibles. Mais les

sidérales de l'Orient, qui commençaient alors à se répandre,

(1) Sur la date de Théon, qui était discutée, cf. l'article récent de von Fritz, Realenc, s. v., col. 2067 ss. Il paraît certain que Théon a écrit sous le règne d'Hadrien vers l'année 135.

(2) Théon, p. 214, 24 Dupuis= p. 130, 20 Hiller : "Ηλιος τε και σελήνη και οί λοιποί πλανήτες Φ α ί ν ω ν τε δ τον Κρόνου προσαγορευό- μενος, ώς δε τίνες Ήλιου, και Φαέθων δ του Διός, ετι δε Π υ - ρ ό ε ι ς, δν "Αρεως καλοϋσιν, οί δέ 'Ηρακλέους, και Φωσφόρος, δν φααιν Αφροδίτης, τούτον δέ και Έωσφόρον και "Εσπερον όνομά- ζουαι, προς δέ τούτοις Στίλβων, δν καλοϋσιν Έρμου. Cf. supra, p. 26, η. 3. — Théon, p. 222, 12, Dupuis = p. 135 Hiller : Το δ' εν αύτφ τφ ζωδιακφ πλάτος της μεταβάσεως δ μεν ήλιος ... ή δέ σελήνη, καθά οί αρχαίοι φασι, καΐ δ Φωσφόρος πλείστον, περί γαρ μοίρας ιβ'

, Στίλβων δέ περί μοίρας η', Π ν ρ ó ε ι ς δέ και Φαέθων περί μοίρας ε', Φ α ί ν ω ν δέ περί μοίρας γ*. Même série p. 222, 21 D. = 136, 1, H. à propos de la durée des révolutions. P. 224. 3 ss. = 136, 15 : Φ a Ι ν ω ν και Φαέθων και Πυρόεις... αεί έσπερίοι δύνοντες έφοι άνατέλλουσιν, δ Φωσφόρος δέ και Στίλβων Ισοδρόμοι δντες ήλίφ, κ.τ.λ., mais vers la fin du même chapitre (p. 224, 17, = 137, 5) δ της 'Αφροδίτης. Théon emploie de même la série des noms Φαίνων Στίλβων en parlant des sphères de Vénus et Mercure, p. 300. 15 ss. = 186, 17, et des occultations des planètes, p. 312, 8 ss = p. 193, 10. Ailleurs on trouve, bien que plus rarement, d του Κρόνου, Διός, etc.. p. 226, 19 ss = 138, 9 [citant les Pythagoriciens], p. 290, 13 = 180, 13 ; p. 302, 5 ss = 187 10.

(3) Pour Gléomède et Achille, qui dépendent peut-être aussi de Posidonius, cf. infra, p. 38, notes 3, 4.

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LES NOMS DES PLANÈTES CHEZ LES GRECS 33

prêchaient l'adoration des étoiles, animées d'une vie divine. même si elle cessait de voir en elles des puissances

se combattant l'une l'autre, ne pouvait renoncer, scientifique, à diviniser les planètes, puisqu'une partie des

influences que traditionnellement on leur attribuait, dépendait précisément du caractère du dieu qu'on y logeait. Ainsi, si la

dont nous parlons appartenait au langage des savants, elle ne fut jamais généralement admise et n'élimina pas

les vieilles dénominations ó (αστήρ) του Κρόνου, του "Αρεως, etc.. A la vérité, la perte presque complète des ouvrages originaux de la littérature hellénistique ne nous permet pas de savoir si leur forme n'a pas été modifiée par les auteurs qui les citent ou les copient sous l'Empire (*). Mais nous pouvons invoquer, en toute sûreté, un papyrus datant du 11e siècle avant notre ère, qui nous a

des pronostics météorologiques (2). On y voit énumérés — le paragraphe sur Saturne a disparu — ότου

Διός, δ τον "Αρεως, ο της 'Αφροδίτης, ό τον Έρμου.. C'était aussi ainsi que les planètes étaient désignées dans le traité d'Hermès Trismégiste sur les << douze lieux » de là sphère i3), qui remonte à l'époque des Ptolémées, et il est probable que dans l'Egypte de l'âge hellénistique, telle était restée la façon la plus répandue de s'exprimer, en dehors des écoles philosophiques (4).

(1) Par exemple un extrait de Chrysippe conservé par Stobée (fr. 527, t. II p. 169, 2 v. Arnim): Των ôè πλανωμένων ύφηλοτάτην sïvai μετά τήν <τών> απλανών σφαίραν τήν τον Κρόνου, μέχά Ôè ταύτην τήν τον Διός, είτα τήν τον "Αρεος, εφεξής τήν πον 'Ερμου και μετ* αυτήν τήν της 'Αφροδίτης. Les fragments de Pétosiris (iie siècle) conservés par Hephais- tion de Thèbes, ont de même δ του Κρόνου, τον "Αρεως etc. Ceux qui

de Vettius Valens : Κρόνος, Ζευς. Mais df autre part Jes noms φαί- νων - Στίλβων ont été considérés comme égyptiens ; cf. infra, p. 41.-^Sur la correction que les Byzantins ont souvent fait subir aux anciens textes, cf. infra p. 42. ·

(2) Wessely, Bruchstücke einer Schrift über Wetterzeichen dans Sitzungsb. Akad. Wien, CXLII, 1900, p. 2 s. .:.,·. ,.·■-..

(3) Le texte en a été inséré dans la compilation de Rhétorios (vie siècle) et est publié dans Cat. codd.astr., VIII, 4 p. 126 ss. C'est aussi la source de Vettius Valens, II, 5 ss. De part et d'autre, les planètes sont souvent notées dans les. mss. par un simple sigle, qu'on rend par Κρόνος, Ζευς, etc. Mais les locutions plus anciennes ό τον Έρμου αστήρ (Cat. ρ* 131, 9), ό τον 'Αρεως αστήρ (136, 2) ou plus souvent ο του Έρμου, etc. se sont souvent conservées. ,.'; ;

(4) Deux papyrus de Vienne (n° 31572 et 29826) nous offrent des fragments: d'oeuvres astrologiques probablement de beaucoup antérieures à la date où ils

3

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L'usage latin confirme indirectement cette manière de voir. Bien que la nomenclature Φαίνων-Στίλβων fût celle de Posidonius, qui jouit d'un prestige si grand à la fin de la République, les

n'ont jamais traduit ces appellations astronomiques dans leur langue et appelé Saturne Lucidus, Jupiter Splendidus, Mars Rutilus ou Mercure Scintillans. Seuls, Hésperos et Phosphoros avaient été rendus par Vesperugo ou Vesper et Lucifer (*), l'étoile du soir et du matin, en Italie comme en Grèce, se distinguant des autres par son éclat incomparable. Lorsque Cicerón et le vieux commentateur de Virgile (2) veulent apprendre à leurs lecteurs les appellations alexandrines des cinq astres, ils les insèrent en grec dans leur texte. Les transcriptions latines Stilbon, Phosphorus, Pyrois, Phaethon, Phaenon, ne se trouvent, jusqu'au 11e siècle de notre ère, qu'exceptionnellement dans les écrits didactiques

du grec, où les planètes sont énumérées avec leurs diverses (3). Même en poésie, on ne rencontre Pyrois qu'une

seule fois, dans un vers de Columelle (4). Fait caractéristique, aucun de ces termes helléniques n'a été introduit par Manilius dans son poème astrologique par Cicerón ni dans le Songe de Scipion et Pline dans son Histoire Naturelle les passe aussi sous silence (5). On peut conclure de tout ceci qu'ils sont étrangers à la langue classique. Les seules expressions dont normalement use celle-ci, sont Stella ou sidus Saturni, Iovis, Mariis, Veneris,

6nt été Copiés (11e et ΐπθ siècle ap. J.-C). Ils ont presque partout pour les les formules ό του Κρόνου αατήρ ou ο του Κρόνου, etc. (Gerstrin-

<ger Mitteil, aus der Papyrus samml. in Wien, 1, 1932, p. 149 ss.). (1) Vesperugo déjà dans Plaute, Amph. 275. cf. Quintilien, Inst, or., I,

7, 12 ; Vitruve, IX, 1, 7 — Vesper : Virgile, Géorg.l, 251 ; Horace, Od. II, 9, 10 ; Pline, II, 36, etc. — Cicerón, Nat. deor., II, 20 a Hésperos comme Catulle, 62, 35. Columelle, infra, note 4. — Lucifer : Cicer. I.e., Pline, I.e., Vitruve, I.e., Hygin, II, 42 ; Ovide, Tristes, I, 3, 72, etc. Cf. Roscher, s. ν. Hésperos, col. 2444. — En poésie, parfois Eous : Catulle /. c. : Virgile, Géorg. I, 288 et Servius à ce vers, citant Helvius Cinna ; cf. infra, η. 4 et supra p. 5.

(2) Cf. supra, p. 29, n. 5 ; p. 31, n. 2. (3) Hygin et les scholies des Aratea remontant au Pseudo-Eratosthène (supra

p.28, n. 1, 2). D'autres scholies sans catastérismes, également traduites du grec : Maas, Aratea, p. 272 ; Germanici Scholia, p. 183, Breysig ; Apulée, De mundo 2, traduisant le Pseudo-Aristote ; cf. 28 (p. 165, 10 Thomas).

(4) Columelle, X, 290 ; Rutilius Pgrois aut ore corusco Hesperus, Eoo remeat cum Lucifer ortu.

(5) Cicer., Somn. Scip., 4 ; Pline, II, passim.

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LES NOMS DES PLANÈTES CHEZ LÈS GRECS 35

Mercwii (1). Mais dès la fin de la République apparaissent déjà, même en prose, les abréviations Satwnus, Iuppiter, Mars,

Mercurius (;î), dont l'emploi devait bientôt se généraliser (3). Dans les pays helléniques, comme dans le monde latin, on voit

les anciennes formules ο (αστήρ) του Κρόνου, τον Δ ιός, etc. céder peu à peu la place aux simples substanifs Κρόνος, Ζευς, etc., et ce changement n'est pas seulement linguistique, il implique une modification dans la conception religieuse des planètes. Celles-ci ne sont plus regardées comme soumises à certaines divinités, qui sont censées diriger leur course éternelle ou qui exercent sur elles un patronage analogue à celui qui met sous leur protection

animal sacré. On ne les conçoit pas non plus, à la façon des Platoniciens, comme l'expression sensible d'une réalité idéale. Les sept astres qui se meuvent perpétuellement dans le zodiaque, sont désormais des êtres où la divinité s'incorpore et ils

dès lors avec elle. Cette transformation a certainement été favorisée par l'exégèse allégorique mise en honneur par Zenon. Les dieux de la mythologie sont pour les Stoïciens des corps

ou des éléments de la nature(4) et certains d'entre eux ne sont autres que les planètes : « Les païens, dit Philon d'Alexandrie (5), appellent Héra l'air, le feu Héphaistos, le soleil Apollon, la lune Artémis, l'étoile du matin Aphrodite et Stilbon Hermès, et de chacun des autres astres aussi les mythographes nous transmettent

(1) Cicerón, Nat deor. II, 20, § 52 ; 46, § 119. De divin, I, 39, § 85 ; Vitruve, IX, 1, 5 ss. ; Fragm. Censorini, 3 ; Pline, II, 8, 32 ss. Parfois pour varier

au lieu de substantif au génitif, on emploie l'adjectif comme épithète : Cicerón, Somn. Scip., 4 : Saturnins, Martius ; Apulée, De mundo, 2 : Iunonia Stella (Vénus) ; 28 : Mavortium sidus ; cf. Chalcidius, 66 (p. 135), 72 (p. 140, 6 ss. Wrob.) ; Martianus Capella, VIII, 884.

(2) Cicerón, Nat. deor. II, 46, 119 : Mars ; Timaeus, 9 : Mercurius. Cf. Ma- nilius, I, 807 : Venus.

(3) Ces dénominations abrégées apparaissent déjà fréquemment dans Pline par exemple, H. N. II, 16 § 64 ss. ; 17 § 72 ; 18 § 79 ss. ; 22 § 84. cf. Apulée, De mundo, 2 ; De Platone, 11. .

(4) Decharme, Critique des traditions religieuses chez les Grecs, 1904, p. 314 ss. (5) Philon, De decálogo, 12 § 33 (IV, p. 280, 22 C-W.) : Έκτεθειώκασι...

ήλιον καΐ σελήνην καΐ τους άλλους πλανήτας} καΐ απλανείς αστέρας... καλοϋοί γαρ ... "Ηραν τόν αέρα καϊ τα πΰρ "Ηφαιατον καΐ ήλιον

καΐ Σελήνην "Αρτεμιν καϊ "Εωσφόρον Άφροδίτην καϊ Στίλβοντα Έρμήν. καΐ των άλλων αστέρων εκάστου τ ας επωνυμίας μυ&ογράφοί παρέδοσαν. — Cf. supra p. 31, η. 5.

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36 P. CUMONT

les appellations ». Mais le panthéisme matérialiste du Portique se confond avec celui des « Chaldéens » et est à la base de la conception astrologique de l'univers. Le reproche que Philon adresse

aux Chaldéens, est celui de déifier le monde physique et de l'adorer au lieu de son créateur (·). Attribuant aux astres une influence décisive sur le cours fatal des phénomènes terrestres, ils considéraient ces corps célestes et en particulier les planètes, comme des dieux cosmiques, animés d'une vie propre et luttant les uns contre les autres (2). Ainsi le triomphe de l'astrologie, qui étend ses conquêtes dans le monde antique à partir du 11e siècle avant notre ère, devait avoir pour corollaire une affirmation plus nette de la divinité des planètes. Les désignations abrégées Κρόνος, Ζευς, "Αρης, 'Αφροδίτη, Έρμης furent celles des faiseurs d'horoscope, avant d'être adoptées par les astronomes (3). Elles furent

davantage par l'usage de la semaine astrologique qui se répandit à partir d'Auguste (4). Les jours soumis à l'hebdomade planétaire, ne s'appelaient-ils pas ημέρα Άρεως, Έρμου, en latin : dies Mariis , Mercurii et ainsi de suite ? Les religions orientales, en particulier celles de la Syrie et les mystères de Mithra, qui avaient subi l'action de la pseudo-science chaldéenne, rendaient un culte aux planètes, et il n'est pas surprenant que dans les priè-

(1) Philon, De Abrahamo, 15 § 69 (IV, p. 17 C.-W) ; § 77 (p. 19, 7) ; Quis rerum divin, hères. 20, § 97 (III p. 22).

(2) Cf. mes Religions Orientales *, p. 166 et p. 291, n. 70. Philon, De somniis 11,114, rapporte ce mot d'un astrologue réputé : Οΰκ άνθρωποι μόνοι δοξο- μανοναιν αλλά καΐ ol αστέρες καΐ περί πρωτείων άμιλλώμενοι δικαιον- σιν ol μείζονς αεί προς των έλαττόνων δορυφορείσθαι. Saturne, Jupiter étaient en effet les δορυφόροι du soleil, Mars et Vénus, ceux de la lune ; Cf. le Papyrus Michigan, col. H., 21.

(3) Les plus anciens horoscopes avec la terminologie Κρόνος-Ζεύς semblent être Papgr. Oxyrhynchus, IV, 804, de l'an 4 ap. J.-C. : II, 235 (cf. Nicklin,

Review, XVI, 1902, p. 119), de l'an 14 ap. J.-C ; Papyr. Brit. Mus., 110 de 138 ; Papyr. Osloensis, I, 6 (154 ap. J.-C). — Puis, à des dates postérieures: Oxyrh. Pap., III, 585-596 ; XII, 1476, 1563 à 1565 (de 258 à 293) et 2060. Perdrizet et Lefebvre, Graffites du Memnoneion d'Abydos, n° 641 = Saglio-Pottier, Diet, s. v. Zodiacus, fig. 7593 ; Papiri Soc. Italiana, I, n° 22 à 25 (de 338 à 381 ap. J.-C.) ; Classical Review, VIII, 70 (de 316) ; Pap. Iandanae, V, n° 88 (ive

— Comparer les καταρχαί et les γενέσεις conservées par les mss. : Cat. codd. astr., I, p. 100 ss. ; VI, p. 63, p. 67 ; VIII, 1, p. 253 ; VIII, 4, p. 221, 224. — cf. infra, p. 39 ce qui est dit de deux horoscopes du Brit. Mus. et supra, p. 22, n. 1 de ceux de Doura.

(4) cf. Boll, Realen"., s. v. « Hebdomas », coi. 2573.

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LES NOMS DES PLANÈTES CHEZ LES GRECS 37

res adressées aux Olympiens apparaissent désormais des rappelant qu'ils sont devenus des divinités sidérales Q). Le

plus ancien ouvrage grec où les noms Kronos, Zeus, Ares, Hermès soient régulièrement employés paraît être le manuel

d'astrologie dont un Papyrus du Michigan nous a conservé de longs fragments (2). Copié au 11e siècle de notre ère, il doit avoir été

à une date plus ancienne. Sous les Antonins, Ptolémée préfère fréquemment les raccourcis

ó Κρόνος, ô Ζευς (3) ; chez l'astrologue Vettius Valens (4), ils largement et on les retrouve encore chez d'autres

comme le Pythagoricien Nicomaque de Gérasa (5). A mesure qu'on descend le cours du temps, ils deviennent davantage la manière ordinaire de s'exprimer même dans ses œuvres littéraires (6).

Est-ce à dire que les noms Φαίνων, Φαέθων, Πνρόεις, Φωσφόρος Στίλβων, qui avaient été ceux de l'astronomie alexandrine à son apogée, disparurent sans laiser de traces? Il n'en pouvait être ainsi.

(1) Ainsi, dans la prière à Ares insérée dans la collection des hymnes homériques (VII), bien qu'elle soit d'une date beaucoup plus tardive, v. 6 : Πυραυγέα κύ- κλον ελίασων αιθέρος έπταπόροις êvl τείρεσιν. Cf. Realenc, s.v. «

», col. 148, 25. (2) Publié par Frank E. Robbins, Classical Philology, XXII, 1927, p. 1 ss.

— Les noms Κρόνος, Ζεύς,βίο. sont employés aussi, à l'exclusion de tous autres, dans un papyrus du ine siècle portant un fragment relatif aux planètes, et qui paraphrase sans doute Dorothée de Sidon (Boll, Papiri Soc. Ital,, III n° 158). Il en serait de même dans les livres de Thrasylle, l'astrologue de Tibère (Cat. codd. astr., VIII,3. p. 100), Critodème (Ibid., p. 102), Balbillus (Ibid., p. 104 et VIII, p. 4, 235 ss.) et même Sarapion (VIII, 4, p. 227), si l'on pouvait se fier aux résumés et extraits byzantins que nous en possédons. Mais ils ont très

été retouchés à cet égard (cf. infra, p.42). Ό τοΰ Έρμου αστήρ a été une seule fois dans Sarapion, p. 227, 3.

,v (3) Le Péripatéticien Ptolémée dans son Almageste, peut-être pour suivre l'exemple d'Aristote ou par simple souci littéraire, emploie dans son exposé les formules δ τον Κρόνου αστήρ ou ô τοΰ Κρόνου etc. Toutefois dans ses

et ses tables (p. ex. IX, 3) il dit Κρόνος, Ζευς tout court. Il donne la préférence à ces indications abrégées dans d'autres œuvres, comme les Πρόχειροι κανόνες. * (4) Vettius Valens a dans son premier chapitre sur les planètes δ τον

τον "Αρεως, ailleurs presque toujours ô Κρόνος, δ "Αρης, sauf II, 5 où sa source est Hermès Trismégiste (supra p. 33, n. 3).

(5) Nicomaque, Enchiridion, 3 (dans Jahn, Mus. script, p. 242) ; Excerpt, 3 (p. 272). — Cf. aussi Cléomède, infra p. 38," n. 3.

(6) P. ex. dans le roman du Pseudo-Callisthène dont on place la réduction au ni* siècle (I, 4).

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Tout d'abord ils se conservèrent en poésie. Les exigences du mètre, le désir d'éviter la monotonie du style, engagèrent à y multiplier les épithètes, qui, prises substantivement, désignaient les sept astres errants (*). Parmi elles, celles de la série Φαίνων - Στίλβων restent les plus usitées (2).

De plus, ces noms continuèrent nécessairement à figurer dans les manuels didactiques, puisqu'il était indispensable de les

à tout lecteur des œuvres anciennes d'astronomie ou Ils sont ainsi indiqués dans la Κυκλική Θεωρία de Cléo-

mède, qu'on assigne à la seconde moitié du 11e siècle (3), dans d'Achille d'Alexandrie (4), qu'on croit être du 111e. Plus

(1) Ci. Cat. codd. astr., II, 81 (cf. I, 172) une liste des ονόματα επίθετα de Dorothée de Sidon. Cf. Cat., VI, p. 91 ss.

(2) Cf. Bruchmann, Epitheta deorum, 1893, pp. 42 (Πυρόεις),109 (Στίλβων), ΙΠ (Έσπερος),122 (Έωσφόρος),142 (Φαέθων),166 (Φαίνων),219 (Φωσφόρος). Pour Nonnus, cf. Stegemann, Astrologie und Universalgeschichte (Στοιχεία IX) 1930, p. 46 ss. - Kern, Orphica, fr. 292. — De même en latin, on trouve encore ces noms dans deux pièces d'Ausone, III, 5 [Eidgll. VIII, 27] (p. 25 Peiper) et VII, Ed. VI (p. 74).

(3) Cléomêde, I, 3 (p. 30, 16 ss. Ziegler). Des sept planètes, μεν δοκεΐ είναι δ Φαίνων καλούμενος, δ τον Κρόνου αστήρ...

ύπό τοΰτόν εστίν δ του Α ιός · καλείται δέ Φαέθων ... υπό τούτον Π υ ρ ό ε ι ς} δ του "Αρεως ... ύπό τούτον δ ήλιος ... ύπό τούτον δ της 'Αφροδίτης εστί ... καλείται δέ οπόταν μέν επικαταδύηται τω ήλίφ Έσπερος, οπόταν ôè προανίσχτ) αύτοΰ Εωσφόρος, τίνες δέ τον αυτόν τούτον και Φωσφόρον καλεΐν είώθασιν. ύπό ôè την Άφροδίτην εστίν δ του Έρμου, Στίλβων καλούμενος ... ύπό τοΰτόν εστίν ή

προσγειοτάτη πάντων... Cette enumeration paraît être empruntée à Posidonius, source principale de Cléomêde; cf. supra, p. 28. — Ailleurs (II, 7 p.226, 15), Cléomède emploie à deux reprises les noms Ζευς, "Αρης (aussi 1,11, p. 108, 3), 'Αφροδίτη, Έρμης, mais dans une phrase peut-être plus fidèle à sa source, il introduit de nouveau Φωσφόρος et Στίλβων.

(4) Achille, Isag., 17 (Maas, Comm. in Aratum, p. 43) : Ta των πλανητών διαφόρως. Περί ôè των ονομάτων

αυτών και του χρόνου εκάστου διαφωνία ' πολλοίς γαρ Αίγνπτίοις και Έλλησι του Κρόνου ό αστήρ λέγεται, καίτοι άμαυρότατος ων,

κατά το εϋφημον παρ' Έλλησι, παρά δέ Αίγυπτίοις Νεμέαεως αστήρ, δεύτερος δέ δ του Διός καθ' Έλληνας Φαέθων, κατά δέ Αιγυπτίους Όσίριδος αστήρ, τρίτος δέ δ του "Αρεος παρά μεν Έλλησι Π υ ρ ό ε ι ς, παρά δέ Αίγυπτίοις Ηρακλέους αστήρ, τέταρτος δ του Έρμου... καλείται παρά μέν Έλλησι Στίλβων, παρά δέ Αίγυπτίοις 'Απόλλωνος αστήρ, πέμπτος δ της 'Αφροδίτης παρά μέν Έλληοι Έωσφ όρος... lacune. — Cf. supra p. 17.

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tard, ils sont mentionnés aussi dans un chapitre de la Mathesis de Firmicus Maternus Ç), dans le De Mensibus de Jean Lydus (2). Ils se transmettent jusqu'aux lexicographes et compilateurs

(3) et en Occident, non sans être fort malmenés, jusqu'à Isidore de Seville (4).

Nous avons vu plus haut que les faiseurs d'horoscopes se servent des notations Κρόνος-Ζενς, etc. au moins depuis l'époque

Mais il est deux de ces thèmes de géniture, l'un de l'année 81, l'autre probablement de 154, qui font exception à cette règle (5). Prenons le premier, qui est le mieux conservé ; chacun des

indiquant la position des planètes commence par Φαίνων ô τον Κρόνου αστήρ, Φαέθων ο του Α ιός αστήρ et ainsi de suite ; le soleil est qualifié de grandissime et maître de toutes choses (μεγισ- τότατος και των δλων δυνάστης) et la lune est « la déesse porte- lumière » (σελασφόρος). Mais dans le corps du texte, les cinq astres mineurs sont appelés tout uniment Κρόνος, Ζευς, etc.... Le tout est précédé d'un préambule rappelant que les anciens Égyptiens ayant reconnu les mouvements « des sept dieux » (των επτά θεών) ont transmis cette connaissance dans des « canons éternels ». Il est clair que le devin qui a dressé ces horoscopes a voulu se

à ces vieux maîtres de son art en employant des tournures qui avaient une saveur d'antiquité et qu'il a prétendu par la

de ces formules en imposer à un client naïf. Par une étrange interversion des rôles, au moment où les Grecs

avaient renoncé à se servir des appellations hellénistiques Φαίνων-

(1) Firmicus Maternus, II, 2 ; cf. infra, p. 41, note 3. (2) Lydus, De mensib., II, 8 ; cf. infra, p. 41, note 4. (3) Suidas, s.v. 'Εποχή. Liste dans le Marcianas des alchimistes : Berthblot,

Collection des alch. grecs., p. 106. — Ces noms sont encore indiqués dans un opuscule didactique en grec vulgaire publié par Sangin, Cat. astr. XII, p. 104, 27 ss. — Cf. infra, p. 42, note 1.

(4) Isidore, Etym., III, 71, p. 20 (éd. Lindsay) : Quarum planetarum nomina Graeca sunt Phaethon, Phaenon, Pyrion (sic), Hesperus, Stilbón ; cf. De rerum natura, c. 2 et c. 23 (p. 9 et p. 45 Becker), où, si Phaethon reste Jupiter, Vesper devient Mars. — Pour les prétendues scholies de Germanicus, qui seraient

cf. supra, p. 27, n. 3. (5) Pap. Brit. Mus., I, n° CX, p. 130 et n° 98, ρ 126. — Comparer toutefois

Julien de Laodicée, Cat. astr., I, p. 134, qui commence chaque paragraphe de son chapitre sur les planètes par Ό τον Κρόνου άοτήρ, Ό τον Δώς αστήρ, etc., mais partout ailleurs a <5 Κρόνος, ô Ζευς. — Pour l'horoscope de Doura avec Φαίνων - Φαέθων, cf. supra, p. 22, n. 1.

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Στίλβων, les écrivains latins les reprirent. Nous avons noté (p. 34) qu'à Rome ces termes astronomiques n'avaient pas été admis dans la langue classique. Mais à la fin de l'antiquité, les prosateurs dont le style affecté recherchait les mots rares, de médiocres éru- dits qui se bornaient à traduire quelque œuvre grecque du passé, empruntèrent à leurs modèles ces vocables archaïques qui donnaient à leurs compilations sans profondeur un vernis d'érudition. Au ine siècle Censorin, copiant une ancienne source pythagoricienne qu'il comprend mal (*), les introduit dans son opuscule De die natali ; au ive, Chalcidius les emprunte à Adraste d'Aphrodisias dans son commentaire du Timée (2) et Martianus Capella, dans son huitième livre sur l'astronomie, les reproduit d'après un auteur inconnu (·). A la même époque, Ausone se plaisait à les enchâsser dans ses vers (4).

Mais en grec, à partir du milieu du 11e siècle, on ne les rencontre plus chez aucun astronome ou astrologue. Il est significatif que Ptolémée n'en fasse mention dans aucun de ses ouvrages. Ils sont sortis du langage scientifique comme de la pratique divinatoire. Le théoricien, qui expose les mouvements ou les influences des étoiles, n*y recourt pas plus que le charlatan de carrefour, qui dit

(1) Zeller, Philos. Gr., Ie, p. 539. — Cf. supra, p. 30, n. 1. (2) Chalcidius, c. 66 (p. 123 Wrobel) : Ignés qui uocantur planetae : Phae-

non, idemque Saturni et Phaethon Iovis, Pgrois quoque Martius, item Lucifer Veneris, qui alio quoque censetur Hesperus nomine, praeterea Stilbon Mercuriale sidus. Les noms grecs se mêlent aux noms latins dans tout l'exposé qui suite c. 70 à 73 (Mercurii Stilbontis, p. 141, 13).

(3) Martianus Capella, VIII, 851, 879-886 ; cf. I, 25 (p. 18, 23 Dick) : Stilbön ; II, 194 (p. 75, 2) : Pgrois — On admet communément que la source de Martianus Capella pour son huitième livre est Varron, mais ceci n'est vrai que pour quelques détails (Realenc. s. v. « Martianus », col. 2011). Ni Vairon, ni aucun ancien écrivain latin n'a employé la terminologie Phaenon-Stilbon (p. 34) et sa présence dans l'exposé de Martianus Capella montre que celui-ci suit un auteur grec, probablement de la fin de l'époque hellénistique. C'est ce que confirme le nom de Ptolemeos, qu'il est seul à donner à l'étoile Canope (VIII, 838), sa théorie de l'excentricité des orbites planétaires, la présence dans son texte d'une quantité de termes techniques cités en grec et d'autres indices. Ce livre de l'antiquaire latin mériterait, malgré son caractère superficiel, d'être étudié de plus près qu'on ne l'a fait jusqu'ici, afin de retrouver l'astronome alexandrin dont il s'est servi. — Cf. sur les distances attribuées aux planètes, Tannery, Hist, de l'astronomie., p. 333 s,

(4) Cf. supra, note 115,

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la bonne aventure d'après l'aspect du ciel Q). Les terme s tirés de l'éclat des planètes sont désormais des mots surannés, tombés en désuétude. L'argument e silentio est ici confirmé par des faits significatifs. Nous avons vu précédemment que Vettius Valens regardait Φαινων comme une appellation de Saturne inventée par les Babyloniens (2). Firmicus Maternus se figurait que toutes les dénominations de cette catégorie étaient égyptiennes, et il les oppose aux noms proprement helléniques (3), comme, sous Justi- nien, le fait encore Jean Lydus, qui, lui, ne sait trop si elles sont chaldéennes ou égyptiennes (4). Il ressort de tout ceci que depuis l'époque des Antonins cette vieille terminologie alexandrine était inusitée, au point qu'elle lie paraissait plus grecque, mais étrangère.

(1) Ainsi, ni Julien de Laodicée (Cat. astr., I, p.134), ni Rhétorius (Cat. astr. VII, 214 ss.) dans leurs chapitres sur les planètes ne citent les termes Φαίνων- Φαέθων, etc. Même les mentions isolées de l'un ou l'autre de ces noms sont extrêmement rares. Ce sont vraiment les exceptions qui confirment la règle. Je note une seule fois Φαινων dans PRocLUs,Comm. in Tim., 111,19» 30 Diehl ; SiMPLicius,De caelo, a deux fois 'Εωσφόρος pour Vénus (p.36, 22, 495, 26 Hei- berg), sans doute parce que c'est le mot de Platon (supra p. 12, n. 1). Ful- gence le mythographe, I, 18 (p. 30 Helm) sait que Mercure est appelé par les Grecs stilbos (sic) à cause de la rapidité de sa course. Le Mythogr. Vatic. Ill, p. 9, 6 (p. 216 Bode) répète cette insanité (στίλβων, quod celer interpretatur)

(2) Vett. Valens, VI, 2 (p. 249, 2 Kroll), cf. supra, p. 21, n. 4. (3) Firmicus Maternus, II, 2 (p. 42, 7 Kroll et Skutsch) : Hos Stellas

(planetas) non eodem nomine quo nos aut quo Graeci, Aegyptii nominant : nom qui a nobis Saturnus dicitur, ab Aeggptiis Faenon vocatûr, quem nos Iovem vocamus, Aegyptii Faethontem vocant, qui a nobis Mars, ab Ulis Pyrois dicitur, quae a nobisVenus, ab Ulis Fósforos vocatur, quem nos Mercwium dicimus, Uli Stilbontem vocant. — Ces Aegyptii sont en réalité les astronomes alexandrins.

(4) Lydus, De menib., II, 4 cite comme source οί περί Ζωροάστρην καϊ Ύστάσπην Χαλδαΐοι καϊ ΑΙγύπτιοι (cf. supra, p. 21 note 5); c. 8 (p. 25 Wünsch) : Τήν τρίτην ήμέραν άνέθεντο Π ν ρ ό ε ν τ ι "Αρης δ' αν εϊη ούτος ηαρ' "Ελλησι - τοντέστι τφ άερίφ καϊ γονίμφ πνρί' II, 9 : Τήν τετάρτην ήμέραν Στίλβοντι, êvl των πλανήτων κατ' ΑΙγνπτ ίους οϋτω καλού μένω άνέθεντο ... Έρμου ôè τούτον ol "Ελληνες είναι βούλονται. II, Í0 : Τήν ôè πέμπτην Φαέθοντι} τφ πάντων πλανήτων εύκρατοτάτφ άνέθεντο. Αία δέ αύταν "Ελληνες ζωογόνον θεολογοϋσιν, II, 11 : Τήν ôè ϊκτην άναφέρουσι Φ ω σ φ ό ρ φ ... ούτος δ' αν εϊη ό 'Αφροδίτης ό καϊ "Εσπερος, ως "Ελληβι δοκεΐ ' II, 12 : Τήν έβδόμην ήμέραν ΑΙγύπτιοι μέν καϊ Χαλδαΐοι προαφωνονσι Φαί- ν ο ν τ *, οϋτω κατ' αυτούς προσαγορενομένψ αστέρι ... Κοόνον $$ αϋταν "Ελλλησιν

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A l'époque byzantine, on ne la comprenait plus que par un effort d'érudition. Certains littérateurs peuvent tardivement faire

ces vocables désuets par un retour voulu au langage du passé : on les trouve encore employés à l'aube de la Renaissance chez Gémistos Pléthon (1). Mais depuis de longs siècles l'usage courant les avait éliminés. Leur signification était si mal connue que quand les copistes rencontraient dans quelque texte antique un de ces termes rares, pour en faciliter l'intelligence à leurs lecteurs, ils y ajoutaient parfois ou lui substituaient les sigles astrologiques

qui indiquaient de quelle planète il s'agissait. Ces sigles eux-mêmes n'étaient en réalité que des notations abrégées des mots Κρ(όνος), Ζ(ενς), "Αρ(ης), Φ(ωσφόρος), 'Έρ(μής), réduits à leur première ou à leurs deux premières lettres (2). Ainsi, les noms scientifiques qu'avaient préféré les savants de l'époque

furent parfois éliminés même des copies ou extraits qu'on fit au moyen âge de ces anciens écrivains (3).

Les appellations mythologiques étaient si profondément ancrées dans l'usage, si couramment employées dans le parler populaire, que, malgré leur caractère païen (4), elles devaient survivre même au triomphe du christianisme. De pieux théologiens eurent beau s'élever contre cette idolâtrie ; de timides tentatives pour lui substituer un langage chrétien (5) ne furent accueillies ni par

(1) Gémistos Pléthon, Lois, p. 166, 4 (éd. Alexandre, Didot, 1858) ; Hymne IX aux dieux du ciel (ibid., p. 210). — Cf. supra, p. 39, note 3.

(2) Cf. Wessely, op. cit., [supra, p. 33, n. 2[, p. 12, note 2. (3) C'est le cas notamment pour le Pseudo-Galien, De decubitu (supra, p.

26) ; pour les 'Αποτελεσματικά du Pseudo-Zoroastre (supra, p. 21), pour un extrait d'Archimède (supra, p. 24, n. 4).

(4) Les noms mythologiques sont déjà condamnés par Philon, De decálogo, 12, 54 s. (IV, 281 C-W.) ; ils le sont encore à la fin de l'antiquité par Isidore de Seville (Etym.,111,71,21 ss.)et au vie siècle par Césaire d'Arles

Sermo CXXX, Migne, Pair. lat. XXXIX, p. 2004) et plus tard par Bède, De temporibus, c. 4 (P.L. XC, p. 281). Mais la répétition même

de ces interdictions montre leur peu d'efficacité. — Les gnostiques, non admettaient les noms païens des planètes, mais ils les introduisirent

dans leur système d'Éons ; cf. p. ex. Pistis Sophia, trad. Schmidt, p. 234, 28 ss. (5) Un Byzantin inconnu (Gai. cod. astr. IV, p. 993) a voulu, pour chacun

des jours de l'hebdomade substituer aux dieux païens le Christ ou les Saints. Ainsi, Vendredi, jour de Vénus, devient celui de la Mère de Dieu, Samedi, jour de Saturne, père des dieux, celui de Dieu le Père. — Un fragment attribué à tort à Jean Damascene remplace les noms des planètes par ceux des comètes

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les érudits, ni par le peuple. Les Olympiens, détrônés sur la terre, restèrent les maîtres des sphères célestes,et si on ne les prie plus dans des temples, on les invoque encore dans nos observatoires. Non seulement en grec et en latin, on continua à dénommer les cinq planètes mineures Kronos ou Saturne, Zeus ou Jupiter, Ares ou Mars, Aphrodite, ou Vénus, Hermès ou Mercure, mais bien que l'Église eût adopté dans sa liturgie latine, d'autres désignations (*) les langues romanes ne cessèrent jamais de soumettre les jours de la semaine aux divinités auxquelles les anciens les avaient

(2), et quand nous disons en français Lundi, Mardi, Jeudi, Vendredi (*), nous restons fidèles à une ancienne

tradition, dont nous avons cherché à montrer ici l'origine et les vicissitudes.

(Diskeus, Typhon etc.) que l'astrologie mettait en rapport avec chacune d'elles (P.G., XCV, 236 ; ci. Héphaiston Theb. I, 24, p. 98 Engelbrecht).— Par contre, Théophile d'Édesse, astrologue chrétien, a accompli le tour de force de

les noms des sept dieux planétaires de la semaine à l'aide du récit de la Genèse (Cat. Astr., V, 1, p. 235 ss.). — Cf. Boll, Realenc, s.v. « Hebdomas » col. 2578.

(1) On sait que, dès l'époque de Tertullien, l'Église avait adopté l'usage juif de désigner les jours par feria prima (Dimanche), feria secunda (Lundi) etc. — Cf. dom Cabrol Diet. s.v. « Fêtes », p. 1404.

(2) Sur l'emploi des noms planétaires des jours de la semaine chez les cf. Schürer, Die siebentägige Woche im Gebrauch der christl. Kirche der

ersten Jahrhunderte (dans Zeitschr. für Neutest. Wiss.} VI, 1905, p.l ss.). Les inscriptions sont ici les meilleurs témoins de l'usage populaire, et elles montrent combien celui-ci était resté fidèle aux dénominations astrologiques ; cf. Diehl, Inscr. l. christ, III, p. 311. Dans le passage même oü il condamne cet usage, saint Augustin (Enarr. in Psalmum XCIII, 13 [P.L., XXXVII,1192]) constate qu'il était généralement répandu. : quarta feria, qui Mercurii dies dicitur, a pa- yanis et a multis christianis.

(3) Samedi vient, on le sait, de Sambati (= Sabbati) dies, et dimanche de dies dominica. Mais l'anglais a gardé Saturday, Sunday, comme le Néerlandais Zaterdag, Zondag. — L'église byzantine a réussi à éliminer ces appellations impies et les Grecs se bornent aujourd'hui à numéroter les jours : δευτέρα Lundi, τρίτη Mardi, χετάρτη Mercredi, πέμπτη Jeudi ; Vendredi est παρασκευή,

σάββατον et Dimanche κυριακή. Cf. sur ces noms, Ginzel, Handb. der Chronologie, t. III, 1914, p. 97 ss.